**** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_BELLEOMBRE *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_belleombre Je meure s'il n'est vrai que tout ce qui reluit n'est pas or : et que les belles apparences sont le plus souvent trompeuses, avant qu'avoir goûté la forme de vie que je mène, je me l'imaginais la plus agréable de toutes : et je croyais indubitablement la comédie aussi plaisante à faire, qu'à voir : mais l'expérience m'a contraint de changer d'opinion : et certes il faudrait que j'eusse le goût bien malade, pour ne savoir pas faire la différence de ces deux choses, puisque l'une commence, continue, et finit avec plaisir, et que l'autre au contraire, est suivie de mille incommodités. Ce n'est pas que la qualité que nous avons de bourgeois de l'univers, ou de Citoyens du Monde, ne soit capable de contenter l'esprit d'un jeune homme, par les diversités qu'elle présente à la curiosité, comme à sa vue, mais ce peu de douceur est mêlé de tant d'amertume, et ces roses accompagnées de tant d'épines, qu'il est impossible de prendre l'une sans dégoût, ni de toucher aux autres sans piqûre. Quoi que le personnage que je joue à cette porte, ne soit pas le plus honorable, il est pourtant le plus utile, et comme il fait la part à mes compagnons, je n'ai pas la mémoire si mauvaise, que j'oublie à faire la mienne bonne ; mais le malheur est, que mon industrie ne trouve point où agir pleinement, à cause de l'humeur de ces habitants, plus froide que la saison où nous sommes, de sorte que si ce désordre continue, BELLE OMBRE, je pense que le meilleur sera de nous y tenir, c'est à dire, d'aller revoir les clochers de notre ville, et demeurer à la maison clos et couvert de peur du hâle. Mais voici notre tambour et notre Arlequin revenus, et je pense puisque je ne vois venir personne, que le bruit qu'ils ont fait par les rues, n'aura pas été plus persuasif, que les menteries de l'affiche. La repartie n'est pas mauvaise, mais elle me semble un peu bien libre pour une femme. Si nous repaissons de cette espérance seule, nous avons la mine de ne souper que de vent. Je crois que toute la ville est en dévotion aujourd'hui, et qu'on leur a ordonné pour se mortifier, de ne venir point à la comédie : enfin la patience m'échappe ; mais silence, voici un oiseau qui a la mine de se venir jeter dans nos filets peut-être comme les canards, les autres feront le même à son exemple. Huit sols. Oui Monsieur, on s'y en va; toute la compagnie est dans un jeu de Paume voisin, et comme elle viendra tout à coup entrez, et retenez place de bonne heure. Mon oncle je vous demande pardon, encore que j'ai peine à croire, que ce que je fais soit une faute. Ha mon oncle, Dieu me damne si je le suis. Mais mon oncle, est-on blâmable pour être comédien ? Très humble serviteur mon oncle. Jamais je ne me trouvai si empêché de ma contenance ; mais puisque je ne fais plus rien ici, allons rejoindre nos messieurs, et leur rendre compte de mon aventure. **** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_ARLEQUIN *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_arlequin Nous pouvons bien bander notre caisse, et notre tambour débander la sienne : car désormais je ne vois point d'apparence que nous fassions rien ici, il n'est grande ni petite rue, que nous n'ayons visitée quatre fois, avec plus de soin, que si nous eussions eu ordre du Magistrat de faire la patrouille : mais le tout inutilement, et puissai-je ne souper d'aujourd'hui, à voir le peu d'émotion que ma présence leur apporte, si l'on ne dirait que je suis bourgeois comme eux, ou qu'ils font tous arlequins comme moi. Il n'est pas jusqu'aux petits enfants, qui ne soient fols à force d'être sages, et je puis dire sans vanité, que jamais homme de ma condition ne se vit si mal accompagné, j'ai même plus fait que ne porte ma commission, car ce que les affiches leur montrent par les yeux, j'ai tâché de le leur apprendre par les oreilles, et cette ville n'a point de carrefour, où je n'ai fait le crieur public ; mais je pense qu'ils ont tous voyagé en Egypte, et que le bruit des cataractes du Nil, leur a dérobé l'ouïe. Oui ; et plus véritable à mon grand regret, que celle de Pline, qui rapporte ce que je viens de dire : car il est indubitable, que nous ne gagnerons rien ici. **** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_BELLEFLEUR *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_bellefleur Ha, ha, te voilà sur l'histoire, à ce que j'entends. Je meure si elle n'habille ses raisons de bonne grâce ; et bien que cinq heures aient sonné, depuis qu'elle parle, je m'étais résolu de ne l'interrompre point ; mais puisqu'une femme a pu s'imposer silence elle-même, faisons en autant, et, rentrons ; et bien que nous ayons accoutumé ailleurs d'avoir achevé à cette heure, ne laisse pas Belle-Ombre, de te tenir encore quelque temps à la porte ; car peut-être, ce que nous jugeons stupidité, ne se trouvera que paresse, et le bien ne vient jamais tard, quand il arrive. Toutes celles de feu Hardy. **** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_BELLEEPINE *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_belleepine Voilà les plus mauvaises nouvelles que tu nous pouvais apprendre : il est vrai qu'elles ne me surprennent point, car je les avais bien prévues. Vous pouvez tout sur notre obéissance. C'est à vous d'ordonner tout ce qui vous plaira dans la Troupe : mais craignant de vous apporter de l'importunité, nous allons vous donner le bonsoir. **** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_BEAUSEJOUR *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_beausejour Voici un de ces prophètes, qui prédisent les choses arrivées : et Tiercelet de Nostradamus, si vous prévoyez le malheur de la troupe que ne l'en avertissiez vous ? Ce que vous nous venez de dire, est l'idée de la perfection, qui ne se trouve point aux hommes : mais si j'ose bien assurer que notre troupe n'en est pas tant éloignée ; et comme vous savez parfaitement faire le discernement des bonnes et des mauvaises choses, si vous nous aviez vu représenter, peut-être seriez vous de mon avis. **** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_BEAUSOLEIL *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_beausoleil Voilà à mon avis, le plus grand nombre de tes humanités, et de tes fleurs de rhétorique étalé, et pour peu qu'on te pressât encore, tu serais contraint de recourir, à l'éloquence de ton pays, c'est à dire aux phrases périgourdines. Nous avons encor tout ce jeu imprimé, La Pyrame de Théophile, poème, qui n'est mauvais qu'en ce qu'il a été trop bon : car excepté ceux qui n'ont point de mémoire, il ne se trouve personne qui ne le sache par coeur, de sorte que ses raretés, empêchent qu'il ne soit rare. Nous avons aussi la Sylvie, la Chriseïde, et la Sylvanire, Les Folies de Cardenio, L'infidèle Confidente, et la Philis de Scire, les Bergeries de Monsieur de Racan , Ligdamon, le Trompeur Puni, Mélite, Clitandre, la Veuve, la Bague de l'oubli, et tout ce qu'ont mis en lumière les plus beaux esprits du temps, mais pour maintenant, il suffira que nous vous fassions ouïr une Églogue Pastorale à l'auteur du Trompeur puni, nous l'avons apprise parce qu'elle est bonne, et sans dessein de nous en servir au théâtre, pour lequel elle n'a pas été composée : prenez la peine de l'entendre. Monsieur, nous acceptons cet honneur avecques joie, et nous en reconnaissons indignes. Oui, Monsieur, il nous reste une TRAGI-COMÉDIE PASTORALE, intitulée, L'AMOUR CACHÉ PAR L'AMOUR. Monsieur nous sommes vos très-humbles serviteurs. **** *creator_scudery *book_scudery_comediedescomediens *style_prose *genre_comedy *dist1_scudery_prose_comedy_comediedescomediens *dist2_scudery_prose_comedy *id_MONSIEURDEBLANDIMARE *date_1634 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_monsieurdeblandimare Non, je ne ferai rien ; tenez, reprenez vos habits : je ne veux point être fou par compagnie : et je ne saurais me résoudre à tromper tant d'honnêtes gens, comme je vois qu'il y en a ici.Je ne sais ( Messieurs ) quelle extravagance est aujourd'hui celle de mes Compagnons, mais elle est bien si grande, que je suis forcé de croire, que quelque charme leur dérobe la raison, et le pire que j'y vois, c'est, qu'ils tâchent de me la faire perdre, et à vous autres aussi.Ils veulent me persuader que je ne suis point sur un théâtre ; ils disent que c'est ici la ville de Lyon, que voilà une hôtellerie ; et que voici un jeu de paume, où des Comédiens qui ne sont point nous, et lesquels nous sommes pourtant, représentent une Pastorale, ces insensés ont tous pris des noms de guerre, et pensent vous être inconnus, en s'appelant, Belle-Ombre, Beau-Soleil, Beau-Séjour, et d'autres encore tous semblables ; ils veulent que vous croyez être au bord du Rhône, et non pas à celui de la Seine ; et sans partir de Paris, ils prétendent vous faire passer pour des habitants de Lyon : à moi-même ces Messieurs des petites Maisons, me veulent persuader que la métempsychose est vraie, et que par conséquent Pythagore était un évangéliste car ils disent que je suis un certain monsieur de Blandimare, bien que je m'appelle véritablement Mondory, et voyez s'ils ont le sens bien égaré, ils doivent faire passer ici un tambour et un arlequin, comme le pratiquent les petites troupes dedans, les petites villes ; n'est-ce pas se faire tort, et vous offenser aussi ?Mais ce n'est point encore tout, leur folie va bien plus avant, car la pièce qu'ils représentent, ne saurait durer qu'une heure et demie, mais ces insensés assurent, qu'elle en dure vingt et quatre et ces esprits déréglés, appellent cela suivre les règles, mais s'ils étaient véritables, vous devriez envoyer quérir à dîner, à souper, et des lits ; jugez si vous ne seriez pas couchés bien chaudement, de dormir dans un jeu de Paume : enfin leur manie m'oblige à faire un voyage a Saint-Mathurin pour eux, où je m'en vais et cependant (Messieurs) ne les croyez pas, quoiqu'ils puissent dire ; car je meure s'il y aura rien de véritable : mais il est bien tard pour partir et le Soleil s'abaisse fort, de sorte que puisque je suis contraint de remettre mon voyage à demain, il faut nécessairement que je m'accommode pour aujourd'hui, à l'humeur de ces Passerellis ; car elle se peut vaincre par la douceur, et s'irrite par la résistance : et de peur de les mettre en mauvaise, ne dites mot je vous supplie : parce qu'étant mélancoliques, ils sont amateurs du silence. Il faut avouer, que la jeunesse et la prudence, ne se trouvent que bien rarement ensemble, comme en cet âge bouillant, le corps est rempli de force, l'esprit l'est d'inconsidération. On n'a pour but que les délices, sans songer à l'utile ni à l'honnête : et flattant la folie de ses pensées, on croit que tout ce qui plaît est permis. J'ai tiré la preuve de ce que je dis, dans notre famille même, car feu mon frère d'Ollinville que vous connaissiez, mon hôte, n'a laissé qu'un fils à sa mort, héritier de tous ses biens, et des miens encore, puisque je ne marierai jamais qui suivant les caprices qui l'emportent loin de la raison, a déjà fait mille saillies. Les Lettres où nous le destinions, lui ont semblé une occupation trop basse, et trop endormie, pour sa vivacité, il a voulu porter les armes, et le faisant, a couru toute l'Europe : et certes comme ce métier n'était pas indigne de sa naissance, nous supportions son erreur, mais lorsque nous pensions qu'il dût faire sa retraite, il est reparti de nouveau, sans que nous ayons pu découvrir sa route, et mon frère m'ayant supplié en mourant, d'avoir foin d'en faire la recherche, il n'est forme de vie où la débauche puisse réduire un jeune homme, dans laquelle je n'ai tâché de le rencontrer : mais tout inutilement, de sorte qu'ennuyé d'un si long voyage, enfin me voici dans Lyon, mais si las, qu'il ne m'est pas possible d'en partir de deux ou trois jours, pour revoir après notre ville, la plus belle du monde, Paris. Quoi que je n'aie pas grande envie de rire je suivrai pourtant votre conseil, et je m'y en vais. LES COMÉDIENS DU ROY.Ho cela s'entend sans le dire, cette qualité, et celle de Gentilhomme ordinaire de la Chambre, sont à bon marché maintenant ; mais aussi les gages n'en sont pas grands ; que prend-on ? Commencera-ton bientôt ? Ô Dieu, qu'est-ce que je vois ? Suis-je endormi, ou si c'est une illusion ? Es-tu mon neveu, ou quelque Démon sous fa forme ? Et c'est là ce que je vois de pire ; d'autant, que tu tombes en sens r2prouvé : tu ne crois point avoir failli, en te faisant portier de comédie. Ha certes voilà une belle métamorphose, bien quelle ne soit pas dans Ovide, qui d'un Gentilhomme de bonne maison, a fait en toi un voleur. Ô mon ami ne jure point une chose qu'on ne peut croire ; les portiers ne sont pas reçus à se purger par serment sur ce sujet l'occasion est trop belle, la tentation de l'argent trop puissante, et le larcin de cette nature, trop difficile à prouver ; en un mot, le titre de voleur est une qualité annexée à celle de portier de comédie : et un homme fidèle de cette profession, est comme la pierre philosophale, le mouvement perpétuel, ou la quadrature du cercle ; c'est à dire, une chose possible et non trouvée. La question que tu me fais, n'est pas si aisée à résoudre, qu'on le puisse faire dans la rue, il y a beaucoup de raisons, pour et contre, et de plus, tel se nomme comédien, qui n'est rien moins que cela, et je vois bien même, que je n'apprendrai d'aujourd'hui sur votre théâtre si tes compagnons ont droit à cette qualité, ou s'ils l'usurpent : car je n'aperçois venir personne, et j'ai bien remarqué, que le jeu de paume voisin, était un tour de ton métier. Mais ce que je veux que tu fasses, est que tu te souviennes, que je loge à la Pomme de Pin, et qu'à ce soir tu m'y conduise toute la troupe, pour venir souper avec moi : peut-être ma conversation ne leur sera pas inutile : Adieu. Qu'on apporte à laver, nous ne faisons plus rien à table. ça, donnez moi la main, Mademoiselle de Beau... La faute de ma mémoire est fort excusable, car toutes les terres des comédiens, ont tant de rapport aux noms, qu'il est bien difficile qu'on ne les prenne l'un pour l'autre. Monsieur de Bellerose, de Belleville, Beauchateau, Belleroche, Beaulieu, Beaupré, Bellefleur, Belle-Épine, Beau-Séjour, Beau-Soleil, Belle-Ombre, en fin, eux seuls possèdent, toutes les beautés de la nature. Tant s'en faut que je la méprise, que je tiens qu'à moins que d'avoir renoncé au sens commun, il n'est pas possible qu'on ne l'estime quand elle est bien faite mais je vous dirai librement, que j'ai le même goût pour les comédies, que pour les vers, pour les melons, et pour les amis ; c'est à dire, que s'ils ne sont excellents, ils ne valent rien du tout. Il y a des choses d'une nature si relevée, que la médiocrité les détruit : et à n'en point mentir, il faut tant de qualités à un Comédien, pour mériter celle de bon, qu'on ne les rencontre, que fort rarement ensemble, il faut premièrement que la nature y contribue, en lui donnant la bonne mine ; c'est ce qui fait la première impression dans l'âme des spectateurs : qu'il ait le port du corps avantageux, l'action libre, et sans contrainte ; la voix claire, nette, et forte ; que son langage soit exempt des mauvaises prononciations, et des accès corrompus, qu'on acquiert dans les Provinces, et qu'il se conserve toujours la pureté du français, qu'il ait l'esprit et le jugement bon, pour l'intelligence des vers, et la force de la mémoire, pour les apprendre promptement, et les retenir après toujours qu'il ne soit ignorant ni de l'histoire, ni de la fable, car autrement, il fera du Galimatias malgré qu'il en aie : et récitera des choses bien souvent à contre-sens : et aussi hors de ton, qu'un musicien qui n'a point d'oreille : ses actions mêmes seront comme les pas d'un mauvais balladin, qui saute une heure après la cadence ; et de là vient tant de postures extravagantes, et tant de lever de chapeau hors de saison, comme on en voit sur les théâtres. Enfin, il faut que toutes ces parties soient encore accompagnées d'une hardiesse modeste qui ne tenant rien de l'effronté, ni du timide, se maintienne dans un juste tempérament, et pour conclusion, il faut, que les pleurs, le rire, l'amour, la haine, l'indifférence, le mépris, la jalousie, la colère, l'ambition, et bref que toutes les passions soient peintes sur son visage, chaque fois qu'il le voudra. Or jugez maintenant, si un homme de cette sorte, est beaucoup moins rare que le phoenix ? À dire vrai l'on connaît le Lion par l'ongle : mais les nuits sont longues, et ennuyeuses, quand vous m'aurez fait la faveur d'en employer une demie-heure à réciter des vers devant moi, il nous restera encore assez pour dormir. Quelles pièces avez-vous ? Il faut donner cet aveu à la mémoire de cet auteur, qu'il avait un puissant génie, et une veine prodigieusement abondante (comme huit cents poèmes de sa façon en font foi) et certes à lui seul appartient la gloire, d'avoir le premier relevé le théâtre français, tombé depuis tant d'années. Il était plein de facilité, et de doctrine, et quoi qu'en veuillent dire ses envieux, il est certain que c'était un grand homme. Et s'il eut aussi bien travaillé par divertissement, que par nécessité, ses ouvrages auraient sans doute, été inimitables : mais il avait trop de part à la pauvreté de ceux de sa profession, et c'est ce que produit l'ignorance de notre siècle, et le mépris de la vertu. Vous n'avez pas mal choisi, pour rencontrer mon approbation car ce gentilhomme dont vous parlez, est à mon gré un de ceux qui portent une épée, qui s'aide le mieux d'une plume: mais commencez quand il vous plaira. Ha certes il faut avouer que voilà réciter de bonne grâce : et qu'en vous autres, j'ai trouvé ce que je cherchais depuis si longtemps. Non, non, je lève le masque; et je vous fais réparation d'honneur pour ce que j'ai dit en soupant : encore que ma Satyre ne s'adressât point à la profession, mais seulement à ceux qui s'en acquittent mal. Car il faudrait être privé de raison, pour mépriser une chose tant estimable : la COMÉDIE, qui a été en vénération dans tous les siècles, ou les sciences fleurissaient ! La COMÉDIE fait le divertissement des Empereurs et l'entretien des bons esprits : le TABLEAU des passions, l'image de la vie humaine, l'Histoire parlante, la Philosophie visible, le fléau du vice, et le trône de la vertu. Non, non tant s'en faut qu'elle me soit en horreur, que voyant comme elle en est son lustre parmi vous, je loue le jugement de mon neveu, de s'être mis en votre Troupe: et pour vous montrer que j'ai ce que je dis, aussi bien dans le coeur, que dans la bouche, et que bien, loin de soupçonner votre profession d'ignominie, je la tiens fort glorieuse ; je la veux embrasser moi-même, si vous me voulez recevoir. Mais n'avez vous point de poème qui n'aie déjà été vu ? Elle est de ma connaissance, et de la composition de celui dont nous avons parlé, il m'a fait la faveur de me la donner écrite de sa main. C'est un poème à l'Espagnole, de trois actes ; mis par lui dans la règle des vingt et quatre heures. Et comme je vous ai dit, que je chéris tout ce qui vient de cet auteur, peu s'en faut, que je ne le sache entier, de sorte, que si vous trouvez bon, j'en jouerai demain un rôle, pour faire mon coup d'essai. Je ne vous prie point de coucher ici, parce que vous serez plus commodément chez vous : mais pour ces Demoiselles, à qui le serein pourrait faire mal en s'en allant, je leur offre, et ma chambre, et mon lit s'il leur agrée. Adieu Mesdames, bonsoir Messieurs.