**** *creator_romagnesi *book_romagnesi_rancune *style_verse *genre_comedy *dist1_romagnesi_verse_comedy_rancune *dist2_romagnesi_verse_comedy *id_LARANCUNE *date_1755 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_larancune À ces tons ampoulés, je vous crois un acteur. J'ai quitté le métier ; ignorez vous encore, Oh souvenir affreux dont l'horreur me dévore ! Ignorez-vous l'affront le plus cruel de tous ? Ah si je les tenais.... Des acteurs de Lyon j'étais le camarade, Sur l'eau l'on me propose un jour la promenade ; Et Coulisse en secret, mon mortel ennemi, M'abandonne en ces lieux quand je suis endormi ; À Dieux ! À mon réveil figurez vous ma rage, Je me trouve privé de tout mon équipage, Et l'on ne m'a laissé par pitié pour mes maux, Seigneur, qu'un seul fusil pour tirer des moineaux. De mes mugissements ces rochers retentissent, Des monstres à mes cris venant de toutes parts. Non, ils sont pleins d'égards, Je les vois s'adoucir, touchés de ma misère ; Ah ! Les comédiens ne leur ressemblent guère. Loin des traîtres humains mon sort est plus tranquille, Et ma fille Julie adoucit mon malheur, C'est la meilleure enfant, le meilleur petit coeur, L'humeur la plus docile et la plus... C'est un bon caractère, Et vous l'éprouverez. Fils de la Rapière ? À ce ton suffisant, à cet air tapageur, Je crois voir le papa, tu gagnes mon estime. Viens m'embrasser pour lui, car c'était mon intime Comment se porte-t-il ? Il est mort ! Et Léandre. Est-ce donc les talents que les destins poursuivent ? Les Grands acteurs sont morts, et des histrions vivent. J'y consens volontiers. Partons, dépêchons nous de gagner le bateau ; Mais quel papillon noir autour de moi voltige ? Chou, chou, chassez, chassez. Calypso du doux son de sa voix. Taralantarala, Dieux qu'est-ce que je vois ? D'où sort ce monstre affreux ? L'épouvantable mine ! Ciel ! J'entends dans mes flancs les cris de la famine. Quel ardeur ; Rodomont daignez me secourir, Et tuez-moi de grâce, afin de me guérir ; Ma langue et mon gosier sont remplis d'amertume ; Mais c'est crier trop fort, je sens que je m'enrhume. Qu'on m'emporte. Oui, Seigneur. J'avais une raison. Pouvait-on sans cela suivant la règle exacte Séparer le premier d'avec le second acte ? De trop justes remords pressent ma conscience, J'ai fait réflexion en perdant connaissance, Que je n'étais qu'un sot de demeurer ici. Tous les jours au repas je fais la découverte Qu'on fait mauvaise chair en cette île déserte Encor si l'on avait un ménage complet, Mais je n'ai pas de quoi faire cuire un poulet. Et ma fille étant moins friande que coquette, En nageant n'a songé qu'a sauver sa toilette. Vous ne me dites rien, Seigneur, est-ce là comme Vous voulez m'emmener ? Comment ? Retourner à Lyon ! Ah, comme on m'y verra. Je me sens suffoqué. Fuis, jeune téméraire... Je ne puis exhaler l'excès de ma colère, Ma fille, prend le soin de t'emporter pour moi. Tu viens de déclamer comme une grande Reine. Et tu rends joliment la vengeance et la haine. Non, que leur salle soit déserte et délabrée, Plutôt que je leur vaille une seule chambrée ; Eh pourquoi secourir une troupe aux abois ? Quoi, n'en pouvons nous pas faire une entre nous trois. Vous joueriez l'amoureux, et ma fille, j'espère Jouerait.... Mais quelqu'un vient... Ma fille tu pourrais me faire un grand plaisir. Tu sais bien que je suis sujet à la folie ? Oui, souvent je m'oublie ; Mais quand l'accès me prend je me livre au sommeil. Et je suis plus sensé qu'un autre à mon réveil. Je te le vais apprendre, On dit que des recors sont ici pour me prendre, Et comme ils sont vaillants lorsqu'ils ne risquent rien, Ils choisiront l'instant où je dormirai bien ; Prends ce couteau, ma fille, et notre affaire est bonne ; Lorsqu'ils viendront roder autour de ma personne, De la gaine aussitôt il faudra le tirer. Redoubler de tendresse, et pour me la montrer, Me faire l'amitié de me couper la gorge. Non, je te parle ici très sérieusement, Je t'aime, et te le prouve indubitablement En choisissant ta main dans cette circonstance. Je l'exige. Fille dénaturée, âme trop insensible ! Tu n'as qu'un mauvais coeur. Je ne le pourrai pas, ma fille, si je dors. Mais oui vraiment, pour lors Il faut dès à présent charger ma carabine, Jeter sur le carreau ceux qui me font la mine, Et commencer surtout par Monsieur Rodomont. Pourquoi ? Poursuis, que veux-tu dire ! Qu'entends-je, et que cela me plaît ! Nous pourrons en tirer bon parti. Et sans doute il t'a plu ? Il faut le recevoir de la bonne façon, Ne le pas rebuter, c'est un joli garçon, Il peut nous être utile ; ah ! Ma chère Julie ; Je sens avec douleur, que je te sacrifie. Mais je vois qu'il te guette, il faut pour être honnête, Te laisser avec lui décemment tête-à-tête. Je vous croyais bien loin, qui vous arrête ? Ô Dieux ! L'Auteur de mon malheur, Coulisse est en ces lieux ! Allons, ma carabine, et vite, cela presse. Meurs. Du plus cruel affront, la troupe m'a noirci, Perfide, est-ce un chanteur qui m'a conduit ici. Ah ! Ton respect m'irrite. Ôte-toi de mes yeux, va languir à Lyon. Mais avant ton départ, il est bon que ma bile En imprécation encore se distille : Déployez vos gosiers, préparez-vous Chanteurs, Étudiez la scène et rendez-vous acteurs. N'immolez plus le goût aux arguments frivoles ; Mariez l'harmonie à de bonnes paroles. Ne sacrifiez plus à de sots préjugés. Le costume et le vrai si longtemps négligés : Travaillez pour l'honneur, vous altiers symphonistes ; Formez vous sans jurer contre les bouffonistes, Danseuses et Danseurs qui tortillez des pas ; Profitez la décence aux brillants entrechats Vieux organes des choeurs, chanteuses vétérantes, Traînez un peu plus loin vos cadences mourantes ; Cédez sans disputer de vos antiques droits, Le devant du Théâtre a de jolis minois. Ces principes certains t'assurent la victoire, Noble Opéra, triomphe et sois couvert de gloire. Je venge tes malheurs, tu vengeras les miens : Abîme, coule à fond tous les Comédiens, Excepté Rodomont, que la rage, la peste, La famine et le Diable emporte tout le reste. Quel tableau le barbare oppose à mon audace, Quoi le Diable indigné, ne voudrait pas de moi, Est-il un trait plus fort ? Nous croit-il des enfants ? Ta proposition révolte le bon sens ; Car puisque mes talents vous sont si nécessaires, Est-ce là le moyen d'arranger vos affaires ? Quels remords il me cause ? Épouse Rodomont, ce prix t'était bien dû, Mes enfants réparés tous deux le temps perdu ; Je suis prêt à vous suivre. Coulisse, je me rends, excuse ma folie. Il n'en faut qu'un, je pense. **** *creator_romagnesi *book_romagnesi_rancune *style_verse *genre_comedy *dist1_romagnesi_verse_comedy_rancune *dist2_romagnesi_verse_comedy *id_RODOMONT *date_1755 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_rodomont Sur les rochers déserts de cette île, où le Rhône Brise ses flots grossis des ondes de la Saône, Coulisse, dites-moi, que venons-nous chercher ? Je croyais à la troupe être seul nécessaire. Hé bien, laissez-moi faire ? S'il balance un moment à marcher sur mes pas, Mon bras... Je raisonne fort mal, et je sais bien me battre ; Vous, raisonnez pour moi, chacun fait son métier. Eh pourquoi donc, Seigneur ? Un affront porte au coeur une mortelle atteinte. Cette feinte, Seigneur, est indigne de moi. Je ne contredis point ces grandes vérités, Et vos ordres bientôt vont être exécutés. Que Thomas le Souffleur, soit dans la confidence. Toi, sois mon second, viens chercher notre fou ; Mais que vois-je... sans doute il habite ce trou, J'aperçois des chiffons.... il couche sur la dure, Et les flancs du rocher lui servent de tenture. Cherchons... Mais quel objet ! J'en suis déjà troublé ; Quel contraste étonnant, c'est une jeune fille Avec art ajustée. Des hommes vous font peur. Demeurez. Quelle bonne fortune Vous a conduite ici ? Quel tableau ? Je suis émerveillé ! Des Mariniers périssent, Malgré la force et l'art les flots les engloutissent. Une fille, elle seule échappe du danger. C'est un talent utile. L'excellent naturel, éloignons-nous d'ici. Je veux vous en tirer. Quoi seriez-vous de même ? Mon âme, cher Thomas, nagerait dans la joie, Si ce joli tendron pouvait être ma proie. Je dois remercier de grand coeur la fortune Qui me fait rencontrer l'illustre la Rancune. Oui, qui de vos leçons veut mériter l'honneur. C'est un tour des plus noirs. Quoi pour vous dévorer ? Mais ici chaque jour passe plus d'un bateau, Vous pourriez aisément abandonner cette île. Si vous la chérissez, venez donc avec nous, Ne souffrez pas qu'ici la pauvre enfant languisse, Seigneur, Rodomont, s'offre à vous rendre service. Oui, du moins j'en ai l'honneur. Il a fini son sort. Cette réflexion, nous mènerait trop loin, De vous tirer d'ici je vais prendre le soin. Partout où vous voudrez, je m'offre à vous conduire. Il est dans son vertige. Souffrez, Madame, que mon soin.... Assez mal-à-propos survient cet accident. Mais l'âme la plus dure en serait attendrie. Quel exemple pour nous acteurs de Tragédie ! Ce fameux la Rancune admiré tant de sois ; Déclamateur pompeux dans les rôles des Rois, Au fond d'une caverne, hargneux, fier, gueux et triste, S'impatiente et jure autant qu'un machiniste. Tel est le sort affreux des gens de notre état, Tant qu'on nous applaudit nous vivons dans l'éclat ; On flatte notre orgueil, on nous vante, on nous fête On se donne le mot pour nous tourner la tête ; Nous nous méconnaissons, nous oublions nos noms, Nous nous croyons les Dieux que nous représentons ; Pour nous perdre on dirait que chacun se cotise, Et donne comme nous dans la même méprise. Nous vient-il un revers, qui nous force à quitter, On dégrade celui qu'on venait d'exalter. Que ne nous apprend-on, grands acteurs que nous sommes, Que notre vrai mérite est d'amuser les hommes. Avez-vous bien dormi ? À quoi bon Vous être trouvé mal ? Je suis trop honnête homme Pour ne vous dire pas que je suis un coquin. Oui, je vous joue un vrai tour de Pasquin. Je saisissais l'instant qui met le vent en poupe, C'était pour vous livrer au chef de notre troupe. On ne peut qu'à ce prix culbuter l'Opéra. Si vous vous emportez c'est avec fondement, Mais vous êtes lié par un engagement. Et de plus en ces lieux pourquoi vieillir sans gloire, Venez de vos talents illustrer la mémoire ; À ces rochers muets dérobez votre sort, Un acteur doute-t-il sur le choix de sa mort ; Dubourg, ce grand braillard, bouffis par Melpomène, À force de crier se rompit une veine. ⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎⁎ Dans Oreste, Mondor ne se connaissant pas, En gesticulant trop, se cassa les deux bras. Une actrice expira par la chute d'un peintre, Qui, sans l'en avertir, tomba du haut du cintre. Voilà tous les dangers qu'il est beau de courir, Le théâtre est le lit où nous devons mourir. Que vois-je ? C'est Coulisse, ah qu'elle inconséquence Lui qui craint la Rancune, à ses yeux il s'avance. Rien ne presse. À moins qu'on ne le même en laisse Il ne vous suivra point. J'ai soupçon du bavard, qu'il craigne ma furie. Que me reprochez vous, parlez ? Et bien j'en fais l'aveu naïf. Notre état défend-il d'avoir jamais de femme ? Et mon père était-il un homme à votre compte ? Pourtant à s'enflammer son humeur était prompte ; Chacun sait qu'il aima la fille d'un meunier, Et qu'afin de pouvoir s'y livrer tout entier, D'une grosse servante il vola la cornette, Et se cacha longtemps sous l'habit de Toinette. Vous offrez vainement cet exemple à mes yeux, Rien ne peut d"gager mes serments amoureux ; Je reste pour avoir Julie en mariage. Mais la pitié du moins a des droits sur nos coeurs. Je succombe au récit d'une telle infortune ; Allons, je vous promets d'emmener la Rancune, Retournez au bateau, Madame.... Il nous faut la Rancune. La gloire de la Troupe est préférable à tout. C'est-il bien ? Madame, en cet instant la vertu me domine. Ah ! Vous badinez. Ah ! Je sais bien à quoi m'en tenir là-dessus. Je ne vous entends plus. Julie... De quel côté, grands Dieux, je ne sais comment faire. Demeurez un moment pour que je délibère. Vous pleurez, courons à votre père. Madame, à nos archers j'ai donné de l'argent, Vous n'avez plus à craindre ils partent dans l'instant À présent nous pourrions puisque rien ne nous gêne, Parler un peu d'amour pour animer la scène ; Mais vous rêvez, je brûle en vain pour vos appas Vous allumez un feu que vous ne sentez pas. Ah Madame Allons faire à Lyon, la noce dès ce jour. La gloire y servira de compagne à l'amour. Oui, Madame. Madame, en vérité, vous parlez comme un livre Mais votre père enfin.... Cela prouve qu'il est attaqué du cerveau N'en convenez vous pas ? C'est une fille née avec un esprit juste ; Mais que me veut Coulisse avec son air auguste ? Et de qui tenez vous ce triomphe nouveau ? Puisqu'on ranime ici le feu de nos querelles, Je vais prendre à parti toutes ces Demoiselles. Je le sais, mais n'importe. À ciel ! Êtes vous sage En effet Vous risquez moins. Tout doux. Quelle obstination. Fuyons, n'écoutons point ses jurements affreux, Qui font frémir d'horreur et dresser les cheveux. Laissons-là ce brutal, cet animal féroce. Qu'il en coûte à mon coeur ! Adieu projets de noce. Ah ! Que c'est bien penser. Que de sublimité ! Ah ! Quel bonheur extrême. **** *creator_romagnesi *book_romagnesi_rancune *style_verse *genre_comedy *dist1_romagnesi_verse_comedy_rancune *dist2_romagnesi_verse_comedy *id_COULISSE *date_1755 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_coulisse La Rancune y respire, il faut l'en arracher ; Si jusqu'à ce moment j'en ai fait un mystère, J'avais, cher Rodomont, des raisons pour me taire J'ai dû me réserver pour l'exposition. Nous voulons supplanter l'Opéra de Lyon. Vous le savez, Seigneur, un courroux légitime, Contre cet Opéra, dès longtemps nous anime ; De Monsieur Cornillas nous défendons l'honneur, De la Troupe du Mans ce riche entrepreneur, Sans prévoir d'infortune en dirigeait les rênes, Sa charmante moitié tenait l'emploi des Reines, Un Chanteur de Lyon, un petit freluquet La vit, l'aima, lui plut : elle fit son paquet, Planta là Cornillas, et ne fut pas honteuse D'abandonner son rang pour devenir chanteuse ; Tous les Comédiens partagent cet affront, Nous laissons Cornillas qui se gratte le front. Brouillon, ce chef ardent, se met à notre tête, Il veut que l'Opéra devienne sa conquête ; Il intente un procès, mais malgré nos ressorts, Cet Opéra triomphe et rit de nos efforts ; Un seul espoir nous reste, hélas ! Vous le dirai-je ? Nous ne ferons jamais casser son privilège, Si deux acteurs fameux ne se joignent à nous : On attend à Lyon et la Rancune et vous. Vous êtes trop modeste. Quel fanfaron ! Ménagez votre bras, Par des raisonnements il s'agit de combattre. La Rancune, morbleu, sans me faire quartier, M'assommerait sitôt qu'il me verrait paraître. C'est que je suis un traître, Je suis cause entre nous de son état affreux ; Mais c'est aussi sa faute, il était trop hargneux, C'était un froid méchant, caustique, atrabilaire, Qui pour dire un bon mot eût fait pendre son père ; Un de nous fatigué de son ton méprisant Sangla vingt coups de canne à ce mauvais plaisant, Le crâne fut félé. Un cruel vertige Depuis cet accident de temps en temps l'afflige, Et lui cause souvent un état convulsif ; Loin de se corriger il devient plus rétif. Pour lui laisser le temps d'évaporer sa bile, Sur un prétexte adroit je l'amène en cette île ; Il lui prend un accès, suivi d'un long sommeil, Et nous le laissons seul en proie à son réveil. S'il me revoit vous jugez de ma crainte. Je ne suis pas si sot que d'aller m'exposer... Mais à remplir nos voeux on peut le disposer, Pour rappeler ce goût dont il fut idolâtre, Nous avons mis exprès nos habits de théâtre. Rallumez dans son coeur la noble ambition, Sans parler de Coulisse, encor moins de Lyon, En flattant son orgueil, tâchez de le séduire Dans quelque bonne troupe offrez de le conduire, Et quand nous le tiendrons, nous lui ferons la loi. Pour régir une troupe, il faut moins de scrupule, Et comment ménager avec ce ridicule, Tant d'intérêts divers qui s'accordent si mal, On peut devenir faux pour le bien général. La probité permet un peu de tricherie ; Et je n'ose pas dire un peu de fourberie. Je retourne au bateau, sûr de votre prudence. Rodomont nous trahit, ah je suis furieux, J'empêcherai l'effet d'un complot odieux ; Je m'étais finement caché pour les entendre. Ce discours m'inquiète, expliquez-vous Thomas. Dieux ! Le permettez-vous ? Mais la sagesse enfin.... On ne pourra jamais concevoir aisément Qu'une fille bien née aime si promptement. Ils savent, je le vois, profiter des instants ; Rodomont qui devait nous rendre triomphants, Échoue au premier pas qu'il fait dans la carrière. Un sang si bouillonnant m'épouvante et m'alarme, C'est un comédien qui tranche du Gendarme ; Mais je sais bien comment nous pourrons apaiser Ce transport au cerveau qui pourrait tout oser. Si la Rancune encore est difficile à vivre, Pour qu'il ait l'humeur douce et consente à nous suivre Nous lui tuerons sa fille. Seigneur, il faut partir dans l'instant. Et la Rancune ! Vous approuvez, dit-on, qu'il reste en ces climats. D'être trop vif Pour le beau sexe. Cela me perce l'âme. Non, mais il vous défend, à parler sans détour, De sentir pour aucune un ridicule amour. Mais quand je lui montrai le masque d'Arlequin, Il déchira sa jupe et quitta son moulin. Quel mot prononcez-vous, quel indécent langage ! Si vous êtes si bon, plaignez donc nos acteurs. Du créancier pressant, ils "prouvent l'outrage ; Tous leurs habits de Ville à présent sont en gage, On ne leur a laissé que ceux du Magasin, Qui sont remplis de trous et ne sont pas d'or fin ; Ainsi l'acteur tragique accablé, taciturne, Crotté sur le pavé, la pompe du Cothurne, Et le comique en pleurs, toujours pressé de faim, Va chercher à dîner en habit de Crispin. Oui. Fort bien. À Ciel ! Que faites-vous, Seigneur ? L'Opéra nous écrase, on m'écrit de Lyon Qu'on court avec fureur à l'Opéra gascon, Et que tous les Acteurs pour insulte dernière Vont boire sur la fosse où gît feu la Rapière. La Peste à chaque instant ici vient en bateau. À quoi peut vous servir l'ardeur qui vous transporte, Je sais un moyen sûr pour sortir d'embarras, Car si je ne m'en mêle, on ne finira pas, Je veux voir la Rancune. Je crois que je me sens dans mon jour de courage. Laissez moi seul, non, non, demeurez. Il vient, je ne sens plus d'alarmes ; Par absence d'esprit il n'a point pris ses armes. Prends ce fer. Laissez-le me tuer. Si tu veux te venger voilà ma gorge, coupe ; Mais cruel, n'étend point les fureurs sur la troupe. On te demande excuse. Un fâcheux misanthrope est partout détesté. Il devient le rebut de la société. Et sitôt qu'il est mort, son âme triste, errante, Des femmes, des enfants, est l'horrible épouvante, L'enfer même, l'enfer se refuse à ses cris ; Si vous l'osez, cruel, vengez-vous à ce prix. Pour lui prouver qu'à tort son âme me déteste, Emmenez tous vos gens auprès de lui, je reste. Hé bien ! Si son courroux ne peut être adouci, Qu'il s'en aille avec vous, et je demeure ici, Je saurai m'en tirer, je risque peu de chose. On va vous en guérir ; et sans que l'on vous lie, Certain opérateur, habile homme et profond, A préparé pour vous des calottes de plomb ; Partons, que des bateaux en toute diligence Transportent la Rancune. Cessons de plaisanter, il faut nous embrasser, Ce que j'ai dit de toi ne saurait t'offenser. À quelques écarts près, ta vertu magnanime, T'a rendu dans notre art, un modèle sublime. Mais on peut d'un modèle éclairer les défauts, La critique ne doit épargner que les sots. **** *creator_romagnesi *book_romagnesi_rancune *style_verse *genre_comedy *dist1_romagnesi_verse_comedy_rancune *dist2_romagnesi_verse_comedy *id_JULIE *date_1755 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_julie Des hommes ! Sauvons nous ? Volontiers. Fille de la Rancune, J'ai su qu'il languissait sur ce triste rocher, J'ai quitté la maison pour venir le chercher ; Je pris une Servante avec quelque bagage, Déjà nous abordions cet inculte rivage, Quand un orage affreux, un funeste ouragan Nous fait faire capot au premier coup de vent ; Tous les gens du bateau vont sens devant derrière Boire l'onde et la mort au fond de la rivière. Non, Seigneur. Seigneur, j'ai le talent de savoir bien nager. Oh non, j'en suis défaite. Cette soubrette là ne m'était bonne à rien, Ne la regrettez pas. Enfin en prenant terre J'oubliai tous mes maux en embrassant mon père. Je le veux bien aussi. Mais préférant par goût la misère où nous sommes, Mon père est né farouche et déteste les hommes. Oh non, non, vous verrez ; Je l'amène à vos yeux et vous lui parlerez. Oh, mon père. Vous me faites rougir. Et moi je le désire. Mon père.... Votre écuyer suffit, nous n'allons pas bien loin. Ne craignez rien, papa va faire un petit somme. Il dort déjà ; restez, je reviens à l'instant. De ces syncopes là le Public sent l'abus, Mon père m'a promis qu'il ne le ferait plus. Je n'osais vous le dire et le pensais aussi. Ce n'était pas l'espoir qu'on y vont m'éprouver, Mais enfin on ne sait ce qui peut arriver. Qu'entends-je ? Quelle horreur, quel spectacle d'effroi, Irions-nous, sans avoir la cervelle troublée, Écouter les propos qu'on tient à l'assemblée. De ces Dames surtout voir tous les vains débats. Dieux ! Faites-les aller de faux pas en faux pas. Que les pauvres auteurs, plastrons de leurs querelles, Se trouvent déchirés dans les pièces nouvelles ; Et que pendant l'hiver tous les acteurs transis, Puissent pour spectateurs n'avoir que les gratis. Oui, pour cela j'ai des talents, mon père. Il faut saisir l'occasion. C'est pour quitter la scène une bonne raison. Seigneur, j'ai le frisson, Mon cher père aurait-il à craindre la prison ! Des recors de la Maréchaussée, J'ai vu dans un bateau la troupe ramassée ; Ce spectacle est affreux pour mon coeur éperdu. Ah ! Mon père est perdu ! Je vois qu'on lui prépare un sort d'ignominie, Et mon cher Rodomont se met de la partie. Pourquoi me donner du dégoût ? Lorsque pour vous, Seigneur, je n'en ai pas la mine. Pour moi, l'amour domine dans mon coeur, Pour la première fois je connais un vainqueur. Non, la raison en est bonne, Avant que de vous voir, je n'avais vu personne. Pourriez-vous bien penser.... À Dieux ! C'est un amant qui parle de la sorte Le chagrin me dévore, et quand j'en serai mort Vous vous repentirez de voir encor le jour, Et je sors tout exprès pour vous jouer ce tour, Eh bien ? Rodomont, Rodomont. Mes yeux pourront-ils moins que Monsieur l'Orateur ? Pleurons donc ! Ah ! Qu'ils sont attrapés. Ah ! Les voilà partis, j'en suis débarrassée, Rodomont va parler à la Maréchaussée. C'est un bonheur pour moi, je saurai le saisir. Qui ne l'est pas, Seigneur ? Où tend ce beau discours ? C'est comme un conte en l'air qu'en rêvant on se forge. Je ressent tout l'honneur de cette préférence ; C'est cependant, Seigneur, à parler tout de bon, Pour caresser son père une étrange façon. En honneur cela n'est pas possible. J'en demande pardon, Si vous prenez la vie en un si grand guignon, Si pour mourir enfin, votre ardeur est extrême, Épargnez m'en la peine en vous tuant vous-même. Eh tuez-vous avant. Ah de grâce, Seigneur, ne soyez pas si prompt, Ce Monsieur Rodomont pour nous n'est point à craindre, Loin de le redouter vous devriez le plaindre. C'est que... Il est... Mon Amoureux. Je vous en remercie, en vérité mon père. Je l'espère, D'abord en arrivant ; Les hommes dans ces lieux ne viennent pas souvent. J'ai pâli, j'ai rougi, je craignais son langage, Et si je l'avais pu, j'aurais fait la sauvage. Hélas, Consolez-vous, quand on m'immolerait, La victime, Seigneur, vous le pardonnerait. Vous n'êtes pas, Seigneur, bon physionomiste, Eh ! Sur quoi jugez vous que mon coeur vous résiste ? Hélas j'en ai trop fait ; d'aujourd'hui je vous vois Vous m'aimez, je vous aime et reçois votre foi, Mon père a consenti que je sois votre femme. C'est en fort peu de temps aller vite. Rodomont, pour tromper épargnez vos tirades Voulez vous retourner avec vos camarades ? Eh bien moi je ne vous suivrai pas, Et mon coeur n'aura plus à craindre de combats D'aucun homme en ces lieux ne recevant l'hommage, Personne ne pourra savoir que je suis sage, La vertu pour témoins n'a besoin que des Dieux, Étant seule on en a plus que quand on est deux. De peur qu'on ne le livre Il veut que je lui donne un bon coup de couteau. Oui, c'est ce qui m'afflige ; Mais il faut cependant répéter son vertige, Si les acteurs sur eux étaient bien éclairés Ils répandaient des pleurs sur les cerveaux timbrés. Sans la porter jamais, vous en parlez sans cesse. Au lieu de menacer, il faut effectuer. Ce Coulisse en effet, a l'air bien hypocrite. Rien ne peut l'apaiser. Mon père, détournez cette horrible menace. Ah ! J'en frémis d'effroi. Amants à l'impromptu soyons époux de même, Et disons aux Censeurs qui blâmeraient nos feux, Qu'il n'est point sans l'amour, de dénouement heureux. Esprits qui prétendez aux lauriers du poète, Pour l'honneur des talents imitez Philoctète, En prenant son auteur pour guide et pour soutien, On suivra le grand homme et le vrai citoyen. **** *creator_romagnesi *book_romagnesi_rancune *style_verse *genre_comedy *dist1_romagnesi_verse_comedy_rancune *dist2_romagnesi_verse_comedy *id_THOMAS *date_1755 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_thomas Ciel ! Grands Dieux ! Moi ? Il me semble en effet qu'il est fort mal meublé. Elle est parbleu gentille, Bonjour la belle enfant. La, la rassurez vous. Et vous noyâtes-vous ? Ah ! Que j'ai bien raison de ne pas aimer l'eau. Et la chère soubrette Nagea-t-elle de même ? Tant pis, j'eusse avec elle égayé l'entretien. Comme vous prenez feu, la peste qu'il est vif ; Mais voilà notre fou, quel air rébarbatif ! Seigneur, éloignons-nous. Tous mes sens en frémissent. Cette comparaison est un très beau morceau. Ma foi tant mieux pour vous. Oh fort bien, il est mort. Fort bien, ils vont donner tous deux dans le panneau. Si j'approche de lui, je veux que l'on m'assomme. Vous êtes bien rusé, mais je vais vous apprendre Quelque chose pourtant que vous ne savez pas. Rodomont par pitié ne plaint point la Rancune, Il n'a de la vertu que par bonne fortune. Julie en un clin d'oeil De ce petit Monsieur a désarmé l'orgueil. Ce n'est qu'un terme vague Qui produit des longueurs qu'à présent on élague. Elle s'ennuyait trop pour n'être pas sensible, La fille d'un acteur est toujours combustible. Je reconnais en lui le sang de la Rapière, Après avoir marché par la grande chaleur, Étouffé de poussière et rempli de sueur, À peine arrivions nous à la première auberge, S'il voyait la servante en simple habits de serge, Il courrait après elle, il savait l'attraper Et me laissait tout seul ordonner le souper. Ah ! L'excellent moyen, On persuade un homme en s'y prenant si bien. Je ne m'en charge pas. Seigneur, vous m'allez faire une tracasserie. Grands Dieux, vous l'entendez. Le masque d'Arlequin est un charme suprême, Qui sait toujours rentrer un acteur en lui-même. Craignez ma voix sévère. De ce coup étonnés, Allons nous en tous deux avec un pied de nez. Et vous serez battu sans pouvoir échapper, Elles sont beaucoup plus ensemble pour frapper Que pour chanter en choeur. Je nuirais à la scène, ainsi votre valet.