**** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONJAPHET *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donjaphet Bailli, votre fortune est grande, Puisque vous m'avez plu. Peut-être ignorez-vous encore qui je suis, Je veux vous l'expliquer autant que je le puis : Car la chose n'est pas fort aisée à comprendre, Du bon Père Noé j'ai l'honneur de descendre ; Noé qui sur les eaux fit flotter sa maison, Quand tout le genre humain but plus que de raison : Vous voyez qu'il n'est rien de plus net que ma race, Et qu'un cristal auprès paraîtrait plein de crasse ; C'est de son second fils que je suis dérivé ; Son sang de père en fils jusqu'à moi conservé, Me rend en ce bas Monde à moi seul comparable : L'Empereur Charles-Quint, ce Héros redoutable, Mon Cousin au deux mille huitantième degré, Trouvant avec raison mon esprit à son gré, M'a promené longtemps par les villes d'Espagne, Et depuis m'a prié de quitter la campagne ; Parce que deux soleils en un lieu trop étroit, Rendraient trop excessifs le contraire du froid : La façon de parler est obscure au village, Entendez-vous Bailli mon sublime langage ? Vous ne m'entendez pas ? Je vous aime autant sourd ; Car assez rarement mon discours s'humanise. Mais pour vous aujourd'hui je démétaphorise (Démétaphoriser, c'est parler bassement) Si mon discours pour vous n'est que de l'Allemand, Vous aurez avec moi disette de loquelle, L'Empereur donc de qui je suis le parallèle : M'entendez-vous Bailli ? Le parangon ? Comment ? Altérer mon jargon, Ce serait déroger à ma noblesse antique ; Tâchons pourtant d'user de quelque terme oblique Pour nous accommoder à cet homme des champs : Charles-Quint donc mon cher parent en peu de temps, M'ayant mis à son aise en prince de Cocaigne, Et tout à fait exclus des Hôpitaux d'Espagne ; (Car Bailli dussiez-vous cent fois en enrager, J'ai six mille ducats tous les ans à manger.) Le Cacique Uriquis, et sa fille Azatèque, L'un et l'autre natif de Chicuchiquizèque Étant venus en Cour pour se dépayser, L'Empereur mon Cousin me força d'épouser Cette jeune indienne un peu courte et camarde, Mais pourtant agréable en son humeur hagarde : À mes noces, le grand César rien n'oublia, Et fit le bon parent, même il trépudia : Entendez-vous le mot trépudier, Compère ? C'est danser en vulgaire : Enfin en équipage à ma grandeur égal, Mon train moitié sur mule et moitié sur cheval, Dans mon pays natal je menai ma famille, C'est-à-dire Uriquis, et ma femme sa fille : Arrivé dans mon bourg qu'on nomme Almodobar, Mon beau-père Uriquis y devint gras à lard, Et prit goût à nos vins, ma compagne de couche Fut comme son papa fort sujette à sa bouche ; Enfin elle mourut d'un excès de melon, Et son Père Uriquis d'un ulcère au talon : De ce beau-père éteint, de cette femme éteinte, Il ne me resta pas la moindre plume peinte, Le moindre Guenuchon, le moindre perroquet, Tout leur bien du Pérou n'étant que du caquet. Les gens d'Almodobar à leur dam me déplurent, Vous pouvez bien penser que punis ils en furent, Et bientôt ; car prenant ma résolution, J'ai choisi dans Orgas mon habitation, Où je vais faire un train digne de mon mérite : Bailli, cherchez-moi donc des serviteurs d'élite, Nobles, bien faits, adroits, sobres, et parlant peu. C'est bien peu. Il me faudra six pages, Sans les Valets de pied qui recevront des gages. Comment est votre nom ? Tant de noms de baptême ? Mon cher compère, On vous soupçonnera d'avoir eu plus d'un père. Promptement ; Foucaral ce Bailly me plaît extrêmement. Qu'ils me fassent savant de leurs noms dès l'entrée. Comment ? Tous à la fois, Parlez séparément, et modérez vos voix. Toi, parle et dis ton nom, jeune homme au nez de Cabre. Ton pays ? Maudit pays: et toi ? Ton pays ? De quel lieu ? Ton pays ? Attends une autre fois qu'un Maître t'interroge ; Et ton pays natal, quel est-il ? Haye aux autres : et toi ? Biscain ? Tu parais grand fripon. Torribio Poncil est un nom apostat, Changeant Poncil en Ponce a mon majordomat, Il pourra parvenir : mais avant toute chose Il faut au nom de Ponce ajouter Don, pour cause : Llorente Riberos aura nom Ribera, Pascal Zapatero, Don Pascal Zapata. Ils prendront tous le Don, comme le majordome, Et seront dans deux ans des plus Grands du Royaume : Quant au Galicien Don Roc Zurducaci, Je lui donne congé de s'appeler ainsi ; Aurait-il bien l'esprit d'être mon Secrétaire ? Et plus que digne. Holà, je casse tous les autres ; Car lui seul me suffit avec mon Foucaral. Qu'il soit mis sur l'État. Pourquoi cette soutane ? Êtes-vous Insacris ? Id est antiprofane : Êtes-vous Médecin. Êtes-vous Avocat ? De Rome j'obtiendrai par grâce singulière, Que vous puissiez aller vêtu d'autre manière ; Le Pape mon cousin ne m'en peut refuser, Quittez donc la Soutane, ou l'achevez d'user, Zurducaci ! N'étant que secrétaire, Le Don à votre nom n'est pas fort nécessaire. Zurducaci ! Don Pascal Zapata sera mon contrôleur. Et vous Zurducaci vous choisirez mes pages. Choisissez-les bien sages. Faquin de Foucaral, Épargnez le prochain sans en dire du mal. Depuis deux ou trois jours j'ai la tête pesante, Je m'en vais exercer ma vertu caminante Dans les lieux d'alentour. Que l'on m'attende ici ; Foucaral ! Foucaral ! Foucaral ! Ne veux-tu pas venir ? Faquin d'honneur ; Et le Bailli vient-il ? J'entends qu'il vienne ; Car encor faut-il bien que quelqu'un m'entretienne Dans ce malheureux Bourg rempli de gens grossiers, Avec ce Bailli seul, je parle volontiers : Il n'est que demi fat pour être du village : Mais ne viendra-t-il pas ? Sait-il bien que j'enrage Alors qu'il faut attendre ? Holà ho, Foucaral ; Don Roc Zurducaci ! Don Zapata Pascal ? Ou Pascal Zapata ; car il n'importe guère Que Pascal soit devant ou Pascal soit derrière. Holà mes gens ! Mon train ! Ô les doubles Coquins, Les Gredins, les Bourreaux, les traîtres, les Faquins ; Sachent tous mes valets que ma bonté se lasse, Sachent les malheureux qu'aujourd'hui je les casse ; Je m'en vais tant crier qu'ils viendront, les marauds. Hé bien donc je m'apaise, J'avais déjà les yeux ardents comme la braise : Don Pascal Zapata, Don Roc Zurducaci Je veux être servi. Bailli ! Le bourg est-il chargé de tailles ? Est-il noblifié de vives antiquailles ? A-t-il des hobereaux ? J'entends de ces gentilshommeaux, Des tireurs en volant, des tyrans de village, Des nobles. Et de plus d'un étage ? Je veux dire les uns Nobles comme le Roi, les autres fort communs ; C'est-à-dire nouveaux, de Noblesse ambiguë, Qu'on reconnaît vilains dès la première vue. En grand nombre ? Sont-ils Chasseurs rusés, ou Chasseurs à grand bruit ? Des enfants en ont-ils en grand nombre ? Déjà grands ? Mal encombre. Puisse arriver à qui me répond toujours oui. Ha le traître ! Hé quoi tout aujourd'hui ? Il consentira donc ? Ha j'enrage ! Dis-moi non, malheureux, et change de langage ? Confesse seulement une fois. Vous faites le rieur Don Roc Zurducaci. Voici l'autre Qui me va tout nier ; Bailli, dans le Bourg vôtre Fait-on avec trois os insulte au bien d'autrui ? Le bon Bailli me va répondre encore oui. Je ne sais si je dois le quereller ou rire ; Esprit bouché, dis-moi, joue-t-on dans ton Bourg ? Aux Cartes, aux Tarots, aux Dés ? Ont-ils de belles filles ? Quel âge ? Fi, vous n'avez encor que de petits enfants ; Ne s'en trouve-t-il point qui soient déjà venues ? Je ne hais point cela : mais je les veux charnues. En mon nom va lui faire Un petit compliment, et me la fais venir, J'ai dessein de la voir, et de l'entretenir ; Dis-lui d'abord mon nom, Don Japhet d'Arménie, Mon nom seul vaut autant qu'une cérémonie. Le voilà tout paru ; par l'âme de Noé, La Sotte a l'oeil brillant et l'air bien enjoué. Ha, petite Mignonne ! Sotte entre Courtisans, c'est-à-dire Friponne. Oui, tu m'as friponné ; Mon coeur infriponnable, oeil emérillonné : Ha ! Si le Ciel t'avait fait naître une Duchesse ; S'il t'avait seulement fait naître une Comtesse, Nous pourrions en vertu du lien conjugal, Coucher en même lit sans qu'on en dît du mal : Mais hélas par malheur ta naissance est trop basse, Et l'hymen entre nous aurait mauvaise grâce ; Si bien que sans rien craindre, et sans scrupuliser, À simple concubine, il faut s'humaniser, Si tu veux posséder un corps comme le nôtre. Ha Beauté Printanière ! Veux-tu me fuir ainsi, comme une bête fière, Tu ne t'en iras pas sans m'avoir pardonné Le pardonnable effet d'un Amour forcené : Et toi, de ce Lion, Tigresse inséparable, N'auras-tu point pitié d'un Amant misérable ? Tu me reproches donc ma fraise, ha mouche guêpe ! Tu ne dois point trouver à redire à mon crêpe : Après avoir perdu ma fidèle moitié, Au moins devais-je un crêpe à sa rare amitié. Zurducaci. Quitte cette inhumaine, Et ne l'approche point sous peine de ma haine ; Je veux par des mépris un peu l'humilier : Mais que veut ce bonhomme avec ce cavalier ? Si faut-il qu'elle m'aime. Il ne me quitte guère. Puisque la villageoise est d'illustre Origine, Grâces à son Destin je puis sans déroger Avec elle bientôt sous l'hymen m'engager. Adorable Beauté qui d'une seule oeillade, Avez d'un homme sain fait un homme malade ; Puisque le Commandeur peut disposer de vous, Jetez les yeux sur moi, vous verrez votre Époux. Vous m'aimerez bien fort ? Taisez-vous, il ne m'importe guère Si votre chaîne était ou pesante ou légère. Cavalier, vous direz au Seigneur Commandeur Que le noble Japhet est fort son serviteur, Et qu'il se réjouit que son nom soit Tolède, Qu'en Noblesse ici bas le Roi même me cède : Car je suis Don Japhet, de Noé petit-fils, D'Arménie est mon nom, par un ordre préfix, Qu'avant sa mort laissa ce fameux Patriarche, Parce qu'en Arménie un mont reçu son Arche : Dites-lui que je puis avec lui m'allier, Puisque sa nièce et moi sommes à marier ; Qu'à cause de mon deuil il serait peu honnête Que j'allasse chez lui si tôt troubler la Fête ; Et que par bienséance il le faudra laisser Quelque temps tout son saoul sa nièce caresser ; Dites-lui que j'irai le trouver en personne : Et malheur pour Orgas puisque je l'abandonne. Partez. Et je vous en dispense, Sacrifice chez moi vaut moins qu'obéissance. Pascal, Roc, Foucaral, et vous Bailli d'Orgas, Suivez-moi : toutefois, non, ne me suivez pas. Ou bien suivez-moi donc : et vous ô Beauté fière, Votre Oncle vous va faire agir d'autre manière, Il sait combien par moi l'on peut être ennobli, Votre incivilité méritait un oubli : Mais je pardonne tout à cause de votre âge, La Cour vous ôtera bientôt l'air du village, Ô que joints par hymen, nous aurons des Japhets ; Et de corps et d'esprit également bien faits ! Je vous ai déjà dit, Monsieur mon Secrétaire, De ne l'approcher point, vous n'en voulez rien faire ; Vous me l'aviez bien dit, vous êtes factoton, Et vous ne valez rien sous ce noir Hoqueton : Et vous qui l'écoutez, Madame Léonore, Vous ne valez pas mieux ; et vous Monsieur encore Qui devriez à partir être plus diligent, Homme fait comme vous ne vaut pas grand argent. Japhet s'en va. Pascal, Roc, Foucaral ! Dites bien que je suis venu sur un cheval, Les traîtres n'y sont plus. Ah, Canailles, Canailles ! Vous m'avez donc quitté par droit de représailles, Il faut que je vous quitte : ô gibiers de Corbeaux ! Puissiez-vous devenir chef-d'oeuvres de Bourreaux ! Monsieur. Si. Je. Messieurs. Mais. Enfin. Ha Messieurs, permettez au moins que je réponde : Trêve de compliments, ou que Dieu vous confonde. Pascal, Roc, Foucaral, parlons à notre tour. Ventre de moi, je parlerai. Ô de ces grands parleurs le plus impertinent, Parle sans te moucher. Quels supplices Suis-je venu chercher. Concluez. Que fit-elle, La Cour, la Cour, la Cour. Quoi toujours renifler, Moucher, tousser, cracher, et toujours me parler ? Et moi je ne pourrai dire quatre paroles ? Et de grâce, Messieurs, je donne cent pistoles, Et qu'on m'ôte d'ici ce fâcheux renifleur, De quoi diable sert-il à votre Commandeur. Ô le plaisant office! Et vous qui me parlez, quel est votre exercice ? Et tous ces grands fous-là. Le beau Train que voilà Et votre Commandeur reçoit ainsi son monde ? Et ne veut pas chez lui que personne réponde ? Je m'en suis aperçu ; Mais l'Empereur saura comment on m'a reçu, Et si l'on traite ainsi les hommes de mérite ; Reçoit-on bien un homme alors que l'on le quitte ; Et qu'on lui met en tête un maudit Harangueur ; Qui m'aurait à la fin fait mourir de langueur ; J'en écrirai deux mots à l'illustre Duc Dalve, Son Parent et le mien. Bon Dieu. Ah ma foi je suis sourd. Ce grand bruit a percé ma pauvre tête à jour ; nièce du Commandeur autrefois villageoise, Et main tenant grand Dame, et Dame discourtoise ; Est-ce de guet-apens, ou par cas fortuit Que l'on m'a voulu perdre à force de grand bruit ? De cent sots compliments sans y compter le vôtre, Contre moi décochés, entassés l'un sur l'autre, N'était-ce pas assez pour me faire enrager, Sans qu'un chien d'Harangueur me vint aussi charger De son hem, de sa toux, de sa reniflerie : Et pourquoi sur le tout cette mousqueterie ? À moi de l'arme à feu l'ennemi capital : Rendez-moi donc réponse, Ange ou Démon fatal. Parlez haut, parlez haut, sans tant mâcher à vide, Ô que l'amour devient à mon goût insipide ! Je ne vous entends point, me parlez-vous ou non ? Elle me parle, hélas, je suis sourd tout de bon ! Elle feint de parler, c'est moi qui n'entends goutte ; Le Cousin de César est assourdi sans doute : À mon âge Messieurs, n'est-ce pas grand pitié De m'avoir rendu sourd sous ombre d'amitié ? Parlez bien haut Messieurs, de grâce à la pareille, Vérifions un peu ma surdité d'oreille : Hélas on s'égosille, et je n'entends non plus Que si l'on me voulait emprunter mes écus : Maudit Amour, maudit Orgas, maudit voyage, Maudite Léonore, et maudit son voyage : Ha Commandeur d'Enfer vous voilà de retour, En êtes-vous bien mieux de m'avoir rendu sourd ; Vous riez, est-ce ainsi que mon malheur vous touche ? Peste soit le grand fou, comme il ouvre la bouche. Ô le fâcheux objet alors qu'on n'entend rien, De voir ouvrir ainsi tant de gueules de chien ; Sur mon Dieu je voudrais aussi perdre la vue, Afin de ne voir point cette sotte cohue, J'aimerais bien mieux voir un troupeau de Sergents ; Ô que les grands Seigneurs ont de vilaines gens ! Pascal, Roc, Foucaral, il faut plier bagage, Me voilà revenu de mon beau mariage ; Dieu m'a donné l'ouïe, et Dieu m'en a perclus, Et que de Léonore on ne me parle plus ; La Drôlesse me coûte et l'honneur et l'ouïe, Et je ne l'en vois pas guère moins réjouie. Si jamais à Coquette. J'entends bien en effet, Ha, sur mon Dieu j'entends ! Tout doux, la peste. Je vous entends de reste, Ne criez plus. Il n'en est pas besoin, Commandeur de mon Âme, Je vous entends mon cher, grand Dieu que je réclame, Si vous m'avez rendu la faculté d'ouïr, Léonore peut bien encore se réjouir ; Je ne rétracte point le don de ma franchise : Mais qu'on reparle encor pour assurer la crise, Je ne suis plus fâché. Ha ! Parlez doucement, Vous me rassourdissez, la peste comme il crie, On dirait qu'il n'a fait autre chose en sa vie. Bon Dieu vous criez tous, J'aimerais bien autant ouïr hurler des Loups. Qu'on se désaccoutume, Ma cervelle n'est pas dure comme une enclume. Et oui, je vous entends Pour la centième fois : mais c'est malgré mes dents Qu'on me donne un fauteuil, Messieurs, et tout à l'heure, Car quand on devient sourd, on se lasse, ou je meure ; Et si vous m'aimez bien, notre cher Commandeur, Qu'on ne me montre plus le vilain Harangueur, S'il ne revient encore faire ses reniflades, On me verra ma foi sur lui faire à gourmades. Ne le voilà-t-il pas ? Qu'il ne passe donc plus, ou bien c'est m'offenser ; Pour un si grand Seigneur, vous avez ce me semble Autant de francs gredins qu'on puisse voir ensemble. Ils ont la mine tous d'être de grands Vauriens, Et je ne voudrais pas les changer pour les miens. Ou sottise, ou chaleur, ils avaient pu mieux faire : Mais pour vous obliger j'oublierai le passé, Je vous suis venu voir de mon amour pressé, Engendré dans mon coeur par votre Léonore : Que me répondez-vous ? Oui, mais j'en mourrai moi, si vous ne vous hâtez ; Car je suis fort pressé de mes nécessités : Nous autres esprits chauds nous pressons les affaires, Il faut donc donner ordre aux choses nécessaires. Je meurs, d'homme d'honneur. L'Empereur mon Cousin me donne un Marquisat ? Bon Parent par mon chef, le présent n'est pas fat ; Un Marquisat pourtant est chose fort commune, La multiplicité de Marquis importune ; Depuis que dans l'État on s'est emmarquisé, On trouve à chaque pas un Marquis supposé. Le nom ne m'en plaît pas beaucoup. Est-ce un port ? Le Château du Marquis est-il beau ? Il durera longtemps : les habitants du lieu, Morifiques ou chrétiens ? Les Dames ? Douces ? Je les aime bien telles ; Et de Couvents, combien ? Des paroisses ? Y prend-t-on des manteaux ? Tant pis ; y souffre-t-on quelques filles de joie ? Et le Seigneur fait-il battre monnoie ? Lieu Public pour les comédiens ? J'en veux avoir souvent d'Italiens, Je les trouve bouffons : mais toi que j'interroge, Es-tu natif du lieu pour en faire l'éloge ? On y fait donc justice ? Je veux faire pourvoir dans les prochains États, À la confusion de tant de Marquisats ; Fais m'en ressouvenir : ô future Marquise, Vous voyez que le Ciel mes desseins favorise : Mais mon cher Commandeur, concluons vitement, Je suis de mon amour pressé cruellement ; L'humide radical dans mon coeur se dissipe, Mon esprit s'en altère, et mon corps s'en constipe. Voire qui le pourrait, Mon Amour me conduit à mon trépas tout droit. Taureaux, j'en suis, je veux y jouer des couteaux, Et donner au public sans crainte de leurs cornes Échantillon sanglant de ma valeur sans bornes ; Je veux tauricider avec mon seul laquais. Allez, il ne m'en chaut, Pourvu que mon Soleil incessamment m'éclaire : Mais ne la vois-je pas avec mon Secrétaire ? Il est récidivant le Faquin, et toujours Il prend sa blanche main avec sa patte d'Ours ; Je veux faisant semblant de chanter le surprendre, L'ayant surpris, le battre, et puis le faire pendre. Beauté seringue à brasier, Coeur d'acier Tu m'as mis le flanc, À feu et à sang : Hélas l'amour m'a pris Comme le chat fait la souris. Je t'y prends, grand pendard, tu baises donc sa main, Aujourd'hui tu mourras ou pour le moins demain ! Quoi, ta bouche à tabac, de ses moites moustaches, A cette main d'ivoire ose faire des taches ? Icare audacieux, téméraire Ixion, Je te juge et condamne à la décollation : Et toi, de qui je tiens la main très inquinée, Je t'exclus de l'honneur d'un futur hyménée. Je serais un grand sot. Tais-toi truand, pied plat, cagou, bigot. Je vous entends, parlez. Tout de bon? Mon courroux s'apaise par sa cause: Donnez-moi cette main qu'il ne baisera plus, Je veux la dévorer de mes baisers goulus. Don Roc, regarde-moi promener cette Belle, Aussi digne de moi que je suis digne d'elle. Vous m'aimerez bien fort ? Je n'en doutai jamais. Elle est à mon dessein d'autant plus favorable. Pour te dire le vrai la nuit ne me plaît pas : Mais en cas d'employer une échelle de soie, On peut bien hasarder quelque chose. J'en tâterai tantôt deux, des plus beaux du monde, Durs, distants l'un de l'autre, et de figure ronde. Si le Ciel m'avait fait d'un mérite commun, Léonore aurait pu résister à mes charmes : Mais je n'ai qu'à paraître, il faut rendre les armes : Ce fat Zurducaci lui faisait les doux yeux. Que j'aurai du plaisir avecque ce bel Ange ; Je puis très justement dire avec feu César, Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu. Alors, je ne suis plus César, je suis Pompée. J'en veux dulcifier mon amoureux souci. Foucaral, ta raison est assez énergique : Mais aussi j'irai perdre un ducat avancé. Nous sommes loin encor d'où repose ma joie, Pour gagner mon argent devant qu'on les renvoie ; Ils chanteront les vers que je fis l'autre jour, Sur le feu violent de mon brûlant amour : Quant à moi de tout temps j'aime la symphonie, Et tiens que des bons vers, les beaux airs sont la vie Chantez Musiciens, mais non ne chantez pas, Foucaral a raison, retournez sur vos pas ; Ma Musique pourrait être ici scandaleuse, Écoute les doux fruits de ma vertu amoureuse. Amour Nabot, Qui du Jabot, De Don Japhet, As fait Une ardente fournaise ; Hélas, hélas ! Je suis bien las D'être rempli de braise. Ton feu Grégeois M'a fait pantois, Et dans mon Pis A mis Une essence de braise, Bon Dieu, bon Dieu, Le coeur en feu, Peut-on être à son aise. Qu'en dis-tu Foucaral, n'ai-je pas bien rimé ? Je pourrais bien demain après la jouissance, Ainsi que de raison produire quelque stance. Ha chien de Foucaral pourquoi me frappes-tu ? L'on redouble sur moi. Le bourreau qui me frappe est d'une force extrême. Ne gâtons rien. Le Lutin qui me bat n'a pas beaucoup de hâte, Il frappe posément. Ouf, Messieurs les frappeurs, je défends le visage. Foucaral, soyez sage. Pour sauver le visage aux dépens de nos os, Mettons-nous ventre à ventre, et face contre face. Maintenant que l'on fasse Tout ce que l'on voudra. Aussi font bien les nôtres ; J'y sens grande douleur. Grâces à Dieu, ceci s'est passé sans témoins. Il revient des Esprits céans. Je n'en rabattrai rien de ma verve amoureuse ; Je tiens tous ces coups-là fort au-dessous de moi. Je m'en veux plaindre au Roi. Le Balcon de ma Belle Doit être près d'ici, siffle. Elle me l'a promis. Oui, c'est moi mon bel ange, un peu mal satisfait, D'un petit accident que de bon coeur j'oublie, Puisque j'aurai l'honneur de votre compagnie. Ha ! Vous m'assassinez d'excès de courtoisie, Alérion musqué doux comme malvoisie : Mais ne ferais-je point vers vous ascension. Ha Séraphique ! Pour vous remercier faible est ma Rhétorique : Foucaral ! Et bien, qu'en penses-tu ? Je suis venu, j'ai vu. Foucaral ! Je monte, ou Dieu me sauve. Foucaral ! L'occasion est chauve. Va-t-en Foucaral. En matière d'amour je n'aime pas un tiers. Oui ma Belle, Je la vais retirer cette divine échelle, Par qui j'ai pu monter à votre firmament. Je crains autant que vous que ce vieillard s'éveille. Allez donc ma Diane, allez voir ce qu'il fait, Et revenez trouver le bienheureux Japhet. Ce serait fait de nous : Ces assignations, ces balcons, ces échelles, Aboutissent souvent en blessures mortelles. Me voilà pris en cage ainsi qu'un Perroquet, Je commence à trembler pour mon dessein coquet : Ô des Amants furtifs Déesse ténébreuse ! Si tu fais réussir l'entreprise amoureuse, Je t'offre en sacrifice, un, deux, ou trois Lirons, Et deux gros chats-huants, déesse des larrons ; De ton obscurité redouble un peu la dose, Et rends bien assoupi le vieillard qui repose ; Prête-moi ta faveur à me bien divertir : Car j'en ai grand besoin pour ne te point mentir : J'entends quelque rumeur, le Ciel me soit en aide ! Je suis mort sans remède. Ha Messieurs ! Suspendez la Sentence mortelle, Je ne suis point voleur, je ne suis seulement Qu'homme à bonne fortune, ou bien fidèle Amant ; De plus, l'on m'a battu bien fort depuis une heure, Si frais battu Messieurs, est-il juste qu'on meure ? Cailloux à moi ? Bon Dieu, ce serait me blesser ; Un grand Seigneur blessé ne vaut pas le moindre homme. Tout beau, ne tirez pas. Je ne vaux rien, tiré. Vous savez ce qu'on fait à quiconque se tue, Et que s'homicider est chose défendue. Mes vêtements Messieurs, parlez-vous tout de bon ? Savez-vous que je suis le plus frileux du monde ? Frondeurs, ne frondez pas, je vais vous les donner : Voilà pour commencer, la rondelle et l'épée, Je me disais tantôt César, je suis Pompée : César vint, vit, vainquit, et moi, je suis venu, Je n'ai rien vu, l'on m'a battu, puis mis à nu. Ô noir amour ! Vous riez, assassins. Ha Messieurs ! Je disais spadassins, Et consens de bon coeur que quelqu'un m'assassine. Si j'ai cru votre troupe autre que spadassine. Vous me pardonnerez, je vais tout mettre bas. Qu'à mes habits ne tienne, Qu'on ne gâte une peau douce comme la mienne. Qu'ainsi ne soit, voilà, mon fidèle chapeau : Mais Messieurs voulez-vous que je demeure en peau ? Vous donnerai-je aussi les habits qui me couvrent ? Messieurs, ne parlons plus de lapidation, Je m'en vais achever la spoliation, Et vous achèverez de plier ma toilette. Messieurs, que vous faut-il ? Ce n'est donc pas assez d'être nud en chemise ? Et la plainte au chétif ne sera pas permise ? Ma foi c'est bien à moi de faire le railleur, Mort de peur, mort de froid, et pris pour un voleur ; Laissez-moi donc en paix, attiédissez vos biles, Et que mes vêtements vous puissent être utiles : Voilà mon haut-de-chausse, et mon pourpoint aussi. C'est trop, c'est trop ma foi, c'est moi-même qu'on raille, Me voilà nud pourtant, peste soit la canaille ; Si je n'avais été si haut embalconné, Cents coups au lieu d'habits je leur eusse donné : Mais mon ange est long temps. Gare l'eau ? Bon Dieu, la pourriture ; Ce dernier accident ne promet rien de bon : Ha ! Chienne de Duègne, ou servante, ou Démon ; Tu m'as tout compissé, pisseuse abominable, Sépulcre d'os vivant, habitacle du Diable ; Gouvernante d'Enfer, épouvantail plâtré, Dents et crins empruntés, et face de châtré. La Diablesse a redoublé la dose ; Exécrable Guenon, si c'était de l'eau rose On la pourrait souffrir par le grand froid qu'il fait ; Mais je suis tout couvert de ton déluge infect ; Et quand j'espérerais le retour de ma Belle, Étant tout putréfait que ferais-je avec elle ? Il faut céder au Temps, c'est assez pour un coup. J'ai fort mal réussi : mais j'aurai fait beaucoup Si je puis descendant l'échelle que j'accroche, Garantir mon cher corps de chute, ou d'anicroche : Que maudit soit l'amour, et les Balcons maudits D'où l'on sort tout couvert d'urine, et sans habits : Que le métier d'amour est un rude exercice ! Qui me dit qui va là ? Je ne suis point gibier de tels chasseurs que vous. Autre grêle de coups : Faisons bien les mauvais : au premier qui me touche De l'âme d'un fusil je fermerai la bouche. Le Ciel m'a fait Son plus proche parent. Est-ce vous Commandeur ? Je m'en allais baigner. Oui je meure ; L'Amour mon pauvre corps a si fort enflammé, Que je me puis baigner sans en être enrhumé : Amour par ta bonté rends l'échelle invisible ? Foi de fidel amant présentement je sue. Cela pourrait bien être ; Je les avais donnés à garder à mes gens, Ils les ont égarés, comme ils sont négligents. Pour vous faire plaisir j'approcherai du feu. Il ne me plaît donc pas. Fort bien, et qui pourtant donnât quelques courbettes : Je hais fort les chevaux qui portent des bossettes : J'en voudrais un qui fût entre triste et gaillard, Qui tînt fort de la Mule, et fort peu du Bayard. Mon dessein entre nous, menace de la bière ; Ne puis-je pas porter quelque bonne arme à feu, Afin de mieux tirer mon épingle du jeu ? Quoi, l'usage prévaut ? Ô sottise incommode? En chose où le péril paraît de tous côtés, On peut fort bien passer sur les formalités. Et si quelque taureau vient à moi comme un foudre, Puisqu'un vilain taureau peut un homme découdre, Ne peut-on pas alors se tirer à quartier ? Ce serait l'action d'un Cavalier bien sage. Je n'en montre que trop, et l'arme que j'aurai, Que sera-ce ? Je veux entrer en lice avec la hallebarde. Et qu'on pourrait-on dire? S'en moquera-t-on moins quand on me verra mort ? Et pourquoi non la panse? Et plus large, et plus tendre, et plus belle à frapper. Où l'on peut ajuster cent coups sans se tromper. Ô le maudit usage ! J'ai peur qu'il aille mal: Car un Taureau n'est pas un traitable animal. Et puis après j'irai chercher des coups de cornes ; Ô que mon sot dessein rend tous mes esprits mornes ! Je voudrais de bon coeur être sans Marquisat, Et pouvoir m'exempter de ce maudit combat : Adieu je vais m'armer, si jamais j'en échappe, Je veux que l'on me berne, en cas qu'on m'y rattrape. Où se cachera-t-il, ce Commandeur maudit, Qui dans un même jour a son dit et dédit ? Ha te voilà vieux fou, sans honneur sans parole, Maître de valets fous, Oncle de nièce folle ! Et tu ris grand vilain ? Et tu m'as mal traité ? Et tes valets ont pris la même liberté ? Cependant qu'au péril de cent mille cornades, Je combats des Taureaux à grands coups de lançades, Tu me ravis ta nièce, ignorant, affronteur ; En faveur d'un valet qui n'est qu'un imposteur : Elle aurait succédé dans ma couche honorable, À ma chère Azatèque une Reine adorable : Et traître tu la fais femme d'un écrivain, D'un grand faquin qui vit du travail de sa main ? De fourbe le plus grand qui soit dans la Castille, Est-ce pour tes beaux yeux qu'on s'expose en soudrille ? Ne contes-tu pour rien d'être venu d'Orgas ? Et suis-je un homme à perdre, et mon temps et mes pas ? Si je n'étais Chrétien (mais le Christianisme) Me défend d'entreprendre un sanglant cataclysme, Si je n'étais Chrétien, Commandeur effronté, Je t'aurais dépaulé, décuissé, détêté ; Si je n'avais eu peur de m'accabler moi-même, J'aurais fait le Samson dans ma fureur extrême ; J'aurais mis ton château tout sens dessus dessous, Ton renifleur et toi, ta nièce, et son époux : Si tu m'avais tenu la parole promise, Je lui donnais mon bien, je la faisais Marquise, Moi parent de César, moi Marquis, moi Japhet J'allais faire l'esclave, et j'aurais fort mal fait : Mais que je sache encor pourquoi d'un secrétaire Cette jeune indiscrète, est l'injuste salaire ; Est-ce pour les profits du Secrétariat, Qui ne lui vaudra pas par an demi ducat ? Vitement, qu'on me l'ôte Ce perfide valet. Maudit soit le Cornet. C'est bien encore pis que le coup de Mousquet. Qui diable es-tu ? Qui t'amène ? Parle, et ne corne pas, On je t'étranglerai. Pourquoi faquin ? Et tu viens de la rompre abominable bête, Parle donc vitement ? Et pourquoi non bourreau, que je dois étrangler ? Lis-le donc vitement. Qu'un autre lise donc. Fais-en donc le récit. De ce visage-là je garde quelque idée, Et j'ai vu quelque part cette face ridée. Le traître de Courier ressemble au Renifleur, Faites-moi voir un peu le seing de l'Empereur. Il n'en faut point douter. Bon cela. Est-ce tout ? Mais ne seriez-vous point ce maudit renifleur, Ou du moins le parent de ce mauvais railleur ? Si ce malheureux-là m'avait fait le message, Je romprais là-dessus tout net un mariage, L'Empereur mon Cousin s'en dût-il offenser. Hé bien la belle Iris, vous pouviez bien penser Qu'un homme comme moi ne manque point de femme, Vous avez avec nous un peu fait la grand Dame, Je m'en vais épouser l'Infante Ahihua, Qui me va réjouir comme un Alléluia : Et vous son cher galant, jadis mon Secrétaire, Vous m'avez fait du bien, en me pensant mal faire, Je vous sais fort bon gré de m'avoir supplanté, Coquettes et cocus ont grande affinité, Coquettes avec Coquet ne trouve pas son compte, Et Coquet de Coquette a toujours de la honte ; Vous avez bien joué le Roc Zurducaci, Vous en êtes content, et je le suis aussi : Et vous le Commandeur qui me l'aviez promise, Un grand fourbe est gîté dedans votre chemise ; Certains petits discours parvenus jusqu'à moi, Me font beaucoup douter de votre bonne foi ; Vos fréquents compliments, votre reniflerie, L'affaire du Balcon, et la mousqueterie, Tout cela contre vous fait un procès-verbal, Qui vous condamne d'être à jamais animal, Si ce n'est qu'un Japhet doit mépriser l'offense, César est son Parent, malheur à qui l'offense, Je pars pour aller voir un Ange du Pérou. Tout de bon ? Je suis donc votre avis, et ne m'en irai pas : Foucaral, fais venir mon bagage d'Orgas. Soit ; aussi bien mon train n'est pas chose encore prête, Mais point de renifleur, ou je trouble la fête. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_FOUCARAL *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_foucaral C'est plus qu'il ne nous faut. Et bien galleux aussi. On y va. Monseigneur, Monseigneur. Je viens. Il vient. Monsieur ne criez point, tous vos gens en un gros Viennent auprès de vous. Mon Maître est dégoûté. Le Drôle l'a fleurée. De la part de Japhet le cacique des fous, Je viens, plus fou que lui de servir un tel maître, Vous dire qu'à vos yeux il voudrait bien paraître. Et vous belle Marine, Don Foucaral peut-il en vertu de sa mine, D'un esprit sans pareil, et d'un corps sans égal Multiplier par vous le nom de Foucaral ? Ton bel oeil m'a blessé. Et moi Don Foucaral. Monseigneur Don Japhet, des hommes le plus rare, Et le plus fou qui soit d'Angleterre au Japon, M'envoie ici savoir, si vous trouverez bon Que sa digne personne, et sa fine folie, Viennent chasser d'ici toute mélancolie. Il s'est mis dans la tête un amour violent Pour un Ange d'Orgas, Madame Léonore Votre nièce, Monsieur. Son bon temps est passé, Et l'Empereur enfin s'en est, dit-on, lassé : Maintenant dans Orgas, fou qu'il est, il espère Qu'il obtiendra de vous, et de Monsieur son père, Madame Léonore, et je ne pense pas Qu'il soit encor longtemps sans venir sur mes pas, Tant sa présomption incessamment le presse De venir s'étaler aux pieds de sa maîtresse, Et de venir ici trancher du grand seigneur ; Car c'est là sa marotte. Il ne faut pas douter qu'il ne vous divertisse, Il est un peu plus fou qu'il n'était à la Cour, Jugez ce qu'il doit être avec beaucoup d'amour. Avec votre licence Je m'en vais donner ordre à notre subsistance, Et visiter l'office. Son esprit volatil ; Pressé de son amour qui lui donne des ailes, Le rangera bientôt auprès des Demoiselles. Magnifique. Tout de brique. Grands serviteurs de Dieu. Elles sont et courtoises et belles. Comme du lait. Neuf. Huit. Par ci par là la nuit. Selon. Tant qu'il veut. Fort beau. Un Maître que j'avais y fut pendu tout vif, Pour avoir seulement coupé le nez d'un juif. Le juge en est sévère. C'est le meilleur Bourreau qui soit dans la Galice. Tauricidez tout seul. Cette nuit est noire comme un diable. Et pour moi j'en ferai d'autant plus de faux pas. Avec joie. Je pourrais hasarder quelques coups de bâton, S'il était question de tâter un téton. Peste, quoi ? Deux Tétons ? J'en aurais assez d'un. C'est un fat voirement, et Pascal en est deux. Par hasard, Si ce vieil Commandeur vous donnait de l'épée ? Que voulez-vous donc faire avec ces chantres-ci. Et si le Commandeur entend votre Musique ? Préférez-vous l'argent à quelque bras cassé. Ces mots Nabot, Jabot, et Pantois m'ont charmé. Qui moi ? Je viens aussi ma foi d'être battu. L'on m'en a fait de même. Et celui qui me frappe est un hardi frappeur : Monsieur si vous vouliez je crierais au voleur. Mort bleu cependant l'on me gâte. Oui bien ce dites-vous, On m'a déjà donné plus de deux mille coups. Ma foi je vais crier. Je ne le suis que trop pour le bien de mon dos. Où diable vous trouver ? Rien ne va. Nous ne bougeons. On vous quitte des autres. Les reins me font grand mal. Je n'en sens guère moins. Nommez-vous l'aventure une bonne fortune ? Et la grêle de coups doit-elle être commune Avec moi qui ne sers ici que de records ? Plutôt des corps De frappante manière, et de main vigoureuse. Je les tiens dessus vous. C'est fort bien avisé. Répondra-t-elle ? Monseigneur ? Mais l'on vous a battu. Monseigneur ? Qu'a-t-il fait ? Et vous aussi. Volontiers. Ce sont ceux de mon Maître, Je les reconnais bien. Messieurs, or écoutez le malheur effroyable, Qui vient d'assassiner Don Japhet misérable. Vous l'avez dit, Il s'est mis sur les rangs aussi vaillant qu'un Cid ; Un taureau mal appris qui l'a vu dans la place, A pris aversion pour sa tragique face ; Et l'a suivi longtemps les cornes dans les reins ; Le vaillant champion sans songer à ses mains, Voyant que le taureau le poursuivait si vite, A de la selle en bas bientôt changé de gîte ; L'impertinent taureau le voyant piéton, Est allé droit à lui sans craindre son bâton ; Et le brave Japhet, voyant ses grandes cornes, S'est présenté trois fois pour transgresser les bornes ; Le peuple mal courtois a dit, nescio vos ; Cependant l'animal a pris son homme à dos : Et les cornes s'étant en grègue embarrassées, L'infortuné Japhet, et ses belles pensées, Ayant été longtemps dans l'air bien secoué, (Sans cornade pourtant, dont le Ciel soit loué) S'est à la fin trouvé couché sur la poussière, Foulé de coups de pieds d'une étrange manière : On le remporte à quatre, et je viens tout exprès Vous faire le récit de ce triste succès : Mais notre Secrétaire est vêtu comme un Prince, Que diable a-t-il donc fait de son justaucorps mince ? Et mon maître ? Cela nuira beaucoup à sa convalescence : Comme un valet toujours dit tout ce qu'il a vu, Je m'en vais lui conter la chose à l'impourvu. Place Messieurs, je viens vous trouver à grands pas, Mortel avant-coureur de quatre ou cinq trépas ; Pour vous signifier que la fureur dans l'âme, Don Japhet courroucé vient chanter votre gamme. Il est déjà venu sans mulets ni charrette, J'ai tout dans un chausson au fonds de ma pochette. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONALFONCE *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donalfonce Si Marc Antoine m'aime, il faut bien qu'il s'y range. C'est un homme bien riche à ce que j'entends dire, Tant mieux. Encore mieux ; J'aurai mon passe-temps d'un fou facétieux. Tout ce que tu dis là me donne du courage. Éloignons-nous. Annecy. Don Roc Zurducaci. Non Monsieur, je suis de la Galice. Fort à votre service. Jeune comme je suis, Monsieur je sais tout faire, Je rase, je blanchis, je couds, je sais saigner, Je sais noircir le poil, le couper, le peigner, Je travaille en parfums, je sais la médecine ; J'entends bien les procès, et fais bien la cuisine ; Je suis grand spadassin, excellent écuyer, Fort entendu chasseur, et parfait jardinier ; J'écris Français, Gothique, Italien, Tudesque ; J'écris en héroïque aussi bien qu'en burlesque ; Je fais des impromptus, rondeaux et bouts rimés ; Bref, je suis bel esprit, et des plus renommés, Regardez si je suis digne d'être des vôtres. Monsieur, je ne vais point sans mon ami Pascal. Monsieur, je suis pourvu d'un bon Canonicat. Seigneur. Je le retrancherai. Seigneur. C'est à moi trop d'honneur. Ha ! Ne me dis plus rien, Tu pourrais faire mieux, et je le sais fort bien : Et pour toi tu feras sagement de te taire, Ou retourne à Madrid, ou bien me laisse faire : Mais j'aperçois venir celle qui m'a charmé, Vis-tu jamais un corps par le Ciel mieux formé Et si je te disais, qu'un Esprit admirable Anime ce beau Corps te serais-je croyable ? Éloignons-nous un peu. Léonore, il est temps que j'apprenne mon sort, Et que vous me donniez ou la vie ou la mort ; Je vous ai déclaré que pour vous je soupire, Vous ne me dites rien, quand j'ose vous le dire, Ce silence à mon feu ne promet rien de bon, Et quand vous m'aimeriez je puis croire que non. Je sais que la beauté quand elle est peu commune, Peut soumettre à ses pieds la plus haute fortune : Et quand bien je serais riche et de qualité ; Que mon Amour serait une témérité, Je ne vous dis donc point que le bien de mon Père Me pourrait élever au bonheur que j'espère ; Si par là seulement on vous peut espérer. Les grands Rois seulement peuvent vous adorer ; Mon Amour veut tenir le vôtre de soi-même ; Je crois vous dire assez, disant que je vous aime, Et par le simple aveu de mon affection, Que je mérite assez votre compassion ; Donnez-moi donc la mort, ou bien de l'espérance. Je puis donc espérer. Oui, car je l'aimerai tant que j'aurai de vie. Nous vous servons aussi. Non Monsieur. Que maudit soit le fou, son laquais vient à nous. Seigneur. Dieu m'en veuille garder. Le Mari d'Azatèque, Le gendre d'Uriquis, de Chicuchiquizèque. Madame, Don Japhet, Monseigneur et mon Maître, Vous mande que demain vous le verrez paraître Auprès du Commandeur ; je voudrais bien savoir Ce qu'il peut espérer de l'honneur de vous voir ; Avec juste raison pour lui je m'intéresse, Souhaitant plus que lui de vous voir ma Maîtresse ; Mais avec la Fortune un esprit peut changer. Madame il fera tout, si votre oeil favorable, Par le moindre regard nous permet d'espérer : Oui, Madame, on peut être en état d'aspirer À quelque haut degré que le Ciel vous envoie, Pourvu qu'un peu d'espoir ressuscite ma joie. Adieu, nous vous verrons avec le grand Japhet. Nous n'en sommes pas là, Léonore n'est plus Un reprochable objet de désirs superflus ; À ses perfections la naissance étant jointe, Nonobstant tes avis, je veux suivre ma pointe ; Demain avec Japhet j'espère de la voir, Et toi sois complaisant tu feras ton devoir. Monsieur. Que cette nuit est propre à me bien affliger. Il n'y fut donc jamais. Ma Mère avec son fils a toujours fait le Maître : Mais est-elle arrivée ? Hélas que mon beau temps s'est bien tôt obscurci ! Es-tu bien assuré que c'est elle ? Et que ferai-je donc en ce malheur extrême ? Je suis désespéré. Et la Terre et les Cieux ont mon trépas juré. N'ayant pas épouser la fille de son frère, Elle m'ayant prié de le faire instamment, Et moi l'ayant promis si solennellement ; Alors qu'elle verra que j'ai fait le contraire, Que pourrai-je lui dire ? Et qu'aura-t-elle à faire ; Me voudra-t-elle ouïr ? Tu connais son humeur, Et de son esprit fier la sévère rigueur ; Je n'y vois nul remède, il faut que je m'absente ; Car irais-je ajouter au mal qui la tourmente, La rage de me voir en ces lieux déguisé : Au lieu d'être à Séville, à sa nièce épousé ? Mais quitterais-je aussi la belle Léonore, Un ange à qui je plais, un ange que j'adore, Qui m'a donné son coeur en échange du mien : Hélas j'ai tout à craindre, et je n'espère rien ? J'y suis tout résolu, tantôt pourvu qu'elle ose Paraître en son balcon, comme elle m'a promis, Elle saura l'état où le malheur m'a mis. Qui va là ? Qui vous. Marine, que viens-tu si tard chercher ici. Je t'y cherchais aussi. Il ne me restait plus qu'un fou me vînt priver Du bonheur le plus grand qui pouvait m'arriver Quoi, les plaisirs d'un fou me coûteront des larmes ? Et j'en perds l'entretien d'un objet plein de charmes ; Et que veut-elle faire avec ce Maître fou ? Un accident fâcheux que je lui voulais dire Se pouvait éviter sans ce Prince des fous ; Je veux ici l'attendre, et le rouer de coups, Pour avoir ma raison du mal qu'il me procure, L'exploit m'en est facile en une nuit obscure ; Retire-toi, Marine, ou bien demeure ici, Pour voir transir de peur un fou d'amour transi ; Nos fous viendront bientôt. Qui va là ? Comment ? Il faut s'en tenir là ; C'est assez pour un coup. La Fortune et l'Amour me font ici beau jeu ; L'échelle de ce fou tout à l'heure aperçue, Me prépare une entrée au Ciel. Le Commandeur dormant, que peut-il m'arriver ? Et si le Ciel tombait ? Vois-tu, laisse-moi faire, La Fortune et l'Amour ont soin du téméraire ; Suis-moi dans le Balcon, où tu feras le guet. Quand je devrais mourir. J'en aurais fait mourir devant ma mort bien d'autres, À moins d'être accablé du grand nombre des vôtres. Mon crime est mon Amour, Je serai trop heureux quand je perdrai le jour. Je suis un misérable. Est un ange adorable. Oses-tu sans respect parler d'elle où je suis ? Si je n'étais, lié, ta bouche criminelle Ne hasarderait pas des blasphèmes contre elle. Il est vrai Commandeur, j'ai ta nièce séduite, Nous devions elle et moi demain prendre la fuite ; Je l'adore, elle m'aime, et m'a donné sa main, Que n'exécutes-tu ton Arrêt inhumain ? Sa bouche d'un soupir rendra ma mort heureuse ; C'est là l'ambition de mon âme amoureuse, Si mon trépas lui coûte une larme, un soupir, Je mourrai de l'Amour le glorieux Martyr. Les plus cruels tourments me seront des délices, Puisqu'ils me serviront vers elle à mériter. C'est toute mon envie, Si je perds Léonore, ai-je affaire de vie ? Délivre-moi le bras, donne-moi ton poignard, Tu me verras percer mon coeur de part en part ; Tu veux savoir mon nom, je le saurais bien taire Au bien de mon Amour s'il était nécessaire, Pour la peur de cent morts je ne dirais pas, Un Amant comme moi ne craint point le trépas : Mais pour justifier ma flamme, il le faut dire, Je m'appelle Enriquez, voilà ma soeur Elvire, Et ma Mère est ici malade, et moi je suis Prêt de te satisfaire autant que je le puis : Si ce que je te dis t'irrite davantage, Exerce dessus moi ton poignard et ta rage. Ha ma soeur, laisse-moi donc parler ! Que délibère-t-on ? Je suis tout prêt d'aller Pour réparer ma faute épouser Léonore, Ou bien perdre le jour, que sans elle j'abhorre, Et je répète encor que je bénis mon sort, Si mon Ange visible a regret en ma mort. C'est à vous d'oublier, vous êtes l'offensé. C'est m'élever au Trône en me tirant des fers, Et me porter au Ciel au sortir des Enfers. J'aurai peine à fléchir son esprit absolu, Qui ne démord jamais de ce qu'elle a voulu. Elle pourrait sans doute en une autre saison Se plaindre de son fils avec juste raison. Je devais épouser sa nièce, elle était belle, Je pouvais espérer de grands biens avec elle : Mais peut-on éviter la volonté des Cieux ? Et peut-on s'exempter du pouvoir de deux yeux ? Pouvais-je deviner qu'en allant à Séville, J'entrerais dans les fers d'une divine fille ? Et suis-je dans les fers où les beaux yeux m'ont mis, En l'état de tenir ce que j'avais promis ? Et moi je la reçois, Comme un bien, qui me rend aussi riche qu'un Roi. Monseigneur Don Japhet. Je confesse ma faute : Mais lorsque vous saurez que j'étais Cavalier, Que l'amour m'a fait prendre un habit d'Écolier, Et que j'étais aimé de ma belle Maîtresse ; Vous ne me croirez plus d'âme double et traîtresse, Et vous pardonnerez. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_MARCANTOINE *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_marcantoine La résolution est tout à fait étrange. Moi ? Je n'approuve point ce bas attachement, Et n'attends rien de bon de ce déguisement : Encor si vous vouliez seulement me permettre D'envoyer à Madrid le moindre mot de Lettre, Votre mère serait moins en peine de vous : Elle croit que son fils de sa nièce l'époux, A trouvé dans Séville, en Don Sanche son frère, Un oncle, un bienfaiteur, et comme un nouveau père ; Et que riche seigneur de seigneur indigent, Vous avez de son frère et la fille et l'argent : Cependant dans Orgas un malheureux village, Emporté des désirs d'un homme de votre âge, Sans songer qu'à Séville un grand bien vous attend, Vous suivez en aveugle un bel oeil qui vous prend : La villageoise est belle, et jeune, je l'avoue, Don Alfonse en passant peut la coucher en joue, Et s'il la peut blesser, bon ; c'est autant de pris : Mais être avec fureur de son amour épris, Et pour elle oublier son devoir, sa naissance, C'est en quoi je vous dois manquer de complaisance ; Et connaissez-vous bien ce Révérend Seigneur, À qui vous vous voulez donner pour serviteur ? Et de qui le métier n'est que de faire rire. Mais il est fou de plus. Je m'en vais vous en dire et l'histoire et la vie. Il se fait appeler Don Japhet d'Arménie, Venu de Père en fils du puîné de Noé, Voilà le Maître à qui vous vous êtes loué : Alors que Charles-Quint passa par son village, On mena devant lui ce sage Personnage, Il le trouva plaisant : il lui donna du bien ; Lui fit suivre la Cour, et presque en moins de rien Le Drôle a si bien fait par son humeur plaisante, Qu'il possède aujourd'hui cinq mil écus de rente : César ayant quitté l'Espagne, il a voulu Paraître en son village, où faisant l'absolu, (Car il est glorieux) son bien et sa marotte, Ont si mal réussi chez le Compatriote ; Que couru des enfants, des autres maltraité, Et de fréquents affronts tous les jours irrité, Comme dans son pays on n'est jamais Prophète, Il en est à la fin délogé sans trompette ; Et s'est depuis huit jours retiré dans Orgas, Où l'on l'a bien reçu ne le connaissant pas ; En peu de mots, voilà quel est le personnage. Je l'aperçois venir, et le Bailli du Bourg, Qui le croit, sot qu'il est, un des Grands de la Cour. Pascal Zapatero. Allobroge. Nous voilà Dieu merci Enrôlés dans le train de Japhet d'Arménie, Ou plutôt nous voilà gradués en folie ; Madame votre mère. Non par ma foi Monsieur. À la voir seulement vous étiez tout en feu. La peste, qu'elle en sait ; Hé bien de son discours êtes-vous satisfait ? Vous ne pouvez avoir une plus noble envie. De la Terre l'honneur. Et nous droit à Séville achever notre noce. Je ne vois pas encor votre Amour en danger. Votre mère peut-être. Et votre soeur aussi. Elle-même. Vous pourriez espérer. Pour moi j'éprouverais la bonté de ma mère. Pour moi, je lui dirais ingénument la chose. Voici venir quelqu'un. Ou je me trompe, ou c'est Marine. Je m'en vais étriller Foucaral comme il faut ; Les voici. Je m'en vais te payer bientôt de ta louange. J'en crains l'issue. Et s'il vient voir sa nièce, il vous pourra trouver. Dieu nous veuille garder d'avoir pis que Japhet ; Ô qu'il est mal aisé quand on sert un jeune homme De dormir tous les jours à l'aise et de bon somme. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_LECOMMANDEUR *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lecommandeur Vous dites donc Monsieur, que ma bonne Cousine, Dans deux jours au plus tard en ces lieux s'achemine ? Son fils ne devrait pas lui donner tant d'ennui : Mais n'a-t-on point reçu de nouvelles de lui ? Je la consolerai de toute ma puissance, Pour moi vous me voyez dans la réjouissance, La fille de mon frère, une jeune Beauté, À qui même on avait caché sa qualité, Pour certaine raison que vous saurez ensuite, A depuis peu d'Orgas été chez moi conduite ; Elle vous plaira fort, et le bon Laboureur Qui l'a si bien nourri est un homme d'honneur : Mais que veut ce garçon en son habit bizarre ? Quel est donc ce Japhet que je ne connais point ? Il me fait trop d'honneur, Ma nièce Léonore est fort à son service. Nous en régalerons notre chère Cousine. Je vous entends, il faut la chose ménager, Et bien prendre son temps. Et quand arrive-t-il Votre Maître Japhet ? Je veux bien recevoir ce second Don Guichot, Instruire tous mes gens, et leur donner le mot, Afin que rien ne manque à la cérémonie, Dont je veux achever Don Japhet d'Arménie. Hé mon Dieu, courez-y promptement. Seigneur Alvare, allez l'amuser un moment, Cependant que j'irai donner ordre à la pièce : Et vous Rodrigue, allez faire venir ma Nièce ; Il n'en n'est pas besoin, car elle vient à nous, Ma nièce vous verrez, aujourd'hui votre Époux, Le brave Don Japhet des hommes le plus sage. Je m'en vais donner ordre à le bien recevoir, Et vous de votre part faites votre devoir À lui faire un accueil digne de son mérite. Si tous mes gens sont prêts qu'on les fasse sortir, Aux dépens de Japhet je me veux divertir ; Don Alvare, instruisez ma nièce. Que tout le monde fasse Ce que j'ai commandé. Puisque le grand Japhet me rend une visite, Je me tiens très heureux. Son nom est connu Partout. Pour bien reconnaître Tant d'obligation, je ne sais pas comment On peut s'en acquitter par un seul compliment. Nous tâcherons par notre bonne chère De vous faire oublier la Cour. Ha tout beau Don Japhet, Vous guérirez bientôt. Monsieur, si le bien de vous voir A causé votre mal, j'en suis au désespoir. Vous nous entendez bien ? On s'est accoutumé. Vous nous entendez donc ? C'est par trop de chaleur qu'ils ont pu vous déplaire. Que votre Amour l'honore. Ne précipitons rien. Je viens de recevoir ordre de l'Empereur, De vous bien régaler ; de plus il amplifie D'un brevet de Marquis Don Japhet d'Arménie. Celui que l'on vous donne est nommé Rochesolles. Tenez bien quelque temps. Encor faudrait-il bien donner ordre aux affaires, Vos Noces ne sont pas des Noces ordinaires, Il y faut des Ballets, des combats de Taureaux. Je vais la recevoir, Monsieur tout aussitôt Je reviens vous trouver. Faisons-le dépouiller, et jeter ses habits. Ma foi ce fou me fait bien rire. Qui va là ? La Justice. Est-ce vous Don Japhet ? Ainsi nud à telle heure. En Hiver ? Autant que la saison votre amour est terrible ; Et l'on vous peut nommer un amoureux sans pair, De vous baigner ainsi dans le fort de l'Hiver. À qui sont ces habits ? Seigneur Japhet, venez chauffer votre Personne, Et prenez vos habits, la chaleur vous est bonne. Tu dois mourir aussi. Exécrable assassin. Tu n'es qu'un imposteur. Et mon infâme nièce. Ha je la punirai, je le dois, je le puis. Méchant, tu l'as séduite ; et ta condition Est chose supposée, et pure invention. Je te ferai mourir au milieu des supplices. Dis ton nom, scélérat, ou je te vais planter Ce poignard dans le sein. Le valet de Japhet étant un Don Alfonce, Vous délier moi-même est toute ma réponse, Vous priant d'oublier tout ce qui s'est passé. J'espère qu'entre nous finira la querelle, Vous donnant Léonore, et mon bien avec elle. Que l'on aille quérir ma nièce. Nous obtiendrons tout d'elle, une juste prière, Parmi les gens d'honneur ne se refuse guère. Le Taureau l'a-t-il mal traité ? Ma nièce, approchez-vous, dedans la promptitude Je vous ai tantôt fait un traitement bien rude : Mais je crois me remettre assez bien avec vous, En vous faisant présent d'un si parfait Époux. Votre choix vous excuse : Monsieur, je vous la donne. Il faut aller trouver votre mère, et j'espère Que nous obtiendrons tout d'une si bonne mère. Et vous et Don Alvare, y pourrez profiter. Et de plus elle est juste, autant qu'elle est utile. De Guenons qui parlent Portugais, De gros diamants bruns, et de rubis balais. Ce n'est pas là la centième partie. Mais il faut faire grâce à votre modestie. Vous n'y pouvez aller sans savoir bien par où ; Un ordre m'est venu de César qu'on doit suivre, Quatre mille ducats dans huit jours on me livre, Que l'on doit employer à faire votre train. Vous verrez l'ordre écrit de sa main : Cependant, Monseigneur, votre noble Présence Prendra part s'il lui plaît à la réjouissance. Allons voir votre mère, et tâchons d'obtenir Qu'elle veuille aujourd'hui vos souffrances finir, Le Seigneur Don Japhet honorera vos Noces, Et puis après ira suivi de vingt Carrosses Recevoir dans Madrid l'infante Ahihua, Qui vient de Père en fils, de Capac et Coïa. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_LEONORE *date_1647 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_leonore Je ne le puis celer, je l'aime. Ha ! Tu ne sais pas tout. Si tel que tu le vois il était Cavalier. Tu n'en douteras plus quand je t'aurai conté Par quel moyen je sais quelle est sa qualité : Te souvient-il du jour que du prochain village, Le Peuple dans Orgas vint en Pèlerinage ? Te souvient-il aussi de ces deux Courtisans Qui se vinrent mêler parmi nos Paysans, Dont l'un était fort jeune, et de fort bonne mine ? Quoi, tu ne le vois pas ? As-tu des yeux Marine ? Je ne le suis non plus que toi mais toutefois, J'ai mieux connu que toi que celui que tu vois En habit d'Écolier, et dont je suis éprise, Est le beau Courtisan qui pour moi se déguise ; Dès le jour qu'il parut dans notre Bourg d'Orgas Je le reconnus bien, et ne me trompai pas : Mais ce n'est pas encor sur cela que j'assure Le fondement certain de cette conjecture : Une Lettre rompue, et qui s'adresse à lui, De sa poche est tombée à mes yeux aujourd'hui ; Soit qu'il n'en sache rien, comme cela peut-être, Ou qu'il ait fait le coup pour se faire connaître, Sans témoins je l'ai prise, et le mieux que j'ai pu, Seule en ai rassemblé chaque morceau rompu ; Non que de mon humeur je sois fort curieuse, Mais je l'aime Marine, et mon âme amoureuse Eût lors tout entrepris pour découvrir au vrai Pour qui mon coeur faisait son premier coup d'essai : Ma curiosité m'apprit à mon dommage, Qu'un homme tel que lui n'est pas pour le village : Je vis qu'il s'appelait Don Alfonce Enriquez ; Je vis de plus Marine en termes fort exprès, Qu'il va se marier richement à Séville, Où l'attend un parti de la même Famille ; Sa Mère lui mandait (car c'était de sa part Que la Lettre venait) que depuis son départ On n'avait eu de lui ni Lettres ni nouvelles, Et qu'elle s'en trouvait en des peines mortelles, Tu peux juger par là de l'état où je suis, À chasser mon amour je fais ce que je puis ; Et tant plus à chasser cet Amour je m'efforce, Tant plus dedans mon coeur il prend nouvelle force Mais quelque fort qu'il soit, il cède à ma raison ; Qui doute, qu'un jeune homme et de bonne Maison, Puisse être épris pour moi d'un amour légitime ? Je l'aime, mais non pas assez pour faire un crime ; Et bien que je sois faible à régler mes désirs, Je ne le veux pas être à choisir mes plaisirs : Il est vrai que j'abhorre un homme de village, Et ne puis deviner d'où me vient ce courage. Il est peu de Maris qui ne soient dégoûtants. Qu'il meure. Qu'il pleure et qu'il soupire, Je pleure et je soupire aussi de mon côté. Ha ! Ne me parle point d'une chose impossible. Que je suis malheureuse, et que Marine est folle ? Consultez là-dessus votre persévérance, C'est de là seulement, je le dis tout de bon, Que vous pourrez savoir si je vous aime, ou non : Mais le temps seulement me la fera connaître. Cela pourrait bien être, Marine allons-nous-en. Quoi, vous m'appelez sotte ? Friponne, encore pis. Monsieur, vous me prenez sans doute pour une autre, Si le Ciel vous a fait trop grand Seigneur pour nous, Le Ciel m'a fait aussi pour un autre que vous : Marine allons-nous-en. Plus qu'on ne peut penser. Je suis prête à partir : Mais Marine sans toi je n'y puis consentir ; Me voudrais-tu quitter ? En l'état où j'ai l'âme Je n'en ai pas besoin. La chose vaut assez la peine d'y songer ; Dites-lui cependant qu'il aime, et qu'il espère, Qu'il peut se montrer tel qu'il plairait à mon Père ; Et s'il daigna m'aimer tout pauvre que j'étais, Qu'un pareil sentiment peut lui donner mon choix, Pourvu qu'il soit constant, et qu'il soit véritable. Il parle quelquefois intelligiblement. Je ne mérite pas un si grand Personnage. J'en ai grand peur Marine, et d'un autre côté Du désir de le voir mon esprit est tenté ; Je n'avais contre moi que ma basse naissance, Et je crains aujourd'hui d'un Père la puissance, Qui sans avoir égard au choix que j'aurai fait, Peut-être a fait déjà sur moi quelque projet, Et m'aura destiné quelque Mari funeste Qui n'aura que du bien, et n'aura pas le reste : Je suis digne d'Alfonce, il est digne de moi ; Mais quand on a son Père on ne peut rien de soi, Et j'aurais bien l'aimer et m'en voir adorée, Qu'un tel bien sans mon Père aurait peu de durée. Pourrais-je m'exempter d'un pouvoir absolu, De qui dépend ma bonne ou mauvaise fortune ? Mais voici de ce fou l'arrivée importune. Quant à moi Je lui donne mon coeur, mon amour, et ma foi. Monsieur. Vous nous entendez bien ? Si vous vouliez m'ouïr. Monsieur assurément si vous vouliez m'entendre, Vous connaîtrez l'erreur qui vous a pu surprendre. Votre homme m'ayant fait Des Compliments pour vous, pour montrer en effet Jusqu'à quel point mon coeur a pour vous de l'estime, Je vous mandais par lui, sans penser faire un crime, Que j'étais toute à vous, votre homme un peu trop prompt, M'en a baisé la main, et fait rougir le front, C'est de cette façon que c'est passé la chose. Oui, je vous le promets Autant que je le dois. Est-ce vous Don Japhet ? Je ne le puis celer, le désir de vous voir Me fait abandonner le soin de mon devoir. Aimable Don Japhet, c'est mon intention, Je m'en vais vous jeter l'échelle. Il faudrait retirer l'échelle. Je vous viens retrouver dans un petit moment ; Je m'en vais m'informer si mon Oncle sommeille. Je ne reviendrai point, qu'après être assurée Qu'il dorme d'un sommeil profond et de durée ; S'il allait découvrir ce que je fais pour vous, Ce serait fait de moi. Votre bonté me rend et muette et confuse, Et mon crime est si grand. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_MARINE *date_1647 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_marine À la bonne heure, Puisqu'il vous aime aussi voulez-vous tout à l'heure Que j'aille lui parler ? Est-ce que l'Adonis se tient sur le bon bout ? Je ne le pense pas ; car il en a dans l'aile, Et se plaint tous les jours de votre humeur cruelle : Pourquoi donc tant pleurer ? Quelque autre de ce Bourg A-t-elle eu le pouvoir de gagner son amour ? Vous êtes belle et riche, et quoique villageoise, Vous pouvez aspirer à devenir Bourgeoise ; S'il était grand Seigneur comme il n'est qu'Écolier ? Est-ce lui qui le dit, il ne l'en faut pas croire, Un Inconnu peut bien nous forger une histoire. Il m'en souvient fort bien, et que sur la poitrine Il portait la Croix rouge, et même qu'il vous prit Par deux fois à danser ; son compagnon me fit Mille discours en l'air ; le fils du vieux Ramire En fut jaloux de vous, et nous en fit bien rire ; Pourquoi m'en faites-vous aujourd'hui souvenir ? Je ne vois pas encor où vous voulez venir. J'en ai : mais je ne suis sorcière ni devine. Vous êtes en danger d'être fille longtemps. Et que deviendra donc le fils du vieux Ramire ? Et l'écolier ? Et s'il vous proposait avec sincérité D'être votre Mari, feriez-vous l'insensible ? Pourquoi non ? S'il vous aime il faut tout espérer D'un homme qui pour vous s'amuse à soupirer, Plutôt que de s'aller marier à Séville, Où l'attend, dites-vous, je ne sais quelle fille : Mais vous vous y prenez de mauvaise façon, Il est tout feu pour vous, et vous êtes glaçon : Cependant vous l'aimez, voyez quelle faiblesse ? Par ma foi si j'étais de quelqu'un la Maîtresse, Et que ce quelqu'un-là me plût autant qu'à vous, Ce galant déguisé qui vous fait les yeux doux, Sans me donner la gêne en sotte villageoise, S'il me disait je t'aime, et moi vous, lui dirais-je : Car quand on aime bien, pourquoi dire que non ; Vous brûlez toute vive, et de grâce à quoi bon, Cette rigueur forcée ? Aimez-le, s'il vous aime, Je le dis tout de bon, je le ferais de même ; Montrez-lui de l'amour pour augmenter le sien : Promettez-lui beaucoup, ne lui permettez rien ; Si son amour le presse, il faudra bien qu'il chante, Ou son amour pour vous sera peu véhémente ; S'il aime jusqu'au point de vouloir épouser, Qu'il le fasse aussitôt : car ce n'est que ruser Qu'épouser en papier ou donner sa parole. Et vous, Monsieur Japhet, de Noé descendu, Tous ces beaux mots ne sont qu'autant de bien perdu, Léonore n'est point Lion, ni moi Marine ; Je ne suis point Tigresse, et n'en n'ai point la mine, Je suis bonne Chrétienne, et Léonore aussi, Allez faire blanchir votre linge noirci. Jean Vincent, est-il vrai ? Le nom de Foucaral ? Qui moi ? Laquais immonde ? Assez de Foucarals sans moi sont dans le monde. Va te faire penser. Vous me devez connaître, Je vous suivrai partout quand ce serait au Cloître. Quand j'ai l'esprit content, Je suis ainsi que vous, je ne mange pas tant. Dieu sait si l'Écolier sera de la visite. Si vous aviez l'esprit un peu plus résolu. Et moi j'espère Que le grand Don Japhet m'aimera. À telle heure, une fille Chercher un escalier, l'ambassade est gentille ; Il faudrait pour le moins savoir l'art de Maugis Pour trouver ce qu'on cherche en un si grand logis. Haye, c'est moi. C'est moi, qui tremble. Il me le semble. Je vous y viens chercher. Je viens vous annoncer un sujet de tristesse, Léonore ne peut accomplir sa promesse ; Japhet à sa fenêtre en conversation, Doit passer cette nuit par assignation ; De l'ordre de son Oncle on ne s'est pu défendre, Voilà ce que je viens de sa part vous apprendre. Son oncle le voulant, je ne vois pas par où Elle peut s'exempter des choses qu'il désire. Léonore m'attend, foin, ma bougie est morte, Je pourrais bien heurter mon nez à quelque porte, Peste soit de l'amour. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_ELVIRE *date_1647 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_elvire Ma Mère est un esprit qui ne peut revenir, Nous n'obtiendrons jamais ce que nous voulons d'elle, Qu'elle ait de mon frère une bonne nouvelle ; S'il ne revient bientôt nous espérons en vain. Hélas j'en ai grand peur ! Car ma Mère en mourrait sans doute de douleur. C'est l'unique remède à nos maux salutaire. Mais Alvare, il le faut, Sa mort, ou son retour vous ramènent bientôt. Votre action Alvare, aura tout son mérite, Vous trouverez un frère, et vous aurez sa soeur. Quel étrange malheur ? Ha mon frère ! Hélas mon frère ! Que vous avez coûté de larmes à ma mère ? Ce bien heureux Hymen va la ressusciter. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONALVARE *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donalvare Depuis deux mois entiers qu'il partit de Séville, Personne ne l'a vu dans cette grande ville, Chez sa Mère à Madrid il n'est point retourné, Il peut être volé, malade, assassiné : Il se fie un peu trop en son jeune courage, Et n'a jamais été des hommes le plus sage ; Il a l'esprit, le coeur, la taille et la beauté : Mais on lui trouve aussi trop de témérité : Vous auriez grand pitié de cette pauvre mère, À voir de la façon qu'elle se désespère ; Elle craint pour son fils un malheur imprévu, Lorsqu'elle l'espérait de femme bien pourvu. Japhet ? C'est la folie en chausse et en pourpoint ; L'Empereur en vertu de son extravagance, En a fait en deux ans un homme d'importance, Et d'un gueux mort de faim, un fou très opulent. Je le croyais encore, Auprès de l'Empereur. L'absence de son fils la tue, et m'assassine, S'il était marié, je le serais aussi Avec sa Soeur que j'aime, et qu'elle amène ici : Vous le savez, Monsieur, ce que j'ai fait pour elle, Cependant depuis peu cette Mère cruelle À soi-même, à sa fille, et plus encore à moi, Diffère notre hymen, et ne dit point pourquoi ; Et ce n'est que depuis que ce fils qu'elle adore, N'écrivant point, la fait douter s'il vit encore, Auprès d'elle, Monsieur, vous pouvez m'obliger. Il est tout achevé si jamais on le fut ; Il a l'esprit gâté si jamais homme l'eut, C'est un fou très complet. Don Japhet le fantasque, Jusques ici d'Orgas a trotté comme un Basque. Il arrive. À son mérite, Il n'est rien de pareil. Par trois fois qu'il soit le bienvenu. Le Commandeur, mon Seigneur et mon Maître Est ravi de vous voir. C'est son grand Harangueur. Je suis son grand Veneur. Ce sont ses Officiers. Il vous honore fort. C'est une salve Pour bien vous régaler. Monsieur assurément Vous n'aurez que la peur. Il n'a fait que passer. Entre les pôles Il n'en est pas un tel : son nom vient d'un Rocher, D'où l'on voit chaque jour mille soles pêcher, Dont la dîme est à vous. Amorce le fusil. Ou je me trompe fort, ou je vois un voleur Qui va par le balcon voler le Commandeur ; Qu'on lui mette d'abord du plomb dans la cervelle. À grands coups de cailloux qu'on le fasse baisser. Tirerai-je ? Oui tirez. Jette-toi donc en bas. Cavalier amoureux, loyal comme Amadis, Ou les cailloux sur vous vont pleuvoir d'importance, Ou bien dépouillez-vous sans faire résistance, De vos chers vêtements, pour nous en faire un don. Savez-vous que l'on va faire jouer la fronde ? Vite, qu'on me le fronde, il ose raisonner. Qu'est-ce que j'entends dire ? Je crois que ce voleur nous appelle assassins, Qu'on le tue. Cependant les habits ne se dépouillent pas. Vous marchandez beaucoup. Que cents coups de cailloux tout à l'heure l'entrouvrent. Le malheureux me raille, il faut que je le mette De son Balcon en bas, donne-moi ce fusil, Je veux faire un beau coup. C'est trop, c'est trop. Adieu, Seigneur, et grand merci. Qu'on le saisisse au corps. Les armes bas, de par le Roi. L'Alezan est fougueux. Il ne vous faudrait donc qu'un bon cheval de pas. J'en chercherai quelqu'un doux comme une litière. Ce serait un coup sûr : mais ce n'est pas la mode. Ce serait l'action d'un lâche Cavalier. Laissez votre sagesse, et montrez du courage. Une lance au bois peint et doré. Hallebarde contre un taureau, Dieu vous en garde. On s'en moquerait fort. Souvenez-vous au reste en frappant de la lance, De choisir bien l'épaule. Cela n'est pas permis. Monsieur encore un coup, ayez bien du courage, Et le reste ira bien. En peu de mots, voici ce que vous devez faire, Vous entrerez en lice hardi, non téméraire ; Votre lance en l'arrêt, ferme dans les arçons, Et rendant le salut aux dames des balcons. Hé bien, ma chère Elvire, ai-je encor à languir ? Il faut l'aller chercher, et partir dès demain : S'il est en quelque endroit des lieux que le Ciel couvre, Il sera bien caché si je ne le découvre : Mais il est mort, Elvire ? Vous me commandez donc de chercher votre frère. Mais aussi vous quitter ! Bien donc, pour vous rejoindre il faut que je vous quitte. Quoi donc Seigneur Pedro ? Elle l'aime ? Et comment l'a-t-on su ? Don Roc Zurducaci n'est plus un écrivain, Il épouse aujourd'hui Léonore, ou demain ; Et ton Maître, il prendra patience. Si vous vous en mêlez la chose est fort facile. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_RODRIGUE *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_rodrigue Cette Lettre Monsieur vous apprendra l'affaire. Qui m'achemine ici. Pour le Bailli d'Orgas, Je le suis grâce à Dieu, vous ne vous trompez pas. Bailli d'Orgas, ne manquez pas, la présente reçue, de mettre entre les mains du gentilhomme que je vous envoie, une jeune fille nommé Léonore, qu'un Laboureur d'Orgas nommé Jean Vincent a nourrie dès son bas âge. Elle n'est pas sa fille comme il a fait croire à tout le monde. Elle est ma nièce, fille de Don Pedro de Tolède ambassadeur à Rome. Don Fernand de Tolède, Commandeur de Consuegre. Comment partez ? Quel est donc ce Seigneur ? Ha Monseigneur ! Pardon, Je suis tout étourdi du bruit de votre nom. J'embrasse vos genoux. Si ce brave homme-là n'est blessé par la tête, Je le suis plus que lui, Madame êtes-vous prête ? Votre Carrosse attend. La traite est longue, il faut promptement déloger, Un relais nous attend dans un bourg, où Madame Pourra faire un repas. Cet homme pour un fou paraît bien fait : Mais son galimatias donne assez à connaître Qu'il a l'esprit malade aussi bien que son Maître. Place, place, Voici le grand Japhet. Madame Anne Enriquez, Dans la Cour du Château présentement arrive Si mal, qu'on ne croit pas dans les deux jours qu'elle vive. Ce n'est qu'un discoureur, vite qu'on me l'assomme. J'ai trouvé ces habits au détour de la rue ; Un homme qui fuyait les tenait embrassés Il les a laissés choir, je les ai ramassés. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_LEBAILLI *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_lebailli Le bon Dieu vous le rende. Monsieur, je n'entends pas la langue de la Cour. Nenni. Encore moins. Non par ma foi Monsieur. Je vous en ai trouvé déjà six. On vous trouvera tout. Je m'appelle Alonzo : Gil, Blas, Pedro, Ramon. Autant. Vous ferai-je venir vos valets. Je vous amène ici la fleur de la Contrée. Monsieur. Je ne vous entends point. Encore moins. Oui Monsieur. Je ne vous entends plus. Oui Monsieur. Environ sept ou huit. Oui Monsieur. Oui Monsieur. Oui Monsieur. Oui Monsieur. Oui Monsieur. Mais Monsieur. Je ne vous entends point. Ne vous entendant point, je ne sais que vous dire. Oui tout le jour On ne fait autre chose. Oui Monsieur, pour ma part j'en ai deux fort gentilles. La plus vieille aura bientôt sept ans. La fille à Jean Vincent, Le Collecteur du bourg seule en vaut plus d'un cent : Mais la voilà qui parle à votre secrétaire. Je crois que c'est à moi qu'il en veut. Je suis comme le Roi ; On me trouve où je suis. Mais notre ami Vincent, où l'aviez-vous trouvée ? C'est le grand Don Japhet. Cousin de Charles-Quint. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_JEANVINCENT *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_jeanvincent À vous-même. Monsieur, c'est le Bailli. Ma foi tout aujourd'hui ce Cavalier et moi Nous vous avons cherché. N'en doutez point Marine. Je vous dirai comment la chose est arrivée. À la Cour de Madrid, où m'avait appelé Un malheureux procès pour un cheval volé ; Une vieille Duègne un jour dans une Église Me demanda mon nom avec grande franchise. Je lui dis que j'étais un Laboureur d'Orgas, Appelé Jean Vincent : la Vieille parlant bas, Trouvez-vous vers le soir, en tel lieu, me dit-elle, C'est pour votre profit si vous êtes fidèle : À ce mot de profit, jugez si je manquai De me trouver au lieu qu'on m'avait indiqué ; Je n'y manquai donc pas, la vieille Gouvernante S'y trouva devant moi, plus que moi diligente ; Elle mit dans mes mains un beau petit enfant Qui n'avait pas un jour, et de plus de l'argent : L'enfant était paré d'une chaîne massive ; Je ne refusai rien, la Duègne craintive M'ayant recommandé le secret, s'en alla : L'enfant est justement la Dame que voilà, Je crois par son moyen que ma fortune est faite, Comme on me l'a promis la chose étant secrète : Or la chaîne, Messieurs, n'était pas de laiton, Elle était d'or ducat du poids d'un quarteron. Ma femme. Devant que de partir il faut un peu manger. Vous n'avez que le temps qu'il vous faut justement : Allez tout de ce pas vous jeter en carrosse. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_HARANGUEUR *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_harangueur Monsieur. La Cour Qui vous a vu briller comme le Zodiaque, Et qui fit cas de vous comme d'un Roi d'Ithaque. J'ai fait incontinent : La Cour donc, dont jadis vous fîtes les délices De notre grand César Charles-Quint. La Cour donc, où jadis Chacun vous regarda comme un autre Amadis, Alors que. La Cour donc. La Cour donc, qu'on appelle Le céleste séjour. Ha Seigneur Don Alvare, un horrible malheur Aujourd'hui nous prépare une histoire tragique. Ce fou mélancolique Avait un Secrétaire en habit d'écolier ; Ce n'en était pas un, c'était un cavalier, Éperdument épris d'amour pour Léonore. Elle l'aime, et même elle l'adore : Ce bienheureux Amant, dans sa chambre introduit Où vraisemblablement il a passé la nuit, Fait bien voir qu'elle l'aime, et qu'elle en est aimée. Sa chambre mal fermée Les a laissé surprendre à notre Commandeur ; Soit qu'il fût averti ; soit que le seul malheur Ait conduit notre Maître à voir son infamie, Lorsqu'il pensait trouver une nièce endormie, Il ne s'est point troublé le téméraire Amant ; Aux cris du Commandeur, nos gens en un moment Sont venus bien armés au secours de leur Maître, L'autre valet du fou, camarade peut-être, De ce jeune écolier, s'est mis à son côté, Et lui sans s'effrayer de l'inégalité, A fait tout ce qu'eût fait le plus brave des hommes ; Oui, jamais il n'en fut en la terre où nous sommes : De plus vaillant que lui : c'est un Roland, un Cid ; Il a blessé nos gens du plus grand au petit ; Notre Commandeur même est blessé dans l'épaule : Enfin on a saisi cet Amadis de Gaule, Et sous son jupon noir qui le décréditait, Non sans étonnement, on a vu qu'il portait Un riche vêtement, non d'un homme ordinaire, Mais bien d'un grand Seigneur, soi-disant Secrétaire : Quoique pris on l'a vu conserver sa fierté, Comme un jeune Lion dans les fers arrêté : Madame Léonor dans sa chambre est pâmée, Où notre Commandeur l'a lui-même enfermée. Je crois que le voici. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_COURIER *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_courier Je suis le Courier ordinaire De votre grand César. Une affaire Qui vous importe fort. Parlerai-je tout bas ? De peur de vous rompre la tête. Je n'ai point à parler. Parce que ce paquet de tout vous doit instruire. Je n'ai su jamais lire. Je le sais tout par coeur. De par moi l'Empereur. L'héritier du Soleil, le grand Mango Capac, Souverain du pays d'où nous vient le Tabac, Prit Coïa Mama sa soeur en Mariage, Du pays du Pérou la fille la plus sage ; Du Valeureux Mango, de la belle Coïa Est sortie en nos jours l'Infante Ahihua ; Elle arrive à Madrid pour être baptisée, De mon Cousin Japhet qu'elle soit l'Épousée ; Je leur donne un impôt que j'ai mis depuis peu, Tant sur les Perroquets qui sont couleur de feu, Que sur les Lamantins du grand Fleuve Orillane, Et mes prétentions sur la riche Guyane. Le voilà bien écrit de sa dextre Royale. La Dame Occidentale A deux vaisseaux chargés de précieux bijoux, De gorges de Griffons, de peaux de Loups-garous De baume gris de lin, de Vezugues musquées, De grandes pièces d'or non encor fabriquées. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_TORRIBOPONCIL *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_torriboponcil Torribio Poncil. La Calabre. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_LLORENTERIBEROS *date_1647 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_llorenteriberos Llorente Riberos. Portugal. De Miros. **** *creator_scarron *book_scarron_domjaphetdarmenie *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_domjaphetdarmenie *dist2_scarron_verse_comedy *id_DUEGNE *date_1647 *sexe_masculin *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_duegne La nuit est fort obscure, Gare l'eau. Gare l'eau.