--- identifier: harny_sybille creator: Harny de guerville. date: 1765 title: La sybille. , parodie. --- LA SYBILLE PARODIE M. DCC. LVIII. AVEC PRIVILEGE DU ROI. Par M. H⁎⁎⁎⁎. La Musique est de M. GIBERT. Le Privilège, et l'Enregistrement se trouvent à la fin du Tome 3ème du Nouveau Recueil des Pièces représentées sur le théâtre de l'Opera-Comique depuis son rétablissement, etc. # APPROBATION. J'ai lu par ordre de Monseigneur le Chancelier, la Sybille, Parodie ; et je crois que l'on peut en permettre l'impression, ce 11 Novembre 1758. Signé, CREBILLON.À PARIS. Chez DELORME, rue du Foin, à l'Image Sainte Geneviève. Représentée pour la première fois par les Comédiens Italiens Ordinaires du Roi, le 21 Octobre 1758. # ACTEURS. – LA SYBILLE, Mme. Favart. – AZOR, M. Rochard. – EUPHROSINE, Mlle. Desglans. – FRANCOEUR, M. Chanville. – UNE VENDANGEUSE, Personnage muet. – L'AMOUR. Personnage muet.La Scène est dans un verger. # . ## SCÈNE PREMIÈRE. Le théâtre représente d'un côté un verger, et de l'autre l'antre de la Sybille. AZOR, SEUL. ARIETTE. Amour lance dans mon âme Tous tes traits. j'aime pour jamais, Pour jamais je m'enflamme. Frappe, à tes coups mon coeur connaîtra tes bienfaits. Amour lance dans mon âme Tous tes traits, Longtemps du Dieu de la Thrace J'ai suivi la trace, Je me trompais dans mes plaisirs. Euphrosine a su me séduire Et m'instruire Sur mes désirs. ## SCÈNE II. Azor, Francoeur. FRANCOEUR. Air : Castagno castagna. L'Amour fait dans ce temps Bonne Vendange ; Tandis que les Mamans Prennent le change. Pensent que l'on s'occupe Au Verger À Vendanger. Amour qui n'est pas dupe Justement prend ce temps-là. Ta la la, etc. AZOR. Air : Ma Fanchon ne pleurez pas. Francoeur est toujours joyeux FRANCOEUR. On doit bannir en Vendange Tous les soucis ennuyeux, C'est le temps où l'amour s'arrange. Puis d'ailleurs le souci, dit-on, N'est pas fait pour un bon Luron. N'est pas fait pour un bon Luron. Air : Ah! voila comme l'homme. Quand par hasard j'ai du chagrin, Je prends un doigt de Brandevin, Je cours à l'instant chez ma Belle Et le verre en main auprès d'elle Mène l'Amour tambour battant. Ah ! Voilà comme L'homme Peut-être content. Air : Nous autres bons villageois. De Bacchus et de l'Amour. On célèbre aujourd'hui la fête ; A signaler ce grand joui La bonne Sybille s'apprête. Cette Dame y présidera Et là ses Oracles rendra ; Puis l'Amour lui-même y viendra. AZOR. Ah ! Je sais trop qu'il y sera. FRANCOEUR. Air : Je veux chanter sur ma musette. Le craignez vous mon Capitaine ? AZOR. Ces jours passés dans un jardin, L'aurore paraissant à peine, J'allai rêver, mais sans dessein. FRANCOEUR. Eh ! Quoi ce petit Dieu malin Vous a-t-il causé quelque peine ? Lorsqu'il se montre en ce séjour C'est pour y faire un méchant tour. AZOR. Air : Noté n°1. Sur un buisson de rose en rose, Voltigeait un oiseau charmant. Un enfant le voit, se propose De s'en rendre maître à l'instant. On n'apercevait que ses ailes Peintes des plus vives couleurs ; Hélas ! Elles étaient si belles Qu'elles semblaient former des fleurs. L'enfant, qui craint quelque dommage, Me sourit, m'invite à l'aider. Je me prête à son badinage ; Ah ! M'y devais je hasarder ! L'oiseau, de dessous le feuillage, Tout à coup s'envole en riant, Dans les rets moi-même il m'engage : L'oiseau, c'était un autre enfant. Ah ! dit-il, tu voulais me prendre, Tu soupireras désormais C'est pour te punir et t'apprendre [1] À qui l'on doit tendre des rets. FRANCOEUR. Air : Monsieur de Catinat. Vraiment c'est tout de bon. AZOR.         Jusqu'ici trop léger Je n'avais recherché qu'un plaisir passager : Mais mon coeur aujourd'hui s'engage malgré moi Et je pense qu'enfin j'aime de bonne foi. Air : Quoi ma voisine es-tu fâchée. Euphrosine qui m'a su plaire A mille appas ; Mais elle fait trop la sévère On n'y tient pas. FRANCOEUR. Il faut savoir avec adresse Saisir les temps, En vendange une douce ivresse Sert les amants. ARIETTE. Chaque bergère En corset blanc, Sur la fougère D'un air galant, Par une danse légère, Fait naître les désirs Appelle les plaisirs. Le verre en main au milieu d'elles Chaque Dragon chante ses feux. Le doux plaisir séduit les belles Et brille bientôt dans leurs yeux ; Le vin rend plus tendre, On ne peut s'en défendre; Et l'Amour par un choc léger Fait sonner l'heure du Berger. Chaque bergère etc. AZOR. Air : De mon Berger Volage. Pour dompter la plus fière Il ne faut qu'un moment. L'instant ou la manière, Fait le sort d'un amant, Euphrosine rebelle, Ne peut que m'exciter ; Pour soumettre une belle, Un coeur doit tout tester. ARIETTE. De la Gloire terrible Suspendons les travaux, Cherchons, vainqueur paisible Des triomphes plus beaux. Il sort. ## SCÈNE III. FRANCOEUR, SEUL. Air : Quand je suis dans mon corps-de-garde. Je vais aussi voir ma maîtresse, Et lui parler tout nettement : L'amant qui peint bien sa tendresse Trouve toujours un bon moment. Air Noté n°2. De l'objet qu'Amour me garde Si je dompte la fierté, Les plaisirs, au corps-de-garde, Vont signer un doux traité. Entre nous jamais de guerre, Ni dispute, ni procès, Si l'amour vient nous en faire, Lui-même en payera les frais. Le soir après la retraite, Tous deux nous boirons gaiement ; Servi par cette poulette, Que mon sort sera charmant ! La fête sera complète ; Un repas simple et galant, Près d'une vive brunette Finit toujours joliment. Après ma garde finie, L'Amour fera battre au champ; Le coup d'oeil d'une prairie Souvent inspire un Amant. Près d'un ruisseau qui murmure S'élève un riant gazon ; C'est un soin de la Nature, Il n'est pas là sans raison. Air : Sur le Pont d'Avignon. Mais une Dame vient : Azor est avec elle : Ici laissons-les seuls, et courons chez ma belle. ## SCÈNE IV. Euphrosine, Azor. EUPHROSINE. ARIETTE. Dieu charmant, Dieu de la tendresse, J'ai fait choix d'un amant ; En lui tout intéresse ; Soutenez Ma flamme timide, Venez, Soyez mon guide; Quand je cède à vos attraits ; Sauvez-moi les regrets. AZOR. Air : Ingrat berger qu'est devenu. Vous rêvez seule en ce verger. EUPHROSINE. Me suivrez- vous sans cesse ? AZOR. D'un amant qui ne peut changes Approuvez la tendresse. EUPHROSINE. Azor, je vous l'ai dit cent fois ; De l'Amour je veux fuir les lois. AZOR. Air; N'aurai-je jamais un amant. Et pourquoi tant haïr l'Amour, Vous a-t-il joué quelque tour ? Cela ne doit point étonner. EUPHROSINE. Pourquoi donc je vous prie ? AZOR. Peut-on ne pas lui pardonner, Vous êtes si jolie. EUPHROSINE. Air Noté n°3. Je trouve un jour sur l'herbette fleurie Un petit arc, des flèches, un carquois ; Je ne voyais pourtant dans la prairie Aucun chasseur, et j'étais loin du bois. D'abord j'ai peur, je m'enfuis au plus vite, Puis je reviens, mais sans trop approcher ; J'avance un peu, j'examine, j'hésite ; J'avais pourtant grand désir d'y toucher. Tout à l'entour avec soin je regarde ; Je m'enhardis, me voyant sans témoin, À m'en saisir alors je me hasarde ; J'aurais mieux fait de les jeter bien loin. Je prends un trait, j'admire sa figure ; Il était d'or, il paraissait charmant : Ah ! Tout à coup je sens une blessure, Je fais un cri, j'entends rire à l'instant. Ah ! Ah ! Vraiment vous êtes curieuse, Dit une voix, mais à tort vous pleurez ; Un autre jour vous serez plus heureuse, Pour cette fois vous vous en souviendrez. AZOR. Air : Hélas, Maman, pardonnez, je vous prie. Souvent l'on paye assez cher en la vie Un seul instant de curiosité; Mais ce n'est rien, aussi charmante envie Ne peut chez vous qu'augmenter la beauté. EUPHROSINE. Faut-il hélas, souffrir toute sa vie, Pour un instant de curiosité. AZOR. Air : Si les feux de tous les amants. Pour guérir un pareil tourment, Il faut faire choix d'un amant. EUPHROSINE. Non, non. AZOR.         Vous êtes singulière, Un tendre aveu vous déplairait. EUPHROSINE. Oui, Monsieur il m'offenserait. AZOR. Eh mais, vous seriez la première. ARIETTE. Une belle Sur ce point Fait en vain la cruelle, On ne la croit point. À votre âge on soupire Pour un amant. Vous avez beau dire Autrement, On n'en croit rien à présent. Toujours jeune bergère Sourit d'un tendre aveu, Mais l'amant trop téméraire Veut-il savoir si son feu A su plaire, D'abord on dit non, non, non, Eh bon, bon, bon, bon, En est-on la dupe aujourd'hui, Tout bas votre coeur dit oui. EUPHROSINE. Air : Avec un Turc ordinaire. Ah cachons-lui que je l'aime. AZOR. Que dites-vous, s'il vous plaît ? EUPHROSINE. Que ma surprise est extrême. AZOR. À vous on prend intérêt : Oui, je veux vous être utile; Je m'engage à vous former. Mais montrez-vous plus docile, Vous savez si bien charmer. EUPHROSINE. Air : Vaudeville d'Epicure. Azor réprimez cette audace Ah ! Que vous m'êtes odieux ! Et je vais vous quitter la place Si vous ne sortez de ces lieux. AZOR. Trop d'ardeur a su lui déplaire Ayons recours au sentiment. Mais laissons passer sa colère Je reviendrai dans un moment. ## SCÈNE V. EUPHROSINE. Air : De tout temps le jardinage. Ah ! Quelle ardeur téméraire ! Si du moins elle est sincère, Que mon sort sera charmant. Mais, hélas, que je dois craindre De voir quelque jour éteindre Un feu qui paraît si grand. ARIETTE. Par la Gloire Un Guerrier animé, Souvent de la Victoire Ne veut que l'honneur d'être aimé. Sa flamme légère N'est que passagère ; Amour sauvez-moi ce tourment Fixés mon amant. N'est-on pas assez à plaindre De craindre Pour des jours si chers; D'attendre Dans mille ennuis divers Le retour des hivers. Pour un coeur tendre Que de sujet de s'affliger ! Faut-il encore le voir léger. Par la Gloire, etc. ## SCÈNE VI. Azor, Euphrosine. AZOR. Air : Depuis que j'ai quitté l'enfance. L'Amour près de vous me rappelle, Mais pourquoi cet air sérieux ; Le courroux dépare une belle, Et la douceur lui convient mieux. EUPHROSINE. Votre façon d'aimer m'étonne Azor cessez de m'irriter, Je ne dois plus vous écouter. À part. Ah ! Tout bas mon coeur lui pardonne. Elle sort. ## SCÈNE VII. Azor, Francoeur, entre après qu'Azor est sorti. AZOR. Air : Que je regrette mon amant. Elle me fuit, ah! suivons la. FRANCOEUR. Azor sort. Ma Lisette est toujours sévère... Mais mon Capitaine s'en va, À sa belle il aura su plaire, Car il paraît assez content. Seul j'éprouve un cruel tourment. Air : La bonne aventure. La Sybille vient ici, Ah ! Je me rassure ; Pour mettre fin au souci Que mon âme endure, Parlons lui, je la prierai Tant et tant que je saurai, Ma bonne aventure Ô gué, La bonne aventure. ## SCÈNE VIII. La Sybille, Francoeur, et suite. LA SYBILLE. ARIETTE. Fraîche jeunesse D'amour pillez le jardin, Lourde vieillesse Ne tentez plus de larcin. Dans l'âge de la sagesse, À Paphos quand on n'est plus Roi, Faut près de son feu rester coi. Vieillard qui soupire Pour fleur de beauté, Toujours inspire La gaîté ; La fillette Polie et discrète, Écoute, mais tout bas s'en rit ; Dans un coin amour applaudit. Fraîche jeunesse D'amour pillez le jardin, Lourde vieillesse Ne tentez plus de larcin. Dans l'âge de la sagesse, À Paphos quand on n'est plus Roi, Faut près de son feu rester coi. Air : Nous jouissons dans nos hameaux. De tant bonne volonté Profitez je vous prie ; Parfois d'Amour on est tenté ; Au moins une en sa vie. Pour être heureux sous son pouvoir, J'enseigne la science ; À mon âge on peut au savoir Joindre l'expérience. LE CHOEUR. Air Noté n°4. Ah ! La bonne Personne, Ah ! L'excellent avis que voilà. LA SYBILLE. Pour plaire joli Sénateur, De bons mots soyez grand diseur ; Pas ne parlez de Code. Surtout, à point, chez une Iris, [2] Décidez avec un souris D'un ruban à la mode. LE CHOEUR. Ah ! La bonne Personne, Ah ! L'excellent avis que voilà. LA SYBILLE. Médecin ayez ton galant, Babillez bien, soyez plaisant, Changez la Médecine. Faut n'appliquer votre art divin, Qu'à donner la fraîcheur au teint, À rendre la peau fine. LE CHOEUR. Ah ! La bonne Personne, Ah ! L'excellent avis que voilà. LA SYBILLE. [3] De Plutus élève opulent, Ne faut être chiche d'argent Mais bien en faire usage ; Donnez, comme joyeux présents, Bijoux, maisons, chevaux fringants. Et galant équipage. LE CHOEUR. Ah ! La bonne Personne, Ah ! L'excellent avis que voilà. LA SYBILLE. En vacance bel avocat Quittez la robe et le rabat, Mettez vous en épée, Sifflez la petite Chanson, Et tenez vous près de Lison. Droit comme une poupée. LE CHOEUR. Ah ! La bonne Personne, Ah ! L'excellent avis que voilà. ## SCÈNE IX. La Sybille, Francoeur. FRANCOEUR. Air : La si, la son, la sombredondaine. Ah ! Soulagez ma peine La si, la son, la sombredondaine, Je la supporte à peine, Et j'en perds la raison, Patati, patata, pataton. LA SYBILLE. Conte moi ton tourment. FRANCOEUR. [4] J'aime un tendron charmant, Mais ma recherche est vaine; La si, la son, etc. Pour vaincre l'inhumaine, Il faudra du canon. Patati, patata, etc. LA SYBILLE. Air : Ah ! Nicolas sois moi fidèle. Ta Maîtresse est elle innocente ? FRANCOEUR. Vous qui, dit-on en savez tant, Croyez-vous aussi qu'à présent, Il est encore quelque ignorante ? LA SYBILLE. Pas beaucoup, FRANCOEUR.         Surtout, dites donc, Dans un pays de garnison. LA SYBILLE. Air : À présent je ne dois plus feindre. [5] Des Agnès de cette contrée L'innocence est fort éclairée; [6] Les Sénateurs et les plumets, Chacun les forme à sa manière. [7] Sans compter les petits collets Qui les prennent à la lisière. Air : Eh bien c'est une affaire faite. Mon cher, si je puis t'être utile, Parle, je m'offre à te servir, FRANCOEUR. Vous aimez à faire plaisir, Vous êtes bonne autant qu'habile. Ah l'excellent coeur que voilà! Je vais vous raconter cela. Air : Dans les Gardes Françaises. Lorsque dans ce Village Je vins en garnison, J'allai selon l'usage, Reluquer un tendron.... Air : Palsangué M. le Curé. Dès que je vis son oeil fripon Mon coeur ne fut plus rebelle, Surtout morbleu, son joli pied mignon Me fit tourner la cervelle. Air : Ton humeur est Catherine. Je débute en galant homme, J'assomme tous mes rivaux. [8] Je paye et vin et rogomme [9] Et puis les petits cadeaux...... Air : Pour héritage. En fille honnête Elle prie tout au mieux À chaque fête Montrait un air joyeux...... Air : Là bas dessous ces verts pommiers. Plus d'une fois sur le vert pré, Farlarira dondé, Ensemble nous avons.... sauté, dansé.... Air : Joués violons. [10] Mais aujourd'hui la péronnelle, Fait avec moi la Demoiselle. Quand je lui dis bonjour mon coeur.... Air : M. le Prévôt des marchands. Elle répond, Monsieur Francoeur, Finissez donc j'ons de l'honneur..... Air : Habitants des galères. Tredame De moi se rit-on, Ma flamme, N'entend pas raison. Air : Vas toujours Tambour battant. [11] Un Dragon doit en amourette Faire toujours un feu roulant. Ne battre jamais la retraite Quoiqu'un coeur fasse le méchant. Le menacer de l'escalade, Présenter l'échelle aussitôt, Et s'il ne bat la chamade, Morbleu le prendre d'assaut. LA SYBILLE. Air : Bacchus disait pour m'exciter à boire. N'aurais-tu pas parlé de mariage ? FRANCOEUR. Cela se peut. LA SYBILLE.         En ce cas je te plains. FRANCOEUR. Quoi vous croyez que sur pareil langage Fillette compte ? LA SYBILLE.         Oui vraiment je le crains. FRANCOEUR. Air : Ma Voisine a fait un faux pas. Palsambleu l'amour d'un Dragon Dure autant que la garnison, Adieu quand le printemps commence, De son côté chacun s'en va. Se marier, eh mais oui-da ! [12] C'est agir contre l'ordonnance. LA SYBILLE. Air : Chacun à son tour. Près d'une belle un militaire Donne tous ses soins à charmer ; Si d'abord on est peu sévère C'est pour tâcher de l'enflammer. Est il pris, la subtile fillette Exige des preuves d'Amour. Chacun à son tour, Liron, lirette, Chacun à son tour. FRANCOEUR. Air : Sa ne vous va brin. S'il faut brusquer le mariage Palsambleu je ferai le faut. Je ne dois pas craindre un outrage ; J'ai le bras bon et le coeur haut. Soldat qui fait bien son service N'a jamais peur qu'on le punisse, Ah ! l'Hymen n'a rien d'effrayant, Pour un bon vivant, Un bon vivant. Il sort. ## SCÈNE X. LA SYBILLE. Air : C'est un enfant. CEuillons les roses de la vie, Jouons sans cesse avec l'Amour ; À ce volage ôtons l'envie, De nous abandonner un jour. Ah ! Pour l'ordinaire, Il ne reste guerre Quand il n'a plus d'amusement. C'est un enfant. (bis.) ARIETTE. Si jamais sur mon passage Je fais rencontre d'amour, Ah ! Sais fort bien par quel tour ; Je punirai ce volage. Tout d'abord m'en saisirai, Chez moi tôt le conduirai, Sans cesse l'amuserai Par quelques fêtes nouvelles. Ah ! Je le chérirai tant, Je le caresserai tant, tant, tant, tant. Que le petit inconstant, Oubliera qu'il a des ailes. ## SCÈNE XI. Azor, La Sybille. AZOR. Air : Réveillez-vous belle endormie. [13] Madame excusez mon audace, Mais je voudrais vous consulter. LA SYBILLE. Monsieur c'est me faire une grâce Et m'offenser que d'en douter. AZOR. Air : Je ne sais pas écrire. En ces lieux j'aime une Beauté; Pour lui plaire j'ai tout tenté, Mais elle en est plus fière. LA SYBILLE. Quoi tous vos soins sont superflus ? AZOR. Cela me surprend d'autant plus, Que voilà la première. LA SYBILLE. ARIETTE. Aimer sa mie, Fêter sa fantaisie, C'est dans la vie Avoir rosier fleuri. Mais si la chance Fait tourner la constance, Amour s'offense, Rosier devient flétri, Aimer sa mie, etc. AZOR. Air : Ne v'la - t'il pas que j'aime. Euphrosine a su me charmer, Mais que dois-je en attendre ? Elle ignore qu'il faut aimer, Et ne veut pas l'apprendre. LA SYBILLE. [14] Quand il guette au bocage Bel oiselet, (bis) Chasseur sous le feuillage Tend son filet. AZOR. Faut-il user d'adresse ? LA SYBILLE. Oh, oui. AZOR. Ou peindre ma tendresse ? LA SYBILLE. [15] Oh, que nani. Air : Mais, mais, fort singulier. Il faut que je cache ma flamme, LA SYBILLE. Oh, oui vraiment. AZOR. Le secret pour toucher une âme Serait charmant, Quoi vous voulez que je soupire Ainsi qu'un galant du Palais, Voir un objet rempli d'attraits, L'adorer et n'oser lui dire; Je serais pour un Officier Singulier, Mais, mais fort singulier. LA SYBILLE. ARIETTE. [16] Dans les beaux Jardins de Cythère Tant et tant de fleurs on peut voir, Mais le doux choix qu'il convient faire Tout amant n'en a le savoir. Galant trop tôt devenu téméraire Ne peut jamais qu'effrayer la beauté. À quatorze ans pastourelle est sévère Moins par raison que par timidité. AZOR. Air Du Confiteor. Trop de réserve nuit souvent, L'expérience le fait croire. Un guerrier et timide et lent; Toujours achète la victoire; Impétueux, rempli d'ardeur. Dès qu'il paraît il est vainqueur. LA SYBILLE. Air : C'est fait Minon Minette. [17] Maintes fois avec l'innocence Amour du jeu court le hasard, Le Dieu choisit par préférence [18] Joli jeu de colin-mailliard : Met à la décence inquiète Épais bandeau dessus les yeux, Puis par un signe gracieux Avertit le plaisir qui guette. C'est fait minon-minette, Tu viendras Quand tu voudras. Quand c'est le tour à l'innocence Sur ses yeux met autre bandeau, Laisse celui de la décence, Même le serre de nouveau, Avec sa main d'humeur follette, Prends garde si l'on ne voit point, Puis une fois sûr de ce point Tout haut crie au plaisir qui guette. C'est fait minon-minette ; Tu viendras Quand tu voudras. AZOR. ARIETTE. Je tairai les feux que je sens, Je vais me forcer au silence. Azor vous doit l'obéissance; Si vous l'exigez, j'y consens. Mais mes yeux parleront peut-être, Comment réprimer leur ardeur ? De ses regards est-on le maître, Quand on ne l'est plus de son coeur. ## SCÈNE XII. La Sybille, Euphrosine, Azor. EUPHROSINE. Air : Voici les Dragons qui viennent. Prenons la fuite Bien vite, L'Amour est ici : Il vient d'attraper Colette, Et peut-être qu'il vous guette, Et nous aussi. LA SYBILLE. Air : Ingrat Berger qu'est devenu. Je sais que l'Amour est ici. EUPHROSINE. Fuyons sans plus attendre. LA SYBILLE. Restez, n'ayez aucun souci, Je saurai vous défendre : Fuir d'amour le charmant plaisir, Dans sa jeunesse c'est vieillir, ARIETTE. J'avais pris dans un bocage Oiselet charmant, Je l'avais mis dans la cage ; Il y devint languissant. En vain j'animais son ramage, Rien ne disait que tristement. Mais ce matin belle fauvette Est venue l'exciter, Il s'est mis à chanter. Pauvre fillette Sans amourette Languit comme mon oiselet : [19] Amant rend le coeur guilleret. EUPHROSINE. Air : Je vis deux oiseaux amoureux. Mon coeur a fait choix d'un amant, Dont l'ardeur est extrême; Mais il a trop d'empressement Pour savoir si je l'aime. LA SYBILLE. Eh bien avouez sans détour. À quoi bon ce mystère. EUPHROSINE. Je voudrais qu'il fût mon amour ; Et je voudrais le taire. LA SYBILLE. Air : Du haut en bas. Sans hésiter Laissez-le lire dans votre âme, Sans hésiter Donnez-lui lieu de s'en douter. EUPHROSINE. C'est ce qui m'embarrasse, oh Dame! Et je viens sur cela Madame, Vous consulter. LA SYBILLE. Air : Tout est dit. Mais si votre amant le devine Serez vous d'accord ? EUPHROSINE. Oui vraiment. LA SYBILLE. Il suffit, mais Belle Euphrosine Puis-je parler sincèrement ? EUPHROSINE. Que sans détour votre bouche prononce. LA SYBILLE. Vous l'exigez ? EUPHROSINE.         Oui j'attends sur cela Votre réponse. LA SYBILLE, LUI PRÉSENTANT AZOR.         La voilà. AZOR. Air : L'occasion fait le larron. Belle Euphrosine hélas votre colère, M'a trop puni de ma témérité. Pardonnez moi si j'ai pu vous déplaire Mon excuse est votre beauté. ## SCÈNE XIII. La Sybille, Azor, Euphrosine. FRANCOEUR, TENANT UNE VENDANGEUSE PAR LA MAIN. Air : À la Dragone. Tiens touche là soyons époux, Qu'avec moi ton sort sera doux, Ma petite friponne. Tu verras ce qu'est un amant. Quand il fait aimer constamment, Ratapatapan, [20] À la Dragone. LA SYBILLE. Air : Quel plaisir de s'aimer bien. Puisque l'amour est dans ces lieux Voulez-vous toujours être heureux, Avoir bonheur suprême. Engagez le vainqueur des Dieux, À vous unir lui-même. L'Amour paraît poursuivant les vendangeurs. LA SYBILLE. Mais quel bruit font nos vendangeurs. Pourquoi fuir ? EUPHROSINE.         L'Amour les poursuit. LA SYBILLE. Fillettes sont toujours peureuses, Mettons cet instant à profit ; Le désir doit nous rendre heureuses, Suivez-moi toutes, approchons. Nous l'attraperons. (bis.) Azor et Euphrosine vont pour attraper l'Amour, ils passent par dessous un Berceau, et sont pris dans un filet, Francoeur et sa Vendangeuse dans un autre. L'Amour vient au milieu, se moque d'eux; la Sybille approche tout doucement par derrière, lui jette une Guirlande et l'enchaîne; dès qu'il est pris tous les filets je rompent, et l'Amour unit tous les amants. LA SYBILLE. Air : Oh, oh, oh, ah, ah, ah ! Aimez-vous bien, mes chers enfants, Vous ne sauriez mieux faire. Lorsque l'on est dans son printemps A-t-on quelque autre affaire. À vous voir tous aussi contents Je crois n'être encor qu'à vingt ans. Soyez toujours amants : Rien ne plaît autant que cela La, la. LE CHOEUR. Oh, oh, oh, ah, ah, ah! La bonne Dame que voilà. La, la. ------- [1] Rets : Filet, lacis de plusieurs cordes jointes ensemble par plusieurs noeuds qui laissent de grandes et de petites mailles. F [2] On lit avez au lieu d'avec qui semble plus probable. [3] Plutus : dieux des Richesses. F [4] Tendron : La partie fort tendre de quelque chose. Se dit figurément et burlesquement, de filles au dessous de vingt ans. F [5] Agnès : personnage de l'Ecole des Femmes de Molière. [6] Plumet : Un jeune militaire. L [7] Petit collet : (...) on appelle petit collet un homme qui s'est mis dans la réforme, dans la dévotion, parce que les gens d'église porte une petit collet. F [8] Rogome : Terme populaire. Eau-de-vie ou autre liqueur forte. [9] On lit cadaux et non cadeaux, ce dernier est retenu. [10] Péronnelle : Terme de dénigrement. Jeune femme sotte et babillarde. L [11] Dragon : En terme de guerre est une sorte de cavalier sans bottes, qui marche à cheval, et qui combat à pied. On a beaucoup multiplié en France le corps des Dragons. F [12] Ordonnance : En termes de guerre, se dit de la différente disposition des troupes, soit pour le combat, soit pour la marche. F [13] Il n'y a pas d'indication de locuteur pour la première réplique de la scène. [14] Bocage : Petit bois, ou bosquet, ou buisson. F [15] Nani : Variante de nenni, expression de la négation ou de la désapprobation. [16] Cythère : C'était autrefois le nom d'une île du Péloponèse, vis-à-vis de Crète. On la nomme aujourd'hui Cérigo, Sophiano. Hésiode dit que Vénus ayant été produite de l'écume de la mer fut portée d'abord à cette île sur une conque marine. T [17] Maintes : Adjectif collectif qui signifie plusieurs. L [18] Colin-maillard : jeu d'enfants, où on bande les yeux à l'un de la troupe, qui est obligé d'attraper quelqu'un des autres à tâtons pour le mettre en sa place. [19] Guilleret : Qui a une pointe de gaité. L [20] À la Dragone : À la manière des dragons ; forcer, violenter. Mot inventé depuis plusieurs années XVIIIme ; parce qu'on s'est servi de soldats, ou de dragons, pour contraindre à embrasser le Religion Romains.