--- identifier: gillet_deniaise creator: Gillet de La Tessonerie ; Georges Forestier. date: 1647 title: Le Desniaisé. Comédie --- Le Desniaisé Comédie Par Gillet de la Tessonnerie Chez Toussaint Quinet, Libraire à Paris, Par privilège du roi, 1647 Édition critique établie par Émilie Duruisseau dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier (2003-2004) # Gillet de la Tessonnerie, l'auteur et son œuvre. ## Sa vie. En 1647, Gillet de la Tessonnerie fait représenter avec succès semble-t-il *Le Desniaisé*, sixième pièce de son œuvre théâtrale. La vie de cet auteur nous est assez mal connue. Né en 1619 ou 1620, H.C. Lancaster [1] nous apprend qu'il tomba amoureux d'une jeune fille qui le laissa pour prendre le voile. Il a fait partie du Cabinet de son ami Le Comte. En 1640, il a visité la Champagne et, en 1641, le Piémont où il accompagna le Capitaine de la Garde qu'il soutint lors d'une bataille. Il prit, en 1642, la charge de son père et devint « Conseiller du Roy, Controlleur général des boestes des monnayes de France ». Malgré cette charge, il n'était pas sous la protection de Richelieu. C'était un homme cultivé qui avait lu Montaigne, Sorel, Causin, Charron, Curé de La Chambre et Marandé, mais il montrait peu d'estime pour la poésie dramatique, y compris la sienne. C'est ainsi que nous pouvons lire dans certaines de ses épîtres la dévalorisation de l'œuvre qu'il présente. Signalons cette épître dédiée à « Monseigneur le Mareschal de Schomberg » de *La Quixaire*, où Gillet déclare « je ne veux faire des vers que pour me divertir, & pour employer de mauvaises heures que ma mauvaise fortune me donne bien plus souvent que je ne voudrois, mon ambition n'est point d'entendre prononcer mon nom sur le Theatre, ny de le voir afficher au coing des rues ». Puis il ajoute : «  Je n'ay jamais faict estat de me signaler de cette façon, & les Comediens peuvent asseurer que j'ay pris si peu de soing à leur faire representer que je n'ay jamais veu leur Theatre toutes les fois qu'ils l'ont fait voir au peuple … ». Gillet signale encore que « la piece toute deffectueuse qu'elle est, peut donner de l'instruction » [2]. Cependant, V. Fournel écrit que Gillet « devait être un esprit curieux » et se réfère au *Campagnard* où « on voit … qu'il avait étudié l'astrologie, la chiromancie et les sciences occultes, qu'il avait quelque connaissance et quelque goût des arts, spécialement de la peinture et de la musique » [3]. On perd sa trace après sa dernière comédie, *Le Campagnard*, éditée en 1657. ## Son œuvre. Jeune auteur, il commença à écrire vers vingt et composa la majeure partie de son œuvre entre 1640 et 1648 ainsi qu'une comédie composée en 1657, après neuf années où Gillet n'écrivit rien. Cette absence des auteurs dramatiques s'explique par les troubles de la période historique : l'éclatement de la Fronde parlementaire en 1648, provoquant la fuite de la Régente Anne d'Autriche, conflit résolu en 1649 par la Paix de Rueil mais à laquelle fait suite la Fronde nobiliaire qui éclata de 1650 à 1653. Cette théorie se vérifie si l'on considère que, de 1649 à 1652, les deux scènes parisiennes du Marais et de l'Hôtel de Bourgogne diminuèrent le nombre de leurs représentations, et que Boyer, Desfontaines, Gilbert et Mareschal cessèrent, eux aussi, d'écrire. Essentiellement auteur dramatique, Gillet s'illustra dans trois genres théâtraux : tragi-comédie, comédie et tragédie. On compte cinq tragi-comédies : *La Belle Quixaire* (qui a pour autre titre *La Quixaire*) en 1640, *La Belle Policritte* (qui a pour autre titre *La Mort du grand Promédon ou l'exil de Nérée*) et *Le Triomphe des Cinq Passions* en 1642, *L'Art de Régner ou le Sage Gouverneur* en 1645, *Le grand Sigismond, prince polonois* ou *Sigismond, duc de Varsau* en 1646. Il composa trois comédies : *La Comédie de Francion* en 1642, *Le Desniaisé* en 1648 et *Le Campagnard* en 1657, et une tragédie *La Mort de Valentinian et d'Isidore*. Il écrivit un roman en 1642, *le Triomphe de l'Amour Honneste ou les sentiments amoureux de Philandre* (qui prit pour titre en 1653 *Platon*, ou *De l'Amour honneste*). Il s'est aussi livré à l'écriture de poèmes de louange pour d'autres poètes. Ainsi, J-P Chauveau signale qu'un « feu M. Gillet » figure dans *L'Esclite des bouts-rimés* en 1649 et qu'un certain Gillet appose son nom à un poème dans les *Chevilles de Me Adam* en 1644 [4]. *Le Campagnard* fut sa pièce la plus connue, tout au moins à son époque, et *L'Art de régner* a franchi les frontières nationales et a fait l'objet d'une traduction à Amsterdam en 1667 *De Regeerkunst* « by Jacob Lescaille ». Le talent théâtral de Gillet a été salué par plusieurs dramaturges reconnus. *La Quixaire* a ainsi été applaudie par quelques grands écrivains. Citons, par exemple, cette épigramme de Tristan : Ta Quixaire a tant de merite Qu'on n'en peut assez bien parler : Hors sa cadette Policrite, Rien ne la sçauroit egaler. Mais toute la France est en peine Si quelque charme te rameine De ton Automne en ton Printemps : Et cela surprend nos pensées Qu'un homme qui n'a que vingt ans, Ait faict deux filles si sensées [5] Ces quelques vers soulignent que Gillet a connu une certaine gloire en son temps et que l'oubli où il est tombé n'est en rien représentatif de son époque. *Le Desniaisé* a soulevé une énigme littéraire, quant à sa ressemblance avec le *Docteur amoureux* de Molière : qui a emprunté le canevas de l'autre ? La thèse d'A.-J. Guibert, selon laquelle *Le Desniaisé* est postérieur au *Docteur amoureux*, a été récemment contredite par l'universitaire P. Lerat [6] d'après lequel Molière aurait emprunté l'essentiel de sa pièce à l'œuvre de Gillet de la Tessonnerie. # Une comédie de 1647. ## *Le Desniaisé* : dettes, emprunts et intertexte. Si l'originalité et la qualité d'écriture de Gillet sont mises en cause par plusieurs théoriciens du théâtre, ceux-là mêmes lui reconnaissent cependant la particularité d'avoir créé son propre fonds et de ne pas avoir emprunté les intrigues comme il était, alors, d'usage. ### L'influence de la comédie à l'italienne. Gillet s'inspire de la comédie humaniste, appelée aussi « à l'italienne », qui tire elle-même ses sources de la comédie de l'Antiquité représentée par les œuvres de Plaute et de Térence. H.C. Lancaster fait remarquer qu'« aucune source n'a été découverte, mais l'importance donnée à un pédant suggère que la pièce a rapport avec la comédie italienne » [7]. Cette influence se confirme au détour de formules telles que celle de Lisette où elle réduit Pancrace à ce « ce nez de Harlequin » [8]. ### L'empreinte des contemporains. Gillet s'est très certainement souvenu de la scène 4 de l'acte III de la *Folie du Sage* [9] de Tristan pour la scène 4 de l'acte I où Pancrace énonce cinquante-neuf noms d'hommes de lettres. Cette liste interminable de noms relève de la veine rabelaisienne : « Il y a cinquante-neuf noms en tout, jetés pêle-mêle ensemble dans une forme digne de celle de Rabelais » [10]. Le comique fait parfois référence au comique à la Scarron. La fin bouffonne du deuxième acte où Gillet nous offre une scène de comique burlesque dans laquelle Pancrace tente de séduire Lisette est un rappel de Scarron. Jodelet rappelle, lui aussi, « la verve de ses modèles des scarronnades » [11] dans les scènes où il éconduit Lisette, trop pressante. *Le Desniaisé* contient des références à des romans contemporains. Ainsi, sont cités, à la scène 6 de l'acte IV, les romans suivants : *Cassandre* de la Calprenède publié de 1642 à 1645, *Ibrahim* de Mlle de Scudéry en 1641 et *Polexandre* de Gomberville en 1629 ainsi que trois tragédies, deux de Corneille, *Rodogune*, jouée en 1644 et *Heraclius*, joué en 1646 et 1647 et une de Du Ryer, *Thémistocle*, pièce jouée à la fin de 1646 ou au début de 1647.  ## L'argument du *Desniaisé*. ### Résumé. Ariste, héros éponyme de cette pièce joue le rôle de l'ingénu amoureux pour retrouver, en toute impunité, son amante Olimpe. Oronthe l'a, en effet, ravie de sa Provence natale et ne souffre pas qu'on la voie sans son consentement. Ariste, pour son jeune esprit naïf, est donc invité à divertir cette beauté de sa mélancolie. Ces divertissements sont préparés par Oronthe et Climante, amoureux secret d'Olimpe. Ils ont pour but de ridiculiser le jeune amant. Olimpe prévient Ariste, la première fourberie échoue. Oronthe et Climante en concertent une seconde qu'ils tiennent pour réussie. Après plusieurs scènes où Ariste et Olimpe gardent leur masque et convainquent Oronthe de leurs fausses identités, un exempt vient arrêter Oronthe sur l'ordre d'Ariste. Les deux amants posent le masque et Oronthe et Climante comprennent qu'ils sont les vrais naïfs de cette pièce. Cette intrigue principale est redoublée par l'intrigue secondaire des valets. Contrairement à leurs maîtres, ils déclarent leur flamme sans masque. Ainsi, si Pancrace fait part, à plusieurs reprises, de ses sentiments amoureux à Lisette, celle-ci préfère Jodelet qui l'éconduit vertement. ### Action scénique. I, 1    La pièce s'ouvre sur son thème fondamental : le mensonge. Climante, amoureux secret d'Olimpe, prodigue ses enseignements au jeune naïf, et amant de la même Olimpe, sur la meilleure façon de mentir. I, 2    Ariste pose son masque de jeune amant naïf et dévoile sa véritable personnalité devant son valet Jodelet auquel il apprend sa volonté de soustraire Olimpe à son ravisseur Oronthe. Son esprit clairvoyant et parfaitement conscient des manœuvres de ses rivaux se distingue dans le dévoilement de la stratégie amoureuse de Climante. Le spectateur comprend alors que tous les personnages jouent des rôles et que la pièce est placée sous le signe de masques, faux semblants et identités déguisées. I, 3    Seule scène (hormis la dernière du dernier acte) où tous les personnages sont réunis pour une représentation des relations exposées à la scène précédente. Ariste déclare son amour à Olimpe, qui l'accepte. Sur les suggestions de Climante et afin de divertir Oronthe qui assiste à ces échanges d'aveux amoureux, Ariste se livre au récit d'une aventure épique, amusant toute l'assemblée. Les maîtres vont dîner. I, 4    Jodelet et Pancrace, valets respectifs d'Ariste et d'Oronthe, s'entretiennent sur l'amour. Pancrace se lance dans une pédante dissertation philosophique, à laquelle Jodelet, lassé, met un terme en le quittant. II, 1    Première scène où, Ariste et Olimpe étant seuls, les sentiments sont authentiques. Olimpe se réjouit de sa situation car elle a pu préserver son honneur en donnant des espérances à Oronthe. Elle apaise la fureur d'Ariste qui souhaite que le crime soit déjà puni. II, 2    La complicité d'Oronthe et de Climante se révèle dans leur entente à se jouer d'Ariste : Oronthe commande à Climante des stances qu'Ariste déclamera, ingénument, à Olimpe. Le voyant hésiter, Oronthe lui propose de stimuler sa muse en pensant à Olimpe. II, 3    Le vieil Oronthe s'informe prestement auprès d'Olimpe de sa conversation avec Ariste. Elle lui apprend qu'il lui a promis de donner sérénade prochainement. II, 4    Oronthe donne ses instructions à Climante pour la composition de la stance. II, 5    Après avoir concerté cette fourberie avec Climante, Oronthe en informe Olimpe qui doit jouer son rôle afin de berner Ariste le soir même. II, 6    Climante fait part de son projet de stances à Oronthe et à Olimpe. Ces derniers lui conseillent d'y travailler encore. Tous se félicitent et se réjouissent à l'avance de ce mauvais tour dont Ariste est la victime. Olimpe échappe à l'intimité qui l'attend avec Climante grâce à l'arrivée de Pancrace. II, 7    Le pédant docteur Pancrace courtise, pour le moins de façon burlesque, Lisette. Celle-ci lui échappe en prétextant ses tâches domestiques. Pancrace, seul, s'adresse alors à l'Echo. III, 1    Climante fait part à Olimpe de la douleur de ce stratagème par lequel il déclare son amour par l'intermédiaire d'Ariste. Dans une réponse à double-sens, Olimpe fait comprendre aux spectateurs que les discours de ce faux ingénu lui conviennent. Pour ne pas éveiller les soupçons, elle expose à Climante les avantages de cette situation. III, 2    La venue d'un marchand importune Olimpe qui décide finalement d'aller à sa rencontre. Pour Climante, il s'agit d'un « surveillant ». III, 3    Climante promet un beau divertissement à Olimpe. Nouvelle tentative de séduction amoureuse de Pancrace envers Lisette. III, 4    Pancrace exprime toute sa douleur dans des stances dont l'érudition éloigne de tout épanchement authentique. III, 5    Ariste s'introduit de nuit chez Olimpe qui l'informe de la feinte que veulent lui jouer Oronthe et Climante. Ariste lui fait part, quant à lui, de ses intentions pour faire échouer ce projet. Cet entretien prend ensuite une tournure plus galante. III, 6    Jodelet déguisé en « Archer » se livre à une réflexion sur la condition de sa vie. Il pense que ce déguisement doit favoriser les amours de son maître. III, 7    Un caporal vient arrêter Jodelet, à grand renfort de coups, en l'accusant d'imposture. IV, 1    Oronthe pense être arrêté pour le ravissement d'Olimpe. Il se prépare à quitter Paris et informe son valet des dispositions à prendre : mensonges et déguisements pour fuir avec Olimpe. Il rappelle la préparation de la feinte pour berner Ariste. IV, 2    Climante informe Oronthe que la fourberie préparée a échoué. Olimpe ne manque pas de se moquer de ces « trompeurs trompés ». Pour se venger, ils élaborent une autre feinte : la scène de la sérénade. IV, 3    Oronthe s'informe auprès de Lisette de l'activité d'Olimpe : elle écrit. Lisette s'épanche sur ses sentiments au sujet de Jodelet. IV, 4    Arrive Jodelet qui dit attendre des violonistes. Lisette essaie, en vain, de le retenir, tentatives entrecoupées de déclarations amoureuses. IV, 5    Pancrace se désole de l'absence de Lisette. Il se querelle avec Jodelet, le traitant d'ignorant. Jodelet révèle à Pancrace l'amour que lui porte Lisette. IV, 6    Ariste, accompagné de sa troupe de violons, donne sérénade. Climante, déguisé, fait de même. Se querellant, les deux amants rivaux décident de mettre fin à cette dispute en prenant Oronthe pour arbitre. IV, 7    Oronthe déclare la victoire d'Ariste. Cette affaire divertit au plus haut point Oronthe et Climante qui l'avaient concertée. V, 1    Ariste annonce à Olimpe l'imminence du dénouement. Les amants expriment leurs sentiments amoureux dans une déclaration authentique. V, 2    Climante, caché, surprend la conversation amoureuse des deux amants. Jodelet prévient Ariste de l'arrivée de l'exempt. V, 3    Oronthe et Climante préméditent une nouvelle fourberie pour se jouer une dernière fois d'Ariste. V, 4    Scène de feintes et de faux semblants : Climante joue à être en colère ce que révèle Oronthe à la fin de la scène. V, 5    Olimpe et Ariste expriment leur impatience de voir arriver la fin. V, 6    Après les révélations de Climante, Oronthe reproche à Olimpe son amour pour Ariste. Feignant de croire qu'il s'agit d'une nouvelle feinte, elle parvient à l'apaiser. V, 7    Oronthe apprend qu'on vient l'arrêter, il confie Olimpe à Ariste. V, 8    L'exempt arrête Oronthe. Ariste pose le masque. Les fausses identités sont révélées. ## *Le Desniaisé* : représentation, réception et postérité. ### Représentation. Comme l'indique l'achevé d'imprimer, la première édition de la pièce date du 28 mai 1648. *Le Desniaisé* a été joué l'année précédente, très certainement sur la scène du Marais. S. W. Deierkauf-Holsboer affirme qu'il « est certain que du Ryer a porté sa tragédie *Thémistocle* et Gillet de la Tessonnerie sa comédie *Le Desniaisé* à la scène du Marais » et elle ajoute que « ces deux pièces ont été mises au répertoire du théâtre de la rue Vieille-du-Temple en 1647 » [12]. Si l'année de la représentation ne fait aucun doute, le mois de la représentation est contesté. En effet, H. C. Lancaster affirme, en s'appuyant sur des éléments textuels et hors texte, que la représentation a eu lieu au début de 1647 : « Les dates du privilège et de la représentation et le fait que *Rodogune, Heraclius* et *Themistocle* sont mentionnés dans le texte indiquent qu'elle a été représentée, pour la première fois, au début de 1647 » [13]. Selon S. W. Deierkauf-Holsboer, la représentation de la pièce a eu lieu à la fin de 1647 [14]. ### Réception de la pièce en 1647. Si Gillet de La Tessonnerie est aujourd'hui un dramaturge dont le nom est oublié, il en va tout autrement en ce deuxième tiers du XVII*e* siècle. C'est en effet un auteur à la mode qui a déjà fait représenter plusieurs pièces, accueillies favorablement par le public d'alors. Pour preuve de cette notoriété, signalons qu'au Printemps 1647, plusieurs personnes aident les comédiens du Marais, désemparés par la réorganisation de leur théâtre ordonnée par le Roi, à continuer les représentations, personnes parmi lesquelles, comme l'indique S. W. Deierkauf-Holsboer, « certains auteurs en renom  de cette époque  notamment du Ryer et Gillet de La Tessonnerie », et cette historienne ne manque pas de souligner que ces deux dramaturges « ainsi que les comédiens du Marais qui ont interprété les héros des pièces … ont eu un grand succès » [15]. Citons encore les frères Parfaict, qui portent un jugement défavorable sur *Le Desniaisé* mais concluent cependant qu'ils « ne doutent point que cette Piéce, rendue au Théâtre par Jodelet et ses camarades, n'ait eu beaucoup de succès » [16]. De la même façon, S. W. Deierkauf-Holsboer met en avant le rôle des acteurs et notamment celui de Julien Bedeau dans le succès de la pièce. ### Postérité du Desniaisé. P. Lerat a démontré que la pièce de Gillet a influencé *Le Docteur amoureux* que l'on attribue à Molière, pièce comique où la mise en scène de certains personnages et de leurs actions rappelle celle du *Desniaisé*. Ce pillage par cet illustre emprunteur suggère l'intérêt de la pièce. Si cet emprunt est très probable, il n'est pas certifié que le même Molière se soit souvenu de la scène 4 de l'acte I du *Desniaisé* pour écrire sa scène 6 de l'acte II du *Dépit amoureux* (représenté en 1656) ainsi que la scène 4 du *Mariage forcé* (représenté en janvier 1664). Cette scène du *Desniaisé*, où le pédant, intarissable, se livre à un développement hors de propos à la question posée par Jodelet, est courant dans la *commedia erudita*. « La similitude est uniquement due au fait que Gillet et Molière ont inséré dans leur comédie une scène italienne traditionnelle. … Les scènes du pédant sont un des grands classiques de la comédie érudite italienne. Leur déroulement est invariablement le même : questionnement d'un personnage, réponse du pédant en logorrhée et divagations, interruption du délire verbal obtenue laborieusement par les grands moyens. … A défaut de toute similitude plus probante que le contenu général de la scène et qu'une vague articulation commune, on ne peut soutenir l'hypothèse d'une utilisation du *Desniaisé* » [17]. Même si le Métaphraste du *Docteur amoureux*, le Pancrace du *Mariage forcé* et le Docteur de *La jalousie du Barbouillé* rappellent le Pancrace de la pièce de Gillet, il ne semble pas impossible que ces scènes de Gillet et de Molière soient des traductions indépendantes l'une de l'autre d'un passage d'une comédie italienne. *Le Desniaisé* a fait l'objet de plusieurs éditions dans le deuxième tiers du XVII*e* siècle. J. Gay, en 1873, réédite la pièce et, exactement un siècle plus tard, P. Lerat confronte la pièce avec le *Docteur amoureux*. Comme toutes les autres pièces de Gillet de La Tessonnerie, *Le Desniaisé* tombe vite dans l'oubli. Seule l'énigme littéraire - antériorité ou postérité par rapport à la pièce attribuée à Molière - lui a assuré une survie toute relative. # Le Desniaisé, une pièce comique. Alors que D'Ouville fait représenter *L'esprit Follet* [18] qui marque l'engouement pour les comédies « à l'espagnole », Gillet, à la même période, écrit *Le Desniaisé* dont l'intrigue s'inspire des comédies à l'italienne. Si « la comédie d'intrigue d'imitation italienne a encore de beaux jours, … la comédie burlesque, plutôt issue de la *comedia* espagnole, manifeste pendant toute une génération une insolence et une démesure inattendues » [19]. En 1647, la représentation du *Desniaisé* fait donc preuve d'originalité. ## Une intrigue comique. Les comédies à l'italienne mettent en scène les amours contrariées d'un jeune homme inerte qui se heurte au manque d'argent ou à la volonté contraire d'un père mais il sera aidé dans son entreprise de conquête par son valet rusé. Dans *Le Desniaisé*, le jeune Ariste est confronté au barbon Oronthe et au prétentieux Climante. Néanmoins, alors que l'intrigue typique de la comédie à l'italienne met en scène un valet qui est le moteur de l'action de la pièce, Gillet présente un jeune amant rusé et intrigant et un Jodelet, fanfaron et couard, qui rappelle le valet des comédies de Scarron. Cette intrigue, qui présente deux amants voulant conquérir la jeune fille mais bafoués par le faux-naïf, implique la mise en scène du comique d'autant plus que les relations hypocrites entre les maîtres sont redoublées par le jeu burlesque des valets dont les rapports sont tout aussi faux. En effet, le pédant Pancrace qui aime Lisette échoue dans ses entreprises de déclarations amoureuses de la même façon que la suivante ne parvient pas à séduire Jodelet. L'amour est le lien affectif qui conduit Ariste à désirer Olimpe. Ce type de modèle met en valeur que le « sujet veut pour soi-même l'objet de la quête et à la place du “destinateur” il y a une force “individuelle” (affective, sexuelle) » [20]. Ce schéma témoigne du rôle moteur que joue Ariste. Les adjuvants sont les serviteurs des maîtres qui favorisent la relation entre Ariste et Olimpe pour des raisons qui servent leur propre conquête. Pancrace divulgue les secrets de son maître pour se rapprocher de Lisette. Cette dernière répète ces confidences à Jodelet dans le même but. Ces révélations informent le couple d'amants et facilitent la réussite de leur projet. Dans le rôle contraire, agissent les opposants : Oronthe et Climante, amoureux d'Olimpe, opèrent de façon à entraver le jeune homme. Ils le font passer pour un jeune naïf. La réussite du projet de chacun des personnages dépend de l'aptitude à tromper les autres. Il s'agit donc de mettre en scène un renversement de situation selon lequel les fourbes sont dupés. ### Le ridicule d'un barbon. Personnage typique des comédies latines ou de la *commedia erudita*, Oronthe, le cocu de la pièce, enlève la jeune Olimpe et se croit aimer d'elle. « Le comique naît alors des situations contradictoires que son statut, lui-même contradictoire (vieillard et amoureux sont deux termes incompatibles), l'amène à endosser » [21]. En effet, son comportement ne correspond pas à son âge et c'est ce renversement qui rend le personnage comique. Alors que Boileau indique que « Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs », il fait remarquer que « l'âge viril », « plus mûr, inspire un air plus sage ». L'attitude d'Oronthe est contraire à ces préceptes et il se comporte en « jeune homme, toujours bouillant dans ses caprices » [22]. De plus, Oronthe, pensant jouer de bons tours au jeune naïf, est lui-même trompé. Sa cécité mentale provoque, d'abord, sa méprise sur les sentiments et le personnage méconnaît alors ses adversaires Ariste et Climante et sa rivale : Olimpe. A chacune de ses interventions, il se méprend sur le sens des propos et de la situation. Cette confusion, décelée par les autres personnages et le public, provoque le rire, rire de raillerie. C'est ainsi qu'Oronthe se flatte de l'innocence d'Ariste : Mais qui croiroit jamais une telle innocence ? Cette réplique dénonce son incompréhension totale. Cet aveuglement se manifeste par l'emploi redondant qu'il fait du lexique même de la clairvoyance, convaincu de sa parfaite entente de la situation : « qui croiroit », « au dela de toute la creance », « vous connoissez », « Je ne l'aurois pas ceu ». C'est ainsi qu'Oronthe demande à Climante la composition d'une stance mais celui-ci feint la stérilité de son imagination poétique. Il lui propose, alors, très naïvement de songer à Olimpe. Climante révèle ses sentiments à la barbe d'Oronthe sans que celui-ci en comprenne les véritables significations. Alors qu'Oronthe déclare : Pensez à ces beaux yeux, conservez en l'image Climante répond malicieusement : Il est bien mal-aisé d'y penser davantage [23] Le comique naît de la naïveté d'Oronthe qui, à quatre reprises, expose, avec force précisions et détails, les atouts et les charmes de la jeune fille. Quelques scènes plus tard, ce vieux barbon aveugle demande à Climante de se montrer jaloux pour jouer un bon tour à Ariste, ne se doutant pas qu'il l'est effectivement : Si vous feigniez de voir d'un œil d'envie Qu'il passe avecque nous trop doucement sa vie [24] C'est la discordance entre ce que le personnage croit dire et ce qu'il dit qui est ici à l'origine du comique. Ainsi, le spectateur, qui connaît le jeu des faux semblants, a le plaisir malicieux de mieux comprendre la situation. L'inadéquation des paroles à la situation se trouve de cette façon dans « l'esprit de celui qui parle, et non dans ses propos qui correspondent trop bien à la réalité. Le comique des mots tient à la situation où se trouve le personnage qui les prononce, qui les rend comiques » [25]. L'égarement d'Oronthe l'empêche d'entendre intelligemment les répliques de Climante. Par cet aveuglement, il se fourvoie aussi sur les sentiments de dévouement, d'amour et de respect que lui témoigne Olimpe. Les déclarations de fidélité d'Olimpe se révèlent, en effet, trompeuses. Ainsi, elle le rassure après avoir conçu la feinte qui a pour but de ridiculiser Ariste : Dans la melancholie où vous m'aviez plongée, Je confesse qu'en fin je vous suis obligée [26] Cette déclaration d'Olimpe satisfait pleinement Oronthe qui n'entend pas la tonalité implicite de la réplique. Lorsqu'il imagine la dernière fourberie, sa confiance est telle qu'il assure : Un clin d'œil la pourra mettre de la partie : Et la correspondance est telle entre nous deux Q'un regard la dispose à tout ce que je veux. [27] Peu avant le dénouement, Climante révèle la relation des deux amants à Oronthe. Leur « flâme » lui apparaissant « toute claire », Oronthe laisse éclater sa colère en reprochant à Olimpe son infidélité. Celle-ci parvient à renverser la situation en lui faisant croire que ses relations avec Ariste participent entièrement de leur complicité. Rassuré par la confiance qu'Olimpe semble lui témoigner, Oronthe rapporte naïvement les confidences de Climante. Olimpe répond sur un ton ironique : Hé bien ! sçay-je en donner, mesme aux plus fins esprits ? [28] Cette dualité de caractère qu'Olimpe met en jeu souligne la crédulité du vieux barbon jaloux. Le public, mis dans la confidence de ce jeu de masques et de fausses apparences, établit le décalage entre ce que croit Oronthe et le sens réel des paroles d'Olimpe, de là naît le ridicule d'Oronthe. Le défaut de sagacité d'Oronthe conduit donc à une mauvaise compréhension des situations et les spectateurs assistent, en ce sens, à des déclarations d'amour voilées entre Ariste et Olimpe. Oronthe, victime du déguisement d'Ariste, est comique. Ainsi, le public « rit de l'aveuglement de celui qui est incapable de reconnaître le personnage déguisé, et … du tour qui lui est joué » [29]. ### La dérision d'un amant. Le ton doctoral de Climante souligne son caractère prétentieux. Climante se vante de savoir concerter des « menteries » et invite Ariste à le « consulter … pour régler la boutade » [30]. C'est aussi à propos de mener une affaire amoureuse que Climante conseille le jeune niais et déclare : Il faut quand vous trouvez parfois l'heure oportune, Luy vanter en passant quelque bonne fortune. [31] De concert avec Olimpe, Climante met en place, tout au long de la pièce, un stratagème pour déclarer son amour à la jeune fille. Désemparé, il comprend la réciprocité des sentiments amoureux entre les deux jeunes gens au début du cinquième acte. Sa déconvenue totale provoque le rire du spectateur d'autant que cette découverte est doublée d'un jeu de scène puisqu'il est caché. Climante s'épanchait en toute sincérité auprès de sa bien-aimée : Vous verrez mon amour dans mon obéissance [32] Olimpe, ironique, approuve le procédé qui consiste à entendre les paroles d'Ariste comme si elles étaient prononcées par lui-même. Ce dernier, naïf, ne remet pas en cause la parole d'Olimpe et n'imagine pas que les amants se jouent de lui. Ainsi, lorsqu'il surprend leur conversation sincère et amoureuse, il mesure toute l'étendue de son insuccès. La stupéfaction du personnage s'oppose à la prétention et à la fatuité dont il faisait preuve à la première scène. Dans ce jeu de scène où Climante est « *caché* », il comprend peu à peu son égarement. Ainsi, il interprète mal-à-propos cet échange entre les deux amants. Comme convenu avec Olimpe, il pense qu'elle entend les déclarations d'Ariste comme autant d'aveux d'amour de sa part. Climante se satisfait : Le fat ne connoist pas qu'il fait l'amour pour moy [33] Les spectateurs assistent alors à une prise de conscience progressive. Cette gradation est source de comique dans la mesure où Climante dénonce dans ses premières répliques la naïveté d'Ariste. Il commente par exemple : Comment ne voit-il pas qu'il se rit de luy ? Le ton sincère et passionné des échanges le conduit, ensuite, à s'interroger. Il constate en effet avec une clairvoyance inhabituelle : Quelque important mistere est caché là dessous. Il parle avec chaleur, elle respond de mesme, L'aimeroit-elle ? Le baiser entre les deux amants achève la découverte de la vérité : la coalition des jeunes gens contre les prétendants que sont Oronthe et Climante. Il ne peut que s'exclamer en ces termes : Ah dieux ! en quel mal-heur je suis embarrasé. [34] Le duo amoureux que forment Ariste et Olimpe est dérangé par cet importun personnage qui s'invite à cette scène galante et s'arroge la finalité de cet échange. Constatant progressivement sa désillusion, Climante, comme Oronthe, provoque le rire des spectateurs. Ces deux personnages, aveugles et trompés, sont confrontés à Ariste et Olimpe qui jouent de la duplicité de leur caractère. De cette confrontation naît le comique. Personnage présomptueux, Climante se vante de donner des leçons alors que lui-même est incapable de faire preuve de lucidité. C'est de ce défaut de clairvoyance que naît le comique. ### Les jeux habiles du faux-naïf. Ariste met à jour le stratagème imaginé par Climante pour séduire la belle sans être démasqué : Pour elle son amour passe jusqu'à l'extréme, Et j'ay bien reconnu qu'il trouve les moyens D'expliquer ses desirs en débitant les miens. Il révèle ensuite à son valet le rôle qu'il doit jouer et n'en est, en aucune façon, la dupe dans la mesure où ce jeu a été conçu par les amants eux-mêmes. Il explique en effet : Et m'ayant mené voir cette belle maistresse, Me traittant d'innocent auprés de ce jaloux, Luy dit qu'ils en auroient un plaisir assez doux Ariste est donc à l'initiative de son rôle de bouffon auprès de sa fausse mélancolique et déjoue les certitudes d'Oronthe en affirmant : Il croit qu'estant trop fat je ne luy sçaurois nuire. [35] C'est ainsi que pour conquérir Olimpe, Ariste dissimule sa personnalité et joue un personnage de jeune homme inerte. Il n'est donc pas dupe des fourberies que croient lui jouer Oronthe et Climante. Ainsi, sous couvert de raconter une histoire dans laquelle Ariste se présente comme l'amant d'une jeune fille, ce faux naïf décrit la situation réelle. Oronthe et Climante sont les seules dupes de cette usurpation d'identité. Sur les conseils de Climante et pour détourner la jalousie d'Oronthe, Ariste forge un récit où il feint d'« aimer ailleurs ». Oronthe sollicite avec ferveur ce récit où il est, en réalité, le personnage ridicule. Les deux importuns ne s'aperçoivent pas de cette feinte. Oronthe objecte à Olimpe : … vous nous priverez d'un entretien fort doux, Si Monsieur le retranche, & se contraint pour vous Alors qu'Oronthe pense railler Ariste, ce dernier décrit la situation présente en évoquant sa relation avec Olimpe en ces termes : Mais malgré la prison où vous tient un jaloux, Du cœur & de l'esprit je suis auprés de vous ! [36] Ariste livre un récit aux accents héroïques. Les spectateurs entendent alors une parodie d'épopée. En effet, il met en valeur la grandeur de son action. En faisant usage de métaphores, il transforme de simples faits en événements et l'emploi du passé simple leur confère un aspect exceptionnel. Il fait aussi référence aux « Nimphes » et à l'« Echo » ce qui confère à l'aventure des deux jeunes gens une tonalité extraordinaire. L'emploi de tournures emphatiques conduit aussi à la mise en œuvre d'un registre lyrique. Ariste s'exalte par exemple : Tout rioit à nos yeux, & tout parloit d'aimer. Il met ainsi en valeur son courage et son héroïsme dans ce récit à la tonalité épique. L'aventure semble se dérouler en un autre temps et un autre lieu. Le protagoniste valorise aussi la grandeur de son personnage par sa déclaration finale, digne d'un héros de tragédie. En effet, terminant son récit par une réflexion intérieure, il déclare de façon grandiloquente : Et jusques à l'instant que je dois expirer, Soit absent ou present je vous veux adorer. [37] A la manière d'un poète de la *fin'amor*, Ariste promet un amour éternel et absolu. Parodie d'épopée mal interprétée par les deux aveugles de la pièce, ce récit conduit à une scène comique. Ce procédé de la déclaration des sentiments en présence d'un tiers importun est courant : l'amant, pour exprimer son amour, conte une histoire galante que le destinataire réel interprète parfaitement. Pour se moquer des importuns, Ariste ne cesse de jouer à l'ingénu. Mis dans la confidence des masques, les spectateurs décèlent le comique de la situation. Ainsi, le jeune amant donne des gages amoureux lors d'une joute verbale avec Climante déguisé qu'il feint de ne pas reconnaître. Les deux amants se livrent à une surenchère comique. Si Ariste a donné « sept à huict cent Cassandre », Climante se vante d'avoir offert « cinq cens Ibrahims, & trois cent Polexandre » [38]. Le comique de cette scène réside aussi dans les références littéraires : l'intégralité des œuvres évoquées se compose, en effet, de plusieurs tomes. L'histoire d'Ibrahim se déroule au cours de quatre volumes importants, *Cassandre* et *Polexandre* comptent, chacun, cinq mille pages. Jusqu'au dénouement, le jeune homme ne pose pas le masque et est ironique. Lors de l'annonce de l'arrivée de l'exempt, Oronthe, inquiet, confie Olimpe à Ariste. Ce dernier ne manque pas de souligner dans cette formule à double-sens : Allez je vous responds qu'elle n'en mourra pas. [39] A l'approche de la scène finale, Ariste sous-entend une nouvelle fois sa véritable identité, équivoque que ne comprend pas Oronthe. Les spectateurs, de connivence avec les véritables amants de la pièce, remarquent alors le comique de la situation. ### Les jeux intrigants d'une jeune fille. Dès sa première apparition en scène, Olimpe masque ses sentiments et feint de croire à la naïveté d'Ariste. Pour conforter son ravisseur dans cette opinion, elle s'exclame : « O qu'il est ingenu ! » [40]. Le rire naît des situations où prédomine le jeu sur la double-personnalité : l'équivoque et l'ironie sont maîtres. Pour parvenir à leurs fins, Ariste et Olimpe sont contraints de masquer leur véritable identité et de jouer à être quelqu'un d'autre. Les répliques qu'ils adressent à Oronthe et à Climante ainsi que celles qu'ils s'échangent en leur présence doivent être entendues dans une double acception. Ainsi, Olimpe n'échappe pas au tête-à-tête tant recherché par Climante. Authentique dans l'expression de ses sentiments, il exprime son amour et dévoile son stratagème à visage découvert devant une Olimpe masquée et ironique. Ce vaniteux se pose en véritable maître de la situation comme l'indique son usage important des marques de la première personne et sa complaisance à révéler le système qu'il a mis en place : … j'ay modéré toutes mes passions … d'un jeune amy j'esvente le secret, … je l'introduis à titre d'indiscret, A cet élan de sincérité s'oppose l'hypocrisie du jeu d'Olimpe qui indique « Feignons » et met en ce sens le public dans la confidence de son jeu. Climante devient alors la dupe et est lui-même l'« objet de risee » [41] et d'Olimpe et des spectateurs. Contrainte de faire croire Climante à la réciprocité de son amour, l'équivoque caractérise ses répliques. Elle remercie cet importun en ces termes : Je benis toutefois un si beau stratageme Qui me donne moyen de voir celuy que j'aime ! [42] Alors qu'il entend dans « celuy » la désignation de sa propre personne, la jeune fille désigne, en fait, Ariste. Olimpe convainc donc Climante qu'Ariste est un intermédiaire parfait pour exprimer leurs amours et lui assure que lorsqu'il parle, elle comprend qu'il s'agit de lui-même. Climante approuve cette feinte et affirme « L'adresse en est subtille », hémistiche que l'ironique Olimpe complète en remarquant « Et n'est pas desplaisante ». Ce personnage prétentieux signale l'habileté du stratagème mais il n'en comprend pas le véritable artifice et ne saisit pas sa finalité. Cet aveuglement, qui provoque toute l'ironie des répliques et leur double sens, permet à Olimpe de conclure : Ah Climante ! Qu'il ne me quitte point & j'en seray contente ! [43] Olimpe ne pose pas son masque et joue sur la duplicité de ses propos, de là naît l'ironie, source de comique pour le spectateur. Ces faux-semblants induisent l'emploi d'un lexique ambigu. Ainsi, des termes comme « comédie » acquièrent un double sens. Ils désignent le bon tour qu'un personnage croit jouer à un autre et, en même temps, l'attitude que l'un des personnages feint d'adopter. Lorsqu'Oronthe révèle à Olimpe la fourberie qu'il veut jouer à Ariste, celle-ci commente : L'equivoque en plairoit dans une Comedie. [44] Par l'équivoque qu'elle met en jeu, l'ironie participe du comique puisqu'elle déclenche l'incompréhension d'un des interlocuteurs tandis que l'autre joue de cette situation et révèle ainsi la maîtrise opérée sur son destin. La dissonance entre la littéralité du discours et son véritable sens, entendue du public, reste incomprise par le personnage trompé. Ce détour ingénieux d'Olimpe met en valeur son esprit d'à propos et est source de comique dans la mesure où il met en évidence l'aveuglement d'Oronthe. ## Des personnages comiques. ### Jodelet, le valet farceur du Marais. *Le Desniaisé* a fait rire les spectateurs du XVII*e* siècle grâce à la présence, parmi les acteurs, du farceur le plus populaire de l'époque : Julien Bedeau. Cet acteur a accompli une carrière comique si considérable qu'il est devenu un type théâtral. Né à la fin du XVI*e* siècle, il commence sa carrière dans la farce entre 1610 et 1620. Son pseudonyme Jodelet apparaît, pour la première fois, dans le bail du 8 mars 1634 lorsque Montdory fonde le théâtre du Marais. En décembre 1634, le roi le fait passer à l'Hôtel de Bourgogne et, vers 1641, il retourne au Marais et y reste jusqu'en 1659. En 1642, le succès du *Menteur* est si important que, l'année suivante, P. Corneille décide de donner *La Suite du Menteur*. A partir de ces représentations, la renommée de Jodelet ne cesse de s'amplifier et « fait qui n'est arrivé à aucun autre farceur, les lettrés s'intéressent à lui, non seulement comme acteur, mais comme type » [45]. Quelques dramaturges lui consacrent des pièces théâtrales où il apparaît nommément ou sous d'autres noms analogues. Ainsi, P. Scarron écrit *Jodelet ou le Maître-valet, Les trois Dorothées, Jodelet souffleté, Don Japhet d'Arménie* ; Th. Corneille lui réserve *Don Bertrand de Cigarral, Le Geôlier de Soi-Même, ou Jodelet Prince* et *L'Amour à la mode* ; A. Le Métel d'Ouville lui consacre *Jodelet Astrologue* et Gillet de la Tessonnerie le fait jouer dans *Le Desniaisé* et dans *Le Campagnard*. En 1659, Molière engage Jodelet dans sa troupe de l'Illustre Théâtre où il interprète le vicomte des Précieuses. Selon R. Bray, il hérita de l'emploi de Gros-René. Ces nombreuses comédies écrites pour son personnage témoignent du pouvoir comique de l'acteur. Le personnage doit aussi sa fortune au contexte littéraire. En effet, « tout change à partir de 1640, avec le développement de la comédie burlesque. La farce du début du siècle a perdu son éclat en perdant ses célébrités ; les personnages ridicules de la comédie régulière, fous, bouffons, parasites, matamores, sont en voie de disparition. Les nouvelles gloires, ce sont les Jodelet et les Philippin » [46]. Jodelet fait rire dès qu'il apparaît en scène. Il porte « une sorte de capuchon qui entoure le visage. La cape tombe jusqu'aux mollets. On retrouve un habit assez ample, à bandes verticales, mais de couleur sombre. Sur le tableau des farceurs, la coiffure, la cape, les bas sont bruns, le haut-de-chausses et le pourpoint également, avec, semble-t-il quelques bandes ou quelques galons blancs. Les chaussures sont noires. Le seul élément rouge est la bourse que Jodelet tient dans sa main gauche. Il possède, à la ceinture, la batte et la petite gibecière » [47]. Son vêtement est conforme aux personnages de sa condition mais « chose curieuse, son visage où se détachent d'épais sourcils, de longues moustaches noires … est barbouillé de farine » [48], il a aussi « un nez long et de forme concave couché sur sa mâchoire supérieure qui s'allonge en avant » [49]. Jodelet déchaîne les rires dès qu'il ouvre la bouche car il nasille et « cela lui donne de la grâce » [50]. Dans *Le Desniaisé*, Lisette, se lamentant sur son sort d'amoureuse infortunée, l'identifie par cette caractéristique : Mais c'est luy que j'entens qui nasonne & qui gronde [51] Il fait aussi rire par le type même qu'il interprète car « il apparaît à la fois comme un descendant du parasite des comédies antiques, sacrifiant tout à son insatiable gourmandise, et comme un fils de Matamore fort vaillant en paroles, mais peu courageux quand il s'agit de passer à l'action. … Dans les farces gauloises qu'il interprétait au Marais au début de sa carrière, il s'était fait une spécialité du rôle du valet lâche et gourmand » [52]. Ce penchant, très matérialiste, pour la gloutonnerie et l'ivrognerie est un des ressorts comiques le plus fréquemment utilisé. Dans notre comédie, Jodelet s'adresse à l'Amour, non pas pour favoriser une issue heureuse dans une situation galante, mais pour solliciter pécule, pitance et boisson : Fais couler jusqu'à moy quelques meschans ducats ! Donne-moy le moyen d'aller vuider les plats Et d'aller m'esbaudir avec le Dieu des peintes [53] Tel est Jodelet : plus fort pour faire valoir son avarice, sa gloutonnerie et son ivrognerie que pour se défendre. Il est un valet fanfaron et couard. Il jure à outrance et veut mettre sa lame au service de son maître. Apprenant l'affront que font subir Oronthe et Pancrace à son maître, il propose sans plus attendre : … Monsieur, permettez que ma lame enroüillée Soit teinte de son sang Dans un élan de témérité, il ajoute encore : Souffrez qu'avecque luy je fasse à coups de poings, Et que de ces cinq doigts plus pesans qu'une meule Je luy casse le nez ou luy paume la gueule [54]. Mais ces ardeurs enflammées se refroidissent bien vite. Comme dans d'autres pièces où il est mis en scène, il « est incapable de se défendre : non seulement il a peur, mais il ne peut se servir de son épée qui rouille dans son fourreau » [55]. De plus, sans même s'en servir, il se blesse tout seul avec « cette arme ferrée » et s'exclame : Au diable, je me suis escorché le menton [56] A la scène suivante, sa résistance est bien faible face au caporal et lorsqu'on l'arrête, il se contente de subir les coups de ce dernier et de maudire son épée. Quelle gresle de coups ! Au meurtre, l'on m'assomme, on me vole, on me tüe, Au diable soit l'amour, la maison & la rüe ! Lettres, message, amy, maistresse, casaquin, Sentinelle, poignard, halebarde & Rouquin. [57] La grandeur et le courage dont il se flatte forment un abîme avec la cuistrerie dont il fait preuve dans les scènes suivantes. Son attitude chevaleresque disparaît bien vite. Malgré l'absence de didascalies, mais selon la tradition, nous pouvons supposer que le valet accompagne son monologue d'une gestuelle expressive car « une grande part des procédés comiques de Jodelet est empruntée à la grosse farce. Les pantomimes auxquelles il se livre, les propos qu'il tient à maintes reprises semblent destinés à faire rire le public le plus vulgaire : puisque de tout temps, le *profanum vulgus* a fait un triomphe aux scènes reproduisant la conduite incohérente de l'homme ivre » [58]. Cette gestuelle participe du caractère poltron du valet : « il vocifère, il se fend… et il imagine les réactions de son adversaire, car il est seul en scène et il mime un duel pour se donner du courage » [59]. Signalons ces pantomimes de Jodelet, excédé par les discours de Pancrace : « *en luy voulant fermer la bouche* », « *jettant son chapeau à terre* », « *fermant les poings* » [60]. Le comique de Jodelet est aussi suscité par son vocabulaire. Héritier des farces médiévales, le valet se livre au comique verbal et accumule jurons et injures. Ainsi, Jodelet, qui « enrage » de ne pouvoir mettre un terme au flux verbal du docteur, déforme le langage de Pancrace. Jodelet reprend l'hémistiche de Pancrace « Aussi l'ame à l'arbitre » en le déformant « Ah ! c'est trop arbitré » [61]. Ce procédé de la reprise d'un terme pour le modifier apparaît aussi dans son monologue où il emploie des termes burlesques et jure sans aucune gêne : Au diable, je me suis escorché le menton : … Non, non je suis archer, tu n'es qu'un archerot; Je suis fort honneste homme & toy tu n'es qu'un sot. Au diable soit l'amour, avec la halebarde ! [62] Cette fantaisie verbale correspond parfaitement aux rôles du valet car elle « convient surtout à des fantoches, à des personnages stéréotypés, ou dépourvus de toute vérité psychologique dont la destination est uniquement de faire rire les spectateurs par tous les moyens » [63]. Remarquons que c'est Jodelet qui a le dernier mot de la pièce, concluant d'un « vivat ! » qui efface les infortunes de Pancrace et de son maître et achève la comédie dans une allégresse presque générale. Jodelet est aussi un valet fanfaron. Il fait donc valoir sa présence indispensable auprès de son maître. Dans *Le Desniaisé*, il se flatte de favoriser les amours de celui-ci : Sans moy dans vos amours vous auriez votre compte [64] Non seulement vantard, il est aussi insolent et grossier. Cette inconvenance s'illustre par l'emploi d'expressions triviales et vulgaires. Il dit, par exemple, à Pancrace « Je voudrois te casser la gueule » [65] ou encore « fils de putain » [66]. L'usage de tournures familières comme « envoyer paistre » [67], « faire gilles » et « trousser ses quilles » [68] participe de cette vulgarité. De plus, le valet « considère comme inhérent à ses fonctions, le droit de faire des reproches à son maître » [69]. Dans la scène d'exposition, Ariste dévoile à son valet le jeu des déguisements mis en place. Il lui demande, pour favoriser le bon dénouement de ses amours, de donner une suite favorable aux avances de la suivante d'Olimpe, Lisette. Jodelet, dans son admirable égoïsme et son sens parfait du prosaïsme, répond : Monsieur, c'est qu'elle tousse [70] Cette grossièreté se double d'une mauvaise interprétation ainsi que d'insolence. Ariste fait part de ses sentiments de façon voilée à sa maîtresse mais Jodelet, par sa balourdise, contrarie la vraisemblance du récit d'où les ordres donnés à son valet : « Tais-toy » et, plus loin, « Que dit cet insolent ? ». Alors qu'Ariste évoque les « Nimphes timides », Jodelet rétablit lourdement la vérité en affirmant que ces « Nimphes volages » n'étaient que des « canards sauvages » [71]. Le passage inattendu d'un récit aux images lyriques et distinguées à des paroles railleuses et prosaïques du valet bouffon produit une situation comique. Son manque de perspicacité est souligné par son maître qui lui dit : Ce secret est encor trop raffiné pour toy [72] Les auteurs réservaient, en général, un monologue à leur personnage burlesque. Gillet suit cette tradition. En effet, le valet, déguisé en Archer, se livre à une réflexion sur lui-même et sur l'amour. Préférant aller vider les plats, au lieu de conter fleurette, il déclare : Par toy je suis Archer, mais un Archer sans gage , Par toy je suis soldat, mais soldat sans courage ; Par toy je suis amant mais amant sans amour ; Et par toy je produis sans rien mettre au jour ; Jodelet se présente comme le valet qui sert les intérêts de son maître : Sans estre en faction je suis la sentinelle ; Et des pieces d'amour, dont il est l'inventeur, Je seray la machine alors qu'il est l'acteur [73] L'opposition lexicale de chaque vers suggère les relations antithétiques des deux personnages. L'un manipule l'autre. Ariste fait attendre son valet à sa place et c'est donc Jodelet qui sera arrêté par le caporal, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Glouton, vantard, poltron et grossier, le valet lance le rire dès la deuxième scène. Il provoque aussi le rire parce qu'une intention parodique se dégage de son rôle dans le contexte historique des années 1642 à 1659. Ce sont, pour le royaume, des années de triomphe où Condé est vainqueur à Rocroi, où la Fronde s'empare des esprits. Sur le plan littéraire, le sublime prédomine : l'Espagne a insufflé le goût pour la tragédie héroïque où l'honneur est la première des passions, Corneille est acclamé, les spectateurs parisiens vivent la passion de Chimène pour Rodrigue, la Carte du Tendre attire les guerriers : « un beau champ d'action est ainsi offert à la verve des parodies ». « Jodelet est alors chargé de caricaturer les illustres et les précieux qui envahissent salons et théâtres » [74]. L'intention parodique est mise en scène dans *Le Desniaisé*. En effet, ce valet fanfaron ne manque pas d'envoyer les femmes au diable se vantant de ne pas céder à leurs soupirs. Il fait valoir sa conception par des plaisanteries, parodiant les élans lyriques de l'amour : L'une en vous œilladant d'un regard ridicule Vous vient dire, je meurs, ah ! je pasme, je brûle, J'enrage mon Amour, je suis dans les transports. [75] Jodelet se moque, de cette façon, des mines affectées des femmes et détourne, par ces imitations, la véritable expression des passions. Ce monologue participe du style des Tabarinades qui met en jeu un « esprit de parodie qui anime l'ensemble de ces dialogues facétieux où sont raillés librement tous les pédantismes et jargons » [76]. Alors que d'autres comédies mettent en scène un valet qui tente de séduire les femmes, dans *Le Desniaisé*, il fait preuve de froideur envers l'amoureuse Lisette et ne montre que de l'orgueil face à l'amour. Répondant à Pancrace sur ce sujet, il affirme : Je ne suis pas si sot que de croire Lisette, Elle a perdu son temps & sa fortune est faite ; … On ne dira jamais dedans notre village Que j'aye dementy l'honneur de mon lignage [77] Il accepte le mariage avec Lisette alors qu'il l'éconduisait encore vertement à la scène précédente et lui disait galamment : avec le vermillon dont ton œil gauche esclatte Tu pourrois d'un regard me teindre en escarlate. [78] Il réclame lui-même le mariage avec Lisette. Ariste annonce donc à la suivante qu'elle acquiert Jodelet accompagné de « cent escus de rente. ». La précision de cette dote témoigne de l'intérêt financier que le valet prend à cette union. Il commente, en effet : « Ce mot n'est pas fat » [79]. « Parodiant de façon réaliste et grotesque les genres précieux et les genres nobles, Jodelet est le personnage burlesque par excellence. Il a sans doute, avant Mascarille et Trissotin, contribué à rendre la Préciosité ridicule » [80]. « Continuateur de Turlupin et de ses camarades, amuseur de Paris, créateur d'un genre et d'un personnage, inventeur d'un type passé dans la littérature avec Scarron, il eut l'insigne honneur d'assurer la liaison entre la vieille farce et la vraie comédie et de terminer sa carrière aux côtés de Molière. » [81]. Julien Bedeau s'éteint le 26 mars 1660. Alors que le rôle lui était destiné, Molière joue Sganarelle dans la pièce éponyme deux mois après sa disparition le 28 mai 1660. La pièce met en scène les caractéristiques qui ont fait la fortune du type. Les spectateurs de l'époque ont pu y écouter un long monologue qui reprend les idées du *Jodelet, ou le Maître-Valet*, ils ont pu y voir son bon sens et sa vulgarité ainsi que ses fanfaronnades et ses pantomimes burlesques. Cependant, le type n'a pas survécu au personnage. Molière fait encore représenter *Jodelet ou le Maître-Valet* et *Le Geôlier de soi-même*, pièces où Gros-René tenait le rôle mais cette doublure ne recueillit pas le même succès. « L'art de l'acteur, ses spécialités avaient pris une telle importance qu'il devenait impossible qu'il y eût deux Gros-Guillaume, par exemple… Ils étaient des types parce qu'ils n'interprétaient qu'un seul rôle et que ce rôle était populaire. Mais ils étaient trop personnels pour n'être pas irremplaçables » [82]. Après avoir assuré « une véritable hégémonie comique » [83]- à ce sujet, citons Loret : Ici gît, qui de Jodelet Joua cinquante ans le rôlet, Et qui fut de même farine Que Gros-Guillaume et Jean Farine. [84] Le rôle de Jodelet n'apparaît donc plus dans les comédies postérieures à 1660. ### Pancrace, le docteur pédant. *Le Desniaisé*, dont l'intrigue est inspirée des comédies à l'italienne, met en scène le type du *dottore* : docteur pédant et fanfaron. Sans réels ancêtres dans le théâtre classique, le pédant a cependant quelques précurseurs dans les comédies humanistes du XVI*e* siècle. Ce personnage naît dans les années qui suivent le sac de Rome en 1527. Il apparaît dans *Le Pédant* de Francesco Belo (1529) et *Le Maréchal-ferrant* de Pietro Aretino (1533). Il devient un des types les plus répandus dans le théâtre du XVI*e* siècle italien pour atteindre son apogée dans le *Manfurio* de G. Bruno (1582). Il donne naissance au masque du *Dottore* de la *commedia dell'arte*. Le personnage fait, ensuite, son apparition dans le théâtre français. Au XVI*e* siècle, P. de Larivey, puis au XVII*e* siècle, Cyrano de Bergerac, Adrien de Montluc, Du Peschier, J. Rotrou, Gillet et Molière lui réservent un rôle dans leurs comédies. Son nom de pédant est, à l'origine, un synonyme de pédagogue, ce qui explique sa fonction. Il est « le type le plus exactement professionnel de la *commedia erudita* » qui « emploie un langage latinisé incompréhensible aux non-lettrés, et dont l' attention est constamment détournée …. Ce maniaque est tout à fait incapable de s'arrêter de parler, tout à fait incapable d'écouter quelqu'un d'autre » [85]. Il emploie un langage très particulier. Conformément au type de la *commedia erudita*, Pancrace s'exprime dans une langue désuète marquée par l'emploi de termes archaïques ce qui confère au personnage une tonalité burlesque. En effet, « le burlesque se complaît surtout dans l'archaïsme ; il est hospitalier aux mots que les théoriciens déclaraient vieillis, mais que le peuple conservait encore. A cette tendance naturelle du genre s'ajoutait le désir d'étonner par la rencontre de mots désormais rejetés. Le burlesque reprend des mots qui vieillissent, des mots condamnés par Malherbe, des mots du XVI*e* qui mouraient d'eux-mêmes au XVII*e*, et des archaïsmes de sens » [86]. Citons par exemple l'emploi d'« antipéristase » [87], terme « raillé par l'Abbé de Pure, qui le renvoie au “Français ne parlant que grec et latin” » [88]. Pancrace s'exprime dans une langue obsolète dont le style ampoulé se vérifie aussi par un usage poétique. Traditionnellement, les pédants expriment leurs sentiments par la poésie, exercice auquel notre Pancrace ne manque pas de s'adonner. Véritables stances, elles sont ridicules par leurs exagérations et par l'emploi d'un langage trop recherché. L'usage d'un vocabulaire scientifique apparaît en décalage avec le thème abordé et la référence à la poésie courtoise est inappropriée à la banalité du contenu et à la superficialité des propos. Le mètre employé est lui-même ridicule : l'octosyllabe renvoie aux poèmes épiques. Il sert ici à traiter un sujet frivole. Lisons ces trois seuls vers, représentatifs de la tonalité des cinq strophes : Ma poitrine est mortiferée, Et d'Amour la fléche acerée Me va rendre l'esprit bouru [89] Le langage soigné de Pancrace, déprécié par les deux autres valets qui l'interprètent de façon prosaïque, est source de rire. Ne comprenant pas ce que Pancrace dit, ses interlocuteurs dénaturent ses répliques. Cette reprise déformée entre deux personnages aux caractères radicalement opposés conduit à provoquer le comique. Ainsi, Lisette rétorque à Pancrace : Voyez ce qu'il veut dire avec son Aristote, Sa Piqueure à Ploton, & ses brides à veaux, Que croit-il attraper avec ces mots nouveaux ? [90] Elle détourne, de cette façon, le sens originel du discours du pédant. Le contraste entre les explications savantes fournies par Pancrace et les reprises prosaïques et déformées, que font avec malignité Jodelet et Lisette, se lit par exemple dans le calembour suivant : Lisette désigne par le terme « Ploton » le nom de Platon que Pancrace emploie à la réplique précédente. La déformation grotesque de la suivante est source de comique. Le langage du docteur se caractérise, ensuite, par un flux verbal incontrôlé. Il assomme ses interlocuteurs par cette fatrasie. Deux scènes sont remarquables. La première témoigne d'une dissymétrie dans le volume des répliques entre les deux interlocuteurs. Jodelet ne peut prendre la parole face au bavardage démesuré de Pancrace et ne s'exprime que par monosyllabes. Il finit par prendre congé de Pancrace, abandonnant l'importun docteur dans sa logorrhée. Sa répartie brutale provoque la surprise de son interlocuteur et le rire du spectateur. Jodelet doit, quelques scènes plus loin, affronter cette prolixité lorsqu'il lui demande le sens du mot « Apotheose ». C'est à dessein de se moquer de cette fatrasie qu'il l'interroge. Après avoir développé sa conception de l'amour, Pancrace énonce sa conclusion que ne comprend pas Jodelet. Ce dernier lance un « hé bien ? » dont le registre parlé s'accommode mal de l'exposé savant de Pancrace. Jodelet conclut laconiquement en le traitant de « sot » [91]. L'opposition des deux registres de langue met en valeur le caractère artificiel du lexique de Pancrace. « Par opposition à l'amphigouri précieux, au style manière ou au pédantisme, le langage inconvenant des serviteurs rejette la condamnation et le ridicule sur un “beau langage” dénaturé par ses propres excès. En ce sens, au même titre qu'ils sont les défenseurs de la raison et de la justice dans le domaine moral, les serviteurs illustrent sous des formes caricaturales l'idéal classique de clarté et de naturel » [92]. De plus, ces scènes mettent en valeur le caractère mécanique du comportement du docteur. A chaque fois que l'interlocuteur de Pancrace veut prendre la parole et le faire taire, le pédant, sans lui prêter la moindre attention, lui répète exactement ce qu'il a dit auparavant comme une « véritable machine à parler qui fonctionne automatiquement » [93]. Pour faire montre de sa culture, il est aussi dans l'usage du pédant d'accumuler, de façon confuse, une série de noms célèbres. Dans *Le Maréchal-ferrant*, le docteur cite soixante-treize noms et se vante de sa mémoire et dans les *Querelles amoureuses* de Ranucci, Felispino enchevêtre quarante-six noms. Dans notre pièce, interrogé par Jodelet au sujet d'une affaire galante, Pancrace se livre à un exposé interminable sur la question énumérant cinquante-neuf noms de savants et mêlant les théories. Ces exposés intarissables, où Pancrace convoque l'autorité d'Ovide, d'Aristote ou encore de Platon, sont caractéristiques du langage pédant du valet. Emporté par cette même folie verbale, le savant docteur énumère toutes les formes possibles d'amour. Dans une joyeuse liste hétéroclite où Pancrace « toutes choses » qu'anime l'amour, on lit que le soleil anime la terre, l'hiver la nature. Puis il conclut brusquement et sans grand rapport avec cette liste : Et moy qui suis Docteur in utroque juré, Je n'aime que toy seule, ou le bonnet quarré [94] Pancrace achève cet entrelacement de noms par une formule latine rappelant ainsi sa prédilection pour les lettres antiques. En se souvenant d'exemples grecs, il assure à Lisette qu'il peut changer de caractère mais son esprit brouillon évoque, de façon désordonnée, Niobé et les Euménides. Le langage se caractérise par l'emploi de tournures savantes et rébarbatives par lesquelles Pancrace prétend avoir des connaissances universelles. Dans ces scènes, le pédant donne la réplique au fanfaron, ce qui crée un couple dont la dissonance est comique. Ce deuxième personnage, aux côtés du pédant, est sa contrepartie et souvent, se moque de lui. Ce couple, présent dans les comédies à l'italienne, « peut parfois faire penser au couple Don Quichotte-Sancho Pansa : le pédant est une espèce de Don Quichotte parce qu'il vit dans un monde imaginaire, qui a perdu le contact avec la réalité : l'idée que le pédant se fait de la culture assume une fonction analogue aux idées chevaleresques de Don Quichotte, et les disputes avec des antagonistes grossiers sont pour le pédant l'équivalent des batailles avec les moulins à vent » [95]. Pancrace, incapable de se défaire de son langage pédant et pléthorique, s'en sert aussi pour séduire Lisette. Pour lui prouver son amour, il la compare aux monstres de l'Antiquité. Ce docteur n'hésite pas à lui déclarer en un élan lyrique : Aspre aymant de mon cœur, adorable Ciclope ! [96] Ne prenant pas en compte les codes galants, sa cour est irrévérencieuse. Le vocabulaire affecté de Pancrace apparaît donc en parfait décalage avec le sentiment exprimé et devient ridicule. La déconvenue qu'il connaît en amour dément ce savoir impertinent et donne lieu à des situations bouffonnes. Lorsque Jodelet lui apprend l'amour que lui porte Lisette, Pancrace s'exclame : « Ah Dieux ! », « Ah ! mort. » [97]. Son désarroi révèle surtout son ridicule. Son échec l'inscrit dans la lignée des pédants amoureux qui subissent, presque tous, cet insuccès et sont, de plus, pris en dérision. En effet, entre le pédant et l'objet amoureux, il existe toujours un écart qui empêche l'aboutissement de son entreprise. Pancrace essuie le refus obstiné de Lisette. Le comique de ces scènes où Pancrace essaie vainement de séduire sa bien-aimée naît des répliques railleuses de la suivante qui rétorque par exemple : Le bel amant avec son poil grison ! Lisette suggère ainsi l'aspect grossier du docteur. Nous pouvons imaginer, conformément à ce type, un physique peu avenant, n'invitant pas la suivante à donner suite à ses avances. Elle n'imagine donc pas aimer : Ce poil de Goupillon, & cet œil de Bouquin [98] En effet, « le pédant est généralement présenté de façon répugnante et grotesque : il est laid, sale, mal vêtu : la laideur et l'aspect désagréable étaient traditionnellement considérés comme la principale source de ridicule. … Extérieurement, le pédant apparaît comme quelqu'un qui s'éloigne de la norme, il est « différent » et donc comme tel il suscite soupçon et antipathie » [99]. A la fin du XVI*e* siècle, le lettré est devant une alternative : ou il s'adapte à la situation en se mettant au service du pouvoir ou il se replie sur lui-même dans une conception sclérosée de la culture humaniste et son savoir devient un pur jeu formel. Tel qu'il apparaît dans les comédies suivantes, le pédant représente la seconde alternative. Son personnage devient la caricature de l'intellectuel qui vit dans un monde désormais disparu.  « Le pédant n'est ni un “courtisan” ni un “nouvel écrivain” ; il incarne au contraire la dégénérescence de la culture philologique de l'Humanisme, la fin d'une époque, la “crise qui sépara la philologie de la littérature” » [100]. Incarnant une culture anachronique, le pédant est la cible de la satire d'une anomalie. Il transgresse sa condition par son amour pour une personne qui lui est interdite et par sa dégradation de la culture humaniste en un pur jeu verbal. Il est toujours trompé et, à la fin de la comédie, il est exclu, il ne participe pas au bonheur des autres personnages. N'ayant pas obtenu Lisette, Pancrace suit son maître et se réfugie dans sa culture en y faisant une ultime référence. Le type du *dottore* ne subsistera pas dans les comédies. « Aussi rare est le cuistre que le parasite, à l'origine valet du collège frotté de latin, que la société humaniste de la Renaissance avait connu dans ses divers centres de culture. … Ce type très particulier de subalterne était, comme le parasite, condamné à disparaître. Si les pédants demeurent une des cibles favorites des auteurs satiriques du XVII*e* siècle, il est très rare que leurs serviteurs (lorsqu'ils en ont) soient mêlés à la condamnation » [101]. ### Lisette, une servante amoureuse. Même si la suivante reste peu individualisée, son caractère commence, cependant, à s'affirmer. Par son nom, elle se distingue de la catégorie des maîtres. Remarquons, en effet, l'opposition entre les personnages « “ à problèmes ”, graves ou ridicules, et dont les noms s'achèvent par des syllabes sourdes et lourdes en « onte », « ante » et les noms dont « les finales, qui sont des diminutifs, … sont un signe de la jeunesse des personnages. Mais ne peut-on pas voir aussi, dans ces sonorités claires et chantantes, un écho de la légèreté rieuse des serviteurs ? ». Lisette existe parce qu'elle exprime avec vigueur ses sentiments. Les amours des valets forment un contrepoint comique à celles des maîtres. Parce qu'il est « audacieux ou maladroit, l'amour des serviteurs provoque le rire en se libérant des normes de la galanterie ou de la simple correction illustrées régulièrement par les personnages de qualité » [102]. Alors que les déclarations d'amour entre Ariste et Olimpe ne prêtent pas à rire, la cour de Lisette à Jodelet conduit à mettre en scène des situations comiques. Elle déclare sa flamme à Jodelet en lui assénant ces amoureuses répliques : Il n'est presents, espargne, estreines ny profit Que mon amour n'immole à ton grand appetit. Lisette, s'exprimant dans un registre de langue conforme à sa condition, parodie les métaphores précieuses. Elle dit à Jodelet : Mon bedon, mon fanfan, mon poupon, mon valet [103] Le style des ruelles est ainsi tourné en dérision. « C'est aussi à l'emphase tragique, à la grandiloquence lyrique que s'attaquent les serviteurs, qui, dans leurs propres amours, singent les passions de qualité » [104]. En effet, Lisette supplie Jodelet de la regarder en ces termes : Je t'en conjure enfin par ces franches lippees, Par ces bribes de pain dedans le pot trempées, … Helas ! pour adoucir ton humeur rogue & fiére Que le ciel ne m'a-t-il fait naistre sommeliere [105] Aux sentiments galants qu'exprime Lisette s'oppose Jodelet qui, en les reprenant, les déprécie d'une façon brutale et vulgaire. L'ironie et le sarcasme du valet sont en contraste complet avec l'élan amoureux de Lisette : Si mes yeux sont ardens, & sont rouges de feu, C'est celuy d'amour et Jodelet, de répondre : De grace esteins-le un peu, avec le vermillon dont ton œil gauche esclatte Tu pourrois d'un regard me teindre en escarlate. [106] Les tirades amoureuses de Lisette ont comme répondant des formules où prédomine le parler populaire et moqueur. Cette verdeur du langage apporte une tonalité supplémentaire au comique. Ajoutons que le comique de ces situations naît aussi de l'apparence physique du personnage. Songeons à la représentation de 1647 où les spectateurs voyaient ces déclarations adressées à un Jodelet caractérisé par « son nez de blaireau, ses yeux de fouine embusqués sous d'épais sourcils, sa bouche fendue jusqu'aux oreilles, son allure à la fois élégante et étriquée » [107]. Cependant, la suivante d'Olimpe éprouve de la tendresse à son égard et l'exprime de façon franche et spontanée. Lisette se moque, de son côté, de la cour de Pancrace. Les répliques railleuses de Lisette brisent le code des convenances mondaines pour le plus grand plaisir des spectateurs. Elle rétorque à Pancrace : Adieu je ne veux point ny d'amant ny d'amours. [108] Elle dédaigne ensuite les hautes considérations philosophiques de Pancrace sur l'amour et préfère s'atteler aux tâches ménagères : Il faut aller balayer la maison [109] Pancrace lit dans l'intérêt et dans l'empressement que Lisette porte à la réalisation des menus travaux quotidiens l'extrême raffinement de son âme. Les valets témoignent d'une totale facilité et liberté dans l'expression de l'amour alors que ce domaine, bien plus que tout autre, est codifié par les bienséances. Ainsi, le « serviteur amoureux pourrait se définir comme l'ennemi juré des manières » [110]. Par leur caractère, leurs agissements, leurs réflexions, les valets sont tout entiers tournés vers le comique. Ils ont la fonction de « *régulateurs du climat comique* : leur détachement, leurs railleries, les clins d'yeux au public, leur jeu physique et verbal, leurs appétits en font … des créatures démythifiantes. Par eux, le drame devient dérisoire. … C'est eux qui apportent la détente nécessaire. L'intrigue comique est, en fait, tragédie pour ceux qui la vivent. Les serviteurs, eux, regardent les autres jouer et, quand ils s'engagent, continuent à *jouer* » [111]. Les valets provoquent le rire parce qu'ils se situent en dehors des codes, leurs comportements témoignent de leur inconvenance. Le jeu des valets justifie et légitime le rire des spectateurs. # Le Desniaisé, une fable au cœur de la modernité théâtrale. ## Fourberies, déguisements et fausses identités. ### Une époque imprégnée par l'esthétique du déguisement. La représentation de pièces tragi-comiques et de farces sur la scène française des trente premières années du XVII*e* siècle est à l'origine de l'essor du spectaculaire, ces deux genres privilégiant le spectacle par rapport au texte. L'intérêt pour la comédie dite à l'espagnole, dramaturgie qui met en scène fourberies, mensonges et déguisements a porté à son apogée la représentation du spectaculaire et de l'ambiguïté. La fin du XVI*e* et le début du XVII*e* siècles voient la naissance du procédé du théâtre dans le théâtre. Le développement de cette esthétique de l'ambiguïté correspond à l'interrogation fondamentale du XVII*e* siècle sur l'illusion comme essence de l'homme. Les hommes sont considérés comme des acteurs sous le regard de Dieu et le monde comme une vaste comédie. Cette façon de concevoir la vie conduit naturellement le théâtre à se mettre en scène. « Il s'agit d'une prise de conscience ; le théâtre après 1630 atteint une sorte d'âge adulte ; il est naturel qu'il se regarde, se discute, se disculpe, se demande ce qu'il est ; c'est pourquoi le sujet de la comédie, c'est la comédie même » [112]. Ce très bref aperçu de l'histoire du théâtre souligne le contexte dans lequel vivait notre auteur : « la plupart des dramaturges des XVI*e* et XVII*e* siècles ont *conçu* (ou adapté) des intrigues dans lesquelles le personnage principal ne peut agir autrement qu'à travers la voie détournée d'un déguisement » [113]. *Le Desniaisé*, faisant reposer l'intrigue sur les fausses identités, s'inscrit pleinement au cœur des préoccupations dramatiques de l'époque. ### Le déguisement dans le théâtre de Gillet. Six pièces sur les neuf que Gillet a écrites font intervenir fausses identités et théâtre dans le théâtre. Le travestissement constitue une esthétique dominante de son œuvre dramatique. *Le Triomphe des cinq passions*, en 1642, et *L'Art de régner*, en 1645, présentent la même structure : un personnage se fait précepteur et enseigne, au moyen des exemples de l'histoire, à un autre qui écoute et apprend. Ces deux tragi-comédies mettent en scène cinq représentations. Dans la première, l'Enchanteur soigne le jeune Arthémidore par des leçons qui sont des pièces représentant les vices du jeune homme. Dans la deuxième pièce, il s'agit d'un Gouverneur qui apprend au Prince les cinq vertus d'un chef d'Etat. En 1642, *La Comédie de Francion* recourt à l'esthétique du déguisement puisque Valantin se déguise en diable, le valet en une jeune fille appelée Catherine et de là naissent quiproquos et malentendus, sources de l'intrigue. Dans *La Mort de Valentinian et d'Isidore*, en 1648, Gillet, qui a tiré l'intrigue de *L'Astrée*, met en scène mensonges et incompréhensions qui mènent au dénouement fatal. Lisons les rôles de sa dernière comédie, *Le Campagnard*, pour comprendre que la pièce repose sur cette esthétique de l'ambiguïté. Léandre est un « Gentilhomme adroit, passant pour un marchand de Tableaux » et le Seigneur Anselme est « Fourbe & faux Astrologue, ayant toujours accompagné Léandre dans ses courses et dans ses débauches ». Ainsi, dans les deux tiers de ses œuvres, Gillet crée une pièce reposant sur les fausses identités, les quiproquos et les déguisements. Cette esthétique de l'identité s'inscrit donc au centre de sa réflexion dramatique et *Le Desniaisé* s'intègre parfaitement dans sa production théâtrale. La liste des personnages nous l'indique, dans *Le Desniaisé*, il sera question de masquer son identité. Le rôle d'Ariste est ainsi défini : « le Desniaisé, Amant d'Olimpe », puis celui d'Oronthe : « mary pretendu d'Olimpe ». Ces rôles témoignent de la nécessité de forger des intrigues pour que chacun parvienne à ses fins. Climante est « celuy qui veut joüer Ariste, Olimpe ». La mise en place de masques et de faux semblants s'avère nécessaire. La préparation et le déroulement des feintes occupent onze scènes sur les trente-trois de la pièce. Le tableau récapitulatif suivant met en évidence, d'une part, les scènes de préparation de fourberies et, d'autre part, les scènes de représentation d'une fourberie constitutives de spectacles intérieurs à la pièce : | préparation d'une fourberie | spectacle intérieur II, 2 II, 4 II, 5 II, 6 | Scènes d'élaboration de la feinte du poème par Oronthe, Climante et Olimpe |  III, 5 | Ariste informe Olimpe sur la façon de déjouer cette fourberie |  III, 7 |  | l'arrestation de Jodelet IV, 1 | Oronthe prépare son déguisement de fuite |  IV, 2 | Oronthe et Climante mettent en place la sérénade |  IV, 6 |  | la sérénade IV, 7 |  | l'arbitrage d'Oronthe V, 3 | Oronthe organise la colère de Climante |  Huit scènes sont consacrées à la préparation d'une feinte et trois scènes présentent un spectacle enchâssé où les personnages de l'action principale se divisent en acteurs et spectateurs de l'action secondaire. Les scènes de préparation de la fourberie sont donc aussi essentielles à l'action que celles où elles font l'objet d'une représentation. ### La fourberie fondamentale : Ariste et Olimpe. Deux personnages masquent leurs sentiments dès l'ouverture de la pièce : Ariste et Olimpe. Leur déguisement de personnalité constitue le fond de l'intrigue et conduit à la péripétie finale. Ils sont en effet contraints de masquer leurs sentiments pour contourner deux obstacles : Oronthe et Climante. Jeune homme habile et rusé, Ariste se fait passer pour naïf. Son déguisement est conscient : il dit ce qu'il prétend être. Le spectateur est mis dans la confidence de ce masque lorsque le maître explique ce déguisement de caractère à son valet. Olimpe se fait passer pour une mélancolique et pour une amante aux yeux d'Oronthe et de Climante. S'effectue alors une alternance permanente « entre le masque et le visage » [114]. Tout au long de la pièce, plusieurs scènes voient l'échange sincère des sentiments amoureux entre les deux amants et la révélation de leur but. Les personnages déguisent leur sentiment par la parole : ils disent ce qu'ils ne sont pas. Ariste et Olimpe sont donc maîtres de leur jeu contrairement à Oronthe et Climante. Ariste se joue des prétendus maîtres de la situation. Conformément à son personnage de niais, il devient **acteur** lorsqu'il fait son récit merveilleux à la scène 3 de l'acte I et lorsqu'il déclame son sonnet à la scène 5 de l'acte III. Ariste se fait aussi **metteur en scène** en organisant le spectacle de Jodelet déguisé à la scène 7 de l'acte IV et en dirigeant le jeu d'Olimpe qui doit feindre pour convaincre Oronthe de ne pas accorder crédit aux révélations de Climante. **Ariste, acteur**, se livre au récit d'un véritable petit drame où il dédouble son personnage en dévoilant ses relations amoureuses avec Olimpe. Sous couvert de raconter une histoire dans laquelle il se présente comme l'amant d'une jeune fille, ce faux naïf décrit, en réalité, la situation présente, soit le trio qu'il forme avec Olimpe et Oronthe. Ce récit se présente comme une mise en abyme du sujet de l'intrigue de la pièce-cadre. Lors de la scène d'exposition, Ariste informe Jodelet de la situation : Tu sçais bien que d'Oronthe elle fut enlevée Que par tout de ce lasche on la voit observée, Et qu'en fin ce jaloux l'ayant en son pouvoir Sans sa permission l'on ne la sçauroit voir [115] A la scène suivante, il expose la situation qu'il a vécue avec cette « jeune voisine » : Je pouvois à mon gré voir cet Ange visible, Mais de l'entretenir il m'estoit impossible, Car en fin ce mary ne me quittant jamais [116] En usurpant les identités, Ariste dit le vrai qui paraît faux aux deux aveugles. Il se prémunit de toute attaque mais le spectateur, complice de ce détournement, s'aperçoit de son ingéniosité. Le sujet dramatique se raconte, dans cette scène, à travers une histoire romanesque. Le récit est construit comme une pièce de théâtre comprenant la scène d'exposition, la péripétie de l'intrigue et la scène du dénouement. Ariste se livre d'abord à une *captatio benevolentiae* par laquelle il invite son auditoire à croire ce qui suit : « Si je vous ments d'un mot que le ciel m'extermine », puis il expose la situation sur un ton narratif. Il présente ensuite l'intervention héroïque de l'amant : … craignant pour ses jours de tristes accidens Presque tout aussi tost je me jettay dedans [117] Puis la scène finale résout le nœud dramatique : Le vent se redoubla, les ondes nous pousserent, Et les jeunes zephirs des lieux des environs Y vindrent nous servir de rame & d'avirons Après le récit de cette péripétie, Ariste présente le tableau des amants réunis contre le mari jaloux : … Alors le jaloux par des cris lamentables Faisoit hurler l'Echo de ces lieux delectables, … Et par de longs regards pris & rendus sans nombre Nous goustions des plaisirs qui n'avoient rien de l'ombre [118] Par ce récit, Ariste annonce à mots couverts le dénouement de la pièce. C'est donc à travers cette hypotypose d'un récit dramatique qu'Ariste met en abyme le récit de l'intrigue. Il met ensuite en jeu ses talents d'acteur par son sonnet. Ariste procède à un règlement de compte avec ses rivaux. D'abord, parce que ce sonnet est destiné à contrefaire la fourberie d'Oronthe et de Climante et ensuite, parce que, sous une forme biaisée, il expose de nouveau la situation entre les personnages. A ce sujet, il fait remarquer à la fin de sa déclamation : Puis je mieux m'expliquer à moins que je les nomme Ariste fait entendre son différend avec ses rivaux. Son premier reproche concerne le rapt d'Olimpe. Le lexique fait référence à l'emprisonnement : « des clefs & des … verroux », « gouverner », « leurs gardes ». Il dévoile ses sentiments envers Olimpe : Ils ont beau gouverner la beauté que je … brigue … Puisque nos cœurs unis sont bien mieux dans …l'intrigue Ce sonnet se présente comme une deuxième mise en abyme de l'intrigue. En effet, en filigrane, il dresse trois types de portraits : Ariste, le libérateur, contre Oronthe, le ravisseur, et Climante, le prétentieux. Il suggère, de nouveau, son masque par son résumé de l'intrigue. Il ne semble plus y avoir d'ambiguïtés possibles quand on lit la pointe du sonnet qui a pour sujet « mon rival » : Et me croit un cheval quand il n'est qu'un … oison [119] Ce sonnet établit une nouvelle fois la naïveté d'Oronthe et de Climante. Le jeune amant endosse un rôle pour jouer le récit et pour déclamer le sonnet. Le double sens de ces deux morceaux théâtraux témoignent de son ingéniosité à duper Oronthe et Climante à qui il fait croire à la vraisemblance de son déguisement. Après avoir révélé son habileté à déguiser ses sentiments, Ariste dévoile ses capacités de metteur en scène. **Ariste, metteur en scène**, déjoue les projets longuement concertés de ses rivaux. Alors qu'Olimpe informe Ariste de la fourberie préparée par Oronthe et Climante, celui-ci répond, de façon concise : Pour les contrejoüer d'une façon galante, J'ay fait au lieu de moy déguiser Jodelet [120] Il les confondra en envoyant Jodelet au rendez-vous muni non pas d'une lettre galante mais d'une lettre d'excuse. A Olimpe qui souligne que ces vers sont « … trop beaux pour sentir le jeune homme », Ariste répond, sur un ton assertif, révélant son habileté et sa clairvoyance : … Ne craignez rien ce sont vers imprimez Et j'avois concerté cette seconde addresse, [121] Le jeune amant fait donc déguiser Jodelet en Archer. La pièce met aussi en œuvre le déguisement physique. A la scène 6 de l'acte III, Jodelet est « *seul sous l'habit d'un Archer* ». Ainsi déguisé, il doit servir les amours de son maître, « son déguisement ne peut aller que dans le sens de la marche de l'action » [122]. Même s'il s'est aperçu du quiproquo, le caporal procède à l'arrestation. En effet, après avoir remarqué : « ce n'est pas luy, je le reconnois bien » [123], il mène son interrogatoire d'où la scène burlesque qui s'ensuit. Pensant servir les amours de son maître, Jodelet ne se doute pas qu'il sera accueilli par un représentant de l'ordre. Ariste a délibérément placé son valet dans cette situation pour créer une représentation dramatique divertissante pour Olimpe et déconcertante pour Oronthe et Climante. Après s'être érigé en directeur du déguisement de Jodelet, Ariste dirige ensuite Olimpe dans sa façon de jouer la comédie. Il indique : « Feignez bien ! » : Olimpe semble devoir prouver ses talents d'actrice devant son directeur. Ariste, en aparté, réitère «  Feignez jusqu'à la fin » [124]. Il donne à Olimpe des indications pour obtenir un résultat optimal ; ici, l'apaisement du courroux d'Oronthe. Si l'arrestation de Jodelet sert l'action en tant qu'elle est une démonstration de l'aveuglement d'Oronthe et de Climante, le jeu d'Olimpe sous la direction d'Ariste est, quant à lui complètement intégré à l'action. En effet, si Olimpe n'apaisait pas le courroux d'Oronthe qui fait suite aux révélations de Climante, le projet final des deux amants en serait fortement compromis. ### Les fourberies secondaires : Oronthe et Climante. Les deux prétendus amants d'Olimpe sont les deux aveugles de la pièce. Croyant jouer un bon tour à Ariste, le jeu se retourne et c'est sur eux-mêmes que la raillerie retombe. C'est l'ingéniosité d'Ariste qui leur fait revêtir ce déguisement inconscient de barbon aveugle pour Oronthe et d'amant adroitement éconduit et mis à l'écart pour Climante. Les fourberies qu'ils préparent se désignent comme telles : ils en sont, à la fois, les metteurs en scène, les acteurs et les spectateurs. Ariste est l'objet de ces railleries et les spectateurs en sont Olimpe et Oronthe. L'acte II est en grande partie consacré à l'élaboration de la fourberie des « stances » qui échoue. Les deux comparses s'attachent ensuite à l'instauration d'un autre spectacle : la scène de la sérénade à la scène 6 de l'acte IV, à laquelle fait suite l'arbitrage d'Oronthe. Aux scènes 6 et 7 de l'acte IV, Climante, « *deguisé* » [125], doit jouer un tour à Ariste. Les trois fourberies préparées d'Oronthe et de Climante supposent une véritable mise en scène. En témoigne l'emploi du lexique lié à la mise en scène théâtrale. On lit, par exemple, « en le joüant », « il faut luy joüer des pieces d'importance », « Pour nous jouër de luy » [126] et dans les scènes suivantes : « Il faut luy faire une piece » [127], « commencer cette intrigue agréable » [128]. Oronthe et Climante songent à la mise en place de la scène de la sérénade et Oronthe déclare « Il s'y faut préparer » [129]. Oronthe attribue le rôle à Climante « Si vous feigniez de voir d'un œil d'envie » et se félicite enfin de sa trouvaille : « La piece est assez bonne ». Climante assure « Vous me verrez si bien joüer mon personnage » [130]. Oronthe semble ainsi être le maître des personnages. Il suggère à Olimpe : Dites luy que ce soir je dois souper en ville, Que de vous voir il sera tres-facile ; S'il veut entrer chez vous sous l'habit d'un Archer [131] Ces metteurs en scène organisent le spectacle à venir sans rien omettre : ils annoncent le lieu, la date et les acteurs de la représentation. Oronthe indique le cadre spatial et temporel de la fourberie : elle se déroulera « aujourd'huy », « En ces logis voisins de la Conciergerie » [132]. Ces indications tiennent lieu de didascalies indiquant la mise en scène d'une pièce théâtrale. Cet emploi du lexique inhérent à la représentation théâtrale témoigne du rôle ambigu de chaque personnage : il est révélateur de leurs relations hypocrites et annonce le spectacle dans le spectacle comme vrai. Si les quatre scènes qu'Oronthe et Climante consacrent à la préparation de la stance permettent une élaboration complète de cette feinte, elles sont cependant vite déjouées par Ariste. On apprend le projet d'Ariste à la scène 5 de l'acte III et l'échec de la feinte quelques scènes plus loin : Olimpe se raille de les « voir trompés. » [133]. La scène de la sérénade, concertée par Oronthe et Climante, est représentée aux scènes 6 et 7 de l'acte IV. Pancrace déclare « Allons donc advertir mon maistre qu'il descende » comme s'il invitait un public à assister à une représentation. Puis Climante joue le rôle que lui a attribué Oronthe et après qu'Ariste a donné l'ordre à ses violons de « donnez », Climante donne le même ordre aux siens. A la manière de metteurs en scène, Ariste et Climante dirigent leur troupe. Ils font jouer les violons pour Olimpe, spectatrice désignée comme telle. En effet, à la question de Climante « Et quel droict avez vous de donner serenade ? », Ariste répond « Le droict qu'on peut avoir lors que l'on aime bien » [134] et, à la scène suivante, où Oronthe informe : Olimpe nous escoute & meurt d'impatience Ariste répond : Elle pardonnera ce long retardement. Elle en est cause [135] Ce spectacle intérieur fait partie de l'intrigue tout en étant détaché de l'action principale. Cette relation est suggérée par le rapport spatio-temporel qu'entretient cette scène avec l'action principale. Sont en effet définis de nouveaux temps et lieu théâtraux en rupture totale avec ceux de la pièce-cadre. Cette représentation théâtrale, orchestrée par Oronthe et Climante, participe d'une « structure chorale » [136] : il y a rupture des coïncidences temporelle et spatiale entre la pièce-cadre et la pièce encadrée, explicitement signifiée par les commentaires des acteurs et des spectateurs. Si la nécessité de préparer les fourberies révèle le manque d'ingéniosité et, en ce sens, la cécité d'Oronthe et de Climante, la promptitude et l'exactitude d'Ariste à contrefaire leurs feintes soulignent un esprit aussi vivace et ingénieux que celui d'Oronthe est insipide et aveugle. Huit scènes de préparation de fourberies, trois scènes de représentations théâtrales où la pièce principale encadre un spectacle enchâssé et où les acteurs revêtent un second rôle : un tiers des scènes est ainsi consacré à la mise en place ou à la représentation d'une fourberie. L'importance de ce chiffre nous invite, alors, à nous interroger sur le but de ces feintes. ## Les desseins des fourberies. Si le nombre élevé de ces mises en abyme théâtrales révèle une certaine complaisance de l'auteur à mettre en scène un spectacle dans le spectacle, ce chiffre souligne aussi que ces scènes de feinte ont dramatiquement plusieurs buts. ### Le plaisir dramatique. Les spectateurs sont mis dans la confidence des changements, ce qui crée une relation privilégiée entre les personnages manipulateurs et les spectateurs. Ainsi, « le déguisement est pur plaisir dramatique. Il y a *complicité constante* entre le fourbe et les spectateurs. … La salle participe au stratagème, à son élaboration, à son déroulement ; elle tremble pour son issue. Cette participation au déguisement est en elle-même source de tension et d'incertitude ; elle capte l'intérêt » [137]. Le jeu de questions et de réponses à la scène d'exposition est destiné à avertir le spectateur des déguisements. Il peut donc rire du ridicule d'Oronthe et de Climante et soutenir Ariste. Deux fourberies conduisent à une mise en scène où Jodelet et Climante sont déguisés. Ces déguisements ont une fonction décorative : ils participent du plaisir des yeux. Ces spectacles permettent aussi de présenter le code théâtral. Ils confèrent ainsi à la comédie un aspect spectaculaire. ### Le plaisir de la raillerie. L'envie de sarcasme incite Oronthe et Climante à mettre en place ces feintes. Oronthe répète à plusieurs reprises le bon tour qui sera joué à Ariste et qui provoquera le rire des spectateurs intérieurs. Il a promis de faire une stance « Pour se joüer de luy » [138]. Il exprime ainsi le plaisir qu'il prendra à rendre Ariste ridicule : … vous m'obligerez D'en dire plus de mal que vous n'en jugerez, Plus vous lui donnerez moyen de nous en dire, Plus vous nous donnerez subjet de nous en rire. Puis en l'espace de sept répliques, Oronthe répète à trois reprises le terme « plaisir » : Nous en aurons tantost un plaisir assez doux C'est en quoy le plaisir en doit estre assez doux Quel plaisir de luy voir blasmer la jalousie [139] Ces répétitions suggèrent la véritable jouissance qu'il tire de la raillerie. Alors que le dénouement est imminent et qu'Oronthe laisse entendre son empressement à la réalisation de son projet par la remarque suivante : «  Si prest de mon depart ... », il désire jouer, une ultime fois, une fourberie à Ariste. Cette annonce d'une nouvelle scène de feinte peut surprendre le spectateur car le dénouement très proche est retardé par ce jeu. En effet, alors que tous les personnages jouent et que ce qui paraît n'est pas la vérité, cette scène constitue un ultime rebondissement avant la révélation finale dans le but de satisfaire l'envie de divertissement d'Oronthe. De mauvaise grâce, Climante participe à cette fourberie. La didascalie et la ponctuation expressive du vers soulignent sa réticence à concevoir « quelque piece » : CLIMANTE *froidement* Mais quelle ? je me trouve au bout de mes leçons ! [140] Dans la mesure où il y trouve une possibilité de vengeance, il accepte de jouer et déclare son amour à Olimpe devant Oronthe : « Je vous aime, il est vray ». Oronthe révèle, finalement, avec légèreté et enthousiasme, que la colère était concertée : C'estoit pour divertir une melancolique, Que cet amy feignoit de faire le critique [141] A l'approche du dénouement, l'utilité dramatique de la scène réside dans le plaisir que prend Oronthe à voir régner la confusion par les jeux de faux-semblants. Oronthe, sûr de lui, est tout à fait aveugle sur les véritables identités. Son plaisir du jeu s'achemine donc vers une déconvenue absolue lors de la révélation finale. ### Divertir une mélancolique. Oronthe utilise l'esprit naïf d'Ariste pour divertir Olimpe de la nostalgie de son pays natal : … Olimpe le desire, Et treuve en le joüant tant de sujets de rire, Qu'elle est de belle humeur à le voir seulement ! Ce qui pour l'adoucir me sert infiniment. [142] Ces feintes sont un divertissement au sens étymologique du terme : elles servent à détourner Olimpe de sa mélancolie. Dans une ironie parfaite, la jeune fille remercie Oronthe et déclare : Dans la melancholie où vous m'aviez plongée, Je confesse qu'en fin je vous suis obligée ; Et pour me divertir tant de bons traittemens, Ont bien droict d'effacer mes mescontentemens. [143] ### Servir ses intérêts. A la demande d'Oronthe, Climante compose des stances qu'Ariste déclamera à Olimpe mais cette dernière doit entendre parler Oronthe et non pas celui qui les dit. Après une explication assez longue et obscure, Climante résume : A la fin je conçois ce que vous souhaitez, Je dois parler ainsi faisant parler Ariste Qui recitant ces vers sous le nom de Caliste, Croyant parler pour soy fera l'amour pour vous, Et sera par ce traict l'amant et le jaloux. [144] Assuré de la réussite de ce stratagème, Oronthe déclare triomphalement : En me croyant joüer, il se joüra luy-mesme [145] Le croisement des pronoms personnels des première et troisième personnes ainsi que le double emploi du verbe « jouer » s'appliquant d'abord à Oronthe puis à Ariste soulignent la volonté d'Oronthe de railler le faux naïf et, ainsi, d'apparaître comme le véritable maître du jeu aux yeux d'Olimpe. Ce désir de montrer son pouvoir est un des buts de la première fourberie. En effet, Oronthe précise son rôle et celui de Climante. Alors qu'Ariste sera dans une situation délicate, les deux comparses lui viendront en aide : Et nous qui parestrons dedans cet intervalle L'ayant tiré des mains de ceux de la cabale [146] C'est donc la volonté de se présenter comme le maître de la situation qui conduit Oronthe à élaborer ses fourberies. Climante y voit, quant à lui, un subtil moyen pour courtiser Olimpe, ce qu'il exprime en aparté : Oronthe C'est pour moy seulement que le fat parlera.  Climante *bas* Ou plustot pour moy seul. Il dévoile ainsi son véritable but. A la fin de la scène, le lexique de la connaissance est de nouveau employé mais s'applique à Oronthe. Climante, par l'emploi insistant de ce vocabulaire, fait preuve d'un double-langage qu'Oronthe n'entend pas. Il prévient : J'ay des yeux qui sont bons, & connois ses appas. … Vous ne m'entendez pas. Et ne comprenez point de quel air je l'honore. alors qu'Oronthe rétorque seulement : Vous les connoissez mal ! [147] Climante révèle à demi-mots les sentiments qu'il éprouve pour Olimpe mais la cécité mentale d'Oronthe l'empêche d'entendre avec justesse le véritable sens de ces termes. Climante pense donc tromper son rival aveugle. Après avoir donné une esquisse des stances, il dévoile ses véritables intentions et son enjeu à les faire dire par Ariste. S'adressant à Olimpe, il révèle : Alors qu'il vous dira, j'adore vos appas Je vous parle d'amour, et l'on ne m'entend pas … Et mon bon-heur en fin va jusqu'au dernier poinct, Puis qu'un Rival m'escoute, & ne me comprend point. Ce sont les mesmes mots que je veux qu'il vous die [148] Ce personnage prétentieux dévoile là ses intérêts à participer lui aussi à la feinte, il peut ainsi déclarer son amour par la bouche d'Ariste. ### Gagner du temps. Ces feintes se déroulent aussi au profit d'Ariste et d'Olimpe. La construction concertée du déguisement des sentiments des deux amants se fait en vue de vaincre les obstacles que leur opposent Oronthe, par sa jalousie, et Climante, par sa flamme amoureuse. Les fourberies sont un moyen de gagner du temps. En effet, Ariste joue le jeu d'Oronthe et de Climante pour ne pas être découvert avant l'arrivée des parents d'Olimpe et ne pas compromettre la légitimité de son mariage. Le deuxième acte s'ouvre sur cette information essentielle : Madame, j'ay donné le pacquet à Leonce, Qui dans peu par la poste apportera réponce, Et quand de vos parens l'ordre sera venu, Je me feray connoistre à qui m'a mesconnu C'est parce qu'il est contraint d'attendre qu'Ariste joue son rôle de naïf contrairement à Oronthe et Climante, qui, certes, ont eux aussi besoin de jouer pour atteindre leurs buts, mais prennent plaisir à l'organisation et à la représentation de spectacles. Ariste, quant à lui, revêt ce déguisement de mauvaise grâce et ressent ce masque comme un affront. Il suggère son ressentiment dans ces deux vers : Une si longue feinte est une ardente preuve De l'estat miserable où mon ame se treuve [149] Lorsque le dénouement approche, son désir de vengeance se fait plus pressant : Tout est prest pour punir de si cruels outrages [150] Le jeune amant voit dans son déguisement le moyen de gagner du temps jusqu'à l'arrivée des parents d'Olimpe pour, enfin, la délivrer de son ravisseur. Il déclare : Et vangeray l'affront que vous fait un infame Qui vous contraint par force à vous dire sa fâme ! [151] Ainsi, chacun trouve des intérêts différents à participer aux fourberies et à masquer son identité. A la fin de la scène, les souhaits d'Oronthe, d'Olimpe et de Climante semblent converger vers le seul intérêt d'Oronthe. A la lumière des révélations de chacun des personnages, ils témoignent de trois désirs opposés. En effet, Climante s'exclame « *bas* » « Qu'elle m'obligera luy parlant de la sorte ! » puis Oronthe « Dieux ! que j'auray de joye en l'entendant parler ! » et Olimpe, à son tour, « Que j'auray du plaisir à bien dissimuler ! » [152]. Ces trois répliques pourraient être prononcées de concert or elles expriment des ambitions très différentes. Seuls Ariste et Olimpe jouent leur personnage consciemment alors qu'Oronthe et Climante s'illusionnent sur leur véritable rôle. Si la comédie de Gillet ne met pas en scène les leçons humanistes et n'utilise pas le théâtre dans le théâtre dans une perspective cathartique comme dans les tragédies de Corneille où le procédé est employé pour représenter un « idéal de dépassement fondé sur la *seule volonté humaine* » [153], l'auteur emploie ce procédé pour illustrer une leçon célèbre : connais-toi toi-même avant de prétendre connaître autrui. Le jeune amant prévenait, déjà, au début de la pièce : « Je suis autre qu'il ne vous semble » [154]. Il indique, lors du dénouement, à Oronthe : « Apprens à me connoistre ». Son ressentiment se transforme en exaltation. Le jeune homme savoure sa domination. Il souligne le renversement des rôles entre Oronthe et lui-même : j'ay l'avantage De te voir aujourd'huy joüer mon personnage Il suggère ironiquement qu'Oronthe a si bien réussi dans son entreprise qu'il est à présent capable de mettre en pratique ses leçons : … ton esprit rusé, Ne peut plus m'empescher d'estre desniaisé [155] Dans ce jeu des termes antithétiques, le spectateur peut entendre la jubilation que prend Ariste à démontrer le manque de clairvoyance d'Oronthe. Le faux naïf insiste alors sur ce vocabulaire de la lucidité : «  voir » : « De te voir … » puis en surenchérissant, « Et le voir d'autant mieux … ». Ariste et Olimpe, par leurs déguisements et leurs feintes, mettent ainsi en œuvre cette leçon et la donnent à méditer à Oronthe et à Climante. # Note sur la présente édition. Nous avons pris pour base le volume imprimé par Toussaint Quinet en 1648 qui se présente sous la forme suivante : 1 vol. I-I bl-IV, 161 p., in-4° I LE / DESNIAISE/ COMEDIE / A PARIS, / Chez TOUSSAINCT QUINET, au Palais, / souz la montée de Cour des Aydes / M.DC.XXXXVIII./ AVEC PRIVILEGE DU ROY. II verso blanc III Extraict du Privilege du Roy. IV Personnages 1-161 le texte de la pièce Sept exemplaires de cette édition existent dans les bibliothèques parisiennes : Bibl. Nat. Rés. Yf 523 Bibl. Nat. Rés. Yf 1978 Arsenal Rf. 6195 (1) (Recueil factice : tome II du *THEATRE DE GILLET* qui contient *L'ART DE REGNER ; LA MORT DE VALENTINIAN ET D'ISIDORE ; LA COMEDIE DE FRANCION ; LE DESNIAISE* Arsenal Bl. 3501 Mazarine 10.918 (93/2) (recueil factice du *Theatre* de Gillet qui contient *La Comedie de Francion* et *Le Desniaisé*) et 10.918 (1/2) (*Recueil de Diverses Comédies* qui contient *LE SOLIMAN ; LE DESNIAISE ; SIGISMOND, DUC DE VARSAV ; LE TRIOMPHE DES CINQ PASSIONS ; L'ART DE REGNER OU LE SAGE GOUVERNEUR)* Sainte-Geneviève Y.4°.470.inv.659.Rés Un exemplaire se trouve à Washington aux Etats-Unis : Library of Congress, PQ 1799. G37 D4 1648 PRE-1801 COLL L'exemplaire de la Bibl. Nat. comporte les erreurs suivantes : personnages    IODET                                     Ariste, Climante, Olimpe             IV, 3    v. 1169    le voir & le manger I, 2    v. 91    intellignece                IV, 4    v. 1217     promettroient     v. 94    Toy qui ne songe pas                v. 1218    LIETSTE     v. 119    avecque                        v. 1227     eucor         v. 120    avec                    IV, 5    v. 1237     os cartilage     I, 3    v. 232    levermille                    v. 1247     j'encasse v. 234    quitterent                    v. 1337    os cartilage     v. 240    fry                        v. 1351     pont du tout     v. 365    ANCRACE                    v. 1374    hontteux I, 4    v. 340    nomme                        v. 1375    qu'elle, en     v. 357    encorde    (didascalie)                v. 1385     son     v. 358    encorde    (didascalie)            IV, 6    v. 1402    daphné         v. 365    ce                        v. 1407     messieuss     v. 400    à                        v. 1008    dé II, 2    v. 452     dela                        v. 1409    gé re sol-ut     v. 454    ceu                        v. 1415     bourréee II, 3    v. 526    HRONTHE                    v. 1417     Les Flambeau II, 6    v. 629    se                        v. 1418     Le coquins v. 753    Cherisez                        v. 1453    donnes         v. 739    aise                        v. 1476    demeura III, 1    v. 804    Qu'y                    IV, 7    v. 1540    joüer III, 2    v. 859    les                    V, 1    v. 1544    Vous parties III, 3    v. 884    embas                        v. 1581    aise III, 5    v. 983    rihmes                        v. 1583     AIRISTE         v. 1006     alinéa rétabli                V, 3    v. 1633     il sont     v. 1008     Jy suis                    V, 4    v. 1762    Arrestes     v. 1017     feilles                    V, 5    v. 1796     en moment     III, 6    v. 1042    n'est-tu                    V, 6    v. 1819    Je verray            v. 1044     n'est-tu                        v. 1867    te     v. 1061    monton                    V, 8    v. 1884     n'est-tu     III, 7    v. 1088     IODLET                    v. 1888     ne la tu             v. 1115     LE CAPORALE                    v. 1909    Ne retenez IV, 1    v. 1143     Móy                        v. 1922     nos IV, 2    v. 1151     trempés                        v. 1927     ce qui                                 v. 1931     Rivat                                   Erreurs de ponctuation : I, 1    v. 8    Rome…                             v. 29    quoy                        v. 1028    allarmez ? v. 55    davantage                III, 6    v. 1072    ducats ?         I, 2     v. 92     cognoissance.                    v. 1079    ressemble ? I, 3    v. 178    mon bien                    v. 1081    point ?         v. 179    genereux.                III, 7    v. 1104    là ?             v. 183    fourbe.                        v. 1111    épaule.         v. 189    s'y resoud-il !                     v. 1113    mot ?     I, 4    v. 327    Ennius Aulegelle                    v. 1115    traistre. v. 329    Aristarque Solon                IV, 1    v. 1142    bonne…         v. 333    Anacreon Pindare                IV, 4    v. 1204    donc !         v. 335    Theophraste Lactance                v. 1218    tu,         v. 342    aimer ?                        v. 1417    …Sus II, 2 v. 501 teint à                    IV, 5    v. 1257    mal ?             v. 511    vaut…                        v. 1307    rire ?     v. 514    mal ?                        v. 1309    Phébus. II, 5    v. 573    presser.                        v. 1310    vérité ? II, 7        v. 703    balivernes ?                    v. 1348    toy ?         v. 718    nouveaux.                IV, 6    v. 1404    donnez ?                 v. 743    porte ?                    IV, 7    v. 1480    serviteur.             v. 767    destin ?                    V, 2    v. 1589     ayme ?             v. 772    ame ?                        v. 1622    embarassé. III, 1    v. 804    sent ?                        v. 1624    face ?         v. 808    s'expliquer ?                V, 4    v. 1702    peut ?                 v. 828    jamais ?                        v. 1745    plaire ? v. 833    Ariste ?                    V, 5    v. 1768    encore             v. 834    contente ?                V, 6    v. 1802    bien ?             v. 835    souspirs ?                    v. 1802    esperdu ?     v. 854    Climante ?                    v. 1856    davantage ?     III, 2    v. 860    raison ?                    V, 7    v. 1870    escoutés ?     III, 4    v. 956    matiere ?                    v. 1873    redouble ?     III, 5    v. 1006    sçavoir ?                    V, 8    v. 1890    demain ?     v. 1017    feuilles de choux                     v. 1893    elle.     v. 1022    absence d'espace entre les deux tercets        v. 1910    vicissitude ?     v. 1026    nomme.                        v. 1931    d'accord. Erreur en haut de page : DESINIAISE aux pages 108, 126, 138, 160. Erreur à la page 65 : le numéro est absent. Erreur à la page 112 mise pour 109, non rétablie ensuite. Certains exemplaires de l'édition de 1648 comportent des corrections, ce qui permet de penser qu'au moins deux tirages ont été effectués. L'exemplaire Rf. 6195 (1) de l'Arsenal corrige : I, 2    v. 91    intelligence I, 3    v. 365    Pancrace II, 3    v. 526    Oronthe IV, 1    v. 1143     Moy IV, 4    v. 1217    « promettroient » est corrigé à l'encre et fait figurer « er » au-dessus de « ro » IV, 5    v. 1385     sont V, 8    v. 1922     « nos » est corrigé à l'encre fait figurer un « v » au-dessus du « n » v. 1931    « Rivat » corrigé à l'encre et fait figurer un « V » au-dessus du « R » Les exemplaires des bibliothèques Sainte-Geneviève et Mazarine comportent les corrections suivantes : I, 3    v. 365    PANCRACE II, 3    v. 526    ORONTHE III, 7    v. 1088     Iodelet IV, 1    v. 1143     Moy Il existe quatre éditions postérieures : **1652** : LE / DESNIAISE / COMEDIE / Sur l'imprimé / A PARIS / Chez TOUSSAINT QUINET, au Palais, sous / la montée de la Cour des Aydes. / M.D.C.LII 112 p., in-8° Il existe un exemplaire de cette édition : Bibl. Nat. Yf 7138 **1658** : LE / DESNIAISE, / COMEDIE. / Imprimé A ROUEN, Et se vend / A / PARIS / Chez GUILLAUME de LUYNE / Libraire Iuré, au Palais, dans / la Salle des Merciers, / à la Justice./ M.DC.LVIII. 99 p., in-12° Il existe trois exemplaires de cette édition : Bibl. Nat. Yf 7139 Arsenal G.D 8° 8661 Sorbonne R-ra 764 Ces exemplaires comportent les modifications des vers 91, 94, 232, 240, 365, 526, 629, 753, 1006, 1017, 1042, 1061, 1088, 1115, 1143, 1151, 1217, 1227, 1337, 1351, 1385, 1407, 1415, 1417, 1418, 1544, 1633, 1796, 1883, 1888, 1922, 1927, 1931. Cet exemplaire comporte les graphies suivantes « nœuds » (v. 2), « habile » (v. 18), « Thucidide » (v. 331) « D'autant » (v. 544), « subtile » (v. 826), « zenit » (v. 922) « bigne » (v. 1390). On trouve au vers 964 « Mes poulmons perdent leurs Erynes », au vers 983 « bouts rymés » et au vers 1142 « le nom de pere ». L'accent diacritique est rétabli. **1873** : LE DESNIAISE / COMEDIE / en cinq actes et en vers / Par Gillet de la Tessonnerie / Réimpression faite sur l'édition originale de 1648 / précédée d'une notice bibliographique / NICE / J. GAY ET FILS, EDITEURS / 1873. 134 p., in-12 Bibl. Nat. Rés. Yf 4449, 4450 et 4451 Arsenal Rf. 6.200 (exemplaire n° 70) Médiathèque de Troyes (exemplaire n° 81) MIT. H. 7. 34 Ces trois exemplaires comportent de nombreuses rectifications. Sont corrigées les coquilles des vers 91, 94, 232, 240, 365, 526, 629, 652, 753, 1006, 1017, 1042, 1061, 1088, 1115, 1143, 1151, 1217, 1227, 1337, 1351, 1385, 1407, 1417, 1418, 1633, 1796, 1868, 1884. Signalons que cette édition rétablit les graphies « bonheur » (v. 60, 193, 645, 667), « bienveillance » (v. 131), « habile » (v. 18), « bientost » (v.306), « mal-aisé » (v. 500), « subtile » (v. 826), « en bas » (v.884), « voit » (v. 895), « poulmons » (v. 964), « rimés » (v. 983), « ouy dà » (v. 1448), « courroux » (v. 1651). Olympe et Lisette sont ainsi orthographiées. La scène finale est modifiée à partir du vers 1889 : LISETTE Et moi, que ferez-vous pour me rendre contente ? ARISTE (*en monstrant Jodelet* ) Va, nous te le donnons et cent escus de rente JODELET Et les frais de la nopce ? ARISTE         Ouy. JODELET                 Ce mot n'est pas fat. ARISTE (*à tous deux*) En estes-vous d'accord ? LISETTE             Ainsi soit-il JODELET                     Vivat ! **1973** : *Le Docteur Amoureux*, comédie attribuée à Molière suivi du *Déniaisé* de Gillet de La Tessonnerie. Edition critique présentée par P. LERAT, A.G NIZET, Paris, 1973. Pour une parfaite compréhension du texte, nous nous sommes livrée à quelques modifications : * – Nous avons adopté la distinction moderne entre *j* et *v* consonnes quand le texte classique conserve *i* et *u* voyelles. * – Nous avons supprimé le tilde, signe de la nasalisation, et rétabli la consonne nasale. * – Nous avons ajouté l'accent diacritique sur *où* relatif (v. 9, 209, 364, 431, 440, 462, 564, 584, 978, 1035, 1091, 1378, 1545) et *à* préposition (v. 996, 1306, 1548, 1672, 1916) et nous l'avons supprimé sur *a* auxiliaire (v. 825, 1504). Mais nous avons conservé toute autre accentuation du texte figurant dans l'édition de 1648. La présence ou l'absence de l'accent ne suivent donc pas les règles du français moderne. * – Nous avons aussi rétabli la graphie *ss* lorsqu'elle était marquée par le β et *s* marqué par *ƒ*. Nous avons respecté la ponctuation du texte sauf si celle-ci nous paraissait erronée. Rappelons qu'au XVII*e* siècle, la ponctuation signale l'oralité du texte. La virgule marque ainsi un court temps d'arrêt, le point virgule et le double point indiquent une pause plus longue. Les points d'interrogation et d'exclamation correspondent plus à des points d'intonation qu'à de véritables propositions interrogatives ou exclamatives, ce qui explique la liste importante des corrections relatives à la ponctuation. Signalons enfin que l'orthographe n'étant pas encore fixée au XVII*e* siècle, on trouve des graphies fluctuantes pour plusieurs mots que nous signalons en note. Ces modifications orthographiques concernent aussi les noms des personnages : on trouve Oronthe et Oronte (v. 72, 87), Olimpe et Olympe (v. 54, 79, 98, 103, 118, 129, 147, 1395), Lisette et Lizette (v. 596, 773). La comédie est écrite en alexandrins à rimes plates et comprend deux passages présentant des formes différentes. A la scène 4 de l'acte II, Pancrace se livre à la déclamation de stances des vers 913 à 967 : cinq strophes de onze octosyllabes à rimes embrassées. C'est à cette occasion que se produit le décalage entre vers pair et vers impair, l'auteur faisant redémarrer la scène 5 par une réplique d'Ariste se terminant sur une rime féminine d'un vers pair, ce qui entraîne jusqu'à la fin du texte le complément de la rime en vers impair. La pièce compte donc 1931 vers. A la scène 5 de l'acte II, Ariste déclame sa lettre en forme de sonnet, en alexandrins à rimes croisées pour les quatrains et à rimes embrassées pour le sizain. Il faut noter ici la rupture locale d'alternance entre rimes masculines et féminines aux vers 1011 et 1012 qui présentent une succession de deux rimes féminines. Un glossaire, situé à la fin de l'ouvrage, permet d'expliciter un terme dont le sens a changé ou a disparu. Un astérisque rappelle les occurrences du mot dans la pièce. Nous signalons en note le sens des termes appartenant à un domaine lexical spécifique ainsi que le sens des expressions. Nous renvoyons aussi par ce signe ° aux références que font les personnages à la mythologie. Les traductions des auteurs de langue anglaise et italienne ont été faites par nos soins. # LE DESNIAISÉ COMÉDIE. ## Extraict du Privilege du Roy. Par grace & privilege du Roy donné à Paris le 9. Mars 1647 signé, Par le Roy en son Conseil, Le Brun. Il est permis à Toussainct Quinet Marchand Libraire à Paris, d'imprimer, ou faire imprimer un livre intitulé *Le Desniaisé* *Comédie*, durant le temps de sept ans, à compter du jour que ledit livre sera achevé d'imprimer. Et deffences sont faictes à tous Imprimeurs & Libraires de l'imprimer, vendre & distribuer d'autre impression que de celle dudit Quinet, à peine de trois mil livres d'amende, confisquation des exem- plaires, & de tous despens, dommages & interests, ainsi qu'il est plus amplement porté par lesdites Lettres. *Achevé d'imprimer pour la premiere fois le 28 May 1648.* Les exemplaires ont esté fournis. ## PERSONNAGES. – ARISTE,est le Desniaisé, [156] Amant d'Olimpe. – CLIMANTE,celuy qui veut joüer Ariste, Olimpe. [157] – ORONTHE,mary pretendu d'Olimpe. – JODELET,valet d'Ariste. – PANCRACE,Intendant d'Oronthe amoureux de Lisette. – OLIMPE,fille de Provence enlevee par Oronthe. – LISETTE,servante d'Olimpe amoureuse de Jodelet. – UN EXEMPT. – UN VIEL CAPORAL. – I. VIOLON. – 2. VIOLON. – 3. VIOLON. – Troupe de Violons, – Troupe d'Archers, La Scene est à Paris devant la maison d'Oronthe [158]. ## ACTE I. ### SCENE PREMIERE. ARISTE, CLIMANTE, JODELET [159]. CLIMANTE *regardant Ariste jusques aux pieds.*. Certes, c'est rencherir dessus les plus galans, Cette confusion de neuds & de rubans, Ne tesmoignent que trop ce dont aucun ne doûte Qu'un amant est prodigue, & que rien ne luy coûte. ARISTE *respondant d'un air ingenu.*. Vous me raillez tousjours … CLIMANTE.         Que vos gands sentent bon ! Est-ce de Martial ou Frangipanne [160] ? ARISTE.         Non, Ce sont des peaux d'Espagne, CLIMANTE.         Elles en sont plus cheres. ARISTE. L'Ambassadeur pourtant m'en donna deux cens paires CLIMANTE. Dans Rome ? ARISTE.     Point du tout, CLIMANTE.     Où donc ? ARISTE.         Dedans Paris. CLIMANTE. Ne vous estonnez pas cher amy si je ris, Estoit-ce depuis peu ? ARISTE.         La sepmaine passée. CLIMANTE. Vostre langue à ce coup precede la pensee, Et vous n'y songiez pas en me parlant ainsi. ARISTE. Pourquoy ? CLIMANTE.         D'Ambassadeur il n'en vient point icy, Et l'Espagne, ARISTE.         Ah ! voyez à quoy je me hazarde, J'en aurois dit autant, CLIMANTE.         Au moins prenez y garde, Il fait bon d'en donner, mais c'est un grand malheur [161] Quelque habille [162] qu'on soit de passer pour hableur⁎, Si lors qu'on s'introduit dedans les compagnies, On ne concerte bien toutes ses menteries⁎, Et si l'on n'a l'esprit de les faire avoüer, Ce n'est qu'un beau talent pour se faire joüer. Pour moy qui comme vous en revenant de Rome, Par tout où je pouvois en donnois en jeune homme, Et voulois tout risquer pour faire le plaisant, Je recognois fort bien mes foibles⁎ à present : Et puis en me voyant dans un autre moy-mesme Vous tirer aujourd'huy d'un embaras extréme. ARISTE. Mais quoy ! vous me disiez qu'on peut parfois mentir. CLIMANTE. Ouy, mais il faut avoir l'adresse d'en sortir. ARISTE. Combien un honneste homme en ses galanteries, Peut-il de fois par jour donner des menteries⁎ ? CLIMANTE. Il faut selon les gens regler la quantité, Apprendre leur humeur, sçavoir leur qualité ; Mais lors que vous voudrez donner quelque cassade⁎, Consultez-moy devant⁎ pour regler la boutade, Le feu que vous avez a besoin de leçon Apres vous hablerez⁎ de la bonne façon : En voulez-vous donner ? [163] ARISTE.         L'affaire est devinée. Je voudrois bien mentir, CLIMANTE.     Quand ? ARISTE.     Cette apresdinée [164]. CLIMANTE.         Où ? ARISTE. Chez le rare objet⁎ dont mes sens sont charmez⁎. CLIMANTE. Je m'y rendray tantost… ARISTE.         Au moings [165] si vous m'aimez, CLIMANTE. Ah ! que vous estes bien auprés de cette belle. ARISTE. Je vous dois les faveurs que je recevray d'elle, Et de quelque progrez dont je me sois flaté, J'en dois remercier vostre dextérité. CLIMANTE. Il faut quand vous trouvez parfois l'heure oportune, Luy vanter en passant quelque bonne fortune. ARISTE. Qui pourroit reüssir sans ces enseignemens ? CLIMANTE. Nous en avons besoin dans les commencemens, Quoy qu'on sçache beaucoup on doit apprendre encore, Mais dedans les ardeurs du feu qui vous devore, Ne m'advoürez-vous pas que vous estes icy, Estant absent d'Olympe avec un grand soucy [166], Je m'en vay la querir : en faut-il davantage ? ARISTE. Ah ! c'est trop m'obliger. ### SCENE II. ARISTE, JODELET. ARISTE.         Le galand personnage ! Il croit trouver sa duppe, JODELET.         Ah ! le plaisant falot⁎. ARISTE. Il faut tout endurer, & ne luy dire mot, Il n'est pas encor [167] temps de luy faire nos plaintes, Et puis que mon bon-heur [168] consiste dans ces feintes, Il faut passer plus outre, & faisant l'ingenu, Me maintenir au poinct où je suis parvenu, Donc, mon cher Jodelet, respons à mon attente, Et ne dédaigne point cette adroitte suivante, Qui servant [169] d'un argus° à ma divinité     Alors qu'elle te suit nous laisse en liberté Ses sanglots font pitié… JODELET.         Monsieur, c'est qu'elle tousse. ARISTE. Mais… JODELET.         Quand vous le voudrez je la rendray plus douce Et plus souple cent fois qu'un gand de chevrotin⁎, ARISTE. Tu l'entens, Jodelet, JODELET *porte le doigt à sa bouche.*.         Je suis un faux matin [170], Sans moy dans vos amours vous auriez votre compte [171], Car Lisette m'a dit que l'Intendant d'Oronte Sans elle nous alloit envoyer à vaux l'eau [172], Mais que de quelque espoir flattant le jouvenceau Elle avoit empesché qu'on nous envoya paistre. ARISTE. Mais ce n'est qu'un resveur, JODELET.         Il est creu de son maistre Qui le tient fort sçavant, & le croit fort discret, Mais de Climante aussi dites moy le secret, Aimeroit-il Olympe ? ARISTE.         Oüy, Jodelet, il l'aime Pour elle son amour passe jusqu'à l'extréme, Et j'ay bien reconnu qu'il trouve les moyens D'expliquer ses desirs en debitant les miens. JODELET. Qu'a cela de commun au feu qui vous consomme⁎ De vous faire introduire à titre de jeune homme, Et pourquoy ne peut-il haranguer ses amours Sans vous faire parler & chercher ces destours ? ARISTE. Tu sçais bien que d'Oronte elle fut enlevée Que par tout de ce lasche on la voit observée, Et qu'en fin [173] ce jaloux l'ayant en son pouvoir Sans sa permission l'on ne la sçauroit voir. JODELET. Mais d'où vient que Climante est de l'intelligence, Et comme [174] a-t'il si tost fait cette cognoissance ? ARISTE. Tu peux t'en estonner avec juste raison, Toy qui ne songes pas qu'il loge en leur maison. JODELET. Mais comment a-t'il fait pendant ce grand voyage, Qu'il n'a pû la contraindre au moins au mariage ? Que luy peut dire Olympe, & comment, & pourquoy ? ARISTE. Ce secret est encor trop raffiné pour toy. JODELET. Climante donc… ARISTE.         Croyant joüer d'un tour d'adresse, Et m'ayant mené voir cette belle maistresse, Me traittant d'innocent auprés de ce jaloux, Luy dit qu'ils en auroient un plaisir assez doux, Pourveu qu'Olympe sceut railler, & se contraindre, Escoutant des souspirs qui n'estoient pas à craindre. Qu'on en pourroit tirer des divertissemens Qui leur feroient passer d'agreables momens, Que je leur donnerois concerts & serenades, Comedie & balets, festins & promenades. JODELET. Mais en si peu de temps vous vouloir tant de bien, Elle estant Provençalle, & vous Parisien. ARISTE. Quand l'amant est voisin de la personne aymée Une forte habitude est aisément formée. JODELET. Mais Oronthe l'aymant, & mesme estant jaloux, Comment s'acroche [175]-t'il de Climante & de vous ? ARISTE. Il croit qu'estant trop fat⁎ je ne luy sçaurois nuire. JODELET. Mais de Climante… ARISTE.         Il croit qu'il ne veut m'introduire Que pour rire avec eux des cadeaux⁎ que je fais, Puis il veut divertir Olympe à peu de frais, Et treuve qu'elle vit avec plus de franchise Depuis qu'il l'aprivoise avecque [176] ma sotise, Que sa colere passe, & qu'il peut l'adoucir. JODELET. Climante ce pendant⁎… ARISTE.         Croit fort bien reüssir, Et ne pouvant souvent entretenir la belle Se croyant le plus fin est d'accord avec elle, Que ce qu'elle dira pour flatter mon ennuy⁎ Soit [177] en secret ou non, doit s'adresser à luy. JODELET. Il se tient donc heureux alors qu'elle vous aime. ARISTE. Sans doute… JODELET.         Si bien donc qu'il est le fat⁎ luy-mesme. ARISTE. Ouy, car ma chere Olympe ayant bien reconnu Que pour son seul sujet, je faisois l'ingenu, Et m'ayant honoré de quelque bien-veillance M'a dit qu'il pretendoit me joüer d'importance, Et se servir de moy pour tromper son jaloux, Et pour estre plus libre. JODELET.     Ah, par la mort ! ARISTE.         Tout doux. JODELET. Ah ;  Monsieur, permettez que ma lame enroüillée Soit teinte de son sang. ARISTE.         Elle en seroit soüillée ; Garde bien le secret, & tais toy, JODELET.         Mais au moins Souffrez⁎ qu'avecque luy je fasse à coups de poings, Et que de ces cinq doigts plus pesans qu'une meule Je luy casse le nez ou luy paume [178] la gueule ARISTE. Je me vangeray bien sans exposer tes jours JODELET *faisant le grave.*. Qu'il aille vous railler au Royaume des sourds, ARISTE. Va, va, conserve toy pour ta chere Lisette, JODELET. Ah ! je ne puis aimer cette jeune Choüette, Je suis inexorable, ARISTE.         Est-il vray, Jodelet, Elle est pourtant passable. JODELET.         Ah ! je suis son valet [179]. ARISTE. Mais voicy mon Olympe, ah, divine merveille ! ### SCENE III. ARISTE, CLIMANTE, ORONTHE, OLIMPE, PANCRACE, JODELET, & LISETTE. CLIMANTE. Pour un amy qui dort toûjours quelqu'autre veille Rendez graces au soin que j'ay pris d'amener  Cette rare beauté qui se vient promener. ARISTE. Je ne sçaurois payer de si puissantes [180] debtes ; Mais Climante achevez le bien que vous me faites, Et m'ayant approché de ce bel œil vainqueur, Adoucissez un peu son extréme rigueur. CLIMANTE. Oronthe le fera, j'en ay quelque asseurance, Et puisque cette belle est dessous sa puissance, Et qu'il est son espoux, vous reconnoistrez bien Qu'en la priant pour vous il n'espargnera rien. OLIMPE. Oronthe le voulant je vous suis tout acquise. ARISTE. De grace donc, Monsieur, excusez la franchise, Et treuvez bon qu'icy j'ose vous supplier, En la priant pour moy de ne rien oublier, Je ne demande pas d'entrer dedans sa couche, De prendre des baisers sur cette belle bouche, Et d'obtenir un bien aussi cher que le jour ; Je voudrois seulement qu'elle sceut mon amour ; Et forcer ces beaux yeux de remarquer la flame Qu'avecque vostre adveu j'allumay dans mon ame. OLIMPE *à ORONTHE*. O qu'il est ingenu ! ORONTHE.         Monsieur, il ne faut pas La forcer pour souffrir⁎ un objet⁎ plein d'appas⁎,     Et toute sa rigueur ne consistant qu'en mine, Sans doute elle vous aime, & fait icy la fine. OLIMPE *d'un air gay.*. Vous pensez-vous railler, mais… ORONTHE.         J'en suis peu jaloux, Vous l'aimez… OLIMPE.     Il est vray. ORONTHE.     Tout de bon, OLIMPE.         Plus que vous. ORONTHE. Quelqu'autre se pendroit apres cette parole. OLIMPE *en riant.*. Que ne le faites vous ? ORONTHE.         Un seul point me console C'est que Monsieur est sage, & n'entreprendra rien En cette occasion qui ne soit pour mon bien. Comme il est genereux, CLIMANTE.         Il faut tout dire, Oronthe, Ne vous y fiez [181] pas, vous auriez vostre compte, Il n'est dans ses amours genereux qu'à demy, Autrefois il aimoit la femme d'un amy. ARISTE *comme voulant le faire taire.*. Au moins… ORONTHE *à ARISTE*.     Serez vous fourbe ? ARISTE.         Il vous en fait accroire⁎. CLIMANTE *en particulier à Ariste.*. N'en faites point le fin, & comptez leur l'histoire, Quand Oronthe sçaura que vous aimez ailleurs, Il en aura pour vous des sentimens meilleurs, Et vous l'exempterez de cette jalousie, Qui peut estre pourroit troubler sa fantaisie⁎. ORONTHE. Hé bien, s'y resoud-il ? ARISTE.         Je veux ce qu'il vous plaist, ORONTHE. Mais au moins dites nous la chose comme elle est. ARISTE. Si je vous ments d'un mot que le Ciel m'extermine ; Estant donc amoureux d'une jeune voisine Dont le mary jaloux me souffroit⁎ par bon-heur, Et ne voyoit que moy de tous les gens d'honneur, Je pouvois à mon gré voir cet Ange visible, Mais de l'entretenir il m'estoit impossible, Car en fin ce mary ne me quittant jamais Me suivoit au manege, au tripot, au Palais, En affaire, en emplette, à la campagne, en ville, Encore⁎ que par tout je luy fusse inutile ; Si j'allois promener le bon homme y venoit ; Si je gardois la chambre, alors il s'y tenoit. PANCRACE *bas.*. Ce zele est paradoxe & ces soins incommodes. JODELET. Monsieur que n'alliez vous pour voir aux antipodes, ARISTE. Tais-toy. JODELET.         Les bons vieillards ne sont jamais meschans. ARISTE. Un soir prenant le frais en sa maison des champs Sur le bord d'un estang nous vismes cette belle Qui sautta tout d'un coup dedans une nascelle, Où [182] craignant pour ses jours de tristes⁎ accidens Presque tout aussi tost je me jettay dedans Quand le mary pour rire en ayant pris la corde Se vantoit de nous voir à sa misericorde [183], Qu'il nous feroit noyer, mais l'amour le trompa, Et de ces foibles mains la corde s'eschappa ; Lors insensiblement les vagues se friserent, Le vent se redoubla, les ondes nous pousserent, Et les jeunes zéphirs° des lieux des environs Y vindrent nous servir de rame & d'avirons : Mille amoureux oiseaux par leur batement d'aisle Faisoient un petit vent qui poussoit la nascelle, Et flatant de leur bec la surface des eaux Nous pousserent en fin en un fort [184] de roseaux ; Où du monstre jaloux les ardentes⁎ prunelles Ne pûrent éclairer [185] ce miracle des belles, Là pleins d'un beau desir qu'on ne peut exprimer Tout rioit à nos yeux, & tout parloit d'aimer. PANCRACE *bas.*. Cet homme a leu les Grecs, & possede les fables. OLIMPE. N'a-t'il pas des moments qui sont assez passables ? ORONTHE. Tous les fols font ainsi pour se mettre en credit. CLIMANTE. Dites qu'il sçait par cœur l'histoire qu'il vous dit. ARISTE. Entrant comme en triomphe en ces palais humides Nous en fismes lever mille Nimphes° timides, Qui fuyant par respect autant que par amour Pour nous quitter [186] leur lit, changerent de sejour. JODELET. Ah ! Monsieur, de regret encor je m'en chagrine, Les Nimphes° en fuyant craignoient nostre cuisine, Et se doutoient fort bien qu'en ne s'enfuyant pas Elles rencontreroient leurs tombeaux dans nos plats. ARISTE. Que dit cet insolent ? JODELET.         Que ces Nimphes° volages N'estoient foy de pieton⁎ que des canards sauvages Que vous sceutes du lit si bien effaroucher Que jamais du depuis [187] ils n'y vindrent coucher. ARISTE. Sors [188]. Alors le jaloux par des cris lamentables Faisoit hurler l'Echo° de ces lieux delectables, Et d'un torrent de pleurs ayant grossy les eaux, Croyoit voir des esprits à travers des roseaux Qui voulans nous traisner sur les rivages sombres Avoient desja compté nos corps au rang des ombres, Ce pendant⁎ possedez par des transports divins Ma bouche s'exppliquoit dessus ses belles mains, Et par de longs regards pris & rendus sans nombre Nous goustions des plaisirs qui n'avoient rien de l'ombre ; Et qui faisoient sçavoir à mon cœur enflamé, Que le souverain bien est de se voir aimé. O charmante beauté qu'estes vous devenuë, En vous croyant vanger je vous ay donc perduë ? Mais malgré la prison où vous tient un jaloux, Du cœur & de l'esprit je suis auprés de vous ! Charmé de vos beaux yeux je les croy voir encore, Soit absente, ou presente, en fin je vous adore, Et jusques à l'instant que je dois expirer, Soit absent ou present je vous veux adorer. J'aime sans interest, & ma plus grande envie N'est que de vous servir, aux despens de ma vie, Et de treuver moyen de vous tirer des mains Et des pieges trompeurs du pire des humains. OLIMPE. En fin vous m'oubliez en vous souvenant d'elle. ARISTE. Je devois ces souspirs à ma flame fidelle : Et vous me haïriez si j'estois inconstant, Et croiriez que pour vous j'en pourrois faire autant. ORONTHE. Madame, appaisez-vous, & cachez vostre haine, L'Apostrophe est plaisant, estant de longue haleine, Et vous nous priverez d'un entretien fort doux, Si Monsieur le retranche, & se contraint pour vous. CLIMANTE. En vain vous redoutez qu'il se veuille contraindre Pour l'Empire du monde, il ne pourroit pas feindre : Et si par la franchise on se rend criminel, Il est vain de son crime, & voudra mourir tel. ARISTE *à CLIMANTE*. Amy, pourquoy dis-tu'que je ne sçay pas feindre ? Helas ! combien de fois m'as-tu veu me contreindre ? Quand voyant cet objet⁎ sousrire à son jaloux, Je voulois, & n'osois luy dire, arrestez-vous ; Contraignant les ardeurs de mon amour extreme, J'ay cent fois esté prest de dire, je vous aime : Mais tout prest de parler je me suis retenu, Et si bien deguisé, qu'ils ne m'ont pas connu. OLIMPE *à CLIMANTE*. Il est fin, CLIMANTE.         Tout de bon c'estoit le méconnoistre : Voyez-vous, il est fourbe autant qui le faut estre. OLIMPE. Je ne m'y fieray pas, ORONTHE.         Ma foy vous ferez bien. ARISTE. Quoy qu'ils puissent vous dire il ne faut craindre rien Si je vous aimois moins je cacherois la flame Que je veux qui s'exhalle en vous ouvrant mon ame, Et je l'augmenterois en voulant retenir Quelques mourans souspirs qui sont prest de finir. ORONTHE. En tout cas vous pourrez en aimer deux ensemble, Un inconstant … ARISTE.         Je suis autre qu'il ne vous semble. ORONTHE. Mais vous disiez tantost que jusques au tombeau Vous vouliez adorer un chef d'œuvre si beau. ARISTE. Je l'ay dit, & de vray, je mets toute ma gloire, D'en adorer l'esprit, d'en cherir la memoire, Et d'oster à l'amour le nom de passion, Alors qu'il perd l'espoir de la possession. OLIMPE. Cet accommodement est assez difficile. ORONTHE. Pour faire encore plus il n'est que trop habile ; Mais qu'il explique ARISTE.         En vain je voudrois m'en piquer, Je perdrois bien-tost terre en voulant m'expliquer ; Je conçois assez bien les choses qu'il faut dire, Mais pour les esclaircir ce m'est un grand martyre. LISETTE. Monsieur on a servy. ORONTHE.         Nostre disner cessé Vous nous acheverez le recit commencé, Et nous ferez sçavoir d'où vint vostre disgrace. ### SCENE IV. JODELET, PANCRACE. JODELET. Tandis qu'ils vont disner [189], un petit mot, Pancrace, Dirois-tu qu'une fille eust de l'amour pour moy ? PANCRACE. C'est qu'elle a reconnu quelques appas⁎ en toy. JODELET. Qu'est-ce que des appas⁎, est-ce une belle chose ? PANCRACE. C'est le visible effet d'une agreable cause, C'est un enthousiasme [190], un puissant attractif, Qui rend individus le passif & l'actif [191], Et qui de nos esprits, domptant la tyrannie⁎, Forme le plus farouche au goust de son genie. JODELET. Je m'en estois douté, mais PANCRACE.         Les doutes sont grans Pour definir s'il est des appas⁎ differens. Pythagore, Zenon, Aristote, Socrates, Philostrate, Bias, Eschille, Zenocrates, Aristippe, Plutarque, Isocrates, Platon, Demosthene, Luculle, Hesiode, Caton, Esope, Eusebe, Erasme, Ennius, Aulegelle, Epictete, Cardan, Boëce, Columelle, Menandre, Scaliger, Aristarque, Solon, Homere, Buchanan, Polybe, Ciceron, Ausone, Lucian, Xenophon, Teucidide, Diogenes, Tibulle, Appian, Aristide, Anacreon, Pindare, Horace, Martial, Plaute, Ovide, Lucain, Catulle, Juvenal. Carneade, Sapho, Theopraste, Lactance, Sophocles & Seneque, Euripide & Terence, Crisippe, [192] JODELET.         A quel besoin nommer tous ces demons ? PANCRACE. C'est des Dieux des sçavans dont [193] je t'ay dit les noms, Et j'en ay mille encor que manque de memoire, JODELET. Ah ! ne m'en nomme plus, je suis prest à te croire. PANCRACE. Donc tous ces vieux sçavans n'ont pû nous exprimer, D'où vient cet ascendant qui nous force d'aimer ! Les uns disent que c'est un vif esclair de flame, Qu'un estre independant alluma dans nostre ame, Et qui fait son effet mal-gré nostre pouvoir Quand il treuve un objet⁎ propre à le recevoir. JODELET. Les autres … PANCRACE.         Esclairez d'une moindre lumiere Enveloppent sa force au sein de la matiere, Et nomment un instinct ce premier mouvement Qui nous frappe d'abord avec aveuglement, Et qui prenant du temps des forces suffisantes En forme dans le sens des images pressantes, Qui n'en font le rapport à notre entendement Qu'aprés s'estre engagé sans son consentement. JODELET *levant la main pour parler.*. Ainsi donc … PANCRACE *l'interrompant.*.         Nous perdrions [194] le droict du libre arbitre⁎ JODELET *veut parler.*. Mais … PANCRACE.         Il n'est point de mais, c'est nostre plus beau titre. JODELET *encor de mesme.*. Quoy … PANCRACE.         C'est parler en vain, l'ame a sa volonté. JODELET *encor de mesme.*. Il est vray … PANCRACE.         Nous naissons en pleine liberté. JODELET *voulant parler.*. C'est sans doute … PANCRACE.         Autrement nostre essence est mortelle. JODELET *voulant parler.*. D'effet … PANCRACE.         Et nous n'aurions qu'une ame naturelle. JODELET. Bon … PANCRACE.         C'est le sentiment que nous devons avoir. JODELET. Donc … PANCRACE.         C'est la verité que nous devons sçavoir. JODELET. Un mot … PANCRACE.         Quoy, voudrois-tu des ames radicales Où [195] l'operation [196] pareille aux animales. JODELET *en luy voulant fermer la bouche.*. Je voudrois te casser la gueule, PANCRACE *en se desbarassant* [197].         On a grand tort De vouloir que l'esprit s'esteigne par la mort, Il faut pour en avoir l'entière connoissance, Sçavoir que l'ame vient d'une immortelle essence, Et qu'en nous animant il est tout évident Qu'elle est une substance & non un accident, Ayant des attributs du maistre du tonnerre, Elle n'est pas de feu, d'air, d'eau, ny moins de terre, Ny le temperament des quatre qualitez Qui renferme dans soy tant de diversitez. JODELET *s'appreste à parler.*. En fin PANCRACE.         Les mineraux produits d'air & de flame Ont un temperament, mais ce n'est pas une ame. L'ame est encore plus que n'est le mouvement, Plusieurs choses en ont sans avoir sentiment, Et qui sur les objets agissent avecque force D'un arbre mort, le fruict, ou la feuille, ou l'escorce, Donnent à nos humeurs un secret mouvement, L'ambre attire des corps, ainsi que fait l'aimant. JODELET *lassé.*. Ah ! PANCRACE.         L'ame n'est donc pas cette aveugle puissance Qui se meut ou qui fait mouvoir sans connoissance. JODELET *jettant son chapeau à terre.*. J'enrage, PANCRACE.         Elle n'est pas le sang, comme on a dit. JODELET *en le regardant de colere⁎.*. Parlera-t'il tousjours ? mais, PANCRACE.         Ce mais m'estourdit. JODELET *fermant les poings.*. Peste. PANCRACE.         Nous pouvons voir des choses animées, Qui sans avoir de sang avoient esté formées [198]. Il est des animaux qui n'en respandent pas Apres le coup fatal qui cause leur trespas. L'ame n'est pas aussi [199] l'acte ny l'energie, C'est au corps qu'appartient le mot d'entelechie [200]. JODELET. Hola : PANCRACE.         Preste l'oreille à mes solutions, L'ame n'ayant donc point ces definitions Pour te faire sçavoir comme elle est immortelle. Escoute les vertus qui subsistent en elle, Par un divin génie, & des ressorts divers Trois ames font mouvoir tout ce grand univers : Aux plantes seulement est la vegetative, La sensitive au corps, l'ame a l'intellective, Et donne l'existence aux deux qu'elle comprend Ainsi qu'un petit nombre est compris au plus grand. Des trois, la corruptible est jointe à la matiere, La seconde approchant de sa clarté premiere Agit dans les demons sans commerce des corps ; Et la troisiesme en fin par de divins efforts Pour faire un composé sceut renfermer en elle La nature divine avecque la mortelle, Aussi l'ame à l'arbitre⁎. JODELET.         Ah ! c'est trop arbitré Au diable le moment que [201] je t'ay rencontré. PANCRACE. Au diable le pendart⁎ qui ne veut rien apprendre. JODELET. Au diable les sçavans, & qui les peut comprendre. PANCRACE. Va, si tu m'y retiens on y verra beau bruit [202], Mais … JODELET.         Encor me parler, bon soir & bonne nuit. Fin du premier Acte. ## ACTE II. ### SCENE PREMIERE. ARISTE, OLIMPE. ARISTE. Madame, j'ay donné le pacquet à Leonce [203], Qui dans peu par la poste apportera réponce ; Et quand de vos parens l'ordre sera venu, Je me feray connoistre à qui m'a mesconnu, Et vangeray l'affront que vous fait un infame [204] Qui vous contraint par force à vous dire sa fâme. OLIMPE. Attendez donc ce temps, & faites comme moy, Pour destourner le cours des maux que je prevoy, Si je n'eusse donné quelque vaine esperance A celuy qui m'enleve avecque violence, Il auroit hazardé par de derniers efforts                34 De me ravir aussi le plus beau des tresors, L'honneur qui m'est cent fois bien plus cher que la vie, Mais en luy prometant de plaire à son envie, Par ces destours adroits j'ay treuvé les moyens De retourner bien-tost entre les bras des miens, Et de sauver l'honneur où je devois tout craindre. ARISTE. Sa mort … OLIMPE.         Ah ! sur ce poinct taschez de vous contraindre En m'ostant de ses mains, c'est le punir assez, Et vous devez songer si vous me cherissez, Que les soins qu'il a pris pour m'avoir conservée Meritent le pardon de m'avoir enlevée. ARISTE. Pour nous vanger tous deux j'immoleray ses jours. OLIMPE. Me pouvez-vous aimer & tenir ce discours. ARISTE. Une si longue feinte est une ardente⁎ preuve De l'estat miserable où mon ame se treuve : Et tant de veritez se doivent appuyer Par les divers affronts qu'il me faut essuyer. OLIMPE. Il faut donner au temps ces lasches deferences⁎ Qu'il exige de nous pour finir nos souffrances. ARISTE. Aussi vous me verrez d'un esprit resigné Satisfait, & confus, content & desdaigné. Mais je crois voir venir Oronthe avec Climante. ARISTE. Evitons leur rencontre elle est trop deplaisante, Comme en nous promenant marchons negligemment, Nous reviendrons… ### SCENE II. CLIMANTE, ORONTHE. ORONTHE.         Olimpe en rit à tout moment, Mais qui croiroit jamais une telle innocence ? CLIMANTE. Elle passe au delà de toute la creance⁎. ORONTHE. En fin vous connoissez l'esprit du pelerin [205] : CLIMANTE. Je ne l'aurois pas cru, ny si sot, ny si vain. ORONTHE. Mais fust-il encor pis, Olimpe le desire, Et treuve en le joüant tant de sujets de rire, Qu'elle est de belle humeur à le voir seulement ! Ce qui pour l'adoucir me sert infiniment. CLIMANTE. Mais il faut luy joüer des pieces d'importance Pour luy donner plaisir de son extravagance⁎. ORONTHE. Il m'est venu treuver dedans le cabinet, Où nous entretenant des graces du Sonnet, Par des galimathias⁎ d'une assez longue haleine Il m'a voulu produire un effort de sa veine ; De qui les meilleurs vers sont pleins de mauvais mots Et de raisonnemens ridicules & sots. Pour, je me resouviens, il met je me recorde, [206] Et rime halebarde⁎ avec misericorde, Les voyelles chez luy sont en confusion, Il dit que l'on s'en sert dedans l'illusion Comme dans la ceruse [207] & dedans le mystique, Sans que ce soit alors licence poëtique. Mais en fin le meilleur est qu'il m'a conjuré De luy faire des vers pour un desesperé ; Qui peut voir tous les jours le sujet de sa flame Sans luy pouvoir parler des troubles de son ame. Par ce que d'un jaloux les regards odieux, Comme ceux d'un Argus° l'esclairent en tous lieux. Puis croyant reparer ce discours ridicule, Et m'oster tout sujet d'avoir aucun scrupule, Il m'a deux ou trois fois juré dessus sa foy Que ce mot de jaloux n'estoit pas dit pour moy, Qu'Olimpe n'estoit pas le sujet de sa rime, Et qu'il n'avoit pour elle autre amour que l'estime. CLIMANTE. Mais qu'avez vous promis ? ORONTHE.         Pour nous joüer de luy, J'ay promis de luy faire une Stance aujourd'huy, Ce pendant je ne sçay si je tiendray parole ; Mais vous en sçavez faire, & cela me console. CLIMANTE. Les vers me coustent trop, & je veux desormais, Hors pour un bel objet⁎ n'en escrire jamais. ORONTHE. Si les seules beautez eschauffent vostre muse, Vous ne pourrez treuver de legitime excuse, Olimpe pour qui c'est ne manque point d'appas⁎. CLIMANTE *bas la moitié du vers.*. Feignons, elle en a trop. Mais je ne l'aime pas. ORONTHE. Puis qu'il faut vous resoudre à prendre cette peine, Et qu'amour seul a droict d'animer vostre veine, Croyez pour m'obliger en cette occasion Qu'Olimpe est le subjet de vostre affection ; Pensez à ces beaux yeux, conservez en l'image. CLIMANTE *bas.*. Il est bien mal-aisé d'y penser davantage. ORONTHE. Songez à son beau teint, à son esprit charmant, A sa taille, à son port. CLIMANTE *bas.*.         J'y songe à tout moment. ORONTHE. Ayant devant les yeux un si parfaict modelle, Vous nous ferez au moins une Stance assez belle, Et quand devant Olimpe Ariste les dira, C'est pour moy seulement que le fat⁎ parlera. CLIMANTE *bas.*. Ou plustot pour moy seul. ORONTHE.         S'il n'estoit necessaire Que d'escrire à Bordeaux [208], que par l'autre ordinaire, Je vous espargnerois la peine de rîmer, Et de feindre qu'Olimpe auroit pû vous charmer⁎. CLIMANTE. Je sçay ce qu'elle vaut. ORONTHE.         C'est un astre visible. CLIMANTE. Vous parlez en amant. ORONTHE.         Et vous en insensible. CLIMANTE. J'ay des yeux qui sont bons, & connois ses appas⁎. ORONTHE. Vous les connoissez mal ! CLIMANTE.         Vous ne m'entendez pas. Et ne comprenez point de quel air je l'honore. ORONTHE. C'est peu que l'honorer, il faut que l'on l'adore. CLIMANTE. M'en deussiez vous haïr, je puis vous asseurer, De ne dire jamais que je veux l'adorer. Sçachons plustôt comment je feray mon ouvrage. ORONTHE. Mais la voicy qui vient avec le personnage. ### SCENE III. CLIMANTE, ORONTHE, OLIMPE, ARISTE. ORONTHE. Vous trouver sans Lisette, & de plus avec luy ? OLIMPE *d'un air enjoüé.*. Je voudrois y pouvoir estre tout aujourd'huy En est-ce assez ? ORONTHE.         C'est trop ; mais dans la promenade, De quoy [209] vous parloit-il ? OLIMPE.         De donner serenade. ORONTHE. Quand ? ARISTE.     Un de ces matins. ORONTHE.     Sans faute ? ARISTE.         C'en est fait. ORONTHE. S'il n'a dit que cela, je reste satisfait ; Mais il a l'autre jour promis la Comedie, Et ne s'en souvient plus, il faut que je le die. ARISTE. Ne taschez point par là de me perdre d'honneur, Je m'en dois souvenir si j'en fais mon bon-heur Si vous voulez demain venir voir Rodogune [210]; Les vers en sont fort beaux, l'intrigue peu commune, Et sur tout cette mere a de grands mouvemens. OLIMPE. Encor dites nous en quelques beaux sentiments. ARISTE. Il ne m'en souvient plus. OLIMPE.     Mais encore ? ORONTHE.         De grace. ARISTE. Je sçay bien qu'elle dit mes enfants prenez place [211]. ORONTHE. Au moins je la veux voir & Pancrace avec moy ARISTE. Allez je vous respons de la loge du Roy [212] Vous verrez mon credit. ORONTHE.         Sur tout la serenade, ARISTE. Vous m'y verrez moy-mesme ou je seray malade. ### SCENE IV. ORONTHE, OLIMPE, CLIMANTE. ORONTHE. Ces vers pour un jaloux ... OLIMPE.         Il me les a promis. Hé bien ! ORONTHE.         Pour vous loüer on treuve des amis. Climante prend sur luy cette charge agreable, D'autant [213] plus aysement que l'objet⁎ est aimable⁎. CLIMANTE. Que diray-je pour estre en tous vos sentimens, Dites moy… ORONTHE.         Nommez vous le Phenix° dés amans ? Et pour joüer Ariste avec un peu d'adresse, Traittez moy de jaloux auprés de ma maistresse, Dites que ma presence est cause quelquefois Que vous avez perdu l'usage de la voix : Et que mourant d'amour auprés de cette belle, Vous n'osez tesmoigner la moindre ardeur pour elle ; Mais sur tout que ce soit sous des noms empruntez. CLIMANTE. A la fin je conçois ce que vous souhaitez, Je dois parler ainsi faisant parler Ariste Qui recitant ces vers sous le nom de Caliste°, Croyant parler pour soy fera l'amour pour vous, Et sera par ce traict l'amant & le jaloux. ORONTHE. D'une mauvaise adresse avec celle que j'aime, En me croyant joüer, il se joüra luy-mesme, OLIMPE. Quel plaisir de luy voir contrefaire le fin ? ORONTHE. Au moins nous en rirons. CLIMANTE.         J'y vay mettre la main, Un tour dans cette allée [214] achevera l'ouvrage. L'agreable travail où mon rival m'engage ! [215] ### SCENE V. ORONTHE, OLIMPE. ORONTHE. He bien commencez vous de respirer icy, Et pour moy vostre esprit n'est-il pas adoucy ? OLIMPE. Dans la melancholie où vous m'aviez plongée, Je confesse qu'en fin je vous suis obligée ; Et pour me divertir tant de bons traittemens, Ont bien droict d'effacer mes mescontentemens. ORONTHE. Aprés l'enlevement que l'amour me fit faire, Mon respect est si grand, qu'il n'est pas ordinaire, Et loin de vous presser, OLIMPE.         Je le reconnois bien. Aussi ne pensez pas qu'il ne serve rien, Et tenez asseuré qu'une ame genereuse En payant un bien-fait se tient tousjours heureuse. Vous prenez trop de soin pour chasser mon ennuy⁎ Ariste … ORONTHE.         Il faut luy faire une piece aujourd'huy. Dites luy que ce soir je dois souper en ville, Que de vous voir la nuict il sera tres-facile ; S'il veut entrer chez vous sous l'habit d'un Archer Pendant⁎ Climante & moy nous irons nous cacher, En ces logis voisins de la Conciergerie, Où des gens apostez pour cette raillerie De ce deguisement luy demandant raison Feindront de le vouloir mener dans la prison ; Et nous qui parestrons dedans cet intervalle L'ayant tiré des mains de ceux de la cabale [216], Le bernerons d'avoir hazardé son trespas, Pour vous aller treuver lors que je n'y suis pas. OLIMPE. Mais Archer ? ORONTHE.         Dites luy que c'est le mieux du monde Puis que dans ce quartier le Guet faisant sa ronde, Il peut roder icy sans estre reconnu. OLIMPE. Mais ces Archers, ORONTHE.         Sçauront ce qu'est cet ingenu. ### SCENE VI. OLIMPE, ORONTHE, CLIMANTE. OLIMPE. Climante vient. ORONTHE.         Hé bien la Stance est-elle faite ? CLIMANTE. Non, j'ay trouvé là bas Pancrace avec Lizette Qui se parloient si haut que troublant mon objet Je n'ay pû seulement qu'en tracer le projet. A peu prés en ces mots, j'exprimeray sa flamme, Il n'est rien de si beau que les yeux de Madame, Ces charmans ennemis de nostre liberté Sont les divins autheurs de ma captivité, Et tout ce que la Terre a de plus admirable Ne sçauroit égaler ce chef-d'œuvre adorable : Aussi mes seuls respects, mes pleurs, & mes soûpirs Seront les confidens de mes brûlans desirs, Et par quelques endroits que mon cœur soit sensible, Je souffriray⁎ mon mal sans le rendre visible, Et devorant les feux dont je suis consommé⁎ Mourray sans m'expliquer devant l'objet⁎ aymé ! Trop heureux ! si l'amour déroboit à ma veuë Un jaloux obligeant dont le regard me tuë, Qui d'un zele importun & d'un soin odieux M'accompagne sans cesse, & m'observe en tous lieux, C'est le supplice affreux dont un destin contraire Punit les beaux excez d'un amour temeraire, C'est l'obstacle eternel qu'oppose à mes desirs Le mortel ennemy de mes plus doux plaisirs, Et dedans les transports de l'ardeur qui m'enflâme, C'est l'effroy⁎ de mes yeux & l'horreur⁎ de mon ame ! ORONTHE. Nous en aurons tantost un plaisir assez doux ; Mais redonnez encor quelque touche au jaloux. OLIMPE. D'effet [217], redonnez luy quelque nouvelle touche. ORONTHE. L'arrest est prononcé d'une trop belle bouche, Tenez donc pour certain que vous m'obligerez D'en dire plus de mal que vous n'en jugerez, Plus vous luy donnerez moyen de nous en dire, Plus vous nous donnerez subjet de nous en rire. OLIMPE. Il croira vous joüer souz ce nom de jaloux. ORONTHE. C'est en quoy le plaisir en doit estre assez doux. CLIMANTE *à OLIMPE*. En effet nous verrons travailler sa finesse Pour dire je vous ayme, avec un peu d'adresse, Et pour accompagner ces discours amoureux D'un geste & d'un regard qui vous parlent comme eux. ORONTHE. Passant pour le plus fin dedans sa fantaisie⁎, Quel plaisir de luy voir blasmer la jalousie, Et de nostre équivoque ignorant tous les nœuds Se jouër de luy-mesme en riant de nous deux ? CLIMANTE *à OLIMPE*. Je le croy desja voir pour peu qu'il reussisse Devenir glorieux d'un mauvais artifice Alors qu'il vous dira, j'adore vos appas⁎. Je vous parle d'amour, et l'on ne m'entend pas Dans les divers efforts du feu qui me devore, Je puis en liberté dire, je vous adore, Et mon bon-heur en fin va jùsqu'au dernier poinct, Puis qu'un Rival m'escoute, & ne me comprend point. Ce sont les mesmes [218] mots que je veux qu'il vous die. OLIMPE. L'equivoque en plairoit dans une Comedie. ORONTHE. Mais souvenez vous en, & … CLIMANTE.         Je vous le promets. ORONTHE. La Dupe s'en rira. CLIMANTE.         Le trait n'est pas mauvais. OLIMPE. Ce pendant⁎ que diray-je à cet amant fidele ? ORONTHE. Que d'une forte ardeur vous payerez son zele, Et recompenserez ses amoureux desirs De tout ce que l'honneur vous permet de plaisirs. OLIMPE *bas.*. En tenant ces discours que sa prudence est forte ! CLIMANTE *bas.*. Qu'elle m'obligera luy parlant de la sorte ! ORONTHE. Dieux ! que j'auray de joye en l'entendant parler ! OLIMPE *haut.*. Que j'auray du plaisir à bien dissimuler ! CLIMANTE *bas.*. Que de ces mots adroits je luy suis redevable ! ORONTHE. Mais allez commencer cet intrigue agreable, Cependant que [219] flatté d'un assez bon succez J'escriray pour sçavoir l'estat de mon procez. [220] CLIMANTE. Puis que mon rival veut que je parle, & que j'ose, Il aura beau plaider, je gaigneray ma cause. OLIMPE. Et de tout ce que j'ayme ayant eu l'entretien Vous pourrez tout gaigner sans que j'y perde rien. CLIMANTE. En fin je puis parler, & mon bon-heur … OLIMPE.         De grace, Ne continuez point, je vois venir Pancrace, Que pour me delivrer il vient bien à propos ! [221] CLIMANTE. Faut il que ce brutal traverse mon repos ? ### SCENE VII. PANCRACE, LISETTE. LISETTE. Quoy, pour moy ta follie est toûjours sans pareille PANCRACE *en la poursuivant.*. Ah ! cruelle, ah ! bachante° [222], ah ! scitique [223] merveille ! De l'élement nitreux⁎ le monstre le plus fier⁎ Se rendroit plus sensible en m'escoutant prier, Le Discourtois Sarmathe, & le froid Sicophage [224] Auprès de ton humeur n'ont rien qui soit sauvage ; Le Sipille°, ou Niobé°, à l'ame de rocher, Du vent de mes soupirs se laisseroit toucher. O Caribde° amoureux ! où je prevoy l'orage. O Scille° dangereux où je feray naufrage ! O bel œil sanguinaire ! aymable Lestrigon°, Qui surpasses en force & Briare°, & Thiphon°, Aspre aymant de mon cœur, adorable Ciclope° ! Qui n'eust pas espargné l'amant de Penelope°, Et veux ensanglanter les Mirthes glorieux Que cueille dans Paphos [225] un cœur victorieux, A la fin tu me voy loing des ports & des rades. A travers des écueils au dessous des Pleiades° Sans que j'y puisse avoir de plus doux reconfort, Que d'estre auxilié [226] par les traits de la mort, Cruelle, arreste un peu ! ces regards homicides. Sont bons dans le Cocyte° aux yeux des Eumenides°, Mais toy ? LISETTE.         Le bel Amant avec son poil grison ! PANCRACE. Je puis me rajeunir mieux que ne fit Eson°, Et domtant la rigueur des fieres⁎ destinées Dérober à Cloton° le fil de mes années Par la rare vertu⁎ d'un sçavoir dominant, Je confondray mon estre avec l'Altitonant [227]: Et joignant le principe à sa cause premiere, J'emprunteray d'un Dieu l'éclat & la lumière Et devenu divin par sa reflexion, N'iray jamais de l'estre à la privation. LISETTE. Tu n'es qu'un cajoleur avec tes balivernes ! PANCRACE. Je suis sot en effet souffrant⁎ que tu me bernes, Mais Ovide m'apprend dedans son art d'aimer Qu'au veritable Amant rien ne doit estre amer : Aristote m'a dit que nostre ame enflâmée Doit bien moins vivre en nous que dans la chose aimée. Epicure a voulu que l'esprit de l'Amant Fist vœu d'estre sensible aux plaisirs seulement. Platon a souhaité que nostre ame obsedée Se donnast toute entiere à cette belle idée, Et moy qui les connois, & qui vaux mieux qu'eux tous Je veux tout endurer & tout souffrir⁎ pour vous. LISETTE. Le bel ameublement [228] qu'un Amant à Calote [229] Voyez ce qu'il veut dire avec son Aristote, Sa Piqueure à Ploton [230], & ses brides à veaux [231], Que croit-il attraper avec ces mots nouveaux ? Vrayment vieux Rocantin [232] vous me la baillez⁎ bonne, Ou ne haranguez point, ou ne raillez personne, Car si je ne suis pas la perle de Paris, Vous ne devez pas croire estre le beau Paris° [233]. PANCRACE. Celle qui descendit de la voûte estoilée Pour se faire admirer aux nopces de Pelée°, Et fut [234] apres porter dessus le mont Ida°, Le fameux different que ce Grec decida⁎, N'avoit pas plus que vous d'appas⁎ hieroglifiques⁎ Pour donner à mon cœur des coups simptomatiques, Et celle qui fuyant les bras de Menelas° Reduisit Ilion à dix ans de combats, Et chassant de Priam° les Lares° domestiques Attacha son genie à des destins tragiques, Eust moins fait que vos yeux d'efforts Herculiens, Et n'auroit jamais pû me donner des liens, Car ce cœur que j'ay mis au rang de vos conquestes En bonnes qualitez est un Hidre° à cent testes, Et quand de ses vertus⁎ un gros est abbatu, Il en renaist un autre avec plus de vertu⁎. Jugez s'il est aisé de luy donner la gesne⁎, Et ce que peut l'objet⁎ qui le met à la chaisne ? LISETTE. Moy ! je pourrois aymer ce nez de Harlequin [235], Ce poil de Goupillon, & cet œil de Bouquin [236] Pour attraper la Miche⁎ allez à l'autre porte. PANCRACE. Aymable & cher objet⁎, traitez moy d'autre sorte [237], L'Ironie est choquante à [238] l'esprit d'un Amant Qui n'a pas recognu qu'on l'ayme infiniment, Apres l'enormité de cette Catachrese [239], Qu'un propos moins acide en ma douleur m'appaise Et qu'un trait de vos yeux me redonne le jour. Cette vicissitude est plaisante en amour, Que si vous affectez de parler par figure, Ou que vous en usiez par instinct de nature, Cherissez l'Antithese, & pour parler d'amour, Prenez la Tapinose [240], & l'Enigme à son tour, Le Sarcasme est plaisant, fuyant le Kacozelle [241], L'Apophtegme [242] est sçavant, & l'Hiperbole est belle, Alors … LISETTE.     Adieu, Docteur. PANCRACE.         Escoute ma raison. Un mot. LISETTE.         Il faut aller balayer la maison. PANCRACE. Helas ! je voudroy bien que ton ame abstersive [243] Chassast loin de mon cœur une douleur trop vive, Et qu'en y balayant des tristesses d'amour, Tu le fisses passer de la poussiere au jour ! LISETTE. Bon, mais il faut aller faire mettre sur table [244]. PANCRACE. Helas, fais bien plustost repaistre un miserable ! Et de mille douceurs luy faisant un festin, Fais le vivre d'amour, & change son destin ! LISETTE. Il faut que j'aille en fin … PANCRACE.         Quoy, poignarder Pancrace ? LISETTE. Faire allumer du feu dans la salle ; PANCRACE.         Ah, de grace ! Ma chere Dulcinee, attens encor un peu, Et loing de t'en aller faire allumer du feu, Appaise dans mon cœur la devorante flâme Qui met mon corps en cendre, & consomme⁎ mon ame ! LIZETTE *en voulant s'enfuir.*. Bon Dieu ! je n'ay pas fait nettoyer le jardin, Monsieur criera tantost. PANCRACE.         Tu veux t'en fuir en vain, Et tu dois bien plustost par ta grace divine Arracher de mon cœur les soucis & l'espine, Et ne pas endurer qu'un chardon rigoureux Se treuve avec le Mirthe, & le Treffle amoureux. LISETTE. Il faut faire apporter de l'eauë de la fontaine, La riviere est mauvaise. PANCRACE.         Helas ! belle inhumaine, Tu peux te satisfaire apres tant de douleurs, Et ne prendre de l'eauë qu'au torrent de mes pleurs, Mes yeux sont d'un canal l'inepuisable source : Et toy seul as pouvoir d'en arrester la course ; Mais je ne parle plus qu'à la fille de l'air ! Elle a fermé l'oreille, & vient de s'en aller : Allons chercher l'Echo° de quelque Antre sauvage, Et plaignons nous à luy d'un si sensible outrage. Fin du second Acte. ## ACTE III. ### SCENE PREMIERE. CLIMANTE, OLIMPE. CLIMANTE. En vain j'ay pratiqué tout ce que la prudence, A de plus reservé dedans sa confidence ;     En vain j'ay moderé toutes mes passions Par la sage froideur des circonspections ; Et concerté mon cœur avecque mon visage, Pour ne rien descouvrir de l'ennuy⁎ qui m'outrage : En vain d'un jeune amy j'esvente le secret, En vain je l'introduis à titre d'indiscret, Et le rends parmy nous un objet de risee ; Puis qu'en fin ma douleur n'en est pas appaisée, Et que je ne sçaurois trouver un seul moment, Pour vous entretenir & vous voir librement. OLIMPE. Feignons [245] … Quelle raison vous oblige à vous plaindre ? Ne me voyez vous pas si souvent me contraindre Quand je preste l'oreille à ce jeune innocent Qui m'explique vos maux par les peines qu'il sent ! C'est par vostre moyen que j'apprens de sa bouche Le mal que nous souffrons⁎ lors que l'amour nous touche ! Et quand mourant du traict dont il nous sceut piquer, On parle par enigme au lieu de s'expliquer ! Je benis toutefois un si beau stratageme Qui me donne moyen de voir celuy que j'aime ! Et le voir d'autant mieux que j'en prens pour tesmoins Ceux qui font les plus fins & qui le sont le moins. Ainsi donc puis qu'Ariste à toute heure me presse, Qu'il me suit en tous lieux & me parle sans cesse ; Pourquoy vous plaignez vous de me parler si peu Moy qui brûle au moment que vous estes en feu ? CLIMANTE. Vous ayant fait resoudre à cette complaisance, D'oüir un ingenu parler de ma souffrance⁎ ; C'est assez en effet du bien que je reçoy Lors que j'oblige un autre à vous parler pour moy. OLIMPE. Ainsy vous agirez d'un air prudent & sage Et me donnerez lieu de vous voir davantage ; Car enfin [246] il suffit qu'Ariste en ses discours Me parlant de ses feux m'explique vos amours. Le sot a mes faveurs pour les rendre à Climante ! CLIMANTE. L'adressse en est subtille OLIMPE.         Et n'est pas desplaisante. Donc sans faire un jaloux obligez desormais, Ariste de tout dire & ne parlez jamais ! CLIMANTE. Vous verrez mon amour dans mon obeïssance OLIMPE. Rien ne me plaist de vous à l'égal du silence. Et le profond respect que vous me tesmoignez Descouvre vostre amour plus vous le contraignez. CLIMANTE. Voyez le donc souvent, cet Ariste ! OLIMPE.         Ah Climante ! Qu'il ne me quitte point & j'en seray contente ! CLIMANTE. Tout importun qu'il est endurez ses souspirs ! OLIMPE. Je puis bien l'endurer s'il sert à mes plaisirs. CLIMANTE. C'est en quoy je vous suis doublement redevable. OLIMPE. C'est seulement à moy que je suis favorable. CLIMANTE. Que dois-je repartir à ce discours flateur ? OLIMPE. Au moins s'il ne vous flate, il est party du cœur. CLIMANTE. Que je resens de joye en ces douces contraintes ! OLIMPE. Que de douceurs amour accompagnent tes feintes ! CLIMANTE. Nous vivons sans donner aucun soupçon de nous. OLIMPE *voulant parler d'Ariste & d'elle* [247]. Nous nous aimons tous deux sans faire des jaloux. CLIMANTE. Donc pour continuer à soulager ma peine Flatez un ingenu d'une esperance vaine ; Et d'un peu de faveurs veuillez le consoler ; Afin qu'il ait tousjours dessein de vous parler. OLIMPE. Pour avoir ce plaisir par une adresse extréme, Vous me verrez cent fois luy dire ? [248] que je l'aime. CLIMANTE. Si vous continuez vous me rendrez confus, OLIMPE. Vous me verrez tousjours la mesme que je fus. CLIMANTE. Ariste… Quelqu'un vient ? Rencontre deplaisante ! OLIMPE. Pour me dire le reste, envoyez-le, Climante ! ### SCENE II. CLIMANTE, OLIMPE, LISETTE. LISETTE. Un marchand du Palais [249] demande à vous parler. OLIMPE. Qu'il attende ! LISETTE.         Il paroist pressé de s'en aller. CLIMANTE. Qu'il revienne tantost ; ne plaignez point ses peines. LISETTE. Un linger [250] vient d'entrer avec des points de génes. OLIMPE. Qu'il s'en aille ! j'iray le voir en sa maison. LISETTE. Le renvoyer cent fois c'est estre sans raison ! On n'a point de pitié des pauvres gens ! OLIMPE.         Lisette ! J'y vay ? [251] c'est mépier d'une façon adroitte. CLIMANTE *monstrant le Docteur qui vient.*. Encor' un surveillant ? ### SCENE III. CLIMANTE, LISETTE, OLIMPE, PANCRACE. PANCRACE *à Climante.*.         Quatre mots, s'il vous plaist. Mon maistre vous expecte⁎, & dit que tout est prest : Qu'il a veu les Archers, & qu'il est tantost l'heure D'attendre le Badaut⁎. CLIMANTE.         Nous rirons, ou je meure [252]. Allons Madame ! OLIMPE.     Allons. PANCRACE *arrestant Lisette qui s'en va.*.         Quoy sans amour tousjours ? LISETTE. Adieu je ne veux point ny d'amant ny d'amours. PANCRACE. Mais ce grand Dieu pourtant anime toutes choses, L'estre, ayme son principe, & les effets leurs causes La nature l'instinct, l'astre son ascendant, La matiere la forme, & le corps l'accident. Luy seul fit ce grand tout, de contraires parties, Calma les Elemens dans leurs antipathies : Et formant l'union de leurs diversitez, Sceut faire un composé des quatre qualitez. LISETTE. Mais au moins … PANCRACE.         Le soleil amoureux de la terre, En tire les vapeurs dont il fait le tonnerre ; Et la descharge ainsi des esprits empestez Qui pourroient l'infecter ou ternir ses beautez L'hyver que nous croyons l'ennemy de nature, Est de sa passion la vivante peinture. Et dessous les glaçons, la neige & les frimats [253], Tient en bride le feu qui s'exhale d'en bas ; Et l'ayant condensé fait germer la semence, Qui nous donne les fruits, & produit l'abondance. C'est l'esprit animant de l'estre sensitif, Et du rationel & du vegetatif. LISETTE. Adieu. PANCRACE.         Les vents qui font trembler les Nereïdes°, Les obligent d'aller dans leurs grottes humides, Pour y ressusciter les Tritons° langoureux, Et piquer les poissons d'un instinct amoureux. Les arbres aiment l'air, & leurs testes superbes, Faisans hommage au Ciel, parlent d'amour aux herbes. Bref tout ce qui subsiste, ou ce qui void le jour, Reconnoit la nature, & conçoit de l'amour. LISETTE. Tout ce que tu me dis ne servira de gueres. PANCRACE. Que s'il faut m'abaisser aux exemples vulgaires, Et me servir icy des termes triviaux, Tu connoistras qu'en tout je n'eus jamais d'egaux. Les poissons aiment l'eau, l'œil aime la peinture, La terre les metaux, les plantes la verdure ; L'ombre cherit la nuict, le silence les bois, Les rochers les deserts, & les Echos° la voix, Le Dauphin la Baleine, & la conque la perle, Le Singe la Guenon, & la Grive le Merle, La Chienne le Matin, la Felice [254] les Chats, La Fourmy son semblable, & les souris les rats, L'esperon la mollette, & le foureau l'espée, L'Escuier son cheval, & l'enfant sa poupée ; Et moy qui suis Docteur in utroque juré [255], Je n'aime que toy seule, ou le bonnet quarré [256]. ### SCENE IV. PANCRACE *seul.*. Elle fuit ! & je suis feru [257], Ma poitrine est mortiferée [258], Et d'Amour la fléche acerée Me va rendre l'esprit bouru⁎; Mon estude est bouleversée. Ma capacité fracassée ; Et dedans mon individu Avec le sel & le mercure Tant de souffre s'est confondu : Que sous un zeny [259] morfondu [260], J'y pourrois brusler la nature. Ce brasier est si violent Que par sa vertu⁎ specifique, En m'eschauffant d'un feu centrique Je suis un vesuve brûlant ; De sa consommante⁎ hypostase [261] Se forme un antiperistase [262] Avecque ma froide raison ; D'où vient la foudroyante flâme Qui sans espoir de guerison Produit cet amoureux poison Qui destruit mon corps & mon ame. Clair rayon plus pur que le jour Esprit de mes sçavans ancestres Qui pour tant de differens estres N'avez jamais conceu d'amour ! Souverain des Metamorphoses, Arbitre des Metempsicoses, Dieu des sçavants & du sçavoir, Si dans moy ton ame est passée Que peux tu dire de la voir, Si honteusement concevoir L'accident dont elle est forcée ? Vous qui n'avoüiez pour vrays biens, Que ceux qui semblent impossibles, Nobles & divins insensibles, Miraculeux Stoïciens, Qui des passions mordicantes [263], Reprimiez les flâmes piquantes, Esclairez mon entendement D'un rayon de vostre lumiere ! Pour luy rendre son element, Et le desgager noblement Des foiblesses de la matiere ! Mais ô deplorable rigueur ! Il faudrait une main divine Pour chasser l'amoureuse herine° [264] Qui met tout l'enfer dans mon cœur : Cette furie° est si fatale, Qu'avec toute vostre cabale⁎ Vous n'y pouriez pas un festu [265] ; Mes polmons perdent leurs haleines. Mon cœur en est tout abatu Et mon sang restant sans vertu⁎ Coule tout nitreux⁎ dans mes veines. Mais quelqu'un vient icy, füions ; ### SCENE V. ARISTE, OLIMPE, JODELET. ARISTE *seul le nez dans son manteau & faisant signe à quelqu'un de se cacher.*.         La nuict est sombre ; Et je puis m'introduire à la faveur de l'ombre ; Cht ; l'on ne m'entend point, hem, hem. OLIMPE.         Je suis à vous. ARISTE. Hé bien ! OLIMPE.         Ils sont allez faire les loups garous⁎, Et croyent vous joüer une piece excellente. ARISTE. Pour les contrejoüer d'une façon galante, J'ay fait au lieu de moy déguiser Jodelet, Qui loin de vous porter un amoureux poulet⁎, Tient un escrit tout plein d'excuses ingenües Pour ne pouvoir venir à ces heures induës, Où je vous dis qu'estant fort brave cavalier Je ne veux rien de vous de si particulier : Et que craignant de voir vostre amitié bornée Lors que je ne viens pas suivant l'heure donnée, Pour rendre en ma faveur vostre esprit adoucy, J'ay fait des bouts rihmés, que j'ay descrits aussy. OLIMPE. Ils les y surprendront. ARISTE.         Par cette raillerie, J'enchery galamment dessus leur fourberie ; Car en fin ces badaux⁎ en m'en tenant plus sot Ne me croiront pas homme à vous dire le mot ; Et me voyant aimer avec tant d'innocence, Me laisseront enfin agir sans deffiance. OLIMPE. Voyant vostre valet ils seront bien trompez. ARISTE. Et ceux qui le prendront encor plus attrapez. OLIMPE. Ils pensent qu'ils feront manquer la serenade, Et qu'ils vous berneront apres cette cassade⁎. ARISTE. Je tiendray ma parole & les dupperay tous, Mais quand pour me joüer ils s'esloignent de nous, Proffitons de ce temps & jusqu'à l'heure expresse Que vous sçavez qu'il faut, que Jodelet paraisse. Treuvez bon que mon ame en ses justes desirs Donne quelque passage à mes brûlans souspirs, Et que dans les excez du feu qui la devore Elle vous face voir comme elle vous adore, Et ne soustient jamais vostre divin aspect, Sans changer son amour en un profond respect. OLIMPE. A des conditions je veux vous le permettre. ARISTE. Qui sont ? OLIMPE.         De me montrer les vers de vostre lettre. ARISTE. Le cachet ?… OLIMPE.         Mais par cœur vous le devez sçavoir ! ARISTE. Pour m'en ressouvenir je feray mon pouvoir. J'y suis…les Rihmes sont figue, jaloux, & ligue Veroux et brigue & choux intrigue avec filoux [266] Et beste avecque feste & maison & monnoye Et les deux derniers sont oison⁎ avecque joye. SONNET. Je te despite amour & je te fais la… figue [267], Depuis que j'ay treuvé pour tromper mes… jaloux, Le secret merveilleux de destruire leur… ligue En leur ostant le droict des clefs & des… verroux ; Ils ont beau gouverner la beauté que je… brigue Leurs gardes servent moins que des feuilles de… choux, Puisque nos cœurs unis sont bien mieux dans… l'intrigue Qu'on ne voit le marais avecque les… filoux [268]. Soubs le pretexte faux de joüer à la… beste [269] Souvent du Dieu d'amour nous celebrons la… feste ; Et sommes tout un jour maistres de la… maison, Et quand mon rival vient & me voit sans… monnoye Par quelques quolibets il tesmoigne sa… joye, Et me croit un cheval quand il n'est qu'un… oison⁎. FIN Puis je mieux m'expliquer à moins que je le nomme ? OLIMPE. Je les treuve trop beaux pour sentir le jeune homme. Ostez les… [270] ARISTE.         C'est en vain que vous vous allarmez ! OLIMPE. Pourquoy ? ARISTE.         Ne craignez rien ce sont vers imprimez Et j'avois concerté cette seconde addresse, Pour les dupper encor' avec plus de finesse, Et m'establir chez eux pour fat⁎ au dernier poinct. OLIMPE. Sans mentir vostre esprit. ARISTE.         Ne complimentons point. Et pendant qu'on prendra Jodelet pour son maistre Le menant à l'endroit où les fins doivent estre : Puis qu'il leur faut du temps pour aller & venir, Servons nous en du moins pour nous entretenir. ### SCENE VI. JODELET *seul sous l'habit d'un Archer.*. Amour jeune falot⁎, petit monstre fantasque [271], Qui pour nous attraper court toûjours mieux qu'un Basque [272]; Et faisant de nos cœurs un amoureux tison, Mets en fin tost ou tard le feu dans ta maison ; N'es-tu pas satisfait de me voir de la sorte ? Ne ris-tu point de voir les armes que je porte ? Et n'es-tu pas en fin un plaisant maroquin [273] De m'avoir engagé dessous ce casaquin⁎ ? Par toy je suis Archer, mais un Archer sans gage, Par toy je suis soldat, mais soldat sans courage ; Par toy je suis amant mais amant sans amour ; Et par toy je produis sans mettre rien au jour ; D'un jeune ennamouré⁎ qui va voir sa donzelle [274] Sans estre en faction je suis la sentinelle ; Et des pieces d'amour, dont il est l'inventeur, Je seray la machine alors qu'il est l'acteur : Je suis par le secret de cette halebarde⁎ Caporal, & Sergent, soldat & corps de garde ; Et seul faisant le tout dans un si bel employ Toute la compagnie est au dessous de moy ; Mais sçay-je bien joüer de cette arme ferrée Qui chez nos bons bourgeois est si considerée ? Et que mon vieil voisin appelle un bon baston ? Au diable, je me suis escorché le menton : Et pour peu que je veuille en faire daventage Je reconnoistray bien que je ne suis pas sage. Si faut-il toutefois faire le molinet [275], Hé bien ! le tour est viste & l'escart est bien net ; J'y suis un peu gruier [276], & j'en [277] ferois la nique [278] Au plus mauvais garçon des courtaux de boutique [279]. Mais à quoy m'amusay-je, amour peste aux escus [280] Petit cousin germain du bon pere Baccus° ; Qui force les cliens qui voguent sous ton aisle A prendre un vomitif qui vuide l'escarcelle [281]; Fais couler jusqu'a moy quelques meschans ducats ! Donne moy le moyen d'aller vuider les plats Et d'aller m'esbaudir [282] avec le Dieu des peintes [283] Et te sacrifier des chans au lieu de plaintes Exauce mes souhaits, amour escoute moy Puisque je suis archer aussi bien comme toy ; Nous sommes compagnons & devons ce me semble Travaillant l'un pour l'autre, aider qui nous ressemble ! Nous de la ressemblance, Ah fat⁎ au dernier poinct ! J'ay des yeux qui sont bons, & toy tu n'en as point ! D'un cocüage encor nul mary ne me blasme, Et ma mere apres tout est fort honneste femme. Non, non je suis archer, tu n'es qu'un archerot [284]; Je suis fort honneste homme & toy tu n'es qu'un sot. Au diable soit l'amour, avec la halebarde⁎ ! ### SCENE VII. LE CAPORAL, JODELET. LE CAPORAL. La Verdure [285], JODELET *bas.*.     Motus. LE CAPORAL.         Venez au corps de garde ? JODELET *bas.*. Commande à tes valets. LE CAPORAL.         Si je vay jusqu'à vous Dans ma mauvaise humeur je vous roûray de coups. Ces feneans s'en vont, & font les galans hommes. Chacun veut estre maistre en ce siecle où nous sommes, Il semble que le mal ne soit que pour les vieux. JODELET *bas.*. Ce vieillard à l'entendre est bien seditieux ! LE CAPORAL. Vous le diray-je encor, JODELET.         Qu'il aime la querelle ! LE CAPORAL *s'avance avec sa lanterne.*. Voyons, qu'attens-tu là ? JODELET.         Je fais la sentinelle. Peste ! LE CAPORAL *bas.*.         Ce n'est pas luy, je le reconnois bien ! Ton nom ? JODELET.     C'est Jodelet, LE CAPORAL.     Et que fais-tu là ? JODELET.         Rien. LE CAPORAL. A quoy bon cet habit ? JODELET.         C'est pour servir mon maistre. LE CAPORAL. C'est un volleur, suis moy. JODELET.         Je ne suis pas si traistre. Ne vous l'ay-je pas dit, je suis en faction. LE CAPORAL. Mais nous voulons savoir quelle est ta fonction ? Et pourquoy ? JODELET.         Quelque sot s'en iroit vous le dire. LE CAPORAL. Ce matois fait le fol ! il n'est pas tant de rire. Sors de là ! JODELET.         J'y serois jusqu'à demain matin. A d'autre, viel amy, vous m'espreuvez en vain : Je n'en branslerois⁎ pas pour gagner un Empire. Dieu vous doint [286] tout le bien que vostre cœur desire, Encor, Dieu vous assiste, & bon soir. LE CAPORAL.         Grand mercy. Qu'il prenoit bien son temps, pour s'evader d'icy ! Il me faut suivre amy. JODELET *en le flattant.*.         Le Belaud [287], qu'il est drosle ! LE CAPORAL. Pourquoy m'as tu donné ce coup dessus l'espaule ? JODELET. Pour mon plaisir LE CAPORAL.         Cest trop endurer de ce sot. Hola, quelqu'un à moy. JODELET.         Ventre ne dites mot ! Vous pourrez par ce bruit faire tort à mon maistre. LE CAPORAL. Hola hé ! JODELET.     Par la mort. LE CAPORAL.         Qu'on saisisse ce traistre ! JODELET. Ne parlez pas si haut, amis vous estes vous. Mon maistre… LE CAPORAL.     Il faut marcher. JODELET.         Quelle gresle de coups ! Au meurtre, l'on m'assomme, on me vole, on me tuë ! Au diable soit l'amour, la maison & la ruë ! Lettres, message, amy, maistresse, casaquin⁎, Sentinelle, poignard, halebarde⁎ & Rouquin [288]. Fin du troisiesme Acte. ## ACTE IV. ### SCENE PREMIERE. ORONTHE , PANCRACE. ORONTHE. Je te l'ay desja dit, fais donc ta diligence ; Je viens de recevoir nouvelles de Provence Que l'on se peut douter du chemin que j'ay pris. Tiens tout prest. PANCRACE.         Sans regret je quitteray Paris. Ce climat temperé n'est bon qu'au cocüage. ORONTHE. Cesse, pour engager Olimpe en ce voyage Demain seul avec elle allant me promener Auprés de sainct Denys tu nous feras mener Quatre chevaux tous prests pour rejoindre aux deux nostres, Puis… PANCRACE.     Et moy ; ORONTHE.         Tu viendras apres avec les autres Feras monter mes gens, prendras soin de mon train⁎, Mettras ordre par tout, & suivras mon chemin : De plus ayant besoin de deguiser l'affaire Dans châque hostellerie il te faut dire pere De la jeune beauté que j'emmeine avec moy ; C'est dans ces tours d'esprit que j'ay besoin de toy. PANCRACE. Comme un Cameleon. ORONTHE.         Je t'entens cher Pancrace. Si dés lieux où je vay quelqu'un suivoit la trace Apprenant en l'estat qu'on m'aura veu passer Par ce déguisement il peut s'embarasser : Le nom de Perre en fin. PANCRACE.         La fourbe est assez bonne. ORONTHE. Moy pour ne tesmoigner mes desseins à personne, Je vais avec Climante encore raisonner Pour berner nostre fat⁎, qui s'appreste à donner Dans deux heures d'icy sa belle serenade. PANCRACE. A faute de dormir vous vous ferez malade. ORONTHE. N'importe, mais sur tout choisis un bel habit, Pour joüer comme il faut le role que j'ay dit. Entre, Climante vient. ### SCENE II. ORONTHE, CLIMANTE. ORONTHE.         Hé bien ! s'en raille-t-elle ? CLIMANTE. Oüy de nous voir trompés. ORONTHE.         O l'amant plain de zele ! Qui n'ose venir voir sa maistresse le soir ? CLIMANTE. Qu'importe, il envoyoit son valet pour la voir. ORONTHE. Vrayement c'est un galant qui se sent des escoles. CLIMANTE. Encor que dites-vous de ces belles paroles, Dont sa lettre [289] est remplie ? ORONTHE.         Et des vers imprimez ? CLIMANTE. C'est le plus grand des sots que nature a formez. ORONTHE. Il le faut achever avec la serenade. CLIMANTE. Sans doute il y fera quelque bonne incartade⁎. ORONTHE. Il s'y faut preparer. CLIMANTE.         Le tour sera d'esprit. ### SCENE III. ORONTHE, CLIMANTE, LISETTE. ORONTHE. Dis nous que fait Olimpe à present ? LISETTE.         Elle escrit. ORONTHE. Il faut voir ce que c'est. LISETTE.         Ne faisant que d'escrire, Je vous cherchois par tout afin de vous le dire. ORONTHE. Tu m'obliges. LISETTE.         Je suis entierement à vous. ORONTHE. Allons. LISETTE *seule.*.         Ay-je dessein de mourir de la tous ? Et la fraischeur qui vient de l'air & de la terre Pourroit-elle estre bonne à guerir mon catherre [290] ? Moy chercher un valet ! & me mettre en danger, En perdre pour le voir, le boire & le manger, Avoir martel en teste, & la puce en l'oreille ; Dont le bourdonnement à toute heure m'esveille, Et m'emmaigrit si fort qu'avant ce renouveau Je pense que les os me perceront la peau. Ah ! de despit j'enrage, & de regret j'en pleure ; A t'il le chien qu'il est resolu que j'en meure ? Ah folle que je suis d'aimer trop ce lourdaut ! Encor s'il estoit beau : mais ce n'est qu'un badaut⁎. Et quelque long chagrin qui m'ait defigurée, Je ne suis pas si sotte & pas tant deschiree [291], Que je ne vaille bien un amour mutuel. Vrayement c'est bien à luy de faire le cruel, Mais c'est luy que j'entens qui nasonne [292] & qui gronde. ### SCENE IV. JODELET, LISETTE. JODELET, *en luy-mesme songeant comme il avoit esté pris des Archers.*. Ouy, Jodelet sans eux tu n'estois plus au monde. Quelle commission mon maistre me donna ? Et m'envoyer encor nonosbstant tout cela Attendre icy des gens pour donner serenade. LISETTE. Roder icy la nuit, tu te feras malade. JODELET. Je viens attendre icy des suppots [293] de l'archet [294]. LISETTE. Que ne viens-tu pour voir celle qui t'y cherchoit ? JODELET *s'en veut separer.*. Que l'on me cherche ou non, ma foy pour te le dire, Laisse moy, l'on n'est pas tousjours d'humeur à rire. LISETTE. Te priant d'arrester tu me refuserois ? JODELET. Je voudrois t'obliger, mais je ne le sçaurois. LISETTE. A d'autres yeux qu'aux tiens je ne suis pas tant laide. JODELET. Pour me guerir d'amour tes yeux sont un remede. LISETTE. Si mes yeux sont ardens⁎ & sont rouges de feu, C'est de celuy d'amour. JODELET.         De grace esteins-le [295] un peu, Avec le vermillon dont ton œil gauche esclatte Tu pourrois d'un regard me teindre en escarlate. Trefve de compliment, LISETTE.         O mon cher Jodelet, Mon bedon [296], mon fanfan, mon poupon, mon valet. JODELET. Ah ! ne me touche point avecque tes mains sales. LISETTE. Es-tu si delicat ? JODELET.         Peste, je crains les galles [297]. LISETTE. Escoute encor'un mot. JODELET.     Parle donc ! LISETTE.     Mais… JODELET.         Hola. Adieu ton mot est dit. LISETTE.         Pour t'arrester donc-là, Je t'en conjure enfin par ces franches lippees [298], Par ces bribes de pain dedans le pot trempées, Par ces soûpers gardez, quand tu venois si tard, Et que dessous mon nom je faisois mettre à part ; Par ces deux boüillons faicts quand tu pris medecine Un jour que je te vis malade en la cuisine : Bref, par tout ce qui peut d'un gosier alteré, Plus que l'or & l'argent estre consideré. Helas ! pour adoucir ton humeur rogue & fiére Que le ciel ne m'a-t-il fait naistre sommeliere, Peut estre que l'arbois, le grave & le muscat Ne te permettroient pas d'estre si delicat. JODELET. En as-tu ? LISETTE.     Non, JODELET.         Adieu, je vais coucher en ville, LISETTE. La gabatine [299] est franche, & la ruse est subtile, JODELET. Tu m'as tout deschiré. LISETTE.         Tu ne t'en iras point. JODELET. Donne moy donc de quoy racoustrer mon pourpoint. LISETTE. Ah ! que d'or & d'argent n'ay-je une vive source, Tu pourrois disposer du cœur & de la bourse, Et je te monstrerois en te saoulant de bien Que ce qui m'appartient est absolument tien. Cruel ! loin de m'aigrir apres de tels outrages Veux tu manger encor quatorze ans de mes gages ?      Il n'est presents, espargne, estreines ny profit Que mon amour n'immole à ton grand appetit. JODELET. Pourquoy differois-tu cette belle harangue ? Je veux aimer ton corps à cause de ta langue ; Et de quelques desfauts qu'on te puisse blasmer Si tu parles tousjours, je veux tousjours t'aimer. LISETTE *le tire à part, & luy parle à l'oreille.*. Pancrace vient, escoute. ### SCENE V. PANCRACE, JODELET. PANCRACE *seul.*.         Elle n'est pas sortie, Mes yeux se sont trompez, j'ay mal fait ma partie. JODELET. Pancrace, PANCRACE.         Qui va-là ? Que viens-tu faire icy ? JODELET. Attendre le concert. PANCRACE.         Je viens l'attendre aussi. Pour aller resveiller mon maistre & ma maistresse. JODELET. Tu le peux sans sortir : PANCRACE *bas ces deux vers.*.         Il faut joüer d'adresse, Et ne pas tesmoigner que l'amour me menoit ; Ouy ; mais l'impatience au logis me prenoit. JODELET. De vray l'impatience est une estrange chose ! PANCRACE. Elle perdra l'esclat de mon Apotheose ! JODELET. Sans doute, mais encor que veut dire ce mot ? PANCRACE *en frappant sur l'espaule de Jodelet.*. J'ayme les curieux. JODELET *faisant l'habile homme.*.         Je ne suis pas tant sot. Mais si tu veux parler modere toy, de grace, Du latin j'en sçay peu, mais pour du grés j'en casse [300]. PANCRACE. L'Apotheose donc est un grand changement, Qui d'un homme mortel fait un Dieu promptement. JODELET. Et combien vendroit-on l'once d'Apotheose ? PANCRACE. Si l'homme la vendoit ce seroit peu de chose. JODELET. S'il en est sous le Ciel nostre Espicier en a, Il vend bien du mercure & du diapalma⁎. PANCRACE. En voulant t'enseigner mon erreur est extréme, Mais je n'y prens pas garde, à cause que je t'aime. JODELET. De vray, l'on dit qu'amour aveugle les esprits, Je crois qu'il fait du mal ! PANCRACE.         Tu ne t'es point mespris. C'est un ver pétillant ennemy de la joye, Qui porte un grand desordre aux regions du foye, Et qui par le venin d'un esprit sulfuré, Corrompt le meilleur sang, & le plus espuré. C'est le funeste⁎ autheur de ces tristes⁎ ravages, Qu'excitent les desirs dans le cœur des plus sages ; Et le noir seducteur des belles passions, Par où l'honneur nous pousse aux bonnes actions. Par un amas confus de flegmes & de bile, En offusquant l'organe il rend l'ame inhabile, L'attache à la matiere, & fait qu'elle ne peut S'en rendre la maistresse alors qu'elle le veut. Ce sont les sentimens, qui sont les moins vulgaires. JODELET. Si tu n'en sçais pas plus, ma foy tu n'en sçais gueres. Et sans avoir appris de Grec & de Latin, Je sçais bien que l'amour n'est qu'un fils de putain, Qu'un rustre estoit aimé de Madame sa mere, Et qu'il ne fut jamais à feu Monsieur son pere. PANCRACE. Ce divin forgeron, ce boiteux renommé Qui regne auprés du Styx sur un Trosne enfumé, Et qui preste la force au bras nerveux de Bronthe°, Veid un jour forligner [301] la Reyne d'Amadonthe [302], Et dedans la prison des reseaux qu'il avoit [303] Fit voir à tous les Dieux l'affront qu'il recevoit : Mais je soustiens en fin à tous gymnosophistes⁎, Cosmographes du Ciel & tous Mithologistes, Que l'enfant Cupidon° voyoit desja le jour Quand Mars° connut sa mere, & qu'il luy fit l'amour. JODELET. Hé bien ? PANCRACE.         C'est un discours digne de ma colere D'alleguer que l'amour est né dans l'adultere ; C'est une mesdisance horrible aux gens d'esprit Qui sçavent mieux que toy ce qu'Ovide en escrit. Ce subtil scrutateur des affaires du monde Qui suivit Pithagore en sa route profonde, N'osa pas inserer cet estrange discours Dans le plaisant tissu de ses folles amours ; Ce Dieu des chantres Grecs, & ce Tebain [304] lyrique Par qui nous sçavons l'art de l'ode Pindarique [305], Soustient bien le contraire à la barbe de tous, Aussi je veux dans peu confondre ces vieux fous ; Et prenant comme Athlas° le fardeau sur l'espaule. JODELET *se lassant.*. C'est assez, concluons que l'amour est bon drole. Tu te mets en colere ? PANCRACE.         Est ce mal à propos ? Et l'amour n'est-il pas fils aisné de Cahos° ? JODELET. Du Cahos° ! par ma foy tu m'en [306] fais bien accroire⁎. PANCRACE. Hesiode t'en peut rafraischir la memoire, Et te faire sçavoir si ce sont des abus. JODELET. N'est ce pas cet autheur qui fait ces beaux rebus ? Hé bien, j'ay dit rebus au lieu de coq-à-l'asne. Voyla bien de quoy rire ! PANCRACE.         Ah ! stupide, ah ! profane, Nommer un Philosophe un faiseur de rebus ? JODELET. Mais n'est-ce pas tout un, puis qu'il parloit Phebus [307] ? Dis-en la verité. PANCRACE.         Respecte un Philosophe. JODELET. Pourquoy le respecter s'il est de ton estoffe ? PANCRACE. Oüy, mais tel que je sois, je lis dedans les Cieux, Et suis quand il me plaist dans le secret des Dieux. Je sçay par quel pouvoir & par quelle aventure Ils commirent le monde au soin de la Nature, Comme ils ont inspiré le pouvoir aux agens, Esclairé les esprits de feux intelligens. Sousmis l'estre innérant à sa cause premiere, Joint la chaleur au feu, l'esclat à la lumiere. De contrarietez formé les Elemens, Et de diversitez fait nos temperamens. Ce qu'une estoille peut, quelle est son influence [308], Comme sans nous forcer elle esmeut la puissance [309], Et donne quelque pante à l'inclination [310] Sans la violenter dans l'operation. Je sçay comme se font les careaux [311] du tonnerre, Les eclipses de jour, les tremblemens de terre : Ce que l'on peut trouver de souffre aux mineraux, Et ce qui peut entrer de sel dans les metaux Je connois les secrets des vertus harmoniques, Que l'ame renferma dans les corps organiques. Comme les Embrions creez de sang & d'air, Apres quarante jours se laissent informer : Comme elle donne au corps les ordres necessaires, Comme se font les nerfs, les veines, les arteres, Les fibres, les tendons, le sang, les ligamens, Muscles, os, cartilage, & chair, & filamens : Comme sont confondus par un lien utile L'esprit, la pituite [312], & le sang & la bile. Je sçay que le polmon, le cœur & le cerveau… JODELET. Ma foy tu n'es qu'un sot ! PANCRACE.         Et toy tu n'es qu'un veau. JODELET. Va t'en le demander à cette jeune folle Qui me dit tous les jours que je suis son idole, Et qui te tient un fol quoy que tu sois docteur ; Lisette… PANCRACE.     Que dis-tu ? JODELET.         Je ne suis point menteur. PANCRACE. Mais sçachons tout de luy, Jodelet si ton ame Est flexible aux élans de l'amoureuse flame Dis moy ce que tu sçais de Lisette & de toy ! T'aime-t'elle ? JODELET.     Elle m'aime. PANCRACE *bas.*.     Ah ! JODELET.         Voylà bien de quoy. PANCRACE. Ingrate ! preferer ses services aux nostres. Tu l'aimes ? JODELET.     Point du tout. PANCRACE.     Mais… JODELET.         J'en ay bien veu d'autres. Ils [313] ont beau me prier, mon honneur m'est trop cher, S'ils veulent de l'amour qu'ils en aillent chercher, Je ne suis pas payé pour souffrir⁎ leurs fredaines, Et j'aimerois bien mieux que les fievres quartaines [314] Les prissent au collet, & les vinssent serrer Que de les escouter se plaindre & souspirer. L'une en vous œilladant d'un regard ridicule Vous vient dire, je meurs, ah ! je pasme, je brûle, J'enrage mon Amour, je suis dans les transports. L'autre plus engrognée [315] invoque mille morts, Et pour vaincre une humeur trop rebrousse [316] & trop aigre Fait la mine d'un chat qui boiroit du vinaigre, Et se met à pioller sur un ton si touchant, Qu'il feroit enrager la beste & le marchant. Je ne suis pas si sot que de croire Lisette, Elle a perdu son temps & sa fortune est faite ; Elle a beau me vouloir deschirer le manteau, M'arracher les cheveux, ou m'escorcher la peau ; On ne dira jamais dedans nostre village Que j'aye dementy l'honneur de mon lignage, Et que je ne sois plus un garçon vergogneux [317] ; Je sçay ce qu'on disoit de Pierrot le honteux Quand il s'amouracha de sa jeune commere⁎. PANCRACE. Mais… JODELET.         M'aime-t'elle bien qu'elle en parle à ma mere, Et ne pretende pas m'attraper comme un veau, Ariste me fera geolier de son chasteau, Où mon pere possede un employ fort honneste ; Un jour j'auray du bien, & ne suis pas si beste Que… PANCRACE.         Je ne puis penser qu'elle t'estime tant. JODELET. Si je t'en dis la preuve en seras tu contant ? PANCRACE. Tu ressusciteras & mon cœur & mon ame. JODELET. Elle dit que tousjours tu luy parles de flame ; Que pour elle tes feux sont des plus élegans, Et que tous tes discours sont bien extravagans⁎ ?     PANCRACE. Ne raille point amy, dis moy tout, je te prie. JODELET. Je parle tout de bon, ce n'est point raillerie ; Elle m'a dit de plus que tu veux l'espouser, Et que sur l'escalier en la voulant baiser, Tu te fis en tombant cette bugne [318] à la temple [319]. PANCRACE. En puis je demander une preuve plus ample ? JODELET. De plus elle m'a dit, mais au moins soit discret, Que de ton maistre en fin luy fiant le secret, Tu luy dis que demain il devoit faire gilles [320], Qu'il emmenoit Olympe, & qu'il troussoit ses quilles [321] : En veux-tu davantage ? PANCRACE.         Ah Dieux ! je suis perdu, Je voudrois de bon cœur que tu fusses pendu ! JODELET. Et moy pour te payer des souhaits si loüables, Que ne te puis-je voir aller à tous les Diables ! PANCRACE. Mal-heureux qu'ay-je-fait ! JODELET.     Au moins. PANCRACE.         Esloigne-toy Ah ! mort. JODELET.     Il fait le fou, le grand sot ! PANCRACE.         Laisse moy. Mais j'entens quelque bruit. ### SCENE VI. ARISTE, JODELET, Trouppe de Violons, PANCRACE, CLIMANTE cachez, avec une autre trouppe de Violons. JODELET.         Voicy toute la bande. PANCRACE. Allons donc advertir mon maistre qu'il descende. ARISTE *à ses Violons, sans faire semblant de sçavoir* *que Climante est caché.*. Voicy le bel endroit, allons donnez ! CLIMANTE *à ses Violons.*.         Donnez. 1.VIOLON *à son camarade, ne voyant pas les violons de Climante qui avoient sonné* [322]. Je ne puis m'accorder tandis que vous sonnez, Un peu de patience… en fin c'est assez dire, Messieurs, escoutons nous, il n'est pas tant de rire. 2.VIOLON. Vostre do-la-ré-sol. 3.VIOLON.         Un peu vostre Emi-la. 2.VIOLON. Vostre gé-ré-sol-ut [323]. 3.VIOLON.         Encore… m'y voylà. 1.VIOLON. Estes-vous prests, Messieurs ? faut-il que je commence ? Allons, c'est à ce coup. 2.VIOLON *l'arestant.*.         Un peu de patience, Ma quarte se relasche au moins d'un demy ton, Je suis bien. 1.VIOLON.         L'Alemande⁎, allons, c'est tout de bon. ARISTE. Messieurs, ce n'est pas là ce que je vous demande, Vous joüez la bourrée⁎ au lieu d'une Alemande⁎ 2.VIOLON. Nous n'estions pas icy tous seuls de violons. ARISTE. Le Flambeau… JODELET *apportant un flambeau.*.         Sus, Messieurs, monstrez-nous les talons [324]. ARISTE. Les coquins. JODELET.         Denichez allons, quitte la place, Ou je te casseray la teste avec ta basse. CLIMANTE *deguisé.*. Toy ! si tu l'avois fait avecque ce flambeau, Je te ferois griller comme on fait un pourceau. Veux-tu voir ? JODELET.         Ah ! Monsieur, escoutez moy, de grace, Je disois qu'en courrant, il casseroit sa basse, Et parlois à mon maistre afin qu'il s'appaisast. ARISTE. Monsieur, ne songez pas à ce que dis ce fat⁎ Et souffrez⁎… CLIMANTE.         Quoy souffrir⁎ ? la plaisante boutade ! Et quel droict avez vous de donner serenade ? ARISTE. Le droict qu'on peut avoir lors que l'on aime bien. CLIMANTE. Moy, j'aime plus que vous. ARISTE.         Et moy je n'en croy rien. CLIMANTE. Tout cela git en preuve. ARISTE.         Ah ! la grande beveuë, Amis, retirez vous, vostre cause est perduë. CLIMANTE. Ne riez pas encore, & preuvez seulement. ARISTE. J'ay pleuré mille fois. CLIMANTE.         Et moy pareillement. ARISTE. J'ay souffert⁎ des rigueurs sans espoir de salaire. CLIMANTE. J'ay souffert⁎ des mespris sans me mettre en colere. ARISTE. Quoy qu'une amante ait fait je n'ay point murmuré. CLIMANTE. J'ay treuvé tout fort bon de l'objet⁎ adoré. ARISTE. J'ay couché sur sa porte. CLIMANTE.         Et moy dedans sa ruë. ARISTE. J'ay fait la sentinelle. CLIMANTE.         Et moy le pied de gruë. ARISTE. J'ay fait mille sonnets. CLIMANTE.         Et moy mille rondeaux. ARISTE. J'ay payé des festins. CLIMANTE.         J'ay donné des cadeaux⁎. ARISTE. J'ay fait un grand voyage. CLIMANTE.         Et moy cent promenades. ARISTE. J'ay donné des concerts. CLIMANTE.         Et moy des serenades. ARISTE. J'ay donné mille escus pour porter un poulet⁎. CLIMANTE. J'en ay despensé deux pour gaigner un valet. ARISTE. J'ay tiré pour Doris cinquante fois l'espee. CLIMANTE. La mienne pour Philis [325] fut cent fois occupée. ARISTE. J'ay tué pour Caliste° un faiseur de oüyda. CLIMANTE. J'en batis dans le cours qui disoient la voyla. ARISTE. J'ay presté de l'argent au mary d'Isabelle [326]. CLIMANTE. Je me suis laissé perdre en joüant avec elle. ARISTE. J'ay donné des galans⁎. CLIMANTE.         J'ay donné des bouquets. ARISTE. J'ay donné cent Guenons. CLIMANTE.         Et moy cent perroquets. ARISTE. J'ay donné pour le moins sept à huict cent Cassandre. CLIMANTE. Moy cinq cens Ibrahims, & trois cent Polexandre [327]. ARISTE. J'ay fait veoir à Daphnis [328] dix fois Heraclius. CLIMANTE. Moy vingt fois Themistocle [329], & peut estre encor plus. ARISTE. J'ay donné du jasmin dans le mois de Decembre. CLIMANTE. Dans le mois de Janvier j'en semois une chambre. ARISTE. A la foire en un jour j'ay donné cent bijoux. CLIMANTE. Moy pour un soir au bal deux mille citrons doux. ARISTE. En cent lieux de Daphné j'ay la belle peinture. CLIMANTE. Je l'ay de sa hauteur fait peindre en mi-nature. ARISTE. En frisure par jour dix escus… CLIMANTE.         Arrestez, En eschelle de corde il me les a coustés, Et pour les rendez-vous. ARISTE.         Tresve de raillerie. Mais puis que par l'amour ou la galanterie, Nous ne pouvons finir un combat si douteux [330] Je sçais un bon moyen pour nous regler tous deux Vous veniez divertir une jeune merveille Là dedans. CLIMANTE.     Oüy. ARISTE.         J'y viens pour affaire pareille. Oronthe appaisera cette noise⁎ entre nous Cet homme est fort commode. CLIMANTE.         On dit qu'il est jaloux. ARISTE. Point du tout, la franchise est telle dans son ame Qu'il se tient honoré quand on aime sa femme CLIMANTE. Hé bien… ARISTE.         Sçachons de luy lequel demeurera. CLIMANTE. Mais… ARISTE.     Je le connois bien. CLIMANTE.         Tout ce qu'il vous plaira PANCRACE. Exibez vous, Monsieur, & par quelques adages De ces periclitans, dissipez les ambages⁎. ### SCENE VII. ARISTE, CLIMANTE, ORONTHE, PANCRACE, JODELET [331], Les deux troupes de Violons. ARISTE *appellant Oronthe.*. Amy ? ORONTHE.         Que vous plaist-il de vostre serviteur ? CLIMANTE. Appaiser un debat dont Monsieur est l'autheur. ARISTE. C'est… CLIMANTE.         Laissez-moy conter comme s'est fait la chose. ARISTE. Je la dois reciter, puisque je la propose. CLIMANTE. Je parleray pourtant le premier s'il vous plaist. ARISTE    [120]. Je diray le premier la chose comme elle est. CLIMANTE. De grace. ARISTE.     Mais Monsieur. CLIMANTE.         Mais vous avez beau dire. ORONTHE. Ce plaisant differend me fait crever de rire. Qu'est ce donc ? CLIMANTE.     C'est… ARISTE.     Monsieur… ORONTHE.         Escoutez-vous enfin, Ce debat dureroit jusqu'à demain matin. ARISTE. En ces beaux jours d'Esté… PANCRACE.         L'exorde n'est pas fade. ARISTE. Voulant me divertir à donner serenade, Monsieur est survenu, qui dans le mesme instant Sans me considerer en vouloit faire autant : Nous estans abordez pour finir la querelle, Nous demeurons d'accord qu'en fin le plus fidelle Et le plus viel martyr de l'Empire amoureux Demeureroit… ORONTHE.         Et bien lequel l'est de vous deux ! CLIMANTE. Nous nous sommes trouvez tous deux d'egale force. ORONTHE. Attendez pour finir cet aymable divorce ; Il faut avoir recours à de bonnes raisons, Veniez vous divertir quelqu'un dans ces maisons ? J'entens un bel objet⁎ qui vous chatouille l'ame. CLIMANTE. Oüy, Monsieur une fille. ORONTHE.     Et vous ? ARISTE.         C'est une femme. ORONTHE. Cette fille a son pere, & qu'est-il ? CLIMANTE.         Advocat. ARISTE. Il vous fourbe. ORONTHE.         La vostre est de plus grand estat ? ARISTE. Elle est ou le sera femme d'un Gentil homme. ORONTHE. Il n'en est point icy ? ARISTE *bas à ORONTHE.*.         Plustot que je le nomme, Jugez en ma faveur, ce Gentil homme est vous ; Et luy qui ne sçait pas comme on vit entre nous, Penseroit que d'amour je serois bien malade ; Olimpe estant l'objet⁎ de cette serenade ; Je le dis en amy, cela vous feroit tort. CLIMANTE. Ah ! c'est trop parler bas. ORONTHE.         Vous serez tous d'accord. CLIMANTE. Peut-on oüir parler d'une telle sottise ? ORONTHE. Monsieur me fait l'honneur d'agir avec franchise ; Et songeant à ma femme & la nuit & le jour… ARISTE *voulant le faire taire.*. Oronthe… ORONTHE.         Il l'aime en fin sans luy parler d'amour. CLIMANTE. On est souvent trompé pour estre trop facile. ORONTHE. Je ne crains point l'amour dans un esprit tranquille, Et je distingue bien le bon & le mauvais : Mais allez je vous laisse. CLIMANTE.         Adieu vivez en paix. ARISTE. Que de bontez ! Monsieur. CLIMANTE.     Le fat⁎. ORONTHE.         Qui peut le croire ? ARISTE *à Climante qui s'en va.*. Vous voyez de quel air j'emporte la victoire. CLIMANTE *revient.*. N'en ayez point d'orgueil, vous ne luy devez rien, Et ne présumez pas qu'il vous fasse du bien ; Puisque ce demeslé n'estant fait que pour rire Tousjours à vos advis vous m'auriez veu souscrire ; Et sans que cet arrest intervienne entre nous Connoissez qui je suis ? ARISTE.         Ah ! Climante est ce vous ? CLIMANTE. C'est par l'ordre d'Olimpe à qui l'affaire touche, Par cette fausse barbe, & cette balle en bouche, J'ay caché mon visage & deguisé ma voix ARISTE. Ma foy j'y serois pris une seconde fois [332]. ORONTHE. Mais c'est perdre le temps il faut que l'on commence, Olimpe nous escoute & meurt d'impatience. ARISTE. Elle pardonnera ce long retardement. Elle en est cause. ORONTHE.     Allons CLIMANTE.         Qu'il parle ingenûment. Il se croit obligé de ce que l'on le jouë. ORONTHE. Il n'en est pas au monde un plus sot. CLIMANTE.         Je l'advouë. ARISTE. Je te rens grace Amour, je les tiens au filet, Les fourbes sont duppez, fais joüer Jodelet. Fin du quatriesme Acte. ## ACTE V. ### SCENE PREMIERE. ARISTE, OLIMPE. ARISTE. Madame, benissons l'amour de Jodelet, Je devray ma fortune aux soins de ce valet, Vous partiez… OLIMPE.         Sans pouvoir vous apprendre peut estre Non plus qu'à mes parens où me tiendroit ce traistre. ARISTE. Il n'en est plus le temps on s'en douteroit bien. Mais le desguisement du Docteur… OLIMPE.         Ce n'est rien. Il est fait à joüer de pareils personnages. ARISTE. Tout est prest pour punir de si cruels outrages Sur tout un peu de cœur pour en venir à bout. OLIMPE. Je connois vostre zele & me resous à tout. ARISTE. Madame, je voudrois que vous peussiez comprendre Quels seroient les devoirs que je voudrois vous rendre, Et qu'en fin vostre esprit en peut estre informé, Au moment que [333] mon cœur se sent tout consommé⁎, Mais c'est vouloir tenter une chose impossible, Que de rendre d'amour le bel excez visible, Puisque celuy qui sçait parfaictement aimer, Le ressent beaucoup mieux qu'il ne peut l'exprimer, Oüy, lors que d'un beau feu nostre ame est enflâmée Le respect seul en parle à la personne aimée, Et des brûlans soûpirs la forte expression Est le seul truchement de nostre passion, Ainsi je ne sçaurois que par un long silence Exprimer de mes feux la forte violence, Et mes tristes⁎ regards à travers de mes fers Ont droict seuls de parler des maux que j'ay soufferts⁎. OLIMPE. Un si profond respect est certes admirable. ARISTE. On n'en peut trop avoir pour un objet⁎ aimable⁎ : Et de quelques ardeurs que nous soyons pressez Quand on peut dire j'ayme, on dit toûjours assez. OLIMPE. Ces concertations en un cœur tout de flâme, Ne peuvent compatir qu'avec une belle ame. ARISTE. Et les beaux sentimens que vous nous inspirez, Ne peuvent allumer que des feux espurez. OLIMPE. Un cœur si genereux sensiblement me touche. ARISTE. Que la loüange plaist dans une belle bouche ! Et que le plus modeste en le desavoüant Paye mal les bontez qu'on monstre en le loüant. OLIMPE. Qu'il est doux de loüer, ce qu'on juge loüable ! ARISTE. Qu'il est aisé d'aymer ce que l'on treuve aimable⁎ ! OLIMPE. C'est offenser l'honneur que ne vous aimer pas ! ARISTE. C'est suivre la vertu que marcher sur vos pas. ### SCENE II. OLIMPE, ARISTE, CLIMANTE caché. OLIMPE. Que Climante m'oblige alors qu'il vous envoye ! CLIMANTE *caché bas.*. Elle parle de moy, je vay mourir de joye. ARISTE. Puisque par son moyen j'ay le bien de vous voir, Il m'oblige en un poinct qu'on ne peut concevoir. CLIMANTE *bas.*. Tu ne sçais pas le nœud de nostre stratageme. OLIMPE. Dites-luy que cent fois j'ay dit que je vous ayme ! CLIMANTE *bas.*. Je te rends grace, amour ! ARISTE.         Que je suis satisfait ! CLIMANTE *bas.*. Il se croit obligé du bien qu'elle me fait. OLIMPE. Dites luy que j'ay dit que je m'impatiente. Quand je ne vous voy pas. CLIMANTE *bas.*.         O bien-heureux Climante ! OLIMPE. Qu'il me fera plaisir, s'il treuve le moyen De me faire souvent avoir vostre entretien. CLIMANTE *bas.*. Plus elle le verra, plus son adresse extreme, M'apprendra par Ariste à quel poinct elle m'aime. ARISTE. Je treuve en vous voyant un trop puissant secours Pour ne le prier pas de m'envoyer tousjours. CLIMANTE *bas.*. Et j'ay trop de plaisir d'un si plaisant message Pour ne te faire pas joüer ce personnage. OLIMPE. Que je sens de plaisirs alors que je vous voy ! CLIMANTE *bas.*. Le fat⁎ ne connoist pas qu'il fait l'amour pour moy. OLIMPE. En luy parlant, sur tout gardez de vous confondre. CLIMANTE *bas.*. La raillerie est fine, il n'y pourra respondre. OLIMPE. Et ne hazardez pas sa perte & mon appuy. CLIMANTE *bas.*. Comment ne voit-il pas qu'elle se rit de luy ? ARISTE. Je sçauray mesnager cet amant miserable. CLIMANTE *bas.*. Ce nom d'amant me choque, & n'est point agreable. OLIMPE. Vous n'avez plus long-temps à souffrir⁎ ce rival. ARISTE. Peut-estre avant demain je perdray ce brutal. CLIMANTE *bas.*. Tout cecy me déplaist, & j'ay peur de sa suite. OLIMPE. Vous ne pouvez manquer d'esprit & de conduite. ARISTE. Au moins tant qu'il ira de prendre loy [334] de vous. CLIMANTE *bas.*. Quelque important mistere est caché là dessous. Il parle avec chaleur, elle respond de mesme, L'aimeroit-elle ? ARISTE.         Au moins songez que je vous aime. Dessus ces belles mains je puis vous le jurer ; CLIMANTE *bas.*. Helas ! ce seul baiser me doit desesperer ! ARISTE. Le traistre… OLIMPE.     L'insolent. ARISTE.     Le fourbe. CLIMANTE *bas.*.         L'infidelle Il n'en faut plus douter, il est adoré d'elle. Ah Dieux ! en quel mal-heur je suis embarassé ? ARISTE. Il se repentira de m'avoir offensé. OLIMPE. Ne vous exposez point quoy que le traistre face ! CLIMANTE *bas.*. Je ne puis plus souffrir⁎ l'excez de leur audace, Sortons vistes d'icy de peur d'estre surpris, Et sans leur tesmoigner que j'aye rien appris OLIMPE *voyant Climante.*. Escoutoit-il ? CLIMANTE.         Treuvons quelque adresse nouvelle, Pour descouvrir leur fourbe ou pour me vanger d'elle. Mais j'apperçois Oronthe. JODELET *tout essouflé* [335].     Ah ! ARISTE.     Qu'estre. JODELET.         Promptement, Viste, l'exempt, Monsieur [336]. ARISTE.         Parle distinctement, Mais escoute on nous suit. ### SCENE III. ORONTHE, CLIMANTE. ORONTHE *bas.*.         Feignons avec adresse. Hé bien ! CLIMANTE.     Ils sont là bas. ORONTHE.         Joüons leur quelque piece. CLIMANTE *froidement.*. Mais quelle ? je me treuve au bout de mes leçons ! ORONTHE. D'effet l'on l'a joüé de toutes les façons. CLIMANTE. En fin… ORONTHE.         Si vous feigniez de voir d'un œil d'envie Qu'il passe avecque nous trop doucement sa vie, Et qu'Olimpe l'aimant, & mesmes plus que vous, Quel [337] amy qu'il vous soit vous en estes jaloux. CLIMANTE. Mais… ORONTHE.         Cela produiroit trois effects agreables, L'un de le voir penser qu'il est des plus aimables⁎, Et qu'Olimpe pour luy souspire tous les jours, L'autre de me croire homme à souffrir⁎ ces amours, Et le troisiesme en fin de penser que vostre ame Brûle indiscrettement d'une pareille flâme. CLIMANTE *bas.*. Ainsi je puis tout haut me vanger d'un rival. ORONTHE *bas.*. Si prest de mon depart je ne l'entens pas mal. La piece est assez bonne. CLIMANTE.         Et sera bien menée, Pourveu qu'Olimpe essaye à faire l'estonnée, Et feigne adroitement de vous croire jaloux Pendant que vous feindrez de vous mettre en couroux. ORONTHE. Et vous ? CLIMANTE.         Du ton de voix & de l'air du visage Vous me verrez si bien joüer mon personnage, Qu'en fin vous advoûrez que le plus delicat S'y pourroit laisser prendre aussi bien que ce fat⁎. Mais il faudroit qu'Olimpe en peust estre advertie. ORONTHE. Un clin-d'œil la pourra mettre de la partie : Et la correspondance est telle entre nous deux Qu'un regard la dispose à tout ce que je veux. CLIMANTE. Allons vers ces jardins [338], c'est là qu'ils s'entretiennent. ORONTHE. Ne sortons point d'icy, je les revoy qui viennent. ### SCENE IV. ORONTHE, CLIMANTE, OLIMPE, ARISTE. CLIMANTE. Cajoller ce qu'on aime & ne le point quitter, C'est n'avoir à mon gré plus rien à souhaiter. ORONTHE. Aussi je ne veux plus souffrir⁎ tout ce mistere. CLIMANTE. Ny moy passer pour sot à force de me taire, Puisque de la façon que l'on vous voit agir, Vous mal-traittez Oronthe, & me faictes rougir. OLIMPE *à ORONTHE*. De quoy l'accusez-vous ? d'où vient vostre colere ? ARISTE *à ORONTHE*. En quoy sans y penser ay-je pû vous desplaire ? Sans doute que tantost il m'avoit escouté [339]. CLIMANTE. De nous priver du bien de voir cette beauté, Que vous voulez contraindre à trop de violence. OLIMPE *à CLIMANTE*. Vous en faictes bien plus en rompant le silence, Mais sans vous informer s'il m'importe ou non, Apprenez seulement que je le treuve bon ; Et n'embarassez pas vostre esprit de chimeres, Qui n'ont pas le secret d'avancer vos affaires. ORONTHE. Il m'oblige, Madame, en vous parlant ainsi. OLIMPE. Vous me ferez plaisir en vous taisant aussi. Car quoy que vous disiez afin de le destruire Je tiens pour ennemy quiconque luy veut nuire, Et tel [340] que vous soyez ne croyez pas jamais, Me contraindre à changer, l'aimant comme je fais. ORONTHE *bas.*. Il croit ce qu'elle dit. CLIMANTE *bas.*.         Elle entend mal la feinte, Et dévroit tesmoigner davantage de crainte, Il seroit deferé⁎ si chacun le quittoit. ORONTHE [341]. Ce coup d'œil la va rendre autre qu'elle n'estoit. OLIMPE. Vous me faictes en vain signe de la prunelle ; Vous n'avez pas affaire à quelque ame infidelle. Qui change à tout moment, & brûle de tout feu.     ORONTHE. Elle n'a pas compris quel estoit vostre jeu, Et croit le bien joüer par cette complaisance [342]. OLIMPE *à ARISTE*. Des souspçons qu'il avoit il veut prendre vengeance, Et sous ces mots couverts il veut m'embarasser, Mais en termes adroits il faut les repousser. Feignez, il n'est pas temps… ARISTE.         N'en parlez plus ensemble Oronthe, il n'en sera que ce que bon vous semble. Et sans vous amuser de discours superflus, Lors que vous le voudrez je ne la verray plus. Mais je ne puis comprendre à quel propos Climante, Estant le protecteur de ma flâme innocente, Pour la rendre suspecte a fait tout ce qu'il peut ! CLIMANTE. Les choses vont souvent plus loin que l'on ne veut ; Et quand je reconnois quelles sont vos pensées, Je voudrois rappeller mes actions passees. ARISTE. Apres tant d'amitié, cher Climante, je croy Que l'amour seulement vous fait rompre avec moy, Et qu'Olimpe estant belle & disposant d'Oronthe Vous vous persuadez d'y treuver vostre compte. ORONTHE. Tout au moins il agist plus franchement que vous ! OLIMPE *en monstrant Climante.*. Oronthe, il parle ainsi par ce qu'il est jaloux, En se servant de vous dedans ce stratageme, Il croit m'espouventer. ORONTHE.         Je veux bien qu'il vous aime Estant sage & discret. OLIMPE.         Il y perdra ses pas. CLIMANTE. J'aurois juste sujet de ne vous aymer pas. Et vous devez rougir du feu qui vous consomme⁎, Et d'escouter en fin les souspirs d'un jeune homme Dont l'indiscretion me fait son confident ; Ayant rendu par tout son amour évident : Je vous aime, il est vray, mais vostre ingratitude Combat ma passion d'un traittement si rude, Que vous me reduisez en l'estat où je suis De recourir en fin à tout ce que je puis, D'esventer les secrets qu'une aimable⁎ contrainte Retenoit dans mon cœur en sa plus vive atteinte Et qu'un profond respect m'eust forcé de celer Si vous ne m'eussiez pas obligé d'en parler. ORONTHE. Qu'il feint bien ! CLIMANTE.         Vous devez mourir icy de honte, D'enfler d'orgueil Ariste, en l'aimant plus qu'Oronthe, Et de voir qu'un amy ne m'est pas assez cher Pour laisser faire un mal que je puis empescher. ARISTE *bas.*. Le lasche. ORONTHE *bas à CLIMANTE*.         Vous joüez trop bien ce personnage, Gardez de la fascher. CLIMANTE *tout haut.*.         Ce n'est qu'une volage. ORONTHE *bas.*. Elle ne comprend pas quel est notre dessein. Espargnez-les. CLIMANTE *tout haut.*.         Il est trop avant dans son sein. OLIMPE. A la fin je me treuve au bout de ma finesse. ARISTE. Puis qu'Oronthe le sçait, ce n'est qu'un tour d'adresse, Et puis qu'il est d'accord qu'il vous parle d'amour, C'est pour faire piece, & vous joüer d'un tour. ORONTHE. Je vous suis obligé, mais demeurez. CLIMANTE *haut.*.         L'ingrate ! ORONTHE. C'en est assez. CLIMANTE *haut.*.         Il faut que ma colere esclatte. ARISTE. Qu'il a bien pris son temps pour se plaindre de vous ! Mais nostre tour viendra pour nous mettre en courroux. ORONTHE *en le voulant retenir un peu loin d'eux.*. Je ne puis l'arrester, il est trop en colere. OLIMPE. Laissez le [343] aller chercher les moyens de me plaire ! Il sçait que son absence en est le seul moyen, Et qu'autant qu'un jaloux je hay son entretien ; Quoy ! Climante est bouru⁎ quand je cheris Ariste ? Le reste de ses jours il peut donc estre triste⁎, Et pendant que [344] je veuille en dire les raisons S'asseurer d'une place aux petites maisons [345]. Allez beau bilieux, amant trop colerique Moderer ce chagrin qui vous rendroit ethique, Soyez de belle humeur, reprenez l'embon poinct, Dormez, riez, chantez, & sur tout n'aimez point : L'amour eschauffe trop nostre sang dans les veines, Et puis à dire vray vous y perdrez vos peines, Vous avez des deffauts, Ariste a des appas⁎, Je ne vous aime point, & je ne le hay pas : Du feu que j'ay pour luy loing de rougir de honte, Si je fais bien ou mal laissez agir Oronthe. ORONTHE. Arrestés… CLIMANTE.         Je luy veux monstrer ce que je puis. ARISTE *bas.*. Dans deux heures d'icy tu sçauras qui je suis. Adieu. CLIMANTE.         Je ne puis plus en fin, c'en est trop dire. ORONTHE. Je feray vostre paix, ce n'estoit que pour rire. OLIMPE *en riant.*. Ce jeu quoy qu'il ait dit ne m'estoit point caché. ORONTHE. N'a t il pas tout de bon fort bien fait le fâché ? OLIMPE *en riant.*. Fort bien, & vous voyez qu'Ariste en réve encore. ORONTHE. Que faictes vous ? ARISTE.         Je songe à tout ce que j'abhorre. ORONTHE. A quoy donc ? ARISTE.         A sortir promptement de ces lieux N'y pouvant plus souffrir⁎ d'y voir des envieux. ORONTHE. Estoit-ce le sujet de vostre inquietude ? ARISTE. C'est à quoy je révois dedans ma solitude. ORONTHE. Qui croiroit que je songe à m'esloigner d'icy ? Reposez-vous sur moy, n'ayez aucun soucy : C'estoit pour divertir une melancolique, Que cet amy feignoit de faire le critique ; De grace, appaisez le ce pendant que [346] j'iray Courir aprés Climante, & le rameneray. ### SCENE V. ARISTE, OLIMPE. ARISTE. Il croit adroittement vous avoir offensée. OLIMPE. Mon apprehension n'est pas encore passée. Je crains tout d'un secret qui peut estre esventé. ARISTE. Je vous avois bien dit, il avoit escouté. OLIMPE. Sans doute que le traistre y treuveroit son compte, Si de sa jalousie il informoit Oronthe, Ah ! que le temps est long. ARISTE.         Ah ! qu'il me dure aussy. Mais dans une heure [347] au plus mes gens seront icy, Le rendez-vous est pris, l'heure mesme est donnée ; Les Archers dispersez, la Requeste signée, Et Leonce a laissé vos parens en chemin     Qui pour nous appuyer seront icy demain ; Et ne faut seulement que se saisir du traistre. OLIMPE. Climante a du credit, & ce lasche peut-estre Presentant le malheur qui luy doit arriver Destournera le coup qui me doit conserver. Il ne faut qu'un moment pour destruire l'affaire. ARISTE. Il peut icy beaucoup. OLIMPE.         Helas ! j'en desespere. ARISTE. S'il sçait nostre dessein, tout est perdu pour nous. Mais… OLIMPE.         Oronthe revient, & paroist en courroux. ### SCENE VI. ARISTE, OLIMPE, ORONTHE, CLIMANTE [348]. ORONTHE. Non, je n'en doute plus, leur flâme est toute claire, Cachez vous, & voyez l'effet de ma colere ARISTE. Feignez bien ! OLIMPE *en riant.*.         Qu'avez-vous ? vous semblez esperdu ! ORONTHE. J'ay regret à l'honneur [349] que je vous ay rendu. OLIMPE. Et moy qui tiens de vous les respects pour injure, Je ne puis concevoir comment je vous endure. ORONTHE. Si vous vous offencez de l'excez de ma foy⁎, Vous n'aurez pas long-temps à vous plaindre de moy. OLIMPE. Et pourveu que l'effet suive cette menace, Ce coup de desespoir me doit estre une grace. ORONTHE. Pour un fâcheux objet⁎ qu'il faut abandonner La grace qui l'éloigne est facile à donner. OLIMPE. Vous vous repentirez d'avoir esté trop sage. ORONTHE. Je me suis repenty d'aimer une volage, Dont l'ame trop sensible aux feux d'un insensé. ARISTE. Monsieur … ORONTHE.         Retirez-vous, vostre temps est passé. OLIMPE. Si c'est le seul subjet de l'ennuy⁎ qui vous touche, Vous pourrez bien mourir le reproche à la bouche. ORONTHE. Et si vous ne vivez avecque plus d'honneur, Je vous verray mourir sans gloire & sans bon heur. OLIMPE. J'en auray tousjours trop pourveu qu'Ariste m'aime. ARISTE *bas.*. Feignez jusqu'à la fin. OLIMPE.         Ah ! ma crainte est extréme. ORONTHE. Oüy, c'est trop abuser de ma facilité. OLIMPE. Il ne faut donc jamais dire la verité ? ORONTHE. Cherir un innocent [350] ! OLIMPE.         En suis-je condamnable ? Et ne m'est-il permis que d'aimer un coupable ?     ORONTHE. Pour railler avec moy prenez mieux vostre temps ! OLIMPE. Et vous ne taschez point de rire à mes despens. ORONTHE. Je ne ris point, Madame, & n'en ay point d'envie. OLIMPE. Vous me voulez joüer, mais je vous en deffie. ORONTHE *bas.*. Croit-elle que je fais semblant d'estre en courroux ? Et que pour l'attrapper je feins d'estre jaloux. Mais… OLIMPE.         Vous n'entendez rien à vous mettre en furie. ORONTHE. Le despit où je suis passe la raillerie, Et mon ressentiment va jusqu'au dernier poinct. OLIMPE. Ne vous contraignez plus vous ne m'y prendrez point. ARISTE *voyant Oronthe le dos tourné.*. Bon… ORONTHE.         Vous le prenez mal, & vostre esprit s'abuse. OLIMPE. Que vous seriez ravy si j'en restois confuse, Et que me faisant craindre un desordre nouveau ; Vous me fissiez en fin donner dans le paneau [351]. Il suffit, reprenez vostre humeur ordinaire. ORONTHE. Ah ! c'est trop. OLIMPE.         Tout de bon, estes vous en colere ? ORONTHE. J'y suis avec raison ! OLIMPE.         Ce souspir est adroit ! Et tout autre que moy sans doute s'y prendroit. ORONTHE. Tréve de raillerie à la fin je m'en lasse. OLIMPE. Vous me bernez pourtant avec assez de grace. ORONTHE *bas.*. Sur de pareils discours Climante asseurément A pû prendre d'Olimpe un mauvais sentiment. Cet esprit trop leger se duppe par l'oreille [352]. OLIMPE. En fin n'y pensez plus, vous avez fait merveille. Si je vous ay monstré que je ne craignois rien, Ce n'est pas qu'en effet vous ne feignez fort bien, Et que vostre courroux n'ait beaucoup de finesse. ORONTHE *bas.*. Climante n'a pas veu que c'est un tour d'adresse, Et croyant me venger en troublant mon repos, Il s'est joüé luy-mesme assez mal à propos. OLIMPE. Confessez moy la debte, & m'aimez davantage ! ORONTHE *bas.*. Il faudroit estre fol pour la croire volage ! OLIMPE. Vous faschez vous encor ? ORONTHE *bas.*.         Climante n'est qu'un sot. OLIMPE. Jaloux ? ORONTHE *bas.*.         Il eust mieux fait de ne m'en dire mot. OLIMPE. Estre cruel alors que l'on vous prie. ORONTHE *bas.*. Certes il entend mal la belle raillerie. Vous avés veu Climante, & l'avés bien joüé. OLIMPE. Feignons avec esprit [353]… vous l'a-t-il avoüé. ORONTHE. Il m'est venu treuver tout réveur & tout triste⁎, Pour me donner advis que vous aimiés Ariste, Et qu'en le caressant il vous avoit surpris. OLIMPE. Hé bien ! sçay-je en donner, mesme aux plus fins esprits ? ORONTHE. Si je le voy tanstot, je luy donneray bonne⁎. OLIMPE. Au moins conseillés-luy de ne joüer personne. ### SCENE VII. OLIMPE, ARISTE, ORONTHE, PANCRACE. ARISTE. Voicy quelque nouvelle ! PANCRACE *arrive en desordre.*.         Ha Monsieur, escoutés !     OLIMPE *à ARISTE bas.*. Il s'espouvente ! ORONTHE.         Ah ! Dieux mes chevaux arrestez. ARISTE *à OLIMPE bas.*. Le temps vient. OLIMPE *à ORONTHE*.     Qu'avez vous ? ORONTHE *sans l'escouter.*.         Mes pistolets, quel trouble ! LISETTE     [354]. Monsieur la foule croit, & le bruit se redouble ! ORONTHE. Ariste sauvez la, je vay descendre en bas. ARISTE. Allez je vous responds qu'elle n'en mourra pas. PANCRACE *suivant son maistre.*. Dans ces anxietez il faut que la prudence… ORONTHE. C'est trop… ### SCENE VIII. OLIMPE, ARISTE, ORONTHE, CLIMANTE, un Exempt, PANCRACE, JODELET, LISETTE, Troupe d'Archers. L’EXEMPT, *ayant l'espée de Climante qui s'estoit voulu mettre en deffence en l'endroit où il estoit caché par où l'Exempt vient la porte estant ouverte.*.         Faire le brave & se mettre en defence. Obeit-on ainsi dans les ordres du Roy ? Je vous fais prisonnier. ORONTHE.     Qui ? L’EXEMPT.     Vous Oronthe. ORONTHE.         Moy ? L’EXEMPT. Ouy, rendez vostre espée. ORONTHE *voulant tirer l'espée.*.         Ah ! je la veux defendre. Ariste sans bransler⁎ me la laissez vous prendre ? ARISTE. Comment peux-tu pretendre aucun secours de moy ? Ayant tant de sujet de me plaindre de toy. Dis lasche, n'es-tu pas ce ravisseur infame, Qui contraignit Olimpe à se dire ta fâme, Elle qui s'abaissa jusques à te flatter, Dans les extremitez que tu voulois tenter : Dedans la ville d'Aix ne l'as-tu pas ravie ? OLIMPE. Mais vous m'avez promis de luy sauver la vie. ARISTE. Madame, vos parens seront icy demain ! S'il obtient un pardon ce sera de leur main. Pour luy nostre bonté seroit trop criminelle. ORONTHE. Ah Dieux ! CLIMANTE.         Mais vous pourquoy prendre ces soins pour elle ? ARISTE. Pour la tirer des bras qui luy faisoient horreur⁎, Et la mettre en estat de braver ta fureur⁎. ORONTHE. Ah ! lasche si j'estois en estat. ARISTE.         Hé bien traistre. Que ferois-tu ? ORONTHE *en regardant Climante.*.     Climante… ARISTE.         Apprens à me connoistre. CLIMANTE. Tu ne parleras pas tousjours si hardiment. ARISTE. Tu ne jouras plus au moins impunement, Si j'ay passé pour sot en fin j'ay l'avantage, De te voir aujourd'huy joüer mon personnage, Et le voir d'autant mieux que ton esprit rusé, Ne peut plus m'empescher d'estre desniaisé, Si j'ay voulu manquer d'esprit & de courage, J'en vay faire paroistre à ton des-avantage ; Va dedans les prisons querir ton chastiment, Toy va chercher du cœur⁎ dans ton ressentiment Pour soustraire à mes veux cette rare merveille, Ne le retenez point. ORONTHE.         Ah ! douleur sans pareille. PANCRACE *à JODELET*. Quelle vicissitude ! OLIMPE *à Oronthe & Climante du ton colere⁎.*.         A ne vous rien celer. ARISTE *en interrompant.*. Ah ! ne leur faictes point l'honneur de leur parler. CLIMANTE. Tu te repentiras de ce que tu hasardes. L’EXEMPT. Madame, je leur vay faire donner des gardes. Messieurs, il me faut suivre, allons, sortons d'icy. ORONTHE. Faut-il donc que d'Olimpe il soit le maistre ainsi. ARISTE. Jusqu'à demain matin par un respect extreme, Je ne la verray point encore⁎ que je l'ayme ; C'est devant ses parens que j'attens… JODELET *à PANCRACE*.         Qu'en dis-tu ? ARISTE. Cet esclaircissement se doit à sa vertu, Non à vous. PANCRACE *à JODELET*.         Il touchoit son an climaterique [355]. ORONTHE *en s'en allant.*. Ah ! trop cruelle Olimpe. PANCRACE.         Ah ! destin Tyrannique⁎. OLIMPE. Je respons de nos jours [356]. ORONTHE.     Ah ! OLIMPE.         Je vous le promets. CLIMANTE *en sortant avec menace.*. Dieux ! ORONTHE.         Je pars sans espoir de la revoir jamais. PANCRACE. Adieu, suivons mon maistre, & dans son sort funeste⁎ Imitons le destin de Pilade° & d'Oreste°. ARISTE *à OLIMPE*. A la fin nos mal-heurs… JODELET.         Sans le prendre si haut Donnez nous nostre faict, ayant ce qu'il vous faut. Lisette… ARISTE.     Je t'entens. LISETTE *en pleurant.*.     Ah ! Monsieur. OLIMPE.         Pauvre Amante ! ARISTE *en monstrant Jodelet.*. Va nous te le donnons & cent escus de rente. JODELET. Et les frais de la nopce. ARISTE.     Oüy. JODELET.         Ce mot n'est pas fat⁎. ARISTE À TOUS DEUX. En estes vous d'accord ? LISETTE.     Ainsi soit-il. JODELET.         Vivat. FIN. # Glossaire. Les abréviations entre parenthèses indiquent le dictionnaire utilisé pour la définition : A : *Académie Française* F : Furetière R : RicheletAccroire« Faire croire à quelqu'un une chose fausse. Signifie aussi, tromper. Il signifie encore, concevoir de la vanité, s'enorgueillir » (F)V. 183, 1302Aimable« Qui a des qualitez qui attirent l'amour, ou l'amitié de quelqu'un » (F)V. 544, 1569, 1581, 1641, 1724 Alemande (allemande)« Piece de musique qui est grave, et de pleine mesure, qu'on jouë sur les instruments, et particulièrement sur le luth, le theurbe, l'orgue et le clavessin » (F)V. 1413, 1415Ambages« Vieux mot qui signifiait autrefois, un amas confus et obscur de paroles, dont on a de la peine à deviner la signification » (F)V. 1479Appas« Au pluriel, se dit particulièrement en Poësie, et signifie charmes, attraits, ce qui plaist » (A)V. 170, 314, 315, 322, 493, 513, 641, 727, 1758ArbitreLibertéV. 355, 409Ardent« Qui vient du verbe *ardre*, qui n'est plus en usage. … Se dit figurément en Morale, de tout ce qui se fait avec chaleur, passion et véhémence » (F)V. 223, 439, 1196Attraper la miche« Obtenir l'aumône » (F)V. 743Badaut« Sot, niais ; sobriquet injurieux » (F)V. 866, 986, 1177Bailler bonneVoir Donner bonne V. 719Bourree« Espece de danse composée de trois pas joints ensemble avec deux mouvemens, et commence par une noire en levant. Le premier couplet contient deux fois quatre mesures, et le second deux fois huit. Elle est composée d'un balencement et d'un coupé » (F)V. 1415Bouru (bourru)« Bizarre, qui ne veut point voir le monde, qui a des maximes extravagantes » (F)V. 916, 1748Bransler« Se mouvoir deçà & delà. Signifie aussi Se remuer » (F)V. 1106, 1881Cadeau« Partie de plaisir en l'honneur d'une belle » (F)V. 117, 1441Casaquin« Pour pourpoint, habit, casaque, ou juste au corps » (R) « Petit casaque. N'est en usage qu'en cette phrase proverbiale  “On lui a donné sur le casaquin” pour dire “ On l'a battu ” » (F)V. 1045, 1120Cassade« Bourde qu'on invente pour se défaire des importunités de quelqu'un. On le dit aussi des hableurs qui promettent beaucoup et qui tiennent peu : on les appelle “donneurs de cassades ” » (F)V. 35, 993Ce pendantPendant ce tempsV. 122, 249, 651CharmerMettre sous l'emprise d'une puissance magiqueV. 41, 510Chevrotin« Peau de chevreau préparée qui sert à faire des gands et plusieurs autres choses où on a besoin d'une peau délicate » (F)V. 69CoeurCourageV. 1907Colère : adj. m. et f.« Qui est bilieux, fougueux, emporté, esmeu de passion contre ce qui le choque. Les gens coleres sont en danger de s'attirer de meschantes affaires » (F)Didascalies v. 386, 1910Commère« Femme ou fille qui ont tenu avec quelqu'un un enfant sur les fonts de Baptême » (F)V. 1374Consommer« Se dit … d'une coction extraordinaire, qui fait une entiere dissolution des parties » (F). Au XVIIè siècle, les deux mots *consommer* et *consumer* sont confondus.V. 83, 609, 772, 928, 1555, 1716Créance« Opinion qu'on s'est mise dans l'esprit sur des raisonnements et des conjectures. Se dit encore de la confiance qu'on a en une personne à laquelle on adjoute pleine foy » (F)V. 452DéciderTrancher (sens étymologique)V. 726DéférenceRespect, soumission V. 443Déférer« Troubler, mettre une personne hors d'état de répondre » (R)V. 1686DevantAvantV. 36DiapalmaSorte d'emplâtre (F)V. 1253Donner bonne« On dit proverbialement … “vous nous l'avez donné belle, pour dire, vous nous en avez bien fait accroire” » (F)V. 1868Effroy« Terreur soudaine qui donne une grande émotion ou surprise à la veuë, ou au récit de quelque objet qui est à craindre » (F)V. 620Enamoure« Pour amoureux » (F)V. 1050Encore queQuoique, bien queV. 200, 1917Ennui«  Tourment insupportable »V. 125, 577, 794« Chagrin, fâcherie qui donne quelque discours, ou quelque accident déplaisant » (F)V. 1816ExpecterAttendreV. 864Extravagance« Chose dite ou faite mal à propos, follement » (F)V. 460Extravagant« Fou, impertinent, qui dit et fait ce qu'il ne faudroit pas qu'il dist ni qu'il fist » (F)V. 1385Falot« Homme ridicule, et qui sert de jouet aux autres, mauvais plaisant » (F)V. 57, 1038FantaisieL'imagination, la seconde des puissances qu'on attribue à l'âme sensitive, ou raisonnableV. 188, 635Fat« Sot, sans esprit, qui ne dit que des fadaises. Il n'a d'usage qu'au masculin » (F)V. 115, 128, 506, 1032, 1080, 1145, 1425, 1522, 1603, 1655, 1930FierSauvage, cruelV. 673, 695FoiblesFaiblessesV. 26FoyAmour fidèleV. 1806Funeste« Qui cause la mort, ou qui en menace ou quelque autre accident fascheux, quelque perte considérable » (F)V. 1262, 1924Fureur« Emportement violent causé par un déreglement d'esprit et de la raison » (F)V. 1895Galans« Rubans qui servent pour orner les habits, ou la teste tant des hommes que des femmes » (F)V. 1452Galimathias« Discours obscur et embrouillé où on ne comprend rien » (F)V. 463GesneTortureV. 739Gymnosophiste« Philosophe indien fameux dans l'antiquité ainsi nommé parce qu'il marchait nu » (F)V. 1282Habler« Mentir hardiment, parler trop, ou des choses qu'on ne sait point, promettre plus qu'on ne veut tenir » (F)V. 18, 38Halebarde« Arme d'offensive, composée d'un long fût ou bâton d'environ cinq pieds, qui a un crochet ou un fer plat et échancré aboutissant en pointe et au bout d'une grande lame de fer forte et aiguë. La halebarde est l'arme que portent les sergents et les caporaux quand ils vont poser des sentinelles » (F)V. 468, 1054, 1086, 1121Hiéroglyphique« De tout genre  » (A)V. 727Horreur« Passion violente de l'ame qui la fait fremir, qui luy fait avoir peur de quelque objet nuisible & terrible » (F)V. 620, 1894Incartade« Insulte qu'on fait à quelqu'un en public et par bravade » (F)V. 1159Loups garous« Esprit dangereux et malin qui court les champs ou les ruës la nuit » (F)V. 971Menterie« Allégation de quelqu'un fausse que l'on veut faire passer pour vraye » (F)V. 20, 32NoiseQuerelleV. 1472Nitreux« Sorte de salpêtre qu'on tire de la terre » (R)V. 673, 967Objet« Se dit … poëtiquement des belles personnes qui donnent de l'amour » (F)V. 41, 281, 346, 490, 544, 610, 740, 744, 1437, 1502, 1511, 1569, 1810Oison« Jeune oie. On dit par injure à un homme, que c'est un oison, qu'il se laisse mener comme un oison, pour dire que c'est un sot qui ne sait pas se conduire, qu'il n'agit que par l'organe d'autruy » (F)V. 1011, 1025PendantVoir Ce pendantV. 582Pendart« Scélérat, fripon, qui mérite la corde » (F)V. 411Piéton« Fantassin, un soldat qui est à pied » (F)V. 240Poulet« Petit billet amoureux qu'on envoie aux dames galantes, ainsi nommé, parce qu'en le pliant on y faisoit deux pointes qui representoient les ailes d'un poulet » (F)V. 975, 1444Souffrance« Peine, tourment qu'on endure » (F)V. 818SouffrirSe dit … en parlant de ce qui desplaist, de ce qui fait quelque peine aux sens, ou à l'esprit » (F)V. 138, 170, 193, 608, 704, 714, 806, 1354, 1426, 1434, 1435, 1567, 1610, 1625, 1643, 1664, 1771TrainBagagesV. 1132Triste«  Affligé par quelque perte ou accident qui luy est arrivé, funeste »V. 209, 1262, 1566, 1749« Qui est d'un temperament sombre et melancolique » (F)V. 1864Tyrannie« Se dit aussi figurément en morale, de l'empire de nos passions, des choses auxquelles nous sommes obligés » (F)V. 319, 1921Vertu« Signifie encore, Force, vigueur, tant du corps que de l'ame. » (F)V. 697, 737, 738, 925, 966 # Appendice I : références mythologiques.Argus« Nom propre d'un homme fabuleux qu'on dit avoir eu cent yeux, à qui Jupiter commit la garde de la vache Io, que Mercure tua, et dont Junon transporta les yeux sur la queuë du paon. En mythologie, on dit qu'il signifie la sphère des cieux qui a un nombre infini d'yeux ou d'étoiles ; et que Mercure est le soleil qui les fait disparaître par sa lumière » (Furetière)V. 65, 478Athlas (Atlas)Fils de Japet et de l'Océanide Clyméné, ce Géant appartient à la première génération des dieux. Avec ses frères, il combattit Zeus et, en punition de ce crime, fut condamné à porter le ciel sur ses épaules. On raconte aussi que Persée lui demanda l'hospitalité, mais essuya un refus. Irrité, le héros lui présenta la tête de Méduse, et le Géant, pétrifié, fut changé en une montagne nommée « Atlas » sur laquelle, selon les Anciens, reposait la voûte céleste. Dans sa nombreuse postérité, on compte les Pléiades, les Hyades, Maia, Dioné, Calypso, Hyas.V. 1298Baccus (Bacchus)Nom grec du dieu romain Dionysos. Les *bacchanalia* désignent les sanctuaires privés où des sociétés de dévots pratiquent son culte. Les bacchanales sont associées au souvenir d'un scandale très important. Contraint à la discrétion par la répression, le culte des bacchants ressurgira sous l'Empire.Bachante (Bacchante)Suivantes de Dionysos, les Bacchantes accompagnent le dieu dans ses périples et notamment dans le long voyage qu'il accomplit aux Indes. Sans être des prêtresses, elles tiennent une place importante dans la religion et le culte et apparaissent notamment au cours des mystères et des fêtes célébrés en l'honneur de leur maître. Vêtues de peaux de lion, la poitrine souvent dénudée, elles portent le thyrse, sorte de lance entourée de pampre et de lierre, et se livrent à une danse frénétique qui les plonge dans une extase mystique et leur donne une force prodigieuse et redoutée, dont certains héros furent les malheureuses victimes. On les nomme alors les *Ménades* (« les Furieuses »). Toutefois, tout autant que les Muses, servantes d'Apollon, elles savent inspirer les poètes par leurs pouvoirs enchanteurs.V. 672Briare (Briaree)Fils de Gaia et d'Ouranos, il a été emprisonné par son père et délivré par Zeus afin de l'aider à renverser Cronos. Briare garde le Tartare où sont enfermés les Anciens Dieux et protège Zeus. Il est le gendre de Poséidon et l'époux de Kymopoléia.V. 682Bronthe (Brontês)Il s'agit d'un des trois cyclopes. Avec ses frères, il fait partie des Cyclopes ouraniens que Zeus délivra du Tartare. Par gratitude, ils forgèrent la foudre, l'éclair et le tonnerre, qui permirent à Zeus de vaincre Cronos et de s'emparer du trône céleste. Ils prirent respectivement les noms d'Argês (« l'éclair »), Stéropês (« la foudre ») et Brontês (« le tonnerre »).V. 1278Caliste (Callisto)Est une des vingt nymphes préposées au soin de la meute rapide d'Artémis (fille de Zeus et de Déméter ou de Perséphone ou encore de Dionysos et d'Isis). C'est une vierge chasseresse qui se livre aux plaisirs de la chasse en compagnie de soixante jeunes océanides. Elle fait de la chasteté une loi rigoureuse et l'impose à son entourage. La malheureuse Callisto a été séduite par Zeus qui l'a approchée en empruntant l'apparence de la déesse. Punie pour sa faute, elle est changée en ourse.V. 556, 1448Caribde (Charybde)Fille de Poséidon et de Gaia. Animée d'un appétit féroce, Charybde déroba à Héraclès quelques têtes de son bétail pour les dévorer. Zeus la frappa de la foudre pour la punir et la précipita dans un gouffre du détroit de Messine, en face du monstre Scylla. Image, moins que mythe et légende, des fureurs de la mer, Charybde engloutit trois fois par jour d'énormes paquets d'eau et attire dans ses tourbillons les navires, puis les rejette trois fois par jour également, dans un mugissement terrifiant. Quant aux marins qui changent de cap pour éviter Charybde, ils sont aussitôt rejetés vers Scylla, qui s'empresse de les dévorer.V. 679CahosLe cahos n'est pas un dieu, mais un principe, celui du commencement confus de toutes choses, l'image de ce qui existait avant les dieux, avant les mortels, et d'où tout est issu. Il engendra l'Erèbe et la Nuit. Puis, de sa masse enchevêtrée surgirent le Jour et l'Ether, avec le premier jaillissement de la lumière indispensable à l'éclosion de la vie. V. 1301, 1302Ciclope (Cyclopes)Êtres fabuleux, pourvus d'un œil unique au centre du front, qui apparaissent dans de nombreuses légendes gréco-latines. Les plus fameux des Cyclopes sont ceux que décrit Homère. Géants brutaux, sans foi ni loi, ils élèvent des troupeaux de moutons, récoltent, sans user d'aucun moyen de technique agricole, ce que la terre consent à faire pousser spontanément, et ne craignent pas, à l'occasion, de dévorer les êtres humains qui se risquent sur leurs territoires et dans leurs cavernes. Ils représentent, aux yeux des Grecs, le type de la race sauvage, inculte, dénuée de toute idée de civilisation. Au cours de leur pérégrination, Ulysse et ses compagnons se mesurèrent avec le plus redoutable d'entre eux, Polyphème. V. 683Cloton (Clotho)Les Moires que les Latins appellent les Parques sont pour Homère les destinées individuelles et inéluctables de chaque homme. Elles sont trois. Filles de la Nuit, elles s'appellent Clotho, Lachésis, Atropos. Clotho, qui file la destinée des hommes, personnifie la trame de la vie.V. 696CocyteLes eaux de ce fleuve, affluent de l'Achéron en Epire, communiquaient également avec les Enfers. Elles s'accroissaient des larmes des méchants. Sur les rives du Cocyte erraient les âmes des morts privés de sépulture qui attendaient de connaître la décision des juges, concernant le sort qui leur serait réservé.V. 692CupidonBien plus que l'Eros grec, avec lequel il finit par être confondu, Cupidon, auxiliaire d'Aphrodite, est la personnification du désir amoureux le plus vif. Apulée nous conte l'histoire de Psyché, aimée par le dieu, récit qui témoigne de la persévérance dont Cupidon fait preuve, lorsqu'il est possédé par la passion.V. 1284EchoNymphe de la montagne, elle a offensé Héra en l'empêchant par ses bavardages de surveiller les infidélités de Zeus. Pour la châtier, Héra lui ôta la parole et Echo ne peut répéter que les derniers mots de son interlocuteur.V. 244, 787, 904ErinyesEsprits femelles redoutables, elles incarnent le châtiment implacable de la justice. Représentées couronnées de serpents, elles rendent fous les meurtriers, et plus particulièrement les parricides, qu'elles persécutent sans fin. Une fois le crime expié et le criminel purifié, elles deviennent les Euménides, c'est-à-dire les « Bienveillantes » par cet euphémisme qui consiste à les flatter pour détourner leur colère et s'attirer ainsi leurs bonnes grâces.V. 959EsonL'un des sept fils d'Eole est Cretheus qui régnait sur Iolcos en Thessalie. Eson fut chassé par un usurpateur, Pélias, un cousin, ou petit-cousin, fils de Poséidon, descendant d'Eole par sa mère. Pour le soustraire à la haine de Pélias, Eson cacha son fils nouveau-né et le confia au Centaure Chiron, qui l'éleva dans ses montagnes et lui donna son nom : Jason. Celui-ci revint chez lui et réclama le pouvoir à Pélias qui promit de le lui rendre s'il rapportait la Toison d'or. Après de nombreuses aventures avec les Argonautes, Jason conquit la Toison, aidé par la magicienne Médée, qu'il épousa. A leur retour à Iolcos, Médée, pour venger Jason, assassina Pélias en persuadant ses filles de le faire bouillir dans une marmite sous prétexte de le rajeunir.V. 694EuménidesCe mot, qui signifie « Bienveillantes », désigne parfois les Erinyes. Elles étaient ainsi nommées lorsqu'un meurtrier s'était purifié de son crime : elles se montraient en effet mieux intentionnées à son égard. Dans la tragédie d'Eschyle qui porte leur nom, elles deviennent les déesses de la Fécondité de la terre, tout en personnifiant les lois morales et les sanctions qui leur sont attachées.V. 692FuriesDémons du monde souterrain, inspirés des divinités infernales étrusques, qui occupaient une place importante dans la religion romaine, mais leur origine, leur nom et leur culte étaient empruntés aux trois Erinyes grecques.V. 961Hidre (Hydre de Lerne)Né de Typhon et d'Echidna, ce monstre vivait dans une caverne près du lac de Lerne. Il avait le corps d'un chien et neuf têtes de serpent. Une seule de ces têtes était immortelle. Envoyé par Eurysthée pour tuer l'Hydre, Héraclès accomplit alors le deuxième de ses douze travaux. Le héros coupa d'abord une tête, mais aussitôt deux autres repoussèrent à la place.V. 736LareDieu romain d'origine étrusque, fils de Mercure et de Lara, Lare incarne l'âme des morts sous la forme d'une petite statuette figurant les traits d'un adolescent. Transmise de génération en génération, elle protège chaque demeure romaine. On lui voue un culte minutieux et superstitieux. Aux Lares domestiques s'ajoutent les multiples Lares publics qui garantissent la sécurité des rues, des champs, des carrefours et les Lares de la cité qui sont choisis parmi les dieux romains : ainsi Janus, Diane, Mercure.V. 731Lestringon (Lestrygons)Ayant fait escale au sud de l'Italie, dans un port que l'on identifie généralement avec la ville de Formies, en Campanie, Ulysse et ses compagnons furent attaqués par les Lestrygons, géants anthropophages, qui leur jetèrent des pierres et coulèrent presque tous leurs navires. Le roi d'Ithaque put leur échapper, mais un grand nombre des navigateurs qui l'accompagnaient furent cueillis par les immenses mains des Lestrygons et dévorés.V. 681MarsTransposition latine de l'Arès hellénique, associé à Quirinus, ancien dieu sabin de la Guerre, Mars est l'un des dieux romains sur lesquels les interprétations des mythographes demeurent le plus sujet à controverses. Certes, il est le dieu de la Guerre mais l'influence qu'exerce la figure d'Arès sur Mars ne doit pas cacher le caractère beaucoup plus complexe du Mars primitif, vénéré particulièrement par les Sabins et les Osques. Loin d'être un dieu de la Destruction, Mars protégeait, au contraire, la végétation et assurait son épanouissement. Les mythographes contemporains ont tenté de relier en une synthèse plausible les deux attributions du dieu : la guerre et la prospérité. Ils ont montré que les fêtes de Mars se déroulent au moment où les armées cessent d'hiverner et où les combats reprennent. Mars serait alors la figure symbolique du réveil de la force et de la vigueur tant dans la nature que dans le cœur des guerriers.V. 1285MénélasComme son frère Agamemnon, ce fils d'Atrée fut mêlé au conflit qui opposait son père à Thyeste. Lorsque les circonstances attribuèrent à ce dernier le trône d'Atrée, il se réfugia à la cour du roi Tyndare de Sparte, qui avait une fille d'une grande beauté, Hélène. Ménélas s'en éprit et l'épousa. Tandis qu'Agamemnon réussissait à reprendre le trône d'Argos, il s'installa sur celui de Sparte que lui avait légué son beau-père en mourant. Il devait vivre heureux avec Hélène, qui lui donna de nombreux enfants, jusqu'au jour où Pâris, fils de Priam, roi de Troie, de passage à Sparte, vint le trouver. Ménélas le reçut avec bienveillance, puis dut partir pour offrir un sacrifice. En son absence, Pâris séduisit Hélène, l'enleva et, avec elle, gagna Troie. Apprenant la fuite de son épouse, Ménélas convoqua tous les anciens prétendants d'Hélène pour tirer une vengeance exemplaire de cet affront. Ménélas et Ulysse furent envoyés en ambassade à Troie pour réclamer pacifiquement la restitution d'Hélène. Mais devant le refus des ravisseurs, ils se préparèrent à la guerre. La plus grande partie des Etats grecs manifesta sa solidarité et mit sur pied une armée commune. Pendant la guerre de Troie, qui devait durer dix ans, Ménélas tua de nombreux troyens, et Pâris aurait péri sous ses coups si Aphrodite ne l'eût protégé. A la mort de Pâris, Hélène, ayant épousé Déiphobos, ce fut vers la maison de ce Troyen que Ménélas se dirigea lorsqu'il put mettre la ville à feu et à sang. Déiphobos périt de sa main. La rencontre d'Hélène et de Ménélas, après tant d'années d'absence, fut dramatique. Mais, ébloui par sa beauté, le héros pardonna à sa jeune femme, et la réconciliation entre les époux fut totale.V. 729Mont IdaLa jeunesse de Zeus se passa dans les forêts de l'Ida parce que sa mère Rhéa supplia Ouranos et Gaia de sauver Zeus des dents de Cronos, son mari (qui dévorait chacun de ses enfants). Rhéa le mit au monde et présenta à Cronos une pierre enveloppée de langes qu'il engloutit. Gaia porta son petit-fils sur le Mont Ida.V. 725NéréidesDivinités marines, filles de Nérée et de Doris, les cinquante Néréides étaient en quelque sorte les nymphes de la Méditerranée. Elles habitaient au fond de la mer, dans un palais lumineux, et divertissaient leur père par leurs chants et leurs danses. Mais, personnifiant chacune une forme, un aspect particulier de la surface des eaux, elles y apparaissaient souvent et, magnifiques créatures, mi-femmes mi-poissons, se mêlaient aux vagues et aux algues en chevauchant des Tritons ou des chevaux marins.V. 889Nimphes (Nymphes)Divinités féminines mineures, associées aux notions de fécondité, de croissance, aux arbres, elles ont une existence extrêmement longue. On les distingue suivant le domaine de la nature auquel elles appartiennent.V. 232, 236, 239NiobéFille de Tantale, épouse d'Amphion, roi de Thèbes, à qui elle donna six filles et six garçons. Elle se vanta d'être supérieure à Léto qui n'eut que deux fils : Apollon et Artémis. Pour la punir, Apollon tue ses fils et Artémis ses filles à coups de flèches. A la vue de ses enfants agonisants, Niobé fut comme pétrifiée. Pris de pitié, Zeus la changea en rocher, d'où coulent ses larmes sous la forme d'une source.V. 677OresteFils d'Agamemnon et de Clytemnestre. Encore très jeune lors de la mort de son père assassiné à son retour de Troie par son épouse Clytemnestre, il est caché par sa sœur Electre et élevé à la cour d'un oncle roi de Phocie, dont le fils Pylade devient son ami inséparable. Parvenu à l'âge d'homme, il est désigné par l'oracle de Delphes pour venger son père : c'est Electre qui le pousse à accomplir le matricide. Saisi de folie et poursuivi par les implacables Erinyes, il se rend en Tauride, aux confins de la mer Noire : il y retrouve sa sœur Iphigénie, sauvée par Artémis du sacrifice où Agamemnon devait autrefois l'immoler et devenue prêtresse de la déesse. A son retour en Grèce, purifié de son crime, il vient à la cour de Néoptolème pour enlever l'épouse de celui-ci, Hermione, qui lui avait été fiancée avant la guerre de Troie. Oreste finira par épouser Hermione et régnera sur Argos, sa patrie, et sur Sparte, comme successeur de Ménélas.V. 1925PârisFils cadet de Priam et d'Hécube. Son arbitrage lors de la querelle qui oppose les trois déesses Héra, Athéna et Aphrodite pour l'élection de la plus belle est à l'origine de la guerre de Troie : en accordant sa faveur à la déesse de l'amour, il obtient Hélène qu'il ira enlever à Sparte. Son comportement peu glorieux au cours de la guerre de Troie lui vaut de nombreuses railleries ; cependant, c'est lui qui tue Achille d'une flèche guidée par Apollon. Il sera abattu à son tour par une flèche empoisonnée décochée par Philoctète avec l'arc d'Héraclès.V. 722PeléeRoi des Myrmidons, père d'Achille, il tue par mégarde son frère Phocos et est banni d'Egine. Il est choisi par les dieux pour épouser, en seconde noce, Thétis qui veut lui échapper. Il la capture finalement. Celle-ci, après avoir donné naissance à Achille, retourne dans les profondeurs de la mer.V. 724PénélopeFille de la nymphe Périboéa et d'Icarios, frère de Tyndare, roi de Sparte, elle fut donnée en mariage à Ulysse, qui avait remporté une victoire au cours de jeux où s'affrontaient les divers soupirants de la belle jeune fille. Elle mit au monde un fils, Télémaque, encore enfant lorsque Ulysse dut quitter son royaume d'Ithaque pour Troie. Pendant les vingt années que dura l'absence de son époux, Pénélope dut repousser par toutes sortes de ruses les avances des prétendants, qui affirmant qu'Ulysse était mort, la pressaient de choisir un nouvel époux parmi eux. Elle déclara qu'elle devait terminer le tissage du linceul de son beau-père Laërte avant de faire un choix. La nuit, elle défaisait l'ouvrage qu'elle avait fait le jour. Ce stratagème fut dénoncé par une des servantes. Au moment où, de plus en plus sollicitée par ses prétendants, elle allait mettre fin, malgré elle, à plusieurs années de fidélité conjugale et de chasteté, Ulysse revint à Ithaque et, après s'être fait reconnaître de sa femme, massacra tous les hommes qui avaient envahi sa demeure et se livraient aux libations et aux pillages. Puis il revint auprès de Pénélope, et Athéna, dit-on, prolongea pour eux la durée de la nuit. Pénélope demeure le symbole d'une fidélité conjugale d'autant plus remarquable qu'elle fut rare parmi les femmes des héros partis pour la guerre de Troie.V. 684PhénixOiseau fabuleux, originaire d'Ethiopie et rattaché au culte du Soleil. Il a la forme d'un aigle, son plumage est rouge, bleu et or éclatant, son aspect est splendide. Il vit au moins cinquante ans et ne se reproduit pas. Ainsi, quand il sent la fin venir, il construit un nid de branches aromatiques et d'encens, il y met le feu et se consume dans les flammes. Des cendres de ce bûcher surgit un nouveau phénix. Pour les astrologues la naissance d'un nouveau phénix marque le début d'une révolution sidérale. Le phénix figurait l'immortalité, il est l'allégorie de la résurrection et de la survie de l'âme.V. 546Pilade (Pylade)Fils d'un roi de Phocie et d'une sœur d'Agamemnon. Cousin d'Oreste, il devient l'ami inséparable du jeune homme qui est élevé avec lui ; il l'accompagnera partout, de Tauride, où Oreste doit se purifier après le meurtre de Clytemnestre, en Epire, où il vient réclamer son ancienne fiancée Hermione. Plus tard il épousera Electre, la sœur aînée d'Oreste.V. 1925PléiadesDivers récits commentent le mythe des sept sœurs, Maïa, Electre, Taygète, Astéropé, Méropé, Alcyoné et Célaeno, filles d'Atlas et de Pléioiné, qui forment la constellation des Pléiades. Selon une tradition béotienne, Zeus les plaça au nombre des étoiles après les avoir changées en colombes pour les soustraire à Orion, qui les poursuivait. Toutefois, la tradition la plus courante veut que, désespérées du châtiment que Zeus infligea à leur père, elles se soient donné la mort et aient été changées en étoiles. Leur apparition au printemps en mai (les Latins les nomment Vergiliae, du mot *ver*, printemps) indique au marin qui cherche sa route dans les cieux la saison propice à la navigation (*Pléiades* est en effet dérivé d'un mot grec qui signifie « naviguer »), et leur disparition au commencement de novembre signale le début du gros temps, dangereux pour les navires. V. 688PriamRoi de Troie ; l'épopée homérique le représente comme un vieillard noble et généreux, accablé par la mort de son fils Hector, dont il vient réclamer le corps de façon pathétique jusqu'à la tente d'Achille. Certaines légendes le montrent alors accompagné d'Andromaque et de Polyxène. Lors de la prise de Troie, il est égorgé par Néoptolème sur l'autel du temple de Zeus où il s'est réfugié.V. 731Scille (Scylla)Sur la généalogie de Scylla, les traditions diffèrent. Pourtant, elles concordent toutes pour assurer que l'amour déçu et la jalousie vengeresse furent les causes de la métamorphose et de la mort de ce monstre. Scylla, fille de Phorcys et d'Hécate, ou de Typhon et d'Echidna suivant une autre version, était une nymphe d'une beauté radieuse. Mais elle se montrait trop fière de ses charmes pour les dispenser au premier venu. Le dieu marin Glaucos s'en aperçut du reste, lui qui, éperdument amoureux de Scylla, la poursuivait en essuyant, jour après jour, les refus dédaigneux de l'orgueilleuse nymphe. Ne sachant comment parvenir à ses fins, Glaucos appela à son aide la magicienne Circé. Celle-ci, éprise de Glaucos, dirigea contre Scylla sa jalousie. Elle prépara un poison végétal qu'elle versa dans la fontaine où la nymphe avait coutume de se baigner. Lorsqu'elle s'y plongea, son corps, aux formes si parfaites, se métamorphosa en un monstre, pourvu de six pattes griffues et de six têtes de chien, qui, ouvrant leurs gueules énormes, hurlaient comme des lions et découvraient trois rangées de dents acérées. Désolée de sa laideur soudaine, Scylla se jeta dans les flots. Elle s'établit sur un rocher, au bord du détroit de Messine, en face de Charybde. Savourant une rancœur sans fin, elle effrayait les matelots ; ceux-ci, abandonnant les commandes de leurs navires, se sentaient attirés par le monstre, qui se hâtait de les dévorer. Ainsi périrent six compagnons d'Ulysse. Mais Jason et Enée, grâce au concours des dieux et des devins, connurent une plus heureuse fortune.V. 680SiphilleNom d'un fils de Niobé. Il s'agit aussi d'un mont en Lydie. V. 677Thiphon (Typhon)Afin de venger ses petits-fils, les Titans, emprisonnés dans les Enfers sur l'ordre de Zeus, leur vainqueur, Gaia donna naissance à un monstre effrayant, au corps couvert d'écailles, et dont les cent gueules vomissaient du feu. Typhon s'attaqua aux dieux de l'Olympe. Il s'ensuivit l'ultime lutte entre les cieux et la Terre, entre les dieux de la Lumière et les sombres principes enfantés par les entrailles de la Terre. Dans ce combat, on peut voir aussi l'image symbolique d'un cataclysme volcanique qui aurait ravagé les Cyclades, laissant aux hommes un souvenir d'effroi. Enfin, vaincu, Typhon, dernière force anarchique soulevée contre la loi, l'ordre de Zeus et des Olympiens, fut précipité, lui aussi, au fond des Enfers ; il y rejoignit les Titans. Cependant il avait eu le temps de s'accoupler avec Echidna. Celle-ci enfanta de ses œuvres toute une suite de monstres plus affreux les uns que les autres : Cerbère, l'Hydre de Lerne, la Chimère, le Sphinx, les Harpyes et la plupart des divinités malfaisantes du monde souterrain.V. 682TritonCe dieu, primitivement étranger à la Grèce, fut adoré par les marins et reçut ensuite un culte et une légende. Il avait pour demeure la mer toute entière, car il y était né de l'union de la Néréide Amphitrite et du dieu de toutes les eaux des océans, Poséidon. Il a des apparences diverses, mais on le représente généralement comme un homme dont le corps se termine par deux énormes queues de poisson. A la fois bienveillant et terrible, il souffle dans une énorme conque marine, qui mugit au cours des tempêtes. Les marins le vénèrent surtout comme un dieu qui apaise les flots déchaînés et comme un intermédiaire entre eux et Poséidon. Il indiqua aux Argonautes la bonne route, rappela à lui les eaux du Déluge et calma la tourmente suscitée par Junon contre le Troyen Enée. V. 891ZéphirVent d'Ouest. Compagnon ordinaire de Borée (vent du Nord), Zéphyr n'était pas, à l'origine, le vent léger et bienfaisant dont le souffle fait éclore les fleurs printanières. Comme son frère, c'est un vent impétueux et funeste qui se plaisait à amasser les orages et à faire bondir les vagues de la mer. Avec Borée, il résidait dans les arbres de la Thrace montagneuse. Par la suite, le caractère violent de Zéphyr s'atténua, il devint un vent embaumé, qui rafraîchissait les régions bienheureuses de l'Elysée.V. 217 # Appendice II : Tristan L'Hermite, *La Folie du Sage, tragi-comédie,* 1645. III, 4 Ariste. Cleogene (v. 935-984) ARISTE « Par quel desreglement suis-je persecuté Avec tant d'injustice et tant de cruauté ? Il n'est rien d'ordinaire en cette destinée Et ma raison timide en demeure estonnée. Mais quoy ? j'ay des garans de ces oppressions, J'ay pris contre le sort de bonnes cautions Il vient à ses Livres Esprits dont la Doctrine en erreurs si feconde, S'est acquis tant de gloire en trompant tout le monde, Nous donnant la Vertu pour un souverain bien : Que determinez-vous d'un sort tel que le mien ? Ah ! voicy ces Docteurs de qui l'erreur nous flate : Aristote, Platon, Solon, Bias, Socrate, Pytaque, Periandre, et le vieux Samien, Xenophane, et Denis le Babilonien. Revisitons un peu cette troupe sçavante, Onyde, Eudoxe, Epicarme, Alcidame et Cleanthe, Democrite, Thales d'un immortel renom, Possidoire, Caliphe, Antistene et Zenon, Consultons Xenocrate et consultons encore Pherecide, Ariston, Timée, Anaxagore, Chrisipe, Polemon, le docte Agrigentin, Cleytomaque, Architas, Anaxarque et Plotin Reconfrontons encor tous ces Autheurs de marque Aristipe, Seneque, Epictete et Plutarque. Et bien ! sages Docteurs, et bien ! sçavants Esprits, Celebres Artisans du piege où je suis pris ; En mes afflictions je vous prens à partie, Et c'est contre vous seuls que j'ay ma garentie, Vous avez asseuré qu'en suivant la Vertu Jamais l'homme de bien ne se treuve abatu : Qu'il est aux accidens un Cube inesbranlable Tousjours en mesme assiette et de face semblable Que l'heur et le malheur, que le bien et le mal Et tous evenemens treuvent toujours égal. Qu'il est dans l'embarras des changemens du monde De mesme qu'un Rocher dans le milieu de l'onde. Que le couroux du Ciel a beau persecuter, Contre qui la Fortune en vain ose lutter : De qui pour la Tempeste et les cruels orages, Les injustes mespris, les pertes, les outrages, Le feu Celeste et pur n'est jamais amorti : Vous l'avez soustenu, Vous en avez menti. Effrontez Imposteurs, allez, je vous deffie De me faire avoüer vostre Philosophie Vous m'avez abusé de discours superflus Changez de sentimens ou ne vous montrés plus. CLEOGENE ramassant les livres O Cieux ! la cruauté d'une atteinte si rude Altere cet Esprit affoibly par l'estude ; Pressé de la douleur qui luy trouble le sens, Il punit de ses maux des sujets innoncens. » # Appendice III : Notices biographiques. **Anacréon de Téos** (env. 560-478 av. J.-C.) a écrit cinq livres de poésies qui sont des élégies, des odes légères dont il a fixé le type. Il chante l'amour et la joie de vivre. Il se fait aussi parfois mélancolique du regret de vieillir. **Appian** (Appien, II*e* siècle) est un historien grec érudit. Il exprime son goût pour la vérité et l'impartialité qui se retrouve dans son style clair, précis, sans emphase ni déclamations épiques ou héroïques. **Aristarque** (220-143) est un critique et grammairien grec. Cicéron et Horace le considèrent comme le critique des critiques. Il a édité des textes d'Homère et d'Hésiode. Il a écrit des commentaires sur quelques œuvres poétiques comme celles d'Eschyle ou encore de Sophocle. Il s'est livré à des remarques critiques sur des problèmes précis, en particulier sur Homère. **Aristide le Juste** (déb. V*e* siècle) est un homme d'Etat athénien du début des environs du V*e* siècle. Autant que Thémistocle, il est le fondateur de l'empire athénien. **Aristippe de Cyrène** (425-355 av. J.-C.) est le disciple de Socrate. Diogène Laërce résume sa pensée dans cette formule : « il savait jouir du plaisir du moment présent, il évitait la souffrance que l'on rencontre lorsqu'on cherche à jouir des choses qui ne sont pas présentes » . Ses écrits traitent de l'art de jouir de l'instant présent, de la nécessité de s'adapter aux circonstances, du mépris du superflu et de la liberté de l'individu à l'égard des choses extérieures. **Aristote** (384-322 av. J.-C.) est né à Stagire, petite ville de Macédoine. Elève de Platon et précepteur d'Alexandre, il a créé le Lycée. Ses œuvres philosophiques sont denses et ont eu une influence fondamentale. Il a fondé les principes de la logique, ensemble de règles permettant d'obtenir le discours le plus efficace. Il a défini les catégories qui structurent le langage et la pensée de l'homme. Il a aussi établi une partie de la philosophie, la métaphysique. **Aulu-gelle** (130 env.-env. 180) eut pour maîtres et amis des hommes de talent. Il fut nommé juge dans un tribunal civil à Rome. Il écrivit *Les Nuits attiques*, œuvre divisée en vingt livres. Il s'agit d'un mélange de notes prises au cours de ses lectures. Les sujets traités sont le langage, la littérature, la dialectique, la philosophie, l'arithmétique, la géométrie, etc. Son but est la vulgarisation. Ses écrits témoignent du plaisir de lire et d'étudier. **Ausone** (309 ? -394 ?) enseigne la grammaire et la rhétorique à Bordeaux. Il est appelé à Trèves pour être précepteur du futur empereur Gratien. **Bias** est l'un des sept sages de la Grèce. Hérodote le mentionne dans l'*Enquête* et Plutarque dans le *Banquet des Sept Sages*. **Boèce** (480-524), Anicius Manlius Torquatus Severinus Boetius, est l'intermédiaire entre la philosophie grecque et le monde latin. Encyclopédiste, Boèce lèguera à ses successeurs une classification des sciences conduisant à l'acquisition de la Sagesse. **Buchanan George** (1506-1582) est un humaniste écossais, reconnu comme un des plus grands poètes latins modernes. Il publie en 1576 le *De jure regni apud Scotos* où il se fait défenseur du droit des peuples. En 1582, il publie la *Rerum Scoticarum Historia.* **Cardan Jérôme** (Gerolamo Cardano) (1501-1576) est un médecin, un mathématicien et un astrologue italien qui établit la première description clinique de la fièvre typhoïde. **Carnéade** (env. 214-129 av. J.-C.) est un philosophe grec de la Nouvelle Académie, c'est-à-dire, de la période de l'école platonicienne qui va d'Arcésilas à Philon de Larisse et pendant laquelle s'est réalisé, en réaction contre le dogmatisme de l'Ancienne Académie, un retour à l'esprit aporétique de Socrate. **Caton l'Ancien ou le Censeur** (234-139) est le symbole de la *virtus* romaine. Il fait preuve de courage et d'abnégation, de fierté patriotique et d'austérité morale. C'est un vieux romain aux mœurs irréprochables. Caton d'Utique (95-46) est l'arrière-petit-fils de Caton l'Ancien et incarne la République romaine vertueuse et agonisante ainsi que l'intégrité morale. **Catulle** (82-52 av. J.-C.) laisse des poésies d'un souffle lyrique surprenant, d'une constante authenticité, d'une profondeur d'émotion. Les thèmes traités sont ceux de l'amitié, du deuil fraternel, du sentiment de la nature et de la passion amoureuse. **Chrysippe** (env. 281-208 env. av. J.-C.) est un philosophe grec. Avec Zénon de Cittium et Cléanthe, il a joué un rôle fondamental dans la formation de la pensée stoïcienne. Il ne reste que des fragments d'une œuvre considérable. Il s'illustre dans la dialectique qu'il transforme en art de la démonstration. **Cicéron** (106-43 av. J.-C.) est un homme d'état, un orateur, un théoricien de l'éloquence, un philosophe. Pour lui, l'homme d'état est un éducateur. Il donne ainsi naissance à la signification d'*humanitas* qui désigne à la fois l'« amour de l'humain et la « culture ». Son œuvre politique est novatrice parce qu'elle cherche à concilier les exigences de la pratique et les données philosophiques. Sa pensée philosophique met en avant le fondamental et la nécessité des applications pratiques. Cicéron, par sa recherche de l'absolu, de la tolérance, de la simplification du langage, est devenu un maître pour de nombreux hommes de lettres. **Columelle** (I*er* siècle) était un militaire puis il est devenu écrivain littéraire. Il a écrit un traité technique et poétique sur l'utilité et l'agrément de l'économie rurale, la culture des champs, la viticulture, le gros bétail, le petit bétail, la basse-cour, les abeilles, le jardinage, les devoirs de l'intendant et de sa famille. **Démosthène** (384-322 av. J.-C.) est la figure du grand orateur de l'Antiquité. Son éloquence est un moyen d'action qu'il met au service d'une philosophie. Il a lutté pour défendre la liberté de sa cité, Athènes. **Diogène Le Cynique** (env. 413-327 av. J.-C.), de son premier nom Diogène de Sinope, aurait fondé l'Ecole cynique qui ressemble à la sophistique. Cette école développe l'opposition entre la nature et la loi. Le cannibalisme et l'inceste y trouvent une justification. **Ennius Quintus** (239-169 av. J.-C.) est un poète épique et un auteur dramatique et satirique. Il est le père de la littérature romaine. **Epictète** (50-130) est un stoïcien. C'est un esclave affranchi pour qui n'existe d'autre bien que la rectitude de la volonté, d'autre mal que le vice. Tout ce qui existe n'est ni vice ni vertu mais indifférent. La maladie, la mort, la pauvreté, l'esclavage ne sont pas des maux mais des « choses indifférentes ». **Erasme** (1469-1536) est un des écrivains de la période humaniste. Son traité l'*Eloge de la folie* est représentatif de cette époque. **Eschyle** (525-456 av. J.-C.) ouvre le genre du tragique. Il reste sept de ses tragédies qui reflètent un grandissement intérieur et qui révèlent une valeur symbolique et sacrée. Son théâtre traite des événements humains les plus graves et commence avec la guerre et le destin de la cité. **Esope** (620-560 av. J.-C.) aurait été l'esclave d'un habitant de Samos. Il aurait été affranchi et aurait visité la cour de Crésus. Plus qu'un écrivain, c'est un conteur dont les fables signées de son nom ont été écrites après lui. Sa renommée était si importante que des fables déjà populaires dont des rédactions en prose étaient établies lui ont été attribuées. Ces petits récits, où les animaux donnent des leçons aux hommes, ont inspiré La Fontaine. **Euripide** (env. 480-406 av. J.-C.) écrivit plus de cent pièces. Il occupa la scène athénienne en même temps que Sophocle. Il s'interroge sur tout. Il réfléchit sur les problèmes de la scène, de la cité, de la morale et des dieux. Il sent la nécessité de donner vie sur scène à des êtres humains ou encore divins. **Eusèbe de Césarée** (265-341) a fait une carrière épiscopale. C'est le panégyriste officiel de l'empereur Constantin. Il est l'auteur de la première histoire de l'église. **Hésiode d'Ascra** (VIII*e*-VII*e* av. J.-C.) est un petit paysan boétien, poète, théologien et prophète. **Homère**, écrivain de langue grecque, soulève une énigme historique : s'agit-il d'un homme ou de plusieurs hommes ? Ses deux poèmes *L'Iliade* et *L'Odyssée* lui assurent une survie incontestable. **Horace** (65-8 av. J.-C.) est un contemporain de Virgile. Il est le plus célèbre des poètes latins. Ses œuvres présentent une dimension autobiographique et une réflexion morale sur le sentiment aigu de la fragilité et de la légèreté de la vie. **Isocrate** (436-338 av. J.-C.) a promu l'enseignement des sophistes. Pour lui, l'éloquence est le plus noble exercice de la pensée, la véritable formation esthétique et morale qui permet de former des citoyens vertueux grâce à une culture intellectuelle complète. **Juvénal** (env. 65-128) est dans les lettres latines l'écrivain majeur pour le genre de la diatribe à la suite de Lucilius, Horace, Pétrone, Perse, Lucain et Martial. Sa propension à la raillerie et à l'humour se manifeste en fureur. **Lactance** (environ 260-325) est sans doute africain. Il devient professeur quand Dioclétien l'appelle pour enseigner la rhétorique dans sa nouvelle capitale. Il a composé des ouvrages de grammaire, de philosophie, de géographie qui sont perdus. Il a donné à son apologie l'éclat du beau langage. Lecteur de Cicéron, il use d'une langue pure, claire et harmonieuse. Il a voulu réaliser la synthèse de la « vraie sagesse » et de la « religion chrétienne ». **Lucain** (39-65) figure dans la lignée des écrivains espagnols de Rome. Il a écrit des poèmes de fantaisie, des tragédies et des ballets – pantomimes dont il ne reste que *La Pharsale*, récit de la guerre civile entre César et Pompée. Il fait une utilisation particulière des données contemporaines qu'il insère dans l'histoire immédiate et dans l'épopée. Il modifie les stylisations propres au genre : le baroque de l'écriture fait contrepoint au réalisme didactique et confère à l'œuvre son caractère original et hybride. **Lucian** (Lucien de Samosate) (env. 120-180) a vécu sous le règne des Antonins. Son œuvre est enracinée dans le passé mais elle conserve sa grâce, sa verve critique et sa finesse sceptique et anticonformiste. C'est un esprit railleur qui fait parler les philosophes anciens pour les humilier, eux et les vivants. **L. Licinius Lucullus** (117- ?) a été chargé de la troisième guerre contre Mithridate, il s'empare de la Bithynie, pénètre dans le Pont et bat le roi à Cabira en 71. Mal aimé de ses soldats, il doit abandonner son projet de marcher sur Artaxata. Remplacé par Pompée, il se retire de la vie publique. **Martial Marcus Valerius** (40 ? -104 ?) a pour amis  Sénèque et Lucain. Il s'entoure de « clients » poètes. La plupart de son œuvre se composent d'épigrammes talentueuses. **Ménandre** (160-140) a été un roi de Bactriane. Il a fait quelques expéditions militaires et laissa son royaume à son fils. **Ovide** (43 av.-17 ap.) est l'auteur des *Métamorphoses*, épopée du mythe gréco-latin, de l'amour et du devenir. Son œuvre fut illustrée par des penseurs et des artistes comme Picasso. **Philostrate Flavius**, dit l'Athénien (env. 170-245 env.) est à l'origine de la seconde sophistique. Il répond au *Phèdre* de Platon en soutenant que l'ancienne sophistique est une « rhétorique philosophante » (*Vie des Sophistes*, I, 480). Seuls les meilleurs philosophes peuvent accéder au nom et au statut de sophiste. **Pindare** (518/517-446 av. J.-C.) est le représentant de la grande lyrique chorale. Ses œuvres sont ancrées dans le passé moral et religieux. Nous sont parvenus quatre recueils d'odes triomphales chantant les vainqueurs aux Grands jeux de la Grèce, ainsi que des dithyrambes, thrènes et autres poèmes. **Platon** (428-347) a fondé à Athènes la première école : l'Académie. Son œuvre est une série de dialogues où se mêle la pensée de son maître, Socrate. Son œuvre interroge les valeurs de la cité, l'art de bien se conduire. Ce philosophe développe aussi une théorie de la science et un idéal politique. Son œuvre est la première à nous être parvenue de façon intégrale. **Plaute** (env. 254-184 av. J.-C.) a probablement écrit cent trente œuvres dont il ne reste qu'une vingtaine de pièce. Les intrigues relèvent du schéma de la farce. Elles mettent en scène un désir amoureux, un obstacle - le plus souvent un vieillard – un médiateur et un moteur de l'action, un esclave menteur. **Plutarque** (46–120) est un moraliste et un historien grec. Il rapporte la pensée des autres au lieu de parler de lui-même comme dans *Les Œuvres morales et les Vies* qui comportent quarante-six biographies. **Polybe** (entre 210 et 202-126 av. J.-C.) a vécu pendant la période de l'expansion romaine sur Carthage. Il chercha à tirer la leçon de ces évènements et à comprendre son temps. Il renouvela la méthode historique tant au niveau de l'analyse objective des faits qu'à la vision synthétique de l'ensemble. Avec Thucydide, il fut le plus grand historien de l'Antiquité. **Pythagore** (première moitié du V*e* siècle) a vécu en Asie Mineure. Il est un penseur essentiellement religieux. Il poursuit une visée philosophique dans sa perspective théologico-philosophique. Astronome et mathématicien, il est à l'origine de la théorie de la métempsychose. **Sapho** (Sappho) (fin VII*e*-déb. VI*e*) est une poétesse grecque. Elle marque l'apogée du lyrisme des côtes d'Asie. Sa poésie est marquée par la passion brûlante, un climat de sensualité exaltée. Elle a vécu pour l'amour et pour la poésie dont elle affirme le prestige et l'immortalité. **Scaliger Jules César** (1484-1558) s'initie à la médecine qu'il exerce en France. Il se signale par de fracassantes querelles avec des hommes de lettres, des savants, des philosophes, en particulier Cardan et surtout Erasme. Il a écrit un ouvrage dogmatique, sous le patronage d'Aristote et de Virgile, encombré de tout l'appareil scolastique **Sénèque** (4 av. JC-65 ap. J.-C.) est un homme d'état, un philosophe stoïcien, un auteur de tragédies. Il a laissé une œuvre de moraliste, fameuse au Moyen-Age et à la Renaissance et précieuse pour la connaissance des philosophies de l'époque hellénistique et impériale. **Socrate** (469-399 av. J.-C.) est né à Athènes. Il répète qu'il ne sait rien et qu'il n'a rien à enseigner. Sa méthode, fondée sur le dialogue, a eu une influence très forte. Sa réflexion atypique le conduit à la condamnation à mort. Ses réflexions ont été recueillies par Platon. **Solon** (640-560) est un homme d'état, un législateur et un poète athénien qui prend partie pour les petits paysans, révise les pratiques institutionnelles et les fixe par écrit. **Sophocle** (495-406 av. J.-C.) est le représentant de l'équilibre et de la perfection du genre tragique contemporain de Thucydide. Sophocle voyait toutes choses sous l'aspect de l'universel modèle du classicisme. **Térence** (190-159 av. J.-C.) représente un théâtre plus intellectuel et littéraire que celui de Plaute. Ses six pièces mettent en scène un comique moralisant et sensible. Modèle des dramaturges comiques, il a inspiré les humanistes et les classiques français. *Phormion* et *Les Adelphes* ont influencé le théâtre de Molière. **Théophraste** (371/370-288/87) est le « Divin Parleur ». Tyrtamos d'Erèse, surnommé Théophraste étudia sous la direction d'Aristote avant de lui succéder à la tête du Lycée. Il montre des qualités d'orateur et annonce la pensée de Straton, son successeur au Lycée. Il a écrit des traités sur la métaphysique et la logique. **Thucydide** (V*e* siècle av. J.-C.) est l'historien qui a raconté la guerre du Péloponnèse (431-404). **Tibulle** (env. 50-19 av. J.-C.), avec Properce et, une génération après lui, Ovide, est le représentant du genre élégiaque à Rome. Il est peut-être l'initiateur de l'élégie amoureuse dans la langue latine. Il aime la campagne, la vie champêtre. Il est sensible à la poésie de la religion rustique. C'est un poète de l'amour et un poète amoureux. **Xénocrate** (400 env.-314 env.) est le successeur de Speusippe à la tête de l'Académie platonicienne. Il propose une explication systématique de la réalité. Il a établi la distinction entre bons et mauvais démons qui jouera un rôle important dans la pensée psychologique et morale à la fin de l'Antiquité. **Xénophon** (426 ? -354 av. J.-C.) est un écrivain classique. Il fait preuve de bon sens et de clarté philosophique. Historien qui incarne l'Athénien de son temps, c'est un homme d'action. Son œuvre est une leçon d'allégresse et d'optimisme. **Zénon d'Elée** (V*e* siècle av. J.-C.) fut l'élève et l'ami de Parménide. Pour ce dernier, l'être est un, indivisible et immobile, la multiplicité et le mouvement ne sont qu'illusion. Zénon défend les arguments de son maître. # Bibliographie. ## Sources. ### Œuvres de Gillet de la Tessonnerie.La Quixaire, Recueil de Diverse Comédie La Comédie de Francion Le Campagnard L'Art de régner Le Triomphe des Cinq Passions ### Théâtre du XVIIe siècle.Les Visionnaires La Folie du Sage, tragi-comédie Le Jodelet ou le Maistre Valet. Jodelet duelliste. La Comédie des Comédiens ## Instruments de travail. ### Dictionnaires. #### Lexique.Dictionnaire Dictionnaire universel contenant tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts Dictionnaire du Moyen Français Dictionnaire de la langue française du XVIe siècle Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise…avec les termes les plus connus des arts et des sciences Dictionnaire universel françois et latin #### Mythologie.Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine Dictionnaire des mythologies Grand Dictionnaire historique Mythologie générale ### Grammaires.Syntaxe française du XVIIe siècle Introduction à la langue française du XVIIe siècle ### Bibliographies.Bibliographie de la littérature française du dix-septième siècle Bibliographie der Französischen Literatur-Wissenschaft. ## Études. ### Contexte historique et littéraire.Histoire de la littérature française du XVIIe siècle Morales du Grand siècle A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth century Histoire générale du théâtre en France Histoire du théâtre françois depuis son origine jusqu'à présent La littérature de l'âge baroque en France La Dramaturgie classique en France ### Ouvrages sur le théâtre. #### Ouvrages.Poétique Les sources de Molière, Répertoire des sources littéraires et dramatiques L'Art du comédien : déclamation et jeu scénique en France et à l'âge classique, 1629-1680 Lire la comédie Le Théâtre du Marais Le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne 1548-1680 L'Histoire de la mise en scène dans le théâtre français de 1600 à 1657 Les Valets et les servantes dans le théâtre comique en France de 1610 à 1700 Le théâtre dans le théâtre sur la scène française du XVIIe siècle Esthétique de l'identité dans le théâtre français (1550-1680). Le déguisement et ses avatars Introduction à l'analyse des textes classiques Les Contemporains de Molière, recueil de Comédies, rares ou peu connues jouées de 1650 à 1680 La Comédie avant Molière 1640-1660 Le Théâtre professionnel à Paris Le Théâtre en France au XVIe siècle « Parlar per lettera » Il pedante nella commedia del cinquecento e altri saggi sul teatro rinascimentale Lire le théâtre La Comédie #### Articles.Revue d'Histoire Littéraire de la France XVIIe siècle French Studies Le Français moderne Revue des Sciences Humaines Revue des Sciences humaines XVIIe siècle French Studies XVIIe siècle ### Ouvrages sur l'auteur. #### Ouvrage.Le Desniaisé de G. de la TessonnerieDocteur amoureux, comédie attribuée à Molière, suivi du #### Articles.Dictionnaire dramatique French studies French Studies Dictionnaire des Littératures de langue française Dictionnaire analytique des œuvres théâtrales françaises du XVII*e* siècle ------- [1] H. C. Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth century*, p. 245. [2] Gillet de la Tessonnerie, « Advertissement au Lecteur », *Le Triomphe des Cinq Passions*. [3] V. Fournel, *Les Contemporains de Molière.* [4] J.-P. Ringhaert, *Dictionnaire des Littératures de langue française*, article « Gillet de la Tessonnerie », étude de J.-P. Chauveau. [5] *Epigramme, A Monsieur Gillet sur sa Tragi-comédie de Quixaire*, Tristan dans *Diverses Comédies* de Maréchal des Rosiers. [6] P. Lerat, *Le Docteur amoureux* suivi du *Desniaisé*, A.-G. Nizet, Paris, 1973. [7] H. C Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth century*, vol. I, part II, p. 484. [8] II, 7 ; v. 741. [9] Cf. appendice I. [10] H. C. Lancaster, *A History of Frenh Dramatic Literature in the Seventeenth century*, vol. I, part II, p. 485. [11] E. Linthilac, *Histoire générale du théâtre en France*, Genève, p. 129-133. [12] S. W. Deierkauf-Holsboer, *Le Théâtre du Marais*, p. 16. [13] H. C. Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth century*, vol. I, part II, p. 484. [14] « il ne faut pas se baser …, comme l'a fait M. Lancaster, sur la date du privilège, 9 mars 1647, mais sur celle de l'achevé d'imprimer. Cette dernière est le 28 mai 1648. Comme il n'y a pas moins de quatorze mois entre ces deux dates, le poète a eu le temps de compléter son texte en certains points secondaires. Quoi qu'il en soit, *Heraclius* et *Thémistocle* n'ont pas été représentés antérieurement au 9 mars 1647, mais avant le 28 mai 1648. » S. W. Deierkauf-Holsboer, *Le Théâtre du Marais*, vol. II, 1648-1673, p. 18. [15] *Ibid.*, p. 16. [16] F. et C. Parfaict, *Histoire du théâtre françois depuis son origine jusqu'à présent*, tome 7. [17] C. Bourqui, *Les sources de Molière*, p. 96, 197, 431. [18] *L'Esprit Follet*, D'Ouville, représenté en 1638 ou en 1639. [19] M. Corvin, *Lire le comique*, p. 80. [20] A. Ubersfeld, *Lire le théâtre I*, p. 51. [21] M. Corvin, *Lire la Comédie*, p. 76. [22] Boileau, *Art poétique*, Paris, Gallimard, 1985, v. 374-390, p. 142. [23] II, 2 ; v. 450-454, 499, 500. [24] V, 3 ; v. 1636-1637. [25] R. Guichemerre, *La comédie avant Molière, 1640-1660*, p. 279. [26] II, 5 ; v. 566-567. [27] V, 3 ; v. 1656-1658. [28] V, 6 ; v. 1842-1843, 1867. [29] G. Forestier, *Esthétique de l'identité dans le théâtre français*, p. 365. [30] I, 1 ; v. 36. [31] *Ibid*, v. 47-48. [32] I, 3 ; v. 829. [33] V, 2 ; v. 1603. [34] V, 2 ; v. 1607, 1615-1617, 1622. [35] I, 2 ; v. 80-82, 100-102, 115. [36] I, 3 ; v. 185, 273-274, 257-258. [37] I, 3 ; v. 226, 261-262. [38] IV, 5 ; v. 1454-1455. [39] V, 7 ; v. 1875. [40] I, 3 ; v. 169. [41] III, 1 ; v. 791-795, 801, 797. [42] *Ibid*, v. 809-810. [43] III, 1 ; v. 826, 832-833. [44] II, 6 ; v. 648. [45] Attinger, *L'Esprit de la commedia dell'arte dans le théâtre français*, Neuchâtel, 1950, p. 105. [46] J. Emelina, *Les Valets et les servantes dans le théâtre comique en France de 1610 à 1700*, p. 279. [47] *Ibid.*, p. 146. [48] C. Cosnier, « Jodelet : un acteur du XVII*e* siècle devenu un type », *RHLF*, Juil.-Sept. 1962, p. 330. [49] Lemazurier, *Galerie théâtrale*. [50] Tallemant des Réaux, *Historiettes*, Paris, 1961, tome II, p. 778. [51] IV, 3 ; v. 1182. [52] C. Cosnier, p. 332. [53] III, 6 ; v. 1072-1074. [54] I, 2 ; v. 135-140. [55] C. Cosnier, p. 336. [56] III, 6 ; v. 1061. [57] III, 7 ; v. 1117-1121. [58] C. Cosnier, p. 338. [59] *Ibid*., p. 337. [60] I, 4 ; v. 365-386. [61] I, 4 ; v. 409. [62] III, 6 ; v. 1061-1086. [63] R. Garapon, *La Fantaisie verbale et le comique dans le théâtre du Moyen Age à la fin du XVIIe siècle.* [64] I, 2 ; v. 71. [65] I, 4 ; v. 365. [66] IV, 5 ; v. 1273. [67] I, 2 ; v. 75. [68] IV, 5 ; v. 1394 et 1395. [69] C. Cosnier, p. 338. [70] I, 2 ; v. 67. [71] I, 3 ; v. 204-240. [72] I, 2 ; v. 98. [73] III, 6 ; v. 1046-1049, 1051-1053. [74] C. Cosnier, p. 342. [75] IV, 5 ; v. 1358-1360. [76] Ch. Guerlin de Guer, « Les farces tabariniques », *Le Français moderne*, Janv. 1943. [77] IV, 5 ; v. 1366-1371. [78] IV, 4 ; v. 1198-1199. [79] V, 8 ; v. 1929 et 1930. [80] C. Cosnier, p. 347. [81] Dussane, préface aux *Grands Comédiens du XVIIe siècle*, de G. Mongrédien, p. XI. [82] Attinger, *L'Esprit de la commedia dell'arte dans le théâtre français*. [83] J. Emelina, p. 149. [84] J. Loret, *Apostille sur la mort de Jodelet, Muse historique, 3 avril 1660*. [85] A. Gill, « “The Doctor in the Farce” and Molière », *French Studies*, Avril 1948. [86] F. Brunot, *Histoire de la langue française*, tome III, p. 77 et *sq*. [87] III, 4 ; v. 929. [88] Ch. Guerlin de Guer, « Les farces tabariniques », *Le Français moderne*, Janv. 1943. [89] III, 4 ; v. 914-916. [90] II, 7 ; v. 716-718. [91] IV, 5 ; v. 1242, 1341. [92] J. Emelina, p. 285. [93] H. Bergson, *Le rire : essai sur la signification du comique*, p. 53. [94] III, 3 ; v. 911-912. [95] A. Stäuble, p. 33. [96] II, 7 ; v. 683. [97] IV, 5 ; v. 1396, 1401. [98] II, 7 ; v. 693, 742. [99] A. Stäuble, p. 23. [100] R. Avesani, « La profession de l'“ humaniste” au XVI*e* siècle », *Italie médiévale et humaniste*, 1970, p. 223, citée par A. Stäuble p. 113. [101] J. Emelina, *Les valets et les servantes dans le théâtre comique en France de 1610 à 1670*, p. 35. [102] J. Emelina, p. 348, p. 248. [103] IV, 4 ; v. 1228-1229, 1201. [104] J. Emelina, p. 249. [105] IV, 4 ; v. 1206-1215. [106] *Ibid*., v. 1196-1198. [107] S. W. Holsboer, *L'Histoire de la mise en scène dans le théâtre français de 1600 à 1657*, p. 191-192. [108] III, 3 ; v. 868. [109] II, 7 ; v. 758. [110] J. Emelina, p. 245. [111] *Ibid*., p. 133. [112] J. Rousset, *La littérature de l'âge baroque*, p. 70. [113] G. Forestier, *Esthétique de l'identité dans le théâtre français*, p. 407. [114] G. Forestier, *Esthétique de l'identité*, p. 90. [115] I, 2 ; v. 87-90. [116] I, 3 ; v. 195-197. [117] I, 3 ; v. 191, 209-210. [118] *Ibid*, v. 216-218, 244-252. [119] III, 5 ; v. 1026, 1016-1018, 1025. [120] *Ibid*, v. 973-974. [121] III, 5 ; v. 1029-1030. [122] G. Forestier, *Esthétique de l'identité*, p. 166. [123] III, 7 ; v. 1096. [124] V, 6 ; v. 1802, 1821. [125] IV, 6 ; v. 1420. [126] II, 2, v. 456, 459, 485. [127] II, 5 ; v. 578. [128] II, 6 ; v. 660. [129] IV, 2 ; v. 1160. [130] V, 3 ; v. 1633, 1636, 1648, 1653. [131] II, 5 ; v. 579-581. [132] *Ibid*., v. 578, 583. [133] IV, 2 ; v. 1151. [134] IV, 6, ; v. 1403, 1427, 1428. [135] IV, 7 ; v. 1536-1537. [136] G. Forestier, *Le théâtre dans le théâtre*, p. 61. [137] J. Emelina, *Les Valets et les servantes dans le théâtre comique en France de 1610 à 1700*, p. 199. [138] II, 2 ; v. 485. [139] II, 6 ; v. 625-636. [140] V, 3 ; v. 1647, 1633, 1634. [141] V, 4 ; v. 1720, 1775-1776. [142] II, 2 ; v. 455-458. [143] II, 5 ; v. 567-570. [144] II, 4 ; v. 554-558. [145] II, 5 ; v. 560. [146] *Ibid*, v. 587-588. [147] II, 2 ; v. 506-515. [148] II, 6 ; v. 641-647. [149] II, 1 ; v. 415-418, 439-440. [150] V, 1 ; v. 1549. [151] II, 1 ; v. 419-420. [152] II, 6 ; 656, 657, 658. [153] G. Forestier, *Le théâtre dans le théâtre*, p. 316. [154] I, 3 ; v. 296. [155] V, 8 ; v. 1897-1904. [156] *Desniaiser* : « Tromper quelqu'un, le rendre defiant, soigneux et vigilant.… Deniaiser se dit aussi de ceux qui par le commerce du monde acquierent quelque habileté, quelque expérience » (Furetière). [157] L'édition de 1648 annonce « Climante : celuy qui veut joüer Ariste, Climante, Olimpe ». La mention du nom de Climante est une erreur. Le verbe *joüer* signifie « tromper ». Climante tentera en effet de duper Ariste au cours de la pièce. [158] Toute l'action se déroule en extérieur. Les personnages proviennent de l'intérieur de la maison d'Oronthe ou y retournent. Il ne faut donc pas imaginer une pièce à l'intérieur de la maison cachée par une tapisserie. [159] Comme l'indique ses commentaires à propos de Climante à la scène suivante, le valet assiste à la scène mais son personnage est muet. [160] *Martial* : « se disait autrefois, en Chimie et en Pharmacie, Des substances dans lesquelles il entre du fer. C'était un synonyme de Ferrugineux. » (Académie Française, 1884). *Frangipanne* (frangipane) : « parfum fort exquis qu'on donne à des peaux pour faire des gands, des poches, des sachets. … Les peaux du Frangipane sont fort estimées par toute l'Europe » (Furetière). [161] *Malheur*  (v. 17, 1794) est aussi orthographié  *mal-heur* (v. 1400, 1622, 1926) sans altération de sens. [162] Nous avons conservé le redoublement de la consonne *l* sans que cette graphie affecte la prononciation. On trouve aussi *habile* au vers 204. [163] Climante parle des « menteries » qu'Ariste évoque au vers 32. [164] Cette indication temporelle définit le moment de la journée des actes I et II. Au XVII*e* siècle, le dîner se prend à midi, l'après-dîner correspond donc à l'après-midi. Ariste et Olimpe se rencontrent à la scène 1 de l'acte II, l'action commence alors en fin de matinée comme l'indique l'annonce à dîner de Lisette à la scène 3 (v. 309). [165] Cette graphie coexiste avec celle de *moins* (v. 16, 562). [166] *Soucy* : « Chagrin, inquiétude d'esprit, peut-être à cause qu'il fait devenir jaune » (Furetière). [167] On trouve trois graphies pour cet adverbe : « encore » (v. 52, 200, 259, 303, 377, 535, 1144, 1409, 1432, 1768, 1782, 1917), « encor » (v. 59, 98, 235, 339, 414, 455, 534, 622, 769, 991, 1082, 1094, 1108, 1155, 1177, 1185, 1227, 1244, 1457, 1858) et le texte ancien fait aussi figurer une apostrophe « encor' « (v. 863, 1031, 1204). [168] On trouve deux graphies de ce mot : *bon-heur* (v. 60, 193, 530, 645, 667) et *bon heur* (v. 1819). [169] Comprendre que Lisette peut le servir dans ses amours. En effet, *Argus* « est venu en usage dans la langue, pour signifier un homme prudent et clairvoyant, qui voit de loin les yeux du corps, et qui prévoit toutes choses des yeux de l'esprit » (Furetière). [170] *Faux matin : faus* : « se dit quelquefois par antiphrase pour augmenter la vérité de quelque chose, mais toûjours en mauvaise part » (Furetière). *mastin* : « se dit … des hommes grossiers, mal bastis de corps, ou d'esprit » (Furetière). Jodelet signifie qu'il met en jeu son esptit subtil et rusé pour servir les amours de son maître. [171] Comprendre : « Vous n'auriez pas de succès dans vos amours ». [172] *A vaux l'eau* (avau l'eau) : « se dit proverbialement en ces phrases : … Ses desseins vont avau l'*eau*, pour dire ne reüssissent pas » (Furetière). L'amour que Pancrace porte à Lisette sert celui d'Ariste et Olimpe. [173] La graphie *en fin* est très fréquente. Néanmoins, il existe quelques occurrences d'*enfin* (v. 823, 989, 1206, 1488). Les différences orthographiques n'affectent pas le sens. [174] « Comme, pris dans le sens de comment, amène les interrogations directes et indirectes au début du XVIIe siècle comme dans l'ancienne langue » (Haase, § 43, B). [175] Le sens du verbe *s'acrocher de* n'existe pas dans les dictionnaires de l'époque. Nous pouvons supposer que Jodelet désire connaître les stratagèmes qu'emploie Oronthe pour se délivrer de ses deux importuns rivaux. [176] On trouve deux graphies possibles : *avec* et *avecque* (v. 119, 138, 168, 379, 408, 424, 793, 930, 1010, 1011, 1019, 1202, 1420, 1637, 1818) employées également au XVIIe siècle dans le langage poétique. [177] soit … ou : soit … soit. Même remarque aux vers 260 et 262. [178] *Paumer* : donner des coups, frapper. Le comportement de Jodelet rappelle celui du valet fanfaron. [179] Jodelet signifie qu'il n'a nulle envie de la voir. [180] *Puissant* s'emploie comme épithète intensive avec un sens vague dans le vocabulaire familier du XVIIe siècle. [181] *Fiez* doit se lire en diérèse. Celle-ci pourrait s'appliquer à *auriez* mais la coupe à l'hémistiche ne le permet pas. [182] « Où, sans antécédent, équivalent à une conjonction de temps (*quand, lorsque*), très usité dans l'ancienne langue, est encore employé au XVIIe siècle et même plus tard » (Haase, § 38, G). [183] *A sa miséricorde* signifie « à sa merci ». [184] *Fort* : « terme de *Chasse*. Buisson fort & épais où quelques bêtes sauvages se retirent » (Richelet) [185] *Eclairer* : surveiller. « Au diable le fâcheux qui nous éclaire. » (Molière, *L'Etourdi*, I, 4) [186] Comprendre : « Pour nous laisser leur lit ». [187] « *Du depuis*, adverbe, était courant dans le moyen français ; on ne le trouve guère plus au XVIIe siècle que dans Malherbe, qui pourtant le blâme chez Desportes, et souvent chez Scarron. Vaugelas (I, 287) déclare que le bon usage a proscrit du depuis. Th. Corneille ne l'admet pas, même dans le langage familier » (Haase, 134, 3°, Rem. II). Jodelet s'exprime donc dans un langage archaïque. [188] Cette injonction s'adresse à Jodelet qui trouble le récit de son maître en rétablissant, de façon inopportune, la vérité. [189] Le statut de domestique de Pancrace ne l'autorise pas à participer au repas des maîtres. C'est aussi le cas de Jodelet qui considère l'Intendant comme son égal, ce que confirme l'usage du tutoiement. [190] *Enthousiasme* (entousiasme) : « Fureur prophétique ou poëtique qui transporte l'esprit, & qui lui fait dire des choses surprenantes & extraordinaires » (Furetière). Pancrace, docteur pédant, fait usage d'un lexique philosophique. [191] *Individu* : « terme de *Philosophie*. Le mot d'*individu* est en usage parmi les Philosophes, pour marquer une chose particulière, & pour la distinguer des choses générales qui se peuvent diviser. » (Richelet). Ce terme implique la concorde de deux contraires. [192] Il est probable que Gillet se souvienne de la scène 4 de l'acte III de *La Folie du Sage*, tragi-comédie de Tristan L'Hermite, publiée en 1645. Dans la pièce de Tristan, c'est Jodelet qui se livre à ce tourbillon verbal. Nous reproduisons cette tirade en appendice I et nous donnons une brève notice biographique de chaque auteur cité en appendice II. [193] Cette construction, fréquente à l'époque classique, comporte un « de » qui redouble le relatif « dont ». « On emploie souvent, jusque dans le XVIIIe siècle, à la place du *que* de la langue actuelle, **dont, où**, ainsi qu'un **relatif accompagné d'une préposition** pour rappeler un substantif ou un pronom régis par une préposition dans une phrase nominale amenée par *c'est* » (Haase, § 36, B). [194]  *Perdrions*, affecté d'une synérèse, doit se lire en deux syllabes « per-drions ». [195] « Où se rapportant à une phrase entière est équivalent à *quoi* précédé d'*une préposition* » (Haase, § 38, E). [196] *Operation* : le mot est à prendre dans son sens théologique de grâce, d'intervention divine. Pancrace évoque la théorie des âmes radicales, qui auraient leur principe en elles-mêmes. [197] *Se desbarasser* : « Se tirer d'embaras. Se dépêtrer. Se dégager. Se délivrer des choses qui embarassent. » (Richelet). Pancrace cherche à se libérer de Jodelet qui l'entrave physiquement – comme l'indique la didascalie relative à Jodelet -dans l'exposé de sa dissertation. [198] Ce débat relève de la pensée de Lucrèce qui trouve un grand écho au XVIIe siècle. Lucrèce développe le même argument contre Anaxagore. [199] « **Aussi** construit avec une préposition négative signifie *non plus* en ancien français et conserve ce sens jusque dans le XVIIIe siècle » (Haase, § 142). [200] *Entelechie* : « perfection d'une chose » (Trévoux). Ce terme relève du lexique philosophique de Pancrace. [201] « L'adverbe *que* était, en ancien et moyen français, beaucoup plus répandu qu'il n'a été plus tard. Il remplaçait le pronom relatif construit avec une préposition. Le français moderne, se servant plutôt de *où*, emploie beaucoup moins ce pronom adverbial, bien qu'il subsiste dans des expressions comme : *au temps que, dans le temps que* » (Haase, § 36). [202] « Faire beau bruit, gronder, se fâcher, s'emporter » (Dictionnaire de l'Académie). [203] L'après-midi s'achève. [204] Il s'agit d'Oronthe. [205] *Pelerin*  ****: « On dit, ironiquement, Voilà un estrange *pelerin*, pour dire, c'est un rusé, un matois » (Furetière). [206] Peut-être Molière s'est-il souvenu de ce passage, en 1662, dans sa comédie *L'Ecole des Femmes* lorsqu'Arnolphe dit à Chrysalde à la scène 1 de l'acte I : « Je prétends que la mienne ma femme, en clartés peu sublime, / Même ne sache pas ce qu'est une rime ; / Et s'il faut qu'avec elle on joue au corbillon, / Et qu'on vienne à lui dire, à son tour, “Qu'y met-on ? ” / Je veux qu'elle réponde : “Une tarte à la crème” ». [207] *Ceruse* : « Blanc d'Espagne ou blanc de plomb. C'est ainsi que la nomment les chimistes. Elle est faite de lames fort déliées de plomb, trempées dans de fort vinaigre, qui les dissout et y forme une certaine crasse qu'on racle tous les dix jours. On la broie et on la cuit, et ce qui demeure au fond est la céruse. Les femmes s'en servent pour se farder, mais elle gâte l'haleine et les dents, fait des rides et apporte plusieurs autres incommodités, étant une espèce de poison quand elle est avalée. C'est un médicament quand on l'applique par dehors » (Furetière). [208] Seule fois dans la pièce où la ville de Bordeaux est nommée. Nous pouvons supposer qu'après avoir ravi Olimpe de Provence, Oronthe ait, ensuite, traversé Bordeaux – chemin commercial très usité à l'époque - pour revenir à Paris. Par crainte d'une arrestation, il s'informe des suites que son enlèvement provoque. « On appelle un courier *ordinaire*, celuy qui part regulierement à un certain jour de la semaine » (Furetière). [209] Nous proposons de remplacer *dequoy*, graphie non attestée dans les dictionnaires de l'époque et qui apparaît à plusieurs reprises dans le texte du XVIIe siècle, par « de quoy » (v. 524, 1221, 1307, 1349, 1668). [210] *Rodogune*, tragédie de P. Corneille, représentée au Marais avec succès à partir de la fin de 1644, publiée en 1646. [211] Comme s'il répétait une leçon, Ariste cite naïvement un vers de la scène 3 de l'acte II de *Rodogune*. Cléôpatre dit « Mes enfants, prenez place. Enfin voici le jour / Si doux à mes souhaits, si cher à mon amour » (v. 521-522). [212] *Loge du Roy* : « separations qui se font dans des galeries ; autour d'un theatre, pour y voir plus commodément les spectacles qui se representent. La loge du Roy est toûjours la premiere *loge* » (Furetière). [213] Nous proposons de remplacer la graphie *Dautant*, non attestée ds les dictionnaires de l'époque, par « d'autant » que l'on trouve aussi aux vers 811 et 1902. [214] Nous pourrions supposer la présence de jardins entre la façade de la maison d'Oronthe et l'avant-scène où se déroulent les conversations. Mais la profondeur de scène étant restreinte sur les théâtres de l'époque, ces jardins devaient être symbolisés « par la présence de quelques bosquets probablement symétriquement disposés sur les côtés du théâtre. » (L. Marmin) [215] Ce vers est prononcé bas et en aparté. [216] *Cabale* : « société de personnes qui sont dans la même confidence & dans les mêmes interests : mais il se prend ordinairement en mauvaise part. … On le dit aussi des conspirations & des entreprises secrettes, des desseins qui se forment dans cette société. » (Furetière). [217] *D'effet* : « en fait » (Huguet). [218] *Mesme* (v. 27, 113, 128, 356, 357, 540, 560, 638, 852, 1182, 1492, 1656, 1788, 1855, 1867) est aussi orthographié *mesmes* (v. 647, 1638). [219] *Cependant que* : « La conjonction **que** sert à construire un assez grand nombre de locutions qui, archaïques aujourd'hui, étaient d'un usage plus ou moins général au XVIIe siècle. … **Cependant que**, très fréquent » (Haase, § 137) (même remarque au vers 1778). [220] Oronthe sort de scène. [221] Il convient de supposer que ce dernier vers est prononcé en aparté. [222] *Bachante* (bacchante) : « pour figurer une fille ou femme méchante, colère, furieuse et sans raison » (Le Roux). L'emploi de ce terme et de ceux qui suivent témoigne du caractère pédant de Pancrace. [223] *Scitique* (scythique) : barbare (Dictionnaire du moyen français, Larousse, 1992). [224] *Sicophage* (sycophage) : « qui vit de figues » (Littré). [225] *Paphos* : ville de Chypre, sur la côte orientale de l'île. Kinyras en fut un roi célèbre. La déesse Aphrodite y avait un temple célèbre. [226] *Auxilié* : secouru (latinisme burlesque). [227] *Altitonant* : « ce mot marque par synonyme Jupiter » (Le Roux). [228] *Ameublement* : variante d'une plaisanterie traditionnelle consistant à assimiler les êtres humains à des objets : « Peste, le joli meuble que voilà ! » s'écrie Sganarelle en voyant Jacqueline (Molière, *Le Médecin malgré lui*, II, 2). [229] *Amant à Calote* : « pour vieux barbon, vieux grison, qui sur ses vieux jours se mêle encore de pousser la fleurette » (Le Roux). [230] *Piqueure à Ploton* : Lisette déforme les noms de « Platon » et d'« Epicure » prononcés par Pancrace à la réplique précédente. Ce calembour participe de la tradition farcesque. [231] *Brides à veaux* : « on appelle des brides à vaux, les raisons qui persuadent les sots, et dont se moquent les gens éclairez » (Le Roux). [232] *Rocantin* : « mot injurieux, qu'on dit aux vieillards, vieux rancuneux, radoteur, grondeur, avare » (Furetière). [233] Il est étonnant que Lisette connaisse le nom de l'amant d'Hélène, mais Gillet, sacrifiant la vraisemblance et valorisant le jeu de mots, préfère suivre la tradition des auteurs burlesques. [234] *Fut* : alla ; « Je fus retrouver mon janséniste » (Pascal, *Première Provinciale*). [235] Arlequin est le valet bouffon, superstitieux et pleutre de la *commedia dell'arte*. D'origine bergamasque, il porte un masque noir aux paupières étroites, un chapeau de feutre gris, un habit bariolé et, à la ceinture, une batte blanche qui lui sert d'arme, de sceptre ou de louche. [236] Jeux de mots étymologiques. Le goupillon a d'abord été « la queue du renard » utilisée « pour distribuer l'eau bénite » et, peu à peu, il est devenu un « petit bâton garni par le bout de soies de porc », puis un objet purement métallique. « Bouquin » est synonyme de « vieux débauché » (Trévoux), mais le sens de « vieux livre », courant dès le XVIIe siècle, s'applique également assez bien au pédant ; de plus, la locution « sentir le bouquin », au sens de « sentir mauvais » (Le Roux), fournit une connotation supplémentaire pour souligner la bestialité du personnage. [237] Au XVIIe siècle, « autre » était employé comme un prédéterminant. Aujourd'hui, il conviendrait de déterminer le substantif par l'article indéfini. [238] « *A* indiquant un but s'employait là où nous nous servons de la préposition *pour* » (Haase, § 123, B). [239] *Catachrese* : figure de rhétorique définie comme « trope d'un usage forcé » (Fontanier). L'emploi de ces termes de rhétorique témoigne du langage affecté du savant docteur. [240] *Tapinose* : litote, atténuation. [241] *Kacozelle* : « vieux mot qui signifiait autrefois un zèle indiscret et trop ardent » (Trévoux). [242] *Apophtegme* : sentence. [243] *Abstersive* : « qui purge et nettoie » (Richelet). [244] Marque temporelle qui indique que Lisette songe certainement au repas du soir et souligne, ainsi, l'avancée de l'action. Même préoccupation au vers 768. [245] Olimpe prononce cette première partie du vers bas et en aparté. [246] On trouve trois occurrences d'*enfin* orthographié de cette façon (v. 823, 989, 1206). [247] Une telle indication semble plus intelligible aux lecteurs qu'à un éventuel metteur en scène. Cette didascalie souligne donc que Gillet ne songeait pas à la représentation de ses pièces. [248] La ponctuation de ce vers est surprenante. Il peut donc s'agir d'une coquille mais se répétant aux vers 862 et 1541 et n'étant pas corrigée dans les autres cahiers, elle indique probablement une montée de voix suivie d'une pause. [249] L'intervention de ce personnage ainsi que celle du linger témoigne de l'apparition, esquissée ici, du naturel et de la vraisemblance dans la comédie. Corneille faisait déjà valoir ce naturel en 1634 dans l'« Avis au lecteur  » de *La Veuve* et le mettait en scène dans des comédies telles que *La Galerie du Palais* (1634) ou encore *La Place Royale* (1635). [250] *Linger* : marchand qui vend du linge. [251] Cf. note v. 850. [252] « Le subjonctif dit de désir, précédé et plus souvent encore suivi de son sujet … s'emploie sans *que* au XVIIe siècle » contrairement au français moderne qui rétablit *que* (Haase, § 73, A). [253] *Frimats* (frimas) : « Gelée blanche, air épais et congelé qui s'attache aux arbres, aux herbes et aux cheveux » (Furetière). Le lexique recherché, latinisant et obsolète de Pancrace souligne le pédantisme du personnage. [254] *Felice* : « chatte / La chienne le mâtin, la felice les chats. Traduction, vraisemblablement du latin "felis" » (Le Roux). [255] *In utroque juré* : « dans les deux droits » ; droit civil et droit canon. [256] *Bonnet quarré* : « bonnet que portent les gens d'Eglise, les gens de Justice, et les gens de Collège qui sont Philosophes, ou Graduez » (Furetière). [257] *Feru* : frappé. [258] *Mortiferé* : frappé à mort. Néologisme formé sur l'adjectif « mortifère » qui est lui-même burlesque. [259] *Zeny* doit se comprendre dans le sens de « zenit » comme le propose l'édition de 1658. *Zenit* : « Terme d'Astronomie. C'est le point vertical, ou le point du Ciel qui est directement sur nôtre teste, par lequel passent tous les azimuts ou cercles verticaux. Il est diametralement opposé à *nadir*, qui est le point du ciel directement sous nos pieds, & où habitent nos vrayz Antipodes » (Furetière). [260] Ces stances de Pancrace nous sont peu intelligibles aujourd'hui car le vocabulaire scientifique nous est inconnu. Les travaux de B. Quemada nous informent que selon les Paracelsistes, l'homme est « composé comme le grand monde des quatre éléments, qui sont le Feu, l'Air, l'Eau et la Terre, et des trois principes mixtes, qui sont le Sel, le Soufre et le Mercure » (citation du *Traité de Médecine* de La Chaume, p.101, note 105). [261] *Hypostase* (hipostase) : « le mot est à prendre dans son sens médical "se dit du sédiment de certaines liqueurs" » (Furetière). L'emploi d'un lexique précieux suggère l'affectation du langage de Pancrace. [262] *Antiperistase* : « combat qui se fait entre deux choses, où celle qui a le moins de force cède à l'autre » (Richelet). [263] *Mordicant* : « qui est acide et piquant » (Furetière). [264] Nous proposons de corriger *herine* par « Erinne » d'après « Erinnye » ce qui nous semble justifié par la présence de « furie » au vers 961 et par la correction effectuée dans l'édition de 1658 qui donne pour ce vers « Mes poulmons perdent leurs Erynnes ». [265] *Festu* : « petit brin de paille. On dit d'une chose de peu de valeur pour la mépriser, qu'elle ne vaut pas un festu » (Furetière). *Festu* équivaut donc à « rien du tout ». [266] « Ariste rassemble ses rimes comme Cyrano choisit les siennes, en les énumérant. Signalons à cet égard une permutation dont il faut probablement tenir responsable l'éditeur Toussaint Quinet et qui n'a pas été corrigée depuis : pour rimer avec 1008 dont la rime est en “ ligue ”, il convient d'intervertir les mots “ intrigue ” et “ filoux ” au vers 1009 : “ Verroux et brigue & choux intrigue avec filoux ”. Une semblable permutation à propos des deux dernières rimes, opérée cette fois spontanément, peut en cela nous servir de caution dans la perturbation que l'on est ainsi amené à introduire dans la reproduction fidèle de la succession des rimes du sonnet » (L. Marmin). [267] *Faire la figue* : se moquer. [268] C'est le public du Marais qui assiste aux représentations du *Desniaisé* que Gillet nomme ainsi. [269] *Jouer à la beste* : « jouer à être beste, personne stupide, sans esprit » (Furetière). [270] On remarque que l'interruption d'une réplique est suivie soit de points de suspension soit d'un point final (voir v. 1033). [271] *Fantasque* : « Capricieux, bouru, qui a des manieres ou des humeurs extraordinaires » (Furetière). Jodelet fait ici usage d'un lexique burlesque qui témoigne du caractère grotesque du personnage. [272] « On dit proverbialement, courir comme un Basque, pour dire, marcher vite et long-temps, parce que ceux de Biscaye sont en réputation pour cela » (Furetière). [273] *Maroquin* : « ce mot est fort injurieux, lorsqu'on le donne en France à quelqu'un, et signifie autant que sot, stupide, bête, sauvage, ridicule » (Le Roux). « On dit aussi ironiquement, vous estes un plaisant maroquin, un plaisant bouffon » (Furetière). [274] *Donzelle* : « terme burlesque qui se dit pour Demoiselle, mais il est odieux, et se prend ordinairement en mauvaise part » (Furetière). [275] *Molinet* : « moulinet, petit moulin se dit aussi d'un certain jeu d'escrime, ou des hautes armes quand on se couvre si bien entourant un espadon, une espée à deux mains, ou un baston à deux bouts, qu'on ne peut estre offensé de son ennemi. On fait aussi le moulinet par galanterie et pour montrer son adresse » (Furetière). [276] *Gruier* (gruyer) : « Se dit figurément d'un homme qui est habile en son métier, en quelque profession. Il faut aller consulter ce vieux Advocat, il est gruyer en cette matière » (Furetière). [277] *En* : « à ce sujet ». Même emploi au vers 1302. [278] *Faire la nique* : « mocquerie, mespris qu'on fait de quelqu'un par quelques geste qui en donne tesmoignage, et particulièrement en haussant ou secoüant le menton » (Furetière). [279] *Courtaux de boutique* : « par dénigrement … commis marchand » (Littré). [280] *Peste aux escus* : expression qui « s'employait fréquemment dans la langue comique comme exclamation exprimant la mauvaise humeur, la malédiction ou une surprise admirative » (Furetière). [281] *Escarcelle* : « grande bourse de cuir à l'antique, qui se fermait à ressort avec du fer » (Furetière). [282] *Esbaudir* : terme populaire qui signifie se réjouir. [283] *Peintes* (pinte) : « vaisseau qui sert à mesurer les liqueurs, & quelquefois les choses seches. … se dit aussi de la liqueur mesurée dans la *pinte* » (Furetière). [284] *Archerot* : petit archer, désigne Cupidon. [285] La Verdure est le nom d'un archer du guet. [286] *Doint* : subjonctif présent du verbe donner. « Dans les propositions principales exprimant … la prière …, l'ancien français employait le subjonctif sans *que* ; le français moderne, au contraire l'amène par *que*, et n'a conservé l'ancien usage que pour des cas exceptionnels. » (Haase, § 73). [287] *Belaud* : niais. En Anjou, « berlaud » a conservé ce sens (d'après P. Lerat). [288] *Rouquin* : le même contexte dans *Le Campagnard*, à la scène 3 de l'acte V, explicite ce terme de Rouquin : « Jodelet, *s'essayant à chanter* …  / Maudit soit le rouquin qui m'embarasse icy / *Il laisse tomber son épée* » [289] Rappelons que Jodelet a été arrêté par le caporal à la fin de l'acte précédent en possession de cette lettre qu'Ariste lui avait confiée. Comment Climante peut-il l'avoir lue ? [290] *Catherre* : « Catarrhe : flux d'humeurs pecantes … aucuns l'appellent la goutte descente, rheume, ou catarre, par-ce que le nom de goutte est odieux, principalement aux jeunes gens » (Huguet, *Dictionnaire de la langue française du 16*ème**). [291] *Deschiré* : « on dit qu'une femme n'est pas trop déchirée pour dire qu'elle est encore assez jolie et assez fraîche pour qu'on cherche à lui plaire » (Trévoux). [292] *Nasonner* : parler du nez. S.W. Holsboer, dans *L'Histoire de la mise en scène dans le théâtre français de 1600 à 1657*, indique que Julien Bedeau, dit Jodelet, avait une « voix nazillarde, dont il était redevable à la défectuosité d'un nez qui avait pâti de certaine maladie mal soignée. » [293] *Suppost* désigne, ici, les violonistes. [294] « Le jeu de mots sur les “ suppots de l'Archer ” (violonistes, et non pas gens du guet) n'est guère perceptible qu'à la lecture, sauf si Jodelet feint de jouer du violon » (P. Lerat). [295] A l'époque classique, le *e* du pronom s'élide devant voyelle. [296] *Bedon* : « homme gras, replet ». Lisette l'emploie comme terme affectueux alors que « bedaine » est péjoratif. *Fanfan* et *poupon* sont des termes propres à la farce pour exprimer la tendresse des valets et des servantes. *Fanfan* se rencontre en particulier chez Boursault, Chevalier, Donneau de Visé, Poisson et Scarron ; « poupon(ne) » apparaît chez Chapuzeau et Dorimon. (d'après P. Lerat) [297] Littré donne un exemple de ce mot au sens de « croûtes ». Il semble que le pluriel qu'emploie Jodelet doive se lire ainsi. [298] *Lippee* : « grosse lèvre et qui avance au-dehors. On dit d'un homme qui boude, qui fait la moue, qu'il avance une grosse lippe. Lippée signifie au propre : autant de viande qu'on en peut emporter avec la lippe sur les lèvres. » (Furetière). L'emploi que Lisette fait de ce terme est burlesque. [299] *Gabatine* : « pour fourberie, tromperie subtile et rusée » (Le Roux). [300] Même si on prononçait souvent gRε pour grec, l'emploi de ce terme par rapport à celui de « latin » produit un effet comique. *Casser du grès* semble vouloir dire « envoyer promener » selon un exemple de d'Assoucy commenté par F. Bar. [301] *Forligner* : « ne pas suivre la vertu et les bons exemples de ses Ancêtres, de ceux dont on est issu, faire quelque chose indigne de leur race. On le dit particulièrement de ceux qui se sont mesalliez » (Furetière). Conformément à son personnage de docteur savant, Pancrace emploie un vocabulaire affecté. [302] *Amadonthe* (Amathonte) : ancienne ville de Chypre, célèbre par le culte d'Adonis et de Vénus. [303] Ce vers donne à voir la capture au filet de Vénus, prise en flagrant délit d'adultère, par Vulcain. [304] *Tébain* : de Thèbes. [305] *Ode pindarique* : « sa forme est à la fois fixe et extrêmement libre (strophe, antistrophe, épode). … Inimitable, disait Horace ; le poète, à s'y risquer, s'y perdrait comme Dédale ; elle a été  imitée à la Renaissance par Ronsard par exemple, et attaquée ou défendue lors de la querelle des Anciens et des Modernes. … Nous sont parvenus quatre des dix-sept livres de poèmes pindariques recensés par Aristophane de Byzance : les *Olympiques*, les *Pythiques*, les *Isthmiques* et les *Néméennes* » (Encyclopædia Universalis). [306] Cf. note v. 1066. [307] *Parler Phebus* : « langage à la fois obscur et prétentieux. … Se rencontre dans le burlesque » (Furetière). [308] *Influence* : « qualité qu'on dit s'escouler du corps des astres ou l'effet de leur chaleur et de leur lumière, à qui les astrologues attribuent tous les évènements qui arrivent sur la terre » (Furetière). Pancrace fait un exposé savant mêlant le lexique philosophique aux termes de l'astronomie. [309] Comprendre : « elle fait entrer en jeu nos facultés » (d'après P. Lerat). [310] *Inclination* : « se dit figurément en choses spirituelles des affections de l'âme; et signifie alors une perte ou une disposition naturelle à faire quelque chose » (Furetière). [311] *Careau* (carreau) : « corps fort dur qui sort d'entre deux nuës. Autrement dit, la Foudre » (Richelet). [312] *Pituite* : « L'une des quatre humeurs qui sont encloses dans le corps des animaux, et qui constituënt leur temperament. La pituite est blanche et froide » (Furetière). Quant à la bile dont parle Pancrace, c'est la bile noire ou mélancolie, qui détermine le caractère des bourrus de la comédie (barbons, avares, misanthropes). En « offusquant » le foie, c'est-à-dire en entravant son fonctionnement, la bile noire surabondante perturbe l'équilibre naturel et par conséquent est génératrice de folie, donc comique. [313] Jodelet emploie le pronom masculin alors qu'il parle des femmes. Nous devons supposer qu'il s'agit d'un masculin de généralité. [314] *Fievres quartaines* : « on dit proverbialement, vos fievres quartaines, quand on veut faire une imprecation contre quelqu'un, laquelle est particulière aux François, parce qu'étant naturellement prompts et impatients, ils croyent souhaitter plus de mal à leur ennemi en leur souhaittant une maladie de longue durée, telle qu'est la fievre quartaine, que s'ils leur souhaittoient une maladie plus courte et plus dangereuse » (Furetière). [315] *Engrogné* (engroigne) : « qui est grognon » (Huguet). [316] *Rebrousse* : « Pour bizarre, acariâtre, revêche, capricieux, fantasque » (Le Roux). [317] *Vergogne* : « vieux mot… qui ne s'emploie plus que dans le burlesque » (Furetière). Cet emploi burlesque se remarque d'autant plus que la pudeur n'est pas le caractère principal des valets de comédie. [318] *Bugne* (bigne) : « pour bosse, enfleure, contusion » (Le Roux). [319] *Temple* : « partie double de la tête, qui est à l'extrémité du front entre les yeux & les oreilles » (Furetiére). *Temple* disparaîtra ensuite au profit de *tempe*. [320] *Faire gilles* : « pour s'enfuir » (Le Roux). [321] *Trousser ses quilles* : partir précipitamment. [322] *Sonner* : jouer d'un instrument de musique. [323] Dans la clé de G. ré-sol-ut, « G. représente le sol dans l'échelle diatonique » (Y. Giraud, édition des *Amours d'Apollon et de Daphné* de Dassoucy, Paris 1969, p. 139). [324] *Montrer les talons* : « proverbialement, on dit à ceux qu'on veut chasser, Allez, monstrez moy les talons » (Furetière). [325] Personnages de *La Veuve ou le traistre trahy*, comédie de P. Corneille, publiée en 1634 : Philiste est l'amant de Clarice et Doris, la sœur de Philiste. [326] Isabelle : personnage d'*Ibrahim*, amante de Justinian. [327] *Cassandre* : roman de La Calprenède, publié de 1642 à 1645. *Ibrahim ou l'Illustre Bassa* : roman de Mlle de Scudéry, publié en 1641. *Polexandre* : roman de Gomberville, publié en 1629. Le comique de cette scène tient aux références littéraires des deux rivaux : les œuvres citées se déroulent en effet en plusieurs longs tomes. [328] *Les amours pastorales de Daphnis et de Chloé*, Longus, traduit par J. Amyot en 1559. [329] *Heraclius* : tragédie de P. Corneille, jouée au début de la saison 1646-1647 avec succès. *Themistocle* : tragédie de Du Ryer, probablement jouée à la fin de 1646 ou au début de 1647. [330] *Douteux* : incertain. [331] Le valet est présent à cette scène mais son rôle est muet. [332] Jouant son personnage de naïf, Ariste conforte ses interlocuteurs en leur faisant croire qu'il peut être dupe une seconde fois. [333] Cf. note v. 410. [334] *Prendre loy de quelqu'un* : obéir à. [335] La présence de Jodelet à cette scène n'est pas mentionnée dans la distribution. C'est probablement l'arrivée fugace et en fin d'acte du personnage qui explique que l'auteur n'ait pas créé une nouvelle scène pour annoncer cette intervention. [336] Jodelet annonce l'arrivée de l'exempt, ce qui accélère l'imminence du dénouement. Il s'agit d'un officier de police, souvent employé dans les comédies du temps, pour rétablir l'ordre menacé. [337] « **Quel**, pronom adjectif, construit avec un substantif dans une proposition concessive … a été remplacé dans la langue actuelle par *quelque*, qui, d'ailleurs, en provient. On rencontre l'ancienne tournure encore au XVIIè siècle, surtout chez Mme de Maintenon » (Haase, § 45, A). [338] Cf. note v. 563. [339] Ce vers est prononcé en aparté. [340] « **Tel** attributif, qui se substitue à *quel* de l'ancienne langue au XVI*e* siècle, est très fréquent au XVII*e* et même encore au XVIII*e* siècle ; il est très archaïque aujourd'hui, la langue actuelle le remplace par *quelque* » (Haase, § 45, B). [341] Comme dans l'échange précédent, il convient de supposer que cette réplique est adressée à Climante en aparté et « *bas* ». [342] Même jeu de scène d'Oronthe qui commente la réplique d'Olimpe à Climante en aparté. [343] A l'époque classique, le *e* du pronom s'élide devant voyelle. [344]  *Pendant que* suivi du subjonctif équivaut à « jusqu'à ce que ». Il s'agit d'un latinisme. [345] *Petites maisons* : « On dit … qu'il faut mettre un homme aux *petites maisons*, quand il est fou, ou quand il fait une extravagance signalée ; à cause qu'il y a à Paris un Hospital de ce nom où on enferme ces foux » (Furetière). [346] Cf. note v. 661. [347] Les amants n'attendent pas une heure puisque l'exempt arrive quatre-vingt-dix vers plus tard. [348] Même si son nom figure dans la distribution, Climante est absent de cette scène. [349] *Honneur* : « se dit en general de l'estime qui est deuë à la vertu et au merite » (Furetière). Oronthe signifie qu'il regrette le respect qu'il a observé à l'égard d'Olimpe. [350] Gillet joue sur le double sens d'*innocent* : sot et vertueux. [351] *Donner dans le paneau* : « On dit qu'un homme a donné dans le *paneau*, pour dire, qu'il a été surpris par trop de crédulité, qu'il a donné dans un piege qui luy avoit été tendu » (Furetière). [352] *Par l'oreille* : « en tenant compte de tout ce qu'on lui dit » (P. Lerat). [353] Nous devons supposer que ce premier hémistiche est prononcé « *bas* ».  [354] La présence de Lisette n'est pas mentionnée dans la distribution. C'est probablement la brièveté de son intervention qui explique cette absence. [355] *An climaterique* : « année funeste aux critiques (tout age qui est un multiple de 7), année dangereuse à passer et où on est en danger de mort aux dires des Astrologues » (Furetière). [356] « Estre caution, avoir en sa garde » (Furetière). La réaction d'Olimpe est surprenante. Loin d'exprimer la joie de sa libération, elle promet de porter secours à son ravisseur.