--- identifier: cadetgassicourt_souperdemoliere creator: Cadet de Gassicourt, Charles-Louis ; Georges Forestier. date: 1795 title: Le Souper de Molière, ou La Soirée d'Auteuil. Fait historique en un acte, mêlé de vaudevilles. --- LE SOUPER DE MOLIERE, OU LA SOIRÉE D'AUTEUIL, FAIT HISTORIQUE EN UN ACTE, MÊLÉ DE VAUDEVILLES Par le C.CADET-GASSICOURT, *Représenté, pour la première fois, à Paris*, sur le Théâtre du Vaudeville, le 4 Pluviose, an troisième de la République. Prix : Cinquante sols, avec la musique. *A PARIS,* Chez les Libraires Au Théâtre de Vaudeville Au Théâtre Martin, ci-devant Molière. Et à l'Imprimerie rue des Droits de l'Homme, N°.44. *Floréal, an Troisième.* Édition critique établie par Emmanuelle Taton dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2013-2014) # Introduction. Molière is not only known as an author and as a man, he also appears as a character in numerous plays written during the eighteenth century [1].  Imaginez : vous entrez dans la maison de Molière à Auteuil, un soir, peut-être vers la fin des années 1660. Là, vous tombez nez à nez avec Boileau, La Fontaine, Lully, Chapelle et Baron, festoyant gaiement autour de vins – ou de boissons lactées – et de vaudevilles. La soirée bat son plein, et les convives, notamment Chapelle, il faut bien le dire, sont si imprégnés d'effluves alcoolisées, qu'ils décrètent que la vie n'est que misère et que leur seule issue est d'en finir avec elle : la rivière n'est pas loin, allons nous y jeter ! Se noyer la nuit ou attendre le lendemain matin : telle sera la question posée par Molière… Entre mariage heureux, soirée arrosée et lendemain incertain, cette petite pièce historique – ou non –, mêlée de vaudevilles, ne manquera sans doute pas de vous faire sourire ! [2] # Mais qui est donc ce Cadet de Gassicourt ? (23 janvier 1769 - 22 novembre 1821). Charles-Louis Cadet de Gassicourt, (dit Cadet-Gassicourt pendant la Révolution), traversa une période particulièrement riche de l'histoire de France : « assistant dans sa jeunesse à l'extinction du siècle des Lumières, il vécut ensuite les ambitions et les exagérations de la Révolution, la gloire et la chute de l'Empire, le retour hésitant de la Royauté. Chaque fois, il participa activement à ces événements [3]. » Sa carrière, à l'image de la diversité qui caractérise les périodes qu'il traversa, embrassa les sciences comme les arts, sans oublier bien sûr la politique : « il acquit successivement de brillantes réputations comme avocat, littérateur, pharmacien, chimiste et défenseur acharné de la santé publique [4]. » Quant à son tempérament « vif et enjoué, parfois même très critique », nous en soulignerons l'accointance permanente avec « le rire et la convivialité » : Charles-Louis se disait d'ailleurs épicurien [5].  ## Une surprenante ascendance. Né le 23 janvier 1769, et baptisé en l'église Saint-Eustache à Paris – tout comme Molière en 1622 –, Charles-Louis fut probablement le fils illégitime de Marie-Thérèse-Françoise Boisselet, sa mère, et de Louis XV en personne. Les *Mémoires* de Paul Thiébault (1769-1846, général d'armée et ami de Gassicourt), en sont notamment un témoignage (tome V, p.370-372) : On connaît les fastueuses amours de Louis XV, le zèle des agents de ses plaisirs pour découvrir et livrer à la fantaisie de ce monarque des beautés nouvelles. Mme Cadet lui fut signalée ; il paraît qu'elle ne résista pas et qu'elle sortit des bras de sa majesté grosse de Gassicourt [6]. Jean Flahaut va également dans ce sens en soulignant que « tous ceux qui ont approché Charles-Louis ont laissé des témoignages affirmant sa grande ressemblance avec la lignée royale [7]. » Louis XV eut beau nommer Louis-Claude Cadet de Gassicourt membre de l'Académie des Sciences, ce dernier ne pardonna jamais à sa femme, et son unique concession fut de ne pas la répudier publiquement. Charles-Louis eut l'occasion de rencontrer son père biologique pour la première fois en 1774 ; alors âgé de cinq ans, il ne comprit sans doute pas la formule que Louis-Claude lui aurait dite à l'oreille : « salue papa roi [8] ». Malgré ses grands talents de chimiste, reconnus même à l'étranger, et sa carrière de pharmacien rue Saint-Honoré, Cadet délaissa ensuite les sciences : la « cassure » dans sa vie scientifique, aux alentours de 1774, ne pouvant être séparée de celle de sa vie privée [9]. Il s'enferma dès lors dans un « silence de plus en plus grand », se rendant compte qu'il était véritablement « la risée des salons parisiens [10] ». Charles-Louis ne suivit pas, en tout cas dans un premier temps, le parcours paternel, étant davantage porté vers les lettres ; mais ces dernières risquant de le réduire à une carrière incertaine, il s'orienta donc vers le droit, et devint avocat au Parlement de Paris en 1787. ## Les amours de Cadet. Charles-Louis, avec son ami Thiébault, fréquenta, dès sa jeunesse, « une brillante et aimable société [11] », et rendit quelques hommages aux jolies demoiselles qui s'y trouvaient. Il tomba d'abord sous le charme d'une certaine Mademoiselle Lacroix, pour laquelle il rédigea une chanson, « La Croix », sur l'air : « Ce mouchoir belle Raimonde », que l'on retrouvera par ailleurs dans la pièce, scène IV, P. 12. Puis il se maria avec Madeleine-Félicité Barré ; la cérémonie religieuse eut lieu le 8 janvier 1789, et deux fils, Charles-Louis-Félix et Louis-Hercule, naquirent de cette union. Mais les lettres de *Mon voyage ou lettres sur la ci-devant province de Normandie*, qu'il rédigea alors qu'il se cachait dans le Berry, au moment de sa condamnation à mort par contumace, témoignèrent de sa passion pour « Eugénie ». Il s'agirait de Mademoiselle de la Balme, jeune femme qu'il avait « rencontrée et aimée passionnément mais fort brièvement dans sa folle jeunesse [12]. » S'il fut donc infidèle à Madeleine-Félicité, cette dernière lui rendit la pareille avec l'un de ses amis, le comte de Langeac, à ses côtés pendant la révolte de vendémiaire an IV organisée par les Sections contre la Convention. Charles-Louis, suivant sur ce point les traces de Cadet, ne lui accorda « aucun pardon [13] », et fit même en sorte que la séparation pût « se dérouler à son avantage [14] » (Madeleine-Félicité étant fort riche). Le couple décida de divorcer en 1797 « pour cause d'incompatibilité d'humeur [15] », cause d'ailleurs admise par un décret de cette même année. Cadet vécut alors chez son père, jusqu'à la mort de ce dernier, et mena une vie fort dissipée, conquérant le cœur de plusieurs maîtresses, parmi lesquelles Françoise Sancerotte, dite Mademoiselle de Raucourt, fameuse comédienne – Charles-Louis étant alors pharmacien de la Comédie-Française, cette fonction put créer des liens. Puis, il s'éprit de Marie Walter, « femme de petite vertu mais courtisane de renom [16] » : ils vécurent ensemble pendant au moins cinq ans, et tombèrent tous deux malades de la « gonococcie [17] » (présentée à l'époque comme une syphilis). Marie, qui aimait « la vie riche et luxueuse », engagea dès lors Charles-Louis à « acquérir une propriété dans la proche banlieue de Paris [18] ». Cela n'est pas sans rappeler la maison que louait Molière à Auteuil, pour prendre le grand air, et justement lieu du *Souper* ; néanmoins, Charles-Louis acquit sa propriété – située quant à elle à Chatenay-Malabry – en 1805, bien après, donc, l'écriture de la pièce, en 1794. ## Un parcours multiple. ### Parcours politique. Notons la consonance déjà politique de la première œuvre de Charles-Louis : en 1788, il rédigea en effet une *tragédie pour rire*, facétie « fort spirituelle », intitulée *La Restauration de la Halle* [19] : il s'agissait d'une allusion critique aux problèmes financiers que rencontrait alors le gouvernement de Louis XVI. Concernant ses études, soulignons aussi que Gassicourt fréquenta les Collèges « les plus réputés de l'époque [20] » : au Collège de Navarre, il côtoya notamment André et Marie-Joseph Chénier ; et les enseignements du Collège Mazarin formèrent un jeune homme déjà « très imprégné d'idées réformatrices [21]. » Tout au long du XVIII*e* siècle, on assista en même temps qu'à l'amenuisement de la domination aristocratique, à la naissance progressive d'une bourgeoisie de plus en plus consciente de son pouvoir, mais freinée par la « persistance de structures féodales [22]. » Thiébault, Gassicourt et les frères Chénier souhaitèrent modifier ces structures, et soutinrent « les premiers pas de la Révolution [23] ». Pour autant, ils ne cherchèrent pas à « remettre en question la monarchie [24] », manifestant toujours leur attachement au roi. Charles-Louis en tout cas compta beaucoup sur les États-Généraux, et laissa entendre l'idée d'une assemblée, qui prendrait les décisions, le roi devant se limiter à les faire appliquer. Au printemps 1789, il apprécia que le Tiers État « se trouve à égalité avec l'ensemble des deux autres ordres [25] », et son admiration pour le roi fut « profondément marquée [26] » par la fuite de ce dernier, le 20 juin 1791. Il ne tarda pas d'ailleurs à haïr la royauté, et conserva cette position toute sa vie. Charles-Louis s'engagea, en appartenant, dans un premier temps, à la Section « Poissonnière [27] », et approuva la demande de Robespierre, le 29 juillet 1792, de suspendre le roi et de mettre en place une « Convention Nationale [28] ». Il fut néanmoins accusé par sa Section de faire preuve d'une attitude « trop modérée [29] » : dénoncé auprès de la Commune de Paris, mais prévenu à temps, il quitta « précipitamment son domicile [30] », et réussit finalement à montrer sa fidélité aux idées révolutionnaires ; l'affaire ne donna pas suite. Passé à la Section du Mont-Blanc [31], il commença à rédiger la chanson patriotique *La Montagne* à l'été 1793, qu'il signa « Par un sans-culotte », et, en décembre, il célébra Marat et Lepelletier, et prononça une ode à la création du Lycée Républicain. C'est à peu près à ce moment que la particule à son nom disparut, ce qui explique l'inscription « Cadet-Gassicourt » sous le titre du *Souper*. Alors désespéré par les violences révolutionnaires et les exécutions de la Terreur – notamment celle de Lavoisier, dont son père lui avait parlé, et qu'il avait plusieurs fois rencontré – il se replia sur lui-même : il écrivit alors *Le Souper de Molière*, qui fut joué dans les premiers jours de 1795. Le 15 septembre 1795 (29 fructidor an III), Charles-Louis participa aux insurrections contre la Convention : il fut jugé en tant que président de l'assemblée primaire de la Section du Mont-Blanc, le 17 octobre (25 vendémiaire), par le Conseil militaire de la butte des Moulins. On lui reprocha alors d'avoir été absent lors de perquisitions effectuées à son domicile : il fut donc condamné à mort par contumace, puisqu'ayant fui dans le Berry. Ainsi, pourtant très engagé dans les premiers temps de la Révolution, mais s'étant par la suite opposé à la Convention, Gassicourt fut décapité en effigie, place de Grève, « le 28 vendémiaire, à dix heures du matin [32] ». Puis, le 25 août 1796 (8 fructidor an IV), Gassicourt, ainsi que tous les condamnés de vendémiaire, furent acquittés par le Tribunal Criminel du Département de la Seine. Ainsi, au sortir de la Révolution, la pensée de Charles-Louis était tout à la fois « réaliste, idéaliste et visionnaire » : « réaliste car il perçoit bien les défauts des gouvernements issus de la révolution » ; « idéaliste, car il est persuadé de la stabilité et de l'efficacité d'un gouvernement issu du peuple » ; et « visionnaire car les structures gouvernementales qu'il propose s'établiront quelque soixante-dix ans plus tard [33]. » On constate donc de « profondes discontinuités » dans le parcours politique de Gassicourt : il passa en effet « de l'espoir d'une monarchie constitutionnelle en 1789 à la haine profonde de la royauté dès 1793, d'un pur esprit révolutionnaire sous la Terreur à la contre-révolution de 1795, de la pensée républicaine idéalisée au soutien de la dictature impériale dès 1803 ; par la suite, à partir de 1815, son attitude sera toujours opposée aux Rois, et reviendra à la pensée républicaine [34]. » En tout cas, au fil des années, ce qu'espérait Charles-Louis sombra, sans que les problèmes sociaux et politiques fussent réglés. « Aussi, à la fin de sa vie, sera-t-il profondément déçu [35]. » Au moment de la Révolution régnait une certaine « effervescence [36] » autour de la Franc-Maçonnerie, à laquelle Charles-Louis n'échappa pas. Cela fut visible au travers de deux œuvres de 1796 : *Le Tombeau de Jacques Molai ou le secret des conspirateurs, à ceux qui veulent tout savoir*, et une suite : *Les initiés Anciens et Modernes.* Gassicourt étant condamné à mort en vendémiaire an IV, ils furent présentés comme des ouvrages posthumes, et signés « CL CG DLSDMB CDV », autrement dit « Charles-Louis Cadet Gassicourt De La Section Du Mont Blanc Condamné De Vendémaire ». Ils connurent en tout cas un grand succès, puisqu'une seconde édition fut proposée l'année suivante. Enfin, sous l'Empire, dès 1805, Charles-Louis devint lui-même Franc-Maçon. Quant au domaine religieux, si Gassicourt fut tout d'abord lié à l'enseignement du Collège de Navarre, néanmoins, les amis de sa mère étant marqués par la légèreté, et ceux de son père (Lalande, d'Alembert, Condorcet, Bailly, Fourcroy, Vicq d'Azyr) « imprégnés des idées nouvelles éloignées des convictions religieuses [37] », le jeune homme fut davantage séduit par ces dernières. Puis, avec la Révolution, Charles-Louis développa « un scepticisme religieux profond et finalement une répulsion face à la pensée, aux structures et aux traditions catholiques [38]. » Cela ne l'empêcha pas de verser des « larmes amères [39] » lors de l'assassinat de ses maîtres du Collège de Navarre, pendant les journées de septembre 1792. D'autre part, un manuscrit (Collection particulière) intitulé « *Scepticisme, petites questions d'un grand incrédule* adressé au Rédacteur de la Tribune Publique [40] », témoigne d'une accointance avec Molière dans l'association de la religion et de la superstition : Gassicourt dit alors : « la dévotion va devenir une mode [41] », et dénonça le « danger des erreurs qu'on propage » : « je suis tolérant, et je veux que tout homme qui pense ait le droit de refuser les erreurs d'une doctrine qu'on veut rendre universelle », pour proposer un théisme « sans ministres, sans romans théologiques, sans cérémonies insignifiantes, sans images allégoriques », mais « avec des usages simples et faits pour rappeler les principes de la morale, qui doivent toujours être d'accord avec les principes politiques [42]. » Quant aux charlatans, Charles-Louis s'y attaqua aussi, et notamment en luttant contre les remèdes secrets : la loi du 11 avril 1803 (21 germinal an XI) – qui créa les Écoles de Pharmacie – jouant en sa faveur, même si ces produits persistèrent, car mouvant de « considérables enjeux financiers [43] ». Gassicourt définit ainsi les charlatans (*Du charlatanisme*, Bull. Pharm., 1809, t.I, p.42-43) : « tout homme qui professe l'art de guérir et qui fait un secret de sa méthode ou de la composition des remèdes qu'il prépare [44] » : comment ne pas voir, là encore, une proximité avec certaines œuvres de Molière… [45] ### Parcours littéraire. Dès son enfance, Charles-Louis manifesta une grande attirance pour les lettres ; il écrivit par la suite « des poèmes, des comédies, des rapports politiques, des mémoires pharmaceutiques et chimiques, des relations historiques, des pamphlets [46]… », et, lorsque, à partir de 1793, il entra dans une vie politique active, il se fit appeler « *homme de lettres* [47] » (et ce jusqu'à ce qu'il se tourne vers la pharmacie en 1800). Au cours des sept derniers mois de l'année 1794, nous l'avons vu, la « Grande Terreur » s'abattit sur Paris. Charles-Louis, bien qu'il ait manifesté ses sentiments révolutionnaires dans la chanson *La Montagne* et dans ses hommages à Marat et à Lepelletier à la fin de l'année 1793, resta discret, redoutant le Comité Révolutionnaire de la Section du Mont-Blanc. Il se livra alors à son « passe-temps favori » : les lettres, et rédigea des comédies « légères et sans prétention [48] » (*Deux et deux font quatre* rappelant d'ailleurs la fameuse scène de l'incroyance dans *Dom Juan*, Acte III, scène I) ; on y retrouve à chaque fois « une grande culture du passé et une profonde maîtrise des connaissances de son époque [49]. » Gassicourt, lorsqu'il écrivit seul, mit en effet en scène des personnages historiques : Molière et Racan, « personnages du siècle précédent, qui furent célèbres par leurs œuvres littéraires ou artistiques [50] ». La construction des pièces était somme toute semblable : il s'agissait d'une réunion d'amis, mêlée de nombreux vaudevilles. Plus précisément, Charles-Louis eut un lien particulier avec la chanson. Il était, avec Thiébault, « très attiré par la littérature légère [51] », et composa dans sa jeunesse « de nombreuses petites pièces en vers, des anagrammes, des madrigaux, des chansons [52] ». S'il publia en 1789 un poème intitulé « Mes Adieux aux littérateurs », cela ne concernait que son « orientation professionnelle », et absolument pas ses « goûts et ses relations quotidiennes [53] ». En outre, il participa à la « *Société Gastronomique et Littéraire*, dite les *Dîners du Vaudeville* [54] »,  qui se réunit à partir de septembre 1796 (vendémiaire an V). Antoine Piis [55] en fut notamment l'un des membres, dont on retrouvera un air dans la pièce : « Les adieux à la mère républicaine », scène III, p.7. Le dernier Dîner eut lieu en décembre 1801 (nivôse an X). Les chansons des membres de la Société furent alors publiées sous le nom des *Dîners du Vaudeville*. En 1806 fut fondée une nouvelle société gastronomique et littéraire : le *Caveau Moderne* ; Gassicourt y composa, entre 1806 et 1817, de nombreuses chansons, et se présenta, « à plusieurs reprises, dans ses écrits, comme étant épicurien [56] », à l'image de sa chanson, « Épicuréisme » : Rire, manger, dormir et boire, rimer et chanter sur un rien, aimer toujours, voilà la gloire du véritable Épicurien. Qui se prive, dit-il, s'abuse, Suivons, mais réglons nos désirs, Il faut qu'on s'amuse et le bonheur est dans le plaisir [57]. Nous verrons à quel point ces paroles sont éloquentes pour l'étude du *Souper*… # Contexte et enjeux du Souper de Molière. ## Vie de la pièce et réception par les contemporains. *Le Souper de Molière, ou la soirée d'Auteuil* fut joué pour la première fois le 23 janvier 1795 (4 pluviôse an III) au théâtre du Vaudeville. « Pleine d'entrain, bien traitée, spirituelle [58] », la pièce plut beaucoup. Elle continua d'être jouée dans ce même théâtre et, cinq ans plus tard, figura encore « cinq fois à l'affiche », ce qui illustre un « intérêt constant de la part du public [59]. » Gassicourt fut dès lors remarqué dans les milieux littéraires. Mais les événements de septembre 1795, et son exil jusqu'en août 1796, le privèrent pendant une année de « tout contact avec la société littéraire parisienne [60]. » De retour à Paris, il appartint à la Société Gastronomique et Littéraire dont nous avons parlé. *Le Souper* serait donc un texte « porteur d'interrogations [61] » : « chaque convive, en décrivant ses déceptions, ne se fait-il pas ici l'écho des pensées profondes de Charles-Louis ? ». Sa composition date en effet des années où il aspira à se trouver une place dans le monde politique, mais fut « constamment devant des situations difficilement prévisibles, inquiétantes et même tragiques [62] », et où ses relations avec son épouse allaient en se dégradant. La plume de Gassicourt aurait alors été « imprégnée de désenchantements [63]. » ## Le théâtre de la Révolution française autour de 1795. ### Quelques précisions concernant le contexte politique. La composition du *Souper*, au cours de l'année 1794, correspond à la période dite de la « Terreur », donc à un contexte d'effervescence politique, de mouvements adverses, de soupçons et d'arrestations. Déjà, l'exécution de Louis XVI (le 21 janvier 1793 ; 2 pluviôse an I) avait provoqué une crise de la pensée et des représentations mentales et morales. La Convention montagnarde mit en place le Tribunal révolutionnaire – censé éviter de nouveaux massacres de prisonniers [64], suite à l'insurrection vendéenne de mars 1793, en réponse à la levée de trois cent mille hommes dans le contexte de guerre contre l'Autriche – ainsi que le Comité de Salut public, doté d'un très fort pouvoir, notamment entre les mains de Robespierre : ces structures entraînèrent, de juillet 1793 au 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), de nombreuses arrestations et condamnations. Robespierre élimina progressivement ceux qu'il considérait comme trop modérés : les partisans de Hébert, puis les Indulgents, à commencer par Danton. Mais, après la loi du 10 juin 1794 (22 prairial an II), symbole de la « Grande Terreur », qui supprima en effet « les dernières garanties accordées aux suspects [65] » (désormais il ne leur restait que deux possibilités, l'acquittement, ou la condamnation à mort), Robespierre fut néanmoins arrêté, le 27 juillet 1794, et exécuté le lendemain, ce qui marqua la fin de la Terreur. En septembre 1795 fut votée la constitution de la Convention thermidorienne ; en avril-mai 1795, on note quelques journées insurrectionnelles dites journées de Prairial, mais qui furent rapidement matées. Cette période correspondit en outre à un essor de la presse, au développement du système éducatif, arraché à l'Église, dans un mouvement général de déchristianisation (excepté lorsque Robespierre détint le pouvoir). On assista aussi à la création de conservatoires d'arts et métiers, et de musées, dans une prise de conscience du patrimoine, et une appropriation nationale de l'art. Ainsi la situation politique ne manqua-t-elle pas d'avoir un impact sur toutes les activités de la société française… Qu'en est-il du théâtre ? ### L'enjeu du théâtre. On constate que le théâtre prit « une dimension nouvelle » dans la vie culturelle du XVIII*e* siècle : « Si en nombre de titres (opéras et ballets compris), le siècle précédent avait produit environ 2000 pièces, on en dénombre près de 11500 de 1700 à 1789, composées par environ 750 auteurs ! On estime à 5000 le nombre de comédiens actifs en France au XVIII*e* siècle [66]. » #### La « théâtromanie [67] ». Au début de la Révolution, on comptait douze salles de théâtre, dont trois privilégiées : la Comédie-Française, qui détenait le monopole du théâtre parlé parisien, l'Opéra, et la Comédie-Italienne. La loi Le Chapelier du 13 janvier 1791 adopta un décret qui mit fin à ce monopole de la Comédie-Française, et décréta la liberté pour tout citoyen d'élever un théâtre public et de faire représenter des pièces de tous genres (à condition, s'il s'agissait d'auteurs vivants, d'avoir préalablement reçu leur accord). Désormais, on ouvrait un théâtre comme une boutique ; cela devenait moins une entreprise étatique que commerciale, entraînant une concurrence entre les théâtres. On peut donc citer le théâtre Louvois, le théâtre de l'Émulation, le théâtre de la Liberté, le théâtre d'ombres chinoises, celui des Arts, le théâtre Olympique, le théâtre des Jeunes Élèves, ou encore celui de la Rue des Muses. Et bien sûr le théâtre du Vaudeville, que nous avons déjà mentionné, situé rue Chartres-Saint-Honoré (1*er* arrondissement), dans le Petit-Panthéon. Quant au théâtre Molière, devenu théâtre Martin en 1795 (et aujourd'hui Maison de la Poésie, rue Saint-Martin dans le 3*e* arrondissement), qui publia *Le Souper*, il « s'appela tour à tour théâtre Molière, théâtre des sans-culottes, théâtre des amis des arts, des variétés nationales, des élèves de l'opéra-comique [68] ». #### Une échappatoire musicale. Avec la réaction thermidorienne des 27 et 28 juillet 1794 (9 et 10 thermidor an II) qui mit fin à la Convention et à la Terreur, les Parisiens furent conduits à « chercher des dérivatifs à leurs problèmes quotidiens », et ce grâce à des « comédies sans prétention, aussi gaies que possible, souvent agrémentées de vaudevilles [69] ». À cet égard, notons que le XVIII*e* siècle fut bien l'âge d'or de la chanson. Ce fut d'ailleurs au théâtre du Vaudeville, fondé par Barré [70] et Piis en 1792, qu'eut lieu la première représentation du *Souper de Molière*, le 23 janvier 1795 (4 Pluviôse an III). Le théâtre « mêlé de VAUDEVILLES »… Le *Dictionnaire de l'Académie française* de l'époque de Cadet (1798) précise : « Anciennement *Vau-de-Vire*, du nom de la vallée de Vire en Normandie, où furent composées des chansons gaies et malignes qui eurent beaucoup de vogue, il y a quelques siècles. Le nom de *Vaudeville* signifie aujourd'hui une chanson qui court par la ville, dont l'air est facile à chanter, et dont les paroles sont faites ordinairement sur quelque aventure, sur quelque événement du jour. » « Mettre en vaudevilles » signifie alors que « les personnages chantent ce qu'ils ont à dire, non sur des musiques écrites pour la circonstance, mais sur des airs communs, tirés de l'innombrable répertoire des “caveaux” et des ouvrages déjà passés sur la scène, de sorte que le sens de leurs propos est souligné, commenté et contrarié par la chanson citée [71]. » C'est un « genre où des chansons satiriques et malicieuses, renonçant à toute ambition musicale, viennent égayer les dialogues », autrement dit, de « petites pièces de 4 à 8 vers chantées par les acteurs en intermèdes des textes ». On y fait « presque toujours référence à des airs à la mode » dont on indique le titre, comme c'est le cas dans *Le Souper* [72]. *N.B : Cela correspond à ce qu'on appelle en musique le « timbre », c'est-à-dire le procédé consistant à « adapter à des textes nouveaux la césure musicale d'airs connus* [73]. » Mechele Leon évoque bien une « resurgence of interest in the vaudeville genre during the Revolution [74]. » En effet, cette pratique possède la triple particularité d'être « irreverent » (« irrévérencieuse »), « timely » (« opportune »), et « parodying » (« parodique ») [75], ce qui permet de divertir les spectateurs, qui assistent avec joie au dépassement des bienséances, mais aussi de faire subtilement référence à l'actualité, en insérant des paroles éloquentes sur un air connu ; la complicité est donc au rendez-vous, les vaudevilles encourageant « by nature » la participation du public [76]. Dans *Le Souper de Molière*, Gassicourt a très bien pu songer au phénomène de double historicité : en illustrant une anecdote de la vie de Molière, l'auteur fait des allusions à la situation contemporaine, aisément comprises par l'auditoire, comme nous le verrons plus loin. S'il y a critique ou du moins remise en question de la situation contemporaine, c'est au travers d'un procédé qui reste placé sous le signe de la légèreté. L'air du vaudeville des Visitandines, par exemple, présent dans *Le Souper* (scène VIII, P. 23), illustre bien cette prééminence de la joie : il s'agirait de « la plus joyeuse, la plus inoffensive des antimonacales, et en même temps, un des succès les plus incontestés du théâtre de la Révolution » : « même sous la Terreur, le public ne voudra pas s'en passer [77] ». En tout cas, Gassicourt semble avant tout avoir répondu à la mode du vaudeville, et s'être fait discret quant aux événements, à une époque où les pièces à vocation politique étaient pourtant nombreuses : *Le Souper de Henri IV, ou le laboureur devenu gentilhomme* (comédie en un acte, en prose, par MM. Boutiller et Deprez de Walmont, les Frères Bonnet, Avignon, 1792 [78]), *La Parfaite égalité ou les tu et toi*, (comédie en trois actes, en prose, par Dorvigny, chez Barba, Paris, 1795 [79]), et *Le Vous et le toi*, opéra-vaudeville, en un acte (par Valcour, Cailleau, Paris, 1794). ### Le statut des œuvres : des changements à noter. #### Un public nouveau. Au cours du XVIII*e* siècle, en France, « le public (populaire) du *parterre*, jusqu'alors debout », se vit offrir « des places assises [80] », et, en 1759, le comte de Lauraguais fit supprimer « ces trop fameuses *banquettes* latérales qui, sur la scène même permettaient à des “petits maîtres” plus ou moins turbulents de “parasiter la représentation” [81]. » Ainsi, l'activité théâtrale se démocratisa, avec une diminution du prix des places et un renouvellement du répertoire, comme du public. En effet, ce dernier était désormais « constitué, dans sa grande majorité, par ces nouveaux spectateurs, qui ont bénéficié des promotions sociales engendrées par les bouleversements de la Révolution [82]. » Henri Lagrave décrit ce public nouveau dans *Le Théâtre en France* [83] : il s'agissait d'un « public turbulent, que la police a du mal à discipliner », mais aussi « actif, qui pèse d'un poids déterminant dans la vie théâtrale », et « élargi aux couches populaires, attirées par les petits spectacles de foires, puis de boulevards ». Imposant peu à peu ses goûts, il contribua « à l'évolution de la création théâtrale. » L'œuvre désormais n'était plus stable, mais au contraire dynamique et mobile. Pierre Frantz souligne à ce propos un décalage entre le « sens voulu » (par l'auteur) et le « sens vécu » (par le public) [84], et Lagrave insiste : « si le public s'est assagi, il reste néanmoins, même à la fin du siècle, remuant, bavard, gouailleur, indiscipliné, violent parfois » et « la crainte du sifflet a fait naître la “claque”, qui se muera bientôt en institution [85] ». Louis-Sébastien Mercier [86] sembla se plaindre d'un tel public dans la « Préface » à *Molière, drame en cinq actes en prose, imité de Goldoni*, (Amsterdam, 1776, p.10), comme d'un « bourdonnement monotone et continu de ces insectes folliculaires, qui troublent plus qu'il ne nuisent, qu'on écrase et qui renaissent [87]. » La question du public est donc un élément essentiel à prendre en compte dans l'activité théâtrale de la Révolution ; cela implique une nouvelle manière d'interpréter les textes. Les études que nous proposerons ne seront donc bien sûr que des conjectures, car le théâtre de la Révolution nous invite à considérer qu'il n'y a pas d'œuvre arrêtée, définitive, finie. #### Un mauvais théâtre ? Le théâtre de la Révolution française est bien souvent associé à son prétendu manque de qualité. Dans ses fonctions pédagogiques nouvelles, avec le recours à un discours « que l'on veut univoque et sans ambiguïté », il devint porteur d'un « monologisme écrasant » qui sembla « réduire les textes à la propagande la plus caricaturale [88]. » Dès 1790, des inquiétudes furent formulées quant à l' « Influence de la Révolution sur le théâtre françois [89] ». En effet, dans un premier temps, on constata que « tous les regards » étaient fixés sur l'Assemblée nationale, et les théâtres « oubliés » ; « tous les hommes » devenant alors « des législateurs [90] », l'on craignit que la Révolution n'entraînât la chute du théâtre français dans la capitale. C'est pourquoi l'on proposa d'ériger ce théâtre en « institution politique », sur des bases « aussi solides que celles de la constitution française [91]. » La formule de Marie-Joseph Chénier proclamant le théâtre comme « école de vertu et de liberté [92] » devint particulièrement éloquente. À l'époque, entrèrent en ligne de compte « deux impératifs partiellement contradictoires » : d'une part, « assurer la liberté aux entrepreneurs de spectacles », et d'autre part « intégrer le théâtre à la politique de culture générale, à l'instruction publique, à la formation morale et politique du citoyen [93]. » En tout cas, la Convention montagnarde réduisit « considérablement » la liberté qui avait été accordée au théâtre en 1791 [94]. Dès le mois d'août 1793 fut élaborée la mention « par et pour le Peuple », et le théâtre devint un véritable moyen d'éducation nationale. D'ailleurs, un décret de la Convention attribua « en janvier 1794 une somme de 100 000 livres aux vingt spectacles de Paris qui ont donné chacun quatre représentations “par et pour le Peuple [95].” » S'il régnait donc un certain « flou juridique [96] » au sujet du théâtre, il fut totalement levé à partir de mars 1794 : désormais, le Comité d'instruction publique était chargé de surveiller et d'épurer le répertoire. L'atmosphère générale se prêta alors à une forme d'autocensure. En janvier 1793 (nivôse-pluviôse an 1), le procès du roi fut même interrompu afin de régler la question de *L'Ami des lois* (comédie en cinq actes, en vers, 2 janvier 1793 – 13 nivôse an 1) de Jean-Louis Laya (1761-1833), la pièce étant jugée contre-révolutionnaire. Enfin, il persistait toujours un certain « discrédit » jeté sur les comédiens : « Leur statut n'a guère évolué, malgré une professionnalisation accrue liée à la multiplication de troupes résidentes en province. Le comédien est toujours suspecté par l'Église …. Ce qui n'empêche pas le public d'aduler ses idoles [97]. » ## Molière et le théâtre du XVII*e* siècle. ### Jouer Molière. Avec la Révolution, les théâtres devinrent propriété publique : l'on pouvait donc jouer « du Molière » sur n'importe quelle scène, puisque cet auteur était mort depuis plus de cinq ans (seul le consentement des auteurs vivants était requis). Statistics show that Molière is the author by far the most frequently staged during the eighteenth century : he is played more often than Racine and Corneille together [98]. Et Mechele Leon d'abonder dans ce sens : With nearly two thousand performances of his plays between 1789 and 1799, Molière was one of the most frequently performed playwrights in Paris during the Revolution [99].  Molière, donc très représenté au XVIII*e* siècle, et notamment pendant la Révolution, est néanmoins souvent associé à l'opinion fausse d'un auteur « interdit [100] » au cours de cette période. Le *Journal Général de France*, en janvier 1791, affirma par exemple : « Si Thalie se montre avec Molière, ses yeux n'ont plus d'attraits [101] » ; mais en vérité la présence du dramaturge sur la scène française était alors « loin d'être négligeable [102]. » Roger Barny précise que le *Dépit amoureux* fut représenté soixante-cinq fois entre 1789 et le 10 août 1792, *L'École des maris* cinquante-quatre fois (durant cette même période), *L'École des femmes* vingt-sept, *Le Misanthrope* vingt, *Tartuffe* cinquante-neuf, *Dom Juan* vingt-trois, et *L'Avare* vingt-six… Cependant, il ne s'agissait plus de l'époque de Molière ; Mercier le souligna dans *Du Théâtre ou Nouvel Essai sur l'art dramatique* (1773, p.67-68) : « Molière revenant au monde en 1773 … ne pourrait rire au milieu d'une nation qui n'a plus sujet de rire. Les deux muscles de la bouche, nommés *zygomatiques*, sont aujourd'hui paralysés chez tous les Français [103]. »  ### Fêter et s'approprier Molière. Il s'est donc agi, pour les auteurs qui s'en emparèrent, de mettre en lumière des liens avec Molière, et de lui faire jouer un rôle « dans la lutte des idées, à une époque où la neutralité n'était guère concevable [104]. » D'ailleurs, le 21 janvier 1793 (2 pluviôse an 1), deux spectacles se succédèrent : l'exécution de Louis XVI, et la représentation du *Médecin malgré lui – opéra* au Théâtre de la rue Feydeau. Désormais, le but des représentations moliéresques était clairement annoncé dans le *Journal des Spectacles* du 9 décembre 1793 (19 frimaire an II) : « pour arriver au but civique et révolutionnaire que nous proposons, faisons jouer souvent, pour épurer nos mœurs, les pièces de Molière » : il s'agissait en effet de proposer une « leçon politique, fondée sur l'intelligence historique du passé féodal [105]. » Monique Wagner parle alors d'une véritable « *renaissance moliéresque* [106] », qui serait liée à la « réparation publique » (en français dans le texte) du dramaturge, autrement dit : The posthumous election of Molière to membership in the Académie française. In 1769, many authors, including Cailhava, compete for his *éloge*, ultimately won by Chamfort. In 1778 Alembert offers to the Académie the bust of Molière carved in marble after Houdon [107]. Molière n'était donc plus ce « démon vêtu de chair et habillé en homme » selon la formule du curé de Saint-Barthélemy, Pierre Roullé (*Le Roi glorieux au monde, ou Louis XIV le plus glorieux de tous les rois du monde*, 1664) [108] ; et s'il fut admiré comme le grand modèle en matière de comédie, ce fut avant tout pour *Le Misanthrope* et *Tartuffe*, « considérés comme marquant l'accomplissement du génie [109]. » Si Molière devint le maître incontestable dans la possibilité d'une action sur la collectivité, « il ne s'agit pas tellement, dans cette perspective, de rendre l'homme meilleur pour lui-même, ou en vue de son salut éternel », mais bien plus de « demander à ces comédies les leçons qui permettront à une société, dont on se satisfait pleinement, de se développer de façon harmonieuse, il s'agit de parfaire un art de vivre où la satisfaction de chacun postule celle de tous [110]. » À partir de la Révolution, Molière, et ses grands personnages tels qu'Alceste et Tartuffe, devinrent des « figures de choix dans toute polémique qui se développe autour d'un régime dont on entend dénoncer l'arbitraire ou l'immoralité [111]. » C'est d'ailleurs à ce moment-là que l'opposition entre Alceste et Philinte se chargea « d'un contenu politico-idéologique qui ne pouvait guère avoir été prévu par Molière [112]. » ### Représenter Molière : quand l'auteur devient personnage. Molière, « auteur de l'œuvre qui reste la plus appréciée du public de l'époque », était alors également un « personnage théâtral, et même un personnage tout court, pourvu d'un rôle dans la polémique révolutionnaire [113]. » Mechele Leon précise d'ailleurs que le dramaturge ne fut pas immortalisé, mais bien plus réanimé : « the revolutionary period reanimated Molière … in innovative and theatrical ways [114]. » On dénombra, pour la période de la Révolution et de l'Empire, « une bonne quinzaine de pièces dont Molière est, sinon toujours le héros, du moins un protagoniste important [115]. » Beaucoup reprenaient les mêmes anecdotes, les mêmes légendes, et certains auteurs allaient même jusqu'à se copier « sans vergogne [116] ». C'est le cas pour notre *Souper de Molière* : en effet, l'anecdote – prétendue – d'un certain souper arrosé de Molière avec ses amis dans sa maison d'Auteuil se retrouva en 1801, « avec un titre à peine modifié sous la signature de Rigaud et Jacquelin : *Molière avec ses amis ou le souper d'Auteuil* » ; les mêmes donnèrent « une nouvelle mouture en un acte, en 1806 [117] », et en outre, Andrieux proposa *Molière avec ses amis ou la soirée d'Auteuil* en 1804 [118].  Molière devint même, en tant que personnage, le représentant de valeurs chères à la nouvelle Nation. Les révolutionnaires furent très attentifs à ce qui allait désormais être mis à l'honneur chez Molière : son rôle dépassa donc la salle de théâtre, et entra dans l' « identité nationale » (« national identity [119]  ») ; il fit désormais « partie des emblèmes nationaux, et sa vie privée releva du domaine public [120]. » On mit donc en lumière le sens de Molière pour la « justice sociale », et ses relations avec le « petit personnel qu'il emploie », le peuple étant, dans ses œuvres, « dépositaire des valeurs intellectuelles et morales [121]. » En outre, les pièces de cette période les plus appréciées (et bien sûr ayant Molière pour protagoniste) ne furent pas tant celles qui mirent en scène les dernières heures de sa vie (comme c'est le cas de *La Mort de Molière* de Michel de Cubières, 1788 puis 1802), mais celles qui, comme *Le Souper*, représentèrent « a drunken dinner party featuring Molière and friends : the stars of Old Regime *literati* [122]. » En somme, Molière devint un sujet « vendeur [123] ». # Composition dramaturgique de la pièce. ## Résumé de la pièce. *SCÈNE I* : **Antoine**, le jardinier de Boileau ; **Laforest**, la servante de Molière. Antoine ouvre le bal : il s'enquiert de demander à Laforest, occupée à préparer l'arrivée des convives, si son mariage avec Madelon, la jardinière de Molière, pourra enfin avoir lieu. La réponse positive de Laforest le réjouit : Molière a en effet accepté de payer la dot de Madelon, et la mère de cette dernière, qui refusait jusqu'alors cette union, a cédé la parole décisionnaire à son mari – comme il se doit. Laforest le félicite, mais souligne, dans une antiphrase, que le valet est bien à l'image de son maître : Antoine est piqué au vif, ce qui engendre un échange rythmé entre les deux personnages, pour déterminer lequel des deux maîtres, de Boileau ou de Molière, est le plus admirable. *SCÈNE II* : **Mignard, Lulli, Antoine, Laforest.** Dans cette très courte scène, Antoine et Laforest s'en remettent à Mignard et Lulli pour les départager. Si Mignard manifeste une certaine gêne, Lulli trouve la solution : Molière et Boileau sont aussi habiles et respectables l'un que l'autre, mais chacun dans son domaine propre : « le genre satirique » pour Boileau, et « la scène comique » pour Molière [124]. *SCÈNE III* : **Mignard, Lulli, Laforest.** Après s'être mutuellement félicités pour leur talent dans leur art respectif (la peinture et la musique), Mignard et Lulli réfléchissent sur l'assurance de leur vocation, et ironisent en pointant du doigt les erreurs de parcours de l'autre : Mignard et la médecine, et Lulli et la vocation religieuse ; Laforest est à chaque fois prise à partie. Mais l'échange reste bon enfant, et l'on se pardonne, en projetant de faire la fête le soir même, ce que Laforest confirme en annonçant la célébration de la noce d'Antoine et Madelon. *SCÈNE IV* : **Mignard, Lulli, Laforest, Antoine, Madelon.** Justement, voici les futurs mariés. Félicités par Mignard et Lulli, ils souhaitent voir Molière pour le remercier de son acte si généreux ; mais Laforest les avertit qu'il se repose, et tous concluent de ne pas le déranger. On se raconte alors les dernières belles actions du grand homme, dans un unisson d'admiration et de respect. Mignard montre le portrait qu'il a fait de Molière, et tous sont frappés par la ressemblance avec l'original ; tandis qu'ils s'approchent du tableau pour mieux l'admirer, Molière entre discrètement par le fond du théâtre. *SCÈNE V* : **Les précédents, Molière.** Touché par ces marques d'amitié, Molière en regrette tout de même le caractère idolâtre, avant de féliciter à son tour le futur marié. Antoine l'invite alors à assister au serment mutuel, mais Molière lui rappelle qu'il est excommunié, et qu'il ne pourra donc pas participer à la cérémonie religieuse. Suit un échange sur la mauvaise action des prêtres envers les comédiens, que Molière conclut en proposant de porter la noce le plus tard possible, afin qu'il puisse y paraître. Antoine et Madelon sortent. *SCÈNE VI* : **Molière, Mignard, Lulli, Laforest.** Molière annonce qu'il a invité pour le souper du soir même Chapelle, Lafontaine et Boileau. Il prévoit de faire grande chère, et lorsque Laforest le rappelle à son régime lacté, il lui promet d'être raisonnable, mais insiste sur son désir de discuter avec ses amis, libéré de la censure infligée par son siècle. Lulli part chercher Lafontaine. *SCÈNE VII* : **Molière, Laforest, Mignard.** Molière ouvre son courrier, et médite sur l'attitude ingrate de sa famille, qui l'exclut de sa généalogie : « n'importe [125] », il continuera de travailler pour son siècle et peut-être davantage. Laforest et Mignard l'approuvent. Molière décide alors de lire à sa servante un passage de son *Bourgeois-Gentilhomme* ; mais il entend Boileau arriver, et craignant la critique de ce dernier, cache son manuscrit. *SCÈNE VIII* : **Boileau, Mignard, Molière, Chapelle.** Boileau, content de se rendre chez Molière pour ne pas sombrer dans un « accès de misanthropie [126] », est néanmoins déçu d'y trouver Chapelle. En effet, ce dernier avait quelques temps auparavant rendu Boileau aussi ivre que lui, le jour même où ils croisèrent la route de Cottin et Chapelain, critiques de Boileau et réciproquement. Chapelle accepte alors sans problème de s'enivrer à son tour pour qu'on lui pardonne cette mésaventure, et précise d'ailleurs qu'il a préféré l'invitation de Molière à celle d'un prince. À ce moment les amis aperçoivent Lafontaine. *SCÈNE IX* : **Les précédents, Lafontaine.** Lafontaine annonce aux convives qu'il vient juste de trouver la fin de sa nouvelle fable, « Parole de Socrate », que lui a inspiré sa venue chez Molière, et reçoit les félicitations – plus ou moins ironiques – de ses camarades. *SCÈNE X* : **Lulli, Boileau, Molière, Chapelle, Mignard, Lafontaine.** Lulli, de retour, s'étonne de voir Lafontaine, et se demande par où il est arrivé. Ce dernier s'explique : il a certes voyagé par la galiote de midi, mais, occupé par l'écriture de sa fable, est descendu jusqu'à Saint-Cloud. Lulli propose alors, pour compenser la course qu'il vient de faire, que Lafontaine récite un de ses écrits. *SCÈNE XI* : **Les précédents, Laforest.** Laforest arrive pour servir les convives en vins. On choisit du rouge et du blanc ; Chapelle n'oublie pas la promesse qu'il a faite à Boileau de s'enivrer, lequel s'indigne qu'on ne propose pas d'eau. Molière a quant à lui son lait. Tandis que Laforest admire cette réunion, les convives demandent à Lulli une chanson pour les mettre en joie. Mais une fois qu'ils ont ri, les amis portent leur conversation sur un sujet sérieux, et leur dégoût de la vie en société les amène rapidement à affirmer la bêtise et l'injustice des hommes, et les misères seules que la vie apporte. Il faudrait donc chercher le repos dans un désert, ou même, dans le fond de la rivière – c'est-à-dire, la Seine – qui n'est pas loin : cet acte leur garantira enfin l'admiration de tous, et la gloire immortelle… Mais que fait Molière ? Il attend pour intervenir : juste au moment où les convives enivrés s'apprêtent à partir, Molière les convainc d'attendre le lendemain matin pour aller se noyer, un acte aussi héroïque ne devant pas être soupçonné de conduite en état d'ivresse. Les convives sont conquis par l'idée d'une renommée encore plus certaine, et jurent tous en chœur que ce n'est là que partie remise. Ils finissent par s'endormir, après quelques verres et chansons supplémentaires. *SCÈNE XII* : **Les convives endormis, Antoine, Madelon, Molière.** Antoine et Madelon annoncent à Molière que tout est prêt pour la cérémonie, et que les villageois attendent devant la maison. *SCÈNE XIII* : **Les précédents, Mathurin**, père de Madelon, **les villageois, le tabellion.** Molière signe le contrat de mariage des jeunes gens, et y adjoint deux cents écus de dot. Chaleureusement remercié, Molière explique que cet argent provient, paradoxalement, d'un *Avare*, autrement dit d'une de ses pièces, et s'éclipse afin de revêtir un habit de circonstance. Il sort en même temps que Madelon, Mathurin et Antoine, accompagnés du Chœur. À ce moment Lulli se réveille, et, se souvenant de sa résolution de la veille, la regrette, et espère que les autres convives auront tout oublié. Mais ces derniers se font exactement la même réflexion à leur réveil, et chacun compte sur l'amnésie de tous les autres. *SCÈNE XIV et dernière* :**Tous les acteurs.** Molière rappelle à ses amis leur engagement, profitant de l'ambiguïté de cette formule, qui peut en effet désigner le mariage d'Antoine et Madelon, mais aussi la noyade promise ; il insiste sur l'effective gloire qui les attend, puisque tout le village est rassemblé pour assister à ce spectacle. Les convives prennent peur, et le quiproquo est assez savoureux, puisque Molière parle bien sûr de la noce. Soulagés lorsqu'ils comprennent leur méprise, tous chantent en chœur le plaisir de vivre. ## Saveur et efficacité. ### Vivacité comique. Du point de vue de la dramaturgie, on peut tout d'abord noter le rythme des échanges entre les personnages, qui instaure une vivacité comique. La première scène entre Antoine et Laforest met en place cela, avec leur échange vif de répliques : ANTOINE. Et mon maître est le premier homme du monde, oui. LAFOREST. Comme tu y vas, Antoine : et Molière donc ? ANTOINE. Nous avons fait l'Art Poétique. LAFOREST. Nous avons fait le Misanthrope, l'Avare ! ANTOINE. Et nous le Lutrin de la Sainte Chapelle ! LAFOREST. Et nous... le Tartuffe ! LAFOREST. Mon maître est plus habile. LAFOREST. Le mien est plus fameux [127]. Dans ce même ordre d'idées, certains enchaînements de scènes donnent lieu à un comique de situation permis toujours par cet échange vif entre les personnages. Leurs réactions en chaîne, souvent marquées par la surprise, et d'ailleurs par un excès de surprise, laissent en quelque sorte présager ce que l'on appellera plus tard les vaudevilles (cette fois non comme élément musical), fondés justement sur ces comiques de situation. En effet, l'entrée de Chapelle au cours de la scène VIII participe de cet effet de surprise : MOLIÈRE … Va, mon pauvre Despréaux, Chapelle et Lulli sauront dissiper tes sombres idées. BOILEAU. Chapelle ! CHAPELLE, *entrant.* N'en dites pas de mal ? BOILEAU. Si j'avais su qu'il soupât ici, je me serais rendu plus difficile encore [128]. Gassicourt précise d'ailleurs dans la didascalie de cette scène que Chapelle entre « *un instant après* » : tout est donc mis en œuvre du point de vue dramaturgique pour que le public s'aperçoive de l'arrivée de Chapelle avant Boileau ; ainsi, l'effet comique est redoublé lorsque nous apprenons pourquoi Boileau a une telle réaction, c'est-à-dire parce que Chapelle l'a rendu soul. Cette même mise en scène se retrouve à la scène X, au moment où Lulli se rend compte de la présence de Lafontaine parmi les convives, alors qu'il était justement allé le chercher : LULLI. OUF ! je crois, mes amis, qu'il ne faut pas compter sur Lafontaine : il ne... (*apercevant Lafontaine*.) Par où diable est-il arrivé [129] ! Cette réaction de Lulli s'explique par sa fatigue, d'ailleurs explicitée par l'interjection « ouf ! », d'être allé au-devant de Lafontaine en vain, d'où l'étonnement presque offensé de la fin de réplique, avec la seconde interjection « diable ». Les apartés renforcent eux aussi cette constance de l'étonnement, et ce notamment à partir de la scène XIII, qui marque le réveil des convives, « réveil » dans tous les sens du terme. Ils prennent alors chacun leur tour conscience de leur comportement, et surtout de la promesse qu'ils préfèreraient n'avoir jamais faite, de se noyer dans la Seine : c'est pourquoi leurs apartés sont particulièrement importants, en tant que moments où ils confessent leur peur de mourir, à eux-mêmes et donc au public, et prient pour que tout le monde ait oublié cet épisode peu glorieux de leur vie. Lulli ouvre le bal des réveils : Ah !... Mais où suis-je ? Chapelle, Mignard, Boileau... Ah ! dieu ! j'avais oublié qu'hier... Ô funeste résolution [130] ! L'exagération de cette prise de conscience est marquée par la ponctuation affective, ainsi que les interjections, mais encore par la dimension épiphanique tournée en dérision par Gassicourt. Voyant son ami Boileau s'éveiller à son tour, Lulli opte pour la dissimulation, et annonce sa résolution : « feignons de dormir encore [131] ». Boileau, également entre registre sérieux et non sérieux, assiste à l'éclosion de son souvenir de la veille : « Je rêvais ; mais, non, je ne rêvais pas... », et fait le même choix : « écoutons ». Vient ensuite l'intervention de Chapelle, qui va lui aussi faire une utilisation particulièrement comique des apartés, soulignant sa frayeur extrême, et sa lâcheté : « Ahi ! ahi ! il ne l'a pas oublié [132] »,  puis, de nouveau « *à part* » : « Oh dieu ! la mémoire lui revient-elle ? [133] ». En outre, l'utilisation de certains airs à des moments opportuns vient également agrémenter d'une touche d'humour les caractéristiques des personnages. Notons par exemple le prélude du Sommeil d'Atys à la fin de la scène XII, qui tourne en dérision les convives endormis, assommés par l'alcool et oublieux de leur promesse de noyade, prévue le matin même. Molière ironise d'ailleurs sur ses camarades, en faisant entrer « *avec précaution* » les villageois : « Approchez, approchez : oh ne craignez pas de les réveiller ; ils dorment bien [134]. » Cette réplique laisse bien entendre que les convives sont endormis dans la pièce principale, là où a eu lieu le souper, et non dans leurs chambres. La dérision est d'autant plus forte que Gassicourt choisit justement un air composé par Lulli. Puis, l'air de « Frère Jacques » va dans ce même sens de dérision au moment cette fois où Antoine, Madelon et Mathurin sortent de scène, essayant de ne pas réveiller les convives : tous trois chantent, avec le chœur et Molière : ANTOINE, MADELON, MATHURIN. AIR : *Frère Jacques.* Du silence. LE CHŒUR. Du silence. MOLIERE. Laissons-les. LE CHŒUR. Laissons les. TOUS. Marchons avec prudence, Marchons avec prudence. ANTOINE. Paix ! MADELON. Paix ! LE CHŒUR. Paix ! MOLIERE. Paix ! MATHURIN. Paix ! LE CHŒUR. Paix [135] ! Les airs semblent ainsi illustrer avec plus de retentissement et d'impact sur les spectateurs le déroulement de l'action et les rapports de force entre les personnages, que le parler seul. Ils marquent des avancées dans les échanges, et donnent une certaine importance à la ponctuation affective, pour étayer, illustrer, renforcer l'idée à l'instant énoncée par des répliques parlées, dans un effet de redondance destiné à faire sourire le public. Notons par exemple l'air « Alain était différent [136] », scène III, particulièrement éloquent au moment où Mignard et Lulli évoquent leurs erreurs de parcours, donc leurs « différences » justement, par rapport à la vocation qu'ils se sont fixée. De même, « Il est, il est, il est toujours le même [137] », scène IV, est efficace pour évoquer la ressemblance du portrait de Molière peint par Mignard ; ou encore, scène V, « On dit que le mariage [138] », lorsque Madelon et Lulli font référence à la future union des jeunes gens ; et enfin scène X, l'air de « La plus belle promenade [139] », pour illustrer le trajet improvisé de Lafontaine pour arriver à la maison de Molière. Toutes ces accointances entre les titres des airs et la situation des personnages et leurs paroles présupposent donc une connaissance de ces airs de la part du public. ### Effet de naturel [140] et discrétion. Toujours du point de vue de la dramaturgie, notons que les conversations entre les personnages s'enchaînent de manière naturelle tout au long de la pièce : chaque sujet en amène un autre sans que le spectateur ait à se demander pourquoi. Scène III, les occupations des personnages : « *Laforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecin* [141] » font porter la conversation sur la proximité, la complémentarité entre les arts : « les arts sont frères [142] » ; de là vient le thème de la vocation : « je crois que nous ne nous sommes pas trompés sur notre vocation [143] », et donc, comme contre-exemple, celui de l'erreur de parcours, de la « petite infidélité [144] » à cette voie. Cette même construction dramaturgique dans les échanges entre les personnages se retrouve à chaque scène. Nous pouvons encore relever, scène IV, l'enchaînement entre l'arrivée de Madelon et d'Antoine, souhaitant remercier Molière, puis l'annonce de Laforest : « Molière repose [145] », réponse parfaitement dans la logique de la situation, tout comme la décision qui la suit de ne pas le déranger, car « Un homme qui fait tant de bien quand il veille, doit être tranquille quand il dort [146] » ; enfin, cela amène les convives à expliquer en quoi il s'agit de quelqu'un de bien : c'est là qu'interviennent les anecdotes sur Mondorge et sur Racine, que nous étudierons plus avant dans notre partie suivante. Notons encore l'invitation de Molière à la cérémonie de mariage, scène V, qui conduit ce dernier à expliquer pourquoi cela lui est impossible, c'est-à-dire dans la mesure où il est excommunié, et qui fait suivre une discussion à ce sujet. Enfin, la scène XI, commencée sous le signe de la bonne humeur, du repas et des chansons grivoises, est marquée par la formule de Lafontaine : « Allons, allons : trêve à la folie... Parlons raison [147] », qui entraîne donc la fameuse réflexion désabusée sur l'existence : les convives constatent qu'ils sont heureux à ce moment-là, justement par contraste avec leur vie en société, et cette constatation les conduit à remettre en question les hommes dans leur ensemble, et enfin la vie même, d'où la décision du suicide collectif. D'autre part, soulignons la particularité de la dramaturgie autour du personnage de Molière. Ses entrées et sorties sont ménagées, et paradoxalement marquées par une certaine discrétion. Sa première apparition est retardée et attendue par le spectateur ; il n'intervient en effet qu'à la fin de la scène IV, et en outre de manière très discrète, puisqu'il s'arrête « dans le fond du théâtre [148] », apparaît « en robe de chambre [149] », et demeure silencieux. Le tableau offert par Gassicourt relève donc de la sphère intime, loin de l'apparat que représente Paris. Le public le voit, contrairement aux autres personnages, ce qui participe une fois de plus de la connivence entre la salle et la scène. En outre, Molière et le spectateur regardent la même chose, au centre – c'est-à-dire les personnages – et donc se regardent en quelque sorte. Cet effet est encore multiplié par la présence du portrait de Molière sur la scène, qui vient dédoubler sa figure. En fin de compte, le spectateur, regardant Molière, regarde aussi ce que ce dernier regarde, c'est-à-dire des personnages en train de le regarder… Le dramaturge-personnage vient donc occuper tout à la fois le devant, et le fond de la scène. Sa discrétion est ainsi paradoxalement renforcée par ce jeu de miroirs. Finalement, Molière – et la figure de Molière construite par l'auteur – était déjà présent dans, et par, son absence même. En effet, si dès la première scène Molière est évoqué, il n'est en revanche pas nommé d'emblée ; mais cela a lieu toujours dans une connivence avec le spectateur, puisque ce dernier sait très bien de qui Laforest parle lorsqu'elle dit « mon maître [150] », dès sa deuxième réplique, Antoine confirmant cela avec « ce bon M. Molière [151] ». Puis, on peut noter la présence d'évocations aux œuvres du dramaturge, comme fonds de référence commun à tous les personnages, qu'il s'agisse des serviteurs ou des convives. Laforest n'a par exemple pas besoin de préciser ce qu'elle entend lorsqu'elle dit à Antoine que son futur beau-père n'est pas « un… harpagon » : son interlocuteur, ainsi que le public, savent pertinemment qu'il s'agit là d'une allusion à *L'Avare*. D'ailleurs, Gassicourt choisit de ne pas mettre de majuscule à ce nom, ce qui renforce l'antonomase ; cette particularité, ajoutée aux points de suspension qui précèdent la mention, peuvent montrer que c'est là un nom commun, courant dans le vocabulaire de Laforest, qui, comme imprégnée des œuvres de son maître, n'a pas en tête d'autres mots plus éloquents pour illustrer sa pensée. Enfin, l'auteur crée une véritable figure de Molière dans la mesure où on assiste à une admiration unanime à son égard. Cela est particulièrement visible à la scène IV : Mignard, Lulli, Laforest, Antoine et Madelon sont présents, et dressent un portrait extrêmement laudatif du grand homme. C'est là que Lulli fait référence à l'anecdote concernant Mondorge, et Laforest à celle sur Racine ; tous sont désolés du manque de reconnaissance que connaît Molière : Mignard : « Qu'il serait à souhaiter que tout le monde connût Molière comme nous le connaissons », Laforest : « On invente tant de choses contre lui [152]. » Et chacun renchérit sur son génie, sa perfection en somme : « quelle générosité ! », « quelle sublime leçon ! [153] », « joyeuse humeur », « air plein de douceur », « yeux pleins d'esprit [154] », « le grand écrivain ! », « quelle bienfaisance ! [155] ». La pièce semble s'ériger en véritable hommage à Molière, dans cette admiration sans faille de tous, mise en lumière par leur réaction en chœur. Mais notons la petite pointe d'ironie que l'on pourrait soupçonner chez Gassicourt, ou du moins l'éventualité qu'il se soit amusé avec cette outrance d'enthousiasme. En effet, les exclamations, interjections et hyperboles ne manquent pas, nous l'avons vu, et confèrent un aspect caricatural aux répliques des personnages : ces derniers renchérissent pour savoir qui d'eux connaît le mieux Molière, qui sait le mieux mettre en valeur ses immenses qualités, avec le recours à ce que l'on pourrait qualifier de potins : « Ah ! de grâce, racontez-nous-la [156]. » En outre, Molière est représenté comme un saint, avec le réseau lexical de la morale : « belle action », « générosité », « leçon [157] », traité de manière un peu excessive. ## Comme chez Molière… ### Mouvements et personnages. Les relations entre les personnages relèvent d'emblée du théâtre dit classique, dans la mesure où se met en place une série de couples maître-serviteur : Molière et Madelon, Boileau et Antoine, et également une dichotomie relative entre les personnages-convives, autrement dit les amis de Molière, et les personnages relevant davantage de la sphère populaire. Dès la scène d'exposition, l'on note plus précisément des choix dramaturgiques rappelant ceux de Molière. En effet, comme dans *Tartuffe* notamment (où le personnage éponyme arrive sur scène seulement à l'Acte III, 2) [158], le protagoniste est absent des premières scènes : Molière n'apparaît de fait qu'à la fin de la scène VI. Ce début, que l'on peut qualifier d'« *in medias res* », permet de définir les caractéristiques du personnage tant attendu, à commencer bien sûr par sa générosité, ce qui permet dans le même temps de mettre en place l'intrigue du futur mariage d'Antoine et Madelon, puisque c'est grâce à la bienveillance de Molière que ce dernier peut avoir lieu. D'ailleurs, la discussion ne se cantonne guère longtemps aux deux personnages en présence, et Laforest et Antoine se mettent rapidement à parler de leurs maîtres, avec une admiration acharnée (nous avons relevé plus haut la vivacité de leur échange dans cette première scène). Laforest est en outre particulièrement à l'image de Molière – en tout cas de celui des anecdotes à son sujet – lorsqu'elle s'exclame spontanément : « Comment donc ? Médecin ! Ah ! mon dieu [159]. » D'autre part, si l'on étudie les mouvements de regroupement des personnages, notamment autour de cet objet théâtral que représente le portrait de Molière, on peut rapprocher cela des ballets orchestrés par le dramaturge dans certaines de ses pièces. En effet, les personnages « *se groupent autour du portrait* [160] » à la scène IV, donc dans un premier mouvement concentrique, qui vient rompre avec le mouvement inverse de répartition cette fois de la scène précédente : « *Laforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecin* [161]. » Il y aurait donc un double mouvement des personnages, entre rassemblement et répartition, qui en outre met en lumière l'importance du spectacle total, où tous les arts sont représentés, chez Molière. La toute première didascalie de la pièce témoigne de cette attention portée à la réunion de l'écriture dramaturgique et de la musique, permise par Molière : « *Sur le devant de la scène est un chevalet avec le portrait de Molière, une table et un violon* [162] ». Gassicourt, en choisissant le vaudeville, se place ainsi dans la lignée de l'auteur qu'il met en scène, puisqu'on sait à quel point Molière appréciait le « mélange parlé-chanté [163] », ou encore ce qu'on pourrait appeler avec Robert Garapon une « comédie plénière, … vaste composition théâtrale unissant la danse, la musique et le jeu dramatique [164]. » Enfin, concernant ces mouvements chorégraphiques rapprochant ou bien répartissant les personnages, on peut encore noter un point commun entre la fin du *Souper* et certains dénouements chez Molière. En effet, « tous les acteurs [165] » sont rassemblés sur scène pour fêter le mariage d'Antoine et Madelon, ainsi que la mésaventure des convives. Or, une telle présence a lieu notamment dans *Le Bourgeois gentilhomme* – c'est d'ailleurs la pièce que Molière est censé écrire au moment de ce *Souper*. Plus précisément, de même que Covielle (valet de Cléonte) se tourne alors vers la salle pour dire : « Monsieur, je vous remercie. Si l'on en peut voir un plus fou, je l'irai dire à Rome [166] », ce qui mêle ainsi les spectateurs aux acteurs [167], Lafontaine s'adresse « aux spectateurs », et les interpelle : « Citoyens, voyez, je vous prie, / L'intention, et non l'esprit [168]. » ### Y a-t-il un raisonneur dans la pièce ? Concernant l'intrigue du souper en lui-même, c'est-à-dire l'impact suicidaire des effluves d'alcool sur les convives, le rôle de Molière peut rappeler celui des dits « raisonneurs » dans les comédies de cet auteur. Il est en effet celui qui avertit ses amis du danger qui les guette à suivre leurs sens et sentiments corrompus par le vin : « N'abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu'on peut lui donner [169] », n'oubliant jamais le droit chemin : « Que penser des hommes, si les plus sages, les plus éclairés peuvent s'oublier ainsi ? [170] », et créant de fait une proximité avec le spectateur, qui lui accorde davantage de crédit qu'au reste des convives. Molière a cette particularité chez Gassicourt d'assister tout à la fois impuissant à la scène : « Feignons de prendre part à leurs folies, puisque je ne puis les ramener à la raison [171] », et en même temps toujours en maître des événements, en superviseur plein d'ironie : « la calomnie, avide de tout dénigrer, répandra le bruit que l'ivresse nous a plus inspirés que la philosophie », « leçon publique du mépris de la vie [172] », tirant les ficelles de ce qui semble parfois être son intrigue : « Voyons jusqu'où l'enthousiasme ira [173]. » Il s'agit donc d'un Molière personnage, mais toujours en lien avec le dramaturge qu'il représente, ce que le public devine aisément en lui. En outre, l'on retrouve bien, dans cette connivence entre le personnage de Molière, toujours responsable de ses actes et pensées, et le public, ce « sentiment de supériorité légère que nous exigeons de la comédie [174]. » Également, chacun des convives absorbés par l'alcool témoigne de « sa surdité et sa cécité mentales [175] », et semble véritablement « hypnotisé [176] ». Mais que penser de ce terme de « raisonneur », et pour la pièce de Gassicourt, et pour les comédies de Molière lui-même ? Il est considéré comme « anachronique » par Georges Forestier et Claude Bourqui [177], et René Bray va également dans ce sens : « il n'y a pas de *raisonneurs* dans le théâtre de Molière. Chaque personnage est exigé par sa fonction dramatique, non par une prétendue fonction morale inventée par la critique [178]. » Ainsi, qu'il s'agisse des comédies de Molière ou du *Souper* de Gassicourt, si l'on retrouve dans le protagoniste certaines caractéristiques rappelant le rôle du « raisonneur », ce terme est dans les deux cas à considérer avec la distance nécessaire. En tout cas, Gassicourt a pu vouloir faire un petit clin d'œil dramaturgique à son auteur-personnage. Enfin, notons qu'il n'y a pas de « deus ex machina » au dénouement du *Souper* : c'est non seulement Molière lui-même « the rescuer [179] », mais en outre des deux intrigues : il permet le mariage entre Madelon et Antoine, et il évite le suicide collectif de ses amis. D'ailleurs, concernant l'intrigue du mariage, il n'y a pas en réalité d'élément perturbateur auquel Molière viendrait se substituer au cours de la pièce : tout est déjà planifié, arrangé, dès la première scène. Si les personnages dits raisonnables – plus que raisonneurs – des comédies « perdent leur temps lorsqu'ils cherchent à raisonner avec les protagonistes [180] », ici ce n'est pas le cas, et les convives éveillés le lendemain de ce souper arrosé sont bien heureux d'avoir écouté Molière. Tout ne s'arrange pas « *in extremis* [181] », mais de manière assez rapide et efficace, dans cette courte pièce, comme si Gassicourt avait voulu rendre un hommage humble au dramaturge, en mettant en scène une résolution jubilatoire de situations rappelant celles de ses comédies, dans un effet performatif permis par ses choix dramaturgiques. # Le sujet de la pièce : la question des sources. Si nous essayons de distinguer le sujet et le thème de cette pièce de Cadet de Gassicourt, nous pouvons proposer comme sujet : Molière et ses proches, en particulier ses amis ; et plus précisément, le thème serait : comment l'épisode bien connu du souper trop arrosé d'Auteuil est-il revisité par Gassicourt, et comment sa transposition au théâtre est-elle particulièrement féconde… Dès lors, que penser de la mention : « fait historique », inscrite sous le titre ? Georges Forestier et Claude Bourqui le rappellent : « on a prétendu déchiffrer la vie dans son théâtre et expliquer le théâtre par sa vie [182] ». Il est pourtant difficile voire impossible de faire la part des choses entre ce qui relève de l'« idéologie mondaine courante », et « ce qui est de l'ordre des prises de position personnelles [183]. » S'il est indéniable que certains faits de l'existence peuvent avoir une influence sur des productions artistiques, il serait néanmoins « absurde », selon René Bray, de « réduire l'expérience poétique à ce tissu ténu qui compose la trame de nos journées [184] ». Nous faisons donc d'emblée face à un problème majeur concernant l'utilisation que l'on fait de Molière, dans ce mélange de vie et d'œuvre… Mais une autre difficulté s'y ajoute, entièrement liée à la première : l'absence de preuves biographiques tangibles concernant toutes les anecdotes que l'on attribue à Molière après sa mort. En effet, s'il existe bien des *Vies de Molière*, elles ne contiennent hélas pas de notes autobiographiques. En outre, Molière fait partie de ces quelques artistes « suscitant une légende spontanée presque de leur vivant ou immédiatement après leur mort [185] » ; et, nous l'avons vu, en cette période révolutionnaire, sa vie entre véritablement dans le domaine public. Il s'agira donc dans cette partie d'émettre des conjectures de sources ; ces sources étant elles-mêmes des conjectures… ## Les sources prétendument historiques. ### Les anecdotes [186]. #### Introduction aux anecdotes. *GRIMAREST, PRINCIPALE SOURCE DE GASSICOURT* : Jean-Léonor Le Gallois de Grimarest (1659-1713), polygraphe surtout connu pour sa *Vie de M. de Molière*, parue en 1705, « n'a pas connu Molière [187] ». Il dit s'être fondé sur les déclarations que lui aurait faites le comédien Baron, mais ce dernier ne fit partie de la troupe de Molière que pendant trois ans, et avait seulement vingt ans à sa mort. Si Grimarest prétendait faire « œuvre d'autorité publique [188] » en énonçant la vérité biographique du dramaturge, Boileau (qui quant à lui connut Molière), a pourfendu cette prétendue démarche, en affirmant que son ouvrage ne méritait même pas « qu'on en parle » : « il est fait par un homme qui ne savait rien de la vie de Molière, et il se trompe sur tout, ne sachant pas même les faits que tout le monde sait [189]. » Il y aurait donc des faits « connus de tous les contemporains », et que Boileau juge inutile de rappeler, conservant ainsi cachés les « secrets de sa vie [190]. » Cette première *Vie* aurait donc dû être rejetée comme un « témoignage fallacieux, une source illégitime [191] » ; mais elle a pourtant servi de référence principale (y compris lorsqu'il s'agit de la discréditer) à toutes les autres *Vies* de Molière. Celle de Voltaire (1739) en est un exemple : il s'agirait en fait d'une « réécriture du texte de Grimarest épuré de son caractère anecdotique [192]. » C'est donc sans doute principalement à partir du récit (du roman, pourrait-on dire) de Grimarest, que Gassicourt a mis en place son intrigue, avec des épisodes « fondateurs » de la légende moliéresque, « des *mythèmes* », selon la terminologie de Lévi-Strauss [193]. *LES ANACHRONISMES* : Précisons d'emblée que Gassicourt ne prête pas une attention rigoureuse à la chronologie ; *Le Souper* fait en effet partie des pièces « exploitant une séquence biographique authentique de convention » (Grimarest, notamment), mais en y insérant des passages relevant de la « pure invention », ou en « extrapolant sur certains événements » plus ou moins avérés [194]. #### Molière et Mondorge. Molière aurait secouru un comédien – et ancienne connaissance – nommé Mondorge, alors que ce dernier se trouvait dans une grande détresse pécuniaire. Cet épisode apparaît chez Grimarest (*La Vie de M. de Molière* [195]), avant d'être repris par Voltaire dans sa *Vie de Molière* [196] ; on le retrouve également dans le *Moliérana* [197], autrement dit le recueil d'anecdotes prétendument arrivées à Molière, ainsi que, au XX*e* siècle, chez Georges Mongrédien (*La Vie privée de Molière* [198]). Dans la pièce, il y est fait référence à la scène IV (P. 13), lorsque Lulli raconte : Un pauvre comédien, ancien camarade de Molière, vint, il y a trois jours, demander des secours pour gagner sa province... Baron était ici. -- Combien, dit Molière, faut-il lui donner ? -- Mais, répond Baron, quatre pistoles suffiront. -- Quatre pistoles... soit ; tenez, vous les lui remettrez pour moi ; mais en voici vingt que vous lui donnerez pour vous, et il joignit à ce présent un habit magnifique.  Grimarest évoque en effet « un homme, dont le nom de famille était Mignot, et Mondorge celui de Comédien », décidant d'aller à Auteuil (lieu où Gassicourt situe justement l'action de sa pièce ; nous en parlons plus précisément ci-après), chez Molière, pour tenter de trouver « quelque secours, pour les besoins pressants d'une famille qui était dans une misère affreuse ». On retrouve bien l'idée, comme dans *Le Souper*, que Molière et Mondorge auraient été « camarades », le terme est en effet présent chez Grimarest : « Il avait été le camarade de M. de Molière en Languedoc », et ce dernier le confirme : « il est vrai que nous avons joué la comédie ensemble, dit Molière ». Le dramaturge aurait alors, comme le laisse entendre Lulli dans la pièce, laissé à Baron le soin de déterminer la somme nécessaire à Mondorge, et l'on note bien le même montant de « quatre pistoles » proposé par Baron, et accepté par Molière, et le détail anecdotique des « vingt autres » données « pour vous », autrement dit pour Baron, ainsi que le don supplémentaire d'un « habit de Théâtre », d'une valeur de « deux mille cinq cents livres », et qui était « presque tout neuf », d'où l'adjectif « magnifique » employé par Lulli. Nous pouvons en tout cas confirmer l'existence de ce Jean Mignot, appelé Mondorge, cité par Mongrédien dans son *Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle* : (Jean Mignot) : Il est, parmi les comédiens du duc d'Orléans, à Albi, le 10 septembre 1657. Il a connu Molière, qui lui fit plus tard un don généreux [199]. On note la présence d'un épisode tout à fait similaire dans la pièce *La Mort de Molière*, de Michel de Cubières [200], Acte II, scène 2. Mondorge aurait en effet été « plongé dans la détresse », et Molière lui serait venu en aide financièrement, par l'intermédiaire de Baron, comme il en est fait mention ici. Seul le montant de la somme varie : Baron parle de « quinze pistoles » (que Molière donne « de sa part »), à laquelle le dramaturge ajoute « vingt-cinq » pistoles de la part de Baron. En outre, Isabelle, fille de Molière dans cette pièce de Cubières, donne également douze pistoles de sa part. Gassicourt nous montre donc ici son art de la synthèse : car la même anecdote est traitée sur plusieurs pages dans *La Mort de Molière*. #### Molière et Racine. Molière étant présenté chez Grimarest et tous ceux qui l'ont suivi comme le « bienfaiteur de Racine [201] », Gassicourt reprend cette idée dans cette même quatrième scène (p.13-14), lorsque Laforest annonce aux autres personnages : Un jeune homme de 19 ans, nommé Racine, avait remis à Molière un poème pour avoir son avis. L'ouvrage était mauvais... Il me l'a lu. --Mais Molière vit que le jeune homme pouvait mieux faire... Aussi, en rendant le poème, il y cacha cent louis, et le plan d'une tragédie. Il s'agit d'une référence à la première pièce de Racine *La Thébaïde, ou les Frères ennemis*, représentée pour la première fois par la troupe de Monsieur – alors dirigée par Molière – le 20 juin 1664. Grimarest racontait l'anecdote de la manière suivante : Il Molière se souvint qu'un an auparavant un jeune homme lui avait apporté une pièce intitulée *Théagène et Chariclée*, qui à la vérité ne valait rien ; mais qui lui avait fait voir que ce jeune homme en travaillant pouvait devenir un excellent Auteur. … Il lui dit de revenir le trouver dans six mois. Pendant ce temps-là Molière fit le dessein des *Frères ennemis* …. Molière lui donna son projet, et le pria de lui en apporter un acte par semaine … mais Molière remarqua qu'il avait pris presque tout son travail dans la *Thébaïde* de Rotrou. … comme le temps pressait, Molière lui aida à changer ce qu'il avait pillé, et à achever la pièce, qui fut prête dans le temps, et qui fut d'autant plus applaudie, que le Public se prêta à la jeunesse de M. Racine [202]. Les détails présents chez Grimarest, tels que la comparaison avec Rotrou, sont absents du *Souper*, et également du récit de Voltaire à ce sujet (dont Gassicourt s'est peut-être encore davantage inspiré) : Molière engagea le jeune Racine, qui sortait du Port-Royal, à travailler pour le Théâtre dès l'âge de dix-neuf ans. Il lui fit composer la Tragédie de *Théagène et Chariclée* ; et quoique cette Pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune Auteur de cent louis, et lui donna le plan des *Frères ennemis* [203]. #### Bilan permis par ces deux premières anecdotes. Cadet de Gassicourt lie donc deux anecdotes issues de ses sources, en les faisant se suivre, puisque Laforest parle du « lendemain [204] ». Grimarest et Voltaire restent eux-mêmes vagues quant à la datation de ces (prétendus) événements : si l'anecdote concernant Racine peut être datée (Voltaire évoque – toujours p.17 – l'année « 1661 » comme étant « environ dans le même temps », et Grimarest fait référence, dans les pages qui précèdent – p.52 et 53 –, à *L'Impromptu de Versailles*, « joué pour la première fois devant le Roi le 14*e* d'octobre 1663 », donc bel et bien avant 1664, année de la représentation de *La Thébaïde*), en revanche celle concernant Mondorge correspond seulement à « un jour [205]… » chez Voltaire, et Grimarest l'utilise surtout comme illustration non datée du « soin » que Molière appliquait à former Baron « dans les mœurs [206] ». Mais Baron étant né en octobre 1653, et accueilli dans la troupe de Molière seulement à dix-sept ans, les deux anecdotes ne peuvent donc pas être ainsi rapprochées ; Gassicourt prend bel et bien le parti de se détacher de la chronologie. On peut même émettre l'hypothèse que l'auteur ait construit ces répliques par association d'idées. En effet, chez Voltaire, on trouve sur la même page (p.17) les deux anecdotes : celle concernant Racine, et celle concernant Mondorge, le lien étant la figure de Molière en tant que bienfaiteur et protecteur de jeunes talents (Racine, puis Baron, ce dernier montrant sa bienveillance en venant en aide à Mondorge). En tout cas, étant donné que Mondorge s'adresse à Molière lorsqu'il se trouve à Auteuil, cela ne peut se faire qu'à partir du moment où Molière a commencé à y louer une maison, c'est-à-dire à partir de l'année 1666 environ [207]. Nous pourrions donc tenter de situer le contexte du *Souper* à la toute fin des années 1660, Molière ayant en outre déjà écrit *L'Avare* (représenté pour la première fois le 9 septembre 1668), comme il en est fait mention P. 5, et étant en train d'écrire *Le Bourgeois gentilhomme* (P. 21), et Mignard n'ayant pas achevé le portrait de Molière, pour lequel ce dernier écrira, en remerciement, *La Gloire du Val-de-Grâce*, long poème de trois cent soixante-six vers, imprimé en 1669. Néanmoins, comme tout cela reste bien sûr de l'ordre de la fiction, nous ne pouvons que conjecturer une période qui pourrait correspondre à l'intrigue du *Souper*, mais non lui attribuer une date précise (les anecdotes-sources elles-mêmes relevant pour beaucoup de la fiction). #### Molière malade, au régime lacté. Plusieurs répliques du *Souper* présentent un Molière faible, malade sur la longue durée, et observant un régime consistant à ne boire que du lait. Citons notamment : « Nous allons célébrer sa convalescence ? [208] » ; « puisque je suis un peu rétabli [209]  » ; « Et votre régime ! [210] » ; « Il ne faut rien faire qui nuise à ta santé [211] » ; « vous ne prendrez que du lait. [212] » ; ou encore « pour moi, vous le voyez, je suis au régime. (*Il prend du lait)* [213] ». Dans sa Lettre à Madame du 12 juin 1667, le gazetier Robinet rend compte du retour sur scène de Molière après deux mois et demi d'absence pour la pièce *Le Sicilien ou l'Amour peintre* (représentée pour la première fois en février 1667), et montre en effet qu'il est en convalescence, et non mort, comme le laissaient croire certains bruits : … tout rajeuni du lait De quelque autre infante d'Inache Qui se couvre de peau de vache, S'y rencontre enfin à nos yeux Plus que jamais facétieux [214]. C'est de cette unique allusion au lait faite du vivant de Molière ou dans les années qui suivirent sa mort que vient l'anecdote du régime lacté, reprise ensuite par Grimarest : Une toux qu'il avait négligée, lui avait causé une fluxion sur la poitrine, avec un crachement de sang, dont il était resté incommodé ; de sorte qu'il fut obligé de se mettre au lait pour se raccommoder, et pour être en état de continuer son travail. Il observa ce régime presque le reste de ses jours [215]. Puis par tous les biographes, comme on le voit au XX*e* siècle chez Mongrédien : Molière « observait scrupuleusement son régime lacté [216]. » Quant à l'idée d'un être fragile et atteint par la maladie, elle est probablement introduite par la comédie satirique tournée contre Molière : *Élomire hypocondre ou les médecins vengés*, d'un certain Boulanger de Chalussay. À l'acte I, scène 1, le personnage principal, Élomire, autrement dit Molière (Élomire étant une anagramme), se plaint : « N'as-tu point remarqué que depuis quelque temps / Je tousse et ne dors point ? [217] », et Isabelle, sa femme, a beau lui répondre qu'il est au contraire en pleine santé, il continue de plus belle à l'acte I, scène 3 : « C'est une grosse toux, avec mille tintoins [218] ». Mais ces prétendues « dispositions à la tuberculose », que rapporte encore Ramon Fernandez [219], n'en sont sans doute rien. En effet, Georges Forestier et Claude Bourqui parlent à ce sujet du « mythe d'un Molière chroniquement malade », ou encore de la « belle histoire romantique d'un auteur poitrinaire tirant son art de son mal [220] », et citent Jean Chapelain, lorsqu'il décrit une « toux et fluxion qui avait tué tant de personnes à Paris cet hiver-là, emportant même Molière [221] », montrant ainsi que le dramaturge était en bonne santé, et n'est pas mort des suites d'une longue maladie, mais à cause d'un virus particulièrement sévère de cette année-là. Les auteurs précisent également : On ne possède aucun témoignage sur quelque maladie de Molière que ce soit dans les mois et les années qui précédèrent immédiatement sa mort. On sait par le gazetier Charles Robinet qu'il tomba malade au commencement de 1666 (Robinet, *Lettre en vers à Madame* du 21 février 1666), puis à nouveau vers Pâques 1667 (*Ibid*., 17 avril 1667) [222]. Et ajoutent : Rien ne dit qu'il s'agit de la même maladie et donc d'une rechute, et plus aucun texte contemporain ne fait état de problèmes de santé jusqu'à sa mort [223]. En outre, une seule « interruption » dans le programme du Palais-Royal, mentionnée dans les Registres de la troupe, précise : « M. de Molière étant indisposé [224] », le 9 août 1672. La préface de la première édition des *Œuvres* de Molière, en 1682, évoque enfin une toux qui a « abrégé sa vie de plus de vingt ans », et insiste en effet sur la « bonne constitution » de Molière [225]. #### Molière et son médecin. À la Scène VI du *Souper* (P. 19), à Laforest qui lui reproche de « marcher » sur les ordonnances de son médecin, Molière chante : AIR de Joconde. J'ai pris un savant médecin, Je hais la médecine. Mon docteur a le coup d'œil fin, L'humeur vive et badine. Nous causons ensemble, et je ris Des remèdes qu'il cite : Je n'en prends aucun, je guéris... Fleurant se félicite. Cette réponse de Molière reprend presque au mot une anecdote présente chez Grimarest : Molière, en compagnie de son médecin le docteur « Mauvilain » (que l'on retrouve par ailleurs dans *La Mort de Molière* de Cubières) , invité à dîner chez le Roi, aurait eu cet échange : Voilà donc votre médecin ? Que vous fait-il ? Sire, répondit Molière, nous raisonnons ensemble ; il m'ordonne des remèdes, je ne les fais point, et je guéris [226]. « Fleurant » correspond donc à un choix onomastique de Gassicourt, en clin d'œil au personnage – médecin, bien sûr – de ce nom du *Malade imaginaire* de Molière (1673, donc censé être postérieur à l'action du *Souper*), privilégiant la fiction (dans une mise en abyme avec l'œuvre moliéresque), plutôt que la prétendue véracité historique, Mauvilain étant cité comme le médecin de Molière et prénommé ainsi chez Grimarest comme chez Voltaire. #### Molière rejeté par sa famille. Tentons d'illustrer les répliques de Molière ouvrant son courrier et découvrant que sa famille l'exclut, au début de la scène VII : « *Les Poquelin, pour assurer leur nouvelle noblesse, viennent de faire dresser leur généalogie.* » ; le père de Molière y est dit « *mort sans enfant* [227]. » Un passage de Grimarest [228] contient cette même idée de rejet familial, lorsqu'on évoque « un Auteur grave », qui aurait fait « un conte au sujet du parti que Molière avait pris de jouer la Comédie » ; sa famille « alarmée de ce dangereux dessein », lui aurait envoyé un ecclésiastique « pour lui représenter qu'il perdait entièrement l'honneur de sa famille ; qu'il plongeait ses parents dans de douloureux déplaisirs ; et qu'enfin il risquait son salut d'embrasser une profession contre les bonnes mœurs, et condamnée par l'Église ». Mais l'auteur finit son anecdote par la conversion de l'ecclésiastique à la comédie, par Molière, et non l'inverse ! Grimarest nie la véracité de cet épisode, et lui préfère une autre version : « il est vrai que les parents de Molière essayèrent par toutes sortes de voies de le détourner de sa résolution ; mais ce fut inutilement ». Le *Moliérana* fait également référence à la déception causé par le choix professionnel de Molière dans sa famille, mais en donnant prétendument la parole au principal intéressé : « je me suis toujours reproché d'avoir donné ce déplaisir à ma famille » ; « si c'était à recommencer, je ne choisirais jamais cette profession [229]. » Mais il convient de préciser que ces dires font partie de la fiction que l'on a construite sur Molière dès le lendemain de sa mort : en effet, rien ne prouve que sa famille – et en particulier son père, souvent présenté comme un véritable obstacle à sa vocation de comédien, contrairement au grand-père, dont l'image d'Épinal nous dépeint un homme « qui avait de la passion pour la Comédie [230] » – ne se soit réellement opposée à sa carrière, c'est-à-dire davantage que n'importe quelle autre de cette époque, consciente de l'opprobre alors jeté sur les comédiens. #### Molière lit des passages à sa servante Laforest. Scène VII de nouveau, Molière lit à Laforest un extrait du *Bourgeois gentilhomme* : Je crois que j'aurai le temps avant le souper de te lire une scène de mon *Bourgeois gentilhomme*... Il y a dans cette pièce une certaine Nicole, qui t'est, je crois, un peu parente... Mets-toi là : écoute-moi sérieusement [231]. Il s'agirait donc de quelque chose d'habituel, car Laforest lui répond : « Le moyen ! vous me faites toujours rire [232] ». Nombre de sources rejoignent cette anecdote. Grimarest dit en effet de Molière : « lorsqu'il voulait que quelque scène prît le Peuple des Spectateurs, comme les autres, il la lisait à sa servante pour voir si elle en serait touchée [233] » ; or, la servante dont parle l'auteur n'est autre que celle appelée Laforest (cf. ci-après à propos de ce personnage). Boileau y fait également allusion dans ses « Réflexions critiques sur quelques passages de Longin » (« Réflexion première ») : « on dit que Malherbe consultait sur ses vers jusqu'à l'oreille de sa servante ; et je me souviens que MOLIÈRE m'a montré aussi plusieurs fois une vieille servante qu'il avait chez lui, à qui il lisait, disait-il, quelquefois ses Comédies, et il m'assurait que lorsque des endroits de plaisanterie ne l'avaient point frappée, il les corrigeait : parce qu'il avait plusieurs fois éprouvé sur son théâtre que ces endroits n'y réussissaient point [234]. » Autant d'ouvrages qui ont pu servir de sources à Gassicourt. Le *Moliérana* fait ensuite aussi mention de cette anecdote : « Molière lisait ses comédies à une vieille servante nommée Laforest ; et lorsque les endroits plaisants ne l'avaient point frappée, il les corrigeait, parce qu'il avait éprouvé plusieurs fois que ces endroits ne réussissaient point [235] » ; enfin, le *Bulletin d'histoire de la révolution française* [236] évoque cette servante Laforest comme « juge suprême en matière de qualité théâtrale [237] ». ### Les personnages. #### Les amis de Molière : remarques générales. Beaucoup d'ouvrages s'accordent à dire que les amis de Molière étaient proches du milieu libertin de l'époque. Maurice Descotes [238] souligne en effet que les amis « sûrs » de Molière peuvent « tomber sous le coup » de cette attaque : La Fontaine, à propos de la préface de la première partie de ses *Contes*, en 1665, doit « plaider que son livre n'est pas “licencieux” » ; Chapelle est associé à une certaine « propension à l'ivrognerie et à la débauche » ; François Bernier prêche que l' « abstinence des plaisirs est un péché », Mignard a des « relations avec les francs libertins du type Manicamp », La Mothe Le Vayer est un « abbé familier des ruelles autant que des coulisses de théâtre », et Ninon de l'Enclos, à la « vie naguère scandaleuse », « organise chez elle des lectures de *Tartuffe*. » La liste que l'on pourrait donc dresser des amis de Molière composerait « un milieu assurément indépendant d'esprit, porté à s'affranchir du dogme et, plus généralement, de l'enseignement dispensé par l'Église et l'Université, tenté par le matérialisme et l'épicurisme [239]. » L'on retrouve bien ces thématiques au fil de la pièce [240]. Néanmoins, Ramon Fernandez apporte une nuance quant au terme d' « amis » que nous avons d'emblée tendance à employer : selon lui, Molière n'aurait jamais eu « d'amitié suivie et quotidienne avec des personnes de son propre sexe », il s'agirait seulement « à des degrés divers des camarades de lettres [241] ». Enfin, comme toujours lorsqu'il s'agit de la vie de Molière, il convient de conserver une certaine distance critique avec les informations que l'on peut rencontrer, la « perspective » ainsi tracée n'étant en effet « pas sans artifice [242] ». On rapproche dès lors des événements « que les années ont séparés », risquant ainsi de « donner à certains de ces faits une importance qu'ils n'ont pas eue [243]. » En outre, cette liste d'amis serait « incomplète » : Molière « n'était-il pas lié à des personnages plus orthodoxes ? » ; René Bray rappelle en effet qu'« il fut invité à lire *Tartuffe* aussi bien chez une dame janséniste … que chez Ninon [244]. » #### Molière [245]. Le portrait peint par Pierre Mignard « Dans son intimité, un homme d'une santé prématurément atteinte, d'une très vive sensibilité, jaloux, assez replié sur lui-même et peu communicatif, vif et coléreux, quoique très honnête homme très bon et généreux : tel nous apparaît l'homme chez Molière. Et c'est bien aussi l'impression que nous donne le portrait de Mignard, conservé au musée de Chantilly, le seul qui, dépouillé de la pompe théâtrale, nous restitue le vrai visage de Molière : le regard, d'une grande douceur, est mélancolique et même triste. L'ensemble du visage, aux lèvres sensuelles, que n'éclaire aucun sourire, laisse une impression de gravité, de sérieux, qui corrobore bien les témoignages écrits que nous avons rappelés. » Il s'agit là de la description de Georges Mongrédien [246], interprétant le portrait d'après le Molière légendaire (jaloux, coléreux, mélancolique et malade), portrait qui se trouve au musée Condé de Chantilly. On attribue généralement cette peinture à l'année 1658, au cours de laquelle Mignard et Molière se sont rencontrés, et dans la mesure où le Molière représenté semble avoir moins d'une quarantaine d'années. Or, les anecdotes que nous avons étudiées jusqu'ici nous portaient à situer l'intrigue du *Souper* davantage à la fin des années 1660… Gassicourt a donc pu se servir de sa connaissance de ce portrait réel pour l'intégrer à sa pièce, sans prêter attention à la véracité chronologique (déjà elle-même fragile). Le portrait ci-dessus n'est donc sans doute pas exactement celui de la pièce, mais peut-être celui qui a inspiré à notre auteur cette élément dramaturgique. Nous serions en tout cas dans ce que Jules Loiseleur appellerait la dernière partie de la « trilogie » constituée par la « vie de Molière », « comme celle de la plupart des hommes du reste » : nous ne sommes ni dans l'étude, ni dans la période de lutte, mais davantage dans « le succès [247] ». Cette troisième partie présente bien souvent Molière malade, phtisique, et nous avons vu que cela se retrouvait dans le *Souper*. Il s'agit aussi du « Molière philanthrope [248] », et, nous le verrons, philosophe. Mais l'opposition habituelle des biographes entre un Molière comique sur scène, et mélancolique et misanthrope à la vie, « entre le mode de vie conforme au tempérament de Molière et l'existence qu'il mène [249] » n'est pas totalement reconduite ici [250]. #### Baron (1653-1729), « Le Roscius de notre siècle [251] ». Michel Baron (de son vrai nom Boiron), fils des comédiens André Boiron et Jeanne Auzoult, « orphelin à l'âge de huit ans [252] », entra dans la troupe « des petits comédiens du Dauphins en 1665 [253] ». Il semble avoir beaucoup romancé les informations qu'il a transmises à Grimarest. Si l'on en croit celui-ci, il aurait ensuite joué chez Molière en 1666 (*Mélicerte*), puis quitté la troupe du Palais-Royal pour la province « à la suite d'un soufflet qui lui aurait été donné par Mlle Molière [254] », et y serait véritablement entré « en 1667 ». Mais le *Registre* de La Grange, qui dressait chaque année l'état de la troupe, montre quant à lui que Baron est entré chez Molière à Pâques 1670. Puis, après la mort de Molière, Baron intégra la Troupe de l'Hôtel de Bourgogne, qui s'était « jointe par ordre du Roi à celle de Guénégaud », et y resta « jusqu'en Octobre 1691 [255] ». Après vingt-neuf ans d'absence, il reparut sur scène « le mercredi 10 avril 1720 » pour y jouer le rôle de Cinna « dans la Tragédie de ce nom [256]  » ; il mourut le 22 décembre 1729. Outre ses talents d'acteur, Michel Baron était aussi poète dramatique : il a notamment signé *Le Rendez-vous des Tuileries, La Coquette ou la fausse prude, Le Jaloux, La Répétition*…. Si l'on imagine que l'intrigue du *Souper* a lieu à la fin des années 1660, la présence de Baron n'apparaît donc pas comme anachronique. On remarque en outre que sa grande admiration pour Molière correspond une fois encore à ce que Gassicourt a pu lire, par exemple chez Grimarest, où le souhait le plus cher du petit Baron est adressé à Molière : « être avec vous le reste de mes jours … pour vous marquer ma vive reconnaissance de toutes les bontés que vous avez pour moi [257]. » #### Laforest (ou La Forest, Laforêt, La Forêt). La première apparition d'une certaine Laforest se trouve à notre connaissance dans l'inventaire après décès de Molière : on parle en effet, au tout début [258], d'une « Renée Vannier, dict La Forests », associée à « Catherine Lemoyne, servante et fille de chambre », qui demeurent toutes deux avec « ladicte damoiselle », c'est-à-dire Armande Béjart, veuve de Molière. À la toute fin de cet inventaire, on retrouve « Catherine et La Forestz, ses servantes », qui reçoivent « le reste de leurs gages [259] ». On remarque que ce « sobriquet donné à la servante de Molière [260] » rappelle le nom d'une demoiselle Laforêt, quant à elle tapissière [261]. Ensuite, on retrouve une Laforest chez Grimarest : elle est présentée pour la première fois comme « une servante qui faisait alors tout son domestique [262] », au moment de l'anecdote d'une représentation de *Dom Quichotte* par la troupe de Molière [263], où l'âne de Sancho Panza (interprété par Molière) sort avant l'heure de la coulisse, prenant au dépourvu toute la troupe, y compris cette fameuse servante [264]. Anecdotes et biographies ayant ainsi rendu célèbre Laforêt, Gassicourt l'a logiquement intégrée à sa pièce ; elle correspond en outre à la description qu'on en fit, et, notamment, nous l'avons vu, quant à son rôle de spectatrice privilégiée de Molière. #### Mignard (Pierre ; 1610-1695). Mignard fut effectivement l'ami de Molière : ils se rencontrèrent vers 1656, « à Avignon », au moment où Pierre « revient d'Italie [265] » et fait halte chez son frère Nicolas, peintre et portraitiste de Molière lui aussi. Il y avait en effet vécu une vingtaine d'années, et, à partir de son retour en France, « chacun voulut avoir son portrait de sa main, et il y a peu de personnes de marque qu'il n'ait peintes [266] ». Molière et lui nouèrent dès lors une amitié « durable », et le dramaturge célébra en 1669 la fresque du dôme du Val-de-Grâce peinte par son ami, dans son poème « La Gloire du Val-de-Grâce ». #### Chapelle (Claude-Emmanuel Lhuillier ; 1626-1686). « Boute-en-train de la bande », Chapelle est décrit comme celui qui égayait Molière « de sa bonne humeur [267] ». Malgré le goût de son ami « pour l'ivrognerie », qui, selon Mongrédien, « choquait fort Molière », on retrouve souvent l'idée que « leur amitié dura autant que leur vie [268] ». Roger Duchêne dit notamment que « les deux hommes ont conservé jusqu'au bout l'amitié qu'ils avaient nouée dans leur jeunesse [269] », et qualifie même Chapelle d'« ami pour la vie [270] » ; il était donc indispensable dans une pièce mettant en scène les amis de Molière. #### La Fontaine (1621-1695). On l'a noté, La Fontaine fait partie de ces noms que l'on associe la plupart du temps aux amitiés de Molière [271]. Pour écrire le passage où Boileau ironise sur l'inspiration poétique de La Fontaine, encore concentré et pensif au moment d'arriver parmi les convives : « un renard, une fourmi l'occupe », dit « *malignement* » Boileau [272], il est possible que Gassicourt soit parti d'une anecdote rapportée dans l'*Éloge de La Fontaine* d'André Naigeon, évoquant un souper entre Molière, La Fontaine, Boileau, Racine, et « quelques amis communs [273] » : La Fontaine était ce jour plus distrait encore qu'à l'ordinaire. Racine et Boileau voulant le tirer de sa rêverie, le raillèrent si durement que Molière trouva qu'ils passaient les bornes de la plaisanterie : alors prenant à part un des convives, il lui dit avec vivacité ; *nos beaux esprits ont beau se trémousser, ils n'effaceront pas le bon homme : ils les enterrera tous* [274]. Anecdote que le *Moliérana* reprendra également [275], y compris ce terme quelque peu inattendu de « bonhomme » de la part de Molière, et qui nous conduit à croire que Gassicourt s'est clairement inspiré de cet épisode, puisque Molière réplique : « le bonhomme ira plus loin que nous [276]. » #### Boileau (-Despréaux ; 1636-1711). Lorsque Molière s'inquiète, à l'arrivée de son ami Boileau, à la fin de la scène VII : « (*Il jette son manuscrit dans un tiroir*). Vite, vite, mettons mon plan à l'ombre ; ce n'est qu'une esquisse [277] », cela correspond sans doute à un clin d'œil, de la part de Gassicourt, au surnom attribué à Boileau de « Législateur du Parnasse », ainsi qu'à ses fameux vers : C'est par là que Molière illustrant ses écrits
 Peut-être de son art eût remporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, 
 Il n'eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon, l'agréable et le fin, 
 Et sans honte à Térence allié Tabarin.
 Dans ce sac ridicule où Scapin s'enveloppe, 
 Je ne reconnais plus l'auteur du Misanthrope [278]. En effet, nous pouvons par exemple faire un lien entre le vers : « Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures », et ce qui précède cette fin de scène, c'est-à-dire la lecture de Molière à sa servante Laforest. Néanmoins, à l'époque où l'on a envisagé l'action du *Souper* (à la fin des années 1660), Boileau est encore « très loin de faire figure de Législateur du Parnasse ; c'est un jeune homme audacieux, railleur, qui écrit et récite un peu partout de joyeuses satires [279]. » Et, Molière aurait, de fait, si l'on essaie de suivre la chronologie, déjà écrit *Le Misanthrope* (4 juin 1666), mais pas encore *Les Fourberies de Scapin* (24 mai 1671), puisque cette pièce vient justement après *Le Bourgeois gentilhomme* (23 novembre 1670), que Molière est en train d'écrire dans la pièce. Si Gassicourt a donc pu s'inspirer de ces vers de Boileau, et, de manière générale, s'être servi de ses connaissances des relations entre Boileau et Molière pour y faire discrètement référence dans sa pièce, ce fut sans privilégier, une fois encore, la véracité chronologique, au profit d'une intelligence plus intuitive des relations entre les personnages. Dans cet esprit, on peut en outre souligner que Mongrédien évoque bien à cette époque des débuts de Boileau une amitié « solide et durable » avec Molière [280] ; ce qui est également le cas dans *Le Souper*. Quant aux bonnes relations entre Boileau et son jardinier, relevant d'une certaine intimité, nous pouvons relever la réplique d'Antoine : « nous nous écrivons, M. Boileau et moi [281] » ou encore, en réponse à Mignard : « Comment diable, Antoine, tu lis ton maître ? – Sans doute, puisqu'il m'écrit [282] », et surtout sa partie chantée, qui précède cet échange : Jardinier n'est pas mon titre, Le mien m'fait plus d'honneur : Mon maître, dans une épître, M'appelle son gouverneur [283]. En effet, l'*Épître XI* de Boileau, « À mon jardinier », s'adresse bel et bien à un Antoine, que son maître nomme gouverneur, et non simple jardinier : « Antoine, gouverneur de mon jardin d'Auteuil [284] ». Une note précise qu'« Horace (*Épîtres*, I, 14), écrivant de Rome au fermier de son modeste domaine, a fourni l'idée générale de cette *Épître* », dont Boileau « s'inspire très librement [285]. » Une édition plus ancienne indique encore que c'est « la surprise » de ce jardinier « en voyant son maître s'agiter, gesticuler et jeter en l'air des paroles sans suite », qui donna à Boileau « l'idée de lui expliquer en vers la cause de tous ces mouvements [286]. » Boileau, s'inspirant d'Horace, apprend en effet à Antoine qu' « il y a d'autres travaux que les travaux matériels, et que ceux de l'esprit ne sont pas moins pénibles [287] », et, même, qu'« il y a quelque chose de plus difficile à porter que les travaux du corps et de l'esprit, c'est l'oisiveté », s'il est bien vrai qu'il n'y a « de bonheur et de dignité pour l'homme que par le travail, soit des bras, soit de l'intelligence [288]. » Gassicourt a donc suivi la véracité historique – du moins celle transmise par ses lectures – en donnant à ce personnage du jardinier le nom d'Antoine, et en faisant clairement référence à cette *Épître* de Boileau. #### Lulli ou Lully [289] (1632-1687). Concernant le « surintendant de la musique du roi Louis XIV [290] », notons tout d'abord une certaine correspondance entre les dates attestées, et la période que l'on attribue du *Souper*, puisque Lully devient « très tôt et pour longtemps le collaborateur principal de Molière » : ils commencèrent à travailler ensemble en 1664 [291]. Leur collaboration donna notamment lieu à : *Le Mariage forcé* (1664), *L'Amour médecin* (1665), *La Pastorale comique* (1667), *George Dandin* (1668), *Monsieur de Pourceaugnac* (1669), *Les Amants magnifiques* (1670), et *Le Bourgeois gentilhomme* (1670) ; Lully semble donc avoir toute sa place dans la pièce de Gassicourt, parmi les proches du dramaturge, la fameuse brouille entre les deux artistes n'ayant pas encore eu lieu. En effet, « ce fut à la suite de *Psyché* que les premiers signes de la brouille avec Lully se manifestèrent [292] », et elle se confirma surtout avec le privilège obtenu par ce dernier pour « ouvrir une Académie royale de musique [293] », en mars 1672, entraînant, en avril, une ordonnance royale qui « défendait aux comédiens d'employer dans leurs représentations plus de deux voix et six violons [294]. » L'on peut d'ailleurs relever à ce sujet quelques répliques laissant entendre une légère tension entre les deux hommes au fil de la pièce, et par exemple les réactions de Molière face aux plaisanteries de Lulli, qui semblent lui apparaître comme intempestives : « Ah !... Lulli ! trêve pour les pointes… jusqu'au dessert [295]. », « Et nous ne sommes pas au dessert ? [296] ». Cependant, nous retrouvons également la complicité que certains ouvrages soulignent entre les deux, notamment manifestée par la formule « Lully, fais-nous rire » que Molière aurait souvent dite à son ami – et qui apparaît scène XI (P. 32) – : Lully réussissait admirablement dans les contes obscènes : hors de là, il n'avait point de conversation. Molière le regardait comme un excellent pantomime, et lui disait assez souvent, Lully, fais-nous rire [297]. Penchons-nous maintenant sur l'anecdote de la petite « infidélité » de vocation que Lulli aurait faite, évoquée par Mignard à la scène III (P. 9) : ce dernier dit en effet que, « dans sa dernière maladie, il a sacrifié, par dévotion, son nouvel ouvrage », et explique en chanson : Un adroit et saint confesseur, Ennemi de la comédie, Vint lui conter que tout auteur Brûle à jamais dans l'autre vie. Lulli, pénétré, soupira, Et, dans une frayeur extrême, Il a brûlé son opéra Pour n'être pas brûlé lui-même. Ce à quoi Lulli répond : « oui, mes amis, je l'avouerai », et précise finalement : « Mais en espérant bien en guérir, / J'en avais gardé la copie [298]. » Gassicourt a probablement emprunté cette anecdote à l'*Encyclopédiana*, où l'on peut lire en effet que Lully, s'étant blessé le « petit doigt du pied en battant la mesure avec sa canne », aurait assisté à l'aggravation de sa blessure, de telle sorte qu'un médecin « lui conseilla de se faire couper le doigt. » Mais l'opération prit du retard, et le « mal » attaqua la jambe ; alors : Son confesseur qui le vit en danger, lui dit qu'à moins de jeter au feu ce qu'il avait noté pour son opéra nouveau, pour montrer qu'il se repentait de tous ses opéras, il n'y avait point d'absolution à espérer : il le fit. Le confesseur s'étant retiré, M. le Duc vint le voir et lui dit : Quoi ! tu as jeté au feu ton opéra ? Que tu es fou d'en croire un janséniste qui rêvait : paix, monseigneur, paix, lui répondit Lully à l'oreille : je savais bien ce que je faisais : j'en avais une seconde copie. Par malheur cette plaisanterie fut suivie d'une rechute et l'emporta [299]. Cet épisode relève donc encore une fois de l'anachronisme dans la pièce de Gassicourt, puisqu'il correspond à la toute fin de vie de Lully, c'est-à-dire l'année 1687, où il écrivit sa dernière œuvre, l'opéra *Achille et Polyxène*, dont il est question ici [300]. ### Le lieu, ou l'anecdote principale de la pièce. Nous avons retrouvé dans un nombre certain d'ouvrages cette fameuse anecdote du souper très (trop ?) arrosé de Molière avec ses amis dans sa maison d'Auteuil. Plus précisément, chaque fois que nous avons cherché des renseignements sur Auteuil, cet épisode était évoqué, comme s'il faisait partie intégrante de l'histoire de ce lieu ; c'est pourquoi nous les traitons ensemble. #### Un peu d'histoire. Le village d'Auteuil, « bâti dans une belle situation, sur une colline qui borde la rive droite de la Seine [301] », correspond aujourd'hui, et ce depuis 1860, à un quartier du 16*e* arrondissement de Paris. Il est donc cohérent que Lafontaine arrive par le Bois de Boulogne [302], comme c'est indiqué à la fin de la scène VI ; Auteuil en est en effet proche, de même que « de Saint-Cloud et de Versailles [303]. » Cette situation participa de son succès. Le village attira, que ce soit à l'époque de Molière ou à celle de Gassicourt, un grand nombre d'artistes : « Boileau, Molière, Chapelle, Franklin, Condorcet, Helvétius, Houdon, Cabanis, Rumfort y avaient leurs maisons [304]. » Proche de Paris, mais permettant de respirer davantage qu'au sein de l'odeur pestilentielle de la capitale au XVII*e* siècle, Auteuil était alors un véritable lieu de villégiature. En tout cas, si Boileau et Molière résidèrent tous deux à Auteuil, précisons qu'il y a anachronisme dans *Le Souper*, dans la mesure où Gassicourt fait concorder ces deux événements. Laforest évoque en effet Boileau en tant que « voisin » de Molière : « M. Despréaux, notre voisin [305] », mais il n'acheta une maison à Auteuil que « douze ans après la mort de Molière [306] ». #### Molière et Auteuil. Molière avait une maison de campagne située … probablement à l'emplacement du N°2 de la rue d'Auteuil. De 1667 à 1672, il venait y habiter lors des beaux jours, en utilisant la galiote allant du Louvre à Saint-Cloud [307]. Les avis sont partagés quant à la date marquant le début de sa location d'une maison. Un incident entre ses bailleurs et leur jardinier attesterait bien de la présence de Molière à Auteuil en août 1667, ce qui porte Christian Warolin à dire qu'il y est probablement à partir de 1666 [308]. Auteuil représenterait une sorte d'échappatoire pour ce Molière qu'on dit – assez à tort – surmené par sa profession, tuberculeux, et aux relations conjugales houleuses… Là, le dramaturge, entouré de ses amis, n'était pas « hounded by *dévots* or forced to bow to the pleasure of a king [309] » ; c'était un lieu marqué par une certaine neutralité. Tous ces éléments concordent bien avec ce que nous avons noté concernant les anecdotes : Molière aurait eu besoin de prendre une certaine distance avec le tumulte de Paris et ce qu'il représente comme préoccupations et soucis – de même que Gassicourt écrivit *Le Souper* dans une période de désenchantement par rapport à l'agitation de la Révolution, quelques temps avant son exil. À ce propos, on peut souligner que, s'il s'agissait bien pour le dramaturge d'un lieu de « retraite [310] », c'était une retraite entre hommes. Molière y retrouvait ses amis (sans « e »), et, comme le remarque Roger Duchêne : « Grimarest situe à Auteuil plusieurs anecdotes sur Molière et ses amis. Sa femme n'y a jamais de part, comme si Molière y vivait en célibataire, avec Chapelle pour compagnon [311]. » La pièce de Gassicourt correspond bien à cet univers masculin, où l'on ne trouve l'autre sexe qu'avec les personnages de Laforest et Madelon, domestiques. Venons-en à la fameuse anecdote du souper si mémorable qui aurait eu lieu dans cette petite maison de Molière à Auteuil. Nombre d'ouvrages y font référence, et l'épisode est partout caractérisé par le même schéma : Molière fatigué, malade, se retire et laisse ses invités poursuivre les festivités ; ces derniers, sous l'impulsion du vin, et de Chapelle alcoolisé, portent la conversation sur la vanité et la vacuité de la vie, et la nécessité d'y mettre fin ; tous sont d'accord pour aller se jeter dans la rivière, qui n'est pas loin ; mais Molière, grâce à l'intervention de Baron, les en empêche, les convainquant que leur acte serait plus héroïque s'il avait lieu au grand jour, autrement dit dès le lendemain matin. Bret évoque notamment ce souper en 1788, donc dans un ouvrage que Gassicourt a pu lire : *Œuvres de Molière, avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce.* On y retrouve notre Molière si atteint par sa « santé languissante », et son régime lacté, que Chapelle lui-même guide la fête : Un jour que ce dernier y était allé avec MM. De Nantouillet, Jonsac, Despréaux, Baron et quelques autres, Molière qui avait assisté au commencement du souper se retira, et laissa ses amis se livrer au plaisir de causer et de boire aussi longtemps qu'il le voudraient. Le feu de la conversation, et surtout la fumée du vin, échauffèrent par degrés les esprits, et la conversation étant tombée sur les misères humaines, nos convives exhalèrent bientôt les tristes rêves d'une philosophie sombre et noire. Nous sommes tous des lâches, dit chapelle ; que ne cessons-nous de murmurer et de vivre ? la rivière est à cent pas, allons nous y précipiter. L'enthousiasme du poète ivre passa rapidement dans toutes les têtes ; déjà on se lève en applaudissant, on se prépare, en s'embrassant pour la dernière fois, à terminer des jours qui paraissent d'un poids et d'un ennui insupportables. Le célèbre Baron heureusement avait conservé plus de sang-froid ; il court au lit de Molière qui paraît bientôt au milieu de ses amis. Eh quoi ! leur dit-il, j'apprends que vous avez conçu le projet le plus courageux et le plus sage, et je ne devrais qu'à Baron l'honneur de le partager ? … Un moment, reprit Molière, n'abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu'on peut lui donner ; on saura qu'à la suite d'un long souper nous aurons fait le sacrifice de notre vie, et la calomnie, avide de tout dénigrer, répandra le bruit que l'ivresse nous a plus inspirés que la philosophie. Amis, sauvons notre sagesse, attendons le retour prochain du soleil ; alors, aux yeux de tout le monde, nous donnerons cette leçon publique du juste mépris de la vie. Parbleu, dit Chapelle, sa réflexion est de bon sens, donnons au repos le reste de la nuit, notre sagesse n'en sera que plus pure et plus éclatante. Molière en fut cru, on dormit, et le réveil, comme il l'avait prévu, fit trouver à ses convives assez de plaisir à vivre pour les exciter à rire de leur ridicule saillie de la nuit [312]. Chez Georges Mongrédien, l'anecdote est en tous points identique, mais les paroles des convives, et notamment de Chapelle, sont nettement développées [313]. Cela nous conduit une fois de plus à envisager ce fait comme un épisode partant probablement d'un petit fait vrai au départ, mais très enrichi par la suite d'éléments inventés et romancés, participant de la construction d'un Molière à la fois plus convivial que ne le laissent penser les ouvrages soulignant son côté atrabilaire, mais aussi tout de même particulièrement calme, et quelque peu retiré de la folie alcoolisée de ses camarades. En outre, on peut noter une différence dans l'évolution de la soirée entre ce que l'on trouve dans ces ouvrages, et *Le Souper* : dans la pièce de Gassicourt, Molière reste en effet toute la soirée avec ses convives, et n'est pas, comme on a pu le lire, averti par Baron [314]. Et enfin, Jonzac et Nantouillet, que l'on trouve dans ces récits, sont absents de la pièce : Gassicourt choisit ainsi de n'y intégrer que les personnages les plus célèbres, et facilement reconnaissables, donc sans doute plus théâtraux : Chapelle était sans aucun doute indispensable. ## Les sources littéraires. Les sources dites historiques représentent semble-t-il la quasi totalité des références mobilisées par Gassicourt pour former son intrigue. Nous pouvons néanmoins tenter de souligner quelques éléments de sources relevant davantage du domaine littéraire : ils sont bien sûr en lien avec l'œuvre de Molière. ### L'importance du repas. Ce souper n'est-il qu'un petit épisode annexe et très retravaillé par la postérité, ou peut-on du moins le rapprocher de l'œuvre de Molière ? Le XVII*e* siècle est en effet « celui du champagne et de ces deux grands contemporains que sont Louis XIV et Dom Perrignon [315] », au cours duquel est écrit le « premier livre de cuisine moderne, *le Cuisinier françoys* en 1651 [316] », et l'on retrouve bien souvent dans les œuvres de Molière cette caractéristique du siècle : Les plats gastronomiques que Molière sert à travers son œuvre sont d'une grande variété depuis la fonction érotique du potage proposée par le serviteur Alain dans *L'École des femmes* jusqu'au traité de l'indigestion et de l'évacuation que nous offre le spectacle du *Malade Imaginaire*, en passant par le banquet qu'offre le bourgeois gentilhomme à sa Marquise, les repas non consommés dans *Dom Juan*, le traité de l'hospitalité implicite dans l'*Amphitryon*, le refus de ce qui nourrit le corps par les femmes savantes, et le désir de supprimer l'appétit de tous – convives, serviteurs et bêtes – par l'avare dans une pièce qui prouve d'ailleurs que La Varenne constituait une des sources non littéraires de Molière [317]. On pourrait même, comme le propose Ronald W. Tobin, aller jusqu'à rapprocher le mot « comédie » du « verbe latin *comedi*, “manger” [318] ». ### Accointances avec certaines pièces… De *Dom Juan* (1665), l'on retrouve notamment le parler populaire de Charlotte et Pierrot, chez Antoine, disant par exemple : « mamzelle Laforest [319] »,  et Madelon [320] : « J'venons en témoigner notre reconnaissance à qui nous l'devons [321]. » On retrouve aussi le prénom Mathurin, père de Madelon, rappelant Mathurine, l'autre jeune paysanne que séduit Dom Juan. En outre, la référence à l' « éloge le plus pompeux de la sobriété [322] » que Boileau a fait à Chapelle, puis surtout celui de la tempérance qui le suit, ne sont pas sans rappeler les éloges paradoxaux des comédies de Molière, et en particulier ceux de *Dom Juan* : celui du tabac par Sganarelle (I, 1), et de l'inconstance (I, 2) ou encore de l'hypocrisie (V, 2) par Dom Juan. Mais, chez Gassicourt, il s'agit en fait d'un éloge non paradoxal, l'éloge de la tempérance, mais énoncé dans une situation paradoxale, puisque Boileau parle alors sous l'effet de l'alcool… Il y a donc sans doute un clin d'œil de la part de l'auteur dans cette remobilisation d'un intertexte moliéresque connu du public. D'ailleurs, cette connivence avec le spectateur est mise en lumière par la réplique de Molière qui vient juste après : « C'est une scène ! », puisqu'il s'agit de paroles prononcées « *à part* », donc en adresse au public ; cela mêle le Molière personnage, et le Molière ayant réellement existé. Ce procédé de mise en abyme se retrouve quant à la pièce du *Misanthrope* cette fois, scène XI, lorsque Molière, observant ses convives blâmer la société et vanter leurs réunions privées, en autarcie, réplique « gaiement » : « Je puis vous consulter, à ce que je vois, pour retoucher mon Misanthrope [323]. » Pour conclure sur la question des sources, on s'accorde à dire qu'il est impossible de parler de Molière « sans mêler discours historique et construction légendaire, car l'histoire et le mythe se confondent au point d'être parfois impossibles à dissocier [324]. » # Les thèmes. ## Philosophie. L'amitié occupe une place prépondérante dans *Le Souper*, thématique d'emblée évoquée par le titre ainsi que la liste des personnages-convives. Le mot apparaît d'ailleurs sept fois, et « ami(s) » quarante-quatre. Mais soulignons qu'elle est considérée dans un prisme tout philosophique. En effet, lorsque Molière entre sur scène, il précise ce qu'il entend par amitié : s'il est touché de voir tous ces personnages autour de son portrait, qui « *le couronnent et attachent des guirlandes* [325] », néanmoins il regrette l'excès de cette célébration, placée sous le signe de l'adoration, de l'adulation, et même de l'idolâtrie : « votre attachement vous égare. Est-ce ainsi qu'on doit idolâtrer les hommes ? Quelle erreur ! [326] ». Molière se place ainsi en figure d'autorité, avec des termes appartenant à la sphère morale (« égare », « erreur »), et un certain paternalisme : « Mes amis ! mes enfants ! [327] ». Mais il effectue également, dans une perspective philosophique, donc, une distinction, mise en lumière par la conjonction adversative « mais [328]  » : entre ce qu'il considère certes comme une erreur, et que son devoir le conduit à dénoncer – l'idolâtrie –, et ce qui lui va droit au cœur malgré tout, c'est-à-dire le geste en lui-même de ses amis : leur « erreur », lui est finalement « douce », ajoute-t-il avec « *satisfaction* [329] ». C'est dans cette capacité à mesurer le pour et le contre, et à distinguer entre l'excès condamnable et la preuve d'amitié émouvante, qu'est ici soulignée toute la sagesse du personnage de Molière. Il conclut d'ailleurs une fois encore sa réflexion par une distinction : « J'ai reçu les faveurs de la fortune, quelquefois celles de la gloire... elles ne valent pas celles de l'amitié [330]. » Cette dernière surpasse donc toutes les sortes de faveurs. Et elle surpasse également toutes les contraintes imposées au dramaturge : scène VI, Molière promet à Laforest de suivre son régime lacté, « mais [331] » (là encore la conjonction adversative permet de mettre en place un balancement rhétorique en faveur de ce qui la suit) : « j'ai besoin de voir mes amis » lui répond-il, « et de rire avec eux des ridicules que ma plume, déjà trop hardie, n'ose pas encore mettre sur la scène [332]. » En outre, Molière se met alors à chanter sur l'air « Tout roule aujourd'hui dans le monde », particulièrement opportun pour un personnage voulant prouver la douceur d'être avec ses amis, et y insiste : « … ce que je ne puis écrire, / Je le pense avec mes amis [333]. » L'amitié serait donc une sorte d'exutoire, de parenthèse de liberté, pour un Molière sous la pression de son siècle fardé et policé. Enfin, la scène XIII vient confirmer cette importance de l'amitié, érigée en relation privilégiée dans la pièce, puisqu'elle apparaît comme le meilleur des remerciements : « Eh ! mes amis, point de remerciements ; vous me faites un plus grand cadeau, vous autres ! vous me donnez votre amitié... [334] ». Gassicourt confère donc à Molière la figure du sage, et, dans sa manière de reconduire ses amis dans le droit chemin par le dialogue, il peut faire penser à Socrate, ce qui est d'ailleurs renforcé lorsque Lafontaine fait part de la fable qu'il a composée en pensant à ce souper à venir. En effet, scène IX, Lafontaine récite « Parole de Socrate » : on y retrouve la valorisation de la véritable amitié (« vrais amis [335] »), autrement dit celle qui comprend un petit nombre, entrant dans une maison sans prétention, jugée trop étroite par certains (« On y tournait à peine [336] »), mais estimée largement suffisante par Socrate, pourvu que seuls les « vrais » la remplissent. En outre, avec la référence à ce philosophe, en tant que personnage qui ne serait pas apprécié à sa juste valeur, sur lequel on s'arrêterait à la simple apparence, autrement dit au premier degré de son œuvre, nous retrouvons encore ce qu'ont déploré les personnages au cours de la scène IV [337], à propos de Molière. Ainsi la thématique de l'amitié nous invite-t-elle à considérer la proximité de la figure de Molière dessinée par Gassicourt, et la rigueur philosophique de ses réflexions, avec l'attitude de Socrate. D'ailleurs, toute la pièce est parcourue par une certaine accointance avec cette rigueur. Le thème de la *disputatio* est évoqué dès le début par Laforest : « nous disputions nous deux [338] », qui conclut à la fin de la scène II : « Eh bien ! nous voilà d'accord [339]. » Puis, on relève des raisonnements cause-conséquence, comme à la scène IV : « Un homme qui fait tant de bien quand il veille, doit être tranquille quand il dort [340] », un vocabulaire juridique qui conduit à expliquer, argumenter : « Chapelle, on t'accuse. », « Mignard a raison, je dois me justifier [341] », ou encore des lieux de la définition, comme, scène V, par Lulli : ANTOINE. … nous venons vous prier d'assister au serment mutuel que nous avons tant de plaisir à faire. LULLI. Dis donc à renouveler, car vous vous aimez depuis longtemps [342]. En somme, ce *Souper* peut bel et bien faire penser au *Banquet* de Platon, et ce de surcroît lorsqu'on connaît l'attrait du XVIII*e* siècle pour la période antique. Toujours concernant cette thématique philosophique, la question du bonheur occupe une place de choix dans la pièce. En effet, si l'idée de la noyade voit le jour, c'est justement parce que les convives estiment que le bonheur ne leur est pas accessible, et que tous leurs efforts pour y accéder sont vains : « le bonheur, le repos ne sont pas de ce monde [343]. » Mais Molière ne prête pas part à ces réflexions, placées en outre sous le sceau de l'ébriété, rappelons-le, et leur propose une autre vision de la vie : S'attendre à tout est le moyen D'alléger le poids de sa vie ; N'espérer ou ne craindre rien, Est la saine philosophie. Oui, pour être heureux en effet, Ma méthode est très salutaire : Jugeons le mal que l'on nous fait Par le mal qu'on pouvait nous faire [344]. Ses principes dépassent les aléas matériels et professionnels [345] et tout ce qui peut relever du contingent, dans un détachement positif, optimiste, rappelant tout à la fois les pensées stoïque et épicurienne. L'expression « journée de Titus [346] », employée d'ailleurs par Molière à « regrets », va également dans ce sens : elle qualifie une journée au cours de laquelle on n'a malheureusement pas fait le bien autour de soi. Molière l'emploie donc par contraste avec ce qui est le propre de sa réflexion, c'est-à-dire l'idée de considérer que l'on a pleinement accompli sa journée, autant qu'on le pouvait, autant que les circonstances extérieures, et notre volonté d'être heureux, nous l'ont permis. L'épicurisme semble bien de mise lorsque Molière chante avec Lulli le plaisir de bien boire, de goûter du bon vin : « goûtons-le, puisque demain, nous faisons grand voyage. Buvons, trinquons sans quartier [347] » ; bien entendu, chez Molière ce chant est marqué par une certaine feintise, puisqu'à ce moment-là il attend que ses convives soûls s'endorment… En tout cas, le Molière que nous présente Gassicourt, s'il correspond d'une part à celui décrit par les anecdotes qui ont fleuri depuis sa mort, avec l'idée du régime lacté, et non de l'ivresse, n'est pas pour autant un Molière atrabilaire et misanthrope. En effet, lorsque les autres personnages tombent tous d'accord pour fuir dans un « cloître », ou dans un « désert [348] », Molière quant à lui ne se sent pas attiré par cette perspective, et encore moins par la fuite dans le fond de la rivière, bien que celle-ci lui permît de se sauver de la censure que lui impose alors la société. Le personnage de Gassicourt s'éloigne donc en partie de la figure évoquée par Grimarest, puisque ce dernier parle d'un Molière qui « aurait tout quitté », « si ce n'avait été l'attachement inviolable qu'il avait pour les plaisirs du Roi [349] », ou encore par Goldoni, le personnage de Molière y souhaitant se trouver dans un « ermitage au fond d'un désert [350] ». Ainsi, si l'« on a discuté à perte de vue sur la philosophie de Molière [351] », et, on l'a vu, les amis de Molière ont presque tous été élèves de Gassendi, ou du moins ont eu un lien avec sa pensée, et avec celle de Bernier, il est néanmoins à noter que, « de même que celui de La Mothe Le Vayer, le scepticisme de Molière fraie avec la libre-pensée, d'inspiration le plus souvent épicurienne [352] ». D'ailleurs, Grimarest apporte encore l'idée d'un Molière traducteur de Lucrèce : « Cet Auteur aurait traduit presque tout Lucrèce [353] », dont Gassicourt a également pu se servir pour écrire sa pièce. Auteuil apparaît ainsi comme un véritable « *earthly* paradise [354] », et ce dans un effet de double historicité, puisque la rédaction du *Souper* correspond à la période d'un repli sur soi pour Gassicourt, face aux événements politiques, et, qu'en outre, il se disait, de manière générale, épicurien. Au travers des distinctions opérées par Molière au cours de la pièce, on a pu envisager un certain risque d'ambivalence, voire de « dualité », dans cette figure du philosophe « à la fois comme un homme sage qui mène une vie tranquille et retirée, hors de l'embarras des affaires et comme un homme, qui par libertinage d'esprit se met au-dessus des devoirs, et des obligations ordinaires de la vie civile [355]. » Gassicourt reprend ici cette prétendue dualité, mais fait de Molière un être équilibré, sachant faire la part des choses entre la vie hors la société, que permet Auteuil, et les excès que l'on pourrait reprocher au libertinage. En effet, si Molière est alors en dehors de la société parisienne, il n'est pas pour autant celui qui la rejette : ce sont les convives, d'ailleurs étourdis par les effluves de vins. Cela l'érige ainsi en philosophe dans le bon sens du terme : il ne s'agit pas tant ici d'un Molière triste et atrabilaire, qu'épicurien, au sens mélioratif. Le mot de « philosophie » est d'ailleurs réhabilité par ce personnage, lorsqu'il tente de convaincre ses amis de ne pas se noyer : « la calomnie, avide de tout dénigrer, répandra le bruit que l'ivresse nous a plus inspirés que la philosophie [356]. » ## Religion. Concernant le domaine religieux – très lié au philosophique certes, mais dont nous tentons de souligner les particularités –, on constate que la vocation est tournée en dérision à la scène III [357], lorsque Mignard dénonce avec malice l'excursus de Lulli dans son parcours professionnel. En effet, le réseau lexical lié au religieux est à chaque fois placé sous le signe de la distance railleuse par Mignard, que ce soit par le recours à l'hyperbole : « Lulli, pénétré, soupira », « frayeur extrême », ou par le détournement de ce vocabulaire : « il a sacrifié, par dévotion, son nouvel ouvrage », « un adroit et saint confesseur », avec la connotation blasphématoire de l'évocation simplifiée de « l'autre vie », et du soulagement de Mignard lorsque Lulli avoue qu'il a en fait conservé une copie de son opéra brûlé : « Bravo ! Lulli ; je te pardonne, mon ami, je te pardonne [358] ». Les amis de Molière étant *a priori* à son image, on peut donc penser que cette dérision que Gassicourt place chez Mignard et Lulli n'est pas étrangère à Molière. D'ailleurs, la scène V tend à confirmer cette première idée, dans la mesure où tout ce passage concerne l'excommunication du dramaturge, considérée comme injuste par tous [359] : Antoine indigné : « Excommunié ! », Mignard investi : « le pape défend l'entrée de l'église aux rats, aux sorciers, aux sauterelles, au diable et aux comédiens... à lui surtout. », Madelon stupéfaite : « Quel mal avez-vous donc fait ? », et Lulli révolté : « Quel mal ! quel mal ! il a dit... la vérité ». En outre, la réaction de Molière à la pensée de Laforest : les prêtres agiraient ainsi « par jalousie de métier [360] », réaction certes discrète puisque en aparté, mais en même temps efficace justement parce qu'il s'agit d'un aparté : « Ce mot là n'est pas perdu [361] », participe de cette indignation collective. Le domaine religieux est donc placé sous le signe ou de la dérision ou de l'injustice, rappelant également la formule du curé de Saint-Barthélemy Pierre Roullé à propos de Molière : « Démon vêtu de chair et habillé en homme [362] ». Et, la situation de discrédit de l'Église vis-à-vis des comédiens n'ayant pas sensiblement évolué entre le XVII*e* et le XVIII*e* siècle, on peut ainsi envisager là encore un phénomène de double historicité, compris par le public contemporain de Gassicourt [363]. Soulignons néanmoins la nette distinction entre le pouvoir ecclésiastique terrestre, incarné par les prêtres et rappelant la querelle entre Molière et ses détracteurs de la Compagnie du Saint-Sacrement, évoqué comme un problème par rapport à la profession de comédien, et la croyance en Dieu lui-même, qui n'est pas contestée quant à elle : Antoine : « Ce n'est pas Dieu, je le vois bien, ce sont les prêtres qui repoussent les comédiens [364]. » Molière insiste d'ailleurs pour paraître à la noce « sans scandaliser [365] », donc un peu plus tard que prévu. Il est globalement présenté comme un bon chrétien, ce qui rejoint les mots de Georges Mongrédien : Que Molière fût en même temps bon chrétien, cela est très vraisemblable et nous savons qu'il avait encore fait ses Pâques l'année qui précéda sa mort. À l'époque, le monde ne se divisait pas en chrétiens et en agnostiques, mais en chrétiens dévots, rigoristes et attardés et en chrétiens ouverts aux idées nouvelles, prêts à lutter contre la tyrannie exercée dans les foyers au nom de la religion [366]. Finalement, Molière, s'il est érigé en saint, c'est en saint détaché du domaine religieux de son temps, caractérisé par l'injustice et la corruption, et s'il est un dieu, c'est bien le « Dieu du Ris », selon l'expression du gazetier Robinet [367]. ## Les résonances d'un contexte bien particulier. Reprenons une remarque que nous avons faite quant à la dramaturgie : nous avons souligné un double mouvement qui traversait la pièce, à savoir à la fois un mouvement de répartition, et un autre de rassemblement. Or, cette idée peut être particulièrement intéressante, si on l'applique au domaine politique, sous-jacent dans *Le Souper*. En effet, Gassicourt l'écrit en pleine Révolution française ; on pourrait donc s'attendre à rencontrer une résonance politique dense dans les relations entre les personnages, dans leurs rapports de force… Cette étude nous conduit à souligner, dans un premier temps, la mise en place prépondérante d'une répartition, voire d'une séparation touchant les différents personnages. De fait, plusieurs didascalies mettent en lumière un tableau de la scène présentant ces personnages attelés chacun à leurs fonctions, dans « leur élément », sans grande surprise : « *Laforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecin* [368] * »* ; « *Mignard travaille, et Laforest, appuyée sur un balai, l'examine* [369] ». De même, les personnages sont regroupés – et donc séparés – selon une hiérarchie toute traditionnelle, et notons bien que le mariage de Madelon et Antoine reconduit cela, ne bousculant pas les différences sociales. Quant aux relations hommes-femmes, elles n'ont guère évolué notoirement dans le bon sens à la Révolution, et de fait le proverbe « la poule ne doit pas chanter plus haut que le coq [370] », pour dire que la femme ne doit pas chercher à avoir un impact plus important que son mari par sa prise de parole, rappelé par Laforest dès la première scène, peut concerner – au moins – le XVII*e* comme le XVIII*e* siècle. En outre, cette répartition-séparation est le point de départ du projet de noyade : c'est bien parce que les convives estiment qu'ils ne sont pas reconnus à leur juste valeur dans la société, et considèrent qu'il n'y a qu'entre eux que ce peut être véritablement le cas, que l'issue du suicide collectif s'impose. On constate ainsi une séparation entre société et autarcie, entre gens « normaux » et artistes : « Avouons-le ; ce n'est qu'entre nous, ce n'est qu'ici, que nous sommes à notre place et que nous pouvons jouir d'une liberté que n'empoisonne point l'envie ou la sottise des hommes [371]. » L'harmonie dans les relations serait donc fonction d'un entre soi, d'une réunion secrète, soulignée par le déictique « ici », et permise par une exclusion, une ségrégation première. Et, même entre eux, les convives se répartissent, comme le montre la solution de Lulli à la querelle entre Laforest et Antoine : Boileau est le meilleur « dans le genre satirique », et Molière le meilleur « sur la scène comique [372] ». Cependant, il y aurait une nuance à apporter à cette prépondérance du mouvement de répartition. En effet, plusieurs éléments de la pièce témoignent d'un rassemblement fécond entre les personnages. Si Laforest est fière de son maître Molière, donc dans un schéma traditionnel, ce n'est pas en tant que maître, mais bien davantage en tant qu'artiste, et de même pour Antoine de Boileau : leur fierté prend donc un aspect culturel bien plus que hiérarchique, social [373]. Ils accèdent par là au savoir et au génie des deux hommes, en les côtoyant intimement. Laforest connaît donc par cœur les comédies de Molière, et Antoine reçoit de Boileau une épître. Et si l'on revient au mariage d'Antoine et Madelon, il pourrait aussi être interprété comme une union symbolique des arts de Molière et de Boileau. Enfin, tous les personnages, qu'il s'agisse des amis de Molière, ou bien des domestiques, participent aux mêmes conversations (mis à part celle du souper en lui-même, scène XI). En effet, nombre de scènes regroupent tous ces personnages, et permettent des échanges presque à égalité. Au début de la scène IV, par exemple, Antoine reprend Lulli [374] : « Dites mieux, M. Lulli », car ce dernier l'appelait « jardinier », alors même qu'Antoine est nommé « gouverneur » par Boileau. Un peu plus loin, Laforest s'enquiert de dire à ce même personnage, qui vient de raconter l'anecdote concernant Mondorge : « Vous ne savez que cela, M. Lulli ? Bon ! [375] » ; scène V encore, Mignard s'adresse à Laforest en l'appelant « ma chère [376] ». Si bien sûr le spectateur n'est jamais invité à oublier complètement la hiérarchie qui sépare les personnages, néanmoins Gassicourt instaure-t-il une certaine proximité entre ces derniers. D'ailleurs, Madelon et Antoine ne sont pas cantonnés à un parler populaire. Citons par exemple : « En voyant son image, je sens mieux encore ma reconnaissance, et je voudrais avoir un peu de son esprit pour la lui exprimer [377] », ou encore : « nous n'avons pas voulu qu'on entrât de peur de vous interrompre [378]. » En outre, le peuple est un personnage à part entière, symbolisé par les « villageois » ; et, lorsqu'ils apparaissent à la fin de la pièce [379], ils prennent alors part à la supercherie consistant à faire croire aux convives que la cérémonie organisée est destinée à les accompagner jusqu'à la rivière pour la noyade tant attendue : MOLIÈRE. Allons, plus de retard, remplissons notre engagement : voici tout le village, qui est déjà prévenu, et qui se fait un plaisir de nous accompagner. LES VILLAGEOIS. Oui... sans doute... assurément. Puis Madelon insiste : MADELON, *à Lulli.* Vous avez fait une promesse : Vous coûterait-elle à remplir ? Voyez la foule qui vous presse, Ne la privez pas d'un plaisir. Or, cette question de la représentation du peuple sur scène étant fondamentale pour le théâtre de la Révolution, cela laisse entendre là encore un effet de double historicité. Enfin, certains termes ne manquent pas de nous rappeler que cette pièce date de la Révolution française. La notion de « sensibilité » est par exemple typique du XVIII*e* siècle, et connotée positivement, comme le montre cet article de *l'Encyclopédie* : Disposition tendre et délicate de l'âme, qui la rend facile à être émue, à être touchée. … Les âmes sensibles peuvent par vivacité tomber dans des fautes que les hommes à procédés ne commettraient pas ; mais elles l'emportent de beaucoup par la quantité des biens qu'elles produisent. Les âmes *sensibles* ont plus d'existence que les autres : les biens et les maux se multiplient à leur égard. La réflexion peut faire l'homme de probité ; mais la *sensibilité* fait l'homme vertueux. La *sensibilité* est la mère de l'humanité, de la générosité ; elle sert le mérite, secourt l'esprit, et entraîne la persuasion à sa suite [380]. Cette attitude très positive, donc, est bien sûr attribuée à Molière, qui contemple « *avec sensibilité* [381] » la scène où ses amis couronnent son portrait. D'autre part, notons la formule de Molière, à la fin de la scène VI : « Que ne suis-je au temps où les hommes / Parleront avec liberté ! [382] » ; ou encore, lorsque Chapelle annonce qu'il a repoussé une invitation à une soirée marquée par « la grandeur », « l'opulence », et « la magnificence [383] », pour se rendre au souper chez Molière, la mention de « souper de l'égalité », et de « charmes de la liberté [384] ». Ces derniers mots rappellent l'article premier de la *Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen* de 1789 : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Puis, Chapelle évoque la liberté d'expression : « Lorsque la réunion des Auteurs s'intitule la *République des Lettres*, c'est pour que tous soient libres d'écrire ce qu'ils pensent [385] », rappelant cette fois l'article 11 de la *Déclaration* : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ». En outre, la distinction entre les « hommes grands » et les « grands hommes », proposée par Boileau à propos du dîner refusé par Chapelle, paraît elle aussi d'actualité : « Combien peu de ces hommes si grands, seront un jour de grands hommes ! [386] ». Si cette distinction renvoie à la prééminence du mérite sur la naissance certes déjà présente chez Molière [387], cela est d'autant plus éloquent que l'on est en 1795 au moment où la pièce est jouée. La double historicité prend donc une résonance particulièrement efficace du point de vue du contexte, notamment politique, dans *Le Souper de Molière*. # Note sur la présente édition. ## Les éditions. Il n'existe qu'une édition de cette pièce de Cadet de Gassicourt, d'après laquelle nous avons établi la nôtre : celle de 1795. Elle fut créée le 4 Pluviôse an III, autrement dit le 23 janvier 1795. Nous avons établi le texte à partir de l'édition disponible sur le site contentdm.warwick.ac.uk. Il se trouve à : University of Warwick Library ; Cote : 75171139. Il existe encore aujourd'hui plusieurs exemplaires de cette première édition, dont nous avons consulté ceux disponibles à Paris, afin d'en souligner les éventuelles différences : BNF, Richelieu-Louvois, 8-REC-220 (7, 50) (lacune de vingt pages : arrêt à partir de la page 32). BNF, Richelieu-Louvois, 8-REC-221 (1, 5) BNF, Richelieu-Arts du spectacle, 8-RF-3744 BNF, Richelieu-Arts du spectacle, 8-RF-3750 (2). BNF, Arsenal, GD-22239 BNF, Arsenal, THN-18907 BNF, Arsenal-RESERVE, 8-NF-7025 *N.B* : 1) Nous n'avons pas observé de différences entre ces éditions : le texte est exactement le même. Il n'y a en effet pas eu, à notre connaissance, de corrections sous presse. Les coquilles listées ci-dessous sont donc celles de tous les exemplaires que nous avons consultés. 2) Nous avons tenté tant que possible de suivre la mise en page du texte original. ## Description matérielle de l'exemplaire. Il s'agit d'un ouvrage in-octavo. Deux pages non numérotées correspondent à la page de titre et à la liste des Acteurs. L'édition commence sans paratexte à la page 3 et comporte 52 pages au total. Nous n'avons pas constaté d'erreurs de pagination. Nous pouvons toutefois noter que la page 51 n'était pas numérotée sur l'édition originale. ## Description du contenu du volume. Le volume se présente comme suit : I Page de titre II Liste des Personnages et Acteurs 3-50 Texte de la pièce 51-52 Catalogue. Description de la page de titre : LE SOUPER DE MOLIERE, / *OU* / LA SOIRÉE D'AUTEUIL, / FAIT HISTORIQUE EN UN ACTE, / MÊLÉ DE VAUDEVILLES, / Par le C. CADET-GASSICOURT, / *Représenté, pour la première fois, à Paris* , / *sur le Théâtre du Vaudeville, le 4 Pluviose*, / *an troisième de la République.* / filet / Prix : Cinquante sols, avec la musique. / filet / *A PARIS*, / Chez les Libraires / accolade / Au Théâtre du Vaudeville. / Au Théâtre Martin, ci-devant Molière. / Et à l'Imprimerie rue des Droits de / l'Homme, N°.44. / filet / *Floréal, an Troisième.* / BIBLIOTHÈQUE / Amédée MARANDET ## Établissement du texte. En règle générale nous avons conservé l'orthographe de l'édition originale, et n'avons pas ajouté d'accent aux majuscules qui n'en comportaient pas. Nous avons par ailleurs conservé les tirets aux pages 9, 13, 16 et 21, dans la mesure où ils sont présents dans tous les exemplaires que nous avons consultés, et où ils semblent bien correspondre à l'introduction d'une anecdote par le personnage. Toutefois, nous nous sommes livrés à quelques rectifications d'usage, qui nous ont semblé indispensables pour une parfaite lecture du texte. Ainsi : * – Nous avons homogénéisé les noms de « Laforest » et « Lafontaine », que l'on pouvait respectivement trouver sous les formes « La Forêt » et « La Fontaine ». * – Supprimé les réclames. * – Transcrit la ligature « & » en « et », conjonction de coordination. * – Systématisé l'emploi des trois points de suspension (que l'on pouvait parfois trouver au nombre de quatre), ainsi que les espaces avant les points d'interrogation, d'exclamation, les points-virgules et les deux points. * – Supprimé les espaces présentes avant les points et les virgules ; ainsi qu'au début et à la fin des parenthèses. * – Nous signalons que l'édition originale comportait une frise entre chaque scène, frise que nous n'avons pas retranscrite dans notre édition. * – Nous avons également corrigé quelques erreurs manifestes, énumérées dans la liste suivante : P. 7 : virgule après le nom du personnage « Mignard » : remplacée par un point, pour davantage d'homogénéité avec le reste de la mise en forme de la pièce. P. 8 : « re » (note de musique) corrigé en « ré » pour faciliter la lecture. P. 13 : « racontez-nous-là » corrigé en « racontez-nous-la ». P. 13 : « Lully » corrigé en « Lulli » pour homogénéiser la graphie de ce nom dans la pièce. P. 13 : ajout du tréma sur le « e » de la première occurrence du mot « poete », dans la réplique de Laforêt, pour assurer l'homogénéité de l'orthographe « poëte » que nous avons choisi de conserver tout au long de la pièce (cette différence est sans doute due à un effacement progressif). P. 18 : à la fin de la scène 5, nous avons rassemblé les deux répliques consécutives de Molière, l'une dite « à part », et l'autre « à Antoine et Madelon », séparées dans l'original, afin de faciliter la lecture. P. 20 : remplacement du point d'interrogation par un point d'exclamation à la fin du vers « Que de vices seraient proscrits ! » P. 20 : ajout de la parenthèse manquante en fin de didascalie introduisant la scène VII. P. 21 : « rénie » corrigé en « renie ». P. 25 : « vôtre fête » devient « votre fête ». P. 27 : remplacement de la virgule par un point en fin de didascalie : « C H A P E L L E. » P. 30 : « peut-ton » corrigé : « peut-on ». P. 30 : nous avons supprimé la didascalie « (*Laforest sort*.) », dans la mesure où ce personnage reste présent dans cette même scène XI. De même P. 39. P. 31 : remplacement du point d'interrogation par un point d'exclamation à la fin de la phrase « Et nous ne sommes qu'au dessert ! ». P. 31 : « Il se mettent à table » corrigé en « Ils se mettent à table ». P. 32 : ajout de la fermeture de parenthèse en fin de didascalie pour la réplique de Lulli « Approchez-vous… ». P. 36 : « C H A P L L E » : « C H A P E L L E ». P. 38 : « éffrayée » : « effrayée ». P. 45 : ajout du « s » effacé dans « inspire ». P. 45 : Nous avons corrigé la numérotation erronée de la dernière scène : « XIV » et non « XV ». P. 46 : « Lully » : « Lulli » pour davantage d'homogénéité. *N.B* : Nous avons par ailleurs choisi de transcrire les deux parties musicales contenues dans l'édition originale aux pages 33 et 39-40. Nous n'avons pas restitué les deux dernières pages, correspondant aux « Livres nouveaux » choisis par l'éditeur, et variant selon les exemplaires que nous avons consultés, contrairement au texte. # LE SOUPER DE MOLIERE, OU LA SOIRÉE D'AUTEUIL, FAIT HISTORIQUE EN UN ACTE, MÊLÉ DE VAUDEVILLES. ## PERSONNAGES. ACTEURS. Les CC. Et Cnes. – MOLIERE.Vertpré. – BOILEAU.Rosière. – LAFONTAINE.Chapelle. – LULLI.Vée. – MIGNARD.Léger. – CHAPELLE.Carpentier. – LAFOREST,servante de Molière.Molière. – ANTOINE,jardinier de Boileau.Saucède. – MADELON,jardinière de Molière.Dumay. – MATHURIN,père de Madelon.Jourdan. – UN TABELLION⁎. – VILLAGEOIS D'AUTEUIL. La Scène se passe à Auteuil. [388] ## LE SOUPER DE MOLIERE, COMÉDIE. Le Théâtre représente un sallon de campagne. Une porte vitrée laisse voir le jardin. Sur le devant de la scène est un chevalet avec le portrait de Molière, une table et un violon ### SCENE PREMIERE. ANTOINE, LAFOREST, tenant un houssoir⁎. LAFOREST. ALLONS, Antoine, laisse-moi ; nous avons du monde ce soir, et je n'ai pas plus de tems qu'il ne m'en faut... ANTOINE. Pourquoi me faire languir ; par pitié dites-moi si je puis espérer d'obtenir ma chère Madelon. LAFOREST. Je vois bien qu'il me faut débarrasser de toi… Eh bien ! oui, mon garçon ; tout est arrangé, et j'en ai la parole ; mais il faut te le dire : j'ai bien eu de la peine. Sans mon maitre, qui a promis de fouiller à l'escarcelle⁎, et de payer la dot de Madelon, ma foi je n'obtenois rien. ANTOINE. De payer la dot de Madelon ? Quel bienfait ! Allez, allez, mamzelle [389] Laforest, je l'en remercierai bien, ce bon M. Molière... Madelon aussi... Si bien donc que son père ne voulait pas... LAFOREST. Son père ! Oh ! si fait. Mathurin n'est pas un... harpagon [390]. C'était sa mère qui refusait, parce que tu n'as pas beaucoup de ce qui se compte ; mais son mari lui a fait entendre raison ; car comme dit notre maitre : La poule ne doit pas chanter plus haut que le coq [391]. ANTOINE. Enfin Madelon sera ma femme ! quelle joie !... Elle est bien aimable, Madelon, n'est-ce pas ? AIR : *Anette à l'âge de 15 ans.* Madelon est sans ornemens : Nature a fait ses agremens. La fleur que chaque jour fait voir Est sa parure, Et l'onde pure Est son miroir. LAFOREST. Elle doit être bien contente [392] ? ANTOINE. Sans doute [393], car je l'aime bien. LAFOREST, *avec ironie.*. Et puis, épouser le jardinier de M. Boileau ; dame [394], c'est bien flatteur ! AIR : *Du haut en bas.* Tiens, c'est un fait : Veut-on savoir ce qu'est un maître, Par son valet On juge, dit-on, ce qu'il est. Or moi qui pense m'y connaître, Je crois qu'on juge par ton maître De son valet. ANTOINE. Ne croyez pas plaisanter ; nous nous écrivons, M. Boileau et moi [395]. LAFOREST. Peste [396] ! ANTOINE. Et mon maître est le premier homme du monde, oui. LAFOREST. Comme tu y vas, Antoine : et Molière donc ? ANTOINE. Nous avons fait l'Art Poëtique [397]. LAFOREST. Nous avons fait le Misantrope, l'Avare [398] ! ANTOINE. Et nous le Lutrin de la Sainte Chapelle [399] ! LAFOREST. Et nous... le Tartuffe [400] ! ANTOINE. Mon maître est plus habile. LAFOREST. Le mien est plus fameux [401]. ANTOINE. Vous dites cela... parce qu'il vous consulte. LAFOREST. Voici M. Mignard et M. Lulli ; je m'en rapporte à eux. ANTOINE. Soit, je le veux bien. ### SCENE II. MIGNARD, LULLI, ANTOINE, LAFOREST. MIGNARD. ALLONS, mon ami, mettons-nous à l'ouvrage... Ah ! bonjour, Laforest. LAFOREST, *un peu émue.*. Bonjour, M. Mignard. LULLI. Qu'as-tu donc ? Tu parais animée. LAFOREST. C'est que, voyez-vous, nous disputions nous deux [402], Antoine, pour savoir qu'est-ce qui [403] était le plus habile de M. Molière ou de M. Despreaux [404], et nous sommes convenus de nous en rapporter à vous. MIGNARD. La question n'est pas aisée à résoudre. LULLI. Pourquoi ? AIR : *En revenant de la ville.* Sur le sommet du Parnasse [405], Où siège le dieu des arts, La gloire a plus d'une place ; Elle offre d'égales parts. Dans le genre satyrique Despreaux est sans rival, Et sur la scène comique Molière n'a point d'égal. LAFOREST. Eh bien ! nous voilà d'accord. ANTOINE. Je vais voir Madelon, et nous reviendrons ensemble remercier votre maître... Sans adieu. ### SCENE III. MIGNARD, LULLI, LAFOREST. (Laforest range dans le fond du théâtre ; Mignard prend ses pinceaux, et Lulli se met au clavecin.) LULLI. TE troublerai-je en faisant de la musique ? MIGNARD. Au contraire, tu m'animeras... Les arts sont frères, et ne peuvent se nuire. (A part, en travaillant.) Quel avantage de peindre un homme célèbre !... Un jour ceux qui n'auront pas eu le bonheur de connaître Molière, me sauront gré de leur avoir transmis son image : peut-être ils [406] m'associeront à sa gloire, et ne diront pas : Voilà Molière ! ... sans ajouter, c'est Mignard qui l'a peint... Le bel art ! AIR : *Les adieux de la mère républicaine, par le C. Piis.* Ce fut de la main d'une femme Que naquit cet art enchanteur ; L'amour avait mis dans son ame Un rayon de feu créateur. Si cet enfant de la tendresse Quelque jour était oublié, Ah ! je sens à ma douce ivresse Qu'il renaîtrait par l'amitié. LULLI, *à part.*. Oui, l'air doit être grave... la mesure bien marquée... Ces médecins dans leur épaisse fourrure ; ces apothicaires⁎ dans leur figure blême, enterrée dans une perruque noire... tout cela marche à pas comptés, et la musique doit avoir une cadence bien prononcée... *Sol, mi, sol, ut, ut, ré, sol, fa...* C'est cela. AIR : *De la marche du malade imaginaire.* *Dignus, dignus est intrare* *In nostro, in nostro* *In nostro docto corporo.* [407] MIGNARD. Bien, Lulli, très-bien. LULLI. Ma foi, mon ami, soit dit sans vanité, je crois que nous ne nous sommes pas trompés sur notre vocation [408]. MIGNARD. J'ai mieux connu la mienne que ma famille. LULLI. Qui voulait te faire médecin ? LAFOREST, *accourant.*. Comment donc ? Médecin ! Ah ! mon dieu. LULLI,*gaiement.*. Oui, Laforest : ne l'ai-je pas vu, pendant trois ans, suivre tous les pas d'un fameux docteur... en *us* [409], et faire avec lui toutes les visites, le pauvre garçon ! MIGNARD. Ajoutes [410] que j'emportais mes crayons avec moi... Un jour... ah ! l'aventure est digne d'être rapportée... Un jour... AIR : *Vaudeville des Chasseurs.* Il me dictait une ordonnance Près du lit d'un vieux moribond ; Il nommait cent drogues [411], je pense, Afin de paraître profond. Quand il eut assez fait parade De ses grands mots, de son savoir, Il prend mon papier pour le voir... C'était le portrait du malade. LULLI. Ta vocation t'entraînait. MIGNARD. Toi qui parles tant de vocation, tu as fait à la tienne une petite infidélité. LULLI. Qui t'a dit cela ? MIGNARD. Je le tiens de bonne part, et je vais le confier à Laforest (*Laforest s'approche.*) ... afin que tout le monde le sache. LAFOREST. Vous me croyez donc bien indiscrète. MIGNARD. Sois-le pour ceci. --- Dans sa dernière maladie, il a sacrifié, par dévotion, son nouvel ouvrage. AIR : *Alain était indifférent.* Un adroit et saint confesseur, Ennemi de la comédie, Vint lui conter que tout auteur Brûle à jamais dans l'autre vie. Lulli, pénétré, soupira, Et, dans une frayeur extrême, Il a brûlé son opéra Pour n'être pas brûlé lui-même. LAFOREST. C'est-il bien possible ! LULLI. *Même air.* Oui, mes amis, je l'avouerai : Voyez jusqu'où la peur nous mène ; A mon confesseur je livrai Mon opéra de Polixène [412] : Me croyant certain de mourir, Je craignais de paraître impie ; (Il tire un cahier de sa poche.) Mais espérant bien en guérir, J'en avois gardé la copie. MIGNARD,*l'embrassant.*. Bravo ! Lulli ; je te pardonne, mon ami, je te pardonne, et ce soir à souper je veux te réhabiliter. LULLI. A souper... ? Mais à propos, Laforest, pourquoi tous les apprêts que j'ai vus aujourd'hui ? Notre ami donnerait-il une fête ? LAFOREST. Sans doute, et vous l'approuverez. LULLI. Que ne me disois-tu cela, j'aurais préparé quelque chose... Nous allons célébrer sa convalescence [413] ? LAFOREST. Nous allons à la noce. MIGNARD. Comment à la noce ? LAFOREST. Molière veut marier Madelon, sa petite jardinière, à Antoine, jardinier de M. Despreaux, notre voisin ; les parens y consentent, et ça [414] sera pour demain. LULLI. Ainsi donc, dans tous les temps, malade ou non, Molière fait toujours des mariages. MIGNARD. Oui ; mais celui-ci ne ressemble pas aux autres. AIR : *Ainsi jadis un grand prophête.* A ses amans, sur le théâtre, Pour dot il donne de l'esprit, Et de son talent idolâtre L'esprit du public applaudit ; Mais quand sa rare [415] bienveillance Enrichit deux cœurs bien épris, Le sien trouve sa récompense Dans le cœur de ses vrais amis. LULLI. Ne vois-je point les deux futurs ? LAFOREST. Justement. ### SCENE IV. MIGNARD, LULLI, LAFOREST, ANTOINE, MADELON. (Antoine et Madelon portent des corbeilles de fleurs.) MIGNARD. GENTILLE Madelon, recevez mon compliment [416]. MADELON. Grand merci, Monsieur. LULLI. C'est aujourd'hui le jour du bonheur !... MADELON. Oui. J'venons en témoigner notre reconnaissance à qui nous l'devons. LULLI. Et lui présenter des fleurs, tribut ordinaire d'un jardinier. ANTOINE. Dites mieux, M. Lulli. AIR : *Ce mouchoir, belle Raimonde.* Jardinier n'est pas mon titre, Le mien m'fait bien plus d'honneur : Mon maître, dans une epître, M'appelle son gouverneur [417]. (Il prend un bouquet.) Et pour que chacun y pense, Aux plus bell' roses d'*Auteuil* [418], J'mêle toujours d'préférence Le p'tit brin de *chèvrefeuil*. MIGNARD. Comment diable, Antoine, tu lis ton maître ? ANTOINE. Sans doute, puisqu'il m'écrit. MADELON. M. Molière est sûrement dans sa chambre... Viens ? [419] LAFOREST. Mes bons amis, Molière repose [420]... Vous ne voudriez pas... ANTOINE. Oh ! non : Dieu nous garde de le troubler ! Un homme qui fait tant de bien quand il veille, doit être tranquille quand il dort [421]. MIGNARD. Antoine est digne d'un bienfait, puisqu'il sait le sentir. Qu'il serait à souhaiter que tout le monde connût Molière comme nous le connoissons. LAFOREST. Eh ! comment voulez-vous qu'on le connaisse ? On invente tant de choses contre lui. AIR : *Vaudeville de l'Officier de fortune.* L'un prétend qu'il n'a pas de mérite, L'autre dit qu'il a d'mauvaises mœurs, Un autre cont'lui sollicite [422] Pour soutenir de plats auteurs ; Mais se moquant d'la calomnie, A tous leurs cris i' n répond rien : Molier', qui s'montre aux coups de l'envie, Se cache pour faire le bien. LULLI. Cette semaine il a encore fait une belle action, que vous ignorez, j'en suis sûr. MADELON. Ah ! de grace, racontez-nous-la [423]. LULLI. Bien volontiers. --- Un pauvre comédien, ancien camarade de Molière, vint, il y a trois jours, demander des secours pour gagner sa province... Baron était ici. -- Combien, dit Molière, faut-il lui donner ? -- Mais, répond Baron, quatre pistoles suffiront. -- Quatre pistoles... soit ; tenez, vous les lui remettrez pour moi ; mais en voici vingt que vous lui donnerez pour vous, et il joignit à ce présent un habit magnifique. [424] ANTOINE. Que de générosité ! MIGNARD. Quelle sublime leçon ! LAFOREST. Vous ne savez que cela, M. Lulli ? Bon ! Le lendemain ce fut bien autre chose. Un jeune homme de 19 [425] ans, nommé Racine, avait remis à Molière un poëme pour avoir son avis. L'ouvrage était mauvais... Il me l'a lu. -- Mais Molière vit que le jeune homme pouvait mieux faire... Aussi, en rendant le poëme, il y cacha cent louis [426], et le plan d'une tragédie. [427] MIGNARD. Si Racine est célèbre un jour, et cela pourrait bien être, il se rappellera sans doute que c'est à Molière qu'il doit ses premiers encouragemens. ANTOINE. Madelon, il me vient une idée. Ne déposons pas ces fleurs dans son cabinet [428], comme c'était notre intention : faisons mieux. (Il parle bas à Madelon.) MADELON. Tu as raison, mon ami... (Ils tressent des fleurs.) MIGNARD,*montrant son portrait.*. Dites-moi, mes enfans, ai-je bien réussi ? AIR : *Il est, il est, il est toujours le même.* C'est lui ! c'est lui ! ANTOINE. Vraiment c'est bien lui-même : Joyeuse humeur. MADELON. Et c'tair plein de douceur. ANTOINE. On devine son cœur, Ce cœur que chacun aime. MADELON. Sa bouche me sourit. LULLI. Ses yeux sont pleins d'esprit. TOUS. C'est lui ! c'est lui ! vraiment c'est bien lui-même ! LULLI. Il n'y a rien à désirer ; vérité, chaleur, dessin pur... Mignard ! tu me prouves par-là qu'on ne devrait donner qu'au vrai talent le droit de peindre le génie. LAFOREST. On dirait qu'il va parler. MADELON. En voyant son image, je sens mieux encore ma reconnaissance, et je voudrais avoir un peu de son esprit pour la lui exprimer. LULLI. Le grand écrivain ! ANTOINE. Quelle bienfaisance ! MIGNARD,*avec enthousiasme.*. Quelle réunion de tous les talens ! de toutes les vertus ! (Il prend une couronne dans le panier d'Antoine.) Ah ! je le vois ! L'admiration, l'amitié, la reconnaissance n'ont ici qu'une même pensée... (Ils se grouppent autour du portrait, le couronnent et y attachent des guirlandes.) AIR : *Jeunes amans, ceuillez des fleurs.* Reçois le prix mérité Qu'aujourd'hui l'amitié te donne. LULLI. Prévenons la postérité Qui déjà tresse sa couronne. TOUS. Couvrons des plus aimables fleurs, Ornons son image chérie : Puisse le sort, par ses faveurs, En répandre ainsi sur sa vie. (Pendant le couplet, Molière, en robe de chambre, entre en rêvant. Il s'arrête dans le fond du théâtre, et contemple cette scène avec sensibilité [429].) ### SCENE V. LES PRÉCÉDENS, MOLIERE. MOLIERE. MES amis ! mes enfans ! votre attachement vous égare. Est-ce ainsi qu'on doit idolâtrer les hommes ? Quelle erreur ! (*avec satisfaction*.) Mais elle est douce pour moi. J'ai reçu les faveurs de la fortune, quelquefois celles de la gloire... elles ne valent pas celles de l'amitié. -- Eh bien ! Antoine, le jour de ton bonheur est-il enfin fixé ? Pourrais-je... ANTOINE. Pour que vous en soyez le témoin, le père de Madelon consent à ce que la cérémonie ait lieu demain, et nous venons vous prier d'assister au serment mutuel que nous avons tant de plaisir à faire. LULLI. Dis donc à renouveller, car vous vous aimez depuis long-temps. MADELON. AIR : *On dit que le mariage.* Oui, messieurs, de sa tendresse J'ai reçu le doux serment ; Mais cette aimable promesse Peut s'entendre à tout moment. LULLI. Sans qu'ici je te l'expose, Tu sauras, bientôt, je crois, Qu'amour fait plus d'une chose Qu'il aime à faire deux fois. ANTOINE, *à Molière.*. Votre présence sera bien agréable pour nous. MOLIERE. J'espère bien aussi présider à votre noce ; mais, mon ami, ne compte pas sur moi pour l'église. ANTOINE. Comment ! MADELON,*d'un air chagrin.*. Et... pourquoi ? MOLIERE. Ignorez-vous, mes enfans, que je suis excommunié [430] ? ANTOINE. Excommunié ! MADELON. Qu'est-ce que c'est que ça. MIGNARD. Ce que c'est !... Tous les ans, ma chère, le pape défend l'entrée de l'église aux rats, aux sorciers, aux sauterelles, au diable et aux comédiens... à lui sur-tout. MADELON *à Molière.*. Quel mal avez-vous donc fait ? LULLI. Quel mal ! quel mal ! il a dit... la vérité. MOLIERE. Laissons-là les imprécations⁎ des prêtres, AIR : *Avec les jeux dans le village.* Par-tout l'auteur de la nature Reçoit notre encens et nos vœux, Et par une conduite pure Nous saurons bien nous venger d'eux. Donnons toujours, donnons l'exemple, Bientôt, plus aimés, mieux connus, Nous ferons du théâtre un temple Et de talens et de vertus. ANTOINE. Ce n'est pas Dieu, je le vois bien, ce sont les prêtres qui repoussent les comédiens. LAFOREST. Oui... par jalousie de métier. MOLIERE, *à part.*. Ce mot-là ne sera pas perdu. (À Antoine et Madelon.) Demain la noce se fera ici ; mais ce soir venez me retrouver avec le tabellion⁎ ; nous avons une petite affaire à terminer, et je vous promets d'assister aux fiançailles, si elles se font assez tard pour que j'y paraisse... sans scandaliser. Adieu, mes enfans... A ce soir. ### SCENE VI. MOLIERE, MIGNARD, LULLI, LAFOREST. MOLIERE. MES bons amis, vous n'êtes guères curieux ; vous savez que je reçois du monde ce soir, et vous ne me demandez pas les noms des convives !... Remerciez-moi. J'ai écrit à Chapelle, à Lafontaine, et ils viendront souper avec nous. Il y a long-temps que nous ne nous somme réunis, et je veux, puisque je suis un peu rétabli, égayer notre soirée. Boileau viendra, je crois, aussi, quoiqu'il ne me l'ait pas assuré. (*à Laforest*.) Et toi ; songes [431] à nous bien traiter. LAFOREST. Vous voulez faire grande chère⁎ ? MOLIERE. Sans doute. LAFOREST. Et votre régime ! (*avec intérêt*.) Ah ! mon maître souvenez-vous que M. Fleurant [432] vous a défendu de voir beaucoup de monde. MOLIERE. Oui : eh bien ? LAFOREST. Vous n'avez pas un médecin pour marcher comme ça sur ses ordonnances. [433] MOLIERE. AIR *de Joconde.* J'ai pris un savant médecin, Je hais la médecine. Mon docteur a le coup d'œil fin, L'humeur vive et badine. Nous causons ensemble, et je ris Des remèdes qu'il cite : Je n'en prends aucuns, je guéris... Fleurant se félicite [434]. LULLI. Il ne faut rien faire qui nuise à ta santé ; songes que depuis plus de quinze jours le théâtre te redemande. MOLIERE. Oui ; mais voilà plus de quinze scènes que j'ai faites depuis, et mon médecin m'en a fourni plus d'une. MIGNARD. C'est ainsi que Molière tire parti de tout, et fait des habits à toutes les tailles. LULLI. Cela n'est pas étonnant, il est fils d'un tailleur [435]. MOLIERE. Ah !... Lulli ! trève pour les pointes⁎,... jusqu'au dessert. LAFOREST. Je vois bien que le souper aura lieu, au moins promettez-moi que vous ne prendrez que du lait. MOLIERE. Je te le promets ; mais j'ai besoin de voir mes amis, et de rire avec eux des ridicules que ma plume, déjà trop hardie, n'ose pas encore mettre sur la scène. AIR : *Tout roule aujourd'hui dans le monde.* Hélas ! dans le siècle où nous sommes, On doit farder la vérité : Que ne suis-je au temps où les hommes Parleront avec liberté ! S'il m'était permis de tout dire, Que de vices seraient proscrits ! Mais ce que je ne puis écrire, Je le pense avec mes amis. LULLI. Lafontaine viendra sans doute par le bois de Boulogne ; je vais au devant de lui. ### SCENE VII. MOLIERE, LAFOREST, MIGNARD. (Mignard travaille, et Laforest, appuyée sur un balai, l'examine). MOLIERE,*s'approchant de son bureau.*. COMBIEN j'ai de choses en arrière [436] ! ... Voici des lettres que je n'ai pas encore lues... Voyons... De la Thorillière [437] ? Que me mande-t-il ? Un nouveau succès... Bravo !... Ecoutez, écoutez... voici du comique. *Je te préviens, mon ami, que les Poquelins* [438], *pour assurer leur nouvelle noblesse, viennent de faire dresser leur généalogie.* MIGNARD. Bon ! Quelle sottise ! MOLIERE. *... Je l'ai vue chez ton oncle Bartholomé* [439], *le seul qui ait voulu accepter ses entrées à notre théâtre ; mais envain j'y ai cherché ton nom : ton père, y est-il dit, est mort sans enfans.* – Ah ! ah ! ... ainsi donc ma famille me renie ? N'importe, Molière, travaille toujours, travaille pour ton siècle, et s'il se peut, pour la postérité. AIR : *Vaudeville de l'Isle des femmes.* Si j'obtiens des succès nombreux, Si la gloire m'est favorable, Par son mépris injurieux Envain ma famille m'accable. Dans un art par-tout estimé, C'est sur-tout, c'est l'homme qui brille ; Les grands hommes qui l'ont formé Sont ses ayeux, sont sa famille. LAFOREST. Je ne me connais point en généalogie ; mais ce que je sais, je le sais bien, et tenez... AIR : *Nous sommes précepteurs d'amour.* Tous vos parens sont bien malins [440]; Mais ils auront beau dir', beau faire, On oubliera les Poquelins, On n'oubliera jamais Molière. MOLIERE, *à Laforest.*. Je ne travaille que pour cela. -- Je crois que j'aurai le tems avant le souper de te lire une scène de mon *Bourgeois gentilhomme* [441]... Il y a dans cette pièce une certaine Nicole, qui t'est, je crois, un peu parente... Mets-toi là : écoute-moi sérieusement. LAFOREST. Le moyen ! [442]⁎ vous me faites toujours rire. (Elle s'assied.) MOLIERE,*tenant un cahier.*. Tant mieux !... C'est le moment où M. Jourdain reçoit son tailleur. *M. Jourdain, Ah ! vous voilà ! je m'allais mettre en colère contre vous ; vous m'avez envoyé des bas de soie si étroits que j'ai eu...* Mais quelqu'un vient, ce me semble, vois qui ce peut être. LAFOREST,*après avoir regardé.*. C'est M. Boileau. MIGNARD, *vivement.*. Boileau ! gare la critique [443] ! (Il enlève et cache son tableau.) Ne laissons pas voir un ouvrage qui n'est pas terminé. MOLIERE. C'est lui, vraiment. (Il jette son manuscrit dans un tiroir.) Vîte, vîte, mettons mon plan à l'ombre ; ce n'est qu'une esquisse. ### SCENE VIII. BOILEAU, MIGNARD, MOLIERE, (un instant après) CHAPELLE. MOLIERE, *à Boileau.*. TU viens de bonne heure, et c'est me faire plaisir : on m'avait fait craindre de ne pas te voir ce soir. BOILEAU. Oui, mon ami, j'étais dans un de ces accès de misantropie où mon œil ne cherche et ne voit que des ridicules, où mon esprit se plaît à les peindre ; et comme on n'en trouve pas chez toi, j'avais peine à perdre ma journée. MOLIERE, *avec gaité.*. Ne dirait-on pas à tes regrets que c'est la journée de Titus [444] ! Va, mon pauvre Despreaux, Chapelle et Lulli sauront dissiper tes sombres idées. BOILEAU. Chapelle ! CHAPELLE, *entrant.*. N'en dites pas de mal ? BOILEAU. Si j'avais su qu'il soupât ici, je me serais rendu plus difficile encore. CHAPELLE, *riant.*. Quoi ! toujours de la rancune ? Ah ! ah ! ah ! MOLIERE, *à Boileau.*. Chapelle t'aurait-il offensé ? Il en est incapable... à jeun. BOILEAU. Laissons, laissons cela. MIGNARD. Non pas, il faut nous mettre au fait. Chapelle, on t'accuse. CHAPELLE. Mignard a raison, je dois me justifier. Vous saurez donc, mes bons amis, qu'il y a peu de jours je rencontrai Boileau ; il m'accosta, et soupçonnant que je n'étais pas... à jeun, comme vient de dire Molière, il se mit à me faire l'éloge le plus pompeux sur la sobriété. *Aristote écrivit... Socrate a dit... Pline pensait...* que sais-je ? Pendant cette belle érudition, il vint à pleuvoir à verse ; moi... AIR : *Vaudeville des Visitandines.* Pour soustraire au vent, à l'orage, Un moraliste aussi parfait, Mon amitié prudente et sage L'abrita dans un cabaret⁎ [445]. Là, son énergique éloquence Contre le vin se déchaîna, Et puis enfin il s'enivra En me vantant la tempérance. MOLIERE,*riant, à Boileau.*. Quoi ! tout de bon [446] ? BOILEAU. Le traître dit vrai [447]. MOLIERE, *à part.*. C'est une scène ! BOILEAU. La belle gloire ! s'enivrer pour m'étourdir : c'est Guénaud qui s'éclabousse de la tête au pied pour tacher l'habit de son voisin [448]. CHAPELLE. Je fus obligé de le reconduire, moi ! et ce qu'il y a de plus plaisant, c'est que nous fûmes rencontrés par Cottin et par Chapelain [449]. BOILEAU,*avec emphâse.*. Le père des douze fois douze cents vers de la pucelle ! [450] MIGNARD. Comme ils vont se venger ! MOLIERE. Je ne vois, mon cher Despreaux, qu'un seul moyen de le punir ; c'est de l'enivrer ce soir. CHAPELLE. J'accepte la revanche. Mais à propos, savez-vous bien que j'ai refusé pour vous la plus belle fête ! un souper délicieux, offert par un prince. MOLIERE. Et tu nous as préféré ? [451] CHAPELLE. Je choisis toujours le meilleur, mon ami ; tiens, vois la réponse que j'ai faite. MOLIERE,*prenant un papier que donne Chapelle.*. En vers ! CHAPELLE. En chanson même. Quand on dit des vérités un peu dures, il faut les dire gaîment. BOILEAU. Voyons. (Il prend le papier.) AIR : *Vaudeville d'Epicure.* Si la grandeur et l'opulence Ont de l'éclat pour bien des yeux, Moi, je fuis la magnificence, Et ses plaisirs trop sérieux. Je n'irai point à vôtre fête, Ailleurs je me suis invité, Et chez Molière l'on m'apprête Le souper de l'égalité, Pour un aimable tête à tête Veuillez quelque jour m'inviter ; Je réponds qu'il vaudra la fête Où vous me priez d'assister. Une illusion agréable Y soutiendra notre gaîté, Et nous croirons à votre table Aux charmes de la liberté. Le trait⁎ est hardi... mais il est juste. MIGNARD. Il blessera, j'en suis sûr, et il faut avoir des ménagemens [452] avec les grands. BOILEAU. Combien peu de ces hommes si grands, seront un jour de grands hommes ! Chapelle a bien fait, cela me racommode avec lui. ** CHAPELLE. Lorsque la réunion des Auteurs s'intitule la *République des Lettres* [453], c'est pour que tous soient libres d'écrire ce qu'ils pensent. MIGNARD. Mes amis, je vois Lafontaine. MOLIERE. Comme il a l'air occupé ! CHAPELLE. Il ne nous voit pas, j'en suis sûr. MOLIERE. Taisons-nous. ### SCENE IX. LES PRÉCÉDENS, LA FONTAINE. (Lafontaine passe au milieu de ses amis sans les voir, et vient s'asseoir dans un fauteuil au-devant de la scène) LA FONTAINE. CELA n'est point malheureux, j'arrive au moment où je trouve mes deux derniers vers... Répétons-les tous. MIGNARD. Il a quelque grande affaire ? BOILEAU,*malignement.*. Oui, un renard, une fourmi l'occupe [454]. MOLIERE, *à part.*. Le grand homme ! CHAPELLE. AIR : *De la Baronne.* Pour une fable, Sans cesse on le voit arrêté. BOILEAU. Et par un goût inconcevable Il laisse la réalité Pour une fable. LA FONTAINE*se lève sans témoigner de surprise.*. Oui, mes amis, c'est une fable que je viens d'achever, et c'est le plaisir de souper chez Molière qui me l'a inspirée. MOLIERE. En ce cas, nous pouvons te la demander. LA FONTAINE. La voici, à peu près. Socrate un jour faisait bâtir, Chacun censurait son ouvrage ; L'un trouvait les dedans, pour ne lui point mentir, Indignes d'un tel personnage ; L'autre blâmait la face, et tous étaient d'avis Que les appartemens en étaient trop petits. Quelle maison pour lui ! On y tournait à peine. Plût au ciel que de vrais amis, Telle qu'elle est, dit-il, elle pût être pleine ! Le bon Socrate avait raison De trouver pour ceux-là trop grande sa maison : Chacun se dit ami, bien fou qui s'y repose. Rien n'est plus commun que le nom, Rien n'est plus rare que la chose. [455] CHAPELLE. Mais cela est bon... fort bon. LA FONTAINE, *naïvement.*. Je le crois. MOLIERE. Je te sais gré d'avoir pensé à nous en faisant cet apologue [456]. BOILEAU, *malignement.*. Ce n'est pas une fable... Mais c'est l'ouvrage d'un poëte exercé. MIGNARD. Le bonhomme n'a ni la rusticité d'Esope, ni la recherche de Phèdre [457] ; mais il plaît à l'esprit, fait au cœur la leçon, et conte comme la nature. MOLIERE. Messieurs ! messieurs ! le bonhomme ira plus loin que nous. (Pendant la fin de cette scène et la suivante, on apporte des bougies et l'on prépare la table.) ### SCENE X. LULLI, BOILEAU, MOLIERE, CHAPELLE, MIGNARD, LA FONTAINE. LULLI. OUF [458] ! je crois, mes amis, qu'il ne faut pas compter sur Lafontaine : il ne... (*appercevant Lafontaine*.) Par où diable est-il arrivé ! LA FONTAINE. Par la galiote⁎. MOLIERE. Comment la galiote ? LA FONTAINE. Oui. CHAPELLE. Mais elle passe ici vers midi, et tu n'es arrivé qu'à sept heures. BOILEAU. AIR : *La plus belle promenade.* Aurais-tu donc fait naufrage ? Ce malheur serait nouveau, Car jamais aucun orage N'a retardé ce vaisseau. LA FONTAINE. Cela paroît incroyable : Je vois qu'il faut dire tout. Eh bien ! mes bons amis, Je suis, en faisant une fable, Descendu... jusqu'à St.-Cloud. MOLIERE. Quand tu viens chez moi, tu prends donc le plus long ? BOILEAU. Comme quand tu vas à l'Académie. LULLI. Tout cela est fort bien ; mais, pour me dédommager de ma course, il nous récitera un de ses contes. MOLIERE. Il te récitera la fable qu'il vient de faire... elle vaut bien un conte. ### SCENE XI. LES PRÉCÉDENS, LAFOREST. LAFOREST. PEUT-on vous servir ? MOLIERE. A l'instant. LAFOREST. De quel vin vous donnerai-je ? LULLI. De celui que tu voudras. LAFOREST. Du rouge ou du blanc. BOILEAU. Cela nous est parfaitement égal. CHAPELLE. *Récitatif⁎.* Pardon, sage Lulli, pardon, sage Boileau ; Je suis, mes bons amis, plus difficile à table, Et je crois au vin blanc le rouge préférable, Puisqu'il approche moins de la couleur de l'eau. LA FONTAINE. Eh bien ! de tous les deux. LAFOREST. Quand il vous plaira. MOLIERE. Allons, mes amis, à table. CHAPELLE. Laforest, mets le vin près de Despreaux ; c'est lui qui doit m'enivrer ce soir. BOILEAU. T'enivrer ? Il suffit, pour cela, de te laisser à ta discrétion [459]. Mais quoi ! point d'eau sur la table ? LULLI. AIR : *On compterait les diamans.* En vérité, mon cher Boileau, Ta demande est fort indiscrète ; Jamais je ne cherche de l'eau Sur la table d'un bon poëte : Le vin est excellent chez lui, Buvons-le pur, à tasse pleine ; Mais si tu le crains aujourd'hui, Mets *Boileau* près de *Lafontaine.* CHAPELLE. Encore une turlupinade⁎. MOLIERE. Et nous ne sommes pas au dessert ! (Ils se mettent à table.) Allons, servez-vous et ne ménagez rien ; pour moi, vous le voyez, je suis au régime. (Il prend du lait [460].) LA FONTAINE. Nous allons boire à ta meilleure santé. LAFOREST,*à part, en contemplant la table.*. On dit que les auteurs ne peuvent pas vivre ensemble, il me semble cependant que l'on est ici de fort bonne intelligence [461]... Que cet accord fait plaisir ! Un souper d'amis comme ceux-là n'est pas facile à trouver. AIR : *Une fille est un oiseau.* Au milieu de l'univers, Sur un mont, dit notre maître, Les auteurs vont pour connaître Quel est le prix de leurs vers. Ce mont s'appelle... *Parnasse.* Chacun y cherche une place ; Mais souvent, quoi que l'on fasse, On n'y trouve point accès : Ce mont me semble une fable ; Mais je vois à cette table Le vrai Parnasse Français. MOLIERE. Pour nous mettre en train, Lulli... fais-nous rire. CHAPELLE,*versant à boire à Lulli.*. Ah ! laisse-le souper. LULLI. Je vous ratraperai bien. (*Il prend le violon*.) BOILEAU. N'as-tu pas contre la Serre ou Colletet [462] quelque chanson nouvelle ? CHAPELLE. (A Boileau.) Ils ont assez de tes satyres [463]. (*à Lulli*.) Chantes-nous un de tes vaudevilles. LA FONTAINE. Oui, oui ; point de satyre. LULLI. Volontiers. (Il monte sur une chaise.) CHAPELLE. Le chanteur public [464]. TOUS. Oui. LULLI. Soit. Avec tous ses agrémens [465] ? (Il prélude du ton le plus faux, et dit, comme un chanteur public:) Approchez-vous ? C'est une chanson nouvelle, faite par un écrivain [466]... qui est auteur... littéraire... et qui fait des airs... en couplets... lyriques. Attention ! Vous allez voir comme quoi une fille doit toujours être sur ses gardes. Sur la fin de l'automne Vint un rusé vieillard : Il imite la voix d'un vieillard : Si la vendange est bonne, J'en veux avoir ma part. Cette prudente fille Lui répondit tout bas : Il imite la voix d'une jeune fille : Vieux vendangeur grapille, Mais ne vendange pas. Voilà la morale : retenez-la bien. Aux vignes de Cythère [467], Parmi les raisins doux, Est mainte grappe amère : N'en cueillez point pour vous. Ce choix pour une fille Est un grand embarras : La plus sage grapille, Et ne vendange pas. (Ils rient tous.) LA FONTAINE. Allons, allons : trêve à la folie... Parlons raison. CHAPELLE. Parlons du plaisir de nous voir tous réunis et bien portans. MIGNARD. Avouons-le ; ce n'est qu'entre nous, ce n'est qu'ici, que nous sommes à notre place et que nous pouvons jouir d'une liberté que n'empoisonne point l'envie ou la sottise des hommes. BOILEAU. Mignard a raison. La société n'offre qu'un plaisir, c'est celui d'y saisir des ridicules à censurer, ou des vices à combattre. MOLIERE, *gaiement.*. Je puis vous consulter, à ce que je vois, pour retoucher mon Misantrope. CHAPELLE,*versant à boire.*. Il faut en convenir, les hommes sont plus traîtres... que le vin. LA FONTAINE. Il y a des momens de folie où l'on maudit son existence. CHAPELLE. Dis plutôt des momens de raison ; car c'est quand le vin me fait perdre la mienne, que je puis seulement supporter la vie... (*Il verse à boire*.) Buvons. BOILEAU,*avec exaltation.*. Lorsque l'amour, la table, le vin, le jeu, la gloire, satisfont nos passions, nous appellons cela des plaisirs, et ce ne sont que des erreurs. L'amour enfante la jalousie. LA FONTAINE. Le vin, l'ivresse. MIGNARD. Le jeu, la ruine. BOILEAU. La gloire, l'envie. (Depuis ce moment, l'ivresse et l'exaltation augmentent par degrés.) LAFOREST, *à part.*. Voilà pour des gens gais une bien singulière conversation ! CHAPELLE. Avec nos talens et notre réputation on nous croit fort heureux, et il s'en faut que nous le soyons [468]... *Nous venons de bien rire ? Nous venons de bien rire* ? [469] Eh bien ! je vous le demande, savons-nous pourquoi ? MIGNARD. Nous heureux ! Qui peut dire cela ? CHAPELLE, *à Boileau.*. Par exemple, toi, je ne sais pas comment tu peux exister, oui, toi, Boileau... On promet une pension à un poëte, tout Paris te nomme, et c'est Chapelain qui l'obtient. BOILEAU. Bien pis [470] que ça : Je vois la foule entrer dans un temple... je la suis... et c'est Cottin qui prêche. MOLIERE. Vous n'y pensez pas avec vos idées sombres... la veille d'une noce ! LA FONTAINE. Allons, Molière, tu n'es pas plus heureux qu'un autre. TOUS. Non... certainement. MOLIERE. Que dites-vous ? J'aime fort mon état ; j'ai, d'ailleurs, des principes qui vous seraient, je crois, fort nécessaires. AIR : *La comédie est un miroir.* S'attendre à tout est le moyen D'alléger le poids de sa vie ; N'espérer ou ne craindre rien, Est la saine philosophie. Oui, pour être heureux en effet, Ma méthode est très salutaire : Jugeons le mal que l'on nous fait Par le mal qu'on pouvait nous faire. [471] CHAPELLE,*avec le plus grand enthousiasme.*. Tu ne disais pas cela quand on arrêtait le Tartuffe, quand on n'allait qu'avec peine au Misantrope, tandis que tout Paris courait aux pièces de Pradon [472]. BOILEAU. Et Pradon, et Chapelain, et Brebeuf [473], sont de l'Académie ! c'est un enfer ! LULLI. Pourquoi travaillons-nous ? pour être dénigrés par des sots. LA FONTAINE. Pillés par des plagiaires [474]. MIGNARD. Méprisés par des grands. CHAPELLE. Déchirés par les journalistes [475]. MOLIERE, *à part.*. Que penser des hommes, si les plus sages, les plus éclairés peuvent s'oublier ainsi ? BOILEAU. Il n'y a plus de goût. LA FONTAINE. Plus de probité [476]. MIGNARD. Mes amis... il n'y a plus d'amis. CHAPELLE. De tout temps la vie (*après avoir bu*) est un fléau... et nous la supporterions !... Non... Mes amis, nous sommes des lâches ; le bonheur, le repos ne sont pas de ce monde... BOILEAU. Il faut le chercher dans le fond d'un cloître. MIGNARD. Dans un désert [477] ! TOUS,*hors Moliere.*. Dans un désert. LA FONTAINE. Oui, dans un désert, où nous irons tous ensemble. LULLI. Non pas, s'il vous plaît, chacun le sien. CHAPELLE. Bah ! bah ! bah ! vous ne savez pas ce qu'il vous faut. AIR : *Du haut en bas.* Quel embarras ! Un cloître pour moi, je vous jure, Est sans appas : Un désert ne nous convient pas. Mais parbleu⁎ ! je pense que nous ne sommes pas loin du pont... Eh bien ! mes amis, Vers ce pont allons en droiture, Et prenons-en tous la mesure Du haut en bas. TOUS. Bravo ! bravo ! Oui, le pont... du haut en bas. MOLIERE, *à part.*. Voyons jusqu'où l'enthousiasme ira. CHAPELLE, *se levant.*. Allons ! LAFOREST, *effrayée.*. Ah ! mon dieu ! LULLI,*se levant.*. Cette idée est grande, elle peut nous immortaliser. MIGNARD. AIR : *Sans le savoir.* Pour nous quel bonheur ! quelle gloire ! Notre mort un jour dans l'histoire Fixera l'admiration. Le besoin d'un prompt suicide A guidé Brutus et Caton [478] ; Mais nous, nous ne prenons pour guide Que la raison. (Il se lève.) BOILEAU, *se lève.*. Enfin je n'entendrai plus parler de la Serre, ni de l'abbé Depure [479]. MIGNARD. Je ne verrai plus de croutes [480]. CHAPELLE, *à Moliere.*. Toi, plus de Tartuffes. LULLI. Je n'entendrai plus la musique de Colasse ni de Cambert [481]. LA FONTAINE. Partons ! MOLIERE, *les arrêtant.* (I). Un moment. O mes amis ! que faisons nous ? N'abandonnons point une résolution si belle aux fausses interprétations qu'on peut lui donner. On saura qu'à la suite d'un long souper nous aurons fait le sacrifice de notre existence, et la calomnie, avide de tout dénigrer, répandra le bruit que l'ivresse nous a plus inspirés que la philosophie. Amis, sauvons notre sagesse, attendons le retour prochain du soleil ; alors, aux yeux de tout le monde, nous donnerons cette leçon publique du mépris de la vie. BOILEAU. Il a raison ; c'est pour notre gloire que nous travaillons : il nous faut des témoins. Eh bien ! jurons que demain, à la pointe du jour... TOUS,*excepté Moliere.*. Nous le jurons ! MOLIERE. Laforest ? LAFOREST. Plait-il ? (Molière parle bas.) J'entends, j'entends. CHAPELLE. Sa réflexion est de bon sens : notre sagesse n'en sera que plus éclatante. MOLIERE. (Il prend deux bouteilles que lui donne Laforest.) Feignons de prendre part à leurs folies, puisque je ne puis les ramener à la raison. (I) Cette tirade est de Voltaire [482] MOLIERE. Enfin les voilà tous endormis... Au réveil [483]. On vient : ce sont nos jeunes gens. ### SCENE XII. Les Convives endormis, ANTOINE, MADELON, MOLIERE. ANTOINE. TOUT est prêt, nous n'attendons que notre bienfaiteur. MADELON. Le village entier nous a suivi, et vous comble de bénédictions ; mais nous n'avons pas voulu qu'on entrât de peur de vous interrompre. MOLIERE. Pourquoi donc ? (Aux villageois.) Approchez, approchez : oh ne craignez pas de les réveiller ; ils dorment bien. (Pendant que les villageois entrent avec précaution, l'orchestre joue le prélude du sommeil d'Atys. [484]) ### SCENE XIII. LES PRÉCEDENS, MATHURIN, LES VILLAGEOIS, LE TABELLION. MATHURIN. VOILA le contrat de nos enfans ; nous venons vous prier d'y bailler [485] un mot de vot' signature. MOLIERE. Ce m'est un grand plaisir ; mais il y manque encore une clause, père Mathurin. (Au Tabellion⁎.) Mettez que Madelon a deux cents écus [486] de dot. MADELON. Comment puis-je reconnaître... MOLIERE. C'est un plaisir... MATHURIN. Nous nous souviendrons toujours... MOLIERE. Cela ne vaut pas... ANTOINE. Ah ! croyez que notre cœur... MOLIERE. Eh ! mes amis, point de remercimens ; vous me faites un plus grand cadeau, vous autres ! vous me donnez votre amitié... Le cœur des honnêtes gens est sans prix. (Il signe le contrat, et prenant une bourse dans son secrétaire.) Cet argent me vient de gens fort singuliers... et que vous ne connaissez pas. AIR : *Des portraits à la mode.* Il me vient d'un *Tartuffe* amoureux, D'un *Misantrope sombre*, quinteux [487], D'un *Etourdi*, de quelques Fâcheux, Et d'un *Malade bisarre.* Ces gens-là peuvent bien se gêner⁎ ; Mais ce qui va tous vous étonner, Mes enfans, j'ai, pour vous le donner, Fait contribuer un *Avare.* MATHURIN. Mais vraiment, cela est fort extraordinaire. MADELON. Nous n'avons jamais vu chez vous ces hommes-là. LAFOREST,*avec orgeuil.*. Je les ai vus, moi, et je vous mettrai au fait. MATHURIN. Vous allez venir avec nous ? MOLIERE. A l'instant je vous rejoins, je vais passer un habit ; retournez au jardin, et vous rentrerez quand je vous le dirai. ANTOINE. Oh ! de bien bon cœur. ANTOINE, MADELON, MATHURIN. AIR : *Frère Jacques.* Du silence. LE CHŒUR. Du silence. MOLIERE. Laissons-les. LE CHŒUR. Laissons les. TOUS. Marchons avec prudence, Marchons avec prudence. ANTOINE. Paix ! MADELON. Paix ! LE CHŒUR. Paix ! MOLIERE. Paix ! MATHURIN. Paix ! LE CHŒUR. Paix ! LULLI,*se réveillant.*. Ah !... Mais où suis-je ? Chapelle, Mignard, Boileau... Ah ! dieu ! j'avais oublié qu'hier... O funeste résolution ! J'étais ivre sans doute... Oui, j'étais ivre, et ce qu'on promet dans l'ivresse... Si je pouvais m'échapper... Quelle lâcheté ! Quel opprobre !... Boileau s'éveille... feignons de dormir encore. BOILEAU. Combien le soleil enfante de bisarrerie ! AIR : *On vit sortir d'une grotte profonde.* Oui, je rêvais qu'une main ennemie Dans le tombeau m'avait précipité, Et que Cottin, en pleine académie, Sur mon fauteuil avait été porte. Je rêvais ; mais, non, je ne rêvais pas... Cette table, ces convives me rappellent... Allons, c'est une folie... Ce serait un crime... Si je pouvais savoir ce que pensent... Bon ! Lafontaine, Chapelle et Mignard ne dorment plus : écoutons. LA FONTAINE. Avons-nous sommeillé long-temps ? CHAPELLE. Il n'est pas jour encore. MIGNARD. Non, mais bientôt il faudra... CHAPELLE. (A part.) Ahi ! ahi ! il ne l'a pas oublié. (*haut*.) Des affaires qui me rappellent à Paris. LA FONTAINE. Des affaires ? eh bien ! il faut partir. CHAPELLE. Des affaires pour lesquelles je voudrais que Molière... Où donc est-il ? MIGNARD. Sa santé lui aura fait craindre de veiller. LA FONTAINE. Dans peu de temps sa guérison sera parfaite. CHAPELLE. Je le crois. (*à part*.) Oh dieu ! la mémoire lui revient-elle ? MIGNARD. Si nous éveillons nos camarades ? CHAPELLE, *avec crainte.*. Non... non... pourquoi ? il n'est pas encore tems. LA FONTAINE. Les voilà qui s'éveillent eux-mêmes. CHAPELLE. (A part.) Ah ! je tremble. MIGNARD. (A part.) Je ne sais où j'en suis. ### SCENE XIV et DERNIÈRE. TOUS LES ACTEURS. (Pendant le chœur tous les convives se lèvent avec étonnement [488], et se rangent dans un angle du théâtre.) CHŒUR. AIR : *Habitans de ce village.* MES amis, le tems nous presse, Profitons de cet instant ; Livrons nos cœurs à l'ivresse Qu'inspire un si doux moment : Croyons tous à la promesse Du bonheur qui nous attend. Mes amis, le tems nous presse, Profitons de cet instant. MOLIERE. Allons, plus de retard, remplissons notre engagement : voici tout le village, qui est déjà prévenu, et qui se fait un plaisir de nous accompagner. LES VILLAGEOIS. Oui... sans doute... assurément. MOLIERE. Comment ! vous ne répondez rien ? Ne vous souvient-il plus de votre résolution ? Faut-il vous la répéter ? ANTOINE, *à Chapelle.*. AIR : *Amusez-vous, jeunes fillettes.* Ne point accepter la partie, C'est vouloir nuire à not' bonheur. A tout l'village qui vous prie Ne refusez pas cet honneur... CHAPELLE. Certainement (*à part*.) Quel chien d'honneur [489] ! MADELON, *à Lulli.*. Vous avez fait une promesse : Vous coûterait-elle à remplir ? Voyez la foule qui vous presse, Ne la privez pas d'un plaisir. LULLI. C'est très-honnête assurément. (*à part*.) Où ces gens-là mettent-ils leur plaisir ? ANTOINE. La cérémonie ne sera pas longue. CHAPELLE. La cérémonie ! LULLI. Comptez maintenant sur vos amis. MIGNARD,*montrant Moliere*. Comme il est content, radieux ! MATHURIN. Il jouit du plaisir de faire une bonne action. BOILEAU. Une belle action ! LAFOREST. Mais je ne vois pas qu'il faille [490] tant se faire prier ; pendant que vous rêvez à je ne sais quoi, il passe de l'eau sous le pont... LULLI. Ne crains-tu pas qu'elle s'arrête ? MOLIERE. L'heure avance, et M. le curé... BOILEAU. Un curé ! Ah ! ah ! (*à Molière.)* Tu es un homme de précautions, et tu penses qu'on doit faire la chose en bons Chrétiens. MADELON. Comment ! Mais nous ne voulons pas autrement ; nous ne sommes pas excommuniés nous autres. MOLIERE,*aux Villageois.*. Allons, mes amis, distribuez-nous des fleurs. (On donne des bouquets.) LA FONTAINE. Je ne sais ce que tout cela veut dire. [491] LULLI. C'est ainsi que chez les Grecs [492]... CHAPELLE. Oui, et chez les Cannibales [493] on orne les victimes. MIGNARD. Des bouquets ! Madelon parée ! Antoine avec des rubans ! Ah ! Molière, nous ne sommes pas ta dupe [494]. (Molière et Laforest rient.) CHAPELLE. Comment ! LULLI. Ainh [495] ! BOILEAU. Qu'est-ce donc ? MIGNARD. La noce d'Antoine et de Madelon. BOILEAU. Ouf ! nous l'avons échappé belle. LULLI. La noce ! Je veux en être le ménétrier⁎. (Il prend le violon.) MOLIERE, *riant.*. Avouez, Messieurs les esprits forts, que votre frayeur a été complette. Apprenez une autre fois à vous défier de votre imagination, et croyez que l'homme le plus malheureux tient à ce monde plus qu'il ne pense. CHAPELLE. Ma foi, comme dit Lafontaine, Plutôt souffrir que de mourir, C'est la devise des hommes. [496] LAFOREST. AIR : *Dans un des bosquets de sa mère.* (Laborde. [497]) En comptant les maux de la vie, Chacun dit : je veux en sortir. Ce projet insensé s'oublie Sitôt que s'offre le plaisir. Tel on voit près de sa maîtresse Un amant outré de courroux, Au premier regard de tendresse ; Rire et tomber à ses genoux. MOLIERE. Amis, la véritable gloire Dépend toujours de l'avenir ; Pour vivre au temple de mémoire, Il faut commencer par mourir : Tout écrivain prétend sans doute Passer à la postérité ; Mais, comme vous, chacun redoute Ce pas vers l'immortalité. LULLI. Allons, amis, prenons courage, Et rappellons notre gaîté ? L'homme joyeux, quand il est sage, Possède la félicité : Qu'Epicure soit notre maître ; Il a dit dans certain endroit : On est heureux quand on croit l'être, Et quand on le veut, on le croit. [498] BOILEAU. Le vin, en troublant ma cervelle, A mis le feu dans tous mes sens ; Je sens que l'ivresse avec elle Peut entraîner trop d'accidens. A ces dangers pour me soustraire, Quand je serai dans un festin, Je prétends lire, à chaque verre, Une ou deux pages de Cottin. LA FONTAINE, *aux Spectateurs.*. Un peintre avait perdu son ami le plus tendre, Jour et nuit il versait des pleurs : Son élève le voit. Touché de ses malheurs, Il cherche à le distraire, et même ose entreprendre D'adoucir ses chagrins, de calmer ses douleurs ; Il saisit un charbon [499]; il le coupe, il le taille, Il en fait un crayon parfait, Et dessine sur la muraille Le profil de l'ami... que l'ami reconnaît L'ouvrage était grossier, méritait réprimande, Si l'on eût jugé le dessin ; Mais le motif le recommande, Et le peintre applaudit au cœur qui fait l'offrande, Quoique le vrai talent n'ait pas conduit la main. Dans cette juste allégorie [500], L'auteur de la pièce vous dit : Citoyens, voyez, je vous prie, L'intention, et non l'esprit. Vous êtes le peintre équitable, Molière l'ami regretté ; Je suis l'élève de la fable : Puissai-je être aussi bien traité ! FIN. # Annexes. ## Glossaire.Apothicaire« Celui dont la profession est de préparer les drogues pour la guérison des malades. » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762).P. 7Cabaret« Lieu où l'on vend du vin en détail. On confond aujourd'hui ce mot avec *taverne* : néanmoins ils sont fort différents, en ce que le *cabaret* est le lieu où on donne seulement du vin à pot par un trou pratiqué dans un treillis de bois qui y sert d'enseigne, sans qu'il soit permis de s'asseoir, ni de mettre la nappe. On l'appelle pour cela *à huis coupé, et pot renversé*, parce que l'hôte est obligé de renverser le pot sitôt qu'il a vendu le vin. Au lieu qu'à la *taverne* on vend le vin par assiette, et on y apprête à manger. Il faut fuir ces débauchés qui ne hantent que le *cabaret*. Le vin du *cabaret* est presque toujours frelaté, et fait mal à la tête. Ménage croit que ce mot vient de *caparetum*, qui a été fait du Grec Kapi, qui signifie *lieu où l'on mange*. » (*Dictionnaire universel* de Furetière, 1690). Les Dictionnaires de l'Académie française (1694 et 1762) assimilent en revanche ces « cabaret » et « taverne » : « CABARET. s.m. Taverne, maison où l'on donne à boire et à manger à toutes sortes de personnes pour de l'argent. »P. 22Chère« Accueil gracieux, réception favorable. Ce prince l'a reçu favorablement, il lui a fait grande *chère*, quand il lui a apporté cette nouvelle. Quand on revoit un ami qu'on croyait mort, on ne sait quelle caresse, quelle *chère* lui faire. Ce mot de *chère* vient de l'Italien *cera*, ou *ciera*. On prononce *chera*, qui signifie visage, aussi bien que *cara* en Espagnol, parce que les plus grands témoignages d'amitié paraissent sur le visage. Ménage remonte plus haut, et prouve que *cara* a signifié aussi visage en Latin. On dit aussi en Grec *kara*. Tous ces mots viennent du Latin *caro*. » (*Dictionnaire universel* de Furetière, 1690). Même sens dans les *Dictionnaires de l'Académie française* (1694 et 1762).P. 17Escarcelle« S.f. Grande bourse à l'antique. Ce mot n'a plus guère d'usage qu'en plaisanterie. Il a rempli son escarcelle. *Il vient de jouer, il a vidé son escarcelle. Mettre la main à l'escarcelle. Fouiller dans l'escarcelle.* » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762). Et dans le *Dictionnaire universel* de Furetière (1690) : « Grande bourse de cuir à l'antique, qui se fermait à ressort avec du fer. Ce mot vient de *scarcella* Italien, qui signifie *bourse*, qui a été dérivé de *scarco*, qui signifie *avare.* … ». P. 2Galiote« Petite galère et fort légère, propre pour aller en course. Elle ne porte qu'un mât et deux ou trois pierriers. Elle n'a que quinze ou vingt bancs de chaque côté, et un homme sur chaque rame. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). Et même sens dans le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1762 : « Espèce de petit bâtiment qui va à rames et à voiles. »P. 27Gêner« Tenir en contrainte, mettre quelqu'un dans un état violent en l'obligeant de faire ce qu'il ne veut pas, ou en l'empêchant de faire ce qu'il veut. » (*Dictionnaire de l'Académie française*, 1762). Forme d'anachronisme, car le mot n'apparaît ni chez Furetière, ni dans la première édition du *Dictionnaire de l'Académie française* (1694).P. 41Houssoir« Ballai, et ramon, ou autre chose attachée au bout d'un baston, ou d'une perche, avec lequel on housse, soit la maison, soit la cheminée ». (Jean Nicot, *Le Trésor de la Langue française*, 1606). Puis, dans les *Dictionnaires de l'Académie française* de 1694 (1*ère* édition), et de 1762 (4*e* édition), on trouve cette même définition : « Balai de houx ou d'autre branchage ». P. 2Imprécation« Malédiction, souhait qu'on fait contre quelqu'un. » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762).P. 16Ménétrier« Vieux mot qui signifiait autrefois *violon*, et tout autre joueur d'instruments, ou maître à danser. Saint-Julien est le Patron des *ménétriers*. Ce n'est plus qu'aux noces, de village où on appelle les ménétriers. C'était originairement celui qui allait chanter ou donner des sérénades avec des instruments de musique à sa maîtresse. Depuis ce nom a passé à toutes sortes de flûteurs et de joueurs d'instruments. Ensuite il a été dit longtemps des violons. Enfin il est demeuré vielleux, et aux violons de campagne. Borel dérive ce mot bien ou mal de *ministere*, ou de *manus et histrio*, ou de *minus histrio*, comme qui dirait *petit bouffon*, ou qui divertit avec la main. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). Le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1762 dit également : « Vieux mot qui signifiait autrefois toute sorte de joueurs d'instruments, surtout quand ils jouaient pour faire danser. Il se prend aujourd'hui plus particulièrement, mais toujours en raillerie, pour un joueur de violon. »P. 47Parbleu« Parbieu » : « Sorte de serment burlesque, et cependant inventé par une espèce de modestie, pour éviter le véritable serment *par Dieu*. » ; « Parbleu : autre sorte de serment burlesque, qui signifie la même chose. » (*Dictionnaire* de Trévoux, 1771).P. 36Pointe« Se dit figurément en choses spirituelles et morales. La pointe de l'esprit s'émousse par la débauche continuelle. Ce jeune homme a beaucoup de vivacité, de pointe d'esprit. Les épigrammes doivent finir par quelque agréable pointe. Les pointes sont des équivoques, et des jeux d'esprit. Il faut se donner de garde des fausses pointes, des turlupinades. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). Le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1762 contient ce même sens : « pensée qui surprend par quelque subtilité d'imagination, par quelque jeu de mots. »P. 18Récitatif« Sorte de chant qui approche le plus de la prononciation ordinaire. » (*Dictionnaire de l'Académie française*, 1694) ; « Sorte de chant qui n'est point assujetti à la mesure, et qui doit être débité. » (*Dictionnaire de l'Académie française*, 1762).P. 29Tabellion« Notaire, Officier public qui reçoit et passe les contrats et autres actes. *Notaire et tabellion royal.* Ce mot n'est guère en usage qu'en certaines provinces, surtout dans les campagnes. » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762).P. 1, 17, 40Trait« Des beaux endroits d'un discours, de ce qu'il y a de vif, et de brillant dans une pensée, dans une expression. *Il y a de beaux traits d'éloquence dans ce discours. un beau trait d'esprit, un trait de raillerie.* » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762).P. 24Turlupinade*Dictionnaire universel* de Furetière pour « turlupins » : « C'étaient des religieux hérétiques, ou plutôt une certaines secte de gens qui faisaient profession publique d'impudence, qui marchaient nus sans cacher leurs parties honteuses, et qui se mêlaient avec les femmes à la manière des cyniques en plein marché. Ils voulurent s'établir à Paris en 1372. Ils appelaient leur secte la *fraternité des pauvres*. Mais on les fit tous périr par le feu avec leurs livres, comme rapportent Gaguin et du Tillet en la vie de Charles V. … On a appelé de ce nom un comédien fameux de Paris, dont le talent était de faire rire par de méchantes pointes et équivoques qu'on a appelées *turlupinades*, et ses imitateurs *turlupins*. Ils ne sont par malheur que trop fréquents. » Et le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1762 va dans le même sens : « mauvaise plaisanterie, fondée ordinairement sur quelque allusion basse, et sur quelques mauvais jeux de mots. »P. 29 ## Annexe 1 : Grimarest évoquant le fameux souper [501]. Connaître Molière était un mérite que l'on cherchait à se donner avec empressement : d'ailleurs M. de Chapelle soutenait sa table avec honneur. Il fit un jour partie avec M. de J., de N. et de L. pour aller se réjouir à Auteuil avec leur ami. Nous venons souper avec vous, dirent-ils à Molière. J'en aurais, dit-il, plus de plaisir si je pouvais vous tenir compagnie ; mais ma santé ne me le permettant pas, je laisse à M. de Chapelle le soin de vous régaler du mieux qu'il pourra. … Molière pris son lait devant eux, et s'alla coucher. Les convives se mirent à table : les commencements du repas furent froids : c'est l'ordinaire entre gens qui savent ménager le plaisir ; et ces Messieurs excellaient dans cette étude. Mais le vin eut bientôt réveillé Chapelle et le tourna du côté de la mauvaise humeur. Parbleu, dit-il, je suis un grand fou de venir m'enivrer ici tous les jours, pour faire honneur à Molière ; je suis bien las de ce train-là : et ce qui me fâche c'est qu'il croit que j'y suis obligé. La troupe presque toute ivre approuva les plaintes de Chapelle. On continue de boire, et insensiblement on changea de discours. À force de raisonner sur les choses qui sont ordinairement la matière de semblables repas entre gens de cette espèce, on tomba sur la morale vers les trois heures du matin. Que notre vie est peu de chose, dit Chapelle ! Qu'elle est remplie de traverses ! Nous sommes à l'affût pendant trente ou quarante années pour jouir d'un moment de plaisir, que nous ne trouvons jamais ! notre jeunesse est harcelée par de maudits parents, qui veulent que nous nous mettions un fatras de fariboles dans la tête. Je me soucie, morbleu bien, ajouta-t-il, que la terre tourne, ou le soleil, que ce fou de Descartes ait raison, ou cet extravagant Aristote. … Toutes ces femmes, dit-il encore, en haussant la voix, sont des animaux qui sont ennemis jurés de notre repos. Oui morbleu, chagrins, injustice, malheurs de tous côtés dans cette vie-ci ! Tu as parbleu raison, mon cher ami, répondit J. en l'embrassant ; sans ce plaisir-ci que ferions-nous ? La vie est un pauvre partage ; quittons-la, de peur que l'on ne sépare d'aussi bons amis que nous le sommes ; allons nous noyer de compagnie ; la rivière est à notre portée. Cela est vrai, dit N. Nous ne pouvons jamais mieux prendre notre temps pour mourir bons amis, et dans la joie ; et notre mort fera du bruit. Ainsi ce glorieux dessein fut approuvé tout d'une voix. Ces ivrognes se lèvent, et vont gaiement à la rivière. Baron courut avertir du monde, et éveiller Molière, qui fut effrayé de cet extravagant projet, parce qu'il connaissait le vin de ses amis ; pendant qu'il se levait, la troupe avait gagné la rivière ; et ils s'étaient déjà saisis d'un petit bateau, pour prendre le large, afin de se noyer en plus grande eau. Des domestiques, et des gens du lieu furent promptement à ces débauchés, qui étaient déjà dans l'eau, et les repêchèrent. Indignés du secours qu'on venait de leur donner ils mirent l'épée à la main, courent sur leurs ennemis, les poursuivent jusques dans Auteuil, et les voulaient tuer. Ces pauvres gens se sauvent la plupart chez Molière, qui voyant ce vacarme dit à ces furieux ; qu'est-ce que c'est donc, Messieurs, que ces coquins-là vous on fait ? Comment ventrebleu, dit J. qui était le plus opiniâtré à se noyer, ces malheureux nous empêcheront de nous noyer ? … Vous avez raison, répondit Molière. Sortez d'ici, coquins, que je ne vous assomme, dit-il à ces pauvres gens, paraissant en colère. Je vous trouve bien hardis de vous opposer à de si belles actions. … Comment ! Messieurs, poursuit Molière aux débauchés, que vous ai-je fait pour former un si beau projet sans m'en faire part ! Quoi vous voulez vous noyer sans moi ? Je vous croyais plus de mes amis. Il a parbleu raison, dit Chapelle, voilà une injustice que nous lui faisions. Viens donc te noyer avec nous. Oh ! doucement, répondit Molière ; ce n'est point ici une affaire à entreprendre mal à propos : c'est la dernière action de notre vie, il n'en faut pas manquer le mérite. On serait assez malin pour lui donner un mauvais jour, si nous nous noyons à l'heure qu'il est : on dirait à coup sûr que nous l'aurions fait la nuit, comme des désespérés, ou comme des gens ivres. Saisissons le moment qui nous fasse le plus d'honneur, et qui réponde à notre conduite. Demain sur les huit à neuf heures du matin, bien à jeun et devant tout le monde nous irons nous jeter la tête devant dans la rivière. … Sans la présence d'esprit de Molière il serait infailliblement arrivé du malheur, tant ces messieurs étaient ivres, et animés contre ceux qui les avaient empêchés de se noyer.  ## Annexe 2 : la même anecdote, par Mongrédien [502]. Contrairement à son humeur accoutumée, qui était joyeuse, Chapelle, ce soir-là, avait le vin triste : “Que notre vie est peu de chose, disait-il ; qu'elle est remplie de traverses ! Nous sommes à l'affût pendant trente ou quarante années pour jouir d'un moment de plaisir, que nous ne trouvons jamais ! Notre jeunesse est harcelée par de maudits parents qui veulent que nous nous mettions un fatras de fariboles dans la tête. Je me soucie, morbleu, bien que la terre tourne, ou le soleil, que ce fou de Descartes ait raison, ou cet extravagant Aristote. J'avais pourtant un enragé précepteur (Gassendi) qui me rebattait toujours ces fadaises-là, et qui me faisait sans cesse retomber sur son Épicure : encore passe pour ce philosophe-là, c'était celui qui avait le plus de raison. Nous ne sommes pas débarrassés de ces fous-là, qu'on nous étourdit les oreilles d'un établissement. Toutes ces femmes, dit-il encore en haussant la voix, sont des animaux, qui sont ennemies jurés de notre repos. Oui, morbleu ! chagrins, injustices, malheurs de tous côtés dans cette vie-ci ! ” Complètement perdu dans les fumées du vin, Jonzac renchérissait sur cette philosophie pessimiste : “Tu as, parbleu, raison, mon cher ami. La vie est un pauvre partage ; quittons-la, de peur qu'on ne sépare d'aussi bons amis que nous le sommes ; allons nous noyer de compagnie, la rivière est à notre portée.” Le chevalier de Nantouillet approuva ce magnifique projet, pensant à juste titre qu'il “ferait du bruit”, et voilà nos compagnons partis, d'un pas chancelant, bras dessus bras dessous vers la rivière. Le jeune Baron, qui seul avait conservé son sang-froid dans cette folie collective, comprit que la chose risquait de tourner au tragique. Il alla réveiller Molière. Mais déjà les ivrognes s'étaient éloignés en bateau, pour se noyer en grande eau. Quelques gens du pays, alertés du bruit, eurent tôt fait de repêcher nos désespérés provisoires qui prirent très mal la chose, les poursuivirent l'épée à la main et allèrent s'en plaindre à Molière : “Comment, ventrebleu, dit Jonzac, ces malheureux nous empêcheront de nous noyer ? Écoute, mon cher Molière, tu as de l'esprit, vois si nous avons tort ; fatigués des peines de ce monde-ci, nous avons fait dessein de passer en l'autre pour être mieux ; la rivière nous a paru le plus court chemin pour nous y rendre ; ces marauds nous l'ont bouché. Pouvons-nous faire moins que de les punir ? ” Molière comprit tout de suite qu'il ne fallait pas heurter de front ses amis, durant leur ivresse ; il fit mine d'entrer dans leurs vues : “Comment ! vous avez raison. Sortez d'ici, coquins, que je ne vous assomme, dit-il à ces pauvres gens, simulant la colère. Je vous trouve bien hardis de vous opposer à de si belles actions.” Resté seul avec Chapelle et ses amis, Molière prit un autre ton : “ Comment ! messieurs, que vous ai-je fait pour former un si beau projet sans m'en faire part ? Quoi, vous voulez vous noyer sans moi ? je vous croyais plus de mes amis. * - Il a, parbleu, raison, dit Chapelle ; voilà une injustice que nous lui faisions. Viens donc te noyer avec nous ! * - Oh ! doucement, répondit Molière, ce n'est point ici une affaire à entreprendre mal à propos ; c'est la dernière action de notre vie, il n'en faut pas manquer de mérite. On serait assez malin pour lui donner un mauvais jour, si nous nous noyions à l'heure qu'il est ; on dirait à coup sûr que nous l'aurions fait la nuit, comme des désespérés, ou comme des gens ivres. Saisissons le moment qui nous fasse le plus d'honneur, et qui réponde à notre conduite. Demain, sur les huit à neuf heures du matin, bien à jeun et devant tout le monde, nous irons nous jeter, la tête devant, dans la rivière.” Tout le monde convint que Molière avait raison et on alla se coucher. Le lendemain, bien entendu, personne ne parla plus de ce glorieux projet… ## Bibliographie. ### Outils de travail.Dictionnaire Cent verbes conjugués en Français médiéval Bibliographie de la littérature française du XVIII*e* siècle Le Siècle des Lumières, Bibliographie chronologique Dictionnaire des protées modernes, ou biographie des personnages vivants qui ont figuré dans la Révolution française, depuis le 14 juillet 1789 jusques et compris 1815, par leurs actions, leur conduite ou leurs écrits, par un homme retiré du monde Dictionnaire historique, critique et bibliographique L'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers Encyclopediana, ou Dictionnaire encyclopédique des Ana La France littéraire de 1771 à 1796 Dictionnaire critique de la langue française Grammaire du français classique Histoire de la Langue française des origines à 1900 Dictionnaire universel Bibliographie der französischen Literaturwissenschaft Dictionnaire des proverbes français*e* Le Grand vocabulaire françois Dictionnaire portatif des théâtres Traité de l'orthographe française, en forme de dictionnaire Dictionnaire de la langue française Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle Le Grand dictionnaire historique ou le Mélange curieux de l'histoire sacrée et profane L'Abrégé de l'histoire du théâtre français : depuis son origine jusqu'au premier juin de l'année 1780 Le Trésor de la langue française Dictionnaire des théâtres de Paris La France littéraire Dictionnaire de la langue française, ancienne et moderne Répertoire du théâtre français imprimé Dictionnaire universel français et latinDictionnaire de Trévoux Dictionnaire philosophique ### Ouvrages antérieurs à 1800.La Fameuse comédienne, ou Histoire de la Guérin, auparavant femme et veuve de Molière La Morale d'Épicure tirée de ses propres écrits Épître à Racine Œuvres complètes Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux Œuvres complètes Satires, Épîtres, Art poétique Œuvres de Molière (1682), avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce Œuvres de Molière (1682), avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce Œuvres de Nicolas Boileau Despréaux De l'art de la comédie, ou détail raisonné des diverses parties de la comédie et de ses différents genres ; suivi d'un traité de l'imitation où l'on compare à leurs originaux les Imitations de Molière et celles des Modernes Epître dédicatoire à la Nation françaiseCharles IX ou l'Ecole des Rois Dictionnaire économique La Partie de chasse de Henri IV Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au Royaume d'Éloquence (1658) Le Souper de Molière, ou la Soirée d'Auteuil Comédies Choisies La Vie de M. de Molière Influence de la Révolution, sur le théâtre françois : pétition à ce sujet, adressée à la commune de Paris Élomire hypocondre ou les médecins vengés Atys, tragédie mise en musique La Bibliothèque des théâtres Du Théâtre, ou Nouvel Essai sur l'art dramatique Œuvres Œuvres complètes Éloge de La Fontaine Œuvres Lettre à d'Alembert L'Émile ou De l'éducation Vie des douze Césars Vie de Molière Œuvres complètes ### Ouvrages postérieurs à 1800. #### Éditions.Molière avec ses amis ou la soirée d'Auteuil Curiosités esthétiques, l'Art romantique, et autres œuvres critiques Moliérana, un recueil d'aventures, anecdotes, bons mots et traits plaisants de Pocquelin de Molière La Mort de Molière Molière avec ses amis, ou le souper d'Auteuil Historiettes Les Mémoires d'un veuf #### Études.Histoire de la littérature française au XVII*e* Le Théâtre révolutionnaire de 1789 à 1794, la déchristianisation des planches La Révolution française, dynamique et ruptures, 1787-1804*e* Bibliographie universelle, ancienne et moderne, supplément Musique et Révolution française La Médiatisation du littéraire dans l'Europe des XVII*e* et XVIII*e**e**e* Le Roman de M. de Molière La Commedia dell'Arte Molière, homme de théâtre Bulletin d'histoire de la révolution française Histoire populaire de la Révolution française, de 1789 à 1830 La Carrière de Molière : entre protecteurs et éditeurs *e*La LicorneLa Ponctuation du théâtre imprimé au XVII*e* siècle Lectures de Molière Histoire de la France Molière ou l'esthétique du ridicule Littérature française du 18*e* siècle Molière et sa fortune littéraire Histoire musicale des Acadiens, de la Nouvelle-France à la Louisiane : 1604-1804 Molière La Révolution française La Sainte-Chapelle du Lutrin. Pourquoi et comment Boileau a composé son poème Actes Histoire du théâtre français depuis le commencement de la Révolution jusqu'à la réunion générale Paris, deux mille ans d'histoire Molière ou l'essence du génie comique Charles-Louis Cadet de Gassicourt (1769-1821), Bâtard royal, pharmacien de l'empereur Molière ou le prix des choses. Morale, économie et comédie *e*Du Spectateur au lecteur, Imprimer la scène aux XVI*e* et XVII*e* siècles Revue économique Les contemporains de Molière : Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, Paris Le Roman de Molière Corps, littérature, société (1789-1900) Le théâtre français du XVIII*e* siècle: histoire, textes choisis, mises en scène Le Dernier Molière, des Fourberies de Scapin au Malade imaginaire Guide pittoresque du voyageur en France La Révolution française, chronologie commentée, 1787-1799 Le Village d'Auteuil Politics, Culture and Class in the French Revolution Le Théâtre révolutionnaire La Commedia dell'arte et son influence en France du XVI*e* au XVIII*e* siècle L'Histoire du Théâtre en France Cent ans de Recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe The Eagle and the doveStudies on Voltaire and the eighteenth century Théâtre miroir : métathéâtre de l'antiquité au XXI*e* siècle Le Théâtre de la Révolution française a 200 ansActes du Colloque Théâtre et Révolution A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century Molière, the French Revolution, and the theatrical afterlife Dictionnaire des comédiens français, ceux d'hier : biographie, bibliographie, iconographie Complément des études sur la langue française : ou rhétorique-pratique des écoles primaires précédée d'un traité de métaphysique La Vie privée de Molière Républicanisme, patriotisme et Révolution française Le Personnage Le Théâtre sous la Révolution. Politique du répertoire (1789-1799). Ombres de Molière : naissance d'un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII*e* siècle à nos jours L'Illustre société d'Auteuil 1772-1830, ou, La fascination de la liberté‬ Le Théâtre du peuple La vie culturelle en France aux XVI*e*, XVII*e*, XVIII*e* siècles Masques et Bouffons (comédie italienne) La Dramaturgie classique en France Recherches sur Molière et sur sa famille Le Comique Les Spectacles à Paris sous la Révolution La Chanson de proximité : caveaux, cabarets et autres petits lieux Lire le théâtre La relation matrimoniale dans l'œuvre de Molière Naissance de l'écrivain Molière and the Age of enlightenmentStudies on Voltaire and the eighteenth century Molière et le monde médical du XVII*e* siècle Le Théâtre de la Révolution #### Sites internet (consultés de janvier à septembre 2014). http://www.cesar.org.uk (Calendrier Électronique des Spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution). http://www.moliere.paris-sorbonne.fr http://www.site-moliere.com http://www.toutmoliere.net http://www.sitelully.free.fr Article « Révolution française », http://www.larousse.fr : http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Révolution_française/140733 *La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen*, 1789 : http://www.textes.justice.gouv.fr/textes-fondamentaux-10086/droits-de-lhomme-et-libertes-fondamentales-10087/declaration-des-droits-de-lhomme-et-du-citoyen-de-1789-10116.html Dictionnaires des XVII*e* et XVIII*e* siècles en ligne : http://www.lexilogos.com/francais_classique.htm ------- [1] WAGNER (Monique), *Molière and the Age of enlightenment*, dans *Studies on Voltaire and the eighteenth century*, Éd. de Theodore Besterman, vol. CXII, The Voltaire Foundation, Thorpe Mandeville House, Banbury, Oxfordshire, 1972, p. 20. Nous traduisons : « Molière n'est pas seulement connu en tant qu'écrivain et en tant qu'homme, il apparaît également en tant que personnage dans de nombreuses pièces du XVIII*e* siècle. » [2] Un merci particulièrement chaleureux à Mme Nathalie Fournier, qui nous a apporté de précieuses explications concernant quelques points de grammaire, mentionnés par des annotations au fil de la pièce. [3] FLAHAUT (Jean), *Charles-Louis Cadet de Gassicourt (1769-1821), Bâtard royal, pharmacien de l'empereur*, Paris, Éditions Historiques Teissèdre, 2001, Avant-propos, p. 7. Pour cette première partie concernant l'auteur, nous nous appuyons essentiellement sur cet ouvrage très complet. [4] *Ibid*. [5] *Ibid*., p. 8. [6] Cité par FLAHAUT (Jean), *op. cit.*, p. 20-21. [7] *Ibid*., p. 24. [8] *Ibid*., p. 23 : Extrait d'un manuscrit de seize pages attribué à Charles-Louis, 1818-1820, paragraphe 13, « Ma naissance et mes premières années », Coll. *Soc. Hist. Pharmacie*. À cette occasion, Louis XV fit offrir à Marie-Thérèse un éventail représentant la venue de ce fils à Versailles. [9] *Ibid*., p. 47. [10] *Ibidem*. [11] *Ibid*., p. 67. [12] *Ibid*., p. 84. [13] *Ibid*., p. 87. [14] *Ibid*., p. 88. [15] *Ibid*. [16] *Ibid*., p. 92. [17] *Ibid*., p. 94. [18] *Ibid*., p. 95. [19] *Ibid*., p. 67. Jean Flahaut précise : « On y voit la reine des poissardes faisant appel à ses sujets pour couvrir ses dettes. » [20] *Ibid*., p. 70. [21] *Ibid*., p. 71. [22] *Ibid*., p. 111. [23] *Ibid*. [24] *Ibid.*, p. 112. [25] *Ibid*., p. 113. [26] *Ibid*., p. 120. [27] Aujourd'hui le quartier du Faubourg-Poissonnière, dans le 3*e* arrondissement de Paris. « L'appartenance à une Section dépend du lieu d'habitation » (*ibid*., p. 125). C'est pourquoi, lorsqu'il changea de domicile au début de l'année 1793, Charles-Louis passa à la Section du Mont-Blanc. [28] *Ibid*., p. 121. [29] *Ibid*., p. 123. [30] *Ibid*. [31] Aujourd'hui le quartier Chaussée d'Antin, dans le 2*e* arrondissement de Paris. [32] *Ibid*., p. 163. [33] *Ibid*., p. 169. [34] *Ibid*., p. 170. [35] *Ibid*. [36] *Ibid*., p. 354. [37] *Ibid*., p. 345. [38] *Ibid*., p. 346. [39] *Ibid*. [40] *Ibid*., p. 347. [41] *Ibid*., p. 348. Pensons à *Dom Juan* (III, I) avec la référence de Sganarelle au « Moine bourru », ou la formule du personnage éponyme (V, II) : « l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour des vertus. » (MOLIÈRE, *Œuvres complètes*, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, Éd. Georges Forestier et Claude Bourqui, 2010, Tome II, p. 875 et p. 897). [42] FLAHAUT (Jean), *op. cit.*, p. 348. [43] *Ibid*., p. 417. [44] *Ibid*., p. 418. [45] Cf. *Le Malade imaginaire* par exemple (Acte III, scène IV, Béralde à Agran) : « Dans les discours et dans les choses, ce sont deux sortes de personnes que vos grands Médecins ; entendez-les parler, ce sont les plus habiles gens du monde ; voyez-les faire, les plus ignorants de tous les hommes ; de telle manière que toute leur science est renfermée en un pompeux Galimatias, et un spécieux babil. » (MOLIÈRE, *Œuvres complètes, op. cit*., Tome II, p. 696). [46] FLAHAUT (Jean), *op. cit.*, p. 171. [47] *Ibid*. [48] *Ibid*., p. 173 : *Le Souper*, puis *Monsieur de Bièvre*, par « Dupaty aidé de Luce, Salverte, Coriolis, Creuzé, Gassicourt, Légouvé, Mouvel, Longpérier, Alexandre et Chazet » créée au théâtre des Troubadours le 26 mai 1799 ; *La visite de Racan* par Gassicourt, créée au théâtre des Troubadours le 1*er* août 1799 ; *Christophe Morin*, rédigée par les mêmes auteurs que *Monsieur de Bièvre*, créée au théâtre des Troubadours le 10 octobre 1799 ; *Deux et deux font quatre*, par les « Cens C.G…, D.T… et Bonnin », créée au théâtre des Troubadours en janvier 1800 ;*Finot ou l'ancien portier de M. de Bièvre* par les Citoyens Chazet et Gassicourt, créée au théâtre Montansier-Variétés le 19 mars 1800. [49] FLAHAUT (Jean), *op. cit.*, p. 7-8. [50] *Ibid*., p. 178. [51] *Ibid*., p. 367. [52] *Ibid*. [53] *Ibid*. [54] *Ibid*., p. 368. [55] (Antoine, Pierre, Augustin Chevalier de), (1755-1832) : « d'abord Secrétaire du Comte d'Artois, dut se cacher pendant la Terreur, devint Secrétaire Général de la Préfecture de Police sous l'Empire, et retrouva ses premières fonctions sous la Restauration. Il écrivit des pièces pour divers théâtres et en particulier la Comédie italienne, qui eurent un très vif succès. … il a composé de nombreux vaudevilles, des chansons, des contes, des poésies. S'il avait beaucoup d'esprit et de facilité, son talent poétique était, par contre, relativement réduit, et ses œuvres sont maintenant ignorées. » (*Ibid*., p. 457-458). C'est également le fondateur du Théâtre des Troubadours (en 1799). [56] *Ibid*., p. 400. [57] *Ibid*., p. 401. [58] *Ibid*., p. 174. [59] *Ibid*. [60] *Ibid*. [61] *Ibid*., p. 179-180. [62] *Ibid*., p. 180. [63] *Ibid*. [64] GODECHOT (Jacques), *La Révolution française, chronologie commentée, 1787-1799*, Paris, Perrin, 1988, p. 129. [65] DUPUY (Pascal), MAZAURIC (Claude), *La Révolution française*, Paris, Vuibert, Regards d'auteurs 2005, p. 203. [66] SALVADORI (Philippe), *La vie culturelle en France aux XVI*e*, XVII*e*, XVIII*e* siècles*, Paris, Éditions OPHRYS, 1999, p. 193. [67] LAGRAVE (Henri), dans JOMARON (Jacqueline de), *L'Histoire du Théâtre en France*, Tome I, Paris, Armand Colin, 1988, p. 278. [68] JAUFFRET (Eugène), *Le Théâtre révolutionnaire*, Genève, Slatkine reprints, 1970, p. 338. [69] FLAUHAUT (Jean), *op. cit.*, p. 173. [70] (Pierre-Yves), 1789-1832, vaudevilliste et chansonnier français (d'abord avocat au Parlement de Paris). [71] BÉRARD (Suzanne), *Le Théâtre révolutionnaire de 1789 à 1794, la déchristianisation des planches*, Presses universitaires de Paris Ouest, 2009, p. 128. [72] FLAHAUT (Jean), *op. cit.*, p. 178-179. [73] BIGET (Michelle), *Musique et Révolution française*, Annales Littéraires de l'Université de Besançon, 397, Diffusion Les Belles Lettres, Paris, 1989, p. 98. [74] LEON (Mechele), *Molière, the French Revolution, and the theatrical afterlife*, University of Iowa Press, Iowa City, 2009, p. 114. Nous traduisons : « résurgence de l'intérêt pour le genre du vaudeville pendant la Révolution. » [75] *Ibid*. [76] *Ibid*., p. 115. (« par nature »). [77] LAGRAVE (Henri), dans JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome I, p. 90. [78] Après la bataille d'Ivry, Henri IV trouve l'hospitalité chez la femme d'un officier de son armée, mais cette dernière n'a rien à lui donner pour souper. Un laboureur voisin lui offre le sien, une dinde grasse, à condition qu'il y prenne sa part. La dame fait des difficultés, et Henri lève tous les obstacles en accordant au paysan des titres de noblesse. Cité dans JAUFFRET (Eugène), *op. cit.*, p. 33. [79] *Ibid*., p. 271. [80] ROUBINE (Jean-Jacques), dans JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome I, p. 359. [81] *Ibid*. [82] DESCOTES (Maurice), *Molière et sa fortune littéraire*, Éditions Ducros, coll. « Tels qu'en eux-mêmes », Bordeaux, 1970, p. 68. [83] LAGRAVE (Henri), dans JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome I, p. 90. [84] FRANTZ (Pierre), dans JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome II, Paris, Armand Colin, 1989, p. 14. [85] LAGRAVE (Henri), dans JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome I, p. 284. [86] (1740-1814), écrivain et dramaturge. [87] TROVATO (Loredana), « Du Molière de Goldoni au Molière de Mercier : la fortune d'un mythe d'une transposition à l'autre », dans POIRSON (Martial) (dir.), *Ombres de Molière : naissance d'un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII*e* siècle à nos jours*, Paris, Armand Colin, Recherches, 2012, p. 155. [88] FRANTZ (Pierre), dans JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome II, p. 13. [89] *Influence de la Révolution, sur le théâtre françois : pétition à ce sujet, adressée à la commune de Paris*, Paris, Debray, 1790. [90] *Ibid*. p. 3. [91] *Ibid*. p. 10. [92] CHÉNIER (Marie-Joseph), *Épître dédicatoire à la Nation française*, dans *Charles IX ou l'École des Rois* (le 15 décembre 1789), Paris, Didot Jeune, 1790. [93] FRANTZ (Pierre), JOMARON (Jacqueline de), *op. cit.*, Tome II, p. 10. [94] *Ibid*., p. 11. [95] *Ibid*. [96] *Ibid*. [97] SALVADORI (Philippe), *op. cit*., p. 193. [98] WAGNER (Monique), *op. cit.*, p. 22. Nous traduisons : « les statistiques montrent que Molière est de loin l'auteur le plus fréquemment mis en scène au cours du XVIII*e* siècle : on le joue plus souvent que Racine et Corneille réunis. » [99] LEON (Mechele), *op. cit.*, p. 14. Nous traduisons : « Avec presque deux mille représentations de ses pièces entre 1789 et 1799, Molière fut l'un des dramaturges les plus fréquemment représentés à Paris pendant la Révolution. » [100] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit*., p. 43. [101] *Ibid*. [102] *Ibid*., p. 44. [103] Cité par WAGNER (Monique), *op. cit.*, p. 29. [104] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit*., p. 65. [105] *Ibid*. [106] WAGNER (Monique), *op. cit*., p. 25. (En français dans le texte.) [107] *Ibid*. Nous traduisons : « L'élection posthume de Molière comme membre de l'Académie française. En 1769, beaucoup d'auteurs, y compris Cailhava, rivalisent pour proposer son *éloge*, finalement remporté par Chamfort. En 1778, d'Alembert offre à l'Académie le buste de Molière, sculpté dans le marbre d'après Houdon. » [108] DESCOTES (Maurice), *op. cit.*, p. 119. [109] *Ibid*., p. 67. [110] *Ibid*., p. 49. [111] *Ibid*., p. 73. [112] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit*., p. 65. [113] *Ibid*., p. 74. [114] LEON (Mechele), *op. cit*., p. 27. Nous traduisons : « La période révolutionnaire a ranimé Molière … par des procédés théâtraux innovants. » [115] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit*., p. 75. La note de bas de page mentionne notamment : « 1. Mercier, *La Maison de Molière ou la journée de Tartuffe*, comédie en cinq actes, prose, représentée le 20 octobre 1787 par les comédiens ordinaires du Roi, et le 24 novembre à Versailles devant leurs Majestés, Paris, 1789 (souvent donnée encore de 1789 à 1800 au moins). 2. Olympe de Gouges, *Molière chez Ninon, ou le siècle des grands hommes*, pièce épisodique, cinq actes, prose. Non représentée, Paris, 1788. 3. Anonyme, *La Matinée de Molière* (théâtre de Monsieur, 1789), non retrouvée. 4. Cubières Palmézeaux, *La Mort de Molière* (représentée le 14 novembre 1790, théâtre de la Nation). 5. Cadet de Gassicourt, *Le Souper de Molière, ou la soirée d'Auteuil*, fait historique, un acte et vaudevilles (représenté le 4 pluviôse an III, 23 janvier 1795), Paris, floréal, an II, 50 pages. » [116] *Ibid*. [117] *Ibid*. Cf. *Molière avec ses amis, ou le souper d'Auteuil*, comédie historique, en deux actes et en vaudevilles, par Rigaud (Antoine François) et Jacquelin (Jacques André), Paris, Fages, 1801. [118] ANDRIEUX (François-Guillaume-Jean-Stanislas), *Molière avec ses amis ou la soirée d'Auteuil*, comédie en un acte, en vers, Paris, Masson, 1804. [119] LEON (Mechele), *op. cit.*, p. 143. [120] FILIPPI (Florence), « Les vies de Molière (XVIII*e*-XIX*e* siècles) : du parcours exemplaire à l'hagiographie », dans POIRSON (Martial) (dir.), *op. cit.*, p. 196. [121] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit.*, p. 77. [122] LEON (Mechele), *op. cit.*, p. 116. Nous traduisons : « un dîner arrosé représentant Molière avec des amis : les stars lettrées de l'Ancien Régime. » [123] BÉNARD (Élodie), « La médiatisation de Molière par ses premières Vies (1682-1705) », dans BOULERIE (Florence) (Études réunies et éditées par), *La Médiatisation du littéraire dans l'Europe des XVII*e* et XVIII*e**, Centre de Recherches sur l'Europe classique (XVII*e* et XVIII*e* siècles), Biblio 17, Narr VERLAG, 2013, p. 209-211. [124] *Le Souper de Molière*, p. 6. [125] *Ibid*., p. 21. [126] *Ibid*., p. 22. [127] Scène I, p. 5. [128] Scène VIII, p. 23. [129] Scène X, p. 28. [130] Scène XIII, p. 43. [131] *Ibid*. [132] Scène XIII, p. 44. [133] *Ibid*., p. 45. [134] Scène XII, p. 41. [135] Scène XIII, p. 43. [136] P. 9. [137] P. 14. [138] P. (16. [139] P. 29. [140] On emploie ici « naturel » au sens de : quelque chose qui arrive de manière spontanée, semblant suivre le cours des choses, sans préméditation – hormis bien sûr celle du dramaturge. C'est donc justement le sens cher au XVII*e* siècle concernant l'écriture : il s'agit de donner ce que l'on a appelé un « effet de naturel » aux pensées, dialogues, péripéties, mais qui est en fait entièrement orchestré par l'auteur, qui dissimule son art. C'est ce qui n'est « point forcé », « enflé ni affecté » (FURETIÈRE (Antoine), *Dictionnaire universel*, Tome second, La Haye, Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1790, « Naturel », p. 713), opposé à l'« artificiel », ainsi qu'au « surnaturel » (DIDEROT et D'ALEMBERT (dir.), *L'Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers*, Tome onzième, Neuchâtel, Samuel Faulche, 1765, « Naturel », p. 44). [141] Scène III, P. 7. [142] *Ibid*. (Mignard). [143] Scène III, p. 8 (Lulli). [144] *Ibid*., p. 9. [145] Scène IV, P. 12. [146] *Ibid*. (Antoine). [147] Scène XI, p. 34. [148] P. 15. [149] *Ibid*. [150] Scène I, p. 3. [151] *Ibid*., p. 4. [152] Scène IV, P. 12. [153] *Ibid*., p. 13. [154] *Ibid*., p. 14. [155] *Ibid*., p. 15. [156] *Ibid*., p. 13 (Madelon). [157] *Ibid*. [158] Et dans une moindre mesure dans *Dom Juan* : I, 2, dans *Le Bourgeois gentilhomme* (entrée de Monsieur Jourdain de même à l'Acte I, scène 2), et dans *Les Fourberies de Scapin*, ou encore dans *L'Avare*, où Harpagon n'arrive qu'en I, 3. Les scènes précédant l'entrée du protagoniste permettent de définir ce dernier par le biais d'autres personnages, et mettre ainsi en place les éléments majeurs de l'intrigue. [159] Scène III, p. 8. [160] Scène IV, p. 15. [161] Scène III, p. 7. [162] Scène I, p. 3. [163] MOLIÈRE, *Œuvres complètes, op. cit*., Tome I, p. LII. [164] GARAPON (Robert), *op. cit.*, p. 36. [165] Scène XIV, p. 45. [166] MOLIÈRE, *op. cit.*, Tome II, p. 334. [167] Nous nous inspirons ici de la réflexion de René Bray au sujet du dénouement du *Bourgeois gentilhomme* ; BRAY (René), *op. cit.*, p. 218. [168] Scène XIV, p. 50. [169] Scène XI, p. 39. [170] *Ibid*., p. 36. [171] *Ibid*., p. 39. [172] *Ibid*., p. 39. [173] *Ibid*., p. 38. [174] FERNANDEZ (Ramon), *op. cit.*, p. 172. [175] *Ibid*., p. 166. [176] *Ibid*. [177] MOLIÈRE, *op.  cit*., Tome I, p. XL. [178] BRAY (René), *op. cit.*, p. 18. [179] LEON (Mechele), *op. cit.*, p. 119. Nous traduisons : « le sauveur ». [180] FORCE (Pierre), *Molière ou le prix des choses. Morale, économie et comédie*, Nathan, 1994, p. 87. [181] ÉMELINA (Jean) (dir.), *op. cit.*, p. 211. [182] MOLIÈRE, *Œuvres complètes, op. cit*., Tome I, Introduction, p. LVIII. [183] *Ibid*., p. LIII. [184] BRAY (René), *Molière, homme de théâtre*, Mercure de France, Mayenne, 1954, p. 14. [185] *Ibid*., p. 17. [186] Concernant le détail anecdotique d'un Molière payant la dot de sa jardinière, nous n'avons trouvé qu'un seul ouvrage y faisant référence : Le *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit*., (Roger Barny, « Molière et son théâtre dans la Révolution », p. 75) : lorsqu'on évoque en effet une « anecdote de Molière dotant princièrement sa servante Madelon, qui va épouser le jardinier de Boileau ». [187] BOULERIE (Florence) (Études réunies et éditées par), *La Médiatisation du littéraire dans l'Europe des XVII*e* et XVIII*e**, Centre de Recherches sur l'Europe classique (XVII*e* et XVIII*e* siècles), Biblio 17, Narr VERLAG, 2013, p. 209-211. [188] *Ibid*., p. 195. [189] *Ibid*., p. 196 ; Florence Filippi cite une Lettre de Boileau à Brossette, dans Jean-Augustin AMAR (dir.), 1821, *Œuvres* de Boileau, Paris, Lefèvre, vol. IV (p. 426, Lettre du 12 mars 1706). [190] *Ibid*., p. 197. [191] POIRSON (Martial) (dir.), *op. cit.*, p. 193. [192] *Ibid*. [193] *Ibid*., p. 199 ; Florence Filippi précise en note qu'il s'agit de la terminologie utilisée par Claude Lévi-Strauss dans *Anthropologie structurale*, chap. « Structure d'un mythe », Paris, Plon, 1958, p. 232. [194] POIRSON (Martial) (dir.), *op. cit.*, p. 21. [195] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *La Vie de M. de Molière*, Le Fèbvre, Paris, 1705, p. 120 à 125. [196] VOLTAIRE (François-Marie Arouet, dit), *Vie de Molière*, Catuffe, Amsterdam, 1739, p. 17-18. [197] COUSIN D'AVALON (Charles-Yves), *Moliérana, un recueil d'aventures, anecdotes, bons mots et traits plaisants de Pocquelin de Molière*, Paris, Marchand, 1801. [198] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Coll. « Les Vies privées », 1950. [199] MONGRÉDIEN (Georges), *Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle*, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 131. [200] CUBIÈRES (Michel de), *La Mort de Molière*, pièce historique en quatre actes et en vers, Paris, Hugelet, 1802, p. 38-40. Cf. Notre édition critique. [201] *Ibid*. [202] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 58 à 61. [203] VOLTAIRE (François-Marie Arouet, dit), *op. cit.*, p. 17. [204] Scène IV, p. 13. [205] VOLTAIRE (François-Marie Arouet, dit), *op. cit.*, p. 17. [206] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 120. [207] Cf. Notre sous-partie concernant Auteuil. [208] Scène III, p. 10 (Lulli). [209] Scène VI, p. 18 (Molière). [210] *Ibid*., p. 19 (Laforest). [211] *Ibidem.* (Lulli). [212] *Ibid.*, p. 20 (Laforest). [213] Scène XI, p. 31 (Molière). [214] Texte saisi par David Chataignier à partir du Tome II (années 1666-67) de l'édition du Bon Nathan-James-Édouard de Rothschild et de Émile Picot, 1881-1883, Paris, D. Morgand et C. Fatout éditeurs ; et consultable sur le site Molière 21 de Paris 4-Sorbonne. [215] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 144. Reprise de ce détail dans le *Moliérana* : « Sur la fin de ses jours, Molière ne vivait que de lait » (COUSIN D'AVALON (Charles-Yves), *op. cit.*, p. 54.). [216] MONGRÉDIEN (Georges), *Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle*, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 203. [217] LE BOULANGER DE CHALUSSAY, *Élomire hypocondre ou les médecins vengés*, 1669, Genève, J. Gay et fils, 1867, p. 10. [218] *Ibid*., p. 25. [219] FERNANDEZ (Ramon), *Molière ou l'essence du génie comique*. Les cahiers rouges, Grasset, paris 1979, p. 40. [220] MOLIÈRE, *Œuvres complètes, op. cit*., Tome I, Introduction, p. LVII. [221] Lettre DLXXIX, à M. Ottavio Ferrari, 4 juin 1673 : *Lettres de Jean Chapelain*, Ph. Tamizey de Larroque éd., Imprimerie Nationale, 2 vol., 1880-1883, t.II, p. 820, dans MOLIÈRE, *Œuvres complètes, op. cit*., Tome I, Introduction, p. LX. [222] *Ibid*., Tome II, p. 1542. [223] *Ibid*. [224] *Ibid*, p. 1543. [225] Cité dans MOLIÈRE, *op. cit.*, Tome I, p. 1103. [226] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 78. L'anecdote est reprise à l'identique chez Voltaire : *Vie de Molière, op. cit.*, p. 16, et dans le *Moliérana* : COUSIN D'AVALON (Charles-Yves), *op. cit.*, p. 105. [227] Scène VII, p. 20-21. Nous recopions ces mots en italiques, comme dans le texte, car il s'agit d'un courrier lu par Molière. [228] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 16 à 19. [229] COUSIN D'AVALON (Charles-Yves), *op. cit.*, 1801. Reprise exacte de ces détails anecdotiques p. 110. [230] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 7. [231] Cf. *Le Souper*, p. 21. [232] *Ibid*. [233] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 106-107. [234] BROSSETTE (Claude), *Œuvres de Nicolas Boileau Despréaux*, Charles Hughes Lefebvre de Saint Marc, Amsterdam, volume 5, 1775 (« Réflexions critiques sur quelques passages de Longin », « Réflexion première », p. 14-15). On retrouve cette même anecdote de Molière lisant des passages à Laforest dans *La Mort de Molière* de Cubières, *op. cit*. (I, 5). [235] COUSIN D'AVALON (Charles-Yves), *op. cit*. Reprise exacte de ces détails anecdotiques, p.46. [236] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit*., p. 77. [237] Nous pourrions émettre un bémol quant à cette anecdote, en soulignant que Molière lisait ses pièces à une jeune fille de très bonne famille, Honorée de Bussy : les deux histoires ont donc pu être mêlées… Cf. TALLEMANT DES RÉAUX (Gédéon), *Historiettes*, Tomes I, textes établis par Antoine Adam, Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1960, p. 319. Une note dit en effet que « Molière lui lisait toutes ses pièces, et quand *L'Avare* sembla être tombé : “Cela me surprend, dit-il, car une demoiselle de très bon goût et qui ne se trompe guère, m'avait répondu du succès.” en effet la pièce revint et plut. » [238] DESCOTES (Maurice), *op. cit.*, p. 26. [239] BRAY (René), *op. cit.*, p. 23. [240] Cf. Notre dernière partie. [241] FERNANDEZ (Ramon), *op. cit.*, p. 99. [242] BRAY (René), *op. cit.*, p. 23. [243] *Ibid*. [244] *Ibid*. [245] Nous serons brefs concernant Molière, l'étude des anecdotes à son sujet que nous avons proposée plus haut ayant permis de montrer le détachement de Gassicourt par rapport à la chronologie, et le caractère fictionnel même des ouvrages qui lui ont servi de sources. [246] MONGRÉDIEN (Georges), *Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle*, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 155. [247] Jules Loiseleur, *Les Points obscurs de la vie de Molière : les années d'études, les années de lutte et de vie nomade*, Paris, I, Liseux, 1877, première partie, « les années d'étude », p. 19-20 ; cité par FILIPPI (Florence), « Les vies de Molière (XVIII*e*-XIX*e* siècles) : du parcours exemplaire à l'hagiographie », dans POIRSON (Martial) (dir.), *Ombres de Molière : naissance d'un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII*e* siècle à nos jours*, Paris, Armand Colin, 2012, p. 202. [248] *Bulletin d'histoire de la révolution française, op. cit.*, p. 75. [249] BOULERIE (Florence) (Études réunies et éditées par), *op. cit.*, p. 122. [250] Cf. Notre dernière partie. [251] LÉRIS (Antoine de), *Dictionnaire portatif des théâtres*, Paris, Jombert, 1763, p. 503-505. [252] *Ibid*, p. 503-505. Le père de Baron serait mort « en faisant le rôle de Dom Diègue dans le *Cid* » : « son épée lui tomba des mains, comme la pièce l'exige, et la repoussant du pied avec indignation, il en rencontra malheureusement la pointe, dont il eut le petit doigt piqué. Cette blessure fut d'abord traitée de bagatelle ; mais la gangrène qui y parut exigeant qu'on lui coupât la jambe, il ne le voulut jamais souffrir. Non, non, dit-il, à ce que l'on rapporte, un Roi de théâtre se ferait huer avec une jambe de bois, et il aima mieux attendre doucement la mort, qui arriva le 6 ou le 7 Octobre 1655. » ; sa mère « mourut à Paris au mois de Septembre 1662. » (*Ibid*.). [253] MONGRÉDIEN (Georges), *Dictionnaire biographique des comédiens français du XVII*e* siècle*, Paris, Centre National de la Recherche Scientifique, 1961, p. 15. Le *Dictionnaire* de Léris précise : « « on les appelait les Petits Comédiens Dauphins, parce qu'ils avoient représenté à la Cour pendant l'enfance de Monseigneur le Dauphin, aïeul du Roi. » (LÉRIS (Antoine de), *op. cit.*, p. 503-505). [254] *Ibid*, p. 15. Cf. GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit., p.* 111. [255] LÉRIS (Antoine de), *op. cit.*, p. 503-505. [256] PARFAICT (Claude), *Dictionnaire des théâtres de Paris*, Tome premier, Paris, Rozet, 1767, p. 379-380. [257] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 101. [258] JURGENS (Madeleine), MAXFIELD-MILLER (Elizabeth), *Cent ans de Recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe*, Archives Nationales, Imprimerie Nationale, 1963, p. 554-555. [259] *Ibid*., p. 584. On note que l'orthographe de ce nom est déjà fluctuante. [260] SOULIÉ (Eudore), *Recherches sur Molière et sur sa famille*, Paris, Librairie de L. Hachette et Cie, 1863, p. 97. [261] Cette dernière reçoit « quarante-neuf livres quinze sols », cf.JURGENS (Madeleine), MAXFIELD-MILLER (Elizabeth), *op. cit.*, p. 583. [262] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit.*, p. 141. Elle est qualifiée de « vieille servante » p. 248. [263] C'est d'ailleurs là une inexactitude, puisque la troupe n'a jamais représenté cette pièce ; Grimarest a pu confondre avec *Le Gouvernement de Sanche Panse*, de Guérin de Bouscal (1642), effectivement jouée par la troupe de Molière, dans un arrangement de cette pièce « mis au point par Madeleine Béjart ». Cf. BRAY (René), *op. cit.*, p. 95. [264] Ce même nom de Renée Vannier est évoqué dans *Le Roman de Molière* d'Édouard Fournier : il y est fait référence à « la bonne Renée Vannier, devenue si célèbre sous le nom de Laforêt » ; et une note précise : « C'était un nom commun aux domestiques. Fouquet avait un valet qui s'appelait ainsi. » (FOURNIER (Édouard), *Le Roman de Molière*, E. Dentu, Paris, 1863, p. 125). On retrouve également ce nom dans ADAM (Antoine), *Histoire de la littérature française au XVII*e**, vol. 2, Albin Michel, 1997, p. 633. [265] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 138. [266] MORÉRI (Louis), *Le Grand dictionnaire historique ou le Mélange curieux de l'histoire sacrée et profane*, Genève, 1759, Tome septième, p. 542. [267] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 202. [268] *Ibid.*, p. 140. [269] DUCHÊNE (Roger), *Molière*, Ligugé, Fayard, 1998, p. 186. [270] *Ibid.*, p. 192. [271] Pensons à ses fameux vers de l'*Épitaphe* de Molière par La Fontaine : « Sous ce tombeau gisent Plaute et Térence ; / Et cependant le seul Molière y gît. » [272] Scène IX, P. 26. [273] NAIGEON (André), *Éloge de La Fontaine*, aux dépens de la Société typographique, Bouillon, 1775, p. 72. [274] *Ibid*. [275] COUSIN D'AVALON (Charles-Yves), *op. cit.*, p. 131-132. [276] Scène IX, P. 28. [277] Scène VII, P. 22. [278] BOILEAU, *Art poétique*, III, V.391-400, cité dans DESCOTES (Maurice), *op. cit.*, p. 40. [279] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 144. [280] *Ibid*. [281] Scène I, P. 5. [282] Scène IV, P. 12. [283] *Ibid.* [284] BOILEAU (Nicolas), *Satires, Epîtres, Art poétique*, Gallimard, NRF, Coll. Poésie, Éd. Jean-Pierre Collinet, 1985, p. 214, v.3. Une note (p.332) précise que le nom complet de ce jardinier serait « Antoine Riquié ». Une édition des œuvres de Boileau de 1837 parle d'un « Antoine Riquer » (BOILEAU-DESPRÉAUX (Nicolas), *Œuvres complètes*, Paris, Philippe, 1837, p. 479), et une autre de 1850 évoque « Antoine Riquet » (BOILEAU-DESPRÉAUX (Nicolas), *Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux, avec des notes de tous les commentateurs*, Paris, Charpentier, 1850, p. 223). [285] *Ibid.*, p. 331. [286] BOILEAU-DESPRÉAUX (Nicolas), *Œuvres poétiques de Boileau-Despréaux, avec une notice biographique et littéraire et des notes par E. Gerurez*, Paris, L. Hachette et Cie., 1855, p. 183. [287] *Ibid*. [288] *Ibid*. [289] Nous écrivons « Lully », orthographe plus moderne, lorsque nous évoquons les sources dites historiques, et « Lulli » lorsque nous citons *Le Souper*. [290] MORÉRI (Louis), *op. cit.*, Tome Sixième, p. 504. [291] BRAY (René), *op. cit.,* p. 105. [292] CALDICOTT (C.E.J), *La Carrière de Molière : entre protecteurs et éditeurs*, Amsterdam, Rodopi, 1998, p. 114. *Psyché*, tragédie-ballet, fut présentée au Palais-Royal le 24 juillet 1671. [293] GARAPON (Robert), *Le Dernier Molière, des Fourberies de Scapin au Malade imaginaire*, Paris, Société d'édition d'enseignement supérieur, 1977, p. 49. [294] *Ibid*. [295] Scène VI, P. 19. [296] Scène XI, P. 31. [297] *Encyclopediana, ou Dictionnaire encyclopédique des Ana*, Paris, Panckoucke, 1791, p. 630. [298] Scène III, P. 10. [299] *Encyclopediana*, p. 631. [300] Scène III, P. 9 : « À mon confesseur je livrai / Mon opéra de Polyxène. » [301] GIRAULT DE SAINT-FARGEAU (Eusèbe), *Guide pittoresque du voyageur en France*, Tome Sixième, Paris, Didot frères, 1838 (« Paris et ses environs », p. 2-3). [302] Scène VI, p. 20 : Lulli : « Lafontaine viendra sans doute par le Bois de Boulogne ». [303] GIRAULT DE SAINT-FARGEAU (Eusèbe), *Guide pittoresque du voyageur en France*, Tome Sixième, Paris, Didot frères, 1838 (« Paris et ses environs », p. 2-3). [304] *Ibid*. [305] Scène III, p. 9. [306] HILLARET (Jacques), *Le Village d'Auteuil*, Paris, Les Éditions de Minuit, 1978, p. 67. [307] *Ibid*., p. 65. [308] WAROLIN (Christian), *Molière et le monde médical du XVII*e* siècle*, Paris, L'Harmattan, 2013, p. 43. Molière aurait en effet loué « chez Jacques de Grout de Beaufort et Marie Filz, sa femme. » [309] LEON (Mechele), *op. cit.*, p. 119. Nous traduisons : Molière n'était pas « traqué par des *dévots* ou forcé de se soumettre au plaisir d'un roi. » [310] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 202. [311] DUCHÊNE (Roger), *op. cit.*, p. 493. [312] BRET, *Œuvres de Molière, avec des remarques grammaticales, des avertissements et des observations sur chaque pièce*, Tome premier, Paris, aux dépens des Libraires associés, 1788, p. 65-67. [313] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, collection « Les vies privées », 1950, p. 203. Cf. Annexes. [314] Il est en effet présent durant toute la scène XI (cf. p. 30 à 41). [315] ÉMELINA (Jean) (dir.), « Molière et la fête », *Actes* du colloque international de Pézenas, 7-8 juin 2001, publiés par la ville de Pézenas, université de Nice-Sophia Antipolis, Pézenas, 2003 (« La fête gastronomique », Ronald W. Tobin, p. 332). [316] *Ibid.* [317] *Ibid.*, p. 335. [318] *Ibid.*, p. 334. Cf. TOBIN (Ronald), *Tarte à la crème : comedy and gastronomy in Moliere's theater*, Ohio State University Press, 1990. [319] Scène I, p. 4. [320] Ce dernier nom pourrait être une reprise – nettement adaptée – du nom du personnage des *Précieuses* (1659). [321] Scène IV, p. 11. [322] Scène VIII, p. 23. [323] Scène XI, p. 34. [324] FILIPPI (Florence), « Les vies de Molière (XVIII*e*-XIX*e* siècles) : du parcours exemplaire à l'hagiographie », dans POIRSON (Martial) (dir.), *Ombres de Molière : naissance d'un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII*e* siècle à nos jours*, Paris, Armand Colin, Recherches, 2012, p. 209. [325] Didascalie de la fin de la scène IV, p. 15. [326] Scène V, p. 16. [327] *Ibid*. [328] *Ibid*. [329] *Ibid*. [330] *Ibid*. [331] Scène VI, p. 20. [332] *Ibid*. [333] *Ibid*. [334] Scène XIII, p. 42. [335] Scène IX, p. 27. [336] *Ibid*. [337] Scène IV, p. 12 : « Qu'il serait à souhaiter que tout le monde connût Molière comme nous le connaissons. » (Mignard). [338] Scène II, p. 6. [339] *Ibid*. [340] Scène IV, p. 12. [341] Scène VIII, p. 23. [342] Scène V, p. 16. [343] Scène XI, p. 37. [344] *Ibid*, p. 36. [345] Si importants pour les autres personnages, fait notoirement visible dans la réplique de Chapelle à Molière : « Tu ne disais pas cela quand on arrêtait le *Tartuffe*, quand on n'allait qu'avec peine au *Misanthrope*, tandis que tout Paris courait aux pièces de Pradon. », puis avec Boileau : « Et Pradon, et Chapelain, et Brébeuf, sont de l'Académie ! c'est un enfer ! », et Lulli : « Pourquoi travaillons-nous ? pour être dénigrés par des sots. » (*Ibid*.). [346] Scène VIII, p. 23. [347] Scène XI, p. 39-40. [348] *Ibid*., p. 37. [349] GRIMAREST, *op. cit.*, p. 143. [350] GOLDONI (Carlo), *Comédies Choisies*, Édition Denis Fachard, Le Livre de poche, La Pochothèque, Paris, Librairie Générale Française, 2007, *Molière*, I, I, p. 1075. [351] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, collection « Les vies privées », 1950, p. 134. [352] MOLIÈRE, *op. cit*., Tome I, p.  LV. [353] GRIMAREST, *op. cit.*,, p. 311. On retrouve cette idée dans MOLIÈRE, *op. cit*., Tome I, p. XIII : Georges Forestier et Claude Bourqui citent en effet les *Sentiments de Rosteau sur quelques livres ou sur quelques ouvrages qu'il a lus* (Bibl. Sainte-Geneviève, ms.3339, p. 69-70) : « Cet auteur ne se contente pas de bouffonnerie. Il est sérieusement savant quand il lui plaît. La traduction qu'il a faite de Lucrèce moitié en prose et moitié en vers en est un argument certain » (la note précise que Rosteau « était le meilleur ami de Scarron et passait pour l'un des plus beaux esprits des milieux galants »). [354] LEON (Mechele), *op. cit*., p. 120. Nous traduisons : « paradis terrestre ». [355] CHERVET (Cyril), « Portrait de Molière en philosophe : entre mythe historique et vérités littéraires », dans POIRSON (Martial) (dir.), *Ombres de Molière : naissance d'un mythe littéraire à travers ses avatars du XVII*e* siècle à nos jours*, Armand Colin, Recherches, Paris, 2012, p. 271 (Cyril Chervet reprend le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1694). [356] Scène XI, p. 39. [357] P. 9. [358] Scène III, p. 10. [359] Scène V, p. 17. [360] Scène V, p. 18. [361] *Ibid*. [362] ROULLÉ (Pierre), *L'Homme glorieux ou la Dernière perfection de l'homme, achevée par la gloire éternelle*, Paris, Gilles Gourault, 1664, « Le Roi glorieux au monde, ou Louis XIV, le plus glorieux de tous les rois du monde », dans MOLIÈRE, *op.cit.*, Tome II, p. 1166. [363] En effet, « le comédien est toujours suspecté par l'Église » au XVIIIè siècle. (SALVADORI (Philippe), *op. cit.*, p. 193). [364] Scène V, p. 18. [365] *Ibid*. [366] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 147. [367] Lettre du 31 octobre 1666, citée par GARAPON (Robert), *op. cit.*, p. 32. [368] Scène III, p. 7. [369] Scène VII, p. 20. [370] Scène I, p. 4. [371] Scène XI, p. 34 (Mignard). [372] Scène II, p. 6. [373] Cf. Scène I, p. 5. [374] Scène IV, p. 12. [375] *Ibid*., p. 13. [376] Scène V, p. 17. [377] Scène IV, p. 15. [378] Scène XI, p. 40. [379] Scène XIV, p. 46. [380] DIDEROT et D'ALEMBERT (dir.), *op. cit.*, Tome Quinzième (p.52, « sensibilité » (Morale), Le Chevalier de Jaucourt). [381] Scène IV, p. 15. [382] Scène VI, p. 20. [383] Scène VIII, p. 25. [384] *Ibid*. [385] *Ibid*., p. 26. [386] *Ibid*., p. 25. [387] MOLIÈRE, *op. cit., Le Festin de pierre*, IV, IV, p. 889 : Don Louis : « la naissance n'est rien où la vertu n'est pas. » [388] Cf. Introduction générale (IV) pour davantage de précisions quant aux lieu et personnages. [389] Cette contraction populaire de « mademoiselle » est ici un anachronisme, puisqu'elle date de l'époque de Gassicourt et non de Molière ; en outre, il s'agit peut-être également d'une forme de néologisme, dans la mesure où cette orthographe n'est vulgarisée qu'au cours du XIX*e* siècle, et qu'elle n'apparaît dans un dictionnaire qu'avec le Littré (*Dictionnaire de la langue française*, Tome Second, Première partie, Paris, Hachette, 1869, p. 373). [390] Antonomase faisant référence au personnage de *L'Avare* de Molière, comédie en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois au Théâtre du Palais-Royal le 9 septembre 1668. [391] Proverbe consacré : « La poule ne doit pas chanter devant le coq », ce qui signifie : « La femme ne doit pas parler plus fort que son mari. » Dans le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1762 (4*e* édition), on retrouve cette acception du proverbe à l'entrée « poule » : « *Ce n'est pas à la poule à chanter devant le coq*, pour donner à entendre qu'une femme ne doit point se mêler de décider en présence de son mari. » Comme le souligne M. de la Mésangère, dans son *Dictionnaire des proverbes français* (3*e* édition, Paris, 1823), (à « coq », p. 177) : « ce proverbe se trouve mot à mot dans Molière ». Cf. *Les Femmes savantes*, Acte V, scène 3, lorsque Martine dit : « Mon congé cent fois me fût-il hoc, / La poule ne doit point chanter devant le coq. » Et la Mésangère précise : « Longtemps auparavant, Jean de Meung avait dit : C'est chose qui moult me desplaist / Quand poule chante et coq se taist. » L'auteur ajoute enfin : « Devant était autrefois préposition de temps. Le sens du proverbe est qu'une femme ne doit prendre la parole que lorsque son mari a parlé. » [392] La thèse de Sabine Chaouche, « Remarques sur le rôle de la ponctuation dans la déclamation théâtrale du XVII*e* siècle », (*La Licorne*, n°52, 2000, p. 83-92), est ici éclairante : cette ponctuation « détermine le débit et l'intonation de la voix du comédien. » ; « L'utilisation du point d'interrogation dans les extraits de *Sganarelle* de Molière et de *Mithridate* de Racine, indique au comédien qu'il doit terminer le vers en élevant fortement la voix. » Et Georges Forestier, dans « Du spectacle au texte : les pratiques d'impression du texte de théâtre au XVII*e* siècle » (*Du Spectateur au lecteur. Imprimer la scène aux XVI*e* et XVII*e* siècles*, éd. Larry F. Norman, Philippe Desan et Richard Streier, Fasano, Schena Editore-Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, « Biblioteca della Ricerca. Cultura Straniera », n°118, 2002, p. 107), d'aller dans le même sens : « la ponctuation avait pour fonction jusqu'au XVIII*e* siècle de marquer les pauses dans le discours et non de distinguer des ensembles grammaticaux : ponctuation rythmique et non point syntaxique. » [393] « Façon de parler adverbiale, qui signifie hors de *doute*, certainement. » (*Dictionnaire universel* de Furetière, 1690). [394] « Une espèce d'adverbe qui sert à affirmer. *Dame, si vous ne vous arrêtez. Dame, vous m'en direz tant que je ne saurais plus que répondre*. Il est bas. » (*Dictionnaire de l'Académie française*, 1694). L'édition de 1762 reprend la même définition, à l'exception près de la fin : « il est populaire » et non « bas ». [395] Cf. Introduction (IV). [396] Comprendre « Eh bien ! » ou « À ce point ? ». Cf. *Dictionnaire de l'Académie française*, 1694 : « On s'en sert encore par exclamation et par admiration, et alors c'est une espèce d'interjection. *Peste, que cela est beau ! Peste, qu'il fait froid ! la peste, vous ne m'y tenez pas*. » On retrouve le même sens dans l'édition de 1762 : « On s'en sert encore par exclamation et par admiration ; et alors c'est une espèce d'interjection du style familier et bas. » [397] Référence à *L'Art poétique* de Boileau, paru en 1674. [398] Références à deux pièces de Molière : *Le Misanthrope, ou l'atrabilaire amoureux*, pièce en cinq actes et en vers, représentée pour la première fois le 4 juin 1666 au Théâtre du Palais-Royal, et *L'Avare* (déjà cité supra p. 4). [399] Référence à une parodie épique de Boileau, *Le Lutrin* : les deux premiers chants sont publiés entre 1672 et 1674, et les deux derniers en 1683. Boileau a cherché à élaborer une œuvre sérieuse à partir d'un sujet pourtant mince, comme le soulignent Paul Emard et Suzanne Fournier dans leur Introduction (p.11) à *La Sainte-Chapelle du Lutrin : Pourquoi et comment Boileau a composé son poème* : « On comprend … combien l'existence petitement mais fortement tourmentée des habitants de la Sainte-Chapelle sous la Trésorerie de Claude Auvry, peut être pleine d'intérêt. » [400] *Tartuffe, ou l'Imposteur*, comédie de Molière, en cinq actes et en vers : elle a été représentée pour la première fois le 12 mai 1664 à Versailles en trois actes et en vers, puis sous sa forme définitive, en cinq actes, le 5 février 1669, suite à la fameuse « Affaire du Tartuffe ». [401] Ici, « fameux » pourrait tout à la fois renvoyer à « célèbre, de renom », et à « talentueux ». Mais si l'on se réfère au *Dictionnaire universel* de Furetière, on retrouve uniquement la première acception : « Qui est en vogue, en réputation bonne ou mauvaise. C'est un *fameux* Auteur …. », tout comme dans les éditions une (1694) à six (1835) du *Dictionnaire de l'Académie française*. [402] Furetière évoque certes le verbe « Disputer » (au sens de « défendre une opinion »), mais il précise ensuite : « avec le pronom personnel, signifie Se quereller, se contester. Ces gens-là *se disputent* sur tout, sur un rien. ». Il semble que Laforest emploie bel et bien la première forme, et nous pouvons comprendre « Nous disputions/défendions notre opinion l'un contre l'autre », « nous confrontions nos points de vue » (cf. Édition de 1727, revue et augmentée par Henri Basnage de Beauval et Jean-Baptiste Brutel de La Rivière). [403] Formule qui renvoie à l'interrogation renforcée, et qui dénote « l'oral spontané de la conversation familière, tel qu'on l'entend dans la comédie de Molière », selon Nathalie Fournier dans *Grammaire du Français classique* (p.184). Quant à la formule « qu'est-ce qui » au lieu de « qui est-ce qui », Nathalie Fournier, lors d'une communication électronique, nous a généreusement donné son avis à ce sujet, que nous restituons ici : il ne s'agit pas du tout d'une tournure de l'époque. Alexis François n'en fait en effet pas mention dans son *Histoire de la Langue française des origines à 1900* (Tome VI). Certes, « qui » accepte une tension vers le non animé, mais le pronom « que » ne s'emploie que pour l'animé, et encore plus « qu'est-ce qu- ». Il ne s'agirait donc pas d'un fait de langue, mais plutôt d'un emploi irrégulier, favorisé par la structure de la phrase, avec la postposition des deux groupes nominaux clairement à l'animé (de Molière ou de M.Despréaux). Ou, éventuellement, d'une sorte de neutralisation par la forme « qu'est-ce qui » de l'opposition animé/non animé, mais probablement liée à l'oral. (Toute cette fin d'annotation depuis les deux points correspond à l'explication de Nathalie Fournier). [404] Il s'agit de l'autre nom de famille de Boileau, utilisé tant que vivait son frère académicien Gilles Boileau. [405] « Mont de la Phocide consacré à Apollon et aux Muses, qui est la source des fontaines Castalides, Hippocrène et Aganippe, tant célébrées par les poètes. » Puis : « se prend figurément pour les poètes et la poésie. Corneille est le roi du *Parnasse*, le meilleur poète. » Enfin : « On appelle aussi le *Parnasse*, des recueils de vers. » Dès la quatrième édition du *Dictionnaire de l'Académie française* (1762), ce double sens apparaît également : « on l'emploie figurément pour exprimer plusieurs choses qui ont rapport à la poésie. Ainsi on dit, *Les Nourrissons du Parnasse*, pour dire, les poètes. *Monter sur le Parnasse*, pour dire, S'adonner à la poésie. Le Parnasse français, pour dire, la poésie française, ou les poètes français. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). [406] Comprendre « peut-être qu'ils… ». [407] Cf. Le troisième intermède du *Malade Imaginaire* (Édition de 1682) : « Bene, bene, bene, bene respondere. / Dignus, dignus est intrare / In nostro docto corpore. », transcrit par l'édition de 2010 de La Pléiade (Georges Forestier et Claude Bourqui) : « Bien, bien, bien, bien répondu ; / Il est digne, digne d'entrer / Dans notre docte corps. » Il convient en outre de noter que le compositeur de la musique du *Malade Imaginaire* n'est pas Lully, mais Charpentier. Quant au terme « corporo » au lieu de « corpore » : il s'agit probablement là d'une coquille. [408] Furetière n'évoque que l'acception religieuse du mot : « Grâce que Dieu nous fait pour nous appeler à lui, et nous mettre dans le chemin du salut. … On le dit aussi de toutes sortes d'états où on peut faire son salut. Puisque Dieu vous appelle à cette *vocation*, il faut y vivre en bon chrétien. » Les éditions successives du *Dictionnaire de l'Académie française* font de même, jusqu'à celle de 1798 (cinquième édition), qui précise explicitement : « On appelle aussi *Vocation*, l'inclination qu'on se sent pour un état. *Il se sent de la vocation pour le mariage, pour le commerce*, …. Il se dit figurément pour, Disposition, talent marqué. *Il a une vocation pour ces occupations-là, pour ces sortes d'affaires.* » Apparemment, donc, la réplique de Lulli serait empreinte d'un vocabulaire religieux (avec « ma foi » et « vocation »), mais la référence à la « vanité » et la tonalité ironique de la tournure « soit dit sans vanité », nous invite à ne pas nous méprendre sur cette prétendue religiosité Cf. Introduction (V). [409] Cf. Certains érudits qui latinisaient leurs noms en leur donnant une finale en –us. On se reportera par exemple à Molière lui-même (pour ne pas citer Diafoirus) : « Oui, je suis un savant charmé de vos vertus, / Non pas de ces savants dont le nom n'est qu'en *us*, / Il n'est rien si commun qu'un nom à la latine : / Ceux qu'on habille en grec ont bien meilleure mine ; / Et pour en avoir un qui se termine en *ès*, / Je me fais appeler monsieur Caritidès. », (*Les Fâcheux*, Acte III, scène 2). [410] L'ouvrage *Cent verbes conjugués en Français médiéval*, de Nathalie Bragantini-Maillard et Corinne Denoyelle, précise, quant à la conjugaison de l'impératif, et ce notamment dans une annotation (n°52) : « L'absence de –s à la P2 des verbes du premier groupe s'impose au XVI*e* siècle, tandis qu'il faudra attendre le XVII*e* siècle pour que le –s soit étendu à tous les autres verbes. » La note 54 ajoute : « Sous l'influence des verbes du premier groupe dont la P2 de l'impératif se termine par –e, le français moderne ne maintiendra pas le –s des impératifs aie, sache et veuille. En revanche, être s'aligne sur les verbes des autres groupes, tous dotés d'un –s, et c'est la forme sois qui l'emporte. » Néanmoins, comme nous le constatons ici ainsi qu'aux pages 18 et 19, l'utilisation du « s » n'a pas totalement disparu. [411] Le *Dictionnaire universel* de Furetière indique : « Terme général de marchandise, d'épiceries de toute sorte de nature, et surtout des pays éloignés, lesquelles servent à la médecine, aux teintures et aux artisans …. Les apothicaires doivent avoir dans leur boutique toute sorte de *drogues*. Ménage après Somaize dérive ce mot de *droga*, qui a été fait du persan *droa*, signifiant *odeur*, parce que les *drogues* aromatiques ont beaucoup d'odeur. » Furetière fait certes référence à une deuxième acception, qui ne semble pas correspondre à l'usage qui en est fait ici : « Se dit aussi des choses de peu de valeur qu'on veut mettre en commerce. … On dit proverbialement, qu'un homme sait bien faire valoir sa drogue, pour dire, qu'il est charlatan, qu'il sait vendre cher de mauvaise marchandise. » On retrouve ces mêmes sens dans le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1762. [412] *Achille et Polyxène*, tragédie en musique, en un prologue et en cinq actes. Le prologue et les actes II à V sont de Colasse, l'ouverture et l'acte I de Lully ; le livret est de Jean Galbert de Campistron. La première représentation eut lieu à Paris, à l'Académie royale de musique, le 7 novembre 1687. Cette pièce fut la première tragédie en musique à mettre en scène un épisode de la guerre de Troie, et également la première à porter à la scène le mythe d'Achille et Polyxène, dans l'histoire de l'opéra. [413] Cf. Introduction (IV). [414] L'utilisation de la « variante familière » du pronom démonstratif « cela », selon les mots de Nathalie Fournier dans sa *Grammaire du français classique* (p.201), correspond à l'utilisation qu'en faisait Molière, en la mettant « dans la bouche des paysans et gens du peuple », comme Laforest, ici, en est représentative. On peut notamment citer avec Nathalie Fournier la réplique de Charlotte dans Dom Juan (1665, II, 3) : « Jerni ! Tu m'es promise. / - Ça n'y fait rien, Piarrot. » [415] À comprendre par le sens évoqué dans *Le Trésor de la langue française* (1606) de Jean Nicot : « Qui ne se trouve ou ne se voit point souvent. », et qui restera le sens premier dans les éditions de 1694, et aussi de 1762, du *Dictionnaire de l'Académie française* : « Qui n'est pas commun, qui n'est pas ordinaire, qui se trouve difficilement. » [416] « Paroles civiles, obligeantes, respectueuses, que l'on dit à quelqu'un selon les diverses rencontres. » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762) [417] Il s'agit en effet de l'*Épître* XI de Boileau, « À mon jardinier ». Cf. Introduction (IV). [418] Cette association de la ville d'Auteuil avec le chèvrefeuille se retrouve bien plus tard chez Verlaine, dans *Les Mémoires d'un veuf* (« Auteuil »), lorsque le poète évoque avec nostalgie ce lieu jadis si poétique : « Non point l'Auteuil classique, l'Auteuil rimant avec chèvrefeuille ». L'on peut également se reporter au *Guide des voyageurs à Paris*, de Thierry : « Allées de tilleuls ayant à leurs pieds des touffes de chèvrefeuille, pins, charmilles de lilas, essences rares et odoriférantes, bosquet de forme triangulaire, garni d'orangers, grenadiers, lauriers-roses, aloés… », et l'abbé Delille d'aller dans ce sens, en évoquant le « jardin enchanté » d'Auteuil, qui « constituait pour lui une source féconde d'inspiration », comme le souligne Guy de La Prade dans son ouvrage, *L'Illustre société d'Auteuil, 1772-1830, ou La Fascination de la liberté* (p.148). Cf. Aussi notre Introduction (IV). [419] Comme nous l'avons évoqué supra (cf. une des notes de la page 4), jusqu'au XVIII*e* siècle, la ponctuation, notamment théâtrale, correspond à une rythmique bien plus qu'à un procédé syntaxique. On ne s'étonne donc pas de l'utilisation du point d'interrogation par Madelon ici. [420] Furetière évoque en premier lieu l'utilisation du verbe « qui se joint souvent avec le pronom personnel. Discontinuer une marche, un travail, une action fatigante. … Tandis qu'une compagnie est en garde, l'autre se *repose*. », qui pourrait tout à fait correspondre à l'usage qui en est fait ici. Néanmoins, le pronom personnel « se » n'est pas utilisé, et il ne s'agit sans doute pas d'une coquille, dans la mesure où « reposer », comme le précise encore Furetière, « signifie aussi, dormir. … Ce malade a des infirmités qui l'empêchent de *reposer*. On dit d'un homme vautré sur un lit qu'il *repose* son humanité. » C'est donc le sens de « dormir » qui s'avère être le plus proche et de la grammaire de la phrase, et de la situation théâtrale, même si, pour le lecteur moderne, le verbe « reposer » ainsi utilisé, correspondrait à la troisième acception de Furetière : « se dit aussi des corps morts qui sont dans le tombeau. », ou encore, pour ne pas prêter un sens trop fatal à ce verbe, « se dit aussi des choses spirituelles. Il faut laisser *reposer* les esprits, quand ils sont agités de quelque passion violente. » Le respect envers Molière est en tout cas souligné par cette construction verbale. *Le Dictionnaire de l'Académie française* de 1694 le dit explicitement, « Reposer ; Prendre du repos. *Il ne dort pas, il repose.* », ainsi que celui de 1762 : « Il se dit quelquefois d'un état de repos, de tranquillité. »  [421] On retrouve cette même réciprocité chez Voltaire, dans son *Dictionnaire philosophique* (1764), édition de 1819 : « Le laboureur qui a bien travaillé sans chagrin, et bien mangé sans excès, dort d'un sommeil plein et tranquille, que les rêves ne troublent point. » (p.278). [422] La première acception du verbe « solliciter » évoquée par Furetière est : « Travailler avec empressement à faire réussir une affaire. » On peut donc comprendre « Un autre prend soin de critiquer Molière, / Pour, d'un autre côté, soutenir de plats auteurs ». [423] D'après Nathalie Fournier, dans l'explication qu'elle nous a gentiment apportée lors d'une communication électronique : il s'agirait d'un fait de variation entre « racontez-la nous » et « racontez-nous-la », variation qui touche l'ordre respectif des pronoms de première et de troisième personne, l'impératif gardant ici l'ordre qui est celui des pronoms quand ils sont antéposés (il nous la raconte). Nathalie Fournier ajoute que l'ordre des pronoms clitiques est encore variable au début du XVII*e* siècle, puisque Maupas accepte « je vous prie la me montrer » et « je vous prie me la montrer ». [424] Cf. Introduction (IV). [425] Ce nombre était inscrit tel quel en chiffres dans l'édition originale, comme retranscrit ici. [426] Il s'agit d'une somme très élevée. Louis XIII créa le louis d'or en 1641 ; pour donner un ordre d'idées, à cette époque un louis vaut vingt livres, une livre vaut vingt sous, et le salaire horaire moyen d'un manœuvre de province, sous Louis XIV, est de « un sou six deniers » (FOURASTIÉ (Jean), « Quelques réflexions sur l'évolution du niveau de vie des classes ouvrières », dans *Revue économique*, vol.1, n°4, 1950, p. 467). [427] Cf. Introduction (IV). [428] « Lieu de retraite pour travailler, ou converser en particulier, ou pour y serrer des papiers, des livres, ou quelque autre chose, selon la profession ou l'humeur de la personne qui y habite. » (*Dictionnaire de l'Académie française*, première édition, 1694). [429] Notion typique du XVIII*e* siècle, connotée positivement. On trouve à l'entrée « sensibilité (Morale) » de *l'Encyclopédie*, dirigée par Diderot et d'Alembert (1751-1765) un article du chevalier de Jaucourt : « Disposition tendre et délicate de l'âme, qui la rend facile à être émue, à être touchée. … Les âmes sensibles peuvent par vivacité tomber dans des fautes que les hommes à procédés ne commettraient pas ; mais elles l'emportent de beaucoup par la quantité des biens qu'elles produisent. Les âmes *sensibles* ont plus d'existence que les autres : les biens et les maux se multiplient à leur égard. La réflexion peut faire l'homme de probité ; mais la *sensibilité* fait l'homme vertueux. La *sensibilité* est la mère de l'humanité, de la générosité ; elle sert le mérite, secourt l'esprit, et entraîne la persuasion à sa suite. » Pour davantage de détails, voir la dernière partie de notre Introduction. [430] En ce qui concerne l'excommunication, le *Dictionnaire de l'Académie française* (éditions de 1694 et de 1762) évoque plusieurs nuances : « Censure ecclésiastique par laquelle on est excommunié. Excommunication majeure : Qui retranche entièrement de la Communion de l'Église, et de toute communion avec les Fidèles. Excommunication mineure : Qui interdit seulement l'usage des Sacrements. » La plupart des comédiens étaient enterrés en terre sainte, si et seulement s'ils abjuraient leur métier sur leur lit de mort. En outre, les actes de baptêmes ne mentionnaient pas le métier de comédien : par exemple, lorsque Molière fut parrain, il fut décrit comme « valet de chambre-tapissier du roi » (charge qu'il a par ailleurs réellement occupée, et ce notamment durant toute sa vie parisienne, jusqu'à sa mort). Les comédiens étaient en tout cas jugés « infâmes » par les textes du droit canon pendant la quasi totalité du XVII*e* siècle, et cette qualification perdura très longtemps. La progressive professionnalisation de cette activité envenima toujours davantage les polémiques, car elle devint une entreprise commerciale lucrative, accroissant ainsi son aspect profane et immoral. On peut d'ailleurs parler de double historicité, dans la mesure où « leur statut n'a guère évolué », et où « le comédien est toujours suspecté par l'Église » au siècle de Cadet de Gassicourt. (SALVADORI (Philippe), *La vie culturelle en France aux XVI*e*, XVII*e*, XVIII*e* siècles*, Paris, ‪Éditions OPHRYS‬, 1999, p. 193). ‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬ [431] Cf. Note de la page 8 sur l'impératif des verbes du premier groupe, deuxième personne du singulier. [432] Personnage (apothicaire) *du Malade imaginaire.* [433] Comprendre : « …pour ne pas tenir compte avec autant de désinvolture de ses ordonnances ». [434] Cf. Introduction (IV). [435] En fait, maître tapissier : profession élevée dans la hiérarchie des artisans. Cette erreur est transmise par certaines « Vies de Molière » : on a en effet pensé que, dans *Le Bourgeois gentilhomme*, Molière avait voulu ridiculiser son propre père par la présence comique du Maître tailleur et du Garçon tailleur. [436] Comprendre : « combien j'ai d'affaires en retard, à régler. » [437] François Le Noir, sieur de La Thorillière (1626-1680), ancien officier du régiment de Lorraine, devenu comédien. Il est notamment rédacteur du fameux registre de la Troupe de Molière à Paris, dont il fait partie dès juin 1662. Cadet de Gassicourt est donc mal renseigné : La Thorillière ne peut en effet pas informer Molière d'un succès auquel ce dernier serait étranger, dans la mesure où c'est un acteur qui ne quittera sa troupe qu'après sa mort. [438] Nathalie Fournier, lors d'une communication électronique, nous a personnellement indiqué sur ce point : « les débats sont ouverts au XVIII*e* siècle sur le problème du pluriel des noms propres. », et nous a conseillé de lire les pages 1428 et 1429 de l'*Histoire de la Langue française des origines à 1900*, par Alexis François, tome VI : « Les éditeurs de Voltaire à Khel … le constatent, à propos de la phrase : *les Desfontaines, les Fréron, les Paulian*.… La note suggère de rendre les noms propres dans tous les cas “indéclinables“, sauf licence poétique. » On trouve en tout cas bel et bien dans la *Vie de Molière* de Voltaire la formule « arbre généalogique de la famille des Poquelins. » (p.23), tout comme chez M.Bret, *Œuvres de Molière* (p.52). [439] Il pourrait s'agir d'un clin d'œil au Bartolo de la pièce *Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile* de Beaumarchais (comédie en quatre actes, représentée pour la première fois le 23 février 1775 à la Comédie-Française), « médecin, tuteur de Rosine », qui séquestre cette dernière et a pour dessein de l'épouser – l'auteur s'est d'ailleurs inspiré de *L'École des femmes* de Molière. [440] Le sens de l'adjectif « malin » : « Qui se plaît à faire ou à dire des choses malicieuses, seulement pour s'amuser, ou se divertir. Il a l'esprit aussi malin qu'il a le cœur bon. *C'est un enfant bien malin, bien espiègle* » apparaît seulement dans la sixième édition du *Dictionnaire de l'Académie française* (1835). Toutes les éditions précédentes mentionnent uniquement la connotation négative : « Malfaisant, qui prend plaisir à faire du mal, à dire du mal. … *On appelle maligne joie la joie secrète que l'on a du mal d'autrui*. » [441] Comédie-Ballet de Molière, en cinq actes et en prose, faite à Chambord, pour le divertissement du Roi au mois d'octobre 1670, et représentée, en public, à Paris, pour la première fois, sur le théâtre du Palais-Royal, le 23 novembre 1670 par la Troupe du Roi. [442] Comprendre : « Et comment le pourrais-je ? ». *Dictionnaires de l'Académie française* (1694 et 1762) : « On dit dans ce sens, et par manière d'interrogation, *Eh le moyen ! Eh quel moyen* ! pour dire que la chose dont on parle ne se peut faire. *Vous voulez que je fasse telle chose, eh le moyen, quel moyen* ! »  [443] L'expression se construit à l'époque de manière directe : « gare » : « Il se dit par manière d'interjection. *Gare* l'eau ! Il se dit aussi par menaces : *Gare le* fouet, *le* bâton, etc. » (*Dictionnaire critique de la langue française*, Féraud, 1787-1788 ; même sens pour le *Dictionnaire de l'Académie française* de 1694 : « Espèce d'interjection pour avertir que l'on se mette à l'écart, pour laisser passer, ou pour éviter quelque danger. *gare l'eau. gare le fouet. gare le bâton*. »). Cette réaction de Mignard est peut-être un clin d'œil de Gassicourt au surnom donné à Boileau : le « législateur du Parnasse ». [444] L'expression « journée de Titus » qualifie une journée au cours de laquelle on n'a malheureusement pas fait le bien autour de soi. Surnommé « les délices du genre humain », Titus (Titus Flavius Sabinus Vespasianus), empereur romain (fils de l'empereur Vespasien) du 1*er* siècle après J.-C., laissa la légende d'un règne court de vingt-sept mois, mais réparateur et marqué par la prodigalité et la popularité. L'expression vient en effet de la formule que Titus prononça « un jour à souper », lorsqu'il « se souvint d'avoir passé la journée sans avoir fait de bien à personne » : « Ô, mes amis, s'écria-t-il alors, voilà un jour que j'ai perdu » ; « parole mémorable, et qui conservera à jamais sa juste célébrité. » (SUÉTONE, *Vie des douze Césars* (1556), Tome quatrième, « Vie de Titus », Paris, Saillant et Nyon, 1771, p. 278). [445] À ne pas confondre avec taverne. Cf. Glossaire. [446] « Tout de bon » signifie « sérieusement » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694 et 1762). Exemple de l'édition de 1762 : « *Vous parlez tout de bon* ? ». [447] M.Bret dit à ce propos : « Chapelle avait rendu Boileau presque aussi buveur que lui ; on sait qu'il l'enivra une fois en écoutant ses conseils sur la sobriété, mais peu de gens connaissent le quatrain qu'il fit un jour sur le plaisir qu'il avait à déranger quelquefois la raison du satirique : le voici. “O Dieux ! que j'épargne de bile / Et d'injures au genre humain, / Lorsque versant ta lampe d'huile, / Je te mets le verre à la main ! ” » (*Œuvres de Molière*, volume 1, 1778, « Supplément à la vie de Molière », note p. 65-66). [448] Nous trouvons des informations intéressantes à ce sujet dans les *Œuvres de Nicolas Boileau* (Gallimard, NRF, Bibliothèque de la Pléiade, 1966) : un passage fait en effet référence à Guénaud (p.26, *Satire* IV, v.31-32) : « Il compterait plutôt combien dans un printemps / Guénaud et l'antimoine ont fait mourir de gens. » La note sur le vers 32 précise : « Guénaud considérait l'antimoine comme un médicament et un remède, et non comme un poison. » (p.896). Dans l'*Amour médecin*, Guénaud est représenté par le personnage de Macroton. [449] « Cotin ou Cottin (Charles) : « Si maltraité dans les *satires* de Boileau, et dans la scène de Trissotin et de Vadius, qui est la cinquième du troisième acte des *femmes savantes* de Molière, était parisien, poète et prédicateur. Il était conseiller et aumônier du roi, fut reçu à l'Académie française, et mourut en janvier 1682. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome quatrième, p. 187). Quant à Chapelain : « (Jean) Conseiller du roi en ses conseils, l'un des premiers membres de l'Académie française. Il fit une étude particulière de la poétique, et l'on vit qu'il entendait cette matière, lorsqu'il donna sa *lettre* ou son *discours*, où il donne son opinion *sur le poème d'Adonis du chevalier Marino*, à la tête de ce poème, à Paris, *in-folio* en 1623. Le succès de cette pièce lui fit croire qu'il était appelé à faire un poème épique. Mais il eut lieu de prouver que l'on peut savoir parfaitement les règles de l'art poétique, sans être poète. Il prit pour sujet de son poème *Jeanne d'Arc*, ou *la Pucelle d'Orléans*, ou autrement *la France délivrée*. Il avait 34 ans quand il mit la main à l'œuvre, et il fut de plus de vingt ans à l'achever. Le plan fait d'abord en prose sous ce titre : *La Pucelle, ou la France délivrée*, poème héroïque, à Paris, *in-folio*, en 1656. Il n'y eut que les douze premiers chants qui parurent, c'est-à-dire, que l'on eut que la moitié de l'ouvrage, pour lequel la prévention fut d'abord victorieuse. Mais on ne tarda pas à ne plus s'imaginer y voir des beautés qui n'y étaient pas, et on y aperçut les défauts sans nombre qui y étaient. … Au reste, Chapelain fut le mieux renté de tous les beaux esprits de son temps. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome troisième, p. 471-472). [450] Dans sa *Nouvelle allégorique ou Histoire des derniers troubles arrivés au Royaume d'Éloquence* (1658), Furetière évoque ainsi Chapelain : « Il se trouva aussi un *Aventurier* inconnu qui ne leva jamais la visière de son armée ; qui de gaieté de cœur vint faire un défi au grand *Chapelain*, prétendant qu'il avait maltraité une *Pucelle* de grand mérite. » L' « Aventurier » évoqué est un livre fait par un inconnu sous le nom de « du Rivage » contre la Pucelle, comme l'indique l'annotation de Furetière. [451] Nathalie Fournier nous a à ce propos indiqué, lors d'une communication électronique : « L'accord du participe passé à l'objet antéposé est de règle, mais son emploi reste parfois indécis ; mais surtout dans la configuration (déjà défendue par Vaugelas et Bouhours) où il est suivi par un sujet postposé (“la peine que m'a donné/donnée cette affaire”), ce qui n'est pas la configuration du texte. » Nathalie Fournier ajoute qu'il s'agirait davantage d'une « négligence (ou une coquille, on ne peut pas le savoir), puisqu'on a des exemples de même ordre où le participe est accordé : “je l'ai vue”, “voilà la réponse que j'ai faite” (dans ces deux cas il y a une question de phonétique) et surtout “le village entier nous a suivis” (sc.12) et “je les ai vus” (sc.13) ». [452] « Attention mesurée et réfléchie sur la façon de se conduire dans le commerce du monde par rapport aux autres, et pour y contribuer à leur satisfaction plutôt qu'à la sienne. Sous cette idée générale ce mot est synonyme des mots circonspection, considération, égards. *Ratio, observantia*, avec cette différence pourtant, que les *ménagements* regardent proprement l'humeur et les inclinations, pour éviter de choquer et de faire de la peine, et pour tirer avantage de la société, soit par le profit, soit par le plaisir. La sagesse les met en œuvre. On a des *ménagements* avec les personnes qui sont d'un commerce difficile ou d'un système opposé. » (*Dictionnaire* de Trévoux, sixième édition, 1771). [453] « On appelle figurément, *La République des Lettres*, les gens de lettres en général, considérés comme s'ils faisaient un corps. *Y a-t-il quelque chose de nouveau dans la République des Lettres* ? » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 4*e* et 5*e* éditions ; 1762, 1798). Le *Dictionnaire universel* de Furetière indique quant à lui : « On dit aussi la République des Lettres en parlant collectivement de tous les gens d'étude. » [454] Cf. « Le Corbeau et le Renard » (Livre I, fable 2), « Le Renard et la Cigogne » (Livre I, fable 18), « Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe » 
 (Livre II - Fable 3), « Le Coq et le Renard » (Livre II, fable 15), « Le Renard et le Bouc » (Livre III, fable 5), « Le Renard et les Raisins » (Livre III, fable 11), « Le Renard et le Buste » (Livre IV, fable 14), « Le Renard ayant la queue coupée » (Livre V, fable 5), « Le Renard, le Singe et les Animaux » (Livre VI, fable 6), « Le Lion malade et le Renard » (Livre VI, fable 14) ; « La Cigale et la Fourmi » (Livre I, fable 1), « La Colombe et la Fourmi » (Livre II, fable 12), « La Mouche et la Fourmi » (Livre IV, fable 3). Il s'agit là des *Fables* concernant « un renard », « une fourmi », composant les six premiers livres actuels (qui correspondent au premier recueil de l'époque), publiés en 1668 : nous n'avons pas cité les fables contenues dans les livres suivants, afin de respecter le contexte de ce souper (cf. Introduction, IV). [455] Fable « Parole de Socrate » de La Fontaine (Livre IV, 17). [456] « Instruction morale qu'on tire de quelque fable inventée exprès. L'*apologue* de l'âne et du roussin de Rabelais. Ce mot vient du Grec *apologein*, qui signifie *raconter, rapporter*. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). [457] Les deux fabulistes considérés comme les inventeurs du genre : Ésope fabuliste grec des VII*e* et VI*e* siècles av. J.-C., et Phèdre fabuliste latin de la fin du 1*er* siècle av. J.-C. et du début du 1*er* après J.-C. [458] « Ouf » correspond (et ce tout à la fois chez Furetière et dans les différentes éditions du *Dictionnaire de l'Académie français*) à une « interjection marquant une douleur subite, ou l'étouffement, l'oppression. » Le sens de « satisfaction d'être délivré d'un fardeau, d'un travail, d'un ennui, d'une charge quelconque », apparaît seulement dans la huitième édition de 1932-1935 du *Dictionnaire de l'Académie française*. [459] Il s'agit là d'une antiphrase. Cf. *Dictionnaire universel* de Furetière : « prudence, modestie qui sert à conduire nos actions et nos paroles. », « signifie aussi jugement, discernement. » [460] Dans sa Lettre à Madame du vendredi 10 juin 1667, le gazetier Robinet rend compte du retour sur scène de Molière après deux mois et demi d'absence pour la pièce *Le Sicilien ou l'Amour peintre* (représentée pour la première fois en février 1667), et montre qu'il est en convalescence, et non mort, comme le laissaient croire certains bruits : « … tout rajeuni du lait / De quelque autre infante d'Inache / Qui se couvre de peau de vache, / S'y rencontre enfin à nos yeux / Plus que jamais facétieux. » (v.304). Ce régime lacté est également évoqué par Grimarest dans *La Vie de M. de Molière* (1705, p. 144) : « Une toux qu'il avait négligée, lui avait causé une fluxion sur la poitrine, avec un crachement de sang, dont il était resté incommodé ; de sorte qu'il fut obligé de se mettre au lait pour se raccommoder, et pour être en état de continuer son travail. Il observa ce régime presque le reste de ses jours. » Cf. Aussi notre Introduction (IV). [461] « Correspondance, communication entre des personnes qui s'entendent l'une avec l'autre. *Ils sont en bonne intelligence, en parfaite intelligence* ». (*Dictionnaires de l'Académie française*, même acception pour les éditions de 1694, 1762 et 1798). [462] « Serre (Jean Puget de la) : Auteur qui a servi de risée à nos meilleurs critiques, était né à Toulouse vers l'an 1600. Il fut garde de la bibliothèque de Monsieur, frère du roi, et eut le titre d'historiographe. … C'était un auteur fort médiocre, mais très fécond. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome neuvième, p. 367-368). Quant à Colletet : « (François), fils de *Guillaume* Colletet, qui était de l'académie française, s'appliqua comme son père, à la poésie, mais il y réussit beaucoup moins. Colletet le père n'était pas un poète aussi méprisable que plusieurs auteurs l'on écrit. … Aussi n'est-ce point de Guillaume Colletet, mais de François, dont M.Despréaux a parlé avec mépris dans ses satyres. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome troisième, p. 825-826). [463] Graphie non encore fixée. *Dictionnaire universel* de Furetière : « Espèce de poème inventé pour corriger et reprendre les mœurs corrompues des hommes, ou critiquer les méchants ouvrages tantôt en termes piquants, tantôt avec des railleries. Entre les Anciens, Horace et Juvénal ont excellé à faire de belles *satires*. En France, Régnier et Despréaux ont fait de belles *satyres*. Il s'en est fait aussi en prose. » [464] « D'ordinaire, le chanteur public exerce son art aux endroits les plus passants, aux carrefours, sur les places, au bout des ponts. Il chante aussi bien les œuvres d'autrui que les siennes, mais qu'il soit ou non l'auteur de la chanson qu'il propose à son auditoire rural a finalement peu d'importance. Ce qui compte, c'est la fonction que cette chanson peut exercer dans une certaine société, et son mode de transmission en son sein. » (DÔLE (Gérard), *Histoire musicale des Acadiens, de la Nouvelle-France à la Louisiane : 1604-1804*, Paris, L'Harmattan, 1995, p. 36). [465] « Dans la musique, soit vocale, soit instrumentale, tout ce qui est capable de rendre un chant plus agréable. » Cette acception apparaît seulement dans l'édition de 1762 du *Dictionnaire de l'Académie française* ; elle est absente dans l'édition de 1694 ainsi que chez Furetière. [466] L'écrivain évoqué ici est Charles Dufresny (1657-1724), et la chanson "Les Vendanges". [467] *Dictionnaire* de Trévoux (1771) : « C'était autrefois le nom d'une île du Péloponnèse, vis-à-vis de Crète. On la nomme aujourd'hui *Cérigo, Sophiano*. Hésiode dit que Vénus, ayant été produite de l'écume de la mer, fut portée d'abord à cette île sur une conque marine. C'est de là qu'elle est si souvent appelée Cythérée, cythéréenne, et par les poètes grecs et latins, et par les nôtres la déesse de *Cythère*. » [468] Comprendre : « et nous sommes loin de l'être fort heureux ». [469] Sans doute allusion au « Fais-nous rire » de Molière P. 32, et au fait qu'il ont tous ri à la chanson de Lulli P. 33, comme en témoigne la didascalie « Ils rient tous. » [470] « Plus désavantageux, plus fâcheux, plus préjudiciable. » (*Dictionnaire de l'Académie française*, 1694) Conservation de ce même premier sens dans les éditions de 1762 et de 1798. [471] Cette idée de confiance dans le bonheur, de sérénité, rappelle la pensée d'Épicure, que l'abbé Batteux définit dans *La Morale d'Épicure tirée de ses propres écrits*, en faisant référence à la « volupté » et au « bien être de l'homme en cette vie » comme étant « le centre unique » de cette philosophie (1758, Avant-propos, p. 5). Cf. Introduction (V). [472] Jacques Pradon (1644-1698) : « Poète français, était de Rouen. Il a donné au public quelques pièces de théâtre assez médiocres. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome huitième, p. 538). Là encore, on constate que Cadet de Gassicourt ne prête pas une attention rigoureuse à la chronologie : Pradon commence en effet sa carrière vers le moment de la mort de Molière, *Pyrame et Thisbé*, représentée en 1674, étant sa première pièce. [473] « (George de) Poète français (1617-1661). Il entreprit la traduction de la *Pharsale* de Lucain. … Brébeuf a encore composé des entretiens poétiques, un petit traité de controverses, etc. Il ne faut pas oublier qu'il a fait aussi deux pièces de poésie burlesque ; savoir le *septième livre de l'Enéide*, et le *premier de Lucain*, l'un et l'autre *travestis*. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome second, p. 250-251). Là encore la chronologie n'est pas respectée : Brébeuf meurt en 1661, et la plupart des événements relatés dans la pièce – bien que mélangés – correspondent surtout à la deuxième moitié des années 1660. D'autre part, Cadet de Gassicourt commet ici une erreur : Pradon ne fut pas académicien. [474] D'après le *Dictionnaire universel* de Furetière : « C'est l'épithète qu'on donne aux auteurs qui prennent effrontément les ouvrages d'autrui pour se les appliquer, et s'en attribuer la gloire. » Le *Dictionnaire de l'Académie française* (1694) ajoute : « Son plus grand usage est au subst. *C'est un plagiaire.* » [475] Il s'agit là d'un anachronisme : le mot est en effet absent chez Furetière, et dans la première édition du *Dictionnaire de l'Académie française* ; il apparaît dans celle de 1762 : « Celui qui fait un Journal. » [476] « Bonté, vertu naturelle par laquelle on s'abstient de nuire à autrui. Il y a dans le monde beaucoup de gens d'esprit et de valeur, mais il y en a peu qui aient de la *probité*. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). [477] Avant tout : lieu « qui n'est guère fréquenté. *Ville déserte, campagne déserte*. » (*Dictionnaires de l'Académie française*, 1694, 1762, et *Dictionnaire de Féraud*, 1787-88). [478] Marcus Junius Brutus (vers 85-42 avant J.-C.), « l'un des plus célèbres Romains de l'antiquité. », et l'un des assassins de Jules César (en 44 av. J.-C.) ; « vaincu par Auguste et Antoine dans les champs philippiques (en 42 av. J.-C.), de sorte que craignant de tomber entre les mains de ses ennemis, il obligea son ami Straton à lui donner la mort. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome second, p. 344). Quant à Caton (vers 95-46 av.J.-C.), « dit d'Utique, parce qu'il y mourut », (par ailleurs beau-père de ce Brutus), préteur, fidèle de Pompée : « ayant su que César le poursuivait, … il se mit au lit, se fit apporter le livre de l'immortalité de l'âme de Platon, qu'il lut deux fois, et puis se donna un coup de poignard ; ce coup n'était pas mortel, on lui mit un appareil, qu'il défit lui-même. » (MORÉRI, *op. cit*., Tome troisième, p. 348-349). [479] De Pure (orthographe du XVII*e* siècle) (1620-1680) : *L'Abrégé de l'histoire du théâtre français : depuis son origine jusqu'au premier juin de l'année 1780*, par M. le Chevalier Mouhy (Paris, 1780, p. 352-353) évoque « *Ostorius*, tragédie de l'Abbé De Pure, représentée en 1659, à l'Hôtel de Bourgogne, imprimée dans la même année, in-12 : très faible et digne de la censure de Despréaux ; le même Abbé est aussi l'auteur d'une comédie qui a pour titre les *Précieuses*. » [480] Forme d'anachronisme : le mot est absent chez Furetière, et la première édition du *Dictionnaire de l'Académie française* orthographie « crouste », et n'indique pas le sens employé ici ; celle de 1762 contient l'orthographe moderne, mais n'évoque pas non plus ce sens. Le *Dictionnaire* de Trévoux (1771) est à cet égard plus significatif, car il ajoute : « en terme de peinture, un tableau douteux, une copie qu'on voudrait faire passer pour original, et généralement un tableau noir, écaillé, et dont le plus grand mérite est souvent d'être fort ancien » (sens qui apparaît dans l'édition de 1798 du *Dictionnaire de l'Académie française*). [481] « Colasse » ou « Collasse » (Pascal), compositeur français (1649-1709). *La Bibliothèque des théâtres*, de Maupoint (Paris, 1733, p. 2-3) précise à l'entrée « *Achille et Polyxène* » : « opéra, c'est le premier représenté depuis la mort de M. de Lully arrivée l'année précédente 1687. Le poème est de M. de Campistron, la musique de l'ouverture et du premier Acte était encore de M. de Lully, le reste fut achevé par M. Pascal Colasse, son élève, qui a été Maître de la musique de la chapelle et de la chambre de roi. » Cambert est également un compositeur français (1628-1677) : « musicien français, se fit d'abord admirer par la manière dont il touchait l'orgue, et devint surintendant de la musique de la reine mère Anne d'Autriche. … il fut le premier qui donna en France des opéras. Son *Ariadne*, sa pièce intitulée *Les Peines et les plaisirs de l'amour* etc. furent très goûtées du public. Cependant Lully obtint le privilège de l'opéra en 1672, et se fit une réputation supérieure à celle de Cambert. » (MORÉRI, *op. cit*., tome troisième, p. 93). [482] Cette note apparaît dans l'édition originale. Mais il convient de préciser que cette tirade se trouve dans une version de la *Vie de Molière* de Voltaire augmentée par M. Bret, dans son édition des *Œuvres de Molière* de 1773 (« supplément à la Vie de Molière », p. 73-74). La tirade est donc moins « de Voltaire » que de Bret. [483] Comprendre : « Les voilà tous endormis… à l'heure même on l'on se réveille généralement/alors même que le jour commence à poindre. » [484] *Atys, tragédie en musique, ornée d'entrées de Ballet, de Machines, et de changements de Théâtre* : titre original de la tragédie en cinq actes avec prologue, de Quinault, mise en musique par Lully, créée au château de Saint-Germain-en-Laye le 10 janvier 1676, dans la « Salle des Ballets ». Surnommé « l'opéra du Roy », il fut redonné plusieurs fois à la cour jusqu'en 1682. Le prélude du sommeil d'Atys se situe à l'acte III, scène 4 : « Dormons, dormons tous. » [485] Comprendre : « Nous venons vous prier d'y apposer votre signature. » Cf. *Dictionnaire universel* de Furetière : « on dit aussi bailler des écritures, pour dire, les fournir. » [486] L'écu est une monnaie d'argent. Un écu équivaut à trois livres. [487] « Capricieux, fanatique, qui est sujet à des quintes. On le dit tant de l'homme, que des chevaux qui sont ombrageux. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). [488] Ici : « admiration », comme le précise la deuxième entrée du *Dictionnaire de l'Académie française* (1762). Mais il y a peut-être un jeu de mot avec l'étonnement au sens premier de « surprise », dans la mesure où les convives, exceptés Molière, Madelon, Antoine et les Villageois, craignent que leur promesse de la veille n'ait été prise au sérieux… [489]  Dès la première édition du *Dictionnaire de l'Académie française*, l'acception suivante est mentionnée : « Se dit fig. des personnes et des choses par injure et par mépris. *Quel chien de musicien ! Quel chien de poète ! Voilà une chienne de musique, de comédie.* » [490] Comprendre « mais je n'estime pas qu'il faille… » [491] Scène de quiproquo (cf. note de la page 45). [492] Sans doute référence aux cérémonies funèbres chez les Grecs, dû à l'aspect rituel, de cortège solennel, l'évocation du prêtre et la présence de fleurs. [493] Le mot « cannibales » et ses dérivés sont absents chez Furetière ainsi que dans la première édition du *Dictionnaire de l'Académie française* (1694). C'est donc un mot contemporain et assez nouveau pour Cadet de Gassicourt et les spectateurs de l'époque. La quatrième édition du *Dictionnaire de l'Académie française* (1762) définit « cannibale » : « nom de certains peuples d'Amérique, qui mangent de la chair humaine. » Le *Dictionnaire* de Trévoux précise : « C'est le nom des peuples qui habitaient les Iles Antilles, mais qui n'en possèdent plus que quelques unes. On leur donne encore ce nom, parce que ces peuples étaient carnassiers, qu'ils dévoraient les ennemis morts sur le champ de bataille. Ils mangeaient aussi les prisonniers qu'ils faisaient à la guerre, après les avoir fait jeûner quelque temps. Ces peuples sont aujourd'hui plus doux et plus civilisés par la fréquentation des Français, des Anglais et des Hollandais, qui possèdent la plus grande partie des Iles Antilles. » [494] Absent chez Furetière et dans la première édition du *Dictionnaire de l'Académie française*, tout comme le verbe « duper ». La quatrième édition (1762) définit : « dupe » : « Celui ou celle qui est trompée, ou facile à tromper. », et « duper » : « Tromper, en faire accroire ». Cette réplique s'inscrit dans la continuité du quiproquo, et du comique de situation, qui place les convives dans un désarroi qui ne doit pas manquer de faire rire les spectateurs. [495] Variante de « Ain » : « interjection interrogative, qui ne peut être usitée que dans le style très familier, pour signifier, que dites-vous ? que vous plaît-il ? » (*Le Grand vocabulaire françois*, par une Société de gens de lettres, Tome second, Paris, Panckoucke, 1767). [496] Il s'agit de la moralité de la *Fable* de La Fontaine « La Mort et le Bûcheron » (Livre 1, fable 16) ; le premier vers n'est cependant pas juste : il devrait s'écrire : « Plutôt souffrir que mourir. » [497]  Jean-Benjamin de Laborde (ou de La Borde) : « né à Paris en 1734, premier valet de chambre de Louis XV, et nommé par ce prince gouverneur en survivance du château du Louvre. Il naquit musicien comme Pascal était né géomètre. », « il s'occupa de rassembler dans un corps d'ouvrage tout ce qu'il avait extrait de ses lectures de trente années sur la théorie de la musique. Sous le titre modeste d'*Essai sur la Musique ancienne et moderne*, il donna en quatre volumes in-4° le traité le plus complet en ce genre qui eût encore paru. » (*Œuvres* de M. Palissot, Tome troisième, 1788, p. 70 à 75). [498] Cf. une note de la page 36. [499] « Charbon de saule, est celui dont les peintres et les gravures se servent pour faire les esquisses de leurs dessins. On le fait dans un canon de pistolet qu'on met au feu pour faire brûler du bois de saule, et le convertir en *charbon*. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). [500] « Figure de rhétorique, qui est une métaphore continuée, quand on se sert d'un discours qui est propre à une chose pour en faire entendre une autre. » (*Dictionnaire universel* de Furetière). [501] GRIMAREST (Jean-Léonor Le Gallois de), *op. cit*., p. 152-164. [502] MONGRÉDIEN (Georges), *La Vie privée de Molière*, Paris, Hachette, Collection « Les vies privées », 1950, p. 203-204.