**** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_MADAMEJEROME *date_1694 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_madamejerome Qu'est-ce donc, petite fille, vous parlez à des hommes quand je n'y suis pas ? Monsieur Jobelin est-il ici ? Qu'est-ce à dire ? Est-ce ainsi qu'il faut parler d'un homme que vous allez épouser ? Il faut dire Ma mère il ne m'a point parlé j'en suis bien fâchée. Ouais ! Qu'est-ce que tout ceci ? Vous ne l'aimez donc pas, à ce que je vois ? Non ? Mais il faut aimer celui-là, puisqu'il sera votre mari. Comment dites-vous ? Ah, ah ! Petite impertinente, vous êtes entêtée, à ce que je vois ; et quelque colifichet blondin vous aura donné dans la vue. N'est-ce point Narcisse, ce petit fat, qui depuis le matin jusqu'au soir se fait l'amour à lui-même ; qui passe toute la journée à se mirer dans sa perruque, ajuster sa steinkerque, et se faire les yeux doux dans un miroir ? Je parie que c'est ce jeune conseiller qui vient ici tous les soirs en épée et en chapeau bordé ? Si bien donc que c'est Dorante qui vous tient au coeur ? Eh bien Dorante ? Vous ne lui trouvez point de défaut à celui-là ? Je ne m'embarrasse pas que vous lui en trouviez. Je sais qu'il est assez honnête homme ; mais Monsieur Jobelin a une bonne charge par devers lui, et c'est mieux votre fait qu'un jeune homme qui n'a rien que son esprit et sa bonne mine. En un mot, c'est lui que je veux qui soit votre époux. Le voici qu'on lui fasse civilité, et qu'on réponde comme il faut à tout ce qu'il dira. Monsieur, voilà ma fille, qui est ravie de vous voir, et qui se dispose le plus agréablement du monde à vous épouser. Allons, petite fille, répondez. Impertinente ! Elle dit, monsieur, qu'elle vous est fort obligée, et que le don de votre coeur lui est extrêmement cher. Eh bien vous voilà muette ? Ah! monsieur, il faut l'excuser si elle ne répond pas aux choses que vous dites ; elle est un peu honteuse. Le mariage l'enhardira ; et demain à l'heure qu'il vous plaira nous ferons dresser le contrat. Allons, petite fille. Monsieur, je vous donne le bonsoir. Messieurs, il est minuit sonné ; faites-moi la grâce de vous retirer. Par la raison, monsieur, que voici l'heure des femmes ; et puisqu'elles ne viennent pas vous incommoder le jour, il est bien juste que vous leur laissiez la nuit chacun le sien n'est pas trop. Oh vraiment, si on n'avait d'autres rentes que la dépense qui se fait ici de jour, et sans le casuel de la nuit, on courrait risque d'avoir les dents bien longues. Vous êtes cinq ou six, qui, pourvu que vous soyez toute une après-dînée ici à chanter des chansons, dire des fadaises, conter une histoire de celui-ci, une aventure de celle-là, et faire la chronique scandaleuse du genre humain, ne vous embarrassez pas du reste. Cependant ce n'est pas là mon compte, et je ne dîne pas de vos conversations. Vous voilà trois, par exemple, qui me devez de l'argent depuis longtemps, et qui ne me parlez non plus de payer, que si vous étiez ici logés par étape. Voilà des dettes bien assurées. Messieurs quel désordre je suis perdue. Miséricorde ! Un homme tué dans ma maison. Me voilà ruinée. Monsieur Dorante, ne me perdez pas, je vous conjure. Eh monsieur, voudriez-vous me ruiner ? Au Chatelet ! Ah! Je suis au désespoir. Monsieur l'Abbé, faites en sorte que je n'aille point au Châtetet. Qu'entends-je? Vous devez votre charge, monsieur ? Vraiment, un jour plus tard j'allais faire un joli marché! Oui, monsieur, puisque je suis détrompée, je serai ravie de donner ma fille à monsieur Dorante, pourvu qu'il apaise l'affaire qui vient d'arriver. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_LOUISON *date_1694 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_louison Ah, ah, ah, ah, ah, ah! Mon Dieu ! Pourquoi-me querellez-vous est-ce ma faute à moi ? Ma mère m'a menacée de me renvoyer dans le couvent, si je n'épousais monsieur Jobelin. Je serais bien aise d'être mariée avec vous ; mais je ne veux point retourner au couvent. Allez, allez, laissez faire ma mère, puisqu'elle veut que je me marie. Quand je ne serai plus sous sa conduite, nous nous verrons, et nous nous aimerons tant qu'il vous plaira. Oui, pourvu que ma mère ne sût pas que je vous l'ai conseillé, car elle me querellerait bien fort. Voyez-vous, elle m'a toujours tenue dans la dépendance, et elle ne veut pas seulement que je parle aux messieurs qui viennent ici, parce qu'elle dit que leurs discours font venir l'esprit aux filles. Elle ne veut pas que j'en aie. Ce que je ferais ? Dame, je vous l'ai déjà dit ; je ne veux point retourner au couvent. Ah, voilà ma mère. Ne lui dites pas que je vous aime, au moins ! Je vous demande pardon, ma mère ; c'est lui qui me parlait. Oui. Il m'a pensé faire mourir de rire, de la figure dont il était bâti. Apparemment, il est allé se raccommoder et, Dieu merci, il ne m'a point parlé. Moi, fâchée de cela ? Je n'aime point à mentir. Moi ma mère ? Hélas ! Non. Non. Vous m'avez dit qu'il ne fallait point qu'une fille aimât les hommes ; je fais ce que vous m'avez dit. C'est donc une nécessité qu'il faille aimer son mari ? Si cela est, donnez-m'en un autre, je vous prie. Oh si ! Ma mère, j'aimerais autant aimer une femme. Qui ? Ce bourgeois qui se croit de qualité, parce qu'il s'enivre avec ceux qui en sont ? Mon Dieu ! Il a mille défauts que je ne saurais souffrir. Dorante ? Hélas ! Pourquoi lui en trouverais-je ? Oui, voilà un beau magot, pour être ravie de l'épouser ! Moi, je ne sais ce qu'il me veut dire ; qu'il se réponde lui-même, s'il s'entend. J'ai bien affaire à son hypothèque ! Je n'en bois jamais. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_DORANTE *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_dorante Où est-il allé ? Il faut nécessairement que je lui parle ce soir. Ma foi, cela m'intrigue un peu, franchement. Amoureux ou non, je t'assure que la petite personne est fort aimable; et, sa beauté à part, elle a vingt mille écus. Cela ne messiérait point à un cadet qui n'a que la cape et l'épée. De la folie ! Va, va, mon pauvre Chevalier, l'intérêt a rapproché les conditions, et nous voyons bien des gentilshommes qui vivraient en roturiers, s'ils n'avaient épousé des roturières. Au bout du compte, qu'est-ce que je risque ? Je suis gentilhomme et gueux : elle est roturière et riche ; j'aurai de l'argent pour ma noblesse la compensation ne m'est pas désavantageuse; Vous êtes tous deux mes amis. Je ne désespère pas encore, et si vous voulez me seconder, avant qu'il soit peu nous ferons bien tourner la chance. Voici ce que je veux faire. Vous savez que notre notaire est joueur, et que la confiance qu'il a en son habileté, fait qu'il s'embarque le plus aisément du monde. Or, j'ai un valet, qui assurément est un des plus adroits fripons qu'il y ait à vingt lieues à la ronde. J'ai concerté avec lui qu'il engagerait mon homme au jeu, et que pendant que vous amuseriez ce vieux renard de La Sourdière qui ne le quitte jamais. Mais voici mon valet. Je sais où il est ; il suffit. Va-t'en étudier ton personnage, et reviens quand il sera temps. Dis-moi ! N'es-tu jamais venu ici ? Mais on te reconnaîtra. Comment, un revers de fortune ? Fort bien. Mais voici monsieur Jobelin ; retire-toi, et va te préparer. Laissez-moi seul, mes amis. Je vais vous joindre chez Principe et nous achèverons là de régler nos affaires. Hé bien, Louison, vous allez être mariée ; je perds toute espérance d'être à vous et vous avez consenti à un mariage qui me fera mourir. Quoi ! Vous verrez vos attraits en proie à un homme haïssable, et qui n'en connaîtra jamais le prix ; et moi, il faudra me résoudre à vous perdre, à ne vous jamais voir ? Ah Louison, je le vois bien, vous ne m'aimez plus. Non, ce n'est pas là de quoi me contenter : et je ne saurais souffrir que votre personne et votre coeur soient partagés. Consentiriez-vous que je fisse en sorte d'empêcher votre mariage ? Elle n'en saura rien. Aimez-moi toujours ; c'est tout ce que ma tendresse exige de vous. Mais, Louison, si ce que je médite allait manquer, que feriez-vous ? Je vais rassembler les gens dont j'ai besoin pour mon entreprise. Quel bruit ai-je entendu ? Mais que vois-je ? Ah, ciel monsieur de Boisclair, qui vous a mis en cet état? Un de mes parents assassinée. Ah ! Je vous apprendrai à qui vous vous jouez. Holà, laquais, qu'on m'aille quérir le commissaire. Non, non, cela ne passera pas ainsi. C'est mon cousin-germain on l'a assassiné chez vous ; c'est à vous à m'en répondre, et je prétends que justice soit faite. Vous n'en serez, pas quitte à si bon marché et je veux vous faire punir corporellement. Voici, fort à propos, monsieur le commissaire. Monsieur, on vient de tuer ici un officier qui est de mes parents. Je vous prie de faire votre charge. Non non, madame l'a promise à monsieur Jobelin il faut la laisser faire. Elle le croit riche, et je vois bien. Tout beau, ne vous faites pas tirer l'oreille ou je vais faire entrer les archers. Allons, monsieur l'Abbé, et monsieur le Commissaire, venez servir de témoins et signer au contrat que nous allons passer tout à 1'heure. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_LASOURDIERE *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lasourdiere Oh parbleu ! Je vous soutiens que si. Vous me feriez enrager, monsieur Coronis. Vous voulez savoir cela mieux que moi qui vois tous les jours aux Tuileries un homme qui reçoit toutes les semaines la gazette de Constantinople. C'est être bien têtu. Et moi, je vous dis que je vis hier, entre ses mains, une lettre de l'aumônier d'un des principaux bâchas, qui marque expressément que le grand vizir est en marche avec deux cent mille hommes, et qu'il va droit à Belgrade, pour l'assiéger par terre et par mer. Comment, Belgrade n'est pas un port de mer ? Morbleu, je sais la carte, et j'ai voyagé. Je parie que monsieur Carondas sera de mon avis. Monsieur, holà ! Monsieur Carondas, réveillez-vous. Il prendra la peine de s'en passer. Monsieur Jobelin est mon ancien ami, et je dois prendre part à tout ce qui regarde ce mariage. Monsieur Carondas, peut-on voir votre épithatame ? Diable, voilà du sublime, et cela s'appelle un début magnifique. C'est bien dit ; aussi bien notre café refroidit. Oh, oh ! voici bien d'autres affaires. Malepeste ! Ceci ne vaut pas le diable. Allons l'avertir de ce qui se passe. Ah ! Vous voilà, à la fin ; il y a deux heures que je vous cherche. J'ai bien des choses à vous dire. La mine est éventée, et Dorante est instruit de toutes vos affaires. Je vous dis encore une fois de prendre garde à vous, et qu'on songe à vous jouer un mauvais tour. Dorante. Vous me faites mourir, avec votre confiance imprudente, et... Mais quelle figure est ceci ? Ah ! Monsieur, de tout mon coeur. Prenez haleine, monsieur, vous avez fait une assez belle campagne. Il faut que je conduise ceci de l'oeil. Je serai bien aise de lui aider à gagner le diamant, afin d'être de moitié. Laisse-moi aller, j'ai affaire. Je n'ai pas le temps de t'entendre. Oui, fort plaisant. Vous jouez à vous faire de jolies affaires. Boire le jour, courir la nuit, casser des vitres, arracher des enseignes enivrer le guet : voilà le secret d'attraper un jour quelques bons coups de mousquet sur les oreilles. Ma foi, ce sont vos affaires. Serviteur. Non, et n'ai nulle envie de le voir. Volontiers. Et moi, je vous proteste que le premier argent que je gagnerai à trois dés, sera pour vous. Des épées tirées. Allons-nous-en d'ici. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_LECHEVALIER *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lechevalier La, la, la, la, ra, ré. Allons hé du café. Que chacun me suive. Trinquons hardiment, Point de ménagement; Je ne bois jamais autrement. Je hais un convive Qui dans un repas Ne boit que par compas, Et craindrait de faire un faux pas. Que chacun me suive. Trinquons hardiment, Point de ménagement; Je ne bois jamais autrement. Adieu donc, monsieur Carondas. Bonjour, mon ami. Eh, te voilà, vieux pécheur ! Ah parbleu ! Petit Abbé, mon mignon, je ne vous voyais pas. Comment te portes-tu ? Ah! Ah ! Messieurs, vous jouez aux dames. Voilà un pauvre garçon qui me fait pitié. Où diable trouverons-nous Dorante ? Qu'est-ce, mon ami; on dit que tu n'épouses plus en ce pays-ci ? Tu n'es pas riche, nous le savons; mais un gentilhomme se noyer dans une chocolatière ! Il y a de la folie, ma foi ; il y a de la folie. Oui-da ! De quoi s'agit-il ? Tu sais que je suis à toi, à vendre et à engager. Vertubleu voilà un joli garçon. Comme le voilà beau ! Il vient ici pour coqueter. Oh parbleu, il faut que je dérange l'économie de sa parure. Bonsoir, monsieur Jobelin. Vous ne faites pas semblant de nous voir ! Eh que diable ! Ne saurait-on vous dire un mot ? Je suis bien aise de vous faire compliment sur vos noces ; car enfin il serait fort extraordinaire que dans un café il ne se trouvât pas une fille dont l'esprit pût entrer en concurrence, pour la préférence... de votre indifférence. Vous me direz que quand il s'agit de se marier, il y a peu de conformité entre le douaire de votre affection et le préciput de vos sentiments ; mais aussi vous m'avouerez que quand on veut se retirer dans son ménage, la comédie, le bal et les promenades sont des choses qui divertissent beaucoup. Pour ce qui est de l'opéra, comme je vous dis, je n'aime guère à aller aux Tuileries mais à cela près, je trouve, tout compté, tout rabattu, que c'est fort bien fait à vous de vous marier. Mais, à propos de tapisserie, on est quelquefois bien aise de se mettre dans ses meubles. Par exemple, voilà une tabatière qui est assez jolie mais si vous aviez vu les brocatelles de Venise, c'est tout autre chose. Je ne dis pas que Launay ne soit le premier homme que nous ayons en fait de vaisselle ; quoiqu'à le bien prendre, la manufacture des Gobelins ne laisse pas d'avoir son mérite. Mais après tout, depuis que les toiles des Indes sont défendues, je suis pour les bureaux de la Chine. Parbleu, cela est trop plaisant, ah, ah, ah! Hé, bonsoir, La Sourdière, où vas-tu ? Je suis ton serviteur. Tu ne t'en iras pas que je ne t'aie conté ce qui vient de nous arriver; cela mérite bien ton attention. Nous étions chez Principe. Un de nos amis, qui se désennuyait à casser des vitres et des lanternes dans la rue Saint-Honoré, a été poursuivi par une compagnie du guet à pied. Les archers ont passé par devant la boutique. Nous les avons arrêtés en leur présentant du rossolis et de l'eau-de-vie. Ils y ont pris goût ; et pendant qu'ils buvaient, nous leur avons escamoté leurs armes. Ils s'en sont aperçus ; recours à la rasade. Ils ont voulu se fâcher, autre rasade si bien que de rasade en rasade, nous les avons tellement enivrés, qu'ils ont pris querelle ensemble, et se sont donné je ne sais combien de coups de poing. Le sergent, plus ivre qu'eux, les a tous menés au Chatelet, comme perturbateurs du repos public. Ne trouves-tu pas cela plaisant? Oh ! vous voilà, monsieur le Caton, qui parlez par sentences. Parbleu, vous ne le prenez pas mal. Sais-tu bien qu'il n y a rien de meilleur pour la santé, que de berner de temps en temps les gens qui nous déplaisent ? Demande aux médecins cela éclaircit les humeurs, cela rafraîchit le sang, et cela aide à la digestion. Que diantre, tu es bien pressé! Parlons un peu d'affaires. As-tu vu le nouvel opéra ? Et toi, l'as-tu vu ? Hé bien ! Dis-nous un peu comment le trouves-tu ? Pour moi, je ne me divertis point à l'Opéra ; et je n'y vais jamais que pour folâtrer dans les coulisses avec quelque danseuse. Attends, attends. Et par quelle raison nous retirer, madame Jérôme ? Vous êtes pour les récréations nocturnes, madame Jérôme. Pour moi je suis brouillé avec ma petite marchande de dorure, et je ne saurais vous payer qu'à la paix. Comment, morbleu, on insulte monsieur Jobelin. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_CORONIS *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_coronis Et moi, mordi, je vous soutiens que non et je mets cent pistoles que nous n'aurons rien cette année en Hongrie. Quand ce serait celle de Babylone. Belgrade par mer et par terre ! Où avez-vous appris la géographie, s'il vous plaît ? Non pas, que je sache ou bien c'est depuis fort peu de temps. Quoi ! Vous faites des vers au café ? Voilà un plaisant Parnasse ! Comment ! La petite Louison se marie ! Et que deviendra le pauvre Dorante ? Et très avantageux pour le futur époux. Comment, monsieur l'Abbé, à dix heures du soir n'avoir point dîné, et être ivre! Quelle bénédiction ! Quel heureux naturel ! Quel tempérament ! Eh donc ! Le voici, Dieu me damne ! D'où viens tu, grand bélître ? L'Abbé te cherchait tout à l'heure; il a des 'nouvelles à t'apprendre. Il vient de sortir. Tu le trouveras chez Forel. Comment tu serais amoureux ? Oh le fat ! Sans doute ; et la délicatesse sur les mésalliances ne subsiste plus que chez les Allemands. Tu sais combien je t'aime, et avec quelle fidélité nous avons toujours partagé les émoluments du lansquenet. Je gagerais, à l'entendre, qu'il est de quelque province au-delà de la Loire. Il n'est pas permis d'avoir tant d'esprit autrement. Malepeste ! Joli pays. De l'argent peu, à la vérité mais de l'esprit, beaucoup. C'est l'apanage de la nation. Oh ! Cadédis, vous nous écouterez, ou nous aurons du bruit. Sans doute. Comment, mordi des coquins s'érigeront en perturbateurs des divertissements de tune, et nous ne réformerions pas cet abus ? Oui, certes, je l'ai vu. Cadédis ! Comment je le trouve ? Ravissant, merveilleux. Tout ce qui s'appelle opéra, voyez-vous, ne peut être que bon et agréable ; et la raison, la voici c'est que dans un opéra, vous trouvez de tout, vers, musique, ballets, machines, symphonies ; c'est une variété surprenante, il y a de quoi contenter tout le monde. Voulez-vous du grand, du tragique, du pathétique ? Le perfide Renaud me fuit. Tout perfide qu'il est, mon lâche coeur le suit. Aimez-vous le tendre, le doux, le passionné ? Non, je ne voudrais pas encor Quitter mon berger pour Médor. Voulez-vous du burlesque ? Mes pauvres compagnons, hélas! Le dragon n'en a fait qu'un fort léger repas. Voulez-vous de la morale ? Les dieux punissent la fierté; Il n'est point de grandeur que le ciel irrité N'abaisse quand il veut, et ne réduise en poudre. Et le reste. On y trouve jusqu'à des vaudevilles et des imitations naïves des airs du Pont-Neuf, si vous voulez. Les rossignols, dès que le jour commence, Chantent l'amour qui les anime tous. En un mot, c'est un enchantement ; et ce serait une chose accomplie, si l'on pouvait faire encore que le chant fût fait pour les vers, et les vers pour le chant. Il est vrai que bien des gens y vont présentement pour tout autre plaisir que celui des oreilles. Quant à moi, madame Jérôme, je vous dois, je pense, trois écus mais j'attends ma lettre de change. Voici nos gens. Songeons à ce que nous a recommandé Dorante. Allons, sandis, coupons les oreilles à ce maraud. Sauvons-nous, messieurs. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_LABBE *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_labbe Ahi ! Ouf ! Quelle heure est-il ? Dites-moi un peu, jeunes gens, Dorante n'est-il point venu ici pendant que je dormais ? En cas qu'il vienne, je vous prie monsieur Coronis, de lui dire que je me suis informé de son monsieur Jobelin, et que je suis instruit à fond de tout ce qui regarde cet homme-là. Pour moi j'ai rendez-vous chez Forel. Il est tard, et j'ai peur qu'on ne soupe sans moi. Je n'ai point dîné. Je me suis mis à table ce matin entre sept et huit, et nous avons déjeuné jusqu'à l'heure qu'il est. Nous n'avons bu qu'environ vingt-cinq bouteilles de vin à quatre. J'ai fait un petit somme ; me voilà prêt à recommencer. Pour vingt-cinq bouteilles s'enivrer ! Quelle honte est-ce là? Il n'y a plus d'hommes, mes amis, et le monde va toujours en déclinant. Je soutiens encore un peu noblesse ; mais je m'en irai comme les autres. Bonsoir, messieurs, je m'en vais boire à votre santé. Vous voilà dans un vilain cas, madame Jérôme, et j'en suis fâché pour l'amour de vous. Corporellement cela ne vaut pas le diable madame Jérôme. Attendez,-je viens de trouver un moyen d'ajuster ceci. Dorante il faut accommoder cette affaire-là mon enfant. il ne tient qu'à toi de ruiner madame Jérôme, mais en seras-tu mieux ? Elle a une jeune fille il faut qu'elle te la donne en mariage, et qu'il ne soit plus parlé de rien. Lui riche ! Il n'a point d'autre patrimoine que son industrie, et il y a actuellement une sentence contre lui pour le paiement de sa charge n'est-il pas vrai, monsieur Jobelin ? Eh bien madame, êtes-vous dans le goût de ma proposition ? Oh, pour cela, madame, il en est le maître, je vous assure. Çà, il n'y a qu'a dresser le contrat tout à l'heure. Monsieur Jobelin se trouve ici fort à propos. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_CARONDAS *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_carondas Ah morbleu ! Que la peste soit de votre babil ! Est-il possible qu'on ne puisse faire ici quatre vers en repos, et que les plus belles pensées du monde y soient sans cesse immolées à la pétulante loquacité du premier importun ! Je revois a l'épithalame de monsieur Jobelin le notaire et de la fille du logis. Ils attendent qu'elle soit faite pour se marier ; et j'ai bien voulu y donner un de ces quarts d'heure précieux que j'emploie à chanter les louanges des dieux et des héros. Je n'en ai fait encore que la première strophe. La voici : Hymen ïo, ô Hyménée! Célébrons la douce journée, Où deux amants heureux s'unissent pour toujours. Venez, tendres Amours, combler la destinée De cette épouse fortunée. Que de ses flancs féconds, puisse dans peu de jours Sortir une heureuse lignée1 Hymen ïo ô Hymënée Vous verrez bien autre chose, si je puis obtenir des libraires qu'ils impriment mon incomparable traduction de la Batrachomyomachie d'Homère, car j'excelle dans les traductions des anciens auteurs, et je travaille actuellement à mettre en vers grecs l'Énéide de Virgile, pour la commodité de ceux qui n'entendent point la langue latine. Mais laissez-moi songer à ma seconde strophe. Du flambeau de l'hymen. Eh quoi toujours du bruit ? Encore, de tous côtés ? Ah ! Je n'y puis plus tenir. Sortons, fuyons : ultra sauromatas hinc libet. **** *creator_rousseaujb *book_rousseaujb_cafe *style_prose *genre_comedy *dist1_rousseaujb_prose_comedy_cafe *dist2_rousseaujb_prose_comedy *id_LAFLECHE *date_1694 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lafleche Monsieur, je n'ai pu trouver votre gros Abbé ; et si, j'ai été dans tous les cabarets de la ville. Étudier, dites-vous ? Vraiment, voilà bien de quoi, et j'en ai bien fait d'autres il n'y a que huit jours que j'ai l'honneur de vous servir ; mais quand nous nous connaîtrons mieux, vous verrez qu'en fait de fourberie, personne, Dieu merci, n'est capable de me faire la leçon. S'agit-il de déniaiser quelque étranger nouvellement débarqué de faire mordre un jeune homme à l'hameçon d'une coquette, ou de maquignonner un mariage impromptu c'est moi qu'on vient chercher j'excelle je triomphe. Mais surtout pour enfiler une dupe à quelque jeu que ce soit, et lui, tirer par cent moyens ingénieux tout l'argent de sa bourse, je suis le garçon de France le plus en réputation. Oh vraiment, monsieur, pardonnez-moi. J'ai été autrefois un des principaux marguilliers du café et j'avais droit de séance à ce banc redoutable, d'où il part tous les jours tant d'arrêts contre la réputation des femmes ; où les mystères du gouvernement sont si bien développés et les intérêts des princes de l'Europe si savamment approfondis. Vous moquez-vous ? Je suis plus connu dans les cafés que Pilot-Bouffi dans les cabarets. Je suis de Dauphiné, à vous rendre mes services. Point du tout, monsieur; c'est mon fort que le déguisement, et je suis un petit Protée. Est-il question de représenter un partisan par exemple ; j'ai des secrets pour me noircir la barbe, épaissir ma taille, me rendre l'oeil hagard et grossir mon ton de voix. Faut-il faire un jeune abbé ; qui sait mieux que moi rapetisser sa bouche, rire des épaules, marmoter une chanson, faire la main potelée, prendre un visage gai et un ton radouci ? Par cent petites métamorphoses de cette nature, j'avais amassé quelque argent, et je serais à mon aise, sans un revers de fortune qui m'a coulé a fond. Oui : un fils de famille, à qui j'avais gagné un soir mille écus au jeu s'avisa d éplucher ma conduite dans un procès qu'il me fit ; la justice donna une mauvaise tournure à la chose, et cela m'a ruiné. J'ai été oblige de revenir à la livrée. Voici mes gens. Jouons bien notre rôle, et faisons les donner dans le panneau. Ah ! Messieurs, serviteur. J'interromps votre conversation, peut-être : mais tout coup vaille. On m'a dit que vous étiez Monsieur Jobelin. Est-il vrai ? Je vous en sais bon gré car j'ai besoin de vous. Je vous ai tantôt été chercher dans votre étude ; mais comme vous n'y étiez pas, je ne vous y ai point trouvé, et je suis allé de là à l'Alliance, prendre un peu de nourriture, modérément pourtant. La modération est une belle chose ! Attendez, que je rappelle mes idées. Ah ! m'y voici. Je voudrais que vous me fissiez un petit plaisir. Je vous demande pardon monsieur, si je parle de mes affaires devant vous. Vous le voulez bien ? De tout mon coeur fort bien. Vous êtes un brave homme. Or, comme vous savez, ou comme vous ne savez pas, je suis capitaine dans le régiment de Limoges. J'y suis venu pour faire une recrue ; et en attendant, je passe le temps au cabaret à faire mes observations sur la guerre présente. D'un grand secours ? Je me donne au diable, si j'étais général d'armée et qu'on me laissât faire, j'ai un plan dans ma tête pour conquérir toute l'Europe en une campagne. Écoutez bien ce raisonnement-ci. Je voudrais avoir deux armées, l'une au midi, et l'autre au septentrion. Avec celle-ci, je marche en Allemagne et je commence par m'emparer de toutes les vignes qui bordent le Rhin. Les Allemands n'ayant plus de vin. Il faut qu'ils crèvent ; la mortalité se met dans leur armée, et par conséquent, me voilà maître de tout ce pays-là. J'y fais rafraîchir mes troupes, et de là je passe en Hollande. Allons, me voilà en Hollande ; qui m'aime me suive. Je vais d'abord... Attendez je crois que nous ferions mieux de conquérir auparavant la Turquie. Qu'en croyez-vous ? Oui, c'est bien dit. Allons, enfants, ne nous rebutons point nous arriverons bientôt. Nous voici déjà dans la Grèce. Ah, le beau pays ! Dieu sait comme nous allons souffler de ce bon vin grec ! Mais messieurs ne vous enivrez pas, au moins. Tudieu ! nous avons besoin de notre cervelle. Buvons seulement chacun notre bouteille, en chantant une petite chanson. Et brin, bron, brac, Donnez-moi du tabac, la relera, etc. Je m'en vais vous le dire. J'ai quinze hommes à refaire à ma compagnie, avant de retourner à notre garnison ; et comme je n'ai point d'argent, voilà un diamant de cinq cents écus, que je vous prie de me faire mettre en gage pour deux ou trois cents pistoles. Eh oui, quelque chose comme cela. Quatre cents francs ? J'aimerais mieux que le diamant fût au fin fond de la mer Méditerranée. Allons, je m'en vais te jouer au piquet pour cent pistoles contre le premier venu. Je n'aime point à lanterner, moi. Oui ? Parbleu ! J'aime les gens d'accommodement ; touchez là. Je veux vous procurer la pratique du régiment, pour tous les contrats de mariage et d'acquisition de rente que feront nos officiers. Allons-nous-en là-dedans boire une bouteille de persicot. Le poisson est dans la nasse, et nous allons voir beau jeu. Allons, mon ami lara, lera, lera. Vous me devez six-vingts pistoles ; payez-moi, je ne joue plus. De quoi vous plaignez-vous? Je vous ai gagné au piquet vous me demandez votre revanche à pair et non, je vous la donne; je ne vous gagne que douze cents livres; et j'ai hasardé mon diamant, qui en vaut quinze cents c'est cent écus que je perds clairement. Il me semble que je fais assez bien les choses. C'est que je me suis désenivre en gagnant votre argent. Allons, les bons comptes font les bons amis ; payez-moi tout à l'heure ou je vous passe mon épée au travers du corps. Comment, canailles, deux contre un ? Ah, j'ai le corps percé ! Je suis mort ! Un chirurgien ! Ah, mon cousin je me meurs. Trois coquins viennent de m'assassiner, et c'est ce scélérat de notaire qui les a fait agir. Eh, de grâce, qu'on me fasse venir le suceur du régiment. Votre laquais m'a informé de la chose, et j'amène des archers pour conduire les délinquants au Châtelet. N'importe; le délit est flagrant il y a mort d'homme et vous viendrez au Châtelet. Et l'on vous mènera au Châtelet. Ma foi, voilà une véritable aventure de café.