**** *creator_sedaine *book_sedaine_manteauecarlate *style_prose *genre_proverbe *dist1_sedaine_prose_proverbe_manteauecarlate *dist2_sedaine_prose_proverbe *id_MARTON *date_1784 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_marton Qui frappe ? Votre nom ? Effectivement, Madame, c'est elle. Madame et moi, nous avons bien de la peine à le prendre pour autre chose. Tous ces avantages réunis n'auraient pas eu un heureux succès si Monsieur de Florville eût été au Château. Il vous aurait pris pour un rival. À la bonne heure. Mais il aurait fallu le lui prouver. Et très positivement. Je vous en réponds. L'ombre d'un chapeau lui fait peur ; et s'il osait, je crois, à cause de la ressemblance du nom, il empecherait Madame d'en porter d'aucune espèce. Pardonnez-moi. Il ose tout, Madame. Forcé de s'absenter pour huit jours, il a bien osé donner des gardes à sa femme. Non, d'honneur. Avant de partir, il a rassemblé toute sa maison, c'est-à-dire, moi, le Garde-Chasse et le Jardinier. Après nous avoir fait un beau et long sermon sur la fidelité qu'on doit à son Seigneur et Maître, il a fixé le poste et l'emploi de chacun. Premier poste dans le Parc ; deuxième poste dans le Jardin ; troisième poste ici. La sentinelle du Parc, c'est Gérault. Sans cesse l'oeil gauche sur la plaine, il fera la guerre aux Braconniers ; l'oeil droit sur le mur du Jardin, il guettera les Amoureux. Quelqu'un veut-il escalader le mur ? Point d'obstacle ; mais un coup de sifflet avertira Blaise, sentinelle du Jardin, de s'en saisir et de l'enfermer jusqu'au retour de Monsieur de Florville. C'est moi : mon emploi, le voici. Ne répondre que par cette grille, n'ouvrir à aucun homme. Si Madame est ici quand il en viendra, je dois si bien masquer toute la grille, qu'il ne puisse pas même l'appercevoir. Par ce trait seul vous pouvez juger aisément... Paix, paix, écoutons. J'entends du bruit. C'est un cheval. Il entre dans la Cour.... Ah ! Madame, c'est lui. Monsieur de Florville. Préparez-vous, Madame, à prouver qui vous êtes. Eh bien ! Madame, cachez-vous dans ce cabinet. Il ne s'avisera pas de vous y chercher. Il frappe.... Un instant !.... Qui est-là ? Qui ? Vous ? De Flor.... Cela ne se peut pas, il est absent pour huit jours. Ah ! Voyons, voyons. Montrez-vous. Peut-être prenez-vous sa voix pour vous introduire ici en son absence. Ah ! À la bonne heure. Monsieur, tout est prêt. Il est endormi. Si quelque rêve fâcheux ne le réveille pas en sursaut, il en a pour six grandes heures. Un jaloux ! Cela ne se demande pas. Et la réussite de cette excuse dépend de votre fuite. J'entends tousser Monsieur de Florville : prenez votre manteau, et retirez-vous dans le cabinet. Le voilà. Pour moi, je ne dis rien, on doit me connaître. Moi. Rien. Rien. Mon Dieu, non. Pardon, de quoi ? Monsieur, je suis désolée d'être obligé de vous démentir, mais cela n'est pas vrai. Elle ne vous l'a pas dit. Non. Vous n'avez rien vu. Vous n'avez point vu de manteau sur cette chaise ; il n'est point entré d'homme ici, vous voulez nous éprouver, ou vous avez rêvé ce que vous dites ; mais que ce soit une épreuve, que ce soit un reve, vous ne nous ferez jamais avouer ce qui n'est pas vrai. À quoi bon interprétez-vous si bien les silences. Rien n'est plus facile, du moins cela me paraît tel. Ecoutez-moi, réfléchissez, et vous verrez que la chose est très probable. Forcé de vous absenter et de laisser, sous notre garde, pendant huit grands jours une épouse que vous adorez, vous partez la tête remplie d'inquiétudes ; vous ne vous occupez en chemin que de malheurs ; vous voyez vos valets gagnés, votre femme séduite ; la peur s'empare de vous, vous revenez sans prendre haleine ; harrassé, n'en pouvant plus, vous vous endormez. Ces idées noires vous suivent dans votre sommeil ; vous vous éveillez. Alors, vos soupçons, vos craintes, votre rêve, ce que vous avez vu, ce que vous avez imaginé, vous confondez tout, et voilà précisément, Monsieur, pourquoi vous nous accusez d'un mal, dont, non seulement, nous ne sommes pas coupables, mais qui réellement n'existe pas. Voilà mes réflexions, faites-en l'usage qu'il vous plaira, et songez bien, surtout, qu'il est très dangereux d'accuser une femme d'un tort qu'elle n'a pas ; elle s'accoutume à être querellée, s'ennuie de l'être pour rien, et finit par l'être pour quelque chose. Instamment. Bon ! Madame a raison. Vous êtes tout de feu lorsque vous faites des reproches, et tout de glace lorsque vous dites des douceurs ; ce n'est pas cela qu'il faut, c'est tout le contraire. Mon cher maître ! **** *creator_sedaine *book_sedaine_manteauecarlate *style_prose *genre_proverbe *dist1_sedaine_prose_proverbe_manteauecarlate *dist2_sedaine_prose_proverbe *id_DORIMENE *date_1784 *sexe_feminin *age_mur *statut_maitre *fonction_mere *role_dorimene Amie. Dorimène. Et si l'on ne m'eût pas ouvert, j'allais m'en retourner. Ah ! Le triste Château ! Des fenêtres grillées, des portes barricadées ; je l'ai pris, d'honneur, pour une prison. Tu avais tort. Je ne pouvais pas décemment faire vingt lieues toute seule pour venir ici, et je n'osais amener compagnie. Heureusement je fus invitée à passer quelques jours dans le Château voisin. Le desir de te voir n'a pas peu contribué à m'y faire consentir ; tu connais assez mon coeur pour en être persuadée. Cela te fait-il de la peine ? Je devrais, ce me semble, t'en paraître plus aimable. Je t'avouerai d'ailleurs que je ne le quitte guères. J'y trouve le plaisir et la liberté. Dans la conversation, j'ai mon franc parler. Telle chose, dite par une femme, paroîtrait hasardée, qui, sous cet habit, est trouvée délicieuse. On sait bien, au fond, ce qui en est, mais l'oeil est trompé, et l'on applaudit sans réfléchir. Le femmes mêmes, dupes de l'apparence, ne sont pas jalouses de moi. Je leur ôte le moyen de critiquer une coiffure, un ajustement, un air trop appreté, ou trop négligé, mille riens enfin qui n'échappent jamais à leur pénétration. En un mot, en arborant le costume d'un sexe qui s'est approprié tous les avantages, je lui en dérobe une partie, sans perdre aucun de ceux que la Nature a donné au nôtre. Pourquoi donc ? Un rival tel que moi n'est pas bien dangereux. Tout de bon. Je suis fort heureuse en ce cas qu'il soit absent. Est-il possible que tu aies pris un tel original pour époux? Voilà ce que c'est. On ne consulte point son coeur, on n'écoute que sa vanité, on épouse un Florville, ce coeur ne jouit de rien et la vanité même n'est pas satisfaite. En honneur, je ne te croyais pas si mal mariée. J'avais entendu parler de la jalousie de Florville ; mais l'idée que nous nous faisons d'un jaloux n'est point du tout affligeante. C'est au contraire un être fort divertissant, même pour l'objet de sa jalousie. Ses petites fureurs, ses petits dépits qu'il n'ose laisser voir, crainte d'être persifflé, sont tout-à-fait plaisants ; et si par hasard il éclate, les brocards dont on l'accablent, s'ils ne le corrigent pas, le forcent au moins à paraître corrigé. Tâche d'amener le tien à Paris, et je te réponds qu'en très peu de temps nous en viendrons à bout. Il ne refusera peut-être pas d'y passer quinze jours avec toi. Comment ! Il oserait.... Des gardes ? Tu plaisantes. Et la sentinelle d'ici ? Et tu n'oses braver un si rude esclavage ? En vérité, tu n'es pas digne d'etre Française. Eh ! Mon Dieu, tu ne connais guères les hommes. Ils ne sont forts que de notre faiblesse. Si à chaque faveur que ton époux sollicitait, tu lui eusses demandé une grâce, et rendu refus pour refus, il aurait fini par accorder tout, pour tout obtenir. Tiens, je ne suis pas la femme de Florville, mais si tu veux m'aider et suivre mes conseils, je prétends, moi, le corriger. Quoi? Ce n'est pas là le plus difficile, et d'un mot... Mais je veux guérir Florville de sa jalousie, et, cela, par sa jalousie même. Je ne pourrais y parvenir si je me trouvais ici. À merveille..... Tâchez d'éloigner le jaloux pendant une demie-heure, et je vous réponds de sa correction. Ecoute. Il me vient une idée.... Oui, écoute, écoute. Ah ! Je respire... Il était temps au moins ; encore un moment, et je perdais patience. Ce sont de petits inconvénients attachés à cet habit. Un amant de bonne fortune éprouve par fois de pareils contre-temps. À la vérité, l'idée d'un plaisir prochain lui échauffe l'imagination, et l'empêche de songer à l'embarras dans lequel il se trouve. Quant à moi, c'est un peu différent ; je suis sûre que j'en aurai des vapeurs pour quinze jours. Déjà. Il est donc sujet à rever. Sans plaisanterie, rêve-t-il souvent ? Excellent ! Suivre mon dessein, corriger ton époux. Ah ! Voilà comme vous êtes. Vous vous imaginez que d'une tête légère, il ne saurait sortir un projet qui ait le sens commun. Eh bien ! Vous vous trompez. "Tous ces ëtres pensifs sont trop raisonnables pour imaginer quelque chose. Tout ce qui est neuf leur paraît hasardé ; n'osant rien risquer, ils ne parviennent à rien, et prévoyant tous les dangers, ils n'ont pas l'esprit d'en éviter un seul. Pour moi, je hasarde tout, je crois tout possible. Si je fais une bévue, je ne laisse pas à ceux que je veux tromper le temps de l'apercevoir, et dérobant sous leurs pas le piége mal tissu, je les fais tomber dans un autre". Grâces à notre ruse, de Florville croit que ce manteau écarlate est un présent de ton frère. Mais il peut lui écrire de son régiment, et voilà ta fourberie découverte, et voilà ce que tu n'avais pas prévu malgré ton esprit profond. Je tranche la difficulté. De Florville est sujet à rever : eh bien ! Il faut lui persuader que la conversation qu'il a eu avec toi, n'est qu'un rêve, une vision, et que le manteau écarlate n'est qu'imaginaire. Non, si tu ne parviens pas à vaincre tes scrupules ; si tu vas, en lui parlant, trembler, rougir, te troubler, tu ne prouveras rien. Mais... si, bien persuadée que cette seconde ruse peut seule détruire la connoissance de la première, tu la soutiens avec fermeté, tu lui feras croire tout ce qu'il te plaira. Le masque de la vérité a souvent plus de pouvoir que la vérité elle-même. Et sans cela serions-nous, tous les jours, aussi curellement trompés ; un seul mot d'un perfide nous ferait-il oublier toutes ses perfidies. Non, sans doute ; il en est de même des hommes. Malgré la force d'esprit qu'ils s'arrogent, lorsqu'ils ont une passion dans le coeur, ils sont encore plus faibles que nous." La guérison suivra, c'est mon affaire. Non pas. Je veux en avoir toute la gloire, si je réussis, et t'épargner les reproches si je ne réussis pas. Mais enfin, tu ne sauras rien. Rends-toi digne de ma confidence en suivant mes consiels ; et songe bien que l'éxécution de mon projet dépend de la réussite de ton excuse. Ciel ! Que vois-je ! Un rival ! Cruelle ! Est-ce donc là la fidélité que vous m'aviez promise ? Un époux aux pieds de sa femme ! D'honneur je ne l'aurais jamais deviné. Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est donc ? Vous voudriez vous fâcher, je crois...... Mais, en vérité, cela ne se fait pas. Doucement, mon cher Monsieur, doucement. J'ai fait une étourderie en vous apprenant une chose dont l'ignorance faisoit votre bonheur. Mais je puis la réparer. Je vous promets de garder le secret le plus impénétrable, et même de défendre en preux Chevalier la fidélité de votre femme contre tout l'univers. À cette condition l'on doit me pardonner. Un supplice... Celui-là est neuf, mais très neuf, en vérité. En pareil cas, on permet à un mari de bouder sa femme, de faire les yeux noirs aux galants, quoique ce ne soit pas trop l'usage. Mais pour imaginer de se venger autrement, il faut avoir perdu la tête. Tremblez vous-même. Sachez que je puis vous faire repentir de l'offense que vous nous faites à tous deux. Eh bien ! Défendez-vous. Voilà mes armes. Eh bien ! Monsieur le jaloux... **** *creator_sedaine *book_sedaine_manteauecarlate *style_prose *genre_proverbe *dist1_sedaine_prose_proverbe_manteauecarlate *dist2_sedaine_prose_proverbe *id_BLAISE *date_1784 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_blaise J'pouvons ben vous répondre.... Pour moi, ça s'ra ben facile, car j'nons rien vu, d'abord et d'un. J'ons arpentais toute la journée les murs du jardin, et si par fois, j'nous sommes réposé un tantinet, c'est qu'j'n'pouvions pu mettre un pied devant l'autre. Mais j'avions toujours l'becen l'air, et tout ça pour rian. J'avons eu beau ouvrir de grands yeux j'n'en avons vu ni pus, ni moins qu'ceux-là qui n'les ont jamais ouverts. C'est au contraire votre rêve qui vous partrouble l'imagination. **** *creator_sedaine *book_sedaine_manteauecarlate *style_prose *genre_proverbe *dist1_sedaine_prose_proverbe_manteauecarlate *dist2_sedaine_prose_proverbe *id_GERAULT *date_1784 *sexe_masculin *age_mur *statut_maitre *fonction_pere *role_gerault Oh ! Pour ce qui est de ça... J'ai vu beaucoup de braconniers dans la plaine ; mais pour ceux-là qui en veulent, dites-vous, aux femelles quand elles sont gentilles, je n'en ai pas aperçu un échantillon. Je vous jure que non. Blaise a raison, Monsieur.