**** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_LACRITIQUE *date_1741 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_lacritique Non, c'est en vain que votre Rhétorique Veut me faire tremper dans un pareil projet. Je soutiens, moi, qu'il ne peut avoir lieu. Il radote. Si cela continue il faut qu'on le garrotte, Et que pour attribut désormais, à ce Dieu, On donne, au lieu de Lyre, une bonne marotte. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'il passe par mes mains, Et je le veux faire interdire ; Il sait que La Critique et même La Satire Des plus célèbres écrivains, Guidés par tous les feux que son génie inspire, N'ont jamais pu corriger les humains, Et prétend aujourd'hui, par un nouveau délire, Essayer des secours aussi vagues que vains. Mais, à ces motifs singuliers, Je suppose que je me prête, Qui vous dit que l'on vienne ici me consulter ? La belle grâce ! De leurs défauts et de leur ridicule Rien ne les corrigera. Arrêtez. Je vois avec plaisir de mes sujets fidèles En vous l'ornement et l'appui, J'aperçois vos desseins, vous voulez aujourd'hui Savoir de notre écho des histoires nouvelles, Afin d'en régaler ce soir Les amis qui viennent vous voir. Mais avec de l'esprit on s'entretient, on cause. Ne saurait-on briller sans se montrer malin ? Et ne peut-on raisonner d'autre chose Que des travers du genre humain ? Hé bien, je vais répondre à votre empressement. Oui, si de quelque événement Vous n'êtes par hasard que faiblement instruite Je vais vous le conter et vous pourrez en suite, Enchanter vos amis par ce récit charmant. Comme ma science est égale À celle de l'écho que l'on vient consulter, Tout aussi bien que lui je puis vous contenter. De quel nouveau récit faut-il qu'on vous régale ? On sait qu'hier au soir il épousa Julie. On dit que sa femme est jolie Qu'il l'aime uniquement et qu'il en est aimé. Nous ne le savions pas encore Et notre oracle apprend cela de vous. On parle des chagrins de la charmante Flore Depuis que Lisimon est devenu jaloux. C'est, n'en pas tout à fait avoir le démenti. Il faut du moins de ce mal incurable Savoir tirer un bon parti, Se distinguer de son semblable Qui bien souvent gratis s'y trouve assujetti. Mais je sais une autre nouvelle : Damis est à la fin bien reçu d'Isabelle. Mais il est tous les jours chez elle. Le trait est fin, mais il n'est pas nouveau. Angélique dans son château Depuis huit jours s'est retirée, Son mari l'a désespérée. Alcidamie est fort malade Et vient de partir pour les eaux. Mais je n'ai plus rien à vous dire. Et j'apprends bien plus avec vous Que vous ne pouvez vous instruire En écoutant ce que l'on sait chez nous. Vous avez même une science Dont nous ne possédons aucune connaissance. C'est l'art de deviner le but, l'intention De la plus commune action, Tant de sagacité n'est point à notre usage. Attendez, voulez-vous que je vous éclaircisse Des véritables sentiments Qu'ont pour vous ces amis, dont ces récits charmants Savent amuser la malice ? Ils disent que les traits d'une secrète envie Contre tout votre sexe animent vos discours Et que pour décrier une femme jolie De cent propos malins empruntant le secours, D'un ridicule affreux vous noircissez sa vie ; Que vous n'épargnez point votre meilleur amie ; Qu'à peine de chez vous quelqu'un s'en est allé De mille traits mordants ont le voit accablé, Que ce goût pour la raillerie Vous fait souvent calomnier, Et qu'on est à l'abri de la plaisanterie Qu'en se retirant le dernier. Que cet étrange caractère Éloigne de chez vous la sincère amitié, Et que si vous traitez l'Univers sans pitié Sur ce qui vous regarde il ne s'épargne guère. Cette personne est faite pour médire, Pour rire du prochain, et pour le faire rire. Est-ce celui dont les Métamorphoses Ici l'hiver dernier ont fixé son destin ? Ce fameux Scanderberg dont la souplesse agile A fait tant de fracas dans cette grande ville ? Fort bien, mais cependant un peu d'agilité, Ne sied point mal aux gens de votre espèce. Oui, l'esprit est du coeur la véritable route, Vous en avez beaucoup sans doute ? Mais je m'y connais peu ; D'ailleurs de ce moment je vous vois en ce lieu, Je n'ai pas eu le temps d'en connaître la force. La définition est brillante. Mais qui donc êtes-vous ? Car la scène italique Fournit depuis un certain temps Si grand nombre de débutants Qu'on n'en distingue aucun dans la bouche publique. Et voilà le fin de l'histoire. L'affluence des spectateurs Est la pierre de touche et le sceau de la gloire, Des avocats et des auteurs, Des médecins, des marchands, des acteurs, Des belles, de tous ceux que leurs talents exposent À la censure du public. C'est justement parce qu'on vous entend, Que vous ne voyez plus personne. L'Italien est vieux. Ne vaut rien. Voilà le seul moyen de vaincre la fortune. Elle est injuste aveugle dans son cours, Mais elle a souvent des retours Qu'elle accorde à qui l'importune. Mais je vous avais demandé Qui vous étiez ? La rencontre peut être heureuse, Et souvent au hasard on doit les bons succès. Mais dans ces lieux où vous venez exprès, Quel motif a conduit votre humeur curieuse ? Vous m'avez dit en arrivant ici Que vous veniez pour savoir bien des choses. Pour ce qui vous regarde ? Quoi ! Ce n'est pas pour vous... Deux genres différents ne se font nul obstacle, Vous pouvez l'un et l'autre avoir d'heureux talents. Voilà comme on pense aujourd'hui ; Chacun n'est occupé que des défauts des autres. Je le pardonnerais, si les fautes d'autrui Pouvaient nous corriger des nôtres ; Mais cela ne se peut, et par bonne raison, Nos défauts et l'amour que l'on a pour soi-même, Ont une intime liaison, Et comme l'on ne peut condamner ce qu'on aime, On blâme son voisin, sans y connaître même Et notre exemple et sa comparaison. L'horreur et le mépris qu'inspirent les travers Sont de l'humanité les plus grands avantages. Tous les hommes de l'Univers Seraient heureux, s'ils étaient sages. Non, mais de vos talents voulez-vous voir la liste ? Tenez, voilà votre, confrère. Vous devez pardonner les désirs. C'est se louer avec esprit, Et la façon en est avantageuse, La louange souvent devient pernicieuse, Mais celle-ci peut tourner à profit. Vous voulez donc savoir ce que de vous l'on pense ? Expliquons-nous, est-ce pour corriger Vos défauts, si l'on vous en trouve ? Il est plus glorieux cent fois de s'éclairer Sur des défauts que l'on corrige, Que de se voir trop admirer Pour des talents qu'en suite l'on néglige. C'est le public qui cause ce malheur, Par la même raison qui le rend favorable Aux talents d'un passable acteur, Il lui doit être inexorable S'il abuse de la faveur Dont il ne doit user que pour être agréable. Mais le public, (il ne nous entend pas, Et je puis là-dessus dire ce que je pense,) Gâte par trop de complaisance Nombre d'acteurs dont il fait trop de cas, Et souvent faute d'indulgence Étouffe des talents dont il pourrait jouir, Pour peu qu'il eût la patience De les laisser s'épanouir. Messieurs ! C'est jouer fort bien la colère. Il n'est pas nécessaire, Et vous avez tous deux prononcé votre arrêt. Les compliments que l'un à l'autre En arrivant vous vous êtes poussés, De la façon dont ils étaient pensés, Font votre portrait et le vôtre. De ce jeune orgueilleux, qui n'a pas lieu de l'être, Je veux humilier l'extrême vanité. Moi, Monsieur, je n'ai pas l'honneur de vous connaître. Non vraiment ? Non plus. Je n'en étais point informée. Mais puisque vous courez de si nobles hasards, Quel est votre emploi ? Mousquetaire ? C'est là que la jeunesse encliné au militaire, S'endurcit aux travaux de Mars. Voila bien du sang répandu, Et je conviens que sans le volontaire Le corps d'armée était perdu. Vos exploits ? Pas un mot. On ne les a jamais appris. Eussiez-vous encor vu l'Espagne, Vos exploits n'ont jamais percé dans ce séjour. Qu'elle pleurait un jeune Colonel Qui seul la retient dans sa chaîne. On a parlé d'un jeune fat Qui s'est fait enlever lui-même, Serait-ce vous ? Oui, sous votre nom on l'ignore, Et vous devez être charmé Qu'un objet digne d'être aimé Soit à l'abri d'un coup qui déshonore. Je n'en ouïs jamais faire l'apologie. On en rit. Que vous ne l'avez pas payé. On ne doit point s'en prendre à l'interprète, Mais d'après moi je vais donc vous parler Avec une exacte franchise. Une vertu qu'on veut trop étaler Ne mérite pas qu'on la prise. Elle se fait tympaniser Pour peu qu'elle soit fanfaronne, Et le public malin se plaît à refuser Ce qu'à soi-même l'on se donne. Rabattez-donc de cette vanité, À tant d'honnêtes gens funeste, Joignez à l'intrépidité L'heureux talent d'être modeste. Si de vous faire aimer vous trouvez le secret, Dans votre coeur renfermez cette gloire, Et sachez qu'en amour un vainqueur indiscret Bien loin de triompher, avilit sa victoire, Puisqu'on en méprise l'objet. À la discrétion ajoutez la constance. Sur votre esprit et sur votre naissance... Je vous parle de vous, d'où naît donc votre ennui ? Quel est cet homme sérieux Qui tout près de moi se promène, Et qui ne daigne pas sur moi jeter les yeux ? Il est original, sachons ce qui l'amène. Monsieur, puis-je, sans vous fâcher, Pour un moment vous arracher À cette sombre rêverie ? À ma curiosité Répondez, je vous en prie, Que faites vous tout seul ? Je vous plains fort en vérité, Mais à ce triste état n'est-il point de remède ? Et ce jardin par sa beauté Ne peut-il adoucir l'ennui qui vous possède ? D'où vous vient ce dégoût ? Les spectacles, je pense, Sont tels qu'ils étaient autrefois. Je vois que votre esprit s'occupe À chercher partout du nouveau, Mais de ce sentiment on est souvent la dupe Le nouveau n'est pas toujours beau. Ne vaut-il pas bien mieux voir ces divins ouvrages Qu'on a de tous temps admirés Qui font le désespoir de ces auteurs peu sages, Dont les pas chancelants et souvent égarés, Courent après l'esprit dans leurs vers bigarrés Et ne font que rimer les ennuyeuses pages Des romans les plus ignorés. Je ne puis seconder le désir qui vous guide. Par une critique solide J'effraye les auteurs loin de les animer, C'est mon emploi de les tenir en bride ; Mais vainement mon œil les intimide, Leur amour propre a soin de rallumer, Malgré ma censure rigide, La fureur qu'ils ont de rimer. Mais j'aperçois quel qu'un dont la veine fertile Ne veut point rester inutile. Le feu que dans ses yeux je vois étinceller Me fait juger qu'il va vous consoler. Dites-nous donc votre projet ; De l'avis de Monsieur, je serai secondée, Devant ce connaisseur expliquez votre idée. C'est par là cependant qu'il faudrait commencer. En quoi donc notre avis peut-il vous être utile ? Certes, à le deviner j'aurais eu de la peine. Mais vous vous repaissez d'une espérance vaine, Et de l'invention vous n'avez pas l'honneur. Une actrice agréable et finement placée, L'an passé soutint le bonheur D'une pièce flatteuse où toujours la pensée Sans éblouir l'esprit, arrivait droit au coeur. Comme trois acteurs seuls la jouaient toute entière, Vous prétendez enchérir là-dessus ; Mais l'imitation fut toujours un abus. Un seul a pu fournir cette heureuse carrière. Ne montrer qu'un acteur le coup est hasardeux ; Songez-y bien, quelque bon qu'il puisse être, D'un public assemblé l'on n'est pas toujours maître. Non, je ne puis approuver vos projets. Votre conduite est sage et prise avec adresse ; Mais, croyez-moi, variez les objets, C'est-là des bons auteurs la parfaite science. L'intérêt a plus de puissance Quand il est répandu sur différents sujets : Eh ! pourquoi prendre une peine inutile ? Pourquoi de la variété, Fuyant le sentier usité, Se donner la torture à devenir stérile ? À Corriger les faiblesses humaines, Le Seigneur Apollon perdra toujours son temps. Mes démarches ont été vaines ; Mais quel bonheur, Messieurs, quel doux fruit de mes peines ? Si j'ai pu vous flatter pendant quelques instants ! Vous qui suivez sa Cour, enfants de Terpsicore, Venez former des pas badins, Et que vos jeux, dans ces jardins, Annoncent le retour de Flore. **** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_BELISE *date_1741 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_belise Déesse permettez qu'en ce moment heureux. Mon coeur vous témoigne sa joie, Votre retour ici met le comble à mes vœux Et va chasser l'ennui dont nous étions la proie. Paris va devenir un séjour enchanté, Si d'y fixer vos pas vous avez la bonté. Ne nous quittez plus, je vous prie. Vous faites l'agrément de la société, Nous voyons sur vos pas la fine raillerie Des conversations ranimer la gaîté, Et joindre l'agrément de la plaisanterie Au piquant de la vérité. Oui, c'est-là ce que je désire, On s'assemble pour se parler Et les trois quarts du temps on n'a rien à se dire ; Tout ce qu'on peut se rappeler N'étant point neuf, n'est jamais agréable On s'est en vain promis une soirée aimable, Et l'on se quitte tristement Sans avoir pu goûter le moindre amusement. Eh ! De quoi donc ? Voyons. Considérez, de grâce, Si sur d'autres sujets on peut s'entretenir. De parler de spectacle à la fin on se lasse, Tous les acteurs nouveaux, que l'on nous fait venir, Sont les premiers hommes du monde, Mais leur éloge est fait en moins d'une seconde. Depuis longtemps les beaux esprits, Relégués au café, ne sont plus gens de mode. On fait si peu de cas d'un sonnet ou d'un ode, Qu'on ne voit ces messieurs, non plus que leurs écrits. La science jamais ne fut à notre usage, Parler d'ajustements est un fade langage, Le jeu qui séduit tout n'a point d'attraits pour moi. Quels entretiens peuvent être les nôtres ? C'est un travers affreux que de parler de soi, Il faut bien qu'on parle des autres. Du jeune Dorilas a-t-on déjà parlé ? Oui, mais n'a-t-on pas démêlé Le singulier motif de l'hymen qui les lie ? On ne sait que cela ? L'on est mal informé, Je vous en dirai davantage. La Baronne Araminte a fait ce mariage Elle est un peu sur le retour, Et depuis plus d'une année Dorilas lui faisait la cour. Elle s'est imaginée Par quelques moments de froideur, Que Dorilas sentait une nouvelle ardeur Et ses soupçons sont tombés sur Julie. Elle est femme d'esprit s'il en est dans la vie, En un instant elle a pris son parti ; Ce mariage était bien assorti, En quinze jours elle l'a fait conclure ; Elle sait de l'hymen le funeste pouvoir Et connAissant l'amour ennemi du devoir Par ce manège adroit elle croit être sûre D'éteindre en sa naissance une si vive ardeur Et ramener l'amant qui faisait son bonheur. Son mari ? point du tout, il est époux commode Et voit avec plaisir Polisandre chez lui. De ce riche fermier il recherche l'appui, Mais le beau Floridor est un homme à la mode ; Son air trop engageant déplaît au financier Ce qui de la maison l'a fait congédier. Lisimon peu touché des traits de son épouse Lui laisse pleine liberté De choisir des amants pour son utilité, Mais en tout autre cas, il est d'humeur jalouse. Oh ! Point du tout, jamais on n'a pu le souffrir. Oui, mais de leurs raisons je vais vous éclaircir. Damis l'a longtemps poursuivie, Et n'a jamais pu réussir Quoi qu'il l'aimât plus que sa vie. Enfin, lassé d'un froid accueil, Damis vient d'étouffer une flamme importune, Mais comme il veut jouer l'homme à bonne fortune Il a pris le parti, pour sauver son orgueil, D'affecter avec Isabelle Un air reconnaissant, un ton mystérieux. On jurerait, à le voir avec elle, Que son amour victorieux A triomphé de la cruelle. Isabelle de son côté Veut bien qu'on le pense de même, Et par une finesse extrême, Redouble pour Damis d'égards et de bonté. Il faut pour cent raisons qu'on ignore la flamme Qui depuis trois mois dans son âme Éclate pour un autre amant. C'est ainsi qu'en Public son ardeur se déguise, Et le galant qu'elle méprise, Sert à cacher adroitement Celui que son coeur favorise. Non, de son désespoir le sujet est plus beau, L'ingrat Chevalier l'abandonne, Elle ne veut plus voir personne, Mais elle s'en consolera, Et dans huit autres jours elle reparaîtra. Mais oui, déjà cette promenade Soulagera beaucoup ses maux. La terre du Marquis est dans la Normandie, Et l'air en est doux tout à fait, Nous la verrons de dix ans rajeunie Quand ce voyage sera fait. Quoi ! J'aurai le désavantage De n'obtenir de vous aucune instruction ? Oui, Déesse, je le veux bien. Surtout, si vous m'aimez, ne me déguisez rien. La sincère amitié qui jadis me flattait, Sans jamais la trouver je l'ai toujours cherchée. J'ai vu que son nom seul dans le monde existait Et je m'en suis à la fin détachée. Mais pour quelque raison que l'on vienne me voit. J'ai du monde chez moi, sa présence m'amuse, Et la société borne tout mon espoir. Le mal qu'on dit de moi sans peine je l'excuse, Je ne m'occupe point de chagrins superflus, Quand je dirais du bien de toute la nature La médisance et l'imposture Ne m'en épargneraient pas plus. **** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_LARLEQUINFRANCAIS *date_1741 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_larlequinfrancais Je viens ici pour savoir bien des choses. En premier lieu vous voyez Arlequin. Fi donc ! Je suis bien homme à me casser le cou. Je crois toujours être de verre, De me risquer ainsi, je ne suis pas si fou. Je suis Arlequin terre à terre. Ma prudence est un frein à ma témérité. Abus, c'est dans l'esprit qu'il faut de la souplesse, Dans le geste, dans le maintien, Mais dans le corps ? Elle ne sert à rien. Ne le voyez-vous pas ? À votre jugement vous donnez une entorse, Un mot suffit à pareil jeu ; Et comme l'esprit est un feu, On doit sentir le coup voyant partir l'amorce. Vraiment Je définis toujours par argument. Le trait est des plus insultants, Et plus injuste encor que satyrique. Nos débutants ont tous fait leur devoir : Il n'en est point entre eux qui ne soit passé maître, Et si l'on manque à nous connaître, C'est faute de nous venir voir. Les préjugés vous en imposent, Et de l'esprit du temps vous avez pris le tic, Tout est mode aujourd'hui, toute mode est caprice ; On court par habitude où l'on doit s'ennuyer, Lorsque l'on abandonne avec quelque injustice Un spectacle zélé qu'on devrait appuyer. La Coquette Laïs arrête dans sa chaîne Quarante amants qu'elle trompe à la fois, Tandis que l'innocente et fidèle Climène N'en peut conserver un, qui seul fixe son choix. Un tel Marchand qui nous rançonne Est accablé de foule à chaque instant, Tandis que son voisin ne vend rien, quoiqu'il donne Sa marchandise aux prix coûtant. Autrefois notre scène était toujours remplie, Quoiqu'on ne nous entendit pas, Au moindre geste, à la moindre folie, Le jeu retentissait d'un énorme fracas, Le tout parce qu'alors nous venions d'Italie, Et maintenant, c'est ce qui me surprend, Nous parlons bon français et l'on nous abandonne. Hé bien, qu'on vienne donc à notre Italien. Le Français. Vous nous accommodez, Madame, en taille douce. Mais ventrebleu, notre tour viendra, Si contre nous le destin se courrouce, Le zèle ardent qui nous guide et nous pousse, De ce courroux triomphera. Je suis Madame Un Arlequin un peu dégingandé Que le désir de plaire enflamme. En passant à Paris, guidé par le hasard, J'y débutai par aventure, On m'y reçût d'un air entre doux et hagard, Et dans tout ceci, je vous jure, Le cas fortuit a grande part. C'est l'écho du Public qui me met en souci. Oh non, j'ai d'autres causes. C'est sur mon concurrent Que je viens consulter l'Oracle. Tous deux d'un genre différent, Et tous deux au même spectacle Je voudrais bien savoir la façon dont il prend. Je sais que l'un de nous en compte d'excellents, Mais satisfaites, je vous prie, Un petit grain de curiosité. De notre Arlequin d'Italie Dites-moi les défauts avec sincérité. Je n'aime point la flatterie. C'est assez le commun système, Mais puisqu'il est ainsi nous serions trop de temps À refondre un abus qui vient de la nature. Puisque les hommes sont contents, De leurs vertus, comme de leur figure Ce serait vainement que nos traits insultants Voudraient dauber sur leur structure. Il n'en serait ni plus ni moins. Employez bien plutôt vos soins Pour la félicité commune. Faites paraître les plaisirs, Satisfaites tous les désirs ; Votre morale alors pourra faire fortune. Vous ne voulez donc pas m'apprendre ce qu'on dit D'Arlequin mon antagoniste ? Je les connais, et cela suffit. Qui peut le conduire en ces lieux ? Que prétend-il ? Et qu'est-ce qu'il espère ? Défaites-vous de ce franc polisson. Que votre compliment soit éloge ou satyre, Je dois rendre justice à vos perfections. Je ne puis vous louer que par vos actions, Car de l'Italien je ne fais point usage, Mais à juger de vous par vos lazzis Vous me faites plaisir on ne peut davantage, Il sont justes, badins, choisis, Éloignés de tout batelage, Oui, votre jeu muet entraîne mon suffrage, Si je vous entendais, ce serait encor pis. Voudrait-il me railler ! C'est un honneur insigne De se voir applaudir par un maître de l'art. Mais vous vous dépouillez de la plus grande part Des qualités dont je ne suis pas digne. Il est certain qu'à cet égard Je ne suis que l'oison, et vous êtes le cygne. C'est des comédiens l'usage accoutumé, Ils sont comme le petit maître Qui, du moment qu'il est aimé, Ne s'embarrasse plus de mériter de l'être. Oui, je conviens de ce principe, Il chérit des sujets qu'il devrait abaisser, Et bien souvent il prend en grippe De fort jolis acteurs qu'il devrait caresser. Bon, c'est la nouveauté dont il est idolâtre, Qui vous fit recevoir des suffrages légers, D'ailleurs la Nation jusques sur le théâtre Veut faire honneur aux étrangers. Vous voyez bien que votre réussite A cessé malgré son fracas. La disette de Compagnie. Visite de cérémonie Où l'on baille avant de s'asseoir. Il faut s'en prendre aux auteurs d'à présent Que ne m'ont-ils donné des rôles Comme autrefois, badins, légers et drôles, J'aurais été fort amusant, Mais ces Messieurs, guidés par le caprice, La prévention, l'injustice, Ou ne m'en donnent point, ou m'en font de mauvais. À votre tour, l'insolence est extrême, Et je pourrais... Ventrebleu ! Prends garde à toi, toi-même. Ce n'est qu'une scène de jeu, Je respecte le sexe. Pour le punir de sa témérité Qu'entre nous deux votre bouche prononce, L'organe de la vérité Le confondra par sa réponse. Te voilà tondu. Parlez. Expliquez-vous mieux, s'il vous plaît. C'en est assez. **** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_LARLEQUINITALIEN *date_1741 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_larlequinitalien Montrez-moi mon panégyrique, Peste soit de ces mots français Qu'il faut prononcer à trois fois ; Que chante-t-on de nous, dans la bouche publique ? Que dit le Grand Seigneur ? Que pense le Bourgeois ? Ah vous voilà mon cher, faites qu'il se retire, Vous voyez devant vous un excellent bouffon, Il sait se démener de la bonne façon. Je ne le vois jamais sans rire. Pour moi, je sais assez de la langue française Pour connaître le fin de vos traits délicats, Vous suppléez par quelque parenthèse À ce que l'auteur ne dit pas. Vous riez ou pleurez avec la même grâce, Votre esprit vif n'est jamais en repos Et votre corps ne reste point en place. On peut vous appeler un arlequin dispos, Ce qui m'en plaît le plus, soit geste, soit grimace, Chez vous également tout se fait à propos. Oui, je veux apprendre ma chance. Je ne viens point ici pour m'affliger, Et ne veux rien savoir si l'on me désapprouve. Pour moi je le crois juste en tout ce qu'il décide, Et j'en ai pour témoins les éclats et les ris Dont il flatta le zèle qui me guide Quand je débutai dans Paris. C'est qu'on s'accoutume au mérite. On s'accoutume, soit, on ne s'en lasse pas. Qui vous a dit qu'on en soit las ? On vient encor souvent me voir. Ah ! Mon cher, vous cassez les vitres, Mais j'ai du moins, par mes succès, Enflé l'orgueil de nos registres, Vous n'avez point à beaucoup près À nous montrer de pareils titres. Ils travaillent pour leurs sujets. Cospeton ! Prends garde à toi. Et moi je le révère. Je le veux bien, crains d'être confondu. J'écoute. Je vous en prie. Comment cela se peut-il faire ? Je vous entends. **** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_LEMARQUIS *date_1741 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lemarquis Parbleu, Déesse ; sans mentir, Je vous donne bien de la peine, Je mets l'écho tout hors d'haleine, De mon nom seul on l'entend retentir. N'est-il pas vrai, ma belle Reine, De toutes les façons je suis sur le tapis ? Tantôt l'amour, tantôt la gloire Tiennent leur rang dans mon histoire, Quand Bellone est contente, on gémit à Paris, Mais qu'y faire ? Quand la victoire D'une palme éclatante offre l'illustre prix, On s'arrache des bras de l'enfant de Cypris. Vous ne répondez rien ? Vous me boudez peut-être ? Et prenez du mauvais côté Ma dernière infidélité ? Vous ne connaissez pas le Marquis Lisidor ? L'aventure est très particulière, Et sa Maison ? Encore ! Et d'où sortez-vous donc, ma chère ? Je n'eus jamais plus lieu d'être étonné, Mon nom partout a raisonné, Dans les ruelles, à l'armée, Et c'est pour moi qu'on a donné Cent bouches à la Renommée. Oh ! Pour moi, je suis volontaire. J'ai résolu de ne point m'attacher À quelque corps que ce puisse être, D'aller aux coups vous n'êtes pas le maître Sans un ordre exprès de marcher. Vous verrez la première ligne Enfoncer, renverser celle des ennemis, Sans qu'il vous soit un seul instant permis D'abandonner l'endroit qu'on vous consigne. Un honnête homme est piqué vivement De voir, pendant qu'on se chamaille, Qu'il n'est chargé que du désagrément De garder le champ de bataille. Un volontaire est bien plus en état De moissonner dans les champs de Bellonne ; C'est à la droite que l'on donne, Il part comme un éclair, s'introduit au combat ; Les ennemis attaquent par le centre, Il court soutenir leur effort, Dans leurs rangs il pénètre ; il entre, Il y conduit la terreur et la mort. L'aile gauche par malheur plie, Il vole, et son courage aussitôt la rallie. C'est un échantillon de ce qu'on m'a vu faire. On doit parler dans tout Paris De mes exploits en Italie ? Comment on les oublie ? Vous vous moquez, et ce qu'en Allemagne On m'a vu faire à Philisbourg, Dans cette glorieuse et pénible campagne ? Mais votre écho sans doute est sourd. Ne point parler de moi ? la chose est incroyable ; À quoi donc nous sert-il d'être recommandable ! On se tue à se faire un nom, Et l'on essuie une telle injustice ! Le public se tait par malice. Et de mes amours que dit-on ? Qu'a-t-on pensé de la jeune Climène ? Lors qu'après mon départ, qui lui fit tant de peine, On la vit se livrer à son chagrin mortel. Pour le coup le trait est cruel. Comme la foule prend le change ! Et de cette aventure étrange Qui dans Venise m'arriva, N'en dit-on rien ? L'on sait qu'une charmante Dame, Pour mieux s'assurer de ma flamme, Par un beau matin m'enleva. Cette beauté se fit un tort extrême Par cette aventure d'éclat. On ne sait ce qu'on dit. Comment donc cette affaire encore Me serait-elle arrivée à crédit ? Mais si ce coup est ignoré, Je me vois moi déshonoré. Que faut-il donc pour briller dans le monde ? En vain la réputation Sur le mérite et la valeur se fonde. Puisqu'il n'est point fait mention A mon égard de la moindre action, Je vais brûler un temple ou l'enfer me confonde. Garde-t-on le silence aussi sur mon esprit ? Palsambleu c'est une magie. De mes grands airs qu'en dit-on ? Ah fort bien, et de cette page Mon nom ne sera pas rayé. Que dit-on de mon équipage ? Savez-vous bien, mon aimable indiscrète, Que je me lasse des brocards Qu'avec si peu de respect et d'égards Votre humeur caustique me jette ? Nous ne finirions d'aujourd'hui, Parbleu, vous vous moquez, je pense. Je ne suis point venu pour que l'on m'épilogue, Et ne m'attendais pas à trouver en ces lieux La morale d'un pédagogue, Et les lardons les plus malicieux. Je vous soutiens que cette modestie Que vous imposez aux humains, De toutes les vertus est la moindre partie, Les plus humbles souvent nous cachent les plus vains. D'ailleurs on a de son courage Des deux côtés trente mille témoins, Ce serait vainement qu'on emploierait ses soins À le couvrir d'un sot nuage, Vous en admirerait-on moins ? Pour la discrétion qu'au commerce des Belles Vous voulez qu'on observe avec tant de candeur, Sachez que souvent ce sont elles Qui veulent qu'au grand jour éclate leur ardeur. Pour la fidélité, c'est un usage antique : Une Belle rirait de vos tendres langueurs, Si vous lui proposiez de lier vos deux coeurs Par un bail emphytéotique. Adieu, ne donnez plus d'avis, Ou bien changez vous-même de méthode, Si vous voulez qu'ils soient suivis, Car ils ne sont plus à la mode. Remplissez mieux votre district. Bonjour, Divinité suprême, Vous suivez d'un auteur le malheureux système, Il se dit l'écho du public, Et n'est l'écho que de lui-même. **** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_FILEMON *date_1741 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_filemon Déesse, je m'ennuie. Non, de ses agréments mon coeur est peu flatté. Je n'aime point la promenade, Pour moi c'est un plaisir trop fade, Et je n'y suis venu que par oisiveté. Le spectacle faisait autrefois mes délices, Mais je n'y saurais plus aller Et je vois par de sûrs indices Que désormais on veut m'en exiler. Moi, j'y vois une différence Qui doit incessamment les réduire aux abois. Comment depuis un an point de pièces nouvelles ? Toujours des Opéras que nous savons par coeur, Quoique du grand Lulli les scènes soient très belles Elles font à la fin languir le spectateur. Pour les ballets, ils sont d'une beauté suprême Mais je vois dans le même jour Recommencer six fois le même, C'est me jouer un mauvais tour. Les Français ont le vent en poupe En donnant des antiquités Et réservent leurs nouveautés Pour les faire jouer par la petite troupe. Peut-on souffrir de tels abus ! Chez les Italiens on voit quelques bluettes, Mais pour les soutenir leurs soins sont superflus, Les nouveautés chez eux sont comme les comètes Qui durent peu de temps et qu'on ne revoit plus. Déesse, vous avez beau dire, J'aime mieux écouter ce que je n'ai point vu, Que ce qui dès longtemps au lecteur est connu. Apprendre tous les jours est ce que je désire ; C'est pour les nouveautés ce qui fait mon ardeur, Et l'effet que saura produire Un ouvrage nouveau dont je suis spectateur ; Au pis aller est de m'instruire De la sottise d'un auteur. Quoi ? Ne faire plus rien ! J'en suis inconsolable. Réveillez les auteurs de l'assoupissement, Déesse, et le spectacle à mes yeux plus aimable, Fera tout de nouveau mon seul amusement. Voilà ce qui s'appelle avoir du jugement, Et vous prenez, Monsieur, un parti très louable. De vous mal conseiller, Madame est incapable, Et votre pièce assurément Ne peut après cela paraître qu'admirable. Un genre singulier ! Oui, c'est bien notre affaire. Eh ! Comment vous y prendrez vous ? C'est le genre vraiment le plus brillant de tous, Mais quand on s'y hasarde on paraît téméraire. La foule à ce plaisir n'est pas toujours bornée, Et du pauvre Pygmalion La pièce a fait tomber la décoration. Mais depuis qu'au solide à Paris l'on s'applique, On a pris du goût pour l'optique Et l'amusement est fort bon. On chérit des couleurs les contrastes magiques Et ce goût est venu, dit-on, Des expériences physiques Et du système de Newton. Le sujet est sublime et j'en suis étourdi. Je n'y vois pas pourtant tout ce que je désire, Et vous oubliez Vendredi Qui pourrait fournir de quoi rire. Déesse, permettez que je suive ses pas, Témoin de son projet j'aurai cet avantage, D'être confident de l'ouvrage : Avant qu'il soit joué je n'en parlerai pas, Mais après son heureuse issue, Je dirai partout hautement, Bon, depuis six mois je l'ai vu, Je la connais dès son commencement ; Pouvait-elle être mal reçue, J'y donnais mon avis, même assez fréquemment, Et tous les auditeurs engagés à me croire, M'attribuant la moitié de la gloire, Du succès de l'auteur me feront compliment. **** *creator_riccoboni-riccoboni-romagnesi *book_riccoboni-riccoboni-romagnesi_echodupublic *style_verse *genre_comedy *dist1_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy_echodupublic *dist2_riccoboni-riccoboni-romagnesi_verse_comedy *id_LAUTEUR *date_1741 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lauteur Déesse, je vous en supplie, Honorez-moi de vos sages avis, Sur un projet nouveau dont ma tête est remplie, De point en point vous les verrez suivis. Nous connaissons votre délicatesse Qui blâme fort souvent les plus heureux écrits, Et vos conseils prudents garantiront ma pièce Des lardons qui parfois, faisant rire Paris, Remplissent les auteurs d'une affreuse tristesse. Ma résolution sur le choix du sujet, N'est pas encor bien décidée. Non, le choix me sera facile Et ne saurait m'embarrasser. Je vais vous l'expliquer, on est dans l'embarras, Lorsqu'on veut du comique affronter la carrière, Quelque peu quant au fond, bien plus sur la manière, Tous les genres connus deviennent sans appas, Une pièce d'intrigue est d'un goût trop antique. Et toute comédie à tendres sentiments N'est qu'une tragédie éthique Qui n'a que la moitié de ses vrais agréments. Des caractères forts on a tari la source, Dialoguer un conte est un trait d'écolier, Nous n'avons donc plus de ressource Que dans un genre singulier. Je vous supplie, un peu d'attention. J'ai fait une observation, Aujourd'hui le plaisir de tous le plus sensible Est celui qu'on prend par les yeux, Et je vois tous les ans une presse terrible, Dans le temps de vacance, emplir ces tristes lieux Où, pour tout spectacle, on vous donne Des décorations où ne parle personne, Jamais on n'y critique, et chacun applaudit. Dans cette salle énorme et richement ornée, À l'aspect d'un rocher une foule étonnée Dans les traits du pinceau croit voir des traits d'esprit. Sur ce pied-là mon idée est parfaite, Et voici comment je la traite. Ma pièce d'un sujet simple et sans embarras, En spectacles brillants sera très bien montée, Et par un seul acteur sera représentée. À ce trait sûrement on ne s'attendra pas. Non, mon projet doit être heureux. Et lorsque vous verrez Robinson dans son île Rêver philosophiquement, Et faire sentir l'agrément D'une vie heureuse et tranquille, Vous applaudirez sûrement. La morale partout semée Avec un air de nouveauté, Soutenue de la vérité, N'en sera que plus estimée. Le premier acte est un Vaisseau, Qui sur les rochers fait naufrage, Du premier mot le personnage, Intéresse au sortir de l'eau. Dans le second l'agriculture Fera son occupation. Et cela me fournit une description Du spectacle de la nature. Au Troisième, il raisonne et se trouve enchanté De la parfaite indépendance Dont il ne doit la jouissance, Qu'aux flots de l'océan par les vents agité. C'est là qu'il fait sentir dans sa mâle éloquence Tout le prix de la liberté. Au Quatrième Acte il s'ennuie Et voudrait avoir compagnie. Là son discours touchant, dans la simplicité, Fait voir que l'homme est né pour la société. Tandis qu'il dort au cinquième acte, Il se sent éveiller par le bruit du canon ; Il voit qu'il faut partir et quitter sa maison. Pour faire une recherche exacte, Il vole au sommet d'un rocher Et voit la chaloupe approcher. Elle arrive, il y monte en regrettant son île, Et se disant (lui-même) insensé que je suis, Je quitte les plaisirs d'un solitaire asile Pour chercher les malheurs au sein de mon pays. Que pensez-vous de mon idée ? Si l'intérêt a de quoi vous toucher, Je n'ai de ce coté rien à me reprocher ; En êtes-vous, Déesse, un peu persuadée. Fort bien, je reconnais mes gens Qui veulent prouver leur génie Par une faute de bon sens, Et qui de conseiller sans cesse ont la manie. La solitude est mon objet, Et je n'y dois introduire personne, Cela gâterait mon sujet. Pour du plaisant, voici comme j'en donne. Après les coups intéressants, Pour délasser de mes discours sublimes ; Les singes danseront des ballets pantomimes Qui seront très divertissants. Vous ne me dites rien, Déesse ! Pour vaincre la difficulté. Et puis, pour les Acteurs on est toujours en peine ; L'un s'enrhume aisément, l'autre n'a point de voix, Celui-là dans une semaine Ne veut paraître que deux fois. De plus ils ne sont pas tous de la même force. Je ne veux qu'un acteur du Public avoué Car nous voyons qu'un rôle mal joué Donne à la pièce une terrible entorse. Et d'ailleurs un seul homme étant dans mon secret Aisément il sera discret, Et ma pièce représentée, Avant que l'on s'en soit douté, Jusques aux cieux sera portée Par le spectateur enchanté. Ces cadeaux qu'on lui fait lorsque moins il y pense, Le mettent malgré lui dans la nécessité D'applaudir par reconnaissance. Adieu, de mon projet plus que jamais flatté, Je pars et vais rimer en toute diligence.