**** *creator_regnard *book_regnard_hommebonnefortunecritique *style_prose *genre_comedy *dist1_regnard_prose_comedy_hommebonnefortunecritique *dist2_regnard_prose_comedy *id_NIVELET *date_1690 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_nivelet Qu'avez-vous donc, monsieur le Baron ? Vous me paraissez bien fâché. Franchement, vous autres gens d'épée, vous avez quelque sujet de la fronder : il me semble que parfois on vous donne sur la crête. Oh ! Ma foi, s'il y a quelque chose de passable, c'est quand le Vicomte dépouille cette innocente jusqu'à un jonc d´or qu'elle a au doigt. Ces couleurs ne crayonnent pas mal les gens d'épée, qui pendant un quartier d'hiver vous sucent une femme jusqu'au dernier bijou. Hé bien, Claudine, parviendrons-nous à souper ? La belle Claudine est bien pie-grièche aujourd'hui ! Et pourquoi, mon petit coeur ? Et pourquoi ? Enfin, si ma tante m'avait crue, je n'aurais jamais demeuré dans une auberge ; mais puisqu'on m'y a forcée, m'y voilà ; j'enrage pourtant assez. Comment donc ? Et vous, mademoiselle, où le mal vous tient-il ? Assurément. Pour vous, mademoiselle, tenez-vous en repos dans ce fauteuil, en attendant qu'on serve. Je vais à la cuisine faire hâter le souper. Ma foi, madame, ne nous faites plus de ces frayeurs-là ; l'ai cru que vous nous serviriez votre enfant sur table. **** *creator_regnard *book_regnard_hommebonnefortunecritique *style_prose *genre_comedy *dist1_regnard_prose_comedy_hommebonnefortunecritique *dist2_regnard_prose_comedy *id_CLAUDINE *date_1690 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_claudine On n'attend plus que cette Comtesse avec sa cousine, qui sont allées à ces bateleurs d'Italiens. Je crois que cette peste de pièce-là me fera devenir folle. L'auberge est tous les soirs en déroute, et nos messieurs ne reviennent plus qu'à neuf heures. Ces visages de comédiens ne sauraient-ils jouer dès le matin ? Oh ! J'en refuse autant d'un autre. Çà donc, vous plaît-il de vous tenir ? Vous arrêterez-vous, grands baguenaudiers ? Je vous aurais bordé le visage d'une assiette, plus vite... Je vous dis encore que je ne ris pas. Ces frelampiers-là sont toujours à lanterner autour d'une fille. Je suis ce que je suis ; ce ne sont pas là vos affaires : je n'ai jamais vu une diantre de maison comme celle-ci. Ce que j'ai ? Je suis toujours par voie et par chemin, pour aller quérir les drogues à cette grande halbreda de Comtesse. Il y a sans cesse à refaire autour d'elle : tantôt c'est du blanc ; tantôt c'est du rouge ; tantôt c'est un gros bourgeon qu'il faut raboter ; et que sais-je ? Cent mille brimborions. Tant y a qu'il y a toujours quelque chose à calfeutrer sur son visage. Il est vrai ; voilà un gros venez-y-voir ! Depuis dix-huit mois avoir amassé quinze écus ; voilà-t-il pas un gros butin ? Et si, là-dessus il me faudra un habit à Pâques. Çamon ! Voilà encore un plaisant fretin que des hommes ! Les rues en seraient pavées, que je ne voudrais pas en ramasser un ; et puis, en cas de mari, comme vous savez, pour quinze écus on ne peut pas avoir grand'chose... À la fin, voilà notre diable de Comtesse. La la, madame, deux jours de relais emporteront cela. Oh ! Je m'en vais chez notre apothicaire ; il a de toutes ces drogues-là. Allons, messieurs, ne voulez-vous point laver ? Je vous jetterai l'aiguière par le nez. Oh, dame ! Monsieur, dans une auberge, on n'engraisse pas à faire des récits.