**** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_JUNON *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_junon Soeur du plus grand des Dieux, (car ce nom seul me reste) Honteuse, je descends de la voûte Céleste, Et veuve d'un époux qui ne mourra jamais, Le fuis, puisqu'il me fuit, et lui laisse la paix ; Les maîtresses, enfin, l'emportent sur l'épouse, Elles sont les Junons, et je suis la jalouse, Il me prescrit la terre, et leur marque les cieux, Et du bras qu'il leur tend, il me pousse en ces lieux. Ses premières amours, cette fille profane, Que dessous les habits, et le nom de Diane, (Diane, qui préside à la virginité,) Ce traître dépouilla de cette qualité, N'y règne-t-elle pas sous la forme d'une Ourse, Et son mal, de son bien, ne fut-il pas la source ; Quel fruit eut mon courroux de transformer son corps, Elle occupe le ciel, et m'en voici dehors, Ma vengeance profite aux objets de ma haine, Et j'établis leur gloire, en méditant leur peine. Sur ce trône éternel, les sept filles d'Atlas, À ma confusion ne brillent-elles pas ? Des pudiques, la gloire est due aux vicieuses, Et le crime de trois, en fit sept glorieuses. Vis-je pas, qu'à ma honte Ariane y monta Par la faveur du fils dont Séméle avorta ? Les deux Astres Jumeaux, que l'Océan révère, N'y triomphent-ils pas du péché de leur mère ? L'honneur ne conduit plus en ces champs azurés, Les vices, aujourd'hui, s'en sont fait les degrés, Où la vertu régna, le déshonneur habite, Et le crime a le prix, qu'eut jadis le mérite ; Mais, que ma plainte, à tort, ramène les vieux ans, Où le temps lui fournit des objets si présents ; Alcmène ira bientôt y posséder la place, Que sans doute déjà, ce perfide lui trace, Déjà, je crois l'y voir en pompeux appareil, Venir remplir un lieu, plus haut que le Soleil, D'un regard dédaigneux braver ma jalousie, Et riante, à mes yeux savourer l'ambrosie ; C'est ce superbe objet de mon juste courroux, Qui tire de mon lit cet adultère époux, Qui, comblant de faveurs son ardeur effrénée, M'ôte les saints baisers qu'il doit à l'Hyménée, C'est d'elle, (si du sort qui régit l'Univers Les livres éternels à mes yeux sont ouverts,) C'est d'elle que va naître un Héros indomptable, Un Alcide, un prodige aux Monstres redoutable, Qui seul doit plus que tous obscurcir mon renom, Et qui seul doit régner au mépris de Junon. Combien dure la nuit, qui le promet au monde ? Le Soleil par respect, n'ose sortir de l'Onde, Et par solennité, la courrière des Mois, Contre l'ordre des nuits, n'en fait qu'une de trois ; Ainsi, pour honorer, ce qui me déshonore, Le ciel même fléchit, le jour ne peut éclore, Et pour un fruit honteux, de baisers criminels, La nature interrompt ses ordres éternels. Mais qu'il naisse, et commence une incroyable histoire, Sa peine avec usure achètera sa gloire, Le noir séjour des morts, l'air, la terre, le ciel Vomiront contre lui, tout ce qu'ils ont de fiel ; Mortel, il est l'objet d'une immortelle haine, Aussitôt que ses jours, commencera sa peine, Les lions, les serpents, les hydres, les taureaux Seront de son repos les renaissants bourreaux, Et je regretterais une heure de sa vie, Qui d'un nouveau travail, ne serait poursuivie ; Je sais que son courage, égal à son malheur, Remplira l'Univers du bruit de sa valeur ; Que lion, plus lion que tous ceux de Némée, Il lassera ma haine, à sa perte animée, Je sais que ses effets passeront mes desseins, Que mes yeux seront las, bien plutôt que ses mains, Qu'il achèvera plus, que je ne délibère, Et que par ses exploits, il prouvera son père, Mais que des enfers même, il sorte glorieux, Que second Encelade il attaque les Cieux, Et mette la frayeur au sein du Dieu de Thrace ; ........................................ Mon seul ressentiment, ma seule passion, Saura bien triompher de son ambition, D'autres armes manquant à ma fureur extrême, Je n'opposerai plus que lui-même, à lui-même, Lui-même il se vaincra, s'il naît pour vaincre tout ; De ce dernier ouvrage, il viendra bien à bout ; Je veux qu'il ait ensemble, et la gloire, et la honte, Qu'au rang de ses vaincus, quelque jour on le compte, S'il triomphe de tout, et si pour son trépas Tout autre est impuissant, il ne le sera pas ; Lui-même, contre lui, servira ma colère, Mieux qu'hydre, que serpents, que lion, que Cerbère, Et ne laissera pas à la Postérité, L'audace d'attenter, à la divinité. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_JUPITER *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jupiter Avecque ce baiser, je te laisse mon âme, Adieu, conserve autant, que j'emporte de flamme, Hyménée, à mes yeux, ne fut jamais si beau, Jamais d'un si beau feu n'éclaira son flambeau ; Jamais de Jupiter, les agréables crimes En douceur, n'ont passé nos baisers légitimes ; Surtout conserve-toi ; le temps est expiré, Où nous doit naître un fruit, si longtemps désiré, Où Thèbes de ma couche attend un Capitaine, Digne sang de mon sang, et de celui d'Alcmène. Je m'acquitte des soins, où Créon me destine ; Par l'absence du Chef, tout le corps se ruine, Mon amour, même, ici, dérobe à mon devoir, Ce court et doux moment, que j'ai pris pour te voir ; Moi-même j'ai voulu t'apprendre les nouvelles, Du fruit de mon voyage, et du sort des rebelles ; Et t'offrir de ma main, ce riche vase d'or, Qui jadis de Ptérèle, embellit le trésor ; Adieu, laisse-moi rendre un devoir à mes armes, Et laisse mon retour, au seul soin de tes charmes. Déesse du repos, nuit, mère du sommeil, Achève enfin ta course, et fais place au Soleil. Je suis ce suborneur, ce faux Amphitryon, Qui remplis tout d'erreur, et de confusion : Que tout charme défère à la beauté d'Alcmène, Qui rend un Dieu sensible à l'amoureuse peine, Qui l'attire du ciel en ce bas élément Et qui réduit son maître à cet abaissement. Tels sont tes jeux, amour, et ta gloire est extrême, Jusqu'à t'être éprouvé, contre Jupiter même ; Jusqu'à vouloir d'un Dieu, des voeux, et des autels, Et le faire souffrir, pour des objets mortels. Tantôt pour m'asservir quelques beautés rebelles, Tu me fais emprunter des ongles, et des ailes, Du doux chant des oiseaux, ta vertu quelquefois, En des mugissements a transformé ma voix, J'ai d'autres fois chanté mon amoureux martyre, De la flûte de Pan, sous la peau d'un Satyre, Et sous la forme d'or, ton pouvoir souverain, M'a fait trouver passage, en des portes d'airain. Mais ce chaste sujet de l'ardeur qui me presse, Sort les larmes aux yeux, modérons sa tristesse, Chassons pour quelque temps le trouble de ces lieux, Mais ne la détrompons, que pour la tromper mieux. Il n'est coeur de rocher, qui tînt contre ses larmes, Une extrême sagesse, accompagne ses charmes, Et sa possession ne se peut mériter, À moins qu'en être époux, ou qu'être Jupiter. Enfin, laissons-nous voir, calmons ce grand courage, D'une seule parole, apaisons cet orage. Chère Alcmène, où fuis-tu ? pourquoi si fort émue, De qui te veut parler détournes-tu la vue ? De qui t'est odieux ! Il connaît combien prompte, est aussi ta colère, Et comme il me déplaît, d'avoir pu te déplaire, Celui n'aime pas bien, qui peut tôt se venger, Et c'est trop de rigueur, pour un mal si léger. Tu crois donc, que mon coeur ait avoué ma bouche ? Non trop sensiblement, cette injure te touche, Et certes plus avant que je n'espérais pas ; Pour t'ôter de souci, je reviens sur mes pas ; Tu fais d'un passe-temps, une sensible offense, Je voulais seulement éprouver ta constance, Et loin de témoigner, tant de ressentiment, Tu devais partager ce divertissement. Fais-tu d'une risée, un discours d'importance ? Et d'un mot dit par jeu, tires-tu conséquence ? Mon regret m'en punit, assez cruellement. Et ce que j'en croyais, démentait mes paroles : Ha ! Ne m'oblige pas à tant de pénitence, Proportionne au moins, le supplice à l'offense, Oppose ta froideur aux baisers que je veux, Et de quelque mépris, paye aujourd'hui mes voeux. Mais, qu'aucun accident me sépare d'Alcmène ; Souhaite-moi la mort, plutôt que cette peine : Si quelque autre est plus sage en mon opinion, Qu'à jamais Jupiter haïsse Amphitryon. J'ai juré justement, justement je l'espère, Puis-je espérer aussi de vaincre ta rigueur ? Tel est l'ordre des choses, Que toujours quelque épine accompagne les roses ; Quelque noeud si serré qui joigne deux amours, Toujours quelque accident, en traverse le cours ; Mais notre ardeur enfin, de ces douces querelles, Comme un feu d'un peu d'eau prend des forces nouvelles ; D'un petit différend, naît une longue paix, Et d'une triste cause, il sort de beaux effets. La glace brûlera, quand ce coeur généreux, Aura pu concevoir un dessein rigoureux, Alors qu'un Souverain, de si noble naissance, Pourra cruellement user de sa puissance. Que ce sein, le palais des grâces, et d'amour, Aura pu d'un tyran, devenir le séjour. Aussi, certes, à voir ce miracle visible, On est bien insensé, si l'on est insensible ; Pour moi, si souverain des Dieux, et des mortels, Je voyais cet objet, aux pieds de mes autels, M'en laissant adorer, je croirais faire un crime, Je voudrais de son Dieu, devenir sa victime ; Et je croirais du prix de la terre, et des cieux, N'acheter pas assez, un regard de ses yeux. Juge combien l'espoir d'obtenir davantage, Mettrait donc d'artifice, et de soins en usage, Et si ni ton époux, ni ta fidélité, Aux voeux d'un tel rival, soustrairaient ta beauté ? Je ne l'achève point, puisqu'il t'est importun : Il témoigne en effet un peu de jalousie, Mais qui ne te nuit point. Vous, appelez Sosie, Qu'il amène les chefs du reste des soldats, S'ils sont encor au port, prendre ici le repas. Ainsi, de la maison, sans soupçon, je le chasse, Où Mercure, aussitôt, occupera sa place. Tu me rends la pareille, et te sens trop solvable, Pour vouloir un moment être ma redevable ; Ton éloquence, enfin, paye mon compliment. Vois quelle heureuse paix, suit cette douce guerre. L'amour naquit-il pas, de la confusion ? Un chaos fut auteur, de toute la nature. Hé quoi, ne sais-tu pas, que je voulais gausser ? Cours de ce pas, au port, prier les capitaines, Qui commandaient sous moi les légions Thébaines ; De se rendre au Palais, et d'y prendre un repas. Toi, qui du ciel en terre, apportes mes nouvelles, Quitte ce champ d'azur, et fends l'air de tes ailes ; Adroit, dérobe-toi de la table des Dieux, Descends, divin Sosie, et te rends en ces lieux. Que m'a-t-on rapporté, que veut cet insolent, Qui trouble mon repos, d'un bruit si violent ? Qui me parut au Camp, cette humeur importune, Qui veut à ma valeur devoir son infortune, Qui m'offre après la paix des exploits superflus, Et m'apporte du Sang, quand je n'en cherche plus. Nobles enfants de Mars, compagnons de ma gloire, Quel désordre nouveau, trouble notre victoire ; Entrez, qu'attendez-vous, ne m'honorez-vous pas, De votre compagnie, en un mauvais repas ? Quelle occupation, avez-vous rencontrée, Et quel séditieux, retarde votre entrée ? Je crois vous faire tort, si je romps mon silence, Pour vous désabuser, sur cette ressemblance, Votre sang vous trahit, s'il ne vous dit assez, Qui de nous est celui, sous qui vous le versez, Votre rare valeur, ne peut, sans être ingrate, Ne reconnaître pas, sous quel chef elle éclate Puisqu'en quelque façon, ô généreux guerriers, La mienne contribue, à cueillir vos lauriers ; Ce n'est donc point de l'art que j'attends ma défense, De vos seuls sentiments, je fais mon éloquence, La faiblesse paraît, dans le besoin de l'art, C'est aux fausses beautés, qu'on applique le fard, Plus l'innocence est nue, et plus elle a de force, Et l'on nous veut tromper, alors qu'on nous amorce. Balancez-vous encor dessus ce jugement ? Amphitryon. Qui suis mari d'Alcmène. De la troupe Thébaine. Approchait du Lion. À la rébellion. De ce peuple rebelle. Par qui mourut Ptérèle. Où buvait le mutin. Qui fut tout mon butin. Je partis du rivage. La mort, ou le servage. Nous a rendus au port. Et voici mon abord. Me semble méconnaître. Arrête, tu mens traître. Fais mieux faire à ta main, que ta bouche n'a fait, Et du discours, enfin prouvons-nous par l'effet. Où j'eusse mon recours, au cas de la défaite. Ne nous pussent manquer, en l'extrême besoin. De cent Ioniens, et de deux cents Persiques. À quoi perdre le temps, Qui me peut méconnaître ; D'où vient cet insolent me disputer mon être, Quel droit imaginaire, a cet audacieux, De contredire Alcmène, et démentir ses yeux ; Elle, que cette erreur, plus que toute autre touche, Qui cette nuit encor, a partagé ma couche ? C'est moi, qui de mon père ai vengé l'homicide, Sur toute l'Achaïe, et toute la Phocide Qui sur la mer Égée ai conquis cent vaisseaux, Et laissé la frayeur, en l'empire des eaux. Moi, qui vous ai mandés. Entrons. Souffre que le devoir, après l'amour s'acquitte, Et que je rende au Roi, ma première visite. Adieu, conserve-toi, pour ce fruit précieux, Qui va naître à la terre, à la honte des Cieux, Et dont j'ose prédire (et non sans connaissance,) Que Jupin, sera cru l'Auteur de sa naissance, Et qu'un jour, ses exploits les moins laborieux, Ne lui devront pas moins, qu'un rang entre les Dieux. Vous, plus dieux, que mortels, vivants foudres de guerre, Nobles coeurs, que les cieux envieront à la terre, Quittes, envers Créon, faites pour ses neveux, Une troupe de Chefs, dignes de vous, et d'eux. Non, un point important y doit être agité, Qui me demande seul, près de sa Majesté. Et me défend l'effet de votre courtoisie. Adieu suis-moi Sosie. Rassemble, Amphitryon, et possède tes sens, C'est bien ici le même foudre, Dont je mis les Titans en poudre, Mais il ne tombe pas, dessus les innocents. Roi, Monarque des Rois, Dieu, Souverain des Dieux, Pour tirer ton esprit de peine Et soutenir l'honneur d'Alcmène, De mon trône éternel, je descends en ces lieux. Je suis le suborneur de ses chastes attraits, Qui sans l'emprunt de ton image, Quelque beau que fut mon servage, Pour atteindre son coeur, aurais manqué de traits, D'un fils, frère du tien, digne sang, de mon sang, Sa couche vient d'être honorée, Qui de cette basse contrée, Un jour des immortels, viendra croître le rang, Il reçoit l'être, l'âme, et naît presque à la fois, Et pouvant tout sur la nature, J'en romps l'ordre, en cette aventure, Et fais faire à trois nuits, l'office de neuf mois ; Deux horribles serpents, étouffés par ses mains, Ont déjà marqué sa naissance, Et qu'homme d'immortelle essence, Il passe en dignité le reste des humains : Qu'Hercule soit le nom de ce jeune héros, Que par lui, chacun te révère, Chéris le fils, aime la mère, Et possède avec elle, un paisible repos. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_MERCURE *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_mercure Vierge, Reine des mois, et des feux inconstants, Qui président au cours de la moitié du temps, Lune, marche à pas lents, laisse dormir ton frère, Tiens le frein aux coureurs qui tirent ta litière, Cependant que mon père enivré de plaisirs, Au sein de ses amours le lâche à ses désirs. Prête avec moi ton aide à cette jouissance, Et de ta chasteté ne prends point de dispense ; Absolu comme il est sur tous les autres Dieux, À notre obéissance il doit fermer les yeux. Le rang des vicieux ôte la honte aux vices, Et donne de beaux noms à de honteux offices ; C'est Éloquence à moi, que de servir ses feux, Que de persuader les objets de ses voeux Et mon nom est celui de messager du Pôle, Qui de mon père en terre apporte la parole. Retarde en sa faveur la naissance du jour. Mais Sosie en ces lieux avance son retour, Pour servir Jupiter, cessons d'être Mercure, Allons de ce valet emprunter la figure, Et troublons son esprit d'un si plaisant souci, Que s'ignorant soi-même, il s'éloigne d'ici. Inspiré de mon père à qui tout est connu, Représentons celui que je suis devenu. Le voici, qui rêveur, sa harangue étudie. Ce menteur éternel, à soi seul imitable, Une fois pour le moins se trouve véritable. Certes, la vérité, (hors de ce qui le touche) Sort nûment, et sans art, de sa profane bouche, Car nous vîmes du Ciel, les deux camps se heurter, Mon père y mit la main. Prenons de sa figure, et de son propre nom, Le droit de le chasser de sa propre maison : Mettons, feintes, serments, et malice en usage, Représentons ses moeurs, ainsi que son visage ; Battons-le de ses traits : mais pourquoi dans les cieux, D'un si fixe regard attache-t-il ses yeux ? Achève, heureuse nuit, d'obéir à mon père, Et de longtemps encor, ne finis ta carrière. Mon père en fait l'épreuve, et sait bien en user. Il est poltron, au point, où plus on le peut être. Il tremble. Pour accroître sa peur, menaçons, parlons haut, Sus mes poings, donnez-moi le repas qu'il me faut ; Faites un compagnon de sort, et de disgrâce, Aux quatre hommes, qu'hier, j'assommai sur la place, Ils surent, qu'au besoin, vous êtes bons et lourds. De votre premier coup, ne laissez dents en bouche. Voici de la matière, à votre noble ardeur, Je sens ici quelqu'un. Il ne peut être loin, et vient de long voyage. Il approche, courage. Chargeons-le d'importance. Mais, où ce malheureux détourne-t-il ses pas ? Sa voix, ou je m'abuse, a frappé mon oreille. Il vient, je l'aperçois. Toi, qui portes Vulcain, en cette corne esclave. Où s'adressent tes pas ? Es tu libre, ou captif ? Mais lequel des deux ? Ce maraud veut périr. Mais, qui (de grâce) es-tu ? Qui t'amène en ce lieu ? J'arracherai, pendard cette langue effrontée : Poltron, répliques-tu ? Que viens-tu faire ici ? Créon, y fait veiller les gardes de la ville. Ami, qui que tu sois, ou domestique, ou non. Fuis tôt, et perds cette humeur suffisante, Ou ta réception ne sera pas plaisante. Je te vais rendre vain, sais-tu de quelle sorte ? En ne te chassant pas, mais faisant qu'on t'emporte ; Ça mes poings, travaillons. Hors de ta maison traître ! Quel maître ? Et, ton nom, imposteur ? Ô Dieux ! Quelle impudence, ou quelle frénésie ! L'imposteur, l'effronté, de quelle audace il ment ! On t'appelle. À ton dam, misérable, Tu viens si prestement, de forger cette fable ; De cette invention cent coups seront le prix. Au mensonge, pendard, tu joins encor la plainte ? Quoi Sosie est ton nom ? Sosie ? Mes poings, cent coups encor, pour cette menterie. Dis ton nom, affronteur. Ton audace est extrême, Jusques à m'affronter, et prendre mon nom même ? C'est moi, qui suis Sosie, et dans cette maison, Jamais autre que moi, n'en a porté le nom. Que viens-tu faire ici ? Es-tu Sosie encor, réponds, qui l'est de nous ? Approche, dis ton nom, parle, quel est ton maître ? Qui ? Quoi ? Que t'apporte mon nom ? Et quelle extravagance, Te le fait usurper avec tant d'arrogance ? Oui parle, ma bonté t'accorde cette trêve. Dis tôt. Après achève. Que crains-tu, parle tôt. Oui, je te la tiendrai. Que Mercure, à jamais prenne Sosie en haine. Parle. Encore, malheureux. Ces coups sont un remède à guérir ta folie, Et ton mal je m'assure, est décru de moitié. Ô le fou ! L'insensé ! Dieux ! De quelles couleurs il sait peindre un mensonge ; Dois-je croire mes sens, veillai-je, ou si je songe ? Il dit de point en point, ce qui m'est arrivé ; Car mon Maître en effet le combat achevé, Et sa main de Ptérèle, ayant coupé la trame, M'a du port Euboïque, envoyé vers sa femme, Lui conter de nos faits l'heureux événement. D'un vase précieux, où Ptérèle buvait. Que mon Maître aussitôt fit marquer de ses armes. D'un flacon de vin pur. Pris d'un muid frais percé, j'allai faire ma proie, Hardi, je l'assaillis, et lui tirai du flanc, Cette douce liqueur, qui tenait lieu de sang. Eh bien, suis-je Sosie ? As-tu lieu d'en douter ? T'ai-je assez bien guéri de cette frénésie ? Prends ce nom, si tu veux, quand je l'aurai quitté, Mais devant, défais-toi de cette vanité. Traître, où vas-tu ? Ha ! C'est trop, le Ciel même, Ne te pourrait soustraire à ma fureur extrême, Tu t'obstines encor, à me persécuter ! Oui, mais non à la mienne, ou de ce même seuil, Où tu veux aborder, je ferai ton cercueil. Ai-je avec gloire, enfin abattu son audace ? Ne l'ai-je pas réduit, à me céder la place ? Mon père, cependant, sans importunité, Possède le sujet, qui tient sa liberté : Son absolu pouvoir, se permet toute chose, Ni refus, ni froideur, à ses voeux ne s'oppose, Son bonheur est tout pur, et ses ravissements, Passent les voluptés des plus heureux Amants. Mais comblé des faveurs d'une beauté si rare, L'heure approche bientôt, qu'il faut qu'il s'en sépare, Et le jour doit enfin succéder à la nuit. Taisons-nous, le voici, la porte a fait du bruit. Hommes, dieux, animaux, sortez de mon passage, S'éloigne qui pourra, fuie quiconque est sage, Mais malheur à celui, qui ne m'évite pas, J'abats, romps, pousse, brise, et mets tout sous mes pas. J'obéis à mon père, et viens servir mon maître, Tel, un bon serviteur, tel, un bon fils doit être, Qui veut de son devoir s'acquitter dignement, Doit forcer tout obstacle, et tout empêchement ; Ce soin m'a fait quitter une réjouissance, Par qui les dieux, d'un Dieu célèbrent la naissance, Car Hercule va naître, et par un ordre exprès, Tous les Dieux en font fête, et boivent à longs traits ; Ô ! Comme le nectar s'avale à tasse pleine ; Bacchus, le bon ivrogne, en a perdu l'haleine ! Mome, à force de boire a cessé de railler, Et pressé du sommeil, ne fait plus que bailler ; Mars, voit, (pris comme il est) des troupes d'Encelades, Qui dans le ciel encor, dressent des escalades, Et de son coutelas, son ombre poursuivant, Au grand plaisir de tous, se bat contre du vent ; Vulcain, ce vieux jaloux, plein jusques à la gorge, Souffle un air aussi chaud, que celui de sa forge ; Saturne le bon père, en a jusques aux yeux, Pallas même, et Vénus, trinquant à qui mieux, mieux Noient le souvenir de leur vieille querelle, Dedans cette liqueur, aux Dieux si naturelle. Junon seule, bouffie, et de haine, et d'orgueil, Lorsque je suis entré, m'a fait un triste accueil, Se promène à grands pas, un peu loin de la troupe, Et contre sa coutume, a refusé la coupe. Ainsi, la jalousie, a jusques dans le ciel, Dégorgé son poison, et répandu son fiel ; Mais la laissant enfin, avecque sa colère, J'ai voulu, comme un autre honorer le mystère, Ganimède y faisait l'honneur de la maison, Et m'apportait déjà, la dixième raison, Quand la voix de mon père a parti de la terre ; Cette voix, de ma main a fait tomber le verre, D'où Vénus a vu choir, sur ses riches habits, S'étant trouvée au droit, un ruisseau de rubis. Tout en désordre enfin, j'ai traversé les nues, Par les routes de l'air à mes yeux si connues, Et pour ne pas ravir l'espace d'un moment, À l'ardeur que je dois à ce commandement, Dedans ce vaste champ, j'ai changé de figure, Je suis Sosie en terre, au ciel, j'étais Mercure ; J'arrive, enfin, à temps ; on ouvre, quelqu'un sort. Je passe pour Sosie, et pour ne rien confondre, C'est sous ce nom aussi, que je lui dois répondre ; Hâtons-nous, consultons, en ce besoin pressant, Notre immortelle essence, à qui rien n'est absent. Il est à peine au port. Ô le maître importun ? Et le mal qu'il me donne ! Non, un trait de la main du plus adroit archer, Fend l'air moins promptement, qu'on ne m'a vu marcher. Que ma course était vaine, Car je n'ai vu nocher, soldat, ni capitaine, Le rivage est désert, chacun s'est retiré, Ou plutôt, j'ai trouvé, ce que j'ai désiré, Car à moins de mangeurs, d'autant meilleure chère ; Entrons. La faim me désespère. De quoi ? Comprends-tu ce langage ? Et ce moment qu'il veut, sais-tu pour quel usage ? De ? Tu ne l'entends pas mieux ? Ô que tu sais bien mieux ! Je suis ce qui te plaît, mais la faim qui me presse, Quel que soit leur secret, condamne ma paresse. Entrons ; lorsqu'il s'agit d'un excellent repas, Mille secrets d'état, ne m'arrêteraient pas. Qu'est-ce ? Que veut cet insolent, qui heurte de la sorte. Qui moi ? T'exterminent les Dieux, toi qui me parles, toi ; Jamais si violent n'éclata le tonnerre, S'il frappe encor un coup, il mettra tout par terre. Qu'est-ce, comment ? Que veut cet insensé ? Eh bien ? C'est moi, crains-tu que je l'oublie ? Achève, que veux-tu ? Que ne veux-tu donc point, réponds-moi, si tu veux. Il pense s'adresser à quelque hôtellerie, De la façon qu'il frappe, et qu'il parle, et qu'il crie ; Eh bien m'as-tu stupide, assez considéré ? Si l'on mangeait des yeux, il m'aurait dévoré. Mais si ce malheur même, arrive à qui menace ? Spectre, qui que tu sois, fantôme, ombre vivante, Qui crois, par ta menace exciter l'épouvante, Si ta fuite, insensé, tarde encor un moment, Si du pied, de la main, ou du doigt seulement, Même du souffle seul, tu touches cette porte Devine quel congé cette tuile te porte ? Un passeport, du jour aux éternelles nuits. Ni je ne te connais, ni ne te veux connaître. Toi, mon maître ? Ô le doux passe-temps ! Autre qu'Amphitryon n'a droit de me l'apprendre ; Je ne reçois des lois d'autres maîtres que lui. Ne l'ai-je pas bien dit, qu'il était insensé ? Passe mauvais bouffon, tu t'es mal adressé, Passe, laisse mon maître en l'entretien d'Alcmène Posséder le repos, qui succède à sa peine ! La guerre faite aux champs, laisse la paix chez nous Et ne fais point mon temps, l'exercice des fous. Amphitryon te dis-je À combien de discours cet importun m'oblige ! Oui, te dis-je, est ici. Et dessus son lit même. Oui, pour un importun. Attends, au nom des Dieux. Je te vais envoyer qui te saura répondre. Il te fera raison. Ce passe-temps me plaît, j'aime à frapper sur moi. Entrer effrontément, et jusqu'à la cuisine, C'est bien haïr ta vie, et chercher ta ruine ; La cuisine, mon centre, et mon appartement, Mon unique séjour, mon Ciel, mon élément, Traître je t'y rencontre, et ta mine affamée, Vient des mets qu'on y dresse, escroquer la fumée ; Respecte-la profane, et n'y rentre jamais, Qu'assuré d'en sortir en qualité de mets. Et de laisser la vie, où tu cherches à vivre. Sosie ? Appelles-tu maudit un présent de ma main ? Adieu, quand tu voudras, ce bras à ton service, Te fournira toujours une heure d'exercice. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_AMPHITRYON *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_amphitryon Marche tôt. Marche, peste des hommes. Tu murmures pendard ? Ma patience ô Dieux ! est bien incomparable ! D'avoir pu si longtemps souffrir ce misérable. Oses-tu malheureux, encor me soutenir, Ce qui ne fut jamais, ni ne peut advenir, Qu'étant ici présent, tu sois chez nous encore ? Misérable est celui, Sur qui pend le malheur, qui t'attend aujourd'hui. Ton impudence encor, s'obstine à me jouer ! C'est bien haïr ta vie, il le faut avouer, Tu m'oses soutenir, avecque tant d'audace, Qu'un même homme, en même heure, occupe double place ? Te confondent les Dieux. Quelle confusion, à la mienne est pareille ? Et combien justement, douté-je, si je veille ? Traître, qui te croira, quel esprit si crédule, Ne tiendra, comme moi, ce conte ridicule, Que tu sois au logis, et que tu sois ici. Dessus quelle apparence, As-tu si fermement fondé cette assurance ! Quoi ? Dieux ! Comme il est troublé ! Cette disgrâce insigne Est le fatal présent, de quelque main maligne, Quelque méchant esprit rencontré sur ses pas. Qui t'a battu ? Et pourquoi ? Toi ? Écoute, observe ici l'ordre que je désire, Et réponds mot, pour mot, à ce que je vais dire ; Quel est premièrement, ce Sosie inconnu, Qui t'a tout raconté, ce qui t'est advenu ? Trêve à sa courtoisie. Deux me sont superflus, et j'ai trop d'un Sosie. Un semblable miracle est trop prodigieux, Pour m'en fier à moins, qu'au rapport de mes yeux, Mais as-tu vu ma femme ? Et qui t'en a chassé ? Le Sommeil t'a surpris, t'a montré ton image, Et ne t'a fait qu'en songe accomplir ton voyage. Hâtons-nous, suis mes pas, et m'oblige à te croire, Faisant mes propres yeux, témoins de cette histoire ; Par cette vue enfin, je resterai confus. Le plaisir est plus doux, quand on ne l'attend pas, Et ma vue en ce lieu sera d'autant plus chère, Qu'elle est moins attendue, et que moins on l'espère. Le Ciel te rie, Alcmène, et soient bénis les Dieux, Dont le soin provident, me ramène en ces lieux. Viens-je aussi désiré, que je te suis fidèle ? Et t'es-tu conservée, aussi saine, que belle ? Dieux ! quels sont ces mépris, et ces retardements, Que ta défense apporte à nos embrassements ? Qui le croirait ainsi, ne s'abuserait pas ! Je viens de prendre port, j'arrive de ce pas. Et ce baiser payé d'une froideur si forte, Est le premier salut, que ma bouche t'apporte. Et quand, s'il t'en souvient, partis-je de ce lieu ? Sosie, écoute, ô dieux ! quelle est sa frénésie ? Quelle est cette merveille ? Tu nous brouilles encor, en cette occasion ; Et veux entretenir cette confusion. À quoi, dois-je imputer un si mauvais accueil, À ton extravagance, ou bien à ton orgueil ? Est-ce là cet abord, de respect, et de flamme, Que doit à son époux une pudique femme ? Sont-ce là ces transports, d'amour, et de devoir, Qu'en ces occasions, tu m'as toujours fait voir ? Nous sommes tous deux fous, si l'un et l'autre est sage. Alcmène, est-ce folie, ou divertissement ? Que t'est-il arrivé ? Quelle douleur te presse ? Ce fâcheux accident, naît-il de ta grossesse ? Moi, je vins hier ici ? Tu l'oses soutenir ? Sa manie est extrême ! Écoute, Alcmène ; et crois ce fidèle rapport : Nos vaisseaux cette nuit, se sont rendus au port, Où j'ai pris le repas, où j'ai la nuit passée, Où l'espoir de ta vue a flatté ma pensée ; D'où nous sommes partis ce matin seulement, Et d'où nous arrivons, en ce même moment. Je ne me connais plus, moi-même je m'ignore. Je t'ai fait ce récit ? Il rit, et justement, de ton erreur extrême. Dis-le, si tu le sais, m'as-tu vu l'aborder ? Au moins crois l'un des deux. Non, il t'est destiné, t'en a-t-on avertie ? Quand ? Voyons ; dieux, quel miracle, égale ce prodige ? Le sceau, me semble entier. Cet avis ce me semble, est assez à propos. Ô Dieu, maître des dieux ! divinité suprême ! Sosie, approche, tiens, le voilà, c'est lui-même. Elle nous a charmés. Ouvre, romps le cachet. Hâte-toi. Apporte, monstre. Retourne sur tes pas, Traître, il le faut trouver. De qui l'as tu reçu ? À quelle heure, où, comment, dis tout, de point, en point. Après. Un si courtois accueil déjà ne me plaît pas. J'ai peur d'avoir tant fait qu'il m'en doive déplaire ; Mais continue, après. Lors ? Et puis ? Tout cela m'est suspect, nous étions trop amis, Enfin, après souper. Je crains, et justement, d'en savoir davantage. Je tremble, achève, après. Où ? C'est ici le point que sur tout j'appréhende. Comment, en même lit ? Ô malheur ! Tais-toi, ne parle plus, Ce funeste discours me rend assez confus ; Ô malheur de mes jours, malheureux Hyménée, Malheureuse cent fois ma triste destinée : Ô voyage, ô triomphe à mon honneur fatal. Horreur de ma maison, Ne m'appelle jamais de ce funeste nom. Avec d'autres que moi tu partages ma couche, Tu reçois des baisers, d'autres que de ma bouche. Ô Dieux ! ô Jupiter ! tu vis ce suborneur, D'un immortel affront, diffamer mon honneur, Et cruel, à tes yeux, tu souffris cette injure. Tout esprit, tout conseil, et tout sens m'abandonne, J'ignore qui je suis, et ne connais personne. Si faut-il avec soin éclairer cette affaire. Même j'en ai moyen ; si j'amène du port Naucrate, ton parent, croiras-tu son rapport ? Il sait ce que j'ai fait depuis notre venue ; Et n'a pas d'un moment abandonné ma vue ; Consens-tu, si sa voix convainc tes faussetés, À rompre le lien, qui joint nos libertés ? Je reviens, va Sosie, entre, et m'attends chez nous. Et sur tout le rivage, et par toute la ville, J'ai fait, pour le trouver une course inutile : Il n'est temple, bureau, halle, jeu, carrefour, Dont pour le rencontrer, je n'aie fait le tour ; Mais rien ne me succède, et sa recherche est vaine, Ma seule lassitude est le fruit de ma peine ; Je trouve tout changé, tout est ici confus, On s'y perd, on s'y double, on ne s'y connaît plus ; Cet importun destin, qui brouille toutes choses, Aura mêlé Naucrate, en ces métamorphoses, Nous sommes deux doublés, celui-là s'est perdu, Quand notre état premier, nous sera-t-il rendu, Quand se termineront ces changements étranges, Quand veux-tu, Jupiter, débrouiller ces mélanges ? Entrons, et s'il se peut, sachons quel imposteur, De ces confusions est le subtil auteur ; Tirons par la rigueur, si la douceur est vaine, Cette confession, de la bouche d'Alcmène. Étouffons ce serpent, perdons ce suborneur, Et puisse tout périr, plutôt que mon honneur. Holà ? quelqu'un ici ? Ouvre tôt, la porte. Ouvre, c'est moi. Moi, qui te parle, moi. Comment ? Quoi, tout, jusqu'aux esprits, est ici renversé ? Quel dieu, de ce désordre a ma maison remplie ; Sosie ? Traître, ce que je veux ? Quel orage de coups va pleuvoir sur ta tête ? Moi-même, j'ai pitié des maux que je t'apprête ; Sois-je aussi cher aux Dieux, que je vais en ta mort Faire un exemple horrible à tous ceux de ton sort. A-t-il perdu l'esprit ; Dieux ! Quelle est son audace ? Mais qu'attends-je en ce lieu, traître, tu n'ouvres pas ? Rompons tout, brisons tout, et mettons tout à bas. Connais-tu qui te parle, et sais-tu qui je suis ? Misérable est le serf, qui s'attaque à son maître. Qui donc ? Je te le vais pendard, apprendre à tes dépens. S'il se peut que l'on m'ouvre, ou si tu peux descendre. Qu'entends-je ? quel parais-je ? Et qui suis-je aujourd'hui ? Sosie, ouvre les yeux, quelle est ta frénésie ? Je suis Amphitryon, ou tu n'es pas Sosie. Quels fous, et qui ton maître ? Hé, de grâce, Sosie, ôte-moi de souci ; Dis-tu qu'Amphitryon... En la chambre d'Alcmène ? Que résoudrai-je, ô Dieux ! En ce désordre extrême ? Que ferai-je ? En quel lieu s'adresseront mes pas ? Sosie, encor un coup, ne me connais-tu pas ? Descends lâche, ouvre traître ; Peste, ivrogne éternel, qui méconnais ton maître. Nous verrons à la fin d'un passe-temps si doux, Si tu reconnaîtras ce que pèsent mes coups. Te puissent-ils confondre ! Qu'il vienne, qu'il paraisse. Périsse, valet, femme, et famille, et maison. Dieu, Souverain des Dieux, je réclame ton aide, Tu peux seul, à ma peine apporter du remède, Éclaircis mes soupçons, débrouille ce chaos, Si tu ne veux ma perte, établis mon repos. Dessille-nous les yeux, dissipe ce nuage, Et rends-moi, pour le moins, mon nom, et mon visage. Je doute quel succès est le plus glorieux, Ou celui des vaincus, ou des victorieux, La fin de mon triomphe est un désordre extrême, Qui me rend plus vaincu, que n'est le vaincu même ; Et d'un si long voyage, et si laborieux, Le seul travail est mien, la gloire en est aux Dieux. Que ce vice ait fait brèche à la vertu d'Alcmène ! Quel prodige inouï, peut plus nous étonner ? Et quelle honnêteté ne doit-on soupçonner ? La coupe de Ptérèle est une autre merveille, Qui ne se peut comprendre, et n'a point de pareille ; Et l'ouïr de nos faits conter l'événement, Passe toute créance, et tout étonnement. Mais, je conçois la fourbe ; et tout cet artifice, De l'esprit de Sosie, est sans doute un caprice ; Que lui-même accusé, ne peut désavouer, Puisqu'à mes propres yeux, il ose me jouer. Mais s'il peut aujourd'hui, tomber entre mes mains, Misérable est son sort, sur tous ceux des humains, Il peut compter ce jour, le dernier de sa vie. Vous venez justement, à l'heure, où je vous veux, Enfin, votre rapport, nous tirera de peine, Quel sort si favorable, en ce lieu vous amène ? Quoi de ma part ? Ô Ciel ! Avec mon nom, perds-je encor la mémoire. Qui de ces mandements, charge cet insensé ? Où vous a-t-il trouvés, où l'avez-vous laissé ? Qui ? Où ? Ma colère est extrême, Jusqu'à m'ôter le sens, et jusqu'à m'aveugler, Approche, c'est toi, traître, à qui je veux parler ; Toi, peste des mortels, dont l'audace effrontée, À ma vue, à mon su, jusqu'à moi s'est portée, Qui tout soin, tout devoir, et tout respect à bas, Veux railler tout le monde, et ne m'exceptes pas. Le ciel même, le Ciel, à mes desseins contraire, Ne te soustrairait pas à ma juste colère, Laissez, votre défense irrite mon courroux. Parle, mais toi, reçois les coups. De ton audace enfin ai-je tiré raison ? Traître, voilà le toit, la tuile, la maison ; Reconnais-tu la porte, et vois-tu la fenêtre, D'où tu feignais tantôt, de ne me pas connaître ? Me le demandez-vous ? Il me veut, l'insolent, éloigner de chez nous ? Il me ferme la porte, il me joue, il me chasse, Et de cette fenêtre, il m'use de menace. De combien de coups, ne m'as-tu menacé, Si j'eusse osé heurter, ou si j'eusse avancé ? Le voudrais-tu nier ? De moi ? Comment, Alcmène, et moi ? Es-tu capable encor de cette effronterie ? Entrons et me prêtez, et vos soins, et votre aide, À chasser de ce lieu, l'erreur qui nous possède. Ô Dieux ! Ô Jupiter, protège mon honneur, J'implore ton secours, contre ce suborneur. Et vous, chers compagnons de ma longue fortune, Avec qui j'ai la peine, et la gloire commune ; Nobles chefs des Thébains, vous de qui les lauriers, À l'abri de l'orage, ont mis tant de guerriers ; Si j'ai votre valeur, si longtemps éprouvée, La guerre dure encor, et n'est pas achevée ; Nous n'avons combattu, ni vaincu qu'à demi ; Voici qu'il se présente, un second ennemi, Le triomphe, au vainqueur engendre une querelle, Non plus pour un Créon, non plus contre un Ptérèle ; Puisqu'enfin nos mutins se sont assujettis ; Mais un combat, où seul, je fais les deux partis, Une guerre, où pour vaincre, il faut que je succombe, Où pour me soutenir, le sort veut que je tombe ; Un prodige, un désordre, une confusion, Où contre Amphitryon, combat Amphitryon. Mais plutôt, un duel, que l'enfer me déclare, En deux Amphitryons, son pouvoir me sépare ; J'ai des charmes à vaincre, et cet enchantement, Suspend déjà vos yeux, et votre jugement. Ce fourbe, tôt ou tard, te rendra cette injure. Te confonde Mercure. Auteur de la nature, Qui te fait Jupiter, emprunter ma figure. Amphitryon vous dis-je. Qui suis fils de Dias. Nommé Chef, par Créon. Qui lorsque le Soleil. Fus porter la terreur. La mort suivit l'effroi. Voici la propre main. D'un vase précieux. Il me fut fait présent. Enfin victorieux. Laissant aux ennemis. Un favorable vent. Me voici de retour. Mais chacun aujourd'hui. Voilà qu'un suborneur. Cette voie en effet est la meilleure preuve, C'est par elle, qu'il faut qu'Amphitryon se trouve, Et que j'ôte la vie, à qui m'ôte mon nom. Donnons. De faire sur le port, tenir des vaisseaux prêts. Que mes coffres surtout, conservés avec soin. De cent talents attiques. Qu'entends-je ? Quelle injure égale mon affront ? Et de quelle rougeur, sens-je peindre mon front ? Mais quoi, ne suis-je pas cet Amphitryon même, Qui fit Taphe l'objet de sa valeur extrême ? Arcanane, Télèbe, et cents peuples divers, Que j'ai soumis aux lois de Créon, que je sers. Dieux ! Qu'a-t-il reservé ? que peut-il dire encore ? Je doute qui je suis, je me perds, je m'ignore, Moi-même je m'oublie, et ne me connais plus. Quoi cet affront encor, à tant d'autres est joint ? Quoi, par cet imposteur, ma maison m'est ravie, Mes valets, mes amis, ma famille, mon nom, Et par Amphitryon, périt Amphitryon ? Non, non, à qui tout manque, il reste du courage, Et l'innocence enfin, surmontera l'outrage, Sans consommer de temps, en frivoles discours Allons de Créon même, implorer le secours, Et par son aide, jointe à l'ardeur qui l'enflamme Faisons plutôt périr, valets, amis, biens, femme, Enfants, parents, voisins, honneur, charges, maison, Que de cet affronteur je n'aie ma raison. Voyez à quel souci mon malheur vous oblige ? Quelle étrange aventure égale ce prodige ? Lorsque victorieux des ennemis du Roi J'apporte ici la paix, j'ai la guerre chez moi. L'ennemi que je cherche au rivage Euboïque, Me cherche chez moi-même, et s'y rend domestique, La révolte, ce monstre à mes coups endurci, Me devance au retour, je la retrouve ici. Créon par ma valeur, craint par toute la terre, Voit ma propre maison me déclarer la guerre, Chez moi-même étranger, je rétablis autrui, Pour moi-même impuissant, j'exécute pour lui, Vainqueur je le réclame, et le soir, sa couronne, Me prête le secours, qu'au matin je lui donne. L'incroyable rapport de ce Spectre, et de moi A même en sa faveur fait balancer ma foi. À peine me connais-je, en ce désordre extrême, Me rencontrant en lui, je me cherche en moi-même, Et je me crois ici, bien moins qu'à la maison, En ce combat des sens, avecque la raison. Mais cette ressemblance, est assez confirmée, Par le récent abus des chefs de notre armée, L'incertain jugement, que ces gens ont rendu, Laisse encor à présent, leur esprit suspendu ; Cette distinction ne leur est pas possible, Et leur incertitude est encor invincible. Voyez, comme troublés par cet étonnement, Ils ne peuvent asseoir, de certain jugement. Voyez jusques où, va cette méconnaissance, Je leur étais présent, même dans mon absence ; À qui ne semblera, ce discours, fabuleux, Que parlant à Créon je mangeasse avec eux ? Que je fusse à la cour, ensemble, et chez Alcmène, Et fisse des festins, lorsque j'étais en peine. Mourons, s'il faut mourir, mais qu'avec moi périsse, D'un si sensible affront l'auteur, et la complice. Elle a failli pourtant, d'une ou d'autre façon S'agissant de l'honneur, l'erreur même est un crime, Rien ne peut, que la mort, rétablir son estime. Entrons, rompons, brisons, secondez mon dessein, Surprenons, s'il se peut l'adultère en son sein ; Partout, l'honnêteté repose à porte ouverte, Cette porte fermée, assure encor ma perte, Le vice seulement, aime de se cacher, La femme qui s'enferme, a dessein de pécher. Joignez donc vos efforts, à ma juste colère, Frappons, brisons, entrons, convainquons l'adultère. Qu'entends-je ? Hélas ! Quels Dieux faut-il que je réclame ? La terre ouvre son centre, et le Ciel est de flamme. Je suis mort, qui m'appelle. Que veux-tu ? Je suis mort. Qui me tient ? De quels traits, sans mourir, est ma vie assaillie ! Quoi, je revois le jour ? Dis tôt, donc, hâte-toi de me tirer de peine. Mais, me reconnais-tu ? Vois bien. Ne t'abuses-tu point ? Qui suis-je ? De toute ma famille, La raison est restée, à cette seule fille, Ou leur aveuglement naissait de leur dessein. Que n'est fou tout le reste, et qu'Alcmène n'est sage, Mais, que de la raison elle a perdu l'usage, L'affront que j'en reçois me trouble tellement, Que j'en perds sens, repos, raison, et jugement. Le Ciel est trop soigneux de conserver mon nom. Le Ciel est trop soigneux, de ma postérité, Et ne la traite pas, comme elle a mérité. Ô dieux ! Que dit-elle, bons Dieux, qui croira ce miracle ? Dieux ? par ton seul récit, leur venin m'est funeste, Ce seul discours me tue. Je plaindrais mon honneur d'un affront glorieux, D'avoir eu pour rival, le Monarque des Dieux, Ma couche est partagée, Alcmène est infidèle, Mais l'affront en est doux, et la honte en est belle, L'outrage est obligeant ; le rang du suborneur, Avecque mon injure, accorde mon honneur. Mais quel nouvel orage, à ce calme succède ? Ô dieux, Maître des Dieux, je réclame ton aide. Cet agréable charme, est enfin dissipé, Qu'à bénir le charmeur chacun soit occupé, Alcmène par un sort à tout autre contraire, Peut entre ses honneurs, compter un adultère, Son crime la relève, il accroît son renom, Et d'un objet mortel, fait une autre Junon. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_ALCMENE *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_alcmene Quel si pressant besoin, vous tire de ce lieu, Où le salut à peine, a précédé l'adieu ? Par quel ordre fatal, ma chère Céphalie, Faut-il que la douleur, aux voluptés s'allie ; Quel important besoin, quelle nécessité, Enchaîne ainsi la peine, à la prospérité. C'est la première loi, des lois de la nature, Qu'ici bas un plaisir s'achète avec usure, Aux grands, comme aux petits, aux rois, comme aux bergers, Les maux sont naturels, et les biens étrangers. Je l'éprouve chétive, et je sais par moi-même, Quelles sont les rigueurs de cette loi suprême, Moi, dis-je, dont tu vois, que les tristes amours, Pour une bonne nuit, ont tant de mauvais jours ; Moi veuve d'un vivant, moi triste et solitaire Dont le Soleil se couche, aussitôt qu'il éclaire. Tu vois qu'Amphitryon, en une même nuit, Entre, sort, vient, s'en va, se laisse voir, et fuit, Sa venue en mes yeux trouve à peine des charmes, Que sa perte aussitôt, y veut trouver des larmes ; Son retour me ravit, mais ce ravissement, Par l'ennui du départ, est payé doublement. Il est vrai que l'honneur dessus l'amour l'emporte, Tant honnête soit-elle, et tant soit-elle forte. De tous les beaux objets, la gloire est le plus doux, Aussi de tous les biens, ce bien seul est à nous. Les trésors sont des biens, mais il les faut défendre, On vante un noble sang, mais on le peut répandre, Ce soir emportera, tel qui vit aujourd'hui, Et de ses jours le sort est plus maître que lui. La vertu, ce seul bien, de soi-même dispose, Elle possède tout, et donne toute chose, Et le sort ; mais que dis-je, il revient sur ses pas ? De quel avis nouveau, naît ce prompt changement ? Je ne sais que juger, en cet étonnement ; Ma chaste affection, lui serais-tu suspecte ? Douterait-il, Hymen, combien je te respecte ? Vient-il voir à quel point me touche son départ ? Quelque tard qu'il arrive, il vient encore tard ; J'ignore quelle fin son retour se propose, Mais je bénis l'effet, quelle qu'en soit la cause. Mais quel dessein plutôt, ou quelle humeur vous porte, À me venir railler, et jouer de la sorte ? Qui, vous oyant parler, ne croirait qu'à ce jour, Vous faites en ce lieu, votre premier retour ? Et que vous m'apportez les premières nouvelles, De votre heureux succès, et du sort des rebelles. Raillons, s'il faut railler, vos plaisirs me sont doux, Et je suis obligée, à souffrir tout de vous : Mais quel sujet retarde, ou rompt votre voyage ? Avez-vous observé quelque mauvais présage ? Êtes-vous menacé par le vol des oiseaux ? Quelque soudain orage a-t-il ému les eaux ? Avez-vous redouté le pouvoir de Neptune ? Et laissez-vous l'armée au soin de la fortune ? Au lever du Soleil, vous m'avez dit adieu. Je croirai là-dessus le rapport de Sosie. Non non, je vous entends, je discours, et je veille ; Veillant je vous ai vus. Hier, à votre arrivée, avec quelle allégresse, Vous vins-je recevoir, et vous fis-je caresse ? Je craignis, justement, que ma civilité, Ne passât du devoir, à l'importunité. Je parle sainement. Vous, et Sosie aussi. Faites à vos discours trahir votre mémoire, Croyez ce qui n'est pas ; si vous le voulez croire, Et divertissez-vous, à me mettre en souci ; Mais dès hier arrivés, vous mangeâtes ici, D'où vous n'êtes partis, qu'au réveil de l'aurore. De quoi puis-je tenir, sinon de votre voix, L'agréable récit du fruit de vos exploits, Incomparable ardeur de ces foudres de guerre, Qui semblent être nés, pour conquérir la terre, La prise de Télèbe, et le triste destin Qui renversa l'orgueil de ce peuple mutin ; Votre duel, enfin, et la mort de Ptérèle, De qui, sinon de vous, tiens-je cette nouvelle ? Sosie était présent. Peut-il, instruit par vous, parler contre vous-même ? Je ne crois que ma vue, Je vous parle sans art, et sans déguisement, Et n'ai point d'intérêt à parler autrement. Mais désavouerez-vous une preuve certaine, Dont je vous vais convaincre, et me tirer de peine ; Ne tiens-je pas de vous, ce riche vase d'or Dont on vous fit présent ? Le nierez-vous encor ? Vous me l'avez baillé. À votre sortie. Trouverez-vous encor, de quoi le contester ? Vous plaît-il de le voir, le ferai-je apporter ? Apportez Céphalie. Il est bien véritable, il faut que je le die, Que les fous en autrui, trouvent leur maladie, Qu'ils tiennent tous esprits dans le défaut des leurs, Et qu'ils se peignent tout de leurs propres couleurs. Donnez-moi. Voyez si cette folle, Vous a fait concevoir une attente frivole, Vous qui désavouez, ce que vous avez fait ; Est-ce une illusion, ou ce vase, en effet. De qui me le demande. Je vous vais tout conter, je ne m'en défends point. Hier au point que la nuit tendait ses sombres voiles, Et qu'on voyait au ciel les premières étoiles. Je vous tendis les bras. Je reçus, et rendis le salut ordinaire. J'appris de vous, enfin, Des contraires partis, le contraire destin, Et comme sous Créon, toute la terre tremble. Il fallut manger, nous lavâmes ensemble. Nous prîmes place, où le couvert fut mis. Fatigué du voyage. Vous vous mîtes au lit. J'en usai comme vous, et vous suivis de près. Auprès de vous, pourquoi ? Quelle est cette demande ? Avec la liberté, Qu'une pudique femme a de l'honnêteté, Et par la loi d'Hymen, immuable, et sacrée, Qui m'y donne ma place, et m'en permet l'entrée. Qu'avez-vous ? Qu'est-ce ? qu'a mon époux ? J'atteste de Jupin, la majesté suprême, Que mon lit n'a reçu de mortel, que vous-même ; Ou que vive, je brûle, en la place, où je suis ; Femme, j'ose jurer, mais chaste je le puis. Les biens de mes parents sont un vil héritage ; J'eus la crainte des Dieux, et l'honneur en partage ; Ma pudeur, mon respect, ma chaste affection Plus que tout autre bien, sont ma possession. Vous avez liberté, comme droit de le faire. Soit qu'il prouve ma faute, ou me trouve innocente, Si vous le désirez, il faut que j'y consente. Qui rend cet insensé de soi-même jaloux ? Ne m'approche pas, traître, Suppôt d'un imposteur, Valet digne du maître. Furieuse, interdite, Je marche, je discours, je rêve, je médite, Je cède à ma douleur, je suis son mouvement, Sans dessein, sans conseil, et sans allègement. Je vais, sans observer sentier, route, ni place, De penser en penser, et d'espace en espace, Et mes pas incertains, se perdent à chercher Un endroit assez sombre, où pouvoir me cacher. Ma foi devient suspecte ! ô Dieux ! pourquoi ma vie, Pourquoi dès le berceau ne me fus-tu ravie ? Que ne me sauvas-tu d'un affront si honteux, Tant soit faux un soupçon, il est pourtant douteux, On ne peut réparer une injure si lâche, page ; I Qui lève cet affront, n'en lève pas la tache, L'honneur qu'on a noirci l'est éternellement, Et qui lui porte un coup, frappe mortellement. À sa plainte lui-même il forge un fondement, Et pour me démentir, soi-même il se dément ; Il veut de son office, instruire ma mémoire, Et me prescrit des lois d'oublier, et de croire ; S'il cherche des raisons à de mauvais desseins S'il hait de notre Hymen les noeuds chastes, et saints, Quelle nécessité, lui fait forger des songes, Nier des vérités, assurer des mensonges, Et prendre pour témoins les hommes, et les Dieux, D'un discours, si contraire au rapport de ses yeux ; Puisque maître absolu, de mes voeux il dispose, Que mon consentement lui promet toute chose, Et que sans grand effort, je lui puis obéir, Jusqu'à l'abandonner, et jusqu'à le haïr ; La Loi de notre honneur, toute autre loi précède, Jalouse on le conserve, avare on le possède, Pour lui, nous devons tout, pour lui tout est permis, Et qui hait notre honneur est de nos ennemis. Le voici de retour ; fuyons cet affronteur, Ce fléau de mon repos, ce subtil imposteur. Je la détourne ainsi, de qui m'est odieux, Ce qui déplaît au coeur, ne saurait plaire aux yeux. Oui ; toujours incrédule, Croyez que je vous mens, et que je dissimule, Mais le ciel voit mon coeur exempt de fiction, Et connaît combien forte, est cette aversion. Laissez, retirez-vous ; pouvez-vous sans folie, Agréer que ma main à la vôtre s'allie ? La main d'une impudique, une profane main ; Ne me souffrez jamais, si votre esprit est sain ; Quoi, celle que vous-même accusez d'infamie, Vous ne la traitez pas comme votre ennemie ? Vos résolutions se laissent ébranler, Et sans être insensé, vous me pouvez parler. Pourquoi n'amenez-vous ce fidèle témoin Qui peut de fausseté, me convaincre au besoin ? Je sais, combien l'affront me touche vivement. J'ai fait par ma vertu, qu'elles étaient frivoles, À vos mauvais soupçons elle a tranché le cours, Mais je le veux trancher à vos mauvais discours. Détournons les malheurs où l'Hymen nous expose, Et pour les détourner, ruinons-en la cause ; Laissons faire à ce jour, ce qu'un autre ferait, Et rompons un lien, qui nous étoufferait. Mais qu'il l'aime plutôt, et qu'il lui soit prospère. Dieux, qu'avec peu d'effort, vous me gagnez le coeur ! Et que j'ai de bonté ! Quel pardon n'obtiendrait un si beau repentir, Mon coeur en est touché, jusqu'à le ressentir ; D'une et d'autre façon, j'ai beaucoup d'innocence, Je prends part au supplice, et j'ai reçu l'offense. Cet éloge affecté, cette ardeur si tôt née, Sortent à mon avis des lois de l'Hyménée, Un pareil compliment, ne vous est pas commun. Si je vous l'ose dire, et si j'en crois mes yeux, Le temps, qui détruit tout, vous est officieux, Il semble, que ce corps, tienne des destinées, L'heur de ne vieillir pas, avecque les années, Et ce teint, que les soins ne sauraient altérer : Jette un éclat nouveau, qui vous fait révérer. S'accomplissent vos voeux, le Ciel lui soit prospère, Et pour comble de biens, qu'il soit digne du père ; Allez, que peu de temps achève votre cour, Et pressez le départ, pour presser le retour. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_CEPHALIE *date_1637 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_cephalie Ce plaisir, pour le moins, doit soulager vos peines, Qu'il ramène vainqueur, les légions Thébaines, Qu'il a fait une histoire, illustre à nos neveux, Que ses moindres exploits ont surpassé nos voeux ; Que la rébellion laisse nos terres calmes, Et qu'il revient chargé de lauriers, et de palmes. Ces prix de sa valeur, ces rameaux toujours verts, Feront durer son nom, autant que l'Univers, Il a mis sa mémoire au rang des belles choses, Il n'a plus à cueillir, que des lys, et des roses, Et désormais, vos yeux, ces tyrans amoureux, De tous ses ennemis, sont les plus dangereux. S'il en était besoin, j'en rendrais témoignage. Le voici. Que dit cet insensé ? Madame, où courez-vous ? Laissez, laissez passer des nuages si sombres, Bientôt la vérité dissipera ces ombres ; L'arbitre souverain des dieux et des mortels, S'il ne vous fait justice, est indigne d'autels ; Tout enfin se découvre ; et sa juste balance, Ne confond pas le crime, avecque l'innocence. Son mal m'était commun, j'en avais l'âme atteinte, Aussi, qui n'eût jugé, qu'il lui parlait sans feinte ? Enfin, un doux repos à ce trouble succède, Comme un calme profond, que l'orage précède : Que tes pas sont légers ! Viens-tu déjà du port ? Tu n'amènes personne ? Enfin, qu'as-tu trouvé ? Attends un peu. De l'oeil, Amphitryon a semblé m'avertir, Que je m'obligerais, de... De sortir. Laissons leur un moment. Pour obtenir, peut-être, un pardon plus exprès, De l'affront qu'il a fait à ses chastes attraits, Ou pour lui faire part. De quelque nouvelle, Qu'il tient secrète, et veut n'être apprise que d'elle. Quel que soit leur dessein Je n'ai lu jusqu'ici, ni veux lire en son sein ; Ma curiosité jamais ne m'importune, Je laisse toute chose au soin de la fortune, Et ne pénètre point dans les secrets d'autrui. Sosie est toujours lui. Quel effroi, quelle horreur, quel bruit, quelle épouvante, Respirai-je le jour ? suis-je morte, ou vivante ? Où vais-je ? que deviens-je ? où sera mon recours, Le Ciel même, peut-il m'apporter du secours. Mais, ce grand bruit, enfin, calme sa violence, Les Cieux ont à la nue, imposé le silence. Cet ordre rétablit mes sentiments perclus, Et l'horreur du trépas, ne mépouvante plus. Ô Dieux ! Quelle frayeur fit jamais tant de peine, Et dans quel appareil, le Ciel visite Alcmène ; Mais qu'aperçois-je, hélas ! De quel nombre de corps, A le tonnerre, accru le triste rang des morts. Amphitryon, est mort, et de cette tempête, Ses lauriers infinis, n'ont pu sauver sa tête. La mort les a changés, en de tristes cyprès, Pour le mieux reconnaître, approchons de plus près. Mon maître, Amphitryon. Soit bénie, ô Jupin ! Ta puissance immortelle. Qui des coups de ton foudre, a garanti son sort. Amphitryon, parlez. Levez-vous. Moi, votre Céphalie. Rassurez vos esprits, D'une égale frayeur nous étions tous surpris. Mais un bon calme enfin succède à cet orage. Quand un Dieu veut en terre annoncer sa venue, C'est ainsi qu'il en use, il fait parler la nue, Oyés, par la merveille arrivée en ces lieux, Combien votre maison, doit être chère aux Dieux. Oui, pour mari d'Alcmène. Je vous vois trop. Croyez-vous que la peur m'ait troublée à ce point ? Amphitryon. Je suis la plus troublée, et tout le reste est sain. Quelque apparent sujet, où ce mépris se fonde, Il blesse une vertu, qui n'a point de seconde, Par un récit, témoin de son honnêteté, Oyez, combien à tort, vous en avez douté ; Sachez premièrement, que pendant ce tonnerre, Cette chaste Princesse, a mis deux fils par terre. Mais, écoutez comment, quelques douleurs légères, Du terme finissant, communes messagères, L'ont à peine obligée à réclamer les Dieux, Que de soudains éclairs éblouissent nos yeux, Et que votre maison, de ces feux éclairée, Du bas, jusqu'au lambris, paraît être dorée. Alcmène, cependant, et sans cris, et sans pleurs, Ordinaires effets de pareilles douleurs, Aussitôt qu'elle souffre, aussitôt soulagée, De ce riche fardeau, se trouve déchargée. Son innocence, enfin, vous sera manifeste, Ne m'interrompez point; écoutez ce qui reste, À peine ils sont lavés, que nous voyons l'un d'eux, Étendre, et déployer ses petits bras nerveux, Et de pieds, et de mains, par des efforts étranges, Se défendre sur nous, de la prison des langes, Et l'ayant au berceau, non sans peine, rendu, Ô prodige incroyable, et jamais entendu ? Deux horribles serpents, ailés, à larges crêtes, Dressant vers ce berceau leurs venimeuses têtes, D'un vol impétueux, sur lui se sont lancés. Ne craignez rien, lui, ses langes forcés, Tant qu'à son petit corps, ne restât nul obstacle. Les prend, les presse au col, et leur fait à tous deux, Faire autour de ses bras, cent replis tortueux. De leur col allongé sort une jaune bave Qui coule entre ses doigts, et tout le bras lui lave, Il serre enfin les mains, redouble ses efforts, Et tous deux étouffés, à terre tombent morts. Écoutez donc le reste. Alcmène, entre la peur, et l'admiration, Ayant vu, comme nous, passer cette action, Ô Dieux, a-t-elle dit, quelle est cette aventure ? Et qui la fera croire à la race future ? Quel sera cet enfant, si grand, et si petit ? Là d'une claire voix, la chambre retentit. Et ces termes distincts, ont frappé nos oreilles, Cet enfant sera Dieu, tous ses faits des merveilles, La gloire son objet, l'Univers sa maison, Son père est Jupiter, qu'Hercule soit son nom. À cette voix succède un horrible tonnerre, J'ai vu le Ciel s'ouvrir, j'ai vu fendre la terre ; Le feu, les ondes, l'air, et tous les Éléments, Sans ordre, se sont vus hors de leurs fondements, Et je croyais déjà toucher ma sépulture Dans ce commun débris de toute la nature ; Je courais effrayée, et fuyais sans dessein, Lorsque la terre, enfin, a raffermi son sein. Les Cieux se sont fermés, l'air est resté tranquille, Ma frayeur sans effet, et ma fuite inutile. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_SOSIE *date_1637 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_sosie Quelle témérité pareille à mon audace, Pourrait entrer au sein du Dieu même de Thrace ? À quelle complaisance un serf est-il réduit, Qu'il faille marcher seul, à telle heure de nuit ? Si du guet par hasard la rencontre importune, Se trouve sur mes pas, Quelle est mon infortune ? Mon innocence alors, veuve de tout secours Emploiera vainement, et raison, et discours ; Ces gens pour mon malheur trop pleins de courtoisie, Me voudront recevoir contre ma fantaisie, Et croyant me traiter bien honorablement De la maison du Roi, feront mon logement. Le plaisir de mon maître à ce malheur m'expose, Son imprudence ainsi de mes heures dispose, À ses commandements le jour ne suffit pas, Il lui plaît que la nuit exerce encor mes pas, Quelque mal qui m'arrive, il croit tout raisonnable À qui semble être né, pour être misérable ; Chez les grands, le servage est plus rude, en ce point, Qu'aux forces, le travail ne s'y mesure point, Qu'on n'y distingue point le droit de l'injustice, Et qu'il faut que tout ploie au gré de leur caprice ; Leur esprit franc de soins en son oisiveté Trouve à tous nos travaux de la facilité, Et sans considérer jour, nuit, chaud, ni froidure, Veille, course, ni peine à leur avis n'est dure. Mais dessus son malheur si longtemps méditer, Au lieu de l'amoindrir, ne fait que l'irriter, Il est plus à propos, que mon humble pensée, Compagne de mes voeux, vers le Ciel soit dressée Et que je reconnaisse avec soumission, Les biens que nous tenons de sa protection ; Certes en ce combat, contre toute apparence, Ses faveurs ont de loin passé notre espérance ; Tous ont exécuté, plus qu'ils n'avaient promis, Chaque coup, mettait bas un de nos ennemis, Et mon maître à nous voir les destins si propices, A douté, si des Dieux marchaient sous ses auspices. Des rebelles enfin, l'espérance est à bas, Créon est rétabli dedans tous ses états, Et mon maître vainqueur, m'envoie à ma maîtresse, Annoncer cette heureuse, et commune allégresse. Mais consultons un peu ce qu'il faut que je die, Car, je fuyais plus fort, au plus fort du combat, Et de frayeur encor, le coeur au sein me bat. Plus leurs bras s'employaient, à ce sanglant office, Plus mes jambes aussi, se donnaient d'exercice, Je mesurais mes pas, à l'ardeur de leurs coups. Et la peur m'animait, autant qu'eux le courroux. N'omettons rien pourtant, dont on puisse juger, Que j'aie été présent, au plus pressant danger, Et ce que je n'ai vu, que par les yeux des autres, Jurons impudemment, de le tenir des nôtres. Avisons-en nous-même, à parler à propos. Je ferai mon récit, à peu près, en ces mots. Madame, Amphitryon (arrivés que nous sommes) Entre les principaux, a fait choix de deux hommes, Gens de coeur, et zélés sur tous les Citoyens, Pour envoyer d'abord, vers les Téléboyens ; Tous deux, partent du Camp, avec ordre d'apprendre, Si Ptérèle prétend, ou se perdre, ou se rendre, S'il veut par son devoir se procurer la paix : Ou s'il veut, que du bruit, nous passions aux effets. Mais en lui, ces hérauts trouvent une âme altière, Qui de notre fureur augmente la matière. D'une audace effrontée, il repart aigrement, Qu'il trouvera sa paix, en notre monument, Qu'il a depuis longtemps, appris de son courage, À ne s'effrayer pas d'un si léger orage, Et que ses gens, et lui, vieillis dans les hasards, Verraient sans peur le foudre, aux mains même de Mars. Mon maître, à ce rapport, fait sortir notre armée, D'un funeste flambeau la guerre est allumée, Les drapeaux déployés, chacun marche en son rang Et ne respire plus, que carnage, et que sang ; L'ennemi d'autre part, en superbe équipage, L'impatience aux mains, et l'audace au visage, Sort l'enclos de sa ville, et par un vain orgueil, Semble sur ces remparts marquer notre cercueil, D'un, et d'autre côté les trompettes résonnent, La terre d'alentour rend les airs qu'elles sonnent, À ce bruit éclatant, le coeur croît aux soldats, Et cette noble ardeur leur fait croître le pas, Les Chefs, des deux partis, après quelques prières, Par qui chacun se croit rendre les Dieux prospères, Sollicitent leurs gens, et marchent à la fois, Mais font mieux par l'exemple, encor que par la voix. Alors, tout ce qu'on a d'adresse, et de courage, En ce pressant besoin, on le met en usage, L'effet de la promesse, en l'ouvrage se voit, Le sang dérobe au fer la lueur qu'il avait, Il tombe par ruisseaux, il coule à chaque atteinte, L'herbe en prend la couleur, et la terre en est teinte, Chaque arme, à chaque choc, produit autant d'éclairs, Le bruit en retentit dans le milieu des airs, Et cet humide lieu, non sans raison s'étonne, Que hors de son espace, il pleuve, éclaire et tonne ; La victoire à la fin se déclare pour nous, Il tombe autant de corps, que nous portons de coups, Le mort, et le mourant, pêle-mêle s'entasse, Mais, leur trépas est beau, chacun meurt en sa place, L'ordre est en ce désordre, et de ces nobles coeurs, Le courage Héroïque étonne les Vainqueurs. Avec nous leur vertu, leur partage la gloire, Mais la force, et le sort nous donnent la victoire ; Nos efforts sont suivis, d'un prospère succès, Et notre joie alors, va jusques à l'excès. J'oubliais d'ajouter, Que le plus noble exploit qui finit la querelle, Fut celui de mon Maître, en la mort de Ptérèle, Sa main, rouge du Sang, de ce superbe Roi, Remplit ce qui resta de terreur et d'effroi, L'espoir abandonna ces Généreuses âmes, Et lors, nos Gens sans peine achevèrent leurs trames, Enfin, ce grand combat, finit avec le jour ; Mais jamais le Soleil ne fit un si long tour ; Quelque heureux qu'il nous fut, il me fut une année, Car je ne mangeai point, de toute la journée, Je fus du rang des morts, et la faim en effet, Me fit autant mourir, que le fer aurait fait. En ces mots, à peu près, je ferai ma harangue, Certes, je n'osais, tant espérer de ma langue, Elle a fait son devoir, en cette occasion, Et n'a rien entrepris à ma confusion. Marchons donc, je m'amuse, et ma charge me presse, D'aller de ce récit, réjouir ma Maîtresse. Par quelle ivrognerie, ou quel plaisant caprice, A, le Dieu de la nuit, oublié son office ? Il semble que ces feux cloués au firmament, Contre leur naturel n'aient plus de mouvement, Je ne vois dévaler dans leurs grottes liquides, Orion, ni Vesper, ni les Sept Atlantides : La Lune semble fixe, et jamais le Soleil Si leur cours est si lent, ne rompra son sommeil : Amants, que cette nuit vous veut favoriser. Autre ne fut jamais de si longue durée, Qu'une, où de mille coups, j'eus la peau déchirée, Où cent valets sur moi, se lassèrent les bras ; La Lune, pour me voir arrêta court ses pas, De vrai, cette première, était plus longue encore, Et je désespérais du retour de l'Aurore. J'arrive, enfin chez nous, entrons, nous y voici : Mais, à l'heure qu'il est, que fait cet homme ici ? Je crains bien, pour ma bourse un changement de maître. Et je conçois, du bruit que font mes dents, Un présage assuré de mauvais accidents. Cet homme officieux, s'étonnant que je veille, Quand si profondément, tout le monde sommeille, Soigneux de mon repos, plus qu'il n'en est besoin, Me va faire dormir, sans doute, à coups de poing. Combien de ce repos, la crainte me travaille, Dieux ! Quel homme voilà, quel port, et quelle taille ! Je ferai le cinquième ! Ô malheur de mes jours ! Hé ! De quoi donc manger ? Je suis mort, s'il me touche. Ô la funeste odeur ! Cet assommeur devine. Si tu me dois toucher, contre ce mur, au moins, Par gloire, ou par pitié, daigne amollir tes poings. Hé ! Je suis las de sorte, Que sans charge moi-même, à peine je me porte ! Quel serait mon bonheur, s'il ne me voyait pas ? Et sa main, va frapper la mienne, à la pareille. J'ignore qui je suis, En l'état malheureux, où mes jours sont réduits ; De peur, le poil me dresse, et tout le corps me tremble ; Mon ambassade, et moi, sommes péris ensemble. Mais ta vertu, Sosie, au besoin se dément Il est seul, comme toi, parle-lui hardiment. Mais toi, qui brises tout, et qui fais tant du brave. Que t'importe ! Où je veux. Oui. Lequel des deux me plaît, ou tous les deux ensemble. Tel menace, qui tremble. J'appartiens à mon Maître, es-tu content ? Adieu. Ses remparts sont trop bons, pour s'y voir affrontée. Mais que cherches-tu, toi qui t'en mets en souci ? Oui, mais notre retour rend ce soin inutile. Va, laisse cette charge, aux gens d'Amphitryon. Eh bien ? Je fuis de ce logis ; c'est où tendent mes pas, Et tous tes vains discours, ne m'en chasseront pas. Mais pour quelle raison, Me met un étranger, hors de notre maison ? Quel droit y prétend-il ? Oui, puisque j'y demeure, et qu'elle est à mon Maître. Amphitryon, Chef du Peuple Thébain, Qui chargé de lauriers, arrivera demain. On m'appelle Sosie. Je ne m'abuse point, je parle sainement. Sosie. Au secours, aux voleurs, tout est sourd à mes cris. Je ne t'ai point menti, je t'ai parlé sans feinte. Je te l'ai dit, hélas ! Et plût au Ciel, ne le fussé-je pas ? Qui veux-tu que je sois, dis-moi, donc, je te prie ; Épargne un malheureux. Je suis ce qui te plaît, je suis ton serviteur, Car tes coups m'ont fait tien. Chercher mon cimetière ! Et fournir à tes coups une indigne matière. Plût aux Dieux, le fût-il, et reçût-il les coups ? Tu m'as mis en état, de ne me plus connaître. À quelle déité s'adresseront mes voeux. Mon Maître est. Je suis. Rien, si tu ne veux. De grâce, permets-moi de parler librement, Tu sauras qui je suis, en deux mots seulement. Amphitryon. Sosie. Sosie, Amphitryon. Faisons donc trêve aux coups, ou je ne dirai mot. Je te crois, mais sur peine. Pour rompre son serment, il est trop généreux. Je suis Sosie. Arrête, j'ai fait trêve, et ton serment te lie. Ô déplaisant remède, importune pitié ! Fais ce qui te plaira, mais cette violence, Ne saurait plus longtemps, m'obliger au silence. Ta fourbe peut bien être un obstacle à mes pas : Mais toutes tes raisons ne me changeront pas. Je n'emprunte le nom, ni la forme d'un autre, Je suis le vrai Sosie, et ce logis est nôtre. Ce sont tes qualités. Mon Maître Amphitryon, ses ennemis domptés, Ne m'a-t-il pas du port, envoyé vers Alcmène Lui conter du combat, la nouvelle certaine ? N'en arrivai-je pas une lanterne en main ; Voilà pas le Palais de ce Prince Thébain : Ne te parlai-je pas ? Sais-je pas que je veille ? Tes poings ne m'ont-ils pas étourdi cette oreille ? Que n'opposai-je donc ma défense à tes coups ? À quoi perds-je le temps, que n'entrai-je chez nous ? Je ne me connais plus ! En cet étonnement, Il me mettrait enfin aux termes de le croire ; Quel présent lui fut fait, après cette victoire ? Il sait tout mieux que nous, sans doute il nous suivait. Quelle lumière, ô Dieux dissipera ces charmes. Il l'a déjà sur moi, par la force emporté, Et la raison encor, semble de son côté. Mais ma mémoire, enfin, a de quoi le confondre, Et sans être moi-même, il n'y saurait répondre. Lorsque plus vivement, choquaient les bataillons, Qu'allas-tu faire seul, dedans nos pavillons ? Il entre dans la voie. Je suis sans repartie, après cette merveille, S'il n'était par hasard caché dans la bouteille. Il me ne reste plus, avec quoi contester. Mais moi, qui suis-je donc ? Si je ne suis Sosie ? Certes, à dire vrai, plus je le considère, D'autant plus ma créance, à ma crainte défère ; Il n'a proportion, couleur, marque, ni trait, Que le miroir aussi ne marque en mon portrait ; On ne peut qu'ajouter, à ce rapport extrême, En un autre, aujourd'hui, je me trouve moi-même, Démarche, taille, port, menton, barbe, cheveux, Tout enfin est pareil, et plus que je ne veux ; Mais cet étonnement fait-il que je m'ignore ? Je me sens, je me vois, je suis moi-même encore ; Et j'ai perdu l'esprit, si j'en suis en souci, Ne l'interrogeons plus, entrons, qu'attends-je ici ? Chez nous. Comment de mon devoir puis-je donc m'acquitter, Ne m'est-il pas permis, de dire à ma Maîtresse, Ce qui m'est ordonné, par une charge expresse ? Retirons-nous plutôt, ô prodige ! Ô nature ! Où me suis-je perdu ? Quelle est cette aventure ? Qui croira ce miracle, aux mortels inconnu ? Où me suis-je laissé ? Que suis-je devenu ? Comment peut un seul homme, occuper double place ? Moi-même, je me fuis, moi-même je me chasse, Je porte tout ensemble, et je reçois les coups, Je me vais éloigner, et je serai chez nous. Quel est cet accident ? Retournons à mon Maître, Et plût au Ciel aussi, qu'il me pût méconnaître De cet heureux malheur, naîtrait ma liberté, Et ce serait me perdre, avec utilité. Je vous suis. Tels sont nos attributs, malheureux que nous sommes, Pestes, ivrognes, fous, impudents, effrontés, On nous donne à bon prix, toutes ces qualités, Défiances, soupçons, coups, injures, menaces, Le servage est l'objet, de toutes ces disgrâces. Et pour dernier malheur, On y défend encor la plainte à la douleur. Dites ce qui vous plaît, suivez votre courroux, C'est à moi de souffrir, puisque je suis à vous, Mais je ne vous dirai quelque sort qui me suive Que la vérité même, et que ce qui m'arrive. C'est l'effet d'un pouvoir, que moi-même j'ignore, Mais je ne vous mens point. Je ne me défendrai d'un traitement si rude, Qu'avecques la vertu, qu'enjoint la servitude. Je le maintiens encor. Leur foudre, si je mens, m'extermine à vos yeux. Que désirez-vous plus, je vous l'ai dit cent fois, Et vous verrez l'effet s'accorder à ma voix ? À quoi tant répéter ce discours inutile, Me voici dans les champs, et je suis à la ville. Parlé-je à cette fois assez disertement, En termes assez clairs, assez distinctement ? Nos fautes font bien moins, que votre défiance, Ce malheur, qui chez vous nous ôte la créance, Malheur, Amphitryon, à ceux que comme moi Un sort abject, et bas, rend indignes de foi. J'en suis le plus confus, et le plus en souci ; Mais il n'est rien plus vrai. Il est trop vrai, vous dis-je, et cet étonnement, S'il vous touche si fort, me touche également. Je n'ai pas cru d'abord à cet autre moi-même, J'ai démenti mes yeux, sur ce rapport extrême, Mais j'ai tant fait, enfin, que je me suis connu, Je me suis tout conté, comme il est advenu, Jusques à me citer la coupe de Ptérèle, J'ai mon nom, mon habit, ma forme naturelle, Enfin, je suis moi-même, et deux gouttes de lait, N'ont pas à mon avis un rapport si parfait. J'ai trouvé, quand bien las, j'ai ma course achevée. Que j'étais chez nous, avant mon arrivée, Je travaillais ensemble, et j'étais en repos, Fatigué par les champs, et là frais et dispos. Vous l'avez deviné, je ne le nierai pas. Cette maligne main, si forte et si hardie, D'un orage de coups, m'a la joue étourdie. Moi-même. Sans raison. Mais (vous dis-je) moi, qui suis à la maison. Il est votre valet. Le Ciel ne soit jamais favorable à mes voeux, Si je ne vous fais voir, que vous en avez deux. Celui que je vous dis, ma vivante peinture, Passerait pour moi-même aux yeux de la nature, Il m'est pareil de nom, de visage, de port, Il m'est conforme en tout, il est grand, il est fort, Et m'a de sa valeur rendu des témoignages, Enfin, je suis doublé, doublez aussi mes gages. Ayant fait mon possible, Pour me rendre d'abord votre porte accessible, Enfin, rompu de coups, j'ai rebroussé mes pas. Moi, ne vous dis-je pas ? Moi, que j'ai rencontré, moi qui suis sur la porte, Moi, qui me suis moi-même ajusté de la sorte, Moi, qui me suis chargé d'une grêle de coups, Ce moi, qui m'a parlé, ce moi qui suis chez vous. Non, non, vos propres yeux vous le feront savoir, Ce n'est point en dormant, que je fais mon devoir, J'ai veillé pour mon mal, j'ai veillé pour ma honte, Veillant je me suis vu, veillant je vous le conte. Je me suis de cent coups, veillant froissé les os, J'ai veillé malheureux, et trop pour mon repos. Allons, mais que les coups, s'il se peut n'en soient plus. Le beau ravissement ! et le plaisant transport, Qu'elle nous veut marquer, par ce muet abord ! Quelle est cette surprise, et quel trouble l'agite ? La porte aurait parlé, depuis qu'elle médite. Elle dort, laissons-la, nous troublons son repos, Peut-elle, sans rêver, nous tenir ces propos ? Si d'un pilote adroit nos vaisseaux gouvernés, Dormants, jusqu'en ce lieu nous avaient amenés ? Et que ce bon nocher pût introduire au monde L'art de ramer sur terre, aussi bien que sur l'onde ? C'est irriter les fous, que de les contredire, La folie est un mal, que le remède empire. Mais peut-être tous quatre, et c'est mon sentiment. Oui, mais je n'entrai pas. Et je n'y vis que moi, qui m'en chassai moi-même. Il ne m'en souvient point ; ô le débat plaisant ! Êtes-vous fol aussi de me le demander, La voyant, comme elle est, de sens si dépourvue ? Elle est folle, vous dis-je, Le voici, que je porte, il est dans ce sachet, Fermé de votre main, et de votre cachet. Avant que de ce terme, Elle passe en un pire, ordonnez qu'on l'enferme, Pour votre sûreté, comme pour son repos. Il le faut croire ainsi, On ne le peut sans charme, avoir ôté d'ici. Quelle est cette aventure ? L'art veut à reproduire, imiter la nature, Et comme vous, et moi, sommes déjà doublés, Ce vase l'est encor, ou nous sommes troublés. Voilà fait. Ô Dieux ! Que vous puis-je montrer, si rien ne s'y rencontre ? Ô prodige inouï ! Ne le tient-elle pas ? Pour me l'avoir commis, qu'importe qui le rende ? Ce mal est si commun, que ce n'est plus un mal ; Le plus fin aujourd'hui le souffre par coutume, Et le fou seulement, de regret s'en consume. Je ne sais quel caprice est celui de nature, J'ignore son dessein, mais à ce que je vois, Vous êtes pour le moins, aussi double que moi. Quelqu'autre Amphitryon, se donne en votre absence Le même soin que vous, et la même puissance, Ailleurs que dans le camp, il s'est porté des coups, Combattant pour autrui, l'on combattait pour vous. Quelque savant démon, en la magie expert, Fait qu'ainsi tout se change, et se double, et se perd. Puisque nous sommes seuls bannissons toute feinte, Guérissez-moi l'esprit d'une mortelle crainte. Ne m'avez-vous point vu, ne suis-je point chez nous ? Et ne m'attends-je point, pour m'accabler de coups ? Êtes-vous tous deux fous ? Quel est ce changement ? Je croyais que le ciel, s'unirait à la terre, Avant qu'on rétablît, cette division. Jupiter, soit béni, d'une telle aventure ! Je croyais le contraire, il le faut confesser. Entrez, je vais voler, je ne marcherai pas. Il n'est rien plus certain. Pour mon dos, toutefois, c'étaient des vérités, Et vous doutez à tort de ces duplicités : Vous fasse, Jupiter, partager notre peine, Et puissiez vous produire, un autre capitaine, Qui vous traite d'abord, comme je fus traité, Et qui convainque enfin votre incrédulité. Je crains quelque disgrâce : Voyez que seul, errant en cette place, Il murmure en lui-même, et semble avec les yeux, Vouloir manger la terre, et menacer les cieux. Vous pourrez mal dîner, si ma crainte n'est vaine. Arrêtez, un mot seul, me tirera de peine. On parle ici pour moi, la fatale journée ! Quelque incommodité m'est encor destinée. Il m'obligerait fort, s'il perdait cette envie. À qui naît fortuné, tout lui succède bien, Un malheureux fait mal, même en ne faisant rien. Allez, sachez de lui, quelle est cette disgrâce, Et faites s'il se peut, que ce désir lui passe. Pourquoi ? quelle furie à ma perte animée, De cette aveugle ardeur a votre âme enflammée ? Ai-je, où vous m'envoyiez fait un trop long séjour ? Et pouvais-je, plutôt, être ici de retour ? Je suis mort, quel démon vous agite ? J'ai couru, j'ai volé, peut-on marcher plus vite ? Moi ? Pourquoi ne le nierai-je ? Nommez tout autre crime, un vol, un sacrilège, Des empoisonnements, et des assassinats, J'aurai même raison, de ne les nier pas. N'ai-je pas en ces gens, un trop clair témoignage ? Ne les mandez-vous pas ? viens-je pas du rivage ? Vous puis-je faire injure en vous obéissant ? Vous voyais-je du port ? et vous parlais-je absent ? N'y suis-je pas allé par votre charge expresse ? Que j'ai laissé, parlant à ma Maîtresse, Après l'heureux accord qui vous a réunis. Dont les Dieux soient bénis. Voici, voici, Thébains la doute consommée, Ce seul Amphitryon, commanda votre armée, Que votre gloire, en lui connaisse son auteur ; L'autre, est un insolent, un fourbe, un imposteur. Que ne lui parlez-vous, c'est lui, n'en doutez plus, Voyez, qu'à son abord, l'autre reste confus. Ton éloquence en vain, médite une surprise, L'autre est l'Amphitryon, que chacun autorise ; Il doit passer pour tel, au jugement de tous, Et tu n'as plus en moi, de matière à tes coups. Le premier est un fourbe, il est trop apparent. Te perde Jupiter. Ô qu'un heureux effet succède à mon envie. Je suis mort ! Au secours, épargne-moi de grâce, Sosie, hélas ! Ta main sur toi-même se lasse. Tu frappes sur Sosie, arrête, épargne-toi. Trêve, au nom de Mercure, à ta valeur extrême, Je renonce à mon nom, je renonce à moi-même, S'il est vrai, que Sosie aime de s'outrager, Je ne suis plus Sosie, épargne un étranger. Quel chemin, quel dessein, quel conseil dois-je suivre, Sosie infortuné ? Arrête, non, Battu, froissé, meurtri, ces titres sont mon nom Puisque je n'ai tendons, muscles, veines, artères Où ce nom ne se lise, en sanglants caractères, Nom fatal, nom maudit, dont ton bras est parrain. Ha ! Gardes tes présents, porte ailleurs tes caresses, En faveur de quelque autre étale tes largesses, Ta libérale humeur outrage en s'exerçant, Et le bien que tu fais, accable en se versant. Le Ciel, traître, sur toi répande tes bienfaits, Et lui sois-tu l'objet des offres que tu fais. Cesse, ma patience, éclate, ma colère, Il m'est honteux de craindre, et lâche de me taire, Reviens, qui que tu sois, ou sorcier, ou démon. Reviens, oui, je soutiens que Sosie est mon nom. Ha ! De quelle fureur est mon âme saisie, Oui, je suis une, deux, trois, quatre fois Sosie, L'oserais-tu nier ? Que dis-tu là-dessus, Tu recules poltron, et tu ne parais plus ? Tu l'emportes d'adresse, et sais que mon courage, Se résout lentement, à repousser l'outrage ; Mais lorsque ma colère est prête d'éclater, Lâche, tu disparais, et sais bien l'éviter. Enfin, que résoudra ma créance incertaine, Au lieu de dissiper, le temps accroît ma peine, Et je commence enfin, non sans quelque raison, À douter qui je suis, d'où, de quelle maison. Car pour quel intérêt, voudrait ôter mon être, Ce Sosie inconnu, qui me fait méconnaître, M'envierait-il un sort dont les fruits les plus doux, Sont des veilles, des soins, des jeûnes et des coups. Non, mon cerveau troublé de quelque frénésie, S'est à tort imprimé ce faux nom de Sosie, Ce nom, qui malheureux, entre tout autre nom, Comme l'ambre la paille, attire le bâton. Mais quoi, qui suis-je donc ? Ha cette ressemblance, Tient à tort si longtemps mon esprit en balance ; Convainquons l'imposture, et conservons mon nom, Soyons double Sosie, au double Amphitryon. Malheureux que je suis, par une loi commune, Cherchons le malheureux, et suivons sa fortune ; Compagnon de son sort, protégeons son souci ; S'il périt, périssons, s'il vit, vivons aussi. Qu'Amphitryon, enfin demeure Amphitryon, Sosie soit Sosie, et chacun ait son nom. J'aidais à l'apprêter, mais j'ai dîné de coups. Terre, Ciel, hommes, Dieux ! qui me vient secourir ? Quoi, puis-je en même jour, et doubler et périr. Quoi, nous n'en mourons pas ? Je croyais que la terre, Dessous les coups du Ciel, se brisait comme verre, Et ne pourrait sauver un de ses habitants ! Mais, qu'à ce grand orage, il succède un beau temps ! Ô que d'Amphitryons, d'un seul Amphitryon. Cet honneur, ce me semble, est un triste avantage, On appelle cela, lui sucrer le breuvage ; Pour moi j'ai de nature un front capricieux. Qui ne peut rien souffrir, et lui vînt-il des Cieux, Mais, j'ai trop, pour mon bien, partagé l'aventure, Quelque Dieu bien malin, avait pris ma figure, Si le bois nous manquait, les Dieux en ont eu soin, Il nous en ont chargés, et plus que de besoin. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_CAPITAINE1 *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_capitaine1 Tu nous en contes bien, qui t'en a tant appris ? Ô, comme tu jouerais de crédules esprits ! À d'autres, ces chimères, Ces contes à plaisir, ces coups imaginaires. Cette production ne serait pas plaisante, J'ai le dos assez bon, mais j'ai la main pesante, Et l'épreuve sur moi ne m'en plairait pas fort, Réserve-toi tes coups, tes souhaits, et ton sort. En attendant la faim, rêvant, il se promène. Le ciel, Amphitryon, soit propice à vos voeux. Nous vous obéissons, mandés expressément, Et Sosie est porteur de ce commandement. Sosie au moins, nous l'a fait croire. Le voilà. Sosie. Devant vos yeux même. Ne le voyez-vous pas ? Arrêtez. Vous a-t-il offensé ? Que je vous die un mot, laissez-le, je vous prie, Les divers accidents arrivés en ces lieux ; Si j'en crois ses discours, sont si prodigieux, Qu'il serait à propos, d'en faire plus d'enquête, Avant que cet orage éclatât sur sa tête : Quelque charme secret, vous peut brouiller ainsi, Qui mériterait bien qu'on s'en mît en souci. Que voyez-vous mes yeux ? Quelle est cette merveille ? Quelle est cette aventure, et quelle occasion, A jamais excité, tant de confusion ; Le ciel même, le ciel trompé par son ouvrage, Ne pourrait discerner l'un, ni l'autre visage. S'il se peut, toutefois, vidons ce différend. Qui n'y balancerait, c'est certes justement. Mais répondez tous deux. Ne parlez qu'à moi seul ; vous, quel est votre nom ? Et vous? Amphitryon, épargne Amphitryon. Exerce ta valeur, ailleurs qu'à te détruire, Veuille, en d'autres plutôt, encore te reproduire, Tous deux épargnez-vous, calmez cette fureur, Je conçois le moyen de nous tirer d'erreur, Vous, parlez le premier. Le jour de la victoire, Qui sur les Taphiens, nous acquit tant de gloire, De quoi, de votre part, reçus-je un ordre exprès. Et quelle autre ordonnance encore me fut faite. Remplis de quel argent ? Tous deux également disent la vérité, Et me laissent confus par cette égalité. Pour moi, puisqu'à ce point chacun reste confus, Dans ces doutes enfin, l'avis, où je m'arrête, Est de suivre celui, chez qui la table est prête. Qui de vous, nous a fait préparer le repas ? Nous suivrons donc vos pas. Nés, pour vivre et mourir dessous votre conduite, Nous ne vous quittons point, agréez notre suite. Plus sur ce que je vois je pense, et je repense, Et moins peut mon discours établir ma créance ; Cet accident si rare, et si prodigieux, Est un jeu de nature à la honte des yeux. Que dit-il ? n'est-ce pas de votre courtoisie, Que du port ce matin, amenés par Sosie, Nous tenons le repas, qu'on a dressé chez vous ? Quel effroyable bruit, accompagné d'éclairs, Trouble, et change si tôt, la région des airs. Dieux ? qu'est-ce que je vois ? Pour tout dire, en deux mots, et vous féliciter, Vous partagez des biens, avecque Jupiter. **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_CAPITAINE2 *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_capitaine2 Avançons, le voici. Comment ? Que vois-je ! Ô Jupiter, rêvais-je : ou si je veille ? Pour ce rêveur la porte sera close, Qu'il médite à loisir sur la métamorphose. Point point d'Amphitryon, où l'on ne dîne point. Nous vous obéissons. Mais l'enfer est auteur de ce désordre extrême, À la honte plutôt de la nature même. Jugeons-en sainement ; cet extrême rapport, (À bien considérer) n'est point exempt de Sort. L'artifice est subtil, quiconque en soit l'auteur. Conservons-nous la vie, après un tel effroi ? **** *creator_rotrou *book_rotrou_sosies *style_verse *genre_comedy *dist1_rotrou_verse_comedy_sosies *dist2_rotrou_verse_comedy *id_CAPITAINE3 *date_1637 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_capitaine3 Écoutez-moi. Il faut laisser aux Dieux, juger d'une aventure, Qui ne nous touche point, et passe la nature ; Celle-ci me confond, mais ne m'empêche pas. Mais, de quelle furie, il revient sur ses pas ? Ce que vous nous contez est si prodigieux, Qu'à peine en croirons-nous le rapport de nos yeux ; Et que je m'imagine aller à main armée, Attaquer un fantôme, une ombre, une fumée. Joignons-nous, avançons, et cherchons l'imposteur. L'honnêteté d'Alcmène, est hors de tout soupçon. Quel charme, de nos sens, nous suspendait l'usage ? Revoyons-nous le jour ! Ce que vous avez craint, vous comble d'une gloire, Dont les ans, ne pourront altérer la mémoire.