**** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONCARLOS *date_1657 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_doncarlos Verrai-je Don Louis ? Et Léonore ? Sans obligation je m'engage moi-même À ne la laisser point dans un péril extrême. Je la veux protéger, puisque je l'ai promis, Quand je verrais sur moi fondre mille ennemis ; Ha ! Que ne puis-je encore avoir pour l'infidèle, Les tendres sentiments qu'autrefois j'eus pour elle ? Mais puis-je avec honneur encor m'assujettir À ses indignes fers dont j'ai voulu sortir ? Il la faut éveiller, afin qu'elle convienne Des moyens d'assurer sa fortune et la mienne. Mon Cousin Don Louis, qui va venir ici Pourra nous conseiller et nous servir aussi. Cherchez de vos ennuis en vous-même la cause ; Mais je venais ici vous parler d'autre chose, Sachez donc... Si cette complaisance, autant qu'elle est forcée, Partait d'une amour vraie, et non intéressée, Que ne ferais-je point pour un si grand bonheur ? Sur la foi de ses yeux on ne se trompe guère, Et ce qu'ont vu les miens n'est pas imaginaire ; Mais tous ces vains discours ne sont pas de saison, Quand j'aurais plus de tort que je n'ai de raison. Votre père nous suit : peut-être qu'à cette heure, Il sait où vous et moi faisons notre demeure. Vous savez son dessein, et que je ne dois pas Contre un tel ennemi me servir de mon bras, Et soit que l'on se cache, ou qu'on prenne la fuite, Que votre sûreté veut beaucoup de conduite. Quoique après tout l'espoir que vous m'aviez permis, Après l'amour constant que vous m'aviez promis, Vous ayez fait servir au dessein de ma perte Une feinte tendresse à la fin découverte ; Quoiqu'un si lâche tour ait banni pour jamais, De mon esprit crédule et la joie et la paix, M'ait tiré de vos fers, et dispensé mon âme De conserver encor pour vous la moindre flamme, Par la seule pitié que me fait votre sort, Je me veux exposer pour vous jusqu'à la mort. Hé bien ! Je vous écoute avec attention. Cachez-vous Madame en diligence ; Écoutez de la porte, aussi bien vous serez Le sujet des discours que vous écouterez. Et pourquoi ? Je vous prie. Arrivé cette nuit ? Ô mon cher, Don Louis, Comme partout ailleurs, des malheurs inouïs, Quelque part où le sort me transporte, ou m'arrête, Je m'y trouve bientôt battu d'une tempête, Et comme par dessein, cet implacable sort Me suscite toujours l'orage auprès du port. En l'état où je suis, je ne refuse rien. Cependant apprenez le sujet de ma peine, Et le cruel malheur, qui dans ces lieux m'amène. Esclave dans Madrid de mon ambition, J'éloignais de mon coeur toute autre passion ; Mais quand on a des yeux, peut-on garder son âme, De brûler tôt ou tard d'une amoureuse flamme ? J'aimai donc à la Cour une jeune beauté ; Je lui dis mon amour, et j'en fus écouté, Et sans faire le vain, ma fortune fut-elle, Qu'elle brûla pour moi, si je brûlai pour elle. Je n'allongerai point ce récit malheureux, Des services, des soins que rend un amoureux, Il suffit que je fis tout ce qu'il faut pour plaire, Et comme les présents font à la fin tout faire, Pour la première fois, en secret, et la nuit, Je fus par sa suivante en sa chambre introduit. Hélas dans ce moment elle était infidèle. Un rival nous surprend ; j'enrage ; je querelle ; L'attaque ; on se défend ; je blesse, et sous mes coups, Ce rival accablé satisfait mon courroux. Lors le croyant sans vie, et la voyant pâmée, Par le bruit du combat sa famille alarmée, Je crus que le courroux d'un vieil père irrité, À cause de ses ans devait être évité, Et je crus qu'insulter à cette malheureuse, N'était pas l'action d'une âme généreuse, Préparant donc la mienne à tout événement, Et mettant mon espoir en mon bras seulement J'étais prêt de sortir, sans croire mon courage, Qui n'avait pas encore assez saoulé sa rage, Quand l'ingrate beauté reprenant ses esprits, Faisant parler pour elle, et ses pleurs, et ses cris, Me prit, m'embrassant, quoi que je pusse faire De ne la laisser pas au pouvoir de son père. J'avais pour elle alors avec juste raison Toute l'horreur qu'on a pour une trahison, Et j'avais eu besoin de toute ma prudence, Pour ne m'emporter pas à quelque violence : Mais peut-on s'empêcher, quand on est généreux, D'aider un ennemi que l'on voit malheureux ? Je répandrai mon sang, pour vous sauver la vie, Beauté trop tard connue, et trop longtemps servie, Et si je meurs pour vous, lui dis-je, je permets À votre esprit ingrat, de n'y songer jamais. Elle ne répondit qu'en répandant des larmes, Et même en sa douleur conserva tous ses charmes. Nous sortîmes sans peine, et sans autre danger Que la crainte que j'eus, qu'on ne nous vint charger. Le mal que m'avait fait cette fille infidèle, Ne pouvait m'empêcher de tout craindre pour elle. Un ami nous reçut chez un ambassadeur. On saisit tout mon bien ; on m'ôta tout l'honneur, Mon rival fut trouvé percé de trois blessures, Dont on tira d'abord de tristes conjectures ; Mais sa jeune vigueur l'aura fait revenir. Je n'ai pas de son nom gardé le souvenir. Il poursuivait en Cour une importante affaire ; Mais cette circonstance ici n'importe guère. Écoutez ce qui suit. Vous voyez par l'état où le sort me réduit, Qu'il faut absolument que je quitte l'Espagne, La Justice me suit ; le père est en campagne. Je ne dois plus l'aimer, et ne dois pas aussi La laisser sans secours, l'ayant conduite ici, Il ne faut pas aussi qu'on me trouve avec elle, Un Couvent servirait d'asile à cette belle : Mais du bien que j'avais, il ne m'est rien resté Que le malheureux fer que je porte au côté. Ha ! Je ne veux pas prendre, Ce que je ne suis pas en état de vos rendre. Mais belle comme elle est, s'y peut-elle cacher ? Pour qui passerait-elle ? Lui puis-je proposer un tel abaissement ? Et cet homme caché dans votre appartement ? Vous êtes l'innocence, et je suis le coupable. On ne peut trop blâmer mon procédé jaloux ; Mais l'honneur où l'on voit la moindre ombre paraître S'il n'est déjà taché, n'est pas longtemps sans l'être. Que mon coeur ne peut-il oublier une offense ; Avoir mes yeux suspects ; croire votre innocence ? Mais ingrate beauté, ne fut-ce pas chez vous, Que mon bras fit tomber un rival sous mes coups ? Ha ! Ne souhaitons plus de la voir innocente ; Éloignons, éloignons une fille inconstante. Hélas ! En même temps je l'aime et je la hais. Qui de ces passions l'emporte je ne sais ; Mais je sais seulement qu'une douleur extrême S'empare de mon coeur, quand il hait ou qu'il aime, Et que les mouvements de ce trouble intestin Seront les derniers coups de mon cruel destin. Ma résolution commence à me trahir ; Si j'écoute longtemps cette fille infidèle, Mon âme malgré moi me parlera pour elle, Madame, Don Louis viendra dans un moment Vous conduire chez lui. Vous savez mes affaires : Je ne veux pas manquer l'escadre des galères, Qui sont à Barcelone, et qui partent demain. J'éprouve en mon pays un sort trop inhumain, Pour n'aller pas chercher dans une étrange terre, Le repos que la mort fait trouver dans la guerre. C'est un bien qui jamais ne manque aux malheureux. Si c'est pour vous servir, j'attends ma vie entière. Que la raison en soit, ou bien faible ou bien forte, Vous servir me suffit, le reste ne m'importe, Je ne pars point Fabrice, il faudra renvoyer Les Chevaux arrêtés. Et pas moins les payer. Sors. Pour lui ne craignez rien. Fiez-vous-y sur moi. Gardez ce compliment pour une autre personne Sur qui vous n'avez pas un absolu pouvoir. Nous en blâmions l'excès, vous et moi hier au soir ; M'en faire, c'est douter de l'ardeur de mon zèle ; Mais Fabrice revient. Qu'est-il donc arrivé ? Ô Dieu ! Que j'appréhende Qu'il ne trouve sa fille ! Il sait qu'elle est ici... Heureusement pour nous le vieillard prend le change. Ô Dieux ! Que dois-je faire en ce rencontre étrange ? Dois-je pas m'éloigner d'une ingrate beauté ? Dois-je l'abandonner en cette extrémité ? Et me dois-je cacher ? Un ami m'en conjure, Un parent dont j'éprouve une amitié si pure. Comment donc accorder ces devoirs opposés, Que l'amour et l'honneur rendent si malaisés ? Fabrice, il faut aller avertir Léonore, Que son père la cherche, il lui faut dire encore Que sans lui dire adieu, j'ai parti ce matin, Et pour toi, que tu sers désormais mon Cousin. L'ingrate Léonore me trompe donc ainsi ? Au moins serai-je quitte avec cette infidèle. Que dira cette ingrate ? C'est à moi, c'est à moi, De le punir encore. Je t'ai donné pourtant donné sujet de me connaître, Ce fut lorsque mon bras tout ton sang répandit, Ou bien lorsque le tien si mal te défendit. Il dit vrai : s'en venger avec tant d'avantage, C'est moins une action de valeur que de rage. Ta faiblesse te sert, Don Sanche, sauve-toi ; Tu n'auras désormais qu'à te garder de moi. Garde après ta victoire une telle insolence, Et battu dans Madrid sois modeste à Valence. Cardille parlant bas à son Maître. N'allez pas faire ici du vaillant indiscret, Et filez doux, Seigneur, quoique avecque regret, Pour moi sans me piquer de faire l'âme forte, Hardi comme un lion, je viens d'ouvrir la porte. Sauvons-nous. Tu ne me peux cacher le plaisir de ton âme, De vois Don Sanche encore échappé de mes mains. Tu n'es pas avec lui d'intelligence ? Infâme ! Toi, ma femme ? Appelle ton Époux ce lâche qui s'enfuit, Qui te vient visiter, et le jour et la nuit, Qu'il te faut peu de temps pour te faire connaître ! Je verrais un grand traître. As-tu cru conserver à la fois deux amants ? Ha ! C'est perdre le temps en de vaines disputes, Mon Cousin, désormais je ne fais rien ici, Puisque de vos soupçons vous êtes éclairci. Je veux donc aujourd'hui sortir de cette ville, Léonore chez vous n'a plus besoin d'Asile, Puis que chez le rival qu'elle m'a préféré, Elle trouve celui qu'elle a tant désiré. Son père est à Valence, il faut qu'il en dispose : Après tant de rumeur que chez vous elle cause, Votre soeur se plaindrait avec juste raison, D'avoir à la garder encore en sa maison. Cependant, que Don Sanche exalte sa vaillance, Qu'il dise que la peur me chasse de Valence ; Que Léonore l'aime, et qu'il me pousse à bout : Qu'il me l'ôte ; il en est quelque chose après tout : Non qu'il me fasse peur ; mais le laisser en vie, Ce me serait sans doute une grande infamie, Si mon coeur généreux qu'elle a traité si mal Ne respectait en elle un trop heureux rival, Et ce dernier service en une âme équitable, Serait de tous les miens le plus considérable ; Mais ingrate qu'elle est pour ne me devoir rien, Dira qu'elle me hait, et qu'elle m'aime bien. C'est encore t'aimer que ne te pas haïr, Toi qui m'as pu tromper, toi qui m'as pu trahir. J'en mourrais de douleur. Sauvons mon cher Cousin la vie à Léonore, Si quelque humain remède est encore de saison Je la distingue encor d'avec sa trahison ; Et si cet accident allait finir sa vie, Sa mort serait bientôt de la mienne suivie. Non, laissons-la mourir, il n'y va plus du nôtre, Puisqu'elle ne vit plus que pour le bien d'un autre : Mais avec ses défauts ne l'adores-tu pas ; Et pourrais-tu mon coeur survivre à son trépas ? Quand tu détestes plus son humeur infidèle, Ne te souviens-tu pas à quel point elle est belle ? Faible coeur ! Qui ressens plus vivement l'effet Du mal qu'elle a souffert, que du mal qu'elle a fait. À quoi vont t'engager tes nouvelles tendresses ? Songe aux maux que t'ont faits ses trompeuses caresses, Songe combien de sang notre bras répandit À l'infidélité que l'ingrate nous fit ; Songe combien de sang on aurait pu répandre S'il l'on eut obligé Don Anche à se défendre, Et songe faible coeur ! À quoi t'obligera, Le bonheur d'un rival qui la possèdera. Est-elle revenue ? Et qu'a-t-elle donc fait après sa pamoison ? Vous vous étonnerez de ce qu'aimant encore, Autant qu'on peut aimer l'ingrate Léonore, Par un effet d'amour qui n'eut jamais d'égal, Je veuille la céder à mon heureux rival. Céder à son rival ainsi ce que l'on aime, C'est bien ce qu'on appelle aimer plus que soi-même, C'est bien l'effort plus grand que puisse faire un coeur, Que perdre son repos pour sauver son honneur. C'est pourtant le dessein que j'ai pour l'infidèle ; C'est le dernier effort que je ferai pour elle, Et par cette action l'imprudente apprendra, Quel amant elle perd quand elle me perdra. Il faut que ce rival, par un prompt Hyménée, Rétablisse l'honneur de cette infortunée ; Pour peu qu'il le refuse, il n'est rien ici-bas Capable de le mettre à couvert de mon bras. Je veux, soit que l'on s'aime, ou que l'on se haïsse, Qu'avant la fin du jour, cet Hymen s'accomplisse. Hélas ! Si je pouvais brûler d'un autre feu ! Je la perdrais sans peine, ou j'en souffrirais peu ; Mais je perds tout en elle, et lorsque je la cède, D'un mal douteux encor ; j'en fais un sans remède. Allez donc de ma part voir dom Sanche, et lui faire La proposition. Il faut donc voir Don Pedre, et lui faire promettre De bien traiter sa fille, et puis la lui remettre. Ensuite à cet hymen vous le disposerez, Par les plus doux moyens que vous aviserez. Et qui le peut mieux faire Q'un père intéressé ? Il n'est pas nécessaire Que je me cache encor. Que vous seul sachiez que je me cache ainsi. J'entends mon infidèle, il la faut écouter. Elle n'en parle ainsi, Qu'à cause qu'elle sait que je l'entends d'ici. Un rival que ton coeur me préfère. A-t-on jamais vu feindre, et fourber de la sorte ? Ne crains rien infidèle, où sera ton Carlos, Viens encore éprouver comme il sert à propos. Non, non, laissons le faire. Non seulement à Flore ; Mais à qui que ce soit, ne va pas révéler, Que Don Carlos se cache. As-tu fait contre moi quelque crime nouveau ? Car c'est de nos destins la fatale ordonnance, Que mon bras te protège, et que ton coeur m'offense. Est-ce là ce grand mal dont je te dois défendre ? Dis-le donc vite ? Tu me viens demander une plaisante chose : Romprai-je cet hymen, puisque je le propose ? Moi, perfide. Pour rendre à ton honneur quelque sorte d'éclat. Hé ne savais-tu pas que je pouvais t'entendre ? Et dis-moi quand ton père a pensé te surprendre, Te serais-tu sauvée, à moins que d'avoir su Dans la chambre où j'étais ? À cela que dis-tu ? Bon Dieux ! Si c'était moi qui fusse le coupable ? Si mes yeux pour le vrai prenaient le vraisemblable ? S'il est vrai que toujours j'ai régné dans son coeur ? Mais aussi s'il est vrai qu'elle n'a plus d'honneur ? Si lorsque entre deux maux dont l'un se peut élire, C'est toujours le plus sûr que d'éviter le pire, Achevons son hymen, et sans plus hésiter, Pour lui rendre l'honneur, laissons-nous tout ôter Mais quand l'aurai perdu toute mon espérance, Me répons-tu mon coeur de ton indifférence ? Et la pourras-tu voir dans les bras d'un rival Au milieu des plaisirs se riant de mon mal ? Es-tu bien assuré qu'une jalouse rage Ne tourne ses efforts contre mon propre ouvrage, Et que me repentant d'être amant généreux, Je ne trouble la paix de ces amants heureux ? Mais fuis des passions dont tu n'es pas le Maître, Sois généreux mon coeur, on ne saurait trop l'être : Rentrons dans cette chambre, allons-y sans témoins Abandonner notre âme à ses tragiques soins. Attendons-y l'effet que nous pourra produire Un hymen qu'autrefois j'aurais voulu détruire ; Et quoique cet hymen nous satisfasse ou non, Empêchons notre bras de noircir notre nom. Flore aimait mon rival, et j'allais aimer Flore : Mais je veux écouter ce qu'ils diront encore. J'ai donc cru faussement Léonore coupable : Hélas ! Que je le suis, et qu'elle est adorable ! Je ne me cache plus. Moi-même ? Toujours prêt à finir ta vie, et tes amours. Oui, je suis Don Carlos, prêt à te satisfaire, Si tu veux m'écouter ? Arrête Don Louis : j'ai part en sa fortune. Je le prends et le dois. Don Pedre écoute-moi. Quand indigne du nom des Auteurs de mon être Par cent noirs attentats d'un scélérat, d'un traître, J'aurais noirci ma vie, et ton honneur blessé, Si contre mon dessein je t'avais offensé ; Si mon intention n'était pas criminelle, La tienne passerait pour injuste et cruelle, Et quand on te verrait à ma perte animé, Je serais plaint peut-être, et tu serais blâmé, La seule intention augmente ou diminue L'action la plus noire, ou la plus ingénue : Suspends donc ta colère, et d'un esprit plus sain, Vois si de t'offenser j'eus jamais le dessein. Je vis ta Léonore, et cette fille aimable, En beauté sans pareille, en esprit adorable, Dès le même moment, du moins le même jour, Que je brûlai pour elle, eut pour moi de l'amour. Quand entre deux amants l'amour est partagée, Elle n'est pas longtemps sans être soulagée. Mais ce n'est pas assez dans l'Empire amoureux, D'aimer, et d'être aimé pour être bien heureux. On voit de mille amants les espérances vaines Flatter jusqu'à la mort leurs mutuelles peines, Et l'on voit mille amants se croyant près du port, Y trouver la tempête, et maudire leur sort Dans le temps que ta fille en son amour fidèle Me croyait plus donner des marques de son zèle Mes yeux furent trompés d'une jalouse erreur. Autant que je l'aimais, elle me fit horreur. Mais pour ne l'aimer plus, pour la croire infidèle Je ne m'offris pas moins à tout faire pour elle : Je la mis à couvert de ton juste courroux, Et je voulais aussi lui trouver un Époux ; Ainsi tu m'eusses dû l'honneur de Léonore. Vois par là si ta haine est légitime encore, Et songe que mon sang peut sur toi rejaillir : L'amour peut m'excuser comme il m'a fait faillir. Calme donc les transports d'une juste colère ; Prends pitié de ta fille, et lui rends un bon père. Si je suis son époux, mon honneur est le sien. Que j'aime Léonore, et que de mon erreur Son innocence enfin triomphe dans mon coeur. Ha que vous vous vengez d'une façon cruelle, Qu'on se venge aisément alors que l'on est belle, Et que votre bonté me donne des remords, Me cause des tourments, pires que mille morts ! À votre soeur qu'il aime, Donne sans différer la conjugale foi, Et que ce couple imite, et Léonore et moi. Approuvez donc l'hymen de Don Sanche et de Flore. Don Sanche, approchez-vous du Seigneur Don Louis : Devenez tout d'un temps frères, et bons amis, Combattons à l'envi d'amitiés mutuelles, Et que le souvenir de toutes nos querelles Nous serve à l'avenir de divertissement, Et pardonnez Ami, ce que je fis amant. Hé de grâce, oublions ces tristes aventures. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_LEONORE *date_1657 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_leonore Je ne dors point Carlos, le sommeil est sans charmes, À des yeux qui sans cesse ont à verser des larmes, Et ta fière rigueur me cause trop d'ennuis, Pour avoir du repos ni les jours ni les nuits. Non, Carlos, je ne veux rien savoir. Pour me faire obéir tu n'as rien qu'à vouloir. Que ne ferais-je point pour te tirer d'erreur ? Mais quand d'un faux soupçon l'âme est préoccupée, Si loin de travailler à se voir détrompée, Elle fuit son remède, en vain la vérité Tâche à lui redonner sa première clarté. Cette compassion Don Carlos est tardive ; Si tu ne m'aimes plus, qu'importe que je vive ? Mais Carlos si ton coeur si dur à l'amitié, Est comme tu le dis sensible à la pitié, Ou capable du moins d'un peu de complaisance Puisque depuis Madrid je garde le silence, Et que quand je te parle au lieu de m'écouter, Ta colère te porte à me vouloir quitter : Puisque mon sort cruel qui te rend si barbare Pour la dernière fois peut-être nous sépare, Daigne prêter l'oreille à mes derniers discours, Quand tu n'en croirais rien comme tu fais toujours, Quand ta haine serait encore plus mortelle, Quand autant que tu dis je serais infidèle, Peux-tu n'accepter pas cette condition ? Tu m'aimas, Don Carlos, qu'ai-je dit insensée ? Mon indiscrète langue a trahi ma pensée, Et j'ai mal commencé par une fausseté, Un discours qui sera la même vérité ; Tu feignais donc d'aimer, et je crus être aimée, Je crus que je régnais dans ton âme charmée ; Mais tu ne fus jamais d'amour bien enflammé, Qui peut cesser d'aimer n'a jamais bien aimé. Tu sais bien si mon coeur fut facile à surprendre ; Combien il combattit devant que de se rendre, Et de quelle rigueur je traitai les valets, Qui s'osèrent charger de tes premiers poulets. Enfin à m'attaquer telle fut ta constance ; Si faible fut la mienne à faire résistance, Que tu vis tes désirs sur les miens absolus ; Tu me persuadas tout ce que tu voulus ; Tes lettres que j'avais constamment refusées, Tandis qu'à mon devoir je les crus opposées ; Tes vers, et tes chansons, et tout ce qu'un amant Emploie à faire croire un amoureux tourment, Me donnèrent du tien des marques si pressantes, Ton mérite y joignit des forces si puissantes, Qu'après mille serments, les gages de ta foi, Je te donnai la mienne, et te reçus chez moi. Je veux bien l'avouer, j'eus répugnance à faire, Une pareille avance à mon devoir contraire ; Mais craignant les regards des voisins curieux, Des actions d'autrui juges malicieux, Qui te voyaient souvent passer sous ma fenêtre, Et m'observaient alors qu'ils m'y voyaient paraître Dans un appartement où personne n'entrait, D'où l'on venait au mien par un passage étroit, Je reçus en secret ta première visite, Et je ne fus jamais à tel point interdite. Et l'aise de te voir, et la peur que j'avais Suspendirent longtemps l'usage de ma voix : Nos âmes par nos yeux se parlaient l'une à l'autre ; Mais quel bonheur jamais dura moins que le nôtre ? J'ouis ouvrir ma chambre, et j'y courus soudain. Tu crus que je fuyais peut-être par dédain, Ou que le repentir qui suit une imprudence, M'obligeait, quoique tard, à fuir ta présence. Tu voulus m'arrêter ; tu courus après moi, Et lors un Cavalier, qui parut hors de soi, Et qui de son manteau se couvrait le visage, S'offrant à tes regards, te donna de l'ombrage ; Mais le temps t'apprendra. Il est donc encore en mon destin, Qu'il vienne quand je veux prouver mon innocence. Tu le peux Don Carlos, tout est facile à faire. À qui met son bonheur à ne te point déplaire. Dans les plus bas emplois je ne rougirai point, Si je sers une Dame à qui le sang te joint. Ne considère plus ma fortune passée ; Du soin de mon salut détourne ta pensée. Songe au tien : cours en Flandre exercer ta valeur, Et me laisses ici seule avec mon malheur. Et vous en qui le Ciel me suscite un asile, Telle qu'il m'a dépeinte, il est bien difficile, Que vous puissiez douter de ce qu'il vous a dit ; Mais tout secours humain me devienne interdit ; Que le Ciel m'abandonne aux affronts, aux injures, Et fasse de ma mort un exemple aux parjures, Si Carlos, qui reçut mes premières amours, Ne les possède encor comme il fera toujours, Si mon âme envers lui fut jamais criminelle, Et fut autre pour lui que sincère et fidèle. Ha ! Don Carlos, ce fut sans mon consentement, Et j'atteste le Ciel qui sait mon innocence, Que je n'eus point de part en sa jeune insolence. Si ce n'est en avoir que la sévérité, Que j'opposai toujours à sa témérité ; Mais pour peu qu'on déplaise, on en est moins croyable. Don Carlos ! Ton esprit sera bientôt en paix Puisqu'on va m'éloigner de tes yeux pour jamais ; Mais cruel, si le temps qui change toutes choses, Change jamais en bien, le mal que tu me causes ; Si je te puis jamais faire voir que la foi, Que je t'avais donnée est toute encore à toi, Et que je n'avais pas seulement de l'estime, Pour celui que tu crois complice de mon crime, Ne me tiendras-tu pas ce que tu m'as promis ? On tient ce qu'on promet même à ses ennemis. Ha ! Si je n'avais pas encor quelque espérance, Que le Ciel tôt ou tard protège l'innocence ; Tu n'aurais pas longtemps à me haïr ? Que n'est-ce au monument ? Hélas ! Depuis qu'Amour a fait des misérables En voit-on dont les maux soient aux miens comparables ? J'aime plus que moi-même un homme qui me hait, Et qui me croit haïr avec juste sujet. Il n'est rien de plus faux, quoi qu'il en puisse croire Que le crime apparent dont il tache ma gloire, Et de tout ce qui peut me faire ajouter foi ; L'inhumain s'en défie, ou s'en sert contre moi : Juste Ciel ! Qui toujours protégeas l'innocence, Et qui seul de la mienne eus toujours connaissance, Si mes maux sont trop grands pour en pouvoir guérir, Qu'en peu de temps au moins ils me fassent mourir. Madame vous saurez Par ce petit billet ce que vous désirez. Je suis d'Andalousie ; Mais j'ai servi longtemps une Dame à Madrid Avec affection quoique avec peu d'esprit. On me le persuade : Pour l'embellissement, il n'est point de pommade, Il n'est point de secret qu'on me puisse montrer, Je sais coudre et blanchir à me faire admirer, Enfin, si j'ai l'honneur d'être votre servante, Vous verrez si je sais les choses que je vante. Je suis sans intérêt, Vous les pouvez régler à si peu qu'il vous plaît ; L'honneur de vous servir m'est trop de récompense. Je le crois. On m'appelle Isabelle. Quand bien je la serais, quelquefois la beauté, Est un bien dangereux, ou sans utilité. À quelle extrémité me réduit ma disgrâce ? Madame. Elle est toute remplie à quelque chose près : Voulez-vous qu'à l'instant je me remette après ? Ou Don Sanche, ou Fantôme, objet qui m'est funeste, Étant cause déjà qu'un époux me déteste, Et m'ayant fait sortir du logis paternel, N'étais-tu pas assez envers moi criminel, Sans venir en barbare, en tigre impitoyable, Achever les malheurs de mon sort déplorable. Il dit la vérité : C'est par lui Don Louis, que tout bien m'est ôté, Je me trouve par lui sans pays, et sans père, La haine d'un Époux ; réduite à la misère De servir de suivante, et sans votre secours, Les malheurs qu'il me cause auraient fini mes jours. Il est vrai cher Carlos, je t'aime, et je le crains. Cesse de m'outrager, cher Époux. Si tu voyais mon coeur ! Te dois-tu prendre à moi de tes emportements ? Cruel ! Tu ne crois pas tout ce que tu m'imputes. Oui, je le hais, je t'aime, ou plutôt je t'adore ; Mais toi cruel, tu hais la pauvre Léonore. Ce reproche dernier m'achève, et te délivre De l'objet odieux qui sans toi ne peut vivre. Je me meurs. Madame ? Me ravir cet honneur, c'est vouloir tout m'ôter. Quand je vous veux servir, je fais ce que je dois, Après tant de bontés que vous avez pour moi. Et que pourriez-vous faire ? Et le Ciel, et Carlos me veulent trop de mal. Et par quelle action puis-je assez vous déplaire, Pour mériter le mal que vous me voulez faire ? Et pourrais-je l'aimer, Puisque j'ai même horreur à vous l'ouïr nommer ? Les Monstres, les Serpents, tous les objets semblables, Deviendraient à mes yeux des objets supportables. Plutôt qu'un importun, de qui les vains désirs Ont commencé mes maux, et fini mes plaisirs. Le Ciel me gardait-il cette disgrâce encore ? Va cruel ? Un Don Sanche ! M'épouser ! Ha ! Madame, quittez ce dessein malheureux Trop malaisé pour vous, pour moi trop dangereux. On hâte de ma mort la fatale journée ; Quand bien Don Sache aurait plus de bien, plus d'appas, Quand il serait aimable autant qu'il ne l'est pas ; Et quand bien je serais cent fois plus malheureuse, Je lui préférerais la mort la plus affreuse. Quoi bon Dieu vous comptez pour quelques grands services, Les funestes effets de toutes ses malices ? Et c'est dont je me plains. Hélas lorsque j'y songe Et lorsqu'en ce penser mon désespoir me plonge, De mes malheurs passés le souvenir cuisant Augmente la rigueur de mon malheur présent. Inhumain, Don Carlos ! Que ne peux-tu m'entendre ? Non pour m'aimer encor ; je ne l'ose prétendre ; Mais afin que mon nom te soit moins odieux, Lorsque j'aurai perdu la lumière des Cieux. Ennemi qui m'est cher ! Mais on frappe à la porte. Et qu'est-ce que je vois ? Juste Ciel, c'est mon père. Ouvrons-lui cher Carlos. On doit craindre son père, Quand on se sait l'objet de sa juste colère. Cessez, si vous m'aimez, de songer davantage À faire réussir un pareil mariage ; Songez au déplaisir que me pourrait causer La dure extrémité de vous rien refuser. La rigueur de mon père à ma perte obstinée, Pourrait bien me forcer à ce triste Hyménée ; Mais par tant de moyens on trouve le trépas, Que la peur d'un tel mal ne m'inquiète pas La haine de Carlos toujours inexorable, Est bien un plus grand mal et bien moins supportable ; M'en guérir, c'est autant que me ressusciter ; Mais mon malheur commence à ne se plus flatter Des espoirs mal fondés, il sait trop la coutume, De changer leur douceur en beaucoup d'amertume ; Il a trop éprouvé combien leurs faux appas Irritent les douleurs qu'ils n'adoucissent pas Allez ma chère Dame ; Je vous suis, cher Carlos, Maître de mon âme, Si d'un si tendre nom j'ose encore appeler, Celui qui ne veut pas seulement me parler ; Ouvre un moment ta porte, et vois ta Léonore, Sans ta protection prête à périr encore ; Une seconde fois tire-la du tombeau. De nos destins plutôt c'est la fatale loi. Que tu ne m'aimes point, que je n'aime que toi. C'en est un bien plus grand, si tu daignes m'entendre. Hélas ! Pour comble de mes maux, On m'ordonne d'aimer un autre que Carlos. Flore pour accomplir ma dure destinée, Me vient de proposer Don Sanche en Hyménée Et si ton noble coeur n'en détourne l'effet, Tu perdras tout le fruit du bien que tu m'as fait. Toi cruel ? Et pourquoi donc, ingrat ? Inhumain peux-tu croire à tes soupçons encore ? Et n'as-tu pas ouï ce que j'ai dit à Flore, Et de quelle façon j'ai traité ton rival, Quand elle m'a parlé de cet Hymen fatal ? Qu'alors qu'on nous accuse, et que notre innocence, Quoi que vraie en effet, est fausse en apparence ; Qu'il vaut autant mourir que de toujours nier Un crime qu'on ne peut d'ailleurs justifier. Aveugle déité ! Sujette au changement, Qui fais tout sans raison, sans choix, et sans mesure, Et qui rends malheureux le plus fidèle amant, Aussitôt que le plus parjure, Si l'injuste Carlos douta de mon amour ; S'il me reprend son coeur pour le donner à Flore ; Si je trouve en tous lieux Don Sanche que j'abhorre, Quel mal, cruel destin, me peux-tu faire encore, Si tu ne te résous à me priver du jour ? Si tu ne te résous à me priver du jour ; Si tu ne me fais pas cette grâce funeste, De sortir de tes mains, et de celles d'amour ; Je me sens des forces de reste, Accoutumé peut-être à me voir tant souffrir. Tu crains qu'après ma mort enfin je ne repose, Mais pour finir ma vie, il suffit que je l'ose, Et ta rigueur en vain à ce dessein s'oppose, Si la seule douleur nous peut faire mourir. Si la seule douleur nous peut faire mourir, Faisons agir la nôtre et lui laissons tout faire ; Peut-être qu'à l'ingrat qui ne me peut souffrir, Mon trépas au moins pourra plaire. Finissons tout d'un temps ma vie, et mon malheur, Sous les loi de l'amour. Qui toujours malheureuse, Endure sans espoir une peine amoureuse, Doit s'en tirer soi-même, et suivre courageuse Les funestes desseins qu'inspire la douleur. Les funestes desseins qu'inspire la douleur. En l'état où je suis me sont aisés à suivre ; Qui redoute la mort, mérite son malheur, Quand c'est l'augmenter que de vivre. Je mourrai cher Carlos ; mais pourrais-je espérer, Quand des pâles esprits j'augmenterai le nombre, De sortir quelquefois de ma demeure sombre, D'errer autour de toi, te faire voir mon ombre ? Hélas ! Si la voyant tu pouvais soupirer. Hélas ! Si la voyant tu pouvais soupirer. Que ne devrais-je point à ton âme attendrie ? Que pourrais-je en vivant davantage espérer. Quand tu m'aurais toujours chérie ? Mais ne nous flattons pas plus d'inutiles désirs, Quand nos corps ne sont plus qu'un amas de poussière, Ils ne reprennent plus leur figure première. Et l'on perd à la fois en perdant la lumière Et l'usage des maux, et celui des plaisirs. Mais je le vois, l'auteur des peines que j'endure ; Éloignons un objet de si mauvais augure. Quels cris ai-je entendu ? Horreur de mes regards ? Te verra-t-on toujours me suivre en toutes parts. Pour la troisième fois me viens-tu nuire encore ? Hélas, c'est Don Carlos ! Il est donc vrai Carlos, qu'enfin ma patience, Bannit de ton esprit l'injuste défiance ? Tu ne doutes donc plus, que ne t'aie aimé Tout ce peut aimer un coeur bien enflammé : Tu m'aimes maintenant à cause que je t'aime, Est-il quelque autre amant qui ne m'aimât de même ? Alors que ton esprit cessant de m'estimer, Ta raison t'ordonna de ne me plus aimer, N'était-ce pas assez pour châtier mon crime, Que n'avoir plus pour moi ni d'amour i d'estime ? Mais, Carlos, tu joignis l'outrage au châtiment, Et tu fus inhumain dans ton ressentiment, Le moins heureux captif dans les plus rudes chaînes, Souffre moins qu'en tes fers je n'ai souffert de peines. Tu m'as vue à tes pieds mille fois fondre en pleurs, Je t'ai vu d'un oeil sec regarder mes douleurs : Mais tout cela n'était que de légers supplices, Tu m'affligeas aussi par d'importuns services. Oui ta fière rigueur en son plus grand excès, Ne m'affligea pas tant que firent tes bienfaits. Cependant cette fille ingrate, et criminelle, N'était que malheureuse, et fut toujours fidèle, Et celui qu'elle aima d'un amour éternel, La condamna toujours, et fut seul criminel. Nos sens sont trop enclins à croire l'imposture, Pour n'avoir plus à craindre une telle aventure, Tu crois trop tôt le mal sans l'avoir avéré Pour vivre avecque toi, dans un calme assuré. Mais quoique avecque toi j'aye beaucoup à craindre, Je ne te puis haïr ; moins encore le feindre, Vainement ma raison m'exhorte à t'oublier ; Mon coeur n'y consent pas, je ne le puis nier. Soyez au moins d'accord, vous et votre rival, Qu'une fausse apparence est un dangereux mal. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONPEDRE *date_1657 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donpedre Êtes-vous Don Louis ? De Roxas ? Cette lettre est d'un homme, Qui croit qu'auprès de vous elle seule suffit, Pour m'y faire appuyer de tout votre crédit, Dans l'affaire d'honneur qui m'amène à Valence ; C'est du Duc d'Alve. Je m'aperçois par là de ce que vous valez, Et c'est être prudent que prendre connaissance, Si vous devez ou non, m'offrir votre assistance. Don Sanche de Lussan, a-t-il l'honneur d'en être ? Je vous apprendrai donc, puisqu'il ne vous est rien, Qu'il est mon ennemi. Ce Don Sanche à Madrid galantisait ma fille, Cette peste fatale à sa noble famille. Un rival l'attaqua dans sa chambre une nuit, Le laissa demi-mort, et ma fille s'enfuit. La Justice en connut, et fit ses procédures : Mon honneur demandait plus que des écritures, Je laissai donc guérir ce Don Sanche en prison, Et cherchai son rival pour en tirer raison ; Mais je ne pus savoir, quoi que je pusse faire, Où se cachait ma fille, et cet autre adversaire. De ces deux ennemis un seul donc m'est connu, C'est Don Sanche, et je sais qu'il est ici venu : Ma fille l'a suivi, sa Maîtresse, ou sa femme ; Car hors lui qui voudrait se charger d'une infâme ? Oui, si l'on avait su de lui-même aujourd'hui, Qu'il est depuis un jour arrivé dans Valence. Mais on m'a dit souvent partout où j'ai passé, Alors que j'ai pris langue, et qu'on m'a vu pressé, Que des gens de cheval dont je suivais la piste, Emmenaient avec eux une femme fort triste : C'est sur ce fondement que je veux l'attaquer, Sur l'un de ces Rivaux je ne saurais manquer. Puisqu'ils m'ont l'un et l'autre osé faire une offense, De montrer à L'Espagne une illustre vengeance. Adieu, ne sortez point. Ce sera donc, Monsieur, pour cette seule fois. Le Seigneur Don Louis. Infâme, c'est donc toi : Quel asile assez sûr, quelle puissance humaine Te peut mettre à couvert des effets de ma haine ? Il n'est chambre fermée où ne s'ouvre un passage, L'impétueux effort d'un homme qu'on outrage. Je te tiens malheureuse, et de ton châtiment, Tu recules en vain le funeste moment. Si l'honneur te donnait des remords de ton crime, Tu te viendrais offrir toi-même pour victime ; Mais celle qui perdit sa réputation, Ne peut faire jamais une bonne action, Ouvre fille perdue ! Ingrate ! Ouvre à ton père. Et des pieds et des mains. Je connais la maison dont je trouble la paix, Et jusqu'où peut aller l'action que je fais ; Mais quand d'une maison plus qu'un temple sacrée, Et le fer, et le feu me défendraient l'entrée, J'oserais y chercher un bien qui m'appartient, Comme je cherche ici celui qu'on y retient. L'ingrate Léonore, Qui jadis me fut chère, et qu'aujourd'hui j'abhorre ; Rendez-la donc, Madame, ou ma juste fureur Emplit votre maison de massacre et d'horreur. Madame, encore un coup faites-moi la donc rendre. Être Maître chez vous n'est pas ce que je veux, Et je sais mieux régler mes souhaits et mes voeux, Je songe encore moins à vous faire une offense, Moi qui n'ai pour ami que vous seul dans Valence : Mais ma fille est chez vous, et je la veux avoir, Et l'ayant vous deviez me le faire savoir. Je vous suis obligé d'avoir trouvé ma fille ; Mais où trouver l'honneur qu'elle ôte à sa famille ? Allons, c'est de vous seulement, Que j'espère en mon mal quelque soulagement. Qu'aperçois-je ? Qu'entends-je ? Et le Ciel permet-il enfin que je me venge ? Hé vois-je pas Don Sanche, et n'a-t-il pas nommé, Don Carlos ? Parle, es-tu Don Carlos, l'objet de ma colère ? Ha, je n'écoute pas, Des satisfactions que j'attends de mon bras. Don Sanche, Don Carlos, venez cruels ensemble, Que le commun péril contre moi nous assemble, Puisqu'un crime commun qui blesse mon honneur, Mérite également d'éprouver ma fureur. Nous sommes deux à deux. Puisqu'elle est sans honneur elle ne m'est plus rien. Vous me rendez l'honneur, le repos, et la joie. Il n'est plus question de plaintes amoureuses ; Mais bien de donner ordre à vos noces heureuses, De rendre grâce au Ciel qui finit nos malheurs, Et qui fait succéder l'allégresse aux douleurs. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONSANCHE *date_1657 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donsanche Il me l'a défendue, et me hait sans raison, Et c'est celle que j'ai de lui cacher la flamme, Que son aimable soeur allume dans mon âme : Je viens donc en secret voir cette aimable soeur. Oui, Cardille, je l'aime, Autant qu'on peut aimer, enfin plus que moi-même. Les hommes de mon âge aiment en divers lieux Tous les objets charmants qui s'offrent à leurs yeux ; De ces objets charmants qui leurs âmes captivent, Il en est toujours un que constamment ils suivent. Flore est le seul objet que j'aime constamment : Pour l'autre je l'aimais en passant seulement. Je sortis vitement de Madrid ayant peur... Tu fais aller trop loin ta froide raillerie. Ne la pousse pas tant, et surtout je te prie, De ne rien dire ici du malheur de Madrid, Ou bien point de quartier. Que dis-tu ? Tu ne saurais mieux faire. Que grondes-tu tout bas ? Sais-tu bien comme on traite un faquin qui se moque ? Des nouvelles de Flore, et par mon entremise Le moyen de la voir. Ne lui dis rien Cardille ; Tu sais bien que je l'aime, et qu'elle est bonne fille. Si tu m'aimes, tais-toi. Tu deviens bien fâcheux Cardille. Parleras-tu toujours ? Hé bien chère Marine ? Je remets en tes mains ma vie, et mon honneur. Est-elle donc visible ? Ha ! Tu me fais une frayeur terrible. Parles-tu tout de bon ? Mais la voici venir. Votre frère aurait droit d'y trouver à redire ; Mais vous dont la beauté sans cesse à soi m'attire, Vous me permettez bien pour vous venir revoir, De ne considérer ni respect ni devoir. Et vous pouvez juger par cette impatience, Des maux que j'ai soufferts dans une longue absence. Ha ! Madame ! La Cour le séjour des délices, Ne m'a paru sans vous qu'un enfer de supplices ; Ce n'est pas que la Cour n'ait ce charmants appas ; Mais je suis toujours triste, où je ne vous vois pas. Combien de fois mes yeux ont-ils versé des larmes, Dans un temps, où Madrid avait le plus de charmes ? Combien de fois les bords du clair Mansanarets Ont-ils été témoins de mes tristes regrets ? Ce langage moqueur est un peu fort, Madame. Être absent, ou mourir, ne diffèrent pas fort. Pour une autre que vous, moi soupirer Madame ? Ha ! Vous connaissez mal les secrets de mon âme. Sur quelque faux rapport, vous en jugez peut-être. Ha ! Cette indifférence est un signe apparent. Je ne vous puis nier qu'un funeste accident. Que ne pourrait troubler un sort si malheureux ? Ma partie est mon Juge, et Juge rigoureux. Il mourra bien plutôt que de vous obéir. Je la vis, il est vrai ; mais ce fut sans amour. Si vous vouliez m'ouïr... Don Sanche, un infidèle, un amant odieux, Pour la dernière fois se présente à vos yeux, Pour obtenir enfin le pardon qu'il demande : Sa faute, il le sait bien, ne peut être plus grande ; Aussi, confesse-t-il d'avoir trop mérité, D'être puni de vous avec sévérité ; Si la vôtre à sa mort est enfin résolue, Vous pouvez l'ordonner de puissance absolue. C'est assez la vouloir, Que de me déclarer indigne de vous voir, Et c'est me dire assez ce qui me reste à faire ; Pour me mettre en état de ne plus vous déplaire. Je vous aimai toujours et d'une ardeur extrême : Mais ne voit-on jamais offenser ce qu'on aime ? Doit-on faire durer si longtemps un courroux ? Nous offensons les Dieux qui peuvent tout sur nous ; Mais ces Divinités qui quelquefois punissent Pardonnent plus souvent, et jamais ne haïssent. Conformez-vous, Madame, à ces Divinités, Dont vous avez déjà les célestes beautés, L'Esclave fugitif qui revient dans vos chaînes, Puni par son remords autant que par ses peines, En a souffert assez pour apprendre aux ingrats, Qu'il est des châtiments pires que le trépas. Et qu'est-ce donc Cardille ! Moi, me cacher ? Ombre qui me poursuis ! N'es-tu pas assouvie De m'avoir vu chez toi prêt de perdre la vie, Sans encore venir, spectre horrible à mes yeux, Te joindre aux ennemis que je crains en ces lieux ? Don Louis, il est vrai, je suis en ta maison. Mais devant que de croire une aveugle vengeance, Souffre que je te parle, et vois si je t'offense ; Et si de mers raisons tu n'es pas satisfait, De ta fière menace on pourra voir l'effet. J'ai servi dans Madrid cette fille ; et chez elle Contre un de ses amants je pris un jour querelle. Nous en vînmes aux mains, et je fus fort blessé, Je la viens voir chez toi, t'ai-je fort offensé ? L'amour peut ce me semble excuser un tel crime. Bons dieux ! Que dois-je faire ? Le mensonge me sert, la vérité me nuit ; Mais cessons de mentir, je passai l'autre nuit, Caché dans ton balcon. Je ne le puis nier. Et que me veux-tu, toi ; Qui m'étant inconnu, viens m'attaquer en traître ? Tu te livres toi-même à ma juste vengeance. C'est donc, contre moi seul, trop peu que de vous deux ? Il ne tiendra qu'à vous d'en passer votre envie. Qui seul contre vous deux se croit hors de danger, Seul contre un de vous deux peut bien se partager. À demain, Castillan fanfaron. Je veux prendre mon temps, pour vous battre à mon aise. Elle s'enfuit ainsi, parce qu'elle m'a vu. Sa haine, ou son amour ne me tourmentent guère, Je n'en dis pas ainsi, quand Flore est en colère. Pour te dire le vrai, j'ai peur de son abord ; Mais me demande-t-elle ? Marine te l'a dit ? Que je vinsse voir Flore ? Sans redouter son frère ? Ha, tais-toi ! Qui l'y peut inciter ? Tais-toi, dis-je, il n'est pas temps de rire. Tais-toi donc, te le faut-il tant dire ? Mais me faire passer de son appartement Dans celui de son frère ? Oses-tu bien m'en parler de la sorte ? Est-ce colère, amour, vengeance ? Mais elle vient à moi. Vous ne vous trompez point, ce procédé m'étonne : Enfin je suis venu sur votre bonne foi. Moi, l'épouser, Madame ! Ha ! Ce n'est pas de vous que je veux une femme, Je n'en aurai jamais, ou bien vous la serez. Il est vrai je le suis, si jamais je le fus : Me mander, et par là flatter mon espérance, Me dire qu'on me hait contre toute apparence ; Me parler d'un hymen sous ombre de bonté, Mais un hymen honteux autant que détesté, Et m'ôter tout d'un temps l'espérance donnée, De vivre avecque vous un saint hyménée, Qui ne ressentirait les divers mouvements, Qu'excitent les dédains dans les coeurs des amants ? Qui ne s'affligerait de vous voir si changée, Vous par tant de serments à m'aimer engagée ? Qui ne serait rêveur, qui ne serait confus, Ou qui ne serait pas quelque chose de plus. Tenez donc des discours que je puisse comprendre. Trop bien pour mon repos, belle, et cruelle Flore, Trop bien pour me laisser quelque espérance encore. Je pourrais comme amant vous déguiser mon coeur ; Mais je veux vous répondre en Cavalier d'honneur, J'aimai donc Léonore, et mon âme inconstante Se prit aux doux attraits de sa beauté naissante ; Je tâchai de gagner son inclination, Et me trouvai l'objet de son aversion. La résistance pique, et la croyant cruelle, Par la seule raison de ce qu'elle était belle, Et cette raison-là me la faisant aimer, Son sévère dédain ne fit que m'enflammer, Enfin, je découvris que cette beauté fière, Pour un autre que moi ne se ménageait guère, Qu'un bienheureux rival qu'elle favorisait, Était riche des biens qu'elle me refusait ; Et qu'à ce Cavalier elle s'était donnée Sous l'incertaine foi d'un futur hyménée. Je la surpris enfin avec son cher amant... Il est vrai que je le dis. Pour cacher notre amour aux fâcheux Don Louis. Il a pu voir l'horreur que me fit sa présence, Outre que j'ignorais qu'elle fut à Valence. Mais devez-vous m'offrir un semblable parti ? L'honneur avec la honte est-il bien assorti ? Et quand j'y trouverais un notable avantage, Prendrais-je pour ma femme, une fille peu sage, Qui suit depuis Madrid un amant jusqu'ici, Et peut-être un amant qui n'en veut plus aussi ? Quand vous l'ordonneriez d'un pouvoir absolu, Vous seule Déité qu'ici-bas je respecte, De n'épouser jamais une femme suspecte. Si vous ne m'aimez plus, le plus grand est passé. Et qui sont-ils, grand Dieu ! Ces mortels ennemis ? De tous ces ennemis si grands, si redoutables, Qui peuvent me jeter dans des maux effroyables, Je méprise la haine et ne crains rien que vous, Soyez seule pour moi, je suffis contre eux tous. Il me trouve toujours. Don Louis ? Un homme que j'ai vu ; vous le saviez Madame, Et je vois bien pourquoi vous m'offriez une Femme ; Je vois d'où sont venus vos charitables soins, Et pourquoi vous vouliez me parler sans témoins. Ô fille trop légère ! Fausse en votre douceur, fausse en votre colère. Pour autoriser donc votre infidélité, Vous vouliez m'inspirer la même lâcheté : C'est donc pour un dessein de grande importance Que vous me combattiez avec tant d'éloquence : Mais m'ayant tant aimé, me deviez-vous haïr, Ou pour m'avoir haï, m'avez-vous dû trahir ? Convaincue, osez-vous encore vous défendre ? Il lui faut répéter les discours spécieux, Dont elle m'appuyait es conseils odieux. Ne suivez plus un bien qui ne se peut atteindre, Songez aux Ennemis que vous avez à craindre. Il est vrai que jamais une infidélité, N'appuya ses raisons sur plus de vérité. Vous m'êtes à la foi ce bien inaccessible, Et de mes Ennemis, l'ennemi plus terrible, Et comme un ennemi que l'on veut prévenir, Pour me tuer sans doute on m'aura fait mourir : Mais devant que ma mort vide votre querelle, Je jugerai du choix de votre âme infidèle ; Je verrai ce galant. Puisque vous ignorez quel homme ce peut-être, J'espère en peu de temps vous le faire connaître. Autre ennemi cruel qui se vient joindre à Flore, Mais Ingrate ! Assemblez tous ces fiers ennemis, Don Pedre, Léonore, Don Carlos, Don Louis, Quand toute leur valeur par vos pleurs animée, M'empêcherait d'ouvrir cette porte fermée, Malgré ces ennemis contre moi conjurés, Je verrai cet amant que vous me préférez. Il n'est plus question de plaire, ou de déplaire, D'être dans le respect ; d'être dans son devoir, Qu'a-t-on à ménager, quand on n'a plus d'espoir ? Je n'oublierai jamais vos noires perfidies. Je me rendrais plutôt au honteux hyménée ; Qui jusques à ma mort me serait reproché, Qu'à ne connaître pas cet amant mal caché. Se fera-t-il forcer cet homme sans valeur ; Qui s'entend défier, et se cache en voleur ? C'est donc toi ? Toujours rival, toujours aimant ce que j'aime ? Ôtons donc cet obstacle au bonheur de nos jours. Défends-toi Don Carlos. Et trop vue. Dis plutôt, le moyen de me rendre un infâme. C'est bien moi qui prendrai les restes d'un rival : Léonore, ou la mort m'est un malheur égal. Vous réparez trop bien les sanglantes blessures... **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_FLORE *date_1657 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_flore Je viens encore te le dire : Quand tu vois qu'aujourd'hui, je pleure et je soupire, Tu crois que c'est l'amour qui me tourmente ainsi. Non, ce n'est plus l'amour qui cause mon souci. Une autre passion à l'amour opposée Aussi bien que l'amour à vaincre malaisée, Me fait haïr Don Sanche, il aimait à la Cour, L'ingrat que je crois si fidèle en amour : Mais le Ciel ennemi de l'amant infidèle, A puni depuis peu la flamme criminelle. Un rival m'a vengée ; un rival l'a blessé : Je sais de bonne part comme tout s'est passé, Et le traître viendra me protester encore, Qu'il n'est né que pour moi ; qu'il m'aime, qu'il m'adore. Il ne m'attrape plus à ses trompeurs appas. Il ne me verra pas. À de plus grands excès ma colère m'emporte. Je veux pour m'en venger de mon coeur le bannir, Et n'en réserver pas le moindre souvenir : Mais on frappe à la porte. Il n'a que faire ici, s'il est hors de mon âme, L'ingrat qui vient à moi comme à son pis-aller. Non, je lui veux parler : Tu ne lui tiendrais pas un langage assez rude. Je ne puis rien comprendre en votre inquiétude. Dans un esprit frappé d'un mal comme le mien, Un dessein détruit l'autre, et l'on ne résout rien. L'amant dissimulé, le méchant, quand un autre Lui refuse son coeur, il a recours au nôtre ; Est-ce lui ? Et qui donc ? Je n'ai pas le pouvoir En l'état où je suis, même de rien vouloir. Fais comme tu voudras. Elle a bonne façon, et paraît assez belle. Qui vous envoie ici ? On m'a dit que vous cherchiez une suivante : Je vous en envoie une que j'aurais prise si je ne préférais à mon utilité, et à tout ce que j'ai de plus cher, l'honneur d'être votre servante, BÉATRIX. Sans doute Béatrix vous a bien choisie. Êtes-vous de Madrid ? Vous savez bien coiffer ? Quels gages gagnez-vous ? Je vous dois savoir gré de cette confiance, Je vous prends et croyez, demeurant chez moi ; Que vous ne perdrez pas votre temps. Comment avez-vous nom ? Je vous trouve un défaut ; je vous trouve trop belle. Je puis jugez encor par cette répartie, Que votre esprit bien fait a de la modestie. Béatrix me l'envoie, et j'ai cru la prenant Vous avoir fait plaisir. Je m'en vais donner ordre à le bien recevoir. De colère embrasée, À le bien divertir, je suis mal disposée, Qu'il vient à contretemps ! Quoi ? Ne me l'amène pas. Et que dit-il le traître ? Qu'il sache tout de toi. Je ne le veux point voir. Ma fille suivez-moi. Il me trahit l'ingrat, et me voit l'impudent ! Don Sanche ? Où venez-vous ? Et que pensez-vous faire ? Et n'avez-vous point peur de rencontrer mon frère ? Vous n'avez pas toujours vécu si bons amis, Que vous me deviez voir, sans qu'il vous l'ait permis. Je n'attendais pas moins que des galants discours, De qui vient du pays des galantes amours. Vous m'attendrissez fort en me faisant entendre Tout ce qu'en un roman on peut lire de tendre. Quoi, bons Dieux ! À la cour, où tout charme, où tout rit, La tristesse a toujours régné sur votre esprit ? Voit-on d'un autre amant une plus belle vie ? Votre fidélité me donne de l'envie : Si je pousse la mienne aussi loin, je pourrai La voir comme la vôtre au suprême degré. C'est l'effet de la joie où s'emporte mon âme, De vous revoir vivant, et vous avoir cru mort. On ne vous crut pas mort des rigueurs d'une absence : Mais d'un coeur sans pitié : c'est le bruit de Valence : Quelle apparence aussi de vivre sans amour, Entre tant de beautés qui brillent à la Cour ? Je les ai mal connus, mais je les connais mieux, Depuis que vous avez abandonné ces lieux. Hé bien ! J'avouerai donc de ne le pas connaître Que vous ne m'êtes plus qu'un homme indifférent. Et que faussant la foi que l'on m'avait promise, On perd de mon amour l'espérance permise. Voulez-vous déguiser un mensonge évident ? Songez que votre front qui rougit et se trouble, Me parle malgré vous contre votre âme double. Je ne veux point ces noms de juge, et de partie, Je veux absolument que Don Sanche m'oublie : Je lui permets aussi s'il veut de me haïr. Qu'il vive donc heureux pour cette belle fille, Qui le put retenir si longtemps en Castille. Oubliez-vous déjà cet astre de la Cour ? Me voyant l'avez-vous de votre âme effacée, Ainsi qu'en la voyant, vous m'en avez chassée ? Votre sang qu'un rival répandit à ses yeux, Dans son cher souvenir vous conservera mieux, Allez Don Sanche, allez retrouver cette belle, Elle est digne de vous ; vous êtes digne d'elle ; Ses charmes vous ont fait révolter contre moi ; Les vôtres l'ont portée à rompre aussi sa foi. Le Ciel qui vous a fait sans doute l'un pour l'autre, Devait bien à son coeur, un coeur comme le vôtre. Mais ne lui parlons plus par des déguisements, Découvrons à l'ingrat mes justes sentiments. Don Sanche ! Je vous hais d'une haine mortelle, Comme un amant ingrat, un lâche, un infidèle. Un homme dans Madrid pour venger son amour, Vous a quasi réduit à votre dernier jour. Une femme peut bien vous faire dans Valence, Contre un même péril pour une même offense. Ne me parlez jamais. Retournez à Madrid, et me laissez en paix. Quoi donc ? Quel accident Marine ! Que sais-je ? Où tu voudras ; songe. On refrappe, hâte-toi de cacher cet ingrat. Ce n'est qu'un scélérat. Ô qu'il est malaisé de garder sa colère, Quand celui qui la cause, a le secret de plaire, Et que le souvenir d'une offense d'amour Dure trop dans un coeur, s'il dure plus d'un jour. À peine ai-je fait craindre une éternelle absence À cet ingrat amant que j'aime, et qui m'offense. Que j'ai peur de le perdre, et mon coeur impuissant Qui le hait criminel, le souhaite innocent ; Amour trop violent ! Trop sévère conduite ! De vos conseils divers quelle sera la suite ? Chasserai-je un ingrat qui vient de me trahir ? Saura-t-il que mon coeur ne le saurait haïr ? Qui peut s'imaginer le trouble de mon âme ? Tu m'écoutais donc ? Travaille à mon repos, et ménage ma gloire. J'approuve assez l'avis que tu viens de donner, Va les en avertir, et ne demeure guères ; Afin de revenir préparer des lumières. Isabelle ? Achevez donc de remplir ma dentelle. Oui, Marine ? Il n'est pas nécessaire Que cette fille ait part dans ce que je vais faire. Va-t-en donc l'observer, Marine, et garde bien. Qu'elle ne me surprenne. Et Don Sanche ? Va le faire monter. Il n'a pas tant de peur qu'il en fait le semblant. Ô raison sur mon âme autrefois absolue ! Ô vertu qui m'avez si souvent secourue ! Ma fierté, mes dédains, mon devoir, mon honneur, Que vous résistez mal à ma folle fureur ! Mais quand vous m'offririez vos conseils salutaires, Ma passion vous croit des vertus trop austères, Et mon coeur qui la croit plutôt que ma raison, Chérit le mal qu'il souffre, et craint sa guérison. Quoi ! Don Sanche ose paraître encore, Don Sanche un infidèle, un amant que j'abhorre ? Je ne veux point ta mort. Ingrat ! Qui sais tenir de semblables discours, Qui te forçait d'aimer pour n'aimer pas toujours ! Et ces discours flatteurs, et ces trompeuses larmes, N'ont pour moi désormais ni mérites ni larmes Méchant qu'on ne peut trop, ni trop longtemps haïr, Ne tient-il qu'à tromper, ne tient-t-il qu'à trahir, À cause qu'on saura se valoir de ses feintes ? À moi que tu trahis, tu fais de moi des plaintes ? Infidèle ! Ha jamais ne parais devant moi ; Ce sont-là de vos tours, Marine ? J'en ai toujours eu peur. Oui, vous. Et qu'avez-vous mon frère ? Vous êtes en colère. Mais pourquoi vous laisser ? Elle en dit trop Marine. Ha battez-vous mon frère, et ne l'outragez pas. D'un homme sans honneur la victoire est honteuse, Et d'un homme d'honneur la haine est généreuse. Avoir à vaincre un homme, et le perdre d'honneur, C'est manque de prudence, ou bassesse de coeur. Portons-la dans ma chambre. Je cherchais Don Carlos ! Léonore le demande. J'appréhende Qu'il n'ait suivi Don Sanche, et que se rencontrant, La mort de l'un des deux vide leurs différents. Me fier un secret ! Vous dont la défiance M'a tantôt outragée avecque tant d'aigreur ? De son frère une Soeur n'est jamais satisfaite, Quand d'injustes soupçons contre elle il s'inquiète ; Mais sachons ce secret. À Carlos ? Hé bien, il le faut faire. Je vous obéirai. Quel destin est le nôtre ? Don Sanche fut toujours mon espoir, et mon bien ; Il possède mon coeur, je possède le sien, Et par une funeste et bizarre aventure, Par une loi d'honneur ; mais des lois la plus dure, Il faut que ce soit moi, moi qui n'aime que lui, Qui traite son Hymen, mais hélas pour autrui. Ainsi je hâterai l'heure de mon supplice ; Ainsi contre moi-même il faut donc que j'agisse, Et qu'ayant tous les jours à cacher mes ennuis, J'aie à passer en pleurs mes solitaires nuits ; Mais devant que donner à ce penser funeste Les malheureux moments que ma vie a de reste, Voyons Don Sanche encore, et tâchons de savoir Quelle part en son coeur je puis encore avoir, Et pour peu que l'ingrat en son devoir hésite, La mort aux malheureux n'est jamais interdite : Ce remède assuré des maux qui n'en ont pas, Ne peut intimider que des courages bas. Marine à moi. Aimable Léonore ? Avez-vous nom Marine, et servez-vous encore ? Je n'exige de vous que d'être mon amie. Tu seras bien plutôt ma mortelle ennemie. Je veux faire pour vous encore davantage. Un heureux mariage. Au défaut de Carlos, vous aurez son rival. Et ne l'aimez-vous pas ? N'en dites plus de mal, puisque mon coeur l'adore. Tais-toi donc. Pourquoi non, puisqu'il a pu te plaire ? Mais ne songez-vous pas que par cet Hyménée... Vous savez le péril qu'il a couru pour vous Lorsque dans votre chambre il reçut tant de coups ? Vous voyez comme il suit ses amoureux desseins, Ici comme à Madrid. Songez-y Léonore. Et devant une Dame, chez un Cavalier, Téméraire vieillard, faut-il tant s'oublier ! Savez-vous qui je suis ? Savez-vous où vous êtes ? Et jusqu'où peut aller l'action que vous faites ? Et que vous retient-on ? Un homme de cet âge aime aussi Léonore ; Et Don Sanche, et Carlos ont ce rival encore ? Ha mon frère ? Approchez, et nous venez défendre, Ce colère vieillard qu'on ne peut apaiser, Ne veut pas moins chez vous que les portes briser. Don Sanche va venir. Vous n'avez plus à craindre aimable Léonore ; Et vous pouvez sortir. Ils s'en viennent d'aller, Vous avez eu grand'peur. Vous pourriez aisément adoucir son esprit Par cet heureux Hymen que je vous avait dit. Venez-vous dans ma chambre ? Vous êtes étonné, Du lieu de rendez-vous que je vous ai donné, Et choisir pour vous voir la chambre de mon frère, C'est vous donnez soupçon de quelque grand mystère : Vous y voir sans témoins, vous trouble également ; Mais j'attends compagnie en mon appartement, Où vous ne devez pas être vu de personne. Vous y pouviez venir : quoique mal avec moi. Alors que vous aimiez, ou feigniez d'aimer Flore, Et que dans son esprit vous étiez bien encore, Son abord quelquefois vous fut à redouter ; Mais vous ne devez plus vous en inquiéter. Quand on cesse d'aimer, on en est plus civile ; Au défaut de l'amour je veux vous être utile, Et par quelque bienfait, je me veux retenir Quelque petite place en votre souvenir. La belle Léonore une adorable fille, Des meilleures maisons de toute la Castille, Est aujourd'hui sans bien, sans honneur, sans Époux, Sans Pays, sans Partent, et tout cela pour vous. Vous devez l'épouser. Quand à vous épouser, vous m'en dispenserez. Don Sanche, vous rêvez, et paraissez confus. Vous tairez-vous Don Sanche, et voulez-vous m'entendre ? Il faut vous contenter, Don Sanche ! Vous pensez Que je ne songe plus à vos crimes passés : Vous vous trompez Don Sanche, une fois offensée, La mémoire à jamais en reste à ma pensée. Léonore vous aime, et vous l'aimez aussi, Elle a tout fait pour vous, et son père est ici, Songez combien de sang vous perdîtes pour elle, Les tourments endurés dans les fers de la belle ; Faites servir Don Sanche à votre utilité, Et la perte du sang, et de la liberté. À moins que d'épouser cette charmante fille, Craignez l'inimitié de plus d'une famille ; Mille fiers ennemis vous suivront en tous lieux : Et vous êtes perdu : puis-je m'expliquer mieux ? Je sais de vos amours le triste événement ; Mais ingrat, puisqu'il faut qu'on vous le dise encore, Sous ombre de me voir, vous vîtes Éléonore, Vous l'avez dit vous-même. Enfin, il faut finir qu'avez-vous résolu ? Que d'étranges malheurs vous êtes menacé ! Ne suivez plus un bien qui ne se peut atteindre, Songez aux ennemis que vous aurez à craindre. Elle, moi, Don Carlos, Don Pedre, Don Louis. Le péril n'est pas grand du côté de mon frère ; Mais je ne réponds pas de la fureur d'un père. Par bonheur cette Chambre est ouverte ; entrez-y. Et sans perdre de temps : Mais qui la ferme ainsi ? Que dites-vous, Don Sanche ? M'osez-vous condamner avant que de m'entendre ? Si je sais quel il est ; Si vous pouvez prouver que j'y prenne intérêt. Don Sanche regardez ce que vous allez faire. Je n'oublierai jamais vos paroles hardies. Hé bien ! Il le faut voir, et je l'ai résolu Celui que vous avez ou croyez avoir vu ; Mais pour votre malheur, si je suis innocente, Ni les soumissions d'une âme repentante, Ni tout ce qui fait croire une immuable foi, Ne vous pourrait jamais remettre avecque moi, Vous vous repentirez de m'avoir soupçonnée. Pourquoi donc insolent n'enfoncez-vous la porte ? Qui que ce soit, qu'il sorte. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_DONLOUIS *date_1657 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_donlouis Je viens vous quereller. Pour vous être logé dans cette hôtellerie. Et ne pouviez-vous pas me faire un plus grand tort, Qu'en ne descendant pas en ma maison d'abord. Jour et nuit à toute heure, Vous avez dû chez moi choisir votre demeure ; Qui vous mène à Valence ? Si tout ce que je puis, et ce que je possède, Peut soulager vos maux, ou leur donner remède, Je vous offre mon bras, mon crédit et mon bien. L'aventure est étrange. Je vous offre ma bourse. Mais chez moi mon Cousin qui la viendra chercher ? Ou bien pour ma parente, Ou ma soeur la tiendrait au lieu d'une suivante. Rien n'est plus à propos que ce déguisement. Votre beauté Madame est un témoin puissant, Pour me persuader votre amour innocent. Chez moi ne doutez pas que l'on ne vous respecte Autant qu'on le pourra, sans vous rendre suspecte. Ma soeur est sans suivante, et quand elle en aurait, Pour vous prendre avec elle, elle s'en déferait. J'ai songé qu'il faudra que vous portiez vous-même Un billet que j'aurai d'une Dame que j'aime. Ce billet ne sera que pour dire à ma soeur, Que vous êtes adroite, et fort fille d'honneur. Qu'elle répond de vous, et qu'en cette occurrence, Elle prétend lui faire un présent d'importance. Votre condition ainsi se cache mieux À l'esprit des valets toujours trop curieux. Je m'en vais de ce pas la supplier d'écrire, Et ce billet écrit je reviens vous le lire. Je viens vous faire part du plaisir que je sens. Ce Cousin que j'aimai dès mes plus jeunes ans, Don Carlos de Roxas arrivé de Castille Est notre hôte aujourd'hui, d'où vous vient cette fille ? Oui ma soeur, et très grand ; L'aimant comme je fais, l'obliger c'est me plaire, De grâce efforcez-vous de faire bonne chère, À l'aimable parent qui nous est venu voir. Et moi vous l'amener. Vous nous quittez sitôt ? Puis-je vous obliger d'attendre un jour ou deux ? Je ne vous ferais pas une telle prière, Et ne vous romprais pas un voyage arrêté, Sans avoir pour excuse une nécessité. Une jeune soeur n'est pas au soin d'un frère, Un tranquille travail, une charge légère. La mienne a de l'esprit, est sage, aime l'honneur ; Mais rien n'est si changeant aux filles que l'humeur ; Et quand ses actions feraient médire d'elle, J'en saurais des derniers la fâcheuse nouvelle. Hier quand je vous eus mis dans votre appartement, Afin qu'en mon logis vous fussiez sûrement, Je vis fermer ma porte, et contre l'ordinaire, Je voulus de mes clefs être dépositaire. À peine me laissai-je assoupir au sommeil, Quand un bruit surprenant qui causa mon réveil, Me fit sortir du lit, et courre à la fenêtre, Curieux de savoir ce que ce pouvait être. Je vis de mon Balcon deux hommes descendants, Et fermer le Balcon par quelqu'un de dedans. Soit larcin, soit amour, l'un et l'autre m'oblige, À craindre un mal qui croît pour peu qu'on le néglige : J'en suis en des soupçons que je n'ose avérer, Le bruit que j'en ferais peut le mal empirer ; Ce peut-être aussitôt ma soeur qu'une servante, Et je pourrais m'en prendre à la plus innocente. Vous voyez mon Cousin, quel, accident fâcheux, Me fait avoir besoin d'un ami généreux : Je crois l'avoir en vous qui m'aimez et que j'aime, Comme un très cher parent, comme un autre moi-même ; Et qui caché chez moi, sans qu'on en sache rien, Verra de ma famille, et le mal et le bien ; Y veillera pour moi, tandis que mon absence, Pour de pareils desseins donne toute licence. Afin de mieux cacher cet important secret, De votre prompt départ, je feindrai du regret, Et ferai vos adieux à votre Léonore. Par bonheur tout le monde est dans le lit encore, Et hors votre valet. La feinte ira donc bien. Caché dans cette chambre, où j'enferme mes livres, Où seul j'aurai le soin de vous porter des vivres, Et dont seul j'ai la clef, vous pourrez aisément Découvrir les auteurs de ce dérèglement. Je rougis de l'emploi qu'il faut que je vous donne. Elle est encore au lit... Qui lui peut avoir dit ? Alors que l'on saura le sujet qui l'amène, Il sera temps assez de vous en mettre en peine : Mais le voici déjà, cachez-vous mon cousin, Ce Castillan paraît un vieillard fort mutin. C'est ainsi que l'on me nomme. Oui, Monsieur. Il a sur moi toute puissance. On a enlevé la fille de Don Pedre de Lara. Le ravisseur est dans Valence ; je vous prie de croire qu'en servant Don Pedre, qui est mon Parent et mon Ami ; vous obligerez. Le Duc d'Alve. Vous avez entendu ce que le Duc m'écrit. Il a pu vous offrir le bras, et le crédit D'un homme qui lui doit encore davantage ; Mais il faut que je sache avant que je m'engage, Quel est ce Cavalier à qui vous en voulez. Je ne manquai jamais à ce que j'ai promis : Mais je ne promets rien qui blesse mes amis. Non, mais j'ai seulement celui de le connaître ! J'en ferai donc le mien. Ce rival inconnu peut l'avoir comme lui. C'est encore en juger sur la seule apparence. Je fais ce que je dois. Il ne peut m'échapper. Vous le verrez ma Soeur. J'y suis avec sujet : laissez-moi seul ici. Mais il le faut ainsi. C'est moi mon cher Cousin, laissez ouvrir la porte. Qu'avez-vous découvert ? Enfin j'ai fait en sorte, Que les gens du balcon seront pris sur l fait, Si du balcon en bas ils ne font le trajet. Votre valet prend garde à la porte fermée, Ma famille s'en trouble, et paraît alarmée. Si je puis découvrir que quelqu'un de chez moi Ait eu la moindre part... mais qu'est-ce que je vois ? C'est donc pour Léonore que Don Sanche est ici ? Au moins ma soeur n'est pas envers moi criminelle. Oui, Don Sanche, où ton sang me doit faire raison. C'est me manquer chez moi de respect, et d'estime, Qu'y faire le galant lorsque je n'y suis pas : Pour une moindre offense on donne le trépas ; Mais fut-elle excusable, il faut savoir encore Si tu ne me mens point : dit-il vrai, Léonore ? Une difficulté reste encore à lever : Est-ce la seule fois qu'en amant téméraire Tu t'es caché chez moi ? Tu sautas dans la rue ? Ta mort est résolue : Défends-toi si tu peux. Mon Cousin, laissez-moi punir son insolence. Fabrice entre et veut frapper Don Sanche. Point de quartier, main basse. Don Carlos n'est pas seul à menacer ta vie. Insolent ! Souviens-toi qu'on te traite en poltron. Le lâche éprouvera la valeur de mon bras. On voit dans ses discours sa criminelle flamme. Elle tombe, hé prenez-la ma soeur. Marine ? Et pour elle, et pour vous, y prenant intérêt, Je vais voir chez ma soeur en quel état elle est. Oui, mais d'une manière, Que je la plaindrais moins de perdre la lumière. Elle a repris ses sens, et non pas sa raison, Et m'a si fort paru de ses ennuis troublée, Et si sourde aux discours qui l'auraient consolée, Qu'en son esprit qu'accable un chagrin triste, et noir, Je crains les accidents d'un cruel désespoir. De peur qu'elle ne soit à soi-même cruelle, Et ma Soeur, et Marine auront les yeux sur elle : Et vous, puisque son mal vient de votre rigueur, Traitez-la désormais avec plus de douceur. Mon coeur, comme le vôtre à l'amour tributaire, Croit un homme amoureux capable de tout faire, Mais je ne comprends pas, qu'étant bien amoureux, On veuille à ses dépens rendre un rival heureux. Ce généreux dessein que votre amour a pris, M'a donné de la joie, et ne m'a pas surpris. La plus facile affaire Cesse bientôt de l'être en la pressant trop fort. Il ne faut pas aller à Don Sanche d'abord. Tout homme ayant du coeur fait-il la moindre chose De ce qu'un Adversaire, un rival lui propose ? Bien loin d'y consentir, il s'en offenserait, Quand bien sa passion par là se flatterait. Mais qui verra Don Sanche ? C'est pour rompre l'affaire, Et ce futur Beau-père, et ce futur Époux Sont ensemble aussi mal qu'ils le sont avec vous. Ni Don Pedre, ni vous ne devez pas paraître, Où quelqu'un moins suspect réussira peut-être. Ma Soeur connaît Don Sanche ; elle le peut mander, Lui proposer la chose, et le persuader : Outre que son esprit sans doute en est capable, Un tel emploi me semble à son sexe sortable : Et de plus Léonore chez elle, et ce qu'elle est, L'oblige à la servir par son propre intérêt : Rentrez donc dans ma chambre. Le rival ou le père Pourraient vous quereller, s'ils vous trouvaient ici. Je venais comme vous le chercher. Je veux les observer craignant la même chose ; Mais de leurs différents puis que l'on sait la cause, Il vous est fort aisé de les accommoder. Pour peu que vous vouliez mes efforts seconder ; Je vous vais donc fier un secret d'importance. N'aimant rien tant que vous, si ce n'est mon honneur, Et l'honneur d'une Soeur est avec celui d'un frère, Je crois n'avoir rien fait que je ne dusse faire ; Et votre esprit possible en serait satisfait, S'il savait les motifs de tout ce que j'ai fait. Quand Don Sanche et Carlos, Seraient moins Ennemis, ne seraient point rivaux ; Quand je n'aimerais pas Carlos plus que ma vie, Carlos à qui le sang, et l'amitié me lie, Don Sanche est envers nous à tel point criminel, Que je serais toujours son ennemi mortel. La querelle jamais n'en sera terminée, Si l'un deux préféré par cette infortunée, Et lui rendant l'honneur devenu son Époux, L'autre ne soit par là satisfait comme nous. Agissez donc ma Soeur, de toute votre adresse, Calmez un différend où Carlos s'intéresse ; D'où peut naître un combat fatal à sa valeur, Et pour nous un sujet d'éternelle douleur. Encor que Léonore aujourd'hui reconnue, Se tire du bas rang où nous l'avons tenue : Elle est chez nous encore, et c'est encore assez, Pour être avec Carlos de Don Sanche offensés, Parlez donc. Non, à son adversaire, À l'insolent Don Sanche. Figurez-lui les maux dont il est menacé, De son rival Carlos qui l'a déjà blessé ! De moi son ennemi ; du père de la fille ; Parent et fort aimé des plus grands de Castille ; Qu'il trouve en cette fille, outre sa sûreté, De l'honneur, des Amis, du bien, de la beauté. Adieu, mandez Don Sanche, et je vais chercher l'autre. Tout beau ma soeur, parlez avec moins de colère : Maître absolu chez moi, Don Pedre y peut tout faire. La sachant dans ces lieux de votre bouche même, De la chercher partout, j'ai pris un soin extrême : Enfin je l'ai trouvée, et l'amenant chez moi, Je crois m'être acquitté de ce que je vous dois ; Elle est avec ma soeur, et ne peut pas mieux être : Lorsque je vous verrai de vous-même le Maître Capable d'arrêter un premier mouvement, Je vous la ferai voir ; mais non pas autrement. On peut vous rendre aussi ce service important ; Mais j'ai peur de manquer un homme qui m'attend, Et qui me peut servir à vous tirer de peine. C'est pourquoi je l'emmène. Allons Monsieur. Hé bon Dieu ! Que n'est-il enfermé ? Don Pedre, suspendez votre colère encore, Vous serez satisfait, Don Sanche, as-tu vu Flore ? Et dis-moi, t'a-t-elle proposé Le moyen le plus sûr comme le plus aisé, De contenter Don Pedre, et d'apaiser ta flamme ? Don Pedre vengeons donc notre offense commune. Vous prenez son parti ? Mais de tous vos soupçons que voulez-vous qu'on croie ? Il ne plaît pas au Ciel j'en dise de même ; Mais je veux que Don Sanche. J'approuve, et je souhaite un parti qui l'honore. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_FABRICE *date_1657 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_fabrice Il vient dans un moment. Elle est dans son appartement. Monsieur, votre Cousin Vous vient voir. Le voici. Vous dire une nouvelle Qui déplaît à Fabrice, et qui vous déplaira. Don Pedre de Lara, Père de Léonore, est en bas qui demande Le Seigneur Don Louis. J'y vais ; mais quelqu'un vient, cachez-vous. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_CARDILLE *date_1657 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_cardille Oui, le fier Don Louis, et sa bizarrerie, Vient d'entrer à l'instant dans cette hôtellerie : Mais pourquoi n'osez-vous entrer en sa maison ? Vous ne pouviez jamais mieux placer votre coeur : Mais l'aimez-vous encore ? C'est fort bien fait à vous : et celle de Madrid, Chez qui certain rival fantasque vous surprit, Et vous perça de coups, mais vous perça de sorte, Que votre Altesse en fut quinze jours demi-morte ? La beauté donc pour qui le très illustre sang De mon très cher patron rougit son linge blanc : Et pour qui de son coeur Flore se vit chassée, N'est plus rien dans ce coeur qu'une idole cassée ? Il lui jurait pourtant ; car il est grand jureur ; Qu'elle serait toujours la Reine de son coeur : De même qu'aujourd'hui le drôle fait à Flore ; Il lui disait pourtant ; Ô beauté que j'adore ; Beauté de qui dépend ma vie et mon trépas, Et cent autres beaux mots que je ne redis pas. Ma foi tyran des coeurs, Monseigneur, et mon Maître À parler franchement, vous êtes un grand traître. Oui, ce fut en passant, et vous passâtes même De Madrid jusqu'ici d'une vitesse extrême D'y rencontrer encor quelque rude frappeur. Quelque gloire qu'apporte une belle entreprise S'y faire assassiner, c'est faire une sottise ; Et pour moi j'aime mieux n'être qu'un homme obscur Que de n'avoir plus rien à prétendre au futur. La sotte ambition d'enflammer quelques folles, Qui le seraient assez pour croire en mes paroles, Ne me mettra jamais en cette extrémité, De perdre tout mon sang, où vous avez été. J'ai pourtant tout écrit. Je vous dis que je me sais bien taire Quand il en est besoin. Si Flore qui sait tout, allait pour mon malheur, Par malice, ou sottise éventer son auteur ? Je fais un soliloque. Oui, Seigneur ; mais de grâce encor. Si par hasard, Comme l'on sait toujours les choses tôt ou tard, Flore allait découvrir votre amour clandestine ; Mais je ne dis plus rien, voici venir Marine. Ô quel tison d'enfer ! Elle fille ? Elle l'est, tout comme je la suis. Dites donc si je puis. Il me le semble. Qui ne le deviendrais étant toujours ensemble ? Vous savez mon défaut. Et si je ne parlais, que je mourrais bientôt. Songez à vous Seigneur. Don Louis, qui fait tant du père de famille, M'a vu ; monte après moi de fort mauvaise humeur. Il nous tient pour ce coup. J'en suis pour plus d'un membre ; Que ne suis-je dehors pour cent coup de bâton ! Et moi je vous enferme, adieu race mauvaise. Grand signe des attraits dont vous êtes pourvu. Oui, Seigneur et bien fort. Elle-même, ou je meure. Oui Flore, et tout à l'heure. Oui sans le redouter. Je me tais. Je ne sais. Pleurons donc. Elle est sans jugement ; C'est une... Et que m'importe ? Ce frère ingénieux à surprendre le monde, En qui de l'Univers toute la bile abonde, Vient avec Don Pedre qui lui sert de recors C'est à vous à songer au salut de nos Corps. Ah pour lui, C'est le plus ponctuel des frères d'aujourd'hui, Et de plus cachez-vous mille fois, que je meure, S'il ne vous va trouver mille en une heure. Je pare, et tout d'un temps faisant feinte à la vue, Je lâche le pied droit, et donne une venue. Et grand'folle, dis moi, ne nous battons nous pas ? Lorsque j'ai dégainé, je fais le diable à quatre, Ces rivaux m'ont rendu de si mauvaise humeur, Qu'il faut absolument que je fasse rumeur, Si nous n'allons tous deux conjoints pour l'hyménée Grossir de ces amants la troupe fortunée. **** *creator_scarron *book_scarron_fausseapparence *style_verse *genre_comedy *dist1_scarron_verse_comedy_fausseapparence *dist2_scarron_verse_comedy *id_MARINE *date_1657 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_marine Oui prête à vous servir, comme elle fut toujours, Pourvu que vous soyez constant dans vos amours ; Mais que désirez-vous de votre humble soumise ? Attendez un moment. Je n'ai rien plus à coeur que servir un amant. Il faut attendre encore : Si vous m'en demandez la raison, je l'ignore, Entrez dans cette chambre, et quand je le pourrai À l'objet de vos voeux, je vous présenterai. Je vous enferme ainsi pour éviter son frère, Qui d'elle étant jaloux, et ne vous aimant guère, S'il allait vous trouver, ferait quelque rumeur. Ma Maîtresse est pour lui terriblement changée, À son nom seulement elle a fait l'enragée, Sans doute elle aura su que Don Sanche à la Cour Pour n'être pas oisif a fait un peu l'amour : Mais la voici. Et s'il vient pour vous voir ? Madame pourriez-vous le punir de la sorte ? Et si c'est lui Madame ? Je le renverrai donc. Non, Madame. Béatrix, Dont depuis si longtemps votre frère est épris, Sachant que depuis peu vous êtes sans soubrette, Vous en renvoie une autre assez propre et bien faite. Le fera-t-on entrer ? Entrez Mademoiselle. Madame un mot tout bas. Don Sanche est ici. Si sont-ils dès tantôt le valet, et le Maître Dans la chambre voisine. Il ne sait rien encor. La soubrette en sortant a fait une grimace, Je la trouve rêveuse, et je me trompe bien, Ou son cher petit coeur aime si peu que rien, Mais laissons le brûler, ce n'est pas notre affaire. Avec nos deux amants qu'avons-nous donc à faire ? Je ne sais, ma Maîtresse a l'esprit bien aigri, Et d'ailleurs son amant m'a le coeur attendri, Sortez monsieur, sortez. Peut-être. Oui ma foi, le pauvret n'a qu'à se bien tenir. Mais je sais qu'en amour la plus grande querelle Au lieu de diviser réunit de plus belle. C'est jeter un peu d'eau dans un brasier ardent. Tout est perdu. L'on frappe, et je soupçonne Que c'est pour nos péchés votre frère en personne. Où les cachera-t-on ? Dans le balcon. Et si l'on veut l'ouvrir, la clef sera perdue ; En tout cas, ils n'auront qu'à sauter dans la rue. Il paraît tout contrit. Moi. Vous l'avez dit, Madame ! Mais c'est pour vous ôter du trouble où je vous vois, Pourvu que vous vouliez vous en remettre à moi. Il faudra qu'on se fâche, et que l'on me querelle, Quand je ramènerai votre esclave infidèle, Et je ferai par là une pierre trois coups : Je raccommoderai le coupable avec vous : Vous ne laisserez pas de bien faire la fière, Et de vous conserver dans votre humeur altière. Don Sanche me devra son raccommodement, Et m'en régalera, s'il a du jugement. L'un et l'autre est aisé, si vous m'en voulez croire. À propos, votre frère au bas de l'escalier, Conteste pour l'entrée avec son Cavalier : Quand ils se seront fait de grandes révérences, Force civilités, et force déférences, Don Louis vous viendra présenter son Cousin, De qui vous entendrez quelque compliment fin. Tandis que ce Cousin radouci de visage, Vous rendra ses respects en sublime langage ; Don Sanche peut sortir ; mais d'un autre côté, Je me viens d'aviser d'une difficulté, Votre frère inquiet autant qu'homme du monde, Quand il donne à manger sur sa grand' table ronde, Et que son ordinaire est un peu rehaussé, Va, vient, monte, descend, et fait fort l'empressé. Quand il ira cent fois visiter sa cuisine, S'il allait rencontrer, et Don Sanche, et Marine, Indubitablement, il les rouerait de coups, Et ses coups pourraient bien s'étendre jusqu'à vous. Laissons-le donc encore avecque son Cardille Contempler à loisir le balcon, et sa grille, Jusqu'à tant que la nuit de couleur de charbon, Déité favorable à tous gens de balcon, Inspire le sommeil à tout notre hémisphère, Et l'inspire surtout à Monsieur votre frère : Lors j'irai sûrement les désembalconner. Madame. Elle n'en fera rien. Il soupire en ma chambre, il lamente, Il meurt en attendant que je vous le présente. Vous l'aller voir tremblant. En bonne foi, Il s'est comme un lion, un tigre sanguinaire. Poussé jusques ici, quoi que je pusse faire. Un homme plein d'amour est pire qu'enragé, Prend tout sans demander, entre et sort sans congé. Ne perdons point de temps : entrez dans cette Chambre. Cache-toi promptement, impertinent Bouffon ! La prudente soubrette a parlé comme un Ange. Ah vous êtes étrange ! Je n'aurais pu moi-même aussi bien controuver. Arrête malheureux. C'en est fait. Elle respire encore Ce Cavalier grison, Veut-il à coups de pied démolir la maison ? Marine, et d'où vient donc ce bruit épouvantable ? De ce vieillard qui fait une rumeur de diable. Tant d'amants à la fois ne se gardent pas bien, Et qui veut tout avoir, le plus souvent n'a rien. Et contre qui, grand fou, te sers-tu de ton bras ? Non grand fou, mais ma foi l'on te devrait bien battre, Ma foi, cher Cardillon, si nous étions conjoints, Tu maudirais souvent mes ongles, et mes poings.