**** *creator_regnard *book_regnard_souhaits *style_verse *genre_comedy *dist1_regnard_verse_comedy_souhaits *dist2_regnard_verse_comedy *id_MERCURE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mercure Je le crois aisément ; mais je me persuade Que, de leur côté, les époux, Pour obtenir même grâce que vous, Vont m'envoyer même ambassade. Comptez-vous bien du temps depuis que l'hyménée Au sort de votre époux joint votre destinée ? Mais pour vous fournir de maris Seulement pendant une année, De l'humeur dont vous êtes née, Vous épuiseriez tout Paris. Votre voeu n'est pas impétrable. Faisant place à quelqu'un qui soit plus raisonnable, Écoutez le conseil que je vais vous donner. Le mariage Est un hommage Que chacun à son tour Peut rendre à l'Amour. Mais quand un doux veuvage Assure un heureux sort, Ce n'est pas être sage D'affronter de nouveau l'orage, Quand on est au port. Voilà du dieu d'amour l'ordinaire injustice ; Il se plaît sous un joug d'airain, D'asservir bien souvent deux amants de sa main, Fort différents d'humeur, de taille et de caprice ; Puis il en rit le lendemain. La raison est choquée aux souhaits que vous faites : Mariez-vous tels que vous êtes. À porter des géants ses flancs sont destinés : Et de là, je conclus, sans être philosophe, Que sa fécondité doit vous fournir assez Ce qui, de votre part, pourra manquer d'étoffe, Et vos enfants seront bien proportionnés. Sur ce point laisse agir ta femme : Si j'en juge aux regards de cette bonne dame, Tes voeux ne seront point déçus ; Quand tu seras époux, tu deviendras peut-être Plus grand que tu ne voudrais être. Pour vous, écoutez bien ma chanson là-dessus. Un mari toujours embarrasse : Heureuse celle qui s'en passe ! On n'en a pas comme on les veut. Vous en pourrez trouver qui seront plus de mise : Mais de mauvaise marchandise Il ne s'en faut charger que le moins que l'on peut. La teinture en est bonne, et durera longtemps. Bon ! Je crois que vous voulez rire : Vous n'avez point d'affaire avec la Faculté. S'il est ainsi, vous êtes bien malade. Et ce mal vous prend-il bien ordinairement ? Oui ! Vous êtes plus mal qu'on ne se persuade. Homme, ou tonneau, je ne t'écoute pas ; Serait-ce t'obliger qu'avancer ton trépas ? Eh ! De moi tu devrais te plaindre. Ton souhait est impertinent ; Cherche une demande meilleure. Tu crèveras avant qu'il soit un an ; Et, si j'étais à tes voeux complaisant, Tu crèverais avant qu'il fût une heure. À ce propos, écoute ma chanson. Ami, je condamne l'usage De ceux qui mettent tous leurs soins À voir dans un repas qui boira davantage, Et qui vivra le moins. Buvez tant que d'Iris vous perdiez la mémoire, Vous gagnerez beaucoup ; Alors je vous permets de boire, Pour célébrer votre victoire, Encore un coup. Oh ! Oh ! Cet homme a le sang chaud. En ce temps de désordre, où l'on voit sur la terre Régner le démon de la guerre, Vous avez de quoi batailler. Vous êtes-vous battu parfois ? Ce métier à la longue ennuie, Lasse, et ne nourrit pas son maître bien longtemps. Ce souhait est vraiment nouveau, Et je ne vois rien de si beau D'aller à tout venant offrir la carte blanche : Mais, si vous commenciez un lundi Ce jeu digne d'un étourdi, À peine iriez-vous au dimanche. Quelque mortels que soient vos coups, Je connais, à votre visage, Que bien des gens voudraient posséder l'avantage D'en venir aux mains avec vous. Malgré l'habit qui me cache vos charmes, Vous ne sauriez m'imposer en ce jour : Vous vous imaginez être fait pour les armes, Et vous êtes fait pour l'amour. Venons au fait, et point tant de langage. Oui ! Mais, s'il est ainsi, comme on n'en peut douter, Que vous peut-il encor rester à souhaiter ? J'aime les gens de cet emploi : Parlez, que voulez-vous de moi ? Pour m'assurer si le voeu que vous faites Vous est avantageux, ou non, Il faudrait de ce que vous êtes Me donner quelque échantillon. Quel rôle faites-vous ? Vous avez fort bonne raison. Messieurs, je ne sais que vous dire : Vos talents n'ont pas su sur moi trop opérer. Le métier d'un tragique est de faire pleurer ; Et chacun, vous voyant, s'est éclaté de rire. Retournez en province, et suivez mon avis ; Là, vous serez admirés et chéris : Vous n'auriez pas peut-être ici cet avantage. Il vaut mieux être enfin le premier au village, Qu'être le dernier à Paris. Mortels, jusqu'à présent nul n'a demandé rien Que je lui puisse accorder pour son bien. Je vois bien que chacun s'empresse De requérir, avec grand soin, Les plaisirs, le bon vin, les honneurs, la richesse : Mais nul n'a souhaité la vertu, la sagesse ; Et c'est dont vous avez tous le plus de besoin. Ne formez donc plus tant de souhaits inutiles : Les dieux vous trahiraient, s'ils étaient trop faciles. Sans redouter le sort, mettez tout en sa main : Riez, chantez, dansez, livrez-vous à la joie ; Profitez chaque jour des biens qu'il vous envoie ; Laissez à Jupiter le soin du lendemain. Les suivants de Mercure forment une contredanse qui finit la comédie. **** *creator_regnard *book_regnard_souhaits *style_verse *genre_comedy *dist1_regnard_verse_comedy_souhaits *dist2_regnard_verse_comedy *id_POISSON *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_poisson Seigneur Mercure, en vérité, En voyant ce noble équipage Qui vous sert à faire voyage, On ne vous prendra pas, à moins d'être hébété, Pour un messager de village ; Mais cette noble majesté Qui... je n'en dis pas davantage, De crainte de prolixité. Et comédiens de campagne. C'est pour nous le bâton de maréchal de France. Jadis dans le comique Mon camarade et moi nous avions du crédit ; Mais, pour faire en tout genre admirer notre esprit, Nous chaussons maintenant le cothurne tragique, Et je fais le héros des mieux, à ce qu'on dit. Ordonnez donc, seigneur Mercure, Que les musiciens, avec leurs violons, Vous fredonnent une ouverture, Et dans peu nous commencerons. Après une telle injustice, Paris de mes talents ne profitera pas ; Et je m'en vais, tout de ce pas, Me faire comédien suisse. **** *creator_regnard *book_regnard_souhaits *style_verse *genre_comedy *dist1_regnard_verse_comedy_souhaits *dist2_regnard_verse_comedy *id_LATHORILLIERE *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lathorilliere Avec tous les respects que la divinité Exige de l'humanité, Nous venons rendre notre hommage, Et profiter de l'avantage Qui par vous nous est présenté. Des bords fameux du Pô, jusqu'aux rives du Rhin, Dans les troupes toujours cherchant un beau destin, De lauriers éclatants nous avons ceint nos têtes, Et près du sexe même étendu nos conquêtes. Le sceptre est souvent en nos mains ; Et vous voyez en nous, par le fruit de nos peines, Ce que les Grecs et les Romains Ont eu de plus grands capitaines. Rassasiés de gloire et de ses dons frivoles, Comme sont enfin les héros, Ayant dans l'univers joué les premiers rôles, Nous cherchons un peu de repos. L'honneur partout nous accompagne ; Mais nous sommes d'ailleurs fort dénués de biens, Car nous sommes comédiens. Vous savez que notre espérance, Le but de nos travaux, est d'être un jour admis Dans cette troupe de Paris, Où l'on vit avec abondance : On emploie à cela l'argent et les amis. C'est donc où se bornent nos voeux, Et ce qui peut nous rendre heureux. Pour peu que vous vouliez en passer votre envie, Nous jouerons un fragment pris d'une tragédie, Dont les vers, faits par moi, furent très bien reçus : Elle a nom, «les Amours de Mars et de Vénus», Et ce n'est proprement qu'un trait de parodie D'une scène d'«Iphigénie», Quand Achille en fureur insulte Agamemnon. Pour moi, quand je travaille, J'aime mieux imiter certains auteurs de nom, Qu'en produisant de moi, ne faire rien qui vaille. Vous voyez maintenant si c'est nous faire grâce De nous accorder une place Que le mérite seul peut nous faire espérer. **** *creator_regnard *book_regnard_souhaits *style_verse *genre_comedy *dist1_regnard_verse_comedy_souhaits *dist2_regnard_verse_comedy *id_MARS *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mars Un bruit assez étrange est venu jusqu'à moi, Seigneur ; je l'ai jugé trop peu digne .de foi. On dit, et sans horreur je ne puis le redire, Qu'exerçant sur Vénus un rigoureux empire, Et vous-même étouffant tout sentiment d'époux, Vous voulez l'immoler à vos transports jaloux. Contre ses volontés, par vos soins retenue, Vous la faites, dit-on, ici garder a vue. On dit plus ; on prétend que cette dure loi N'est donnée en ces lieux, n'est faite que pour moi. Qu'en dites-vous, seigneur ? Que faut-il que j'en pense ? Ne ferez-vous point taire un bruit qui nous offense ? Et vous pourriez, cruel, la maltraiter ainsi ! Seigneur, je ne rends point compte de mes amours : Vénus ignore encor quel en sera le cours ; Et, quand il sera temps, par vous ou par un autre Elle apprendra son sort, et vous saurez le vôtre. Pourquoi le demander, puisque vous le savez ? Mais vous, qui me parlez d'une voix menaçante, Oubliez-vous ici qui vous interrogez ? C'est pour le bien commun qu'ici mon zèle brille. Non, elle n'est pas à vous. En épousant Vénus, cette belle déesse, Vous saviez que son coeur, sensible à la tendresse, Ne se refusait pas aux transports les plus doux : À ces conditions vous fûtes son époux. Si, depuis, des amants la troupe favorite A pris chez vous des droits dont votre coeur s'irrite, Accusez-en le sort et le ciel tout entier, Jupiter, Apollon, et vous tout le premier. Vous, qui, dès longtemps, mari doux et docile, Pour moi seul aujourd'hui devenez difficile : Vous vous avisez tard de devenir jaloux ; Et Mars peut, comme un autre, être reçu chez vous. Fuyez donc ; retournez dans vos grottes ardentes, Forger à Jupiter des armes foudroyantes ; Fuyez. Mais si Vénus ne paraît aujourd'hui, Malheur à qui verra tomber mon bras sur lui ! Rendez grâce au seul noeud qui retient mon courroux ; De votre femme encor je respecte l'époux. Je ne dis plus qu'un mot ; c'est à vous de m'entendre. J'ai mon amour ensemble et ma gloire à défendre : Pour aller jusqu'aux lieux que vous voulez percer, Voilà par quel chemin il vous faudra passer. **** *creator_regnard *book_regnard_souhaits *style_verse *genre_comedy *dist1_regnard_verse_comedy_souhaits *dist2_regnard_verse_comedy *id_VULCAIN *date_(non *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_vulcain Assez et trop longtemps ma lâche complaisance De vos déportements entretient la licence, Madame ; je ne puis les souffrir plus longtemps ; Et Mars fait voir pour vous des feux trop éclatants. Vous immolez ma tête aux malheurs d'un époux, Et le mal d'assez près me touche. On ne m'abuse point par de fausses caresses ; Je sais ce que je dois croire de vos discours. Et c'est là ma douleur amère ! Des Amours vous êtes la mère ; Et moi, Vulcain, qui suis par malheur votre époux, J'en devrais être aussi le père, ce me semble : Cependant, au dire de tous, De tant d'enfants aucun ne me ressemble ; Et les mortels, dans leurs discours, Ne m'appellent jamais le père des Amours. C'est trop insulter à ma peine. À son appartement, gardes, qu'on la remène, Et qu'on l'empêche d'en sortir. Deux Cyclopes s'emparent de Vénus. Vous avez trop longtemps lassé ma patience. Je parle, j'ai parlé ; c'est à vous d'obéir. Les deux Cyclopes emmènent Vénus. Faut-il cruel hymen, que, tout dieux que nous sommes, Nous ressentions tes coups comme les autres hommes ? Seigneur, je ne rends point compte de mes desseins : Ma femme ignore encor mes ordres souverains ; Et, quand il sera temps qu'elle soit enfermée, Vous en serez instruit avec la renommée. De vos secrets complots je suis trop éclairci : Vos discours me font voir ce que j'avais à craindre, Et vos lâches amours ne sauraient se contraindre. Ah ! Je sais trop le sort que vous me réservez. Pourquoi je le demande ! Ô ciel ! Le puis-je croire, Qu'on ose des ardeurs avouer la plus noire ? Vous pensez qu'approuvant vos feux injurieux, Je vous laisse achever ce complot à mes yeux ; Que ma foi, mon honneur, mon amour y consente ? Oubliez-vous qui j'aime, et qui vous outragez ? Et qui vous a chargé du soin de ma famille ? Avez-vous sur ma femme acquis des droits d'époux ? Et ne pourrai-je... Moi ! Juste ciel ! Puis-je entendre et souffrir ce langage ? Est-ce ainsi qu'au mépris on ajoute l'outrage ? Moi, pour le bien commun, j'aurais pris femme exprès, Et serais seulement époux ad honores ! Des plaisirs du public lâche dépositaire, Je ferais de l'hymen un trafic mercenaire ! Je ne connais ni dieux, ni mortels favoris ; Ma femme est à moi seul, et n'en veux qu'à ce prix. Je tiens à Jupiter par un noeud qui l'engage À me mettre à l'abri de votre vaine rage : Mais, lorsque je voudrai la cacher à vos yeux, Je percerai le sein des antres les plus creux. Là, bravant vos efforts, et nageant dans la joie, Je saurai de vos mains arracher cette proie. Et voilà ce qui doit avancer ma vengeance. Ton insolent amour aura sa récompense. Holà, gardes, à moi. Mais tout beau, mon courroux ! Ne précipitons rien. Venez, suivez-moi tous. **** *creator_regnard *book_regnard_souhaits *style_verse *genre_comedy *dist1_regnard_verse_comedy_souhaits *dist2_regnard_verse_comedy *id_VENUS *date_(non *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_venus Ne cesserez-vous point, dans votre humeur farouche, De m'immoler sans cesse à vos transports jaloux ? Vous ne méritez pas l'amour qu'on a pour vous. Que manque-t-il à vos tendresses ? Vous avez épousé la mère des Amours. Il serait beau, vraiment, que de votre visage Mes enfants eussent quelques traits ; Vous n'avez pas assez d'attraits Pour leur souhaiter votre image. Que dirait tout le genre humain, Si, de notre couche féconde, Il voyait voler dans le inonde Des Amours forgés par Vulcain ? Quoi ! Voulez-vous, par cette violence, Forcer mon coeur à vous haïr !