**** *creator_rousseau *book_rousseau_devinduvillage *style_verse *genre_bergerie *dist1_rousseau_verse_bergerie_devinduvillage *dist2_rousseau_verse_bergerie *id_COLIN *date_1752 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_colin L'amour et vos leçons m'ont enfin rendu sage ; Je préfère Colette à des biens superflus. Je sus lui plaire en habit de village : Sous un habit doré qu'obtiendrai-je de plus ? Elle m'oublie, ô ciel ! Colette a pu changer ! Non, Colette n'est point trompeuse, Elle m'a promis sa foi : Peut-elle être l'amoureuse D'un autre berger que moi ? Qui vous l'a dit ? Je n'en saurais douter. Hélas ! Qu'il m'en va coûter Pour avoir été trop facile À m'en laisser conter par les dames de cour ! De grâce, apprenez-moi le moyen d'éviter Le coup affreux que je redoute. À l'apaiser pourrai-je parvenir ? Hélas ! Voudra-t-elle m'entendre ? Je vais revoir ma charmante maîtresse. Adieu, châteaux, grandeurs, richesse, Votre éclat ne me tente plus. Si mes pleurs, mes soins assidus, Peuvent toucher ce que j'adore, je vous verrai renaître encore, Doux moments que j'ai perdus. Quand on sait aimer et plaire, A-t-on besoin d'autre bien ? Rends-moi ton coeur, ma bergère, Colin t'a rendu le sien. Mon chalumeau, ma houlette, Soyez mes seules grandeurs ; Ma parure est ma Colette, Mes trésors sont ses faveurs. Que de seigneurs d'importance voudraient bien avoir sa foi ! Malgré toute leur puissance, Ils sont moins heureux que moi. Je l'aperçois... Je tremble en m'offrant à sa vue... Sauvons-nous... Je la perds si je fuis... Je ne sais où j'en suis. Je ne puis m'en dédire, il a faut aborder. Ma Colette... Êtes-vous fâchée ? Je suis Colin : daignez me regarder. Mon coeur n'a point changé ; mon erreur trop cruelle Venait d'un sort jeté par quelque esprit malin : De devin l'a détruit ; je suis, malgré l'envie, Toujours Colin, toujours plus amoureux. Que je suis malheureux ! Ah ! De ma mort suivi, Votre infidélité... Ta foi ne m'est point ravie ; Non, consulte mieux ton coeur : Toi-même, en m'ôtant la vie, Tu perdrais tout ton bonheur. C'en est donc fait, vous voulez que je meure ; Et je vais pour jamais m'éloigner du hameau. Quoi ? Faut-il que je demeure, Pour vous voir un amant nouveau ? Quand je plaisais à ma bergère, Mon sort comblait mes désirs. Après le doux noeud qu'elle brise, Serait-il un autre bien ? Ma Colette se dégage ! Que tu lui fus cher un jour. Quelque bonheur qu'on me promette Dans les noeuds qui me sont offerts, J'eusse encore préféré Colette À tous les biens de l'univers. Ah, Colette ! Mon coeur et ma foi. Quel dont pourrait jamais payer en tel service ? Dans ma cabane obscure Toujours soucis nouveaux ; Vent, soleil ou froidure, Toujours peine et travaux. Colette, ma bergère, Si tu viens l'habiter, Colin, dans sa chaumière, N'a rien à regretter. Des champs, de la prairie, Retournant chaque soir, Chaque soir plus chérie, Je viendrai te revoir : Du soleil dans nos plaines Devançant le retour, Je charmerai mes peines En chantant notre amour. Ah ! Pour l'ordinaire, L'amour ne sait guère Ce qu'il permet, ce qu'il défend ; C'est un enfant, C'est un enfant. Elle a d'autres couplets : je la trouve assez belle. Souvent une flamme chérie Est celle d'un coeur ingénu ; Souvent par la coquetterie Un coeur volage est retenu. Ah ! Pour l'ordinaire L'amour ne sait guère Ce qu'il permet, ce qu'il défend ; C'est un enfant, c'est un enfant. C'est un enfant, c'est un enfant. À voltiger de belle en belle, On perd souvent l'heureux instant ; Souvent un berger trop fidèle Est moins aimé qu'un inconstant. Ah ! Pour l'ordinaire, L'amour ne sait guère Ce qu'il permet, ce qu'il défend ; C'est un enfant, c'est un enfant. Par les rigueurs on le rebute. **** *creator_rousseau *book_rousseau_devinduvillage *style_verse *genre_bergerie *dist1_rousseau_verse_bergerie_devinduvillage *dist2_rousseau_verse_bergerie *id_COLETTE *date_1752 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_colette J'ai perdu tout mon bonheur ; J'ai perdu mon serviteur : Colin me délaisse ; Hélas ! Il a pu changer ! Je voudrais n'y plus songer : J'y songe sans cesse. J'ai perdu mon serviteur ; J'ai perdu tout mon bonheur : Colin me délaisse. Il m'aimait autrefois, et ce fut mon bonheur. Mais quelle est donc celle qui me préfère ? Elle est donc bien charmante ! Imprudente bergère, ne crains-tu point les maux que j'éprouve en ce jour ? Colin m'a pu changer, tu peux avoir ton tour. Que me sert d'y rêver sans cesse ? Rien ne peut guérir mon amour, Et tout augmente ma tristesse. J'ai perdu mon serviteur ; J'ai perdu tout mon bonheur : Colin me délaisse. Je veux le haïr. Je le dois... Peut-être il m'aime encore... Pourquoi me fuir sans cesse ? Il me cherchait tant autrefois ! Le devin du canton fait ici sa demeure ; Il sait tout : Il saura le sort de mon amour : Je le vois ; et je veux m'éclaircir en ce jour. Perdrai-je Colin sans retour . Dites-moi s'il faut que je meure. Ô dieux ! Eh bien ? Colin... Je me meurs. Que dites-vous ? Il me quitte pour elle ! Et toujours il me fuit ! Si des galants de la ville J'eusse écouté les discours, Ah ! Qu'il m'eût été facile De former d'autres amours ! Mise en riche demoiselle, Je brillerais tous les jours ; De rubans et de dentelle Je changerais mes atours. Pour l'amour de l'infidèle J'ai refusé mon bonheur ; J'aimerais mieux être moins belle, Et lui conserver mon coeur. À vos sages leçons Colette s'abandonne. Je feindrai d'imiter l'exemple qu'il me donne. Il me voit... Que je suis émue ! Le coeur me bat... Trop près, sans y songer, je me suis approchée. Colin m'aimait ; Colin m'était fidèle : Je vous regarde, et ne vois plus Colin. Par un sort, à mon tour, je me sens poursuivie. Le devin n'y peut rien. D'un amant plus contant... Vos soins sont superflus ; Non, Colin, je ne t'aime plus. Hélas ! Non, vous m'avez trahie, Vos soins sont superflus : Non, Colin, je ne t'aime plus. Colin ! Tu me fuis ? Tant qu'à mon Colin j'ai su plaire; Je vivais dans les plaisirs. Depuis que son coeur me méprise, Un autre a gagné le mien. Je crains un amant volage. Que tu lui fus chère un jour. Quoiqu'un seigneur jeune, aimable, Ma parle aujourd'hui d'amour, Colin m'eût semblé préférable À tout éclat de la Cour. Ah ! Berger volage, Faut-il t'aimer malgré moi ! Je t'engage. T'engage. Son coeur et sa foi. Voyons, voyons ; nous chanterons aussi. Ici, de la simple nature L'amour suit la naïveté ; En d'autres lieux, de la parure Il cherche l'éclat emprunté. Ah ! Pour l'ordinaire L'amour ne sait guère Ce qu'il permet, ce qu'il défend ; C'est un enfant, c'est un enfant. À son caprice on est en butte, Il veut les ris, il veut les pleurs ; Par les... Par les... On l'affaiblit par les faveurs. Avec l'objet de mes amours, Rien ne m'afflige, tout m'enchante ; Sans cesse il rit, Toujours je chante : C'est une chaîne d'heureux jours. Quand on sait bien aimer, que la vie est charmante ! Tel, au milieu des fleurs qui brillent sur son cours, Un doux ruisseau coule et serpente. Quand on sait bine aimer, que la vie est charmante ! Allons dans sous les ormeaux, Animez-vous jeunes filles : Allons danser sous les ormeaux, Galants prenez vos chalumeaux. Répétons mille chansonnettes, Et pour avoir le cours joyeux, Dansons avec nos amoureux, Mais n'y restons jamais seulettes. Allons danser sous les ormeaux Galants prenez vos chalumeaux. À la Ville on fait bien plus de fracas ; Mais sont-ils aussi gais dans leurs ébats ? Toujours contents, Toujours chantants ; Beauté sans fard, Plaisir sans art; Tous leurs concerts valent-ils nos musettes ? Allons danser sous les ormeaux Galants prenez vos chalumeaux.