--- identifier: ouville_faussesverites creator: Ouville, Antoine d' ; Georges Forestier. date: 1643 title: Les Fausses Vérités. Comédie --- Les Fausses Véritez Comédie PAR M*r.* DOUVILLE. A PARIS, Chez TOUSSAINCT QUINET, au Palais dans la petite Salle, sous la montée de la Cour des Aydes. M. DC. XLIII. AVEC PRIVILEGE DU ROY Édition critique établie par Farida María Höfer y Tuñón dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier (1999-2000) # Introduction. Bien que nous ayons franchi le seuil d'un nouveau millénaire, pour entrer désormais dans une époque souvent dite de la « globalisation », comment pourrions-nous être certains que l'échange culturel entre régions, pays et continents est déjà arrivé à son comble, et que nous ne sommes pas uniquement au point de départ d'une nouvelle identité culturelle, commune à tous les pays et aux citoyens du monde entier ? On devrait même se demander si un tel développement serait souhaitable, voire s'il ne serait pas déplorable surtout en Europe, si l'on considère qu'il y a toujours existé un échange interculturel et cela sous une forme très active qui enrichissait chaque peuple en même temps qu'elle respectait et garantissait leur diversité. Pensons à la vogue du baroque, née en Italie, du classicisme, apparu en France, ou du romantisme, qui commença en Allemagne et en Grande-Bretagne – mouvements qui parvinrent à influencer la littérature, les arts plastiques et la musique du reste de l'Europe. Pourtant les créations qui en résultèrent étaient d'une grande variété : grâce à la personnalité que chaque pays ou région gardait, le résultat d'une même influence a donné lieu à des créations très diverses, car fondées sur une identité particulière à la société respective. Un tel échange eut aussi lieu au XVII*e* siècle dans l'histoire du théâtre français, lorsque Antoine Le Métel d'Ouville, grand connaisseur de la langue et de la littérature espagnole, importa en France une nouvelle forme de comédie. Il traduisit des *comedias* espagnoles d'auteurs célèbres du Siècle d'Or, tels que Lope de Vega, Calderón de la Barca ou Montalván, les adapta aux règles du théâtre français, en préservant toujours leur originalité, et lança de cette manière un nouveau art d'écrire des comédies. Cette nouvelle mode de la « comédie à l'espagnole » attira aussi l'intérêt d'autres auteurs contemporains de d'Ouville, tels que Scarron et les frères Corneille, qui réussirent à perfectionner et à styliser cette forme importée de pièce de théâtre. Il en résulte un genre comique qui se distingue de son modèle original espagnol aussi bien que de tous les genres comiques français antérieurs. N'est-ce pas là une forme idéale d'échange culturel ? *Les Fausses Véritez* est la deuxième comédie que d'Ouville adapta d'un modèle espagnol, et qu'il fit représenter en 1642. Nous nous proposons maintenant de présenter et d'étudier cette pièce de théâtre, qui n'atteint certes pas la perfection des comédies « à l'espagnole » de Pierre Corneille, exactement contemporaines, mais dans laquelle le lien avec le modèle espagnol demeure très présent et perceptible. # Antoine Le Métel sieur d'Ouville. ## Sa vie. La reconstitution de la vie d'Antoine Le Métel, sieur d'Ouville est difficile voire impossible à réaliser. Les sources dont nous disposons étant rares et quelquefois même contradictoires, nous ne pouvons en extraire que la trame de sa vie qui, dans son ensemble, restera enveloppée de mystères. Déjà en ce qui concerne la date et le lieu de naissance du Sieur d'Ouville les informations qui nous sont parvenues sont très divergentes : il serait né en 1587 ou en 1588 à Caen ou à Rouen et mourut vraisemblablement entre 1655 et 1657 au Mans [1]. Il était le frère aîné de François Le Métel de Boisrobert et était issu d'une lignée d'avocats – ce qui permet de supposer qu'il poursuivit, lui aussi, au tout début une carrière de droit comme l'avait fait son frère. Puis il devint hydrographe, ingénieur et géographe et, selon James Wilson Coke, travailla à partir de 1621 au sein du gouvernement de Louis XIII où il devint plus tard « ingénieur et géographe du Roy ». Cependant, cette information n'est pas certifiée, car les recherches de Frederick de Armas sur les séjours de d'Ouville à l'étranger, concluent au fait que l'auteur semble avoir habité pendant cette période à l'étranger : sept ans à la cour d'Espagne, de 1615 à 1622, puis quatorze ans en Italie, de 1622 à 1636. En tous cas, les sept ans en Espagne sont attestés dans toutes les sources qui concernent sa biographie ; l'incertitude règne seulement concernant la date à laquelle ce voyage a été entrepris : Coke, pour sa part, le place entre 1630 et 1637 [2], tandis qu'Henri Chardon propose les années 1640 à 1646, étant donné que c'est pendant cette époque que le comte de Dognon, avec lequel d'Ouville a été mis en relation, fit ses exploits navals autour de la Péninsule Ibérique [3] – mais on y reviendra plus tard. Il n'existe point de doute non plus sur le fait que d'Ouville ait été un passionné des langues étrangères et qu'il les maîtrisait parfaitement. Ce remarquable talent a même été mentionné dans une préface de son frère, qui le considéra comme : l'homme de toute la France, qui parloit le mieux Espagnol, & qui connoissoit le plus parfaitement toutes les graces de cette Langue. [4] Ainsi s'explique aussi le rôle de premier plan que d'Ouville a joué dans la diffusion en France de la littérature espagnole qu'il connaissait parfaitement. C'est surtout dans les années 1638 à 1650 qu'il faut situer la période pendant laquelle d'Ouville se dédia à la littérature, adaptant des pièces de théâtre de sources espagnole et italienne et traduisant des contes. Grâce à son frère l'abbé de Boisrobert, qui maintenait de bonnes relations avec le Cardinal de Richelieu, d'Ouville entra au service de Louis Foucault, Comte de Dognon, qui devint un personnage d'importance pendant les années de la Fronde. Etant donné qu'il fit aussi de nombreuses campagnes navales entre 1640 et 1646 dans la Méditerranée en tant que vice-amiral, Henri Chardon situe à cette époque le séjour de d'Ouville en Espagne – comme on l'avait déjà mentionné plus en haut – précisant que le Comte a su sans doute profiter du talent d'Antoine dans son métier d'ingénieur-hydrographe aussi bien que des vastes connaissances de la langue espagnole de celui-ci [5]. Le fait de savoir si d'Ouville accompagna vraiment le Comte de Dognon dans cette campagne navale ou s'il n'avait pas plutôt effectué son séjour en Espagne auparavant demeure un mystère. En fait, les dates proposées par Armas et Coke semblent être plus justes que celles de Chardon étant donné que dans les années 1640 à 1646 notre dramaturge était déjà âgé de 53-60 ans – un âge peut-être trop avancé à l'époque pour participer à des batailles maritimes. Cependant rien n'exclut non plus l'hypothèse que d'Ouville ait effectué un deuxième séjour en Espagne pendant la période susmentionnée. Selon Chardon, en tout cas, le Comte ne le récompensa pas de ses sept ans de service, ce qui contribua, entre autres, à ce que d'Ouville finisse ses jours dans une grande pauvreté et dépende de l'appui financier de son frère, qui dans une lettre à l'abbé Fouquet commenta : Le pauvre Douville est mon frère..... Il porte le titre d'Hydrographe, D'Ingénieur, de Géographe ; Mais, avec ces trois qualités, Il est gueux de tous les côtés. Bref, il n'a plus d'autre ressource, Que celle qu'il trouve en ma bourse. [6] Il mourut entre 1655 et 1657 au Mans, ce qui confirme une notice de Tallemant de Réaux : « Il est mort au Mans et enterré aux Jardins de cette ville. [7] » ## Son œuvre. Dans sa carrière littéraire, on peut considérer Antoine Le Métel d'Ouville comme dramaturge et conteur, mais surtout comme traducteur. Il débuta en 1637 avec sa tragi-comédie *Les Trahisons d'Arbiran*. Ensuite il se mit à adapter des pièces de théâtre de modèles espagnols à grand succès en Espagne, tels que Lope de Vega, Calderón de la Barca et Montalván, et il initia ainsi sur le théâtre français cette vogue de « comédie à l'espagnole », qui va atteindre son comble dans les années 1640. Ses premières adaptations, *L'Esprit follet* 1638 / 1642 et *Les Fausses Véritez* 1641 / 1643, pour lesquelles deux pièces de Calderón de la Barca – *La dama duende* et *Casa con dos puertas mala es de guardar* – lui servirent comme sources, eurent un grand succès à Paris [8]. *L'Absent chez soy* 1643, imitation de *El ausente en su lugar*, de Lope de Vega, fut en revanche un grand échec, compensé cependant, un an plus tard, par *La Dame suivante*, pièce charmante qui enchanta le public de Paris autant que son modèle espagnol *La doncella de labor* de Montalván avait ravi auparavant le public d'au-delà des Pyrénées. En 1646 d'Ouville se servit une dernière fois d'une comédie de Calderón, *El astrólogo fingido*, pour créer son *Jodelet astrologue* 1646 qui lui procura un grand succès à Paris. Les Frères Parfaict la considérèrent comme « plaisante » par ses situations mais lui reprochèrent une « expression assez froide » [9]. Dans la même année parurent encore trois autres comédies de d'Ouville : *La Coiffeuse à la mode* 1646 – une comédie de mœurs à verve espagnole – présentait une action assez compliquée, mais selon Coke elle était considérée à l'époque comme une pièce très ingénieuse et elle eut un certain succès. Cependant les Frères Parfaict mentionnent : « elle ... aurait eu d'avantage de succès, si cette idée avoit été exécutée par un Poëte qui eût mieux connu le Théâtre que Monsieur d'Ouville [10] ». Profitant aussi de sa connaissance de la langue italienne, d'Ouville s'inspira également du théâtre italien. Ainsi la comédie *Hortensio* de Piccolomini lui fournit le sujet pour écrire *Aymer sans savoir qui* 1646 et la pièce *Morti vivi* du poète d'Oddi l'inspira pour créer *Les Morts vivants* 1646. Les deux pièces furent accueillis avec un succès assez médiocre, d'une part parce que leurs intrigues étaient très difficiles à suivre pour le spectateur, et d'autre part parce que les caractères représentés manquaient de traits vraiment humains : le public ne pouvait pas s'y identifier. Les Frères Parfaict ajoutèrent aussi, en analysant ces pièces, qu'elles étaient très mal versifiées. Cela semble avoir été une faiblesse particulière à d'Ouville, car déjà dans un autre passage de leur *Histoire du théâtre français* ils remarquent que : « d'Ouville versifioit encore plus mal que son frère l'abbé », même s'ils ajoutent aussi qu'« il entendoit mieux la marche du théâtre & répandoit plus de comique dans son dialogue [11]». En 1650 parut la dernière pièce de d'Ouville, *Les Soupçons sur les apparences*. Cette tragi-comédie qui aborde des problèmes moraux, entraîna des jugements très divergents à l'époque et encore aujourd'hui. Ainsi les Frères Parfaict considéraient le sujet de la pièce comme très médiocre, et en comparant son intrigue avec celles des autres pièces du même auteur, ils osaient même se demander, si l'on pouvait vraiment attribuer cette tragi-comédie à d'Ouville [12]. En revanche James Wilson Coke parle d'une intrigue toute absorbante et de caractères très humains, et il classe cette pièce parmi les plus fortes de d'Ouville. Outre son travail comme dramaturge, d'Ouville est aussi à considérer comme conteur. Ainsi parut en 1641 la première édition de ses *Contes* que Quinet éditera deux ans plus tard sous le titre* Contes aux heures perdues du sieur d'Ouville, ou le Recueil de tous les bons Mots, Reparties, Equivoques, Brocards, Simplicitez, Naïfvetez, Gasconnades, et autres Contes facétieux non encore imprimez*. Cet ouvrage, qui a été réimprimé plusieurs fois, fut souvent mis en rapport avec les contes de l'Italien Boccace, ce qui fait que les deux noms ont été associés dans diverses impressions postérieures telles que : *Nouveaux contes en vers et en prose tirés de Boccace et d'Ouville* 1678 et *Nouveaux contes à rire de Boccace, de d'Ouville et autres personnes enjouées* 1692. A la fin de sa carrière littéraire, d'Ouville se dédia à la traduction de six *novelas* – des romans espagnols attribués à María de Zayas y Sotomayor. Elles parurent en plusieurs éditions sous le titre de *Nouvelles amoureuses et exemplaires par cette merveille de son siècle doña María de Zayas y Sotomayor, traduites de l'Espagnol par Antoine de Methel, escuier, sieur d'Ouville, ingénieur et géographe du roy* [13]. Restent encore à mentionner les *Nouvelles héroïques et amoureuses* qui parurent après la mort de d'Ouville, en 1657, tout comme des traductions de Boisrobert qui, selon les historiens, devraient cependant être plutôt attribuées à son frère Antoine. # Une nouvelle mode : la comédie « à l'espagnole ». ## Le développement de la comédie. Après une renaissance de la comédie au XVI*e* siècle pendant laquelle des ouvrages de l'antiquité furent redécouverts, puis traduits et imités, ce genre disparut ensuite, faute d'un public adéquat [14]. Aussi la situation de la comédie en France aux alentours de 1600 est-elle caractérisée par le faible nombre d'œuvres écrites et représentées. Ce n'est qu'à partir de 1630 que la comédie parvient à renaître en attirant un nouveau public. En effet, si le théâtre avait été considéré jusqu'alors comme un divertissement populaire, indigne d'être fréquenté par la haute société qui préférait s'amuser en conversations et en bals, il attirait maintenant l'attention de cette couche sociale. Cette attention de la haute société s'est développée surtout grâce à l'intérêt déclaré par le Cardinal de Richelieu pour le théâtre. Celui-ci y voyait surtout un instrument de propagande, apte à transmettre sa stratégie politique. L'influence de Richelieu fut telle, qu'il réussit même à enthousiasmer le roi Louis XIII pour le théâtre, ce qui donna évidemment un prestige particulier à cette nouvelle forme de culture [15]. Les premières pièces de Pierre Corneille ont joué certainement un rôle décisif dans la métamorphose que subit le théâtre et particulièrement la comédie à cette époque ; leur vivacité dans le dialogue, leur ironie et leurs intrigues ont diverti un public qui jusqu'alors avait décrié ce genre de théâtre, le considérant comme vulgaire. De même, les comédies sentimentales de Rotrou, caractérisées par des intrigues compliquées et rendues invraisemblables par de nombreux déguisements, plurent aux spectateurs. En effet, ces derniers étaient attirés précisément par l'ingéniosité de l'intrigue, qui engendrait des situations piquantes. Aussi, afin de renouveler les situations comiques, les dramaturges commencèrent à chercher leur inspiration dans le théâtre étranger, particulièrement d'au delà des Pyrénées [16]. Antoine Le Métel d'Ouville fut le premier à en prendre l'initiative, lorsqu'il fit représenter en 1638 *L'Esprit follet*, adaptation d'une *comedia* de Pedro Calderón de la Barca, déclenchant ainsi la nouvelle mode de la « comédie à l'espagnole ». À partir de ce moment la comédie subit une grande évolution, qui aboutit à la composition de pièces de plus en plus régulières, d'intrigues mieux construites, qui ne manquaient pas d'ingéniosité et qui respectaient en même temps les bienséances, de dialogues amusants par leur invention verbale, et de personnages plus vifs et comiques. En conclusion l'influence espagnole aida la comédie à se développer pour devenir lentement un grand genre dans l'histoire du théâtre français. ## La *comedia* en Espagne. Le théâtre espagnol du Siècle d'Or se distingue de celui des autres pays européens par une richesse incomparable de textes : entre 10 000 et 30 000 pièces ont été écrites et représentées au cours du XVI*e* et XVII*e* siècle – une production énorme [17] ! À la fin du Moyen Age existaient deux formes primitives d'art théâtral – une forme religieuse et une forme mondaine – à partir desquelles se développèrent ensuite les deux genres principaux du théâtre du Siècle d'Or espagnol : d'une part les *autos sacramentales*, un théâtre religieux qu'on représentait à l'occasion de la Fête-Dieu, et d'autre part les *comedias* [18] avec tous les sous-genres qui les accompagnaient sur scène [19]. Le schéma fondamental des *comedias* est une histoire d'amour qui commence par une rencontre des couples potentiels, les lance dans une phase de confusion et débouche sur une fin heureuse avec un ou plusieurs mariages. Les protagonistes principaux sont les jeunes et nobles *galanes*, aussi bien que les belles *damas*, qui ont tendance à contrevenir aux règles de la société. Ces personnages contrastent avec les pères, qui incarnent le principe de l'autorité et de l'ordre. Cette couche sociale supérieure est complétée par les représentants du peuple : les *criados* et *criadas* (les valets) parmi lesquels se distingue surtout le *gracioso*. Celui-ci, héritier des traits de Sancho Pança, est auprès de son maître l'incarnation de la lâcheté, de la gourmandise et représente un certain bon sens égoïste et timoré. Au contraire de la situation en France, où commençait à naître un intérêt pour le théâtre, afin de former une nouvelle institution de passe-temps culturel pour la cour et la haute société, l'Espagne était habituée depuis longtemps au théâtre, qui faisait partie de sa culture nationale. En outre, son public ne provenait pas d'une élite sociale ou culturelle distinguée, il s'agissait plutôt du simple peuple – du *vulgo ignorante*, comme le désignait Lope de Vega – qui cherchait dans le théâtre une distraction, un divertissement, et non pas une profonde réflexion sur la condition humaine. Or, le théâtre en Espagne était fréquenté par tout le monde et tous les jours, dès lors l'usure des comédies était rapide et la demande de nouvelles pièces énorme [20]. Évidemment les auteurs étaient obligés de satisfaire les attentes du public et d'écrire constamment de nouvelles pièces. Et même si dans la plupart des *comedias* la structure est semblable, elles amusèrent toute l'Espagne pendant une longue période. ## Les pièces adaptées. La comédie « à l'espagnole » devint en France un genre reconnu pour lequel le public développa pendant une dizaine d'années un grand enthousiasme. En effet, après d'Ouville, un petit groupe d'auteurs se spécialisa dans l'adaptation de pièces d'origine espagnole, réussissant – chacun à sa manière – à créer des pièces d'une originalité particulière. Ainsi, Pierre Corneille s'inspira des comédies d'Alarcón et de Lope de Vega pour écrire *Le Menteur* et *La Suite du Menteur*, Scarron composa la quasi totalité de ses pièces à partir de modèles espagnols, et Boisrobert et Thomas Corneille trouvèrent également dans les ouvrages des auteurs d'outre-monts des sujets dignes d'être empruntés. Grâce à la multitude de pièces dont disposait l'Espagne, la source d'inspirations était inépuisable pour les auteurs français. Cet avantage leur permettait le libre choix d'un sujet et une création facile et rapide [21]. Même la combinaison d'éléments de différentes pièces était possible et permettait une création plus personnelle [22]. Il peut paraître étonnant de constater que les hommes de lettres français n'ont à aucun moment essayé de dissimuler ni les sources de leurs pièces ni les emprunts qu'ils avaient effectués en adaptant les comédies espagnoles en français. Au contraire, ils exposaient avec un certain orgueil ce qu'ils avaient réussi à créer d'un modèle à leur avis médiocre [23]. Surtout la technique de l'assimilation classique qui prétendait imposer à la *comedia* le schéma des unités, était très répandue. Pourtant il ne s'agissait pas seulement de refaire une pièce espagnole en la soumettant à toutes les règles du théâtre français, mais de satisfaire aussi aux demandes du public, qui avait alors un faible pour l'exotisme qu'il attachait à l'Espagne et à ses mœurs. Pour cette raison un grand nombre de comédies adaptées conservent le titre exactement traduit de la pièce espagnole [24], les personnages gardent leurs noms espagnols et l'action se déroule à Madrid ou à Tolède. Certainement la comédie « à l'espagnole » fut une mode passagère qui, après avoir charmé tout un public pendant quelques années, disparut, laissant sa place à d'autres nouveautés et influences qui intervinrent dans l'histoire de la comédie française au XVII*e* siècle. Pourtant il est curieux de constater comment la *comedia*, soupçonnée d'extravagance et d'irrégularité, a contribué néanmoins à définir et à former ce genre littéraire, qui, loin encore du comble de la gloire qu'il atteindra sous Molière, était alors devenu plus régulier et raisonnable qu'il ne l'avait été jamais auparavant. # La comédie Les Fausses Veritez et sa source espagnole. ## La pièce de Calderón de la Barca. En créant sa troisième pièce de théâtre après *Les Trahisons d'Arbiran*, tragi-comédie de 1637, et *L'Esprit follet*, comédie de 1642, Antoine Le Métel d'Ouville enrichit encore une fois ses idées en se basant pour sa nouvelle comédie sur une pièce de Pedro Calderón de la Barca. Il s'agit de *Casa con dos puertas mala es de guardar* [25], œuvre de théâtre datant de 1629. Mais avant de comparer la pièce française avec sa source espagnole, il sera indispensable de mettre la pièce de Calderón dans son contexte historique et dramatique. ### Les caractéristiques et les particularités du théâtre de Calderón. Le développement que suivit la *comedia* en Espagne pour arriver à sa perfection – moment d'inspiration des dramaturges françaises – se fit en plusieurs étapes. Ainsi, la première dizaine d'années du XVII*e* siècle marque une spontanéité désordonnée dans la *comedia* qui reflétait de cette manière la licence des mœurs dans le « tout jeune Madrid ». Jusqu'en 1621, elle traite souvent des problèmes politiques contemporains sous forme historique, c'est-à-dire en référence à la manière dont ils furent jadis résolus . Dans les années 1620, la *comedia* abordait plutôt des questions morales et idéologiques pour se spécialiser à partir de 1630 dans des drames d'honneur, de jalousie, dans des comédies de saints, de magies, de caractères, de cape et d'épée... C'est pendant cette époque que commença la première période de création de Calderón de la Barca [26] et dans laquelle il se consacra surtout à cultiver des comédies divertissantes d'intrigue (*enredo*) ou de cape et d'épée (*de capa y espada*) [27], un genre de comédie qu'il réussit à porter à sa perfection. La mécanique des actions est ce qui caractérisait surtout l'œuvre de Calderón, le faisant aboutir de la sorte à une beauté parfaite : le dramaturge, partant d'une situation et d'un dénouement, crée entre ces deux pôles une intrigue pleine de logique, et ce sans manquer à l'élégance et au lyrisme. Ainsi, l'action semble évidente et ses péripéties vraisemblables et nécessaires. Cependant, Calderón ne s'arrête pas à la seule création extérieure de ses œuvres. On constate que dans le fond de tout sujet qu'il aborde, aussi superficiel et amusant qu'il puisse paraître à première vue, le poète traite des thèmes d'une profondeur qu'on n'aurait jamais soupçonnée. Ainsi, lorsqu'il évoque dans ses *comedias* les vrais rapports entre les sexes, le fossé entre les générations, les relations ambiguës entre frère et sœur, entre père et fils, entre les amis..., Calderón révèle des problèmes propres à la société espagnole de l'époque : c'est-à-dire, la mise en question de la frontière entre l'autorité et la tyrannie, et plus concrètement la limitation de la liberté humaine qui en résulte. On verra bien que *Casa con dos puertas mala es de guardar* correspond exactement à la problématique mentionnée : une fille, rigoureusement gardée par son frère aîné et renfermée dans des interdits qu'il lui a imposés, arrive à tourner ceux-ci de telle manière qu'elle réussit non seulement à se faire aimer par l'homme qui lui était interdit, mais aussi à bouleverser la vie amoureuse de son frère et son amie – à leur insu –, en créant des quiproquos et des malentendus. Même si le sujet en soi attire plutôt l'attention sur la hardiesse, l'audace et l'astuce avec lesquelles la jeune fille mène le fil de l'intrigue – causant de nombreuses méprises – le problème de base posé reste la limitation de la liberté des jeunes filles de cette époque. En effet, l'honneur de leurs familles dépendait en partie de cette limitation. ### L'intrigue dans Casa con dos puertas mala es de guardar. #### Première journée. Marcela est une jeune demoiselle d'Ocaña, sœur cadette de don Félix qui loge, chez lui, son ami don Lisardo, jeune homme d'Aranjuez. Par des raisons d'honneur [28], don Félix se devait d'interdire à sa sœur tout contact avec cet ami. Mais attirée par sa curiosité, Marcela a su croiser son chemin et attirer son attention, de sorte que le jeune homme est tombé amoureux de cette femme voilée dont il ignore complètement l'identité et surtout sa parenté avec Félix. Cependant un jour, au cours d'un rendez-vous, il demande à savoir qui elle est. Elle lui refuse tout renseignement et lui interdit de chercher son identité. Elle lui promet pourtant de se dévoiler à condition qu'il n'engage pas de recherches de son côté. À sa rentrée Félix et Lisardo se racontent réciproquement leurs histoires d'amour. Marcela, qui se trouve en ce moment dans la chambre à côté, entend toute la conversation et craint que son frère devine son identité par les descriptions de Lisardo. C'est à ce moment-là que Celia arrive, interrompant de cette manière la conversation que Félix avait engagée avec Lisardo, pour lui demander de s'entretenir avec elle. Marcela, soulagée, décide de retrouver Lisardo pour le prévenir. Celia, prétextant être venue pour s'informer sur l'état d'esprit de Félix, le convainc de rendre visite à sa maîtresse, Laura, pour taire ses soupçons au sujet de sa jalousie – source de leur querelle. En fait, Félix suit le conseil de Celia et une fois chez sa maîtresse, il essaie d'éclaircir la situation. Mais avant de pouvoir convaincre Laura définitivement de son innocence et de son amour fidèle, Fabio, le père de Laura arrive, ce qui fait que Félix est obligé de sortir par une deuxième porte, fixant un prochain rendez-vous pour le soir. #### Deuxième journée. Marcela rend visite à son amie Laura pour lui raconter ses sentiments à l'égard de Lisardo, mais aussi ses craintes par rapport aux possibles soupçons de son frère. Pour mettre Lisardo en garde, elle veut lui parler, ayant déjà organisé un rendez-vous avec lui dans la maison de Laura. Celle-ci voit de nombreux inconvénients, mais lorsque l'arrivée du jeune homme est annoncée, elle accepte à contrecœur la demande de son amie. Marcela et Lisardo ont une brève conversation au cours de laquelle elle lui reproche d'avoir failli dévoiler leur secret. Lisardo, étonné de la voir au courant de cette conversation, la soupçonne d'être la maîtresse de son ami. Mais avant que Marcela ne puisse vérifier cette fausse impression, s'annonce l'arrivée de Fabio, le père de Laura, incident qui l'oblige à cacher Lisardo dans une chambre au fond de l'appartement. Sous le prétexte d'être venue rendre visite à Laura, Marcela se fait accompagner volontairement par Fabio chez elle, pour ainsi donner à Laura l'occasion de faire sortir son amant. Mais justement à ce moment arrive Félix pour son rendez-vous avec Laura. Celle-ci le presse de s'en aller en lui objectant la proche rentrée de son père ; en outre elle lui fait croire que la deuxième porte était fermée. Cependant, le père arrive avant que Félix ne puisse sortir. Coincé, il cherche à se dissimuler dans la chambre où l'on tient déjà Lisardo caché ; avant que Laura puisse réagir, il aperçoit un homme en entrouvrant la porte. Mais Félix est un homme qui respecte l'honneur d'une femme, c'est pourquoi il ne dit rien à son père et il s'en va plein de jalousie. Alors que Fabio parle avec sa fille, Celia fait sortir Lisardo par la deuxième porte. Entre-temps, Félix, impatient de connaître l'identité de son « rival », rentre dans l'appartement de Laura et la surprend appelant cet homme qu'elle croyait encore dans sa maison. Cela cause une vive discussion entre les deux amoureux, discussion à l'issue de laquelle Félix quitte Laura. Lisardo craignant, après cette étrange aventure, d'aimer la même femme que son ami, décide de quitter Ocaña et il charge son valet de tous les préparatifs pour le départ. Parallèlement Marcela a appris par sa suivante l'intention de Lisardo et elle entre pleine d'indignation dans sa chambre. Celui-ci est très étonné de la voir au courant de ses projets et il avoue que c'est son identité méconnue qui l'oblige à quitter la ville. Pendant leur conversation, Félix fait son apparition, Marcela cherche alors rapidement à se cacher, ce qui confirme d'avantage les soupçons de son ami. Cependant, Lisardo réalise le malentendu de la situation avec l'arrivée de Laura. Celle-ci vient pour convaincre Félix de sa fidélité en voulant éclaircir la confusion qu'il y avait eu chez elle. Marcela, qui est encore cachée dans la chambre à côté, suit la conversation ; craignant que son amie ne révèle son secret, elle traverse la salle voilée, causant ainsi l'étonnement de Félix et la jalousie de Laura, qui l'accuse maintenant de la trahir. #### Troisième journée. Félix vient parler à sa sœur. Lui révélant son problème, il lui demande de passer quelques jours chez Laura lui servant ainsi d'espion. Ensuite, elle reçoit la visite de Laura, qui, elle aussi, lui raconte son malheur et demande de pouvoir rester quelques jours dans sa maison pour contrôler les visites que reçoit Félix. Etant donné la convergence des deux demandes, Marcela propose à son amie de changer de maison et de suivante, et elle envoie rapidement la sienne annoncer le prochain rendez-vous à Lisardo pour le soir. Lorsque la nuit approche, Lisardo va rencontrer sa maîtresse. Comme il vient d'une promenade avec Félix, celui-ci reconnaît la maison de Laura et pense maintenant que son ami est son rival. Entre-temps Lisardo et Marcela sont interrompus par la rentrée inespérée de Fabio, incident qui les oblige à s'enfuir rapidement. Lisardo confie sa maîtresse à Félix, sachant qu'il était resté dans la rue, tandis qu'il décide de rester avec son valet pour empêcher toute poursuite. Une fois arrivé à sa maison, Félix fait de grands reproches à celle qu'il croyait être sa maîtresse, mais qu'il ne reconnaît pas dans l'ombre. Or, un instant avant que le valet amène la chandelle, Marcela réussit à se libérer des bras de son frère et à lui échapper, tandis que Laura, attirée par les voix qu'elle entendait à côté, entre en ce moment dans la chambre avec l'intention de surprendre Félix avec une autre femme. Ainsi, une fois la lumière allumée, chacun pense avoir découvert la trahison de l'autre. Mais le malentendu se dévoile lorsque Lisardo arrive et réclame sa maîtresse absente. C'est à ce moment que Laura éclaircit la situation cherchant Marcela, que Lisardo reconnaît immédiatement comme étant sa maîtresse. Or, Félix, soucieux de préserver l'honneur de la famille, décide alors de tuer sa sœur. C'est à ce moment que Lisardo demande à l'épouser – demande à laquelle Félix, enchanté, consent. Le père de Laura arrive, en colère contre le ravisseur de sa fille, mais Félix apaise sa fureur lui demandant sa fille en mariage – une demande à laquelle il donne son consentement. ## Traduction ou inspiration : une analyse de l'adaptation. ### La reprise du sujet par d'Ouville. La lecture de la pièce espagnole montre que d'Ouville a suivi avec une grande précision l'intrigue représentée dans Casa con dos puertas mala es de guardar. N'ayant fait à aucun moment appel à son imagination, soit pour créer de nouvelles situations, soit pour ajouter des idées personnelles au sujet de l'action, d'Ouville n'a, de ce fait, pas modifié le corps intérieur de la pièce espagnole. Peut-être lui paraissait-elle « parfaite » ? Sa propre intervention se limite à la seule adaptation de la pièce au goût particulier du public français en substituant les noms espagnols des personnages par des noms français et en transposant le lieu de l'action des alentours de Madrid à Paris [29]. En outre, d'Ouville s'est certainement vu contraint de respecter les exigences dramatiques qui régnaient sur la scène française et qui l'obligeaient à supprimer quelques passages, afin d'alléger le fil de l'action. ### La comparaison des intrigues : le fil général. Le premier acte des Fausses Véritez – de la même façon que la première journée dans Casa son dos puertas mala es de guardar – est consacré à la présentation des personnages principaux, de leurs sentiments, leurs intérêts et intentions, permettant de cette façon au spectateur de reconnaître la particularité marquée de certains caractères. Dans le deuxième acte l'action commence vraiment : le stratagème organisé par Florimonde, de recevoir son galant dans la maison de son amie Orasie, provoque toute une cascade d'incidents et de quiproquos, enchaînés les uns aux autres et causant à la fin la séparation de Léandre et Orasie. Le troisième acte nous fait assister à une reprise de la situation de l'acte précédent, mais cette fois-ci sous forme inverse : les rôles trompeur-trompé se confondent et c'est encore une fois à cause de l'intervention de Florimonde, qui ne cherche qu'à agir conformément à ses intérêts, que toutes ces situations de méprise et de jalousie sont créées. Le quatrième acte consomme le dernier stratagème : le changement de maison et de suivante entre Florimonde et Orasie, qui culminera dans la confusion complète de leurs identités dans le cinquième acte, évoquant chez leurs galants, Lidamant et Léandre, des moments d'étonnement et d'angoisse, de désespoir et de jalousie. Ce n'est que dans les toutes dernières scènes, lors du rassemblement de tous les personnages, que la vérité se révélera, permettant enfin l'aboutissement d'un double mariage. L'intrigue dans cette comédie est formée de deux « fils » d'action qui se croisent à plusieurs reprises et qui s'influenceront réciproquement au cours de la pièce. Un « fil » se compose des démarches de Florimonde, qui rencontre à l'insu de son frère l'ami de celui-ci, et ce bien que le contact lui était interdit. Mais étant donné que Lidamant, qui ignore complètement la parenté entre son ami et sa maîtresse, a failli raconter l'histoire à Léandre, Florimonde se voit obligée de chercher un moyen pour rencontrer son amant et le prévenir de garder leur relation en secret. Le deuxième fil d'action concerne le frère de Florimonde et sa maîtresse Orasie. Celle-ci, jalouse d'une ancienne maîtresse de Léandre, et surtout blessée dans son orgueil, avait fait venir son galant chez elle, et ce seulement dans le but d'obtenir satisfaction en recevant ses excuses. Cette dernière, attendrie par ses déclarations d'amour, finit par se réconcilier avec son galant. C'est à ce moment que les deux fils se croiseront pour la première fois pour continuer ensuite une influence réciproque et perpétuelle. En fait, Florimonde, se voyant obligée de poursuivre son rôle d'« inconnue », reconnaît que sa maison est un lieu trop révélateur de son identité. Ainsi, elle trouve le moyen de dissimuler cet indice si manifeste de sa personnalité, en rapportant le rendez-vous à la maison de son amie Orasie. Celle-ci hésite évidemment, craignant une révélation fautive de la part de son père ou de Léandre, et c'est plutôt parce que Florimonde la met devant le fait accompli, qu'elle est contrainte de consentir à la demande de son amie. Pourtant elle ne s'imagine pas encore jusqu'à quel point elle sera impliquée dans cette intrigue. Elle y participera involontairement à partir du moment où Florimonde « usurpera » en quelque manière sa personnalité pour cacher la sienne. Ainsi, Orasie ne sera pas seulement obligée de se sortir toute seule de l'embarras dans lequel son amie l'abandonne – car celle-ci lui laisse la tâche de faire sortir son amant de sa cachette sans être aperçu de personne –, mais en outre c'est la même Orasie qui portera aussi les conséquences des initiatives de son amie, lorsque ce galant sera aperçu par Léandre. La méprise qui en résulte bouleversera toute la vie sentimentale d'Orasie, qui, désespérée, cherchera dès lors à convaincre son propre amant d'une fausse apparence. Plus tard Florimonde troublera aussi la vie et les intérêts de son frère : en traversant voilée et inconnue la salle où il discutait avec Orasie, elle provoque la jalousie de cette dernière et la fausse impression que Léandre la trompe. Par conséquent, on pourra constater que l'intervention de Florimonde, suivant ses intérêts à elle, a causé dans la relation d'amour entre Léandre et Orasie deux grandes méprises – méprises déclenchées par un « obstacle extérieur » qui leur reste inconnu. Or, il est d'autant plus amusant de remarquer que les deux amants se dirigent précisément vers Florimonde pour chercher à confirmer leurs soupçons : on pourrait parler, en quelques sorte, de « victimes » qui cherchent inconsciemment la « cause » de leur mal pour résoudre leur problème. Quant à Lidamant, qui est en effet à l'origine des initiatives de Florimonde, il est à son tour victime de ses actions, mais cette fois-ci sur un plan moral. Craignant d'aimer la maîtresse de son ami, ses soucis se situent dans la mise en question de ses propres valeurs de courtoisie, et ce à l'égard d'un ami d'une part, par rapport à la femme qu'il aime d'autre part. En revanche, Léandre et Orasie s'interrogeaient concernant leurs comportements par rapport à leur relation. Finalement, ce n'est qu'à partir du moment où la vérité resurgit, dévoilant de cette manière ce qu'on s'était évertué à dissimuler, que les autres personnages atteignent le même niveau de connaissances que celui de Florimonde, et par là même du public. En effet, une lecture attentive de la pièce, permet de remarquer que celle qui détient la clé de toute l'action et le savoir sur tous les autres caractères, c'est Florimonde. Elle connaît, en tant que sœur, les relations amoureuses de son frère Léandre, elle connaît également, en tant que confidente, les sentiments de son amie Orasie, et enfin, grâce à la porte secrète qui unit sa chambre avec celle de Lidamant, elle est au courant de tout ce qui remplit la vie de ce dernier. Ainsi, son contrôle sur le système de relations entre les différents caractères de la pièce est total, ce qui lui donne un pouvoir d'intervention, et par là, même de contrôle sur le cours des événements. En revanche, l'identité de Florimonde est plurielle dans la mesure où elle diffère suivant le point de vue de chaque personne. Ainsi, Lidamant sait seulement qu'elle est la femme inconnue qu'il aime, et que momentanément il associe avec la maîtresse de son ami. Pour Orasie, Florimonde est la confidente à laquelle elle rend un service risqué et à qui elle confie ses malheurs cherchant du secours. Mais elle confond son amie aussi avec sa « rivale » Iris, lorsque Florimonde sort voilée du cabinet de Lidamant et traverse la salle (III, 3). Enfin, Florimonde reste la petite sœur, sage et bien gardée, selon le point de vue de Léandre qui est convaincu de son innocence quand Orasie l'accuse d'être engagée dans toute l'histoire de malentendus. Cependant, il ne la reconnaît pas non plus en traversant la salle et l'associe avec une maîtresse quelconque de son ami Lidamant. Connue et méconnue – Florimonde est projetée dans des identités imaginaires qui contribuent à compliquer l'intrigue et à rendre sa compréhension difficile aux autres acteurs qui ne connaissent qu'un fragment de ce puzzle qu'est l'identité de Florimonde. En revanche, le public est bien au courant des usurpations auxquelles Florimonde a recours. Dès le premier acte où il est témoin des premiers projets de cette héroïne, le spectateur devient complice de Florimonde : il a les mêmes connaissances qu'elle et il peut reconnaître évidemment ce que les autre personnages ignorent. ### La comparaison des personnages. Florimonde correspond au stéréotype de la fille bien gardée et surveillée sous l'autorité de son frère, mais qui au fur et à mesure a appris à développer une étonnante hardiesse et audace pour surmonter les interdits et réaliser ses intentions. Curieuse de savoir qui est l'homme dont le contact lui était interdit, elle tombe aussitôt amoureuse de ce galant ami de son frère et manifeste rapidement une violente passion : C'est dans ce lieu charmant que sont nais nos amours Et cette passion est si grande & si forte Que c'est chere Nerine un torrent qui m'emporte. [30] Ensuite, c'est son caractère entreprenant et aventureux, ainsi que sa profonde passion qui l'incitent à conquérir cet homme, même en employant des stratagèmes téméraires. Mais ce qui marque surtout le caractère de Florimonde, c'est son indignation contre tout ce qui va à l'encontre de ses intentions. Cette attitude la rend en quelque sorte très égoïste – ce n'est pas par hasard que le mot « intérêt » sort à plusieurs reprises de sa bouche. En outre son comportement à l'égard de sa son amie, qui a du mal à maintenir en secret son histoire, ne fait pas preuve d'une grande courtoisie. Cependant, Florimonde est un personnage qui reste dans la faveur du public: son égoïsme n'est pas conçu comme un défaut qui doit être puni ou ridiculisé à la fin de la comédie – comme ce sera le cas dans les comédies de Molière –, mais plutôt comme une révolte féminine qui surprend par son énergie et son astuce, et qui éveille la sympathie du spectateur vers la finesse d'une telle jeune fille. De même que Florimonde, Orasie correspond également à ce genre de jeunes filles rusées dont l'amour inspire des résolutions bien audacieuses. Se faisant cruelle, elle ne veut pas avouer son désir de revoir Léandre ; c'est pour cette raison qu'elle se sert d'un stratagème pour le faire venir chez elle (I, 4-5 et 7). Cependant, cette attitude prouve en même temps que sa personnalité se caractérise par un amour-propre et une fierté assez marqués : céder ne fait pas partie de son vocabulaire. C'est ce qu'on pourra constater dans son entretien avec Léandre, qui a du mal à l'attendrir et à la convaincre quant à son innocence et à son amour (I, 7). Cette caractéristique était pourtant plus affirmée dans le personnage de la pièce espagnole, où Laura raisonne : Yo no he de hablarle ; porque es triste cosa, es indigna acción darle yo a torcermis celos. [31] Mais ce qui distingue surtout les deux héroïnes de la pièce de d'Ouville, c'est la responsabilité et la courtoisie dont Orasie fait preuve à l'égard de Florimonde. Jusqu'à la dernière minute elle respecte et dissimule le secret de son amie, même en dépit de sa propre relation amoureuse qui souffre fortement de ce malentendu provoqué par les initiatives de Florimonde. En outre, Orasie ne représente pas seulement la femme passionnée et enflammée – elle montre aussi la facette de sa terrible jalousie et sa violente colère lorsqu'elle se croit trompée par son amant (III, 5-6). Cette « capacité » de violence dans l'amour la distingue de son amie et lui donne ainsi plus de maturité et d'expérience d'un point de vue sentimental. Quant aux deux suivantes et en même temps confidentes de ces jeunes filles si audacieuses et entreprenantes, Nérine et Julie, leur rôle ne se limite pas seulement à leur prêter l'oreille lorsqu'elles racontent leurs histoires d'amour ou leurs malheurs. Ainsi, Julie fait preuve d'un caractère très habile et rusé lorsqu'elle introduit Léandre chez sa maîtresse feignant avoir réalisé cette action à son insu – en effet Orasie ne désirait pas autre chose que de revoir son amant. En outre, elle est consciencieuse et rapide, profitant du bon moment pour faire sortir le galant de Florimonde de l'appartement d'Orasie. Cette sorte de scènes souligne que les suivantes dans les comedias espagnoles avaient une plus grande liberté d'agir et d'intervenir dans la vie de leurs maîtresses. Cette relation moins distante et basée sur une confiance plus étroite se manifeste aussi dans le fait que les servantes et les valets des comedias tutoyaient leurs maîtres au lieu de les voussoyer. D'Ouville changera évidemment cette habitude trop libérale en adaptant la pièce aux normes françaises. Quant à Nérine, conformément à sa maîtresse, qui a moins de sens de responsabilité et qui est plus aventureuse et hardie qu'Orasie, elle représente alors la catégorie de suivante qui, ayant du bon sens, met sa maîtresse en garde contre les dangers qu'elle ne voit pas (III,2), qui lui donne des conseils lorsque celle-ci est désespérée ou préoccupée (I,1) et qui freine une euphorie trop audacieuse (IV,1). Le personnage de Léandre représente le typique *caballero* espagnol : galant passionné il assure ses sentiments à Orasie dans des déclarations lyriques qui abondent en hyperboles poétiques (I,7 et II,8). Mais une fois qu'il se sent trahi – ayant aperçu un homme caché dans l'appartement de sa maîtresse – il succombe à une grande angoisse et à un profond désespoir (II,10), avant de manifester sa jalousie par une extrême colère devant Orasie (II,14). En outre, Léandre attache – conformément à l'homme modèle espagnol qu'il incarne – une très grande importance à l'honneur – honneur qu'il faut à tout prix respecter et préserver, que ce soit l'honneur à l'égard de sa famille, de la renommée ou de l'amitié. C'est pourquoi il n'est pas concevable que cet honneur soit compromis par qui que ce soit. Le personnage de Lidamant sort du même registre chevaleresque que son ami : il est un galant passionné et s'enflamme facilement. Deux mots d'une inconnue suffisent pour qu'il tombe amoureux d'elle et qu'il lui fasse les plus belles déclarations d'amour [32], même en ignorant son identité (I,2). Cela prouve également un caractère très aventureux qui se laisse entraîner par la curiosité de l'autre. Pourtant Lidamant – lui aussi – respecte bien les obligations que lui dicte l'honneur. Ainsi, lorsqu'il croit aimer la maîtresse de Léandre, il exprime clairement sa position : Je vous responds assez vous me pouvez entendre, Avant que d'estre à vous j'estois tout à Leandre, Et je mourrois plustost qu'en cette occasion, J'entreprinse jamais sur son affection. [33] Et plus tard il préférera partir plutôt que de trahir son ami (III,1). En revanche, il y a toute une dimension héroïque que d'Ouville a ôtée à ce personnage. En effet, par les récits de Lisardo dans la pièce espagnole, on apprend qu'il a participé à plusieurs batailles en tant que soldat, et, en outre, que cette relation avec l'inconnue est sa première, de sorte que son étonnement et ses hésitations sont mieux fondés dans la comédie de Calderón de la Barca. Quant au valet Fabrice, il est le typique « gracioso » conventionnel de la comedia espagnole et il représente l'envers caricatural du « caballero », qu'il met ainsi en valeur [34]. À l'opposé de son maître, Fabrice se montre lâche et peureux, tout en étant dépeint comme plus sincère et plus réaliste que son maître. Ainsi, disposé à prêter l'oreille, il voit les choses d'un point de vue moins passionné et sans sentimentalisme, conseillant à Lidamant de quitter ce pays : Quittons donc ce pays puis qu'il vous importune, Ne sçauriez-vous ailleurs trouver vostre fortune ? Arrachez-vous, Monsieur, cette espine du sein. [35] En outre, on reconnaît aussi cette typique veine superstitieuse, caractéristique des « graciosos », qui lui fait penser que « quelque demon » sert de valet à Florimonde ; et plus loin il mettra son maître en garde contre cette jeune fille qu'il considère comme : ... quelque Creature Qui par inventions cherche de vous tromper. [36] Cependant, Fabrice exprime aussi son indignation lorsqu'il se sent abandonné et négligé par son maître, dès lors qu'il ne l'accompagne plus [37]. En comparant la pièce source et Les Fausses Véritez, on peut constater que d'Ouville donne à Fabrice plus de respect envers son maître que son homologue Calabazas. Celui-ci n'hésite pas à faire des reproches à Lisardo lorsque celui-ci rentre trop tard à la maison [38] ni à lui énumérer tous les maîtres qui lui seraient préférables seulement pour ne pas se sentir abandonné et superflu [39]. Enfin le rôle de Tomire véhicule, en tant que père, une image d'autorité un peu tyrannique. Cependant dans cette comédie il incarne plutôt un personnage respectueux dont on craint l'arrivée dans les moments culminants (I,7 et II,1, 4-5, 8). Evidemment il se montre furieux lorsqu'il voit son honneur outragé par le ravisseur de celle qu'il croit être sa fille Orasie. Pour cette raison il apparaît chez Léandre, l'épée à la main, pour se venger du séducteur de sa fille (V,8). Pourtant, d'Ouville a omis dans sa pièce une scène du modèle espagnol qui montrait aussi la tendresse et la préoccupation paternelles que Fabio exprimait pour sa fille, la voyant dans un préoccupant état de tristesse et de mélancolie [40]. Cet aspect manque complètement dans la pièce française. ### Les suppressions par rapport à la pièce espagnole. Étant donné que d'Ouville a suivi linéairement l'intrigue de Casa con dos puertas mala es de guardar, il n'y a aucun changement particulier dans le sens ou le déroulement de l'action à constater. Cependant, la suppression de nombreux passages, surtout lyriques, de la pièce espagnole fait disparaître des aspects importants des sentiments et de la psychologie des personnages. Ainsi, en éliminant dans la pièce française les déclarations d'amour que Lisardo fait à Marcela au début de la comédie espagnole, ce galant perd une grande partie de son charme romantique qu'il exprimait dans une belle métaphore triple : Difícilmente pudiera conseguir, señora, el sol que la flor del girasol su esplendor no siguiera ; difícilmente quisiera el norte, fija luz clara ; que el imán no le mirara ; y el imán difícilmente intentara que obediente el acero lo dejara. Si sol es vuestro esplendor, girasol la dicha mía ; si norte vuestra porfía, piedra imán es mi dolor ; si es imán vuestro rigor, acero mi amor severo ; pues ¿cómo quedarme espero, cuando veo que se van mi sol, mi norte y mi imán, siendo flor, piedra y acero ? [41] Malheureusement ce procédé de séduction est complètement omis dans le personnage de Lidamant. L'aspect passionné du récit de Félix à son ami, concernant sa première rencontre avec Laura, est résumé par d'Ouville en deux simples vers : ... Une beauté divine, Un object plus qu'humain m'a desrobé le cœur [42] Il est évident que la force d'expression est complètement réduite, et en deux lignes il est impossible d'exprimer toute l'émotion que son modèle espagnol ressentait et révélait. En fait, cette vague de romantisme et de galanterie qui se manifeste dans les personnages masculins de la pièce espagnole forme aussi un contrepoids avec les attitudes des jeunes filles, plutôt fondées sur la finesse et l'audace aventureuse. Dans la pièce française cette opposition est forcément beaucoup plus attenuée. Certes, ces longues tirades lyriques de la pièce espagnole auraient pu paraître à notre auteur trop poétiques pour être prononcées de façon vraisemblable sur le théâtre français [43], cependant il faut mettre en considération que cette comédie compte d'innombrables situations invraisemblables que d'Ouville a bien repris sans avoir vu la nécessité d'effectuer quelque changement. Et c'est là la raison pour laquelle ses comédies sont considérées comme des traductions sèches et privées de leur essence en comparaison avec les œuvres de Corneille ou de Scarron qui introduisaient dans leurs adaptations des créations originales. Ainsi, Ernest Martinenche remarque avec indignation, en parlant des auteurs comme d'Ouville, qu'« ils ne regardent leurs modèles qu'à la surface et n'en voient ni la couleur ni la force [44] », et il en conclut : Le sort commun à tous les copistes médiocres du drame espagnol est le fait de vouloir mettre plus d'ordre et de clarté dans son modèle en appliquant le moule étroit des unités et en le travestissant misérablement dans la gravité terne et monotone de leurs alexandrins. ... Dépouillée de sa poésie et de son âme la « comedia » n'offre plus qu'une intrigue compliquée et romanesque et fait retomber notre théâtre dans l'ornière même à laquelle elle avait d'abord contribué à l'arracher. [45] D'une manière très franche on apprend donc, que les espagnols observaient avec déception ce que les auteurs français faisaient de leurs œuvres, considérant leurs adaptations comme des reculs du progrès qu'ils avaient essayé d'engendrer dans le domaine du théâtre. # La dramaturgie externe de la pièce. ## Les unités. Le public français était habitué depuis plusieurs années à voir des pièces de théâtre « régulières », c'est-à-dire, respectant les unités, la liaison des scènes et la vraisemblance. Cependant, les comédies espagnoles ne répondaient plus, depuis Lope de Vega, à ces exigences. Les auteurs français étaient donc forcément obligés d'adapter l'intrigue aux exigences que la dramaturgie française leur imposait. Cette tâche n'était pas toujours facile à réaliser. ### L'unité de temps. Dans la comedia espagnole la conception du temps était différente de celle qui existait en France au XVII*e* siècle. Lope de Vega, qui avait établi dans son Arte nuevo de hacer Comedias en este Tiempo les bases de l'art dramatique de son temps, explique au sujet de l'unité de temps : No hay que advertir que passe en el Período De un sol, aunque es consejo de Aristóteles, Porque ya le perdimos el respeto quando mezclamos la sentencia Trágica A la humildad de la baxaza Cómica ; Passe en el menos tiempo que se pueda, [46] Ce passage montre alors que les principes étaient établis avec beaucoup plus de liberté et de flexibilité, permettant ainsi aux dramaturges espagnols de développer leur sujet dans le temps qui leur paraissait nécessaire. Cette liberté s'explique par le concept de « vraisemblance psychologique » : selon les dramaturges espagnols, il fallait disposer d'assez de temps pour faire naître et évoluer les passions de façon à ce qu'elles soient crédibles aux yeux du public [47]. Ainsi, on peut constater que dans la pièce de Calderón l'intrigue se déroule en deux jours [48]. Cependant, en adaptant cette pièce d'Ouville s'est efforcé de respecter les règles de la dramaturgie française. Restreignant l'action, il a réussi à ce que toute l'intrigue se déroule dans un délai de 24 heures : la pièce commence tôt le matin après le rendez-vous de Florimonde et Lidamant au Jardin des Tuileries et elle se termine tard le soir avec l'annonce d'un double mariage. En outre le texte souligne à plusieurs reprises que tous les événements se passent le même jour ; ainsi, Florimonde remarque devant Nérine : Il faut trouver moyen si je puis aujour'huy De revoir Lidamant & de parler à luy. [49] Puis dans la scène suivante son frère lui raconte qu'il relatait son martyre à sa maîtresse « ce matin [50] ». ### L'unité de lieu. En ce qui concerne l'unité de lieu, elle était impossible à réaliser en adaptant *Casa con dos puertas mala es de guardar* au théâtre français, car déjà le sujet de l'intrigue obligeait à maintenir deux lieux différents – la maison de Florimonde et celle d'Orasie. Pourtant d'Ouville a fait un gros effort de concentration de l'espace. Il a diminué de cinq à trois les lieux contenus dans la pièce espagnole. Ainsi, il a supprimé au début de la comédie le rendez-vous entre Marcela et don Lisardo à l'extérieur de la ville [51] en la remplaçant par un récit rétrospectif de Florimonde à sa suivante dans sa chambre. En outre, il a transposé le dialogue entre Fabio, le père de Laura, et son valet dans la rue proche de sa maison [52], lieu que d'Ouville était obligé de maintenir, puisque la fin du quatrième acte et le début du cinquième acte s'y déroulent. ### L'unité d'action. En adaptant les *comedias* espagnoles pour un public français, les dramaturges étaient aussi obligés de simplifier et de concentrer l'action dans leurs pièces pour que la cohérence de l'intrigue soit plus évidente et bien compréhensible pour le spectateur. On remarquera donc que d'Ouville a aussi allégé l'action de *Casa con dos puertas mala es de guardar* en supprimant quelques scènes qui lui paraissaient superflues. Ainsi il a réduit, tout au début de la pièce, les deux récits de Félix et Lisardo, où ils se racontent leurs aventures depuis qu'ils s'étaient quittés à Salamanca à la fin de leurs études [53]. Dans *Les Fausses Véritez* on ne trouvera que la narration de leurs histoires d'amour actuelles [54]. En outre, d'Ouville a supprimé les récits dans lesquels un personnage raconte à un autre le déroulement d'une scène à laquelle le spectateur a assisté si la réaction de l'autre personnage n'était pas d'importance pour le fil de l'intrigue [55]. C'est le cas lorsque Julie rentre chez Orasie et amène Léandre avec elle [56] ; dans le texte espagnol, Celia raconte encore à sa maîtresse tous les détails de la conversation qui, cependant, n'attirent pas l'intérêt de cette dernière [57]. En dernier lieu, on peut remarquer que d'Ouville a ôté tous les récits qui n'avaient aucun rapport avec les cours de l'action, comme c'est le cas du passage dans lequel le valet Calabazas – en rôle de « gracioso » – est ravi d'avoir reçu de son maître un habit : il lui mime la scène qu'il aurait dû jouer s'il avait été obligé d'aller chez un tailleur pour se faire faire un habit. C'est une scène qui a certainement amusé le public espagnol, mais qui peut parfaitement être omise [58]. ## La liaison des scènes et l'équilibre des actes. En ce qui concerne la liaison des scènes qui était de règle dans le théâtre français, d'Ouville n'a pas eu besoin de la rétablir particulièrement, car la pièce espagnole lui fournissait déjà un réseau d'intrigue suffisamment étroit. On serait tenté de dire que cette liaison des scènes est interrompue de temps en temps lorsqu'il y a un changement de lieu et de personnages dans un même acte. Mais étant donné que ces changements de lieu se limitaient normalement à deux endroits très proches l'un de l'autre – quelquefois il s'agit même de chambres contiguës dans une seule maison – et que les deux actions représentées se déroulent presque parallèlement, on ne peut pas considérer ces changements comme de véritables ruptures de liaison. En effet, telles séquences de scènes préparent normalement les retrouvailles de personnages qui auparavant n'étaient séparés que par un mur. Or, ce procédé permet de faire connaître au spectateur les sentiments et les idées respectives des acteurs et d'augmenter de cette manière la tension avant d'arriver à une péripétie dans l'action [59]. En fait, les seuls changements que d'Ouville a effectués avaient plutôt fonction de créer cinq actes équilibrés [60] et de définir les scènes conformément aux entrées et sorties des personnages, celles-ci figurant déjà dans le texte espagnol [61]. Pourtant on remarquera que l'équilibre des actes ne se traduit que dans l'harmonie intérieure qui règne dans la répartition de l'action et de ses péripéties tout au long de la pièce. Quant à la forme extérieure de distribution des scènes, elle manifeste une disproportion étonnante. Ainsi, des trente-trois scènes que compte la pièce, quinze se trouvent concentrées au deuxième acte – autrement dit, presque la moitié ! Mais la longueur très réduite de ces quinze scènes [62] révèle en même temps qu'il s'agit ici d'un acte dans lequel l'action se déroule à un rythme très rapide, ce que montre les nombreuses entrées et sorties des personnages dont les apparitions courtes et fréquentes font supposer une grande agitation et beaucoup de confusion. En outre on constatera que bien que d'Ouville se soit efforcé de distinguer visiblement les actes par un changement de personnages (celui-ci coïncidant quelquefois aussi avec un changement de lieu), conformément aux exigences dramatiques de l'époque, cette impression n'est pas donnée pendant le passage du premier au deuxième acte. En effet, il y a un changement de personnages et de lieu après les premières quatre scènes – ce qui provoque forcément un grand décalage – mais l'acte continue avec l'introduction du personnage d'Orasie, qui restera jusqu'à la fin du premier acte sur scène et qui ouvrira aussi le deuxième acte. D'une part il est évident que d'Ouville était obligé d'intégrer le personnage d'Orasie pour compléter l'exposition, étant donné que celle-ci devait être composée d'un seul acte dans lequel tous les acteurs principaux apparaissent, présentant leurs caractères, leurs sentiments et leurs intérêts au public [63]. D'autre part, ce procédé contredisait complètement les règles de dramaturgie, que d'Ouville s'efforce pourtant de respecter. Ainsi, la réapparition d'Orasie au début du deuxième acte ne peut donc être justifiée que par une action que ce personnage aurait réalisé pendant l'entr'acte. Celle-ci pourrait être dans ce cas le fait d'avoir reçu son père, dont l'arrivée s'annonçait à la fin du premier acte, même s'il n'y a aucune indication dans le texte qui puisse soutenir cette hypothèse. ## La reconstitution du décor. *Le Mémoire de Mahelot et Laurent* est considéré normalement comme une bonne source pour obtenir des informations sur les pièces de théâtre du répertoire de l'Hôtel de Bourgogne et leur mise en scène. Cependant, on sait que le manuscrit de Mahelot ne dépasse pas l'année 1634 et que l'auteur inconnu qui a repris ce travail, avant Laurent, ne donne qu'une énumération des titres sans fournir des précisions concernant la mise en scène des pièces jouées à cette époque, c'est-à-dire, entre 1634 et 1647. Malheureusement notre pièce de d'Ouville coïncide justement avec cette période lacunaire, de sorte que les conditions de représentation des *Fausses Véritez* nous restent inconnues. Ce fait nous oblige donc à supposer un décor dont l'authenticité ne peut évidemment pas être garantie. Etant donné que *Les Fausses Véritez* comptent trois lieux différents : la maison de Florimonde et Léandre, la maison d'Orasie et la rue, il est certain que le décor a dû être conçu en compartiments. Ainsi, on pourrait s'imaginer d'un côté de la scène trois chambres : la chambre de Florimonde et celle de Lidamant – les deux liées par une porte qui permettrait, au début de la pièce, que Florimonde écoute les conversations dans la chambre de Lidamant [64], puis qu'elle y puisse entrer [65] – en plus une autre petite chambre servant de cachette à Florimonde lorsqu'elle parlait à Lidamant dans son cabinet et que son frère arriva [66]. De l'autre côté de la scène on pourrait s'imaginer l'emplacement de la maison d'Orasie comportant, quant à elle, une seule salle, mais nécessaire-ment trois portes : la porte d'entrée principale donnant à la rue, une deuxième porte justement à l'autre côté de la chambre et répondant sur une autre rue supposée [67], et, au fond de la chambre, une troisième porte à laquelle répondrait le cabinet où se tient Lidamant caché pendant une grande partie du deuxième acte [68]. Finalement, on peut supposer que la rue, le troisième lieu, était placée justement entre les deux maisons. On remarquera par la distribution si précise des lieux de l'action qu'elle était d'une très grande importance pour une bonne représentation de la pièce. Cependant cette dépendance de l'action et du lieu suppose certainement un problème. Sachant que les dimensions de la scène de l'Hôtel de Bourgogne étaient réduites, les compartiments devaient être par conséquent assez étroits, causant ainsi aux acteurs une grande limitation de leurs mouvements. Certes, l'on sait que les acteurs à l'époque avaient l'habitude de jouer la plupart du temps au milieu de la scène, renseignant le spectateur sur le lieu de l'action seulement par leur première apparition dans le compartiment concerné. Pourtant ce procédé ne semble pas avoir été facile à réaliser dans notre pièce de théâtre, étant donné que les scènes se suivent à un rythme rapide provoquant des changements de lieu fréquents. Ainsi, à l'exception des scènes un peu plus longues – qui sont généralement les scènes de discussion entre deux personnages – la pièce a dû être jouée dans les petits compartiments. # Traitement thématique. ## La hardiesse des jeunes filles. Orasie et Florimonde ressortissent à ce type de jeunes filles qui étaient jalousement surveillées par leur père ou leur frère. Ceux-ci se voyaient chargés de garder une jeune fille de tout danger afin de maintenir leur vertu et leur renommée impeccables avant d'être données en mariage. Par conséquent, ils contrôlaient attentivement l'ambiance qui les entourait, prévenant de cette façon toute tentation qui pourrait se présenter. Ainsi, Tomire s'étonne dans sa première apparition que la deuxième porte soit ouverte : Depuis quand Orasie ouvre t'on cette porte, Qu'on tient tousjours fermée. [69] Et plus loin, Orasie met Léandre en garde contre la stricte surveillance de son père, qui, comme elle dit, ... a tantost fermé tant il est soubçonneux La porte de derriere, ô qu'il est ombrageux, Il emporte la clef, montrant de cette sorte Asseuré le passage à l'autre afin qu'il sorte. Il ne fait tous les jours qu'entrer & que sortir... [70] On apprend également de la part de Florimonde que son frère aussi la garde très attentivement et qu'il s'inquiète de tout soupçon qui puisse naître (I,1). En outre, le fait qu'il interdise à Florimonde de voir Lidamant pendant sa visite dans leur maison souligne aussi son obsession de ne vouloir tacher ni l'honneur de la famille ni celui de sa sœur. Cependant, cette haute surveillance ne fait que développer dans l'esprit des jeunes filles une ingéniosité qui les rend capables de contourner les interdictions sans être aperçues. Florimonde réussit à échapper à cette rigide surveillance en se levant tôt le matin, et elle arrive à multiplier les rendez-vous avec Lidamant à l'insu de son frère (I, 1). Grâce à son astuce elle sait profiter des avantages qu'une situation peut présenter : ainsi, elle se montre très volontaire à servir son frère en tant qu'espionne (IV, 2), organisant en même temps un deuxième rendez-vous dans la maison de son amie (IV, 3). Orasie, quant à elle, jouit d'une plus grande confiance de la part de son père ; ainsi, son absence lui offre l'occasion idéale pour dissiper le malentendu précédent avec Léandre (III, 5-6), ou pour s'installer dans l'appartement de Florimonde afin de contrôler les visites que son amant reçoit (IV, 3). En conclusion, la rigide surveillance à laquelle ces deux jeunes filles sont soumises, ne fait qu'éveiller en elles un sens de l'autonomie qui les rend audacieuses et entreprenantes. ## La jalousie. Les nombreux malentendus qui se développent dans la suite de la pièce sont l'une des conséquences qu'entraîne le stratagème initial de Florimonde. Et c'est de ces malentendus que naît la jalousie, donnant lieu à la méprise, l'amertume et la violence. Cependant la jalousie ne concerne que Léandre et Orasie ; elle sera le moteur d'action pour ces deux personnages, dont la motivation ne consiste que dans le désir de détromper le partenaire de sa fausse impression. Le point de départ pour les problèmes de ce couple est la jalousie qu'un témoignage d'Iris – l'ancienne maîtresse de Léandre – a causée à Orasie. Pressé de détromper Orasie de ce faux témoignage et de la convaincre de son amour et de sa fidélité, le jeune homme lui rend visite. Pourtant, la présence de l'amant de Florimonde dans la maison d'Orasie renverse la situation, entraînant le mépris et la jalousie de Léandre. Et la situation changera encore une fois, lorsqu'Orasie rend visite à son amant pour se justifier et pour éclaircir le malentendu, et que Florimonde, en tant que femme inconnue et masquée, traversera la salle. On ne s'étonnera pas de constater que les moments de jalousie proviennent des interventions de Florimonde qui pourtant contribuent à augmenter la tension dans la pièce avec les scènes piquantes qui en résultent. En revanche Saint-Marc Girardin, qui analysa profondément Les Fausses Véritez, arrive à la conclusion que : ... la jalousie n'a pas le temps de se développer, gênée et étouffée qu'elle est par la multiplicité des incidents. [71] Effectivement la combinaison des deux fils de l'action qui décrivent les deux relations oblige d'Ouville à changer à plusieurs reprises de lieu pour assurer l'enchaînement rapide et plaisant qui donne son mouvement à cette comédie. C'est pour cette raison que Léandre et Orasie doivent exprimer leurs sentiments dans un moment précis et limité. Mais le fait que la jalousie puisse paraître « étouffée » résulte plutôt de la limite de temps à laquelle cette pièce était soumise en suivant la règle de l'unité de temps [72]. En revanche la jalousie est un élément qui accompagne l'action jusqu'à la fin, et même si elle n'a pas l'occasion de se dégager dans sa plénitude, comme c'était le cas dans la comédie de Calderón, elle s'enflamme avec une grande facilité à de nombreux reprises. C'est bien la puissance de ce sentiment qui fournit une grande part du comique de cette pièce. ## L'honneur et l'amitié. Le phénomène de l'honneur et de l'amitié représentant les valeurs suprêmes de la société du XVII*e* siècle, se manifeste aussi dans cette comédie. Le respect et l'importance attachés à ces valeurs se reflète à plusieurs reprises dans le texte. La problématique initiale est elle-même basée sur l'obéissance au code de l'honneur : afin de pouvoir recevoir son ami sans tacher l'honneur familial, Léandre interdit à sa sœur tout contact avec son hôte. Cependant, Florimonde transgresse cette interdiction par curiosité et ses rendez-vous avec l'ami de son frère, qui ignore complètement cette parenté, ont fait naître un amour passionné entre ces deux jeunes gens. En effet, Florimonde se sait aimée par Lidamant, mais elle craint en même temps que la révélation de toute la vérité puisse détruire sa relation, comme elle dit à Nérine : Tu ne sçais pas encor, & c'est ce qui m'afflige Jusqu'à quel point d'honneur l'amitié nous oblige. C'est un lien trop fort, je sçay que Lidamant Est plus parfaict Amy qu'il n'est fidelle Amant. Son amitié Nerine est pure & trop sincere Pour me vouloir servir au deceu de mon frere ... [73] Effectivement, l'amitié l'emporte sur l'amour, et Lidamant confirme cette hiérarchie des valeurs en disant clairement à Florimonde : Je vous responds assez vous me pouvez entendre, Avant que d'estre à vous j'estois tout à Leandre, Et je mourrois plustost qu'en cette occasion, J'entreprinse jamais sur son affection... [74] Ainsi les sentiments d'amour sont considérés comme émotionnels et irrationnels, surtout lorsqu'ils précèdent le mariage ; en revanche l'honneur et l'amitié sont des valeurs constantes. C'est pour cette raison aussi que Léandre les défend jusqu'à la dernière instance : il est prêt à verser du sang en tuant sa sœur, qui par sa coquetterie et son inconduite avait taché cet honneur. Selon sa conception : « Il faut oster la vie, à qui m'oste l'honneur. [75] » Cette conviction pouvait probablement surprendre un public qui n'était pas familiarisé avec les mœurs espagnoles et les violences auxquelles un honneur sourcilleux pouvait porter les héros de la comedia. Heureusement l'initiative de Lidamant, qui, étant amoureux de Florimonde, la demande en mariage, peut sauver l'honneur familial. De même l'on attachait une haute considération à l'amitié. Elle était un lien très fort qui unissait deux amis jusqu'au point de se mettre l'un à la disposition de l'autre, et de s'exposer même à des dangers et à la mort. C'est pour cette raison que Léandre, après avoir appris les aventures qui sont arrivées à son ami dans la maison de sa bien aimée, insiste pour l'accompagner, lui assurant son appui en tant qu'ami : On n'abuse jamais d'un veritable Amy Celuy là ne l'est point qui ne l'est qu'à demy. Quoy qu'il puisse arriver durant cette entreveue, Sçachez que vous aurez un Amy dans la rue, Qui pour vous seconder a le cœur assez fort, Et qui vous defendra mesme jusqu'à la mort. [76] Cependant, Léandre n'est pas non plus un personnage infaillible. Même s'il semble être celui qui respecte et garde le plus les valeurs de la société, il se trouve – lui aussi – face à une situation dans laquelle ses sentiments risquent de l'emporter sur ses convictions : convaincu que sa maîtresse le trahit et que Lidamant est son rival, il n'est plus capable de contrôler sa jalousie et la violence de ses sentiments. Désespéré, il met en question toutes les valeurs auxquelles il avait attaché une grande importance auparavant : Que fais-je justes Dieux ? la colere m'emporte Viens-je pas de donner parole à Lidamant ? Mais qu'importe l'honneur, qu'importe le serment Quand on brusle d'amour, qu'on meurt de jalousie, Non non, je veux tout perdre en perdant Orasie, La perdre ? justes Dieux le pourrai-je souffrir... [77] Ce n'est que Fabrice et la suite des événements qui détournent Léandre de ce moment de faiblesse, empêchant ainsi qu'il commette une faute. En effet, de cette façon d'Ouville a repris un point de satire que Calderón de la Barca avait déjà abordé dans sa comédie, montrant que l'homme n'est pas toujours infaillible face aux règles que la société lui impose, et qu'il est quelquefois victime de ses propres sentiments. # Comique et style de la pièce. ## Le comique. La source du comique dans cette pièce se trouve surtout dans l'influence de l'élément romanesque sur l'intrigue. Une intrigue compliquée et singulière, une action remplie d'aventures imprévues, des fausses portes, des changements de logements afin de déconcerter les prétendants – on reconnaît là les ressorts ordinaires de l'école romanesque qui régnait en souveraine dans la comédie espagnole, et qui était capable de créer les situations les plus amusantes et extraordinaires. Nous nous limiterons à mentionner les situations les plus représentatives du comique de cette pièce. Parmi elles figure la scène dans laquelle Florimonde, cachée dans une chambre à côté, entend la conversation entre Lidamant et son frère. Le comique de cette scène résulte de l'impuissance croissante qu'exprime l'héroïne à l'égard du développement de cette conversation dans laquelle elle ne peut pas intervenir. Son désespoir ne se manifeste pas seulement par son commentaire à part : Justes Dieux qui pourroit advertir Lidamant. Ah ! qu'il m'obligeroit à present de se taire, Il pourroit bien donner du soubson à mon frere. [78] mais aussi par ses gestes [79]. Une autre sorte de comique résulte des confidences qu'un des personnages fait à un autre évoquant chez celui-ci des fausses conclusions. Or, lorsque Léandre raconte à Lidamant comment il a aperçu un rival dans la maison de sa maîtresse, celui-ci reconnaît sa propre aventure et en déduit être le supposé « rival » de son ami (III,4). Mais plus tard il est assuré d'aimer une autre femme que la maîtresse de Léandre, c'est pour cette raison qu'il raconte son histoire d'amour à son ami et lui montre aussi la maison de sa bien-aimée, sans rien craindre. Évidemment l'ami sait très bien que c'est la maison de sa propre maîtresse, de sorte que son désespoir ne provoque que le rire d'un public omniscient, qui connaît l'erreur et le malentendu dont le personnage est la victime. Le principal caractère comique de cette pièce provient donc du sujet même : les stratagèmes et les malentendus qui en résultent, et dont le spectateur est au courant. Pour cette raison, il rit de la dupe, en appréciant également l'ingéniosité du trompeur. Pour autant il ne faut pas oublier le personnage de Fabrice, qui réincarne le typique « gracioso » de la comédie espagnole. Celui-ci, après avoir justifié à son maître l'importance que sa présence peut avoir dans une situation de danger (IV, 4), doit être détrompé d'une manière burlesque. En effet, sa réaction peureuse face au danger et le désespoir auquel il succombe montrent son incapacité dans le combat, dévoilant qu'il n'est pas le chevalier qu'il prétendait être [80]. Cependant, le comique de ce personnage se trouve aussi dans sa simplicité, provoquant un peu de compassion de la part du spectateur. ## Le style. La rapidité du rythme de l'action est une des caractéristiques des Fausses Véritez [81]. La précipitation des événements oblige les personnages à agir conformément à leur intuition et sans réflexion aucune [82]. Ce phénomène favorise certainement les invraisemblances latentes de la pièce, qui échappent ainsi à l'attention des spectateurs : peu importe que Florimonde ne soit pas reconnue ni par son amie ni par son propre frère lorsqu'elle traverse la salle (III, 6). Les quelques longues tirades se limitent au début de la pièce et ce sont des récits des personnages qui apportent des informations antérieures à l'action présentée, et qui sont indispensables pour que le spectateur puisse comprendre l'intrigue de la pièce [83]. C'est surtout dans ces passages que les métaphores et les paraboles abondent. En revanche, les situations de jalousie et de colère se caractérisent par des répliques très brèves, des ripostes du tac au tac : ORASIE. Aurez-vous bien le front de me nier aussi Qu'une femme masquée estoit n'aguere icy ? LEANDRE. Je ne la cognoy point. ORASIE. J'ay moins de cognoissance De cét homme cent fois. LEANDRE. Ah l'extreme impudence ? Vous le sçavez tres bien, car vous l'alliez nommer. ORASIE. Adieu, perfide, adieu, n'osez pas presumer Que jamais je vous parle, ou que je vous regarde. LEANDRE. Prenez garde Orasie. ORASIE. A quoy prendray-je garde. LEANDRE. Ah ! c'est trop mal traiter un homme comme moy, Dont la plainte est si juste... [84] Cette forme de répliques en quasi stichomythie augmente la tension et provoque en même temps l'amusement du spectateur qui sait que la jalousie des deux personnages n'est pas fondée. Un pareil moment d'amusement se produit à nouveau lorsque la scène de jalousie de Léandre est reprise plus tard avec les rôles inversés : Orasie reprend textuellement les reproches que lui avait fait Léandre un moment auparavant : Que veut dire cela, Leandre ? quelle honte ? Le beau raisonnement, l'excuse à vostre conte Est en ce que j'ignore, où je ne comprens rien, Et la faute consiste en ce que je sçai bien. Quoy doncques voulez vous que le bien que j'ignore Vainque ce que je sçais & voulez vous encore, Que mon bien soit douteux, & mon mal asseuré ? [85] La symétrie dans le double emploi de ce passage accompagné de l'inversion des rôles ne fait que traduire sous forme stylistique le ridicule de l'accusation qu'Orasie et Léandre se font réciproquement. # Les influences de la comédie de d'Ouville sur des oeuvres postérieures. Il est curieux de constater que le sujet de *Casa con dos puertas mala es de guardar*, que d'Ouville avait mis sur la scène française, ne fut pas oublié. En effet, on compte plusieurs influences sur des œuvres postérieures à celle de d'Ouville : d'une part, son frère reprit le même sujet quelques années plus tard dans sa comédie *L'Inconnue*, et d'autre part Thomas Corneille créa une pièce de théâtre, *Les Engagemens du hazard*, suivant partiellement le même thème. En outre, des influences sur *L'Ecole des femmes* de Molière ont été observées – même si elles restent contestées. ## *L'Inconnue* de Boisrobert. *Les Fausses Véritez* furent représentées pendant la saison 1641/1642 [86]. À peine 5 ans plus tard, en 1646, apparut sur la scène française la version très semblable de l'abbé de Boisrobert [87]. Celle-ci fut d'ailleurs tirée de la même source espagnole. Considérant l'intrigue dans la comédie de son frère comme profitable, Boisrobert décida d'en faire sa propre version. En effet, il justifie son choix dans la dédicace de sa pièce, qu'il destina au Cardinal Mazarin, en disant : je me hazardois de vous présenter ce dernier Ouvrage, qui est tout plein de surprises agréables, & qui a fait tant de bruit sous un autre titre, sur tous les Théatres d'Espagne & d'Italie. [88] Certainement Boisrobert prit comme base d'écriture le texte espagnol de Calderón de la Barca, dont il conserve quelques passages que d'Ouville avait supprimés dans son adaptation – telle que la scène d'ouverture représentant le rendez-vous de Lisardo et Marcela, ou une autre scène dans laquelle le père de Marcela se montre préoccupé voyant l'état de tristesse de sa fille [89]. D'ailleurs, il est évident que Boisrobert se servit aussi de la pièce de son frère – en tant que traduction – puisqu'on peut remarquer quelques similitudes avec cette dernière [90]. En outre, *L'Inconnue* compte aussi quelques créations propres à l'imagination et à la plume de l'auteur. Celui-ci semble avoir développé avec soin le personnage du valet Filipin : en fait, il le rapproche dans ses attitudes et caractéristiques plus de l'image de son prototype Sancho Pança que Calderón de la Barca et d'Ouville ne l'avaient fait auparavant [91]. De même la suivante Lise représente ici un caractère encore plus fort et plus autonome [92]. En revanche, les personnages principaux ne sont pas aussi vifs et spontanés que dans les deux autres comédies [93]. En outre, en lisant *L'Inconnue*, on remarque que l'intrigue et ses péripéties manquent de cohérence et de logique. L'omission de quelques petits détails et surtout la compression trop étroite du sujet crée d'une part des difficultés de compréhension pour le spectateur, et empêche d'autre part un développement convenable des situations de confusion et de jalousie, aussi bien que de passion. Par conséquent, la pièce abonde d'invraisemblances flagrantes. En revanche, la versification de la pièce de Boisrobert manifeste une plus grande maîtrise de l'auteur dans ce domaine, en effet, les vers sont plus fluides et les expressions plus élégantes et correctes qu'ils ne l'étaient dans la comédie de d'Ouville [94]. Sur le succès de *L'Inconnue* on ne sait rien de précis [95]. Les frères Parfaict, un siècle plus tard, n'en savent pas plus que nous, ils se limitent à dire que : Cette Comédie est comique par le fond, mais froide par la façon dont l'Auteur l'a rendue. Au reste, il y a un rôle de valet qui ne seroit pas sans mérite, si l'Auteur lui avoit donné plus d'étendue. [96] ## *Les Engagemens du hazard* de Thomas Corneille. Presque en même temps que Boisrobert, en 1647, Thomas Corneille écrit sa comédie *Les Engagemens du hazard* [97], qu'il prétend avoir composée sans avoir connaissance de *L'Inconnue*. En fait, Corneille s'était inspiré tout d'abord d'une autre pièce de Calderón de la Barca, *Los Empeños de un acaso*, qui lui avait fourni aussi le titre pour sa comédie. Cependant, une première représentation par la troupe de l'Hôtel de Bourgogne montra que le sujet n'arriva pas vraiment à intéresser le public, de sorte que Corneille – lui aussi insatisfait de son œuvre, la considérant comme « peu consistante » – ne la fit pas imprimer. Il la retoucha pourtant en rajoutant à l'intrigue déjà construite celle de *Casa con dos puertas mala es de guardar*, lui paraissant très semblable à celle de *Los Empeños de un acaso*. De cette manière, Corneille créa une combinaison des deux œuvres : l'action resta celle de sa première pièce d'inspiration avec la seule différence que les deux personnages principaux, Elvire et don Fadrique, vivent aussi les aventures relatées dans *Casa con dos puertas mala es de guardar*, avec toutes ses complications, avant que la pièce ne se termine, comme dans la pièce d'origine, par un mariage. Or, même si les frères Parfaict écrivirent curieusement à propos de cette comédie : Le sujet de l'Inconnue de l'Abbé de Boisrobert, & celui des Fausses vérités de d'Ouville, sont rassemblés dans la Piéce des Engagemens du hazard. Cette double intrigue en forme une dans celle-ci. [98] on pourra seulement constater, en lisant cette pièce, quelques similitudes avec les comédies de d'Ouville et de Boisrobert, qui se limitent d'ailleurs à l'acte quatre. À vrai dire, le fil de l'action est complètement différent. On peut même dire que la combinaison des deux pièces de Calderón de la Barca et de leurs intrigues respectives, déjà pleines de quiproquos, donne un résultat un peu confus. Les événements et les coïncidences si nombreux, rassemblés en une seule pièce, rendent la compréhension quelquefois difficile et l'action assez invraisemblable. Pourtant cette deuxième version des *Engagemens du hazard* eut plus de succès que la première. Selon Lancaster l'attention qu'on porta à cette pièce doit être attribuée à sa ressemblance avec *L'Inconnue* de Boisrobert, qu'on avait jouée presque à la même époque [99]. Les frères Parfaict considérèrent cette comédie comme : très-passable, & peut-être la meilleure de son temps. On y trouve de la conduite, des situations, de l'intérêt, & un comique, qui sans être du burlesque de celui de Scarron, n'en est que plus agréable au goût des personnes qui sçavent mettre le prix aux Ouvrages Dramatiques. [100] Effectivement, Corneille développa un personnage de valet amusant, avec beaucoup de verve et de franc-parler, et cela sans négliger pour autant une caractérisation convenable des autres personnages principaux. ## Les parallèles avec *L'École des femmes* de Molière. Le rôle que *Les Fausses Véritez* auraient pu jouer en tant que source d'inspiration pour la création de *L'École des femmes* de Molière est très contesté. D'un côté Roger Guichemerre croit voir dans la comédie de d'Ouville « une source non négligeable du théâtre de Molière [101] », et il justifie son hypothèse à partir de trois situations extraites des* Fausses Véritez* qui montrent des similitudes avec cette première grande comédie de Molière [102]. En premier lieu, il relève la confidence que Lidamant fait de sa bonne fortune à son ami Léandre, l'homme auquel il ne devrait précisément rien dire, puisqu'il s'agit du frère de la jeune Florimonde sur laquelle celui-ci veille jalousement (I,2). Cette scène est comparable à celle où Horace raconte ses succès galants à Arnolphe (I,4). En deuxième lieu, il note la révélation par Lidamant de la rue et de la maison de sa bien-aimée : elle déclenche chez Léandre une grande confusion et un grand trouble puisqu'il reconnaît la maison comme étant celle de sa propre bien-aimée et en déduit que son ami est son rival. De même, Horace révèle à Arnolphe la maison dans laquelle habite sa maîtresse et qui est celle de son interlocuteur même. Finalement, Guichemerre renvoie à la même péripétie amusante qui amène le dénouement dans les deux pièces : Lidamant, ainsi qu'Horace, est surpris pendant le rendez-vous avec sa maîtresse. Il l'enlève et la confie à son ami – son apparent « rival » – qui l'attend dans la rue. Celui-ci, croyant avoir en son pouvoir sa propre maîtresse, lui fait des reproches et l'accuse d'infidélité (V, 4 et 6). Une situation analogue se trouve dans *L'École des femmes* où Horace, après avoir été surpris avec Agnès chez elle, la confie à Arnolphe, qui fait des reproches à celle-ci (V, 2 et 4). Ces situations analogues amènent Guichemerre à en déduire que leur similitude ne peut pas être une seule coïncidence et que Molière a dû s'inspirer de la pièce de d'Ouville en l'imitant consciemment. En revanche, Claude Bourqui, qui étudia profondément les possibles inspirations de Molière dans son œuvre, *Les Sources de Molière*, rejette pourtant, dans son travail, *Les Fausses Véritez* comme source possible pour *L'École des femmes*. Ainsi, il justifie cette exclusion en montrant que dans la première situation proposée par Guichemerre le frère de Florimonde ignore complètement l'identité de la bien-aimée de son ami et qu'il n'oserait jamais penser qu'il puisse s'agir de sa propre sœur. En revanche, dans la pièce de Molière, Arnolphe sait très bien qu'il s'agit d'Agnès, et le comique de la scène repose précisément sur ses réactions immédiates. Concernant le deuxième cas, Bourqui souligne que le trouble d'Arnolphe se justifie par le fait que la maison en question est vraiment la sienne et que la femme dont on lui parle est également la sienne. Dans *Les Fausses Véritez* la situation est différente : Léandre constate que son ami rend visite à sa maîtresse dans la maison qu'il reconnaît comme étant celle de sa propre maîtresse, de sorte qu'il soupçonne que son ami est son rival. Et dans la troisième situation on confie à Léandre une femme qu'il croit être sa maîtresse, tandis qu'Arnolphe sait avec assurance qu'il est en possession d'Agnès. Par conséquent, Claude Bourqui conclut concernant le point de vue de Roger Guichemerre : ... au-delà de son manque de fondement, l'hypothèse de Guichemerre doit être récusée par les impasses dans lesquelles elle nous amène. ... Les péripéties qui, selon Guichemerre, auraient été tirées des *Fausses Véritez* consistent en des détails d'intrigue malaisément détachables de l'appareil complexe dont elles font partie et encore plus malaisément greffables sur d'autres appareils complexes. [103] En effet, une lecture attentive respectant le contexte des passages respectifs proposés, montre que les similitudes entre *Les Fausses Véritez* et *L'École des femmes* ne sont que des situations voisines, trop faibles pour maintenir l'hypothèse établie par Roger Guichemerre. # Le texte de la présente édition. Il n'existe qu'une seule édition des *Fausses Véritez*, exécutée en 1643 par Toussainct Quinet. En voici la description : In-4°, 2 ff. non chiffrés, 131 pages. ILES / FAVSSES / VERITEZ / COMEDIE. / PAR M*r* DOVVILLE. / feuilleton du libraire / A PARIS, / Chez TOVSSAINCT QVINET, au / Palais dans la petite Salle, sous la montée / de la Cour des Aydes. / M. DC. XLIII. / *AVEC PRIVILEGE DV ROY*. IIVerso blanc III*Extraict du Priuilege du Roy*. IVPERSONNAGES, – 131 pages : le texte de la pièce, précédé d'un rappel du titre en haut de la première page. L'achevé d'imprimer est daté du 28 janvier 1643. Bibliothèque nationale de France : Yf 645, Rés. Yf 316, 545, 1343. Bibliothèque de l'Arsenal – département des Arts du spectacle : Rf 6610, Bl 3485 format in-4°, et Gd 459, 41706 format in-8°. ## Établissement du texte. En règle générale nous avons conservé l'orthographe de l'édition originale, à quelques réserves près : – nous avons modernisé «∫ » en « s » et « ß » en « ss ». – nous avons distingué « i » et « u » voyelles de « j » et « v » consonnes, conformément à l'usage moderne. – nous avons décomposé les voyelles nasales surmontées d'un tilde en un groupe voyelle – consonne. – nous avons introduit les accents diacritiques chaque fois qu'il était nécessaire afin de distinguer « où », adverbe de lieu, de « ou », conjonction de coordination, et « à », préposition, de « a », verbe. – nous avons corrigé quelques erreurs manifestes (cf. liste de rectifications ci-dessous). – nous avons respecté la ponctuation d'origine, sauf lorsqu'elle nous paraissait évidemment erronée (cf. liste de rectifications). On peut constater que la liste des corrections effectuées est très longue. En effet, le texte de l'édition originale présentait non seulement des fautes d'orthographe, mais surtout des fautes d'impression, se manifestant, entre autres, dans l'apparition d'apostrophes fautives et dans l'omission de deux vers. Ces négligences dans la présentation imprimée de la pièce confirment certainement le moindre cas que l'on faisait de la comédie par rapport avec la tragédie. Le statut de celle-ci étant considéré comme supérieur, elle fut traitée avec beaucoup plus de respect par les imprimeurs. Dans ce sens *Les Fausses Vérités* reflètent à nouveau la hiérarchisation. De cette unique édition existent au moins deux différentes émissions, mais elles ne se distinguent que dans l'orthographe de *seureté* au vers 1635 et dans la ponctuation du vers 1641. Cette comédie est entièrement en alexandrins à l'exception du vers 39 qui ne possède qu'onze syllabes ; nous avons corrigé afin de rétablir le rythme métrique, nous renvoyons à la note correspondante. En outre, on constatera qu'en deux occasions un vers a été omis : les vers 247 et 570 manquent d'un vers correspondant qui ferme leur rime. Il s'agit apparemment d'une faute d'impression présente dans toutes les émissions de l'édition originale. En ce qui concerne le style d'écriture de d'Ouville, il ne peut pas être considéré comme très brillant. Un grand nombre de passages est difficile à comprendre à cause d'une syntaxe imprécise et très lourde, et que l'auteur peine à ajuster avec le cadre de l'alexandrin – un tel passage se trouve aux vers 1267-1276 : Il brusle comme vous de desir de sçavoir Quel est ce Cavalier qu'il croit qu'il vous vient voir, ... Feignant que nous avons eu quelque pique ensemble, J'entends mon frere & moy, tellement qu'il me semble Qu'il seroit à propos, si vous venez icy Que pour vous y servir, je m'y trouvasse aussy. De même des corrections apparemment effectuées par l'imprimeur sont fautives et rendent la compréhension du texte difficile (cf. vers 81-83). Les passages « identiques » à ceux de la source de cette pièce, la comédie de Calderón de la Barca *Casa con dos puertas mala es de guardar*, sont très abondants. Dans l'annotation qui accompagne le texte nous nous sommes bornés à faire les rapprochements qui s'imposaient. ## Le problème de la dédicace. Bien que d'Ouville ait annoncé dans l'épître de sa pièce précédente, *L'Esprit follet*, son intention de dédier sa comédie des *Fausses Véritez* à une dame, dont l'identité n'est pourtant pas précisée, cette épître n'est pas apparue. Néanmoins Lancaster propose – conformément aux informations d'Yvonne Green – Madame de Saincte Marie, Suzanne d'Espinay comme dédicataire [104]. ## Rectifications. Nous donnons ci-dessous la liste des erreurs et coquilles qui ont été corrigées dans le texte que nous proposons : ### Privilège du roy. *ligne 4*:ntitulée *ligne 6*: d imprimer *ligne10*:qu il ### Pièce. Nous avons corrigé « ou » en « où » dans les vers : 14, 96, 169, 276, 330, 444, 477, 496, 532, 601 (didascalie), 684, 699, 751, 752, 755, 784, 820, 852, 872, 963, 986, 1035, 1079, 1246, 1315, 1358, 1359, 1360, 1364, 1462, 1464, 1466, 1503, 1569, 1570, 1723. Nous avons corrigé « à » en « a » dans les vers : 42, 113, 412, 590, 727, 801, 843, 862, 921, 932, 1215, 1232, 1234, 1235, 1401, 1464, 1674, 1682. Nous avons corrigé « a » en « à » dans les vers : 27, 260, 354, 434, 702, 811, 914, 937, 1195, 1210, 1489 (*2*e* didascalie*), 1492 (*didascalie*), 1526, 1541, 1733, 1760, 1779. **Acte I** : Vers 22 qu'el / 36 charmãt / 38 m'en porte / 44 ny / 45 curiositê / 47 Cy / 48 laict / 49 dont / 54 l'evé / 61 tout / 82 qué j'eu / 85 quelle / 106 Ma / 114 Converty / 115 ma / 118 Me s'entant / 122 aimãt / 140 j'ettant / 144 s'en / 164 N'y / 169 adroitté / 174 plusieursfois / 175 je m'ettois / 177 Lidamañt / 186 l'istoire / 189 t'enmeine / 194 maistresse souvent, / 204 Sçache-lé, ennuits / 209 offencee / 210 pensee / 211 Où, advenir / 216 n'y / 221 donne / 231 j'asprehendois / 242 se / 247 d'y / 252 surprếndre / 253 t'on / 254 l'anguy / 255 là / 271 j'ais / 275 dont / 277 Qu'elle / 279 & / 295 voulez vous / 299 dont / 304 abusèe / 305 ma / 307 surprit / 313 au / 325 l'angage / 336 cõfondre / 339 n'aist / 342 à par soy / 343 qui / 345 offrãdes / 346 Possons / 355 Jl / 356 dés / 366 j'adore / 385 joy **Acte II** : Vers 390 (*didascalie*) d'orasie / 394 t'elle / 396 j'euse / 402 la bas / 417 s'eust / 420 voulu / 425 A lors / 426 je fu / 428 ly / 431 ma / 439 afin / 450 Je / 459 cõme / 464 des / 484 roproche / 509 nõ / 518 la / 539 tãtost / 566 J'euse / 568 n'y / 595 touts / 606 la / 624 la / 627 la haut / 629 m'estõne / 635 hair / 645 asseurãce / 650 ausquels / 654 dicy / 658 n'oseroiẽt, l'entreprẽder / 667 ma / 669 pusse / 670 mescraser / 691 meschãt / 704 m'on d'eceu / 710 mõ / 727 dont / 731 mẽtir / 741 je vient **Acte III** : Vers 753 Qu'elle / 755 D'ou, n'aist / 758 tu regarde / 770 capricè / 780 Ma / 782 entẽder / 784 Venoiẽt, chãbre / 787 n'y / 789 troublee / 804 sur touts / 805 n'aist / 810 N'y / 812 dãs / 828 bijarre / 839 Au / 845 la / 849 d'estourner / 851 ma / 853 (*didascalie*) reñtre / 909 Commẽt / 915 qu'avez vous / 920 dõner / 921 cõmet / 923 la / 932 quelle / 934 visité / 934 J'i / 942 ilz / 943 t'eu / 962 suprenant / 974 vueille / 977 hõme / 979 peut-estre / 980 la / 988 chãgons / 989 my, cõtraindre / 991 dont / 992 la bas / 995 emmeyne / 997 ouir / 1009 laudace / 1021 tous / 1037 biẽ / 1040 considerer / 1065 cõmuns / 1072 Vueilleis-je / 1081 qui / 1085 prefidie / 1094 A / 1114 (*didascalie*) voñt **Acte IV** : Acte IIII / vers 1115 c'est / 1117 estõnez / 1127 poussee / 1128 ma / 1139 ny / 1141 men hardi / 1159 la bas / 1170 la / 1171 longs, la dessus / 1192 quelle / 1193 La / 1197 biẽ, cét / 1200 des / 1205 amãte / 1206 quelle / 1213 qu'y / 1222 raisõ / 1230 Quelle / 1234 allors / 1237 La dessus / 1243 cõtents / 1273 feignãt / 1274 sẽble / 1276 my / 1279 des / 1288 lé / 1291 ma / 1303 & / 1306 demãder, mõ / 1311 viẽt / 1314 touts / 1316 m'anqueroit / 1362 la dedans / 1363 asseuerment / 1366 N'y / 1414 celle / 1418 Quãd / 1420 Carfour. **Acte V** : Vers 1422 circonstance / 1424 seul / 1429 sui / 1448 marchõs / 1449 la / 1454 Toubeau / 1456 lé / 1471 dãs / 1473 la / 1475 outré / 1489 Toubeau / 1492 (*didascalie*) *bas a leandre* / 1497 (*didascalie*) *en entrañt* / 1518 dõnez / 1520 cõme / 1525 meschãt, affrõte / 1536 viẽt / 1561 serace, Garnds / 1577 r'en / 1582 Est-tu / 1594 lé / 1602 Qu'elle / 1613 ouir / 1637 (*didascalie*) *à* / 1649 trõpe / 1656 mõ / 1661 pẽsiez / 1667 pers / 1685 m'enti / 1688 des / 1689 emmenee / 1699 venir / 1703 faut / 1711 qu'elle / 1712 intherest / 1737 rõprons / 1747 touts / 1756 intherest / 1757 Vueilley-je / 1758 dedãs / 1762 commẽt, Leãdre / 1770 Qu'elle / 1784 dont / 1787 touts, d'eux / 1788 cõble ## Rectifications dans la ponctuation.  .  ,  – vers 165, 295, 363, 369, 1104, 1383, 1565, 1566, 1607, 1725  .  ø  – vers 312, 350, 605, 698, 948, 976, 1144, 1161, 1183, 1210, 1270, 1298, 1400, 1435, 1451, 1492, 1519, 1655, 1746 (didascalie)  .  ?  – vers 49, 959, 1030  ,  .  – vers 148, 164, 179, 192, 244, 365, 417, 419, 668, 760, 810,1036, 1152, 1203, 1291, 1382, 1423, 1470, 1544, 1606  ,  ø  – vers 781, 839, 1217, 1380, 1667  ,   ?  – vers 1362  ø  .  – vers 35, 44, 53, 58, 61, 141, 156, 299, 304, 314, 345, 535, 550, 587, 599, 641, 816, 865, 867, 869, 950, 995, 1029, 1033, 1041, 1051, 1075, 1110, 1115, 1124, 1130, 1192, 1255, 1376, 1401, 1432, 1436, 1492, 1546, 1723  ø  ,  – vers 78, 131, 140, 167, 177, 207, 228, 254, 274, 283, 286, 287, 288, 296 (2x), 306, 318, 319 (au 1*er* hémistiche), 328, 392 (au 1*er* hémistiche), 436, 455, 500, 516, 530, 539, 547, 557, 558 ( au 1*er* hémistiche), 595, 606, 624, 635, 669, 673, 715, 721, 782, 819 (au 1*er* hémistiche), 824, 988, 1033, 1057 (didascalie), 1142, 1157, 1214, 1284, 1322, 1379, 1474, 1521, 1580, 1622, 1735, 1746 (didascalie)  ø   ; – vers 1017 (au 1*er* hémistiche)  ø  ?  – vers 1154, 1283, 1284, 1675  ø   !  – vers 1425  ?  .  – vers 430, 1031, 1155, 1363  ?  ,  – vers 958, 1288  ?  ø  – vers 48, 70, 1488, 1659  ?  !  – vers 956, 1236  !   ? – vers 1582 # Les Fausses Vérités Comédie. ## Extraict du Privilege du Roy. PAR grace & Privilege du Roy donné à Paris le 21. de Juillet 1642. Signé par le Roy en son Conseil, LE BRUN, Il est permis à *Toussaincts Quinet*, Marchand Libraire à Paris, d'imprimer ou faire imprimer vendre & distribuer une piece de Theatre intitulée *Les Fausses Veritez, Comedie du sieur Douville*, & ce durant le temps de cinq *ans*, à compter du jour que ladite piece sera achevée d'imprimer, & deffenses sont faites à tous Imprimeurs & Libraires d'en imprimer vendre & distribuer d'autre impression que de celle dudit Quinet, ou ses ayans causes, sur peine aux contrevenans de trois mille livres d'amende, confiscation des exemplaires & de tous despens dommages & interests, ainsi qu'il est plus au long porté par lesdites lettres qui sont en vertu du present extraict tenus pour bien & deuement signifiées. Achevé d'imprimer pour la premiere fois le vingt- huictiesme Janvier 1643. ## PERSONNAGES. – FLORIMONDE.Damoiselle Parisienne, Amoureuse de Lidamant, & sœur de Leandre. – NERINE.Suivante de Florimonde. – LIDAMANT.Gentilhomme de Languedoc, amy de Leandre, Amoureux de Florimonde. – LEANDRE.Amy de Lidamant, frere de Florimonde, & Amoureux d'Orasie. – ORASIE.Damoiselle Parisienne, fille de Tomire, & Amoureuse de Leandre. – JULIE.Suivante d'Orasie. – TOMIRE.Vieillard, Pere d'Orasie. – FABRICE.Serviteur de Lidamant. – LISIS.Serviteur de Tomire. – La SCENE est à Paris. ## ACTE I. ### Scene première. FLORIMONDE, NERINE, dans leur Chambre qui viennent de dehors. FLORIMONDE. Je n'en puis plus Nerine, Ah Dieux que je suis lasse Laisse moy reposer. NERINE.         Mais dites-moy de grace Quel plaisir vous prenez à vous lasser ainsi. Ce que vous cherchez loin l'avez vous pas icy [105], Pourquoy tous les matins resver [106] aux Tuilleries Ne sçauriez vous passer ailleurs vos resveries ? Encor venir à pied. FLORIMONDE.         Demandes tu pourquoy ? En sçais tu pas la cause aussi bien comme moy ? Nerine ignores tu le suject de ma flamme ? NERINE. Non vous m'avez ouvert le secret de vostre ame. Vous aimez Lidamant, mais Dieux qu'est-il besoin L'ayant logé chez vous de le chercher si loin Il a chez vostre frere estably sa demeure, Où vous pouvez vous voir & parler à toute heure. FLORIMONDE. Las si j'en suis connuë, il faut absolument Me resoudre à mesme heure [107] à perdre cét Amant, NERINE. Parlez luy franchement, & luy faites entendre [108] Que vous estes la sœur de son Amy Leandre, Quand vous luy deffendrez [109] je le tiens si discret, Qu'il ne voudra pour rien reveler ce secret. FLORIMONDE. Tu ne sçais pas encor, & c'est ce qui m'afflige Jusqu'à quel point d'honneur [110] l'amitié nous oblige. C'est un lien trop fort, je sçay que Lidamant Est plus parfaict Amy qu'il n'est fidelle Amant. Son amitié Nerine est pure & trop sincere Pour me vouloir servir au deceu de mon frere [111] ; NERINE. Il ne vous aime point, ou n'aime qu'à demy S'il veut à son amour preferer son Amy, Pourquoy Leandre encor vous deffend il sa veuë ? FLORIMONDE. Je n'en sçay rien Nerine, & c'est ce qui me tuë, Il dit pour s'excuser qu'il y va de l'honneur, Mais j'en donne la cause à sa jalouse humeur, La moindre opinion cause ces resveries [112], Je le voy cependant tousjours aux Tuilleries, Et là nous nous donnons rendez vous tout les jours. C'est dans ce lieu charmant que sont nais nos amours Et cette passion est si grande & si forte Que c'est chere Nerine un torrent qui m'emporte. NERINE. Madame il m'a semblé que jusques à ce jour [113] Avec plus de respect il a traitté l'amour, Je ne vous suivois point de peur de vous deplaire, Mais il a ce matin paru plus temeraire, Tous vos commandemens ont esté superflus. FLORIMONDE. Je le puniray bien en n'y retournant plus. Sa curiosité me cousteroit la vie, Il meurt de me connoistre, & m'a tantost suivie Si prez de mon logis que peu s'en est falu Qu'il ne l'aict descouvert. NERINE.         Vous avez resolu De ne le voir donc plus ? FLORIMONDE.         Ah chere confidente Mon amour est trop grand, ma flame est trop ardante, Quoy ! que je peusse vivre, & jamais ne le voir ? Crois tu qu'en le voulant j'en eusse le pouvoir, Non il est trop aimable, il a trop de merite. Mais mon frere est levé, tachons par ma visite, D'empescher le soupçon qu'il pourroit bien avoir, Que je viens de dehors. NERINE.         Quelqu'un vient pour le voir Il entre j'oy du bruit. FLORIMONDE.         Dieux j'estois attrapée, C'est Lidamant sans doute, ou je suis bien trompée. Cette porte respond dans son appartement Comme tu le sçais bien, & fort facilement J'entends tous leurs discours quand ils parlent ensemble. Escoutons les Nerine, Aujourd'huy ce me semble, Ou je me trompe fort, on parlera de nous. ### Scene II. LIDAMANT, LEANDRE, dans la Chambre de Lidamant, & Florimonde & Nerine dans la leur les escoutant. LIDAMANT. Comment ? desja levé ? LEANDRE.         Vous en estonnez vous ? Estonnez vous plustost qu'avec tant de tristesse Je ne succombe point au tourment qui m'oppresse Comme je puis durer un quart d'heure en repos, Voyant que mon esprit s'esgare à tout propos [114], Mais vous libre d'humeur quel suject vous oblige, D'estre si matinal ? LIDAMANT.         Un tourment qui m'afflige Une rare beauté me met en tel soucy Que je n'en puis dormir [115]. LEANDRE.         Quoy vous aymez aussy ? LIDAMANT. C'est trop peu dire aymer, j'adore une merveille. LEANDRE. Pour recevoir de vous une faveur pareille, Je vous veux raconter comme je vous ay dit, Le suject qui me rend tellement interdit. LIDAMANT. Vous m'obligerez fort. FLORIMONDE *bas à Nerine*.         Escoute icy Nerine On parlera de nous. LEANDRE.         Une beauté divine, Un object plus qu'humain m'a desrobé le cœur, Je ne vous diray point le nom de mon vainqueur. Je vous veux taire aussi qu'en servant cette belle, Moins Amoureux qu'aymé, les faveurs⁎ que j'eus d'elle [116], Et tout ce que l'honneur m'en pouvoit obtenir ; Car je veux les perdant perdre le souvenir. Je diray seulement qu'elle estoit satisfaite, Que pour elle j'avois une amour [117] tres parfaite, Et qu'ainsi j'esperois sans trop de vanité En possedant un jour cette rare beauté De jouir des douceurs que donne l'Hymenée ; Mais comme⁎ j'attendois cette heureuse journée Ayant le vent en pouppe en cette mer d'Amour, Un orage survint qui troubla ce beau jour, Et me mit au danger d'un perilleux nauffrage, Au milieu de mon ayse, une peste, une rage, Une jalouse humeur pour me combler d'ennuis⁎ M'a reduit miserable, en l'estat où je suis. Ne croyez pas pourtant parlant de jalousie, Que mon ame jamais en ait esté saisie ; Non de ce trait perçant mon cœur n'est point blessé C'est moy qui l'ay donnée [118], Ah Dieux qui l'eust pensé, Que cette passion fust cent fois plus aysée A souffrir quand on l'a que quand on l'a causée. Une certaine Iris, à qui j'ay faict la Cour, Croyant que je l'aymois d'un veritable Amour, Que pour tout autre object mon cœur estoit de glace, M'a causé depuis peu cette estrange disgrace, Ayant sçeu par malheur cette inclination, Voyant que je bravois ainsi sa passion, Pour se vanger de moy cette Iris trop cruelle M'a peint à ma maistresse inconstant infidelle, Et par quelques escrits qu'elle a montrez de moy, Elle a faict qu'Orasie a douté de ma foy, Et dedans cette erreur a faict que l'inhumaine A pour moy converty tout son amour en haine, Et m'a par ces mespris mis en tel desespoir Que je n'ose esperer seulement de la voir, Pour la desabuser de sa creance veine, Me sentant innocent jugez qu'elle est ma peine [119]. LIDAMANT. Je plaindrois vostre mal si vous estiez jaloux, Mais non pas de sçavoir que l'on le soit de vous, Trouvant entre les deux la difference mesme [120] Qu'endurer en aimant, ou souffrir qu'on nous aime. Oyant nommer ce mot, vous m'avez faict trembler Et ne sçavois comment vous pouvoir consoler [121], Mais de cette façon vous estes consolable, Il n'est point entre Amants de passetemps semblable Que de faire parfois la guerre tout expres, Afin d'avoir sujet de s'accorder apres. Allez voir cette Dame en effect trop credulle, Et tenez pour certain quoy qu'elle dissimule, Puis que vous tesmoignez qu'elle a l'esprit jaloux, Qu'elle est sans doute en peine encore plus que vous. LEANDRE. Je ne crois en cecy que ce que j'en doy faire [122], Parlez à vostre tour, contez moy vostre histoire. LIDAMANT. J'ayme, & je ne sçay qui, C'est vous dire en deux mots, Le suject qui me trouble, & m'oste le repos. Le jour que j'arrivé [123], remply de resveries Je m'allé promener dedans les Tuilleries, Là de tous les objects je vy le plus charmant, Qui jettant l'œil sur moy, Lidamant Lidamant, Dit elle approchez vous, j'ay deux mots à vous dire. Jugez de ma surprise, ah beauté que j'admire, Luy dis-je, trop heureux est vrayment l'estranger, Qui par un tel object se sent tant obliger, Dont le nom est cogneu d'une telle merveille : Elle se mit à rire, & me dit à l'oreille : Un tel homme que vous, (si j'en sçay bien juger) Ne peut en aucun lieu passer pour estranger. Je ne vous diray point son accueil, ses caresses, Qui marquerent sa flamme avec mille tendresses, Je vous tay par respect l'honneur qu'elle me fit, Et vous doy taire aussy tout ce qu'elle me dit, Car un homme est trop vain, & merite du blame, De vanter [124] les faveurs⁎ qu'il reçoit d'une Dame [125]. NERINE *bas à Florimonde.*. Madame, c'est de nous qu'il parle asseurement. FLORIMONDE *bas.*. Justes Dieux qui pourroit advertir Lidamant. Ah ! qu'il m'obligeroit à present de se taire, Il pourroit bien donner du soubson à mon frere. LEANDRE. Le succez⁎ est estrange. LIDAMANT.         Enfin nous nous donnons Rendez vous au lieu mesme, & nous nous y trouvons, Tous les jours au matin, & ce qui plus m'estonne, C'est qu'elle me deffend de le dire à personne, Et mesme ne veut pas que je sçache son nom, Ny que j'aille apres elle apprendre sa maison. Aujourd'huy toutesfois, il m'en a pris envie, Et rompant tout respect je l'ay tantost suivie, Nonobstant sa deffence & malgré mon devoir, Mais un salut forcé m'a privé de la voir [126], En gagnant cette ruë où cette belle adroitte A mon œil curieux c'est finement soustraitte. LEANDRE. Comment en cette rue. LIDAMANT.         Ouy tout proche d'icy. LEANDRE. Cét accident⁎ m'estonne, & me met en soucy Ne pouvant soubsonner du tout qui ce peut estre. LIDAMANT. M'ayant dit plusieurs fois qu'en la voulant cognoistre, Je mettois en hazard [127] sa vie & mon honneur [128]. ### Scene III. Julie, Leandre, Florimonde, Lidamant, JULIE *à Leandre.*. Une fille en secret pourra-t'elle Monsieur Vous dire icy deux mots ? LEANDRE *bas à Lidamant.*.         Que j'ay l'ame contente, Escoute cher Amy, c'est icy la suivante, De ce charmant object dont je vous discourois. Nous pourrons escouter le reste une autre fois, Vous me permetrez bien de parler avec elle, Sans doute elle m'apporte une heureuse nouvelle. FLORIMONDE *bas.*. Femme qui que tu sois, que tu viens à propos, Mais un Ange plustost [129] venu pour mon repos. [130] LIDAMANT. Voyez si vous devez une autre fois me croire [131] ? Nous avons trop de temps pour achever l'histoire, Regardez si j'ay tort de vouloir presumer Que je suis bien sçavant en matiere d'aimer. ### Scene IV. LEANDRE, JULIE, LEANDRE. Qui t'amène [132] Julie ? As tu quelque nouvelle ? Respons moy promptement que faict cette cruelle ? M'apportes tu la vie, ou l'arrest de ma mort ? JULIE. Vous ne sçauriez vous plaindre, ou vous auriez grand tort. Leandre si j'osois prendre la hardiesse Je vous verrois souvent, mais quoy si ma maistresse Sçavoit que j'en eusse eu seulement le dessein, Je crois que je mourrois à l'heure [133] de sa main. LEANDRE. Rien ne peut donc fleschir l'excez de sa colere ? JULIE. M'envoyant icy pres pour un certain affaire [134] Je n'ay peu m'empescher de venir m'informer, Comment vous vous portez [135]. LEANDRE.         Oses-tu presumer, Que je me porte bien dans le mal-heur extréme Où m'a reduit l'orgueil de l'ingrate que j'ayme, Va, si tu veux sçavoir en quel estat je suis, Sçache-le du suject qui cause mes ennuis⁎ ; Mais que fait cét object de mon inquietude ? JULIE. Sans cesse elle se plaint de vostre ingratitude. LEANDRE. De mon ingratitude ? Ah Julie entens-moy, Si j'ay manqué pour elle, ou d'Amour ou de Foy, Si l'on me peut prouver que je l'aye offencée, D'effect ce seroit trop, de la moindre pensée [136], Que je sois execrable aux races à venir, Et que la foudre éclatte icy pour me punir. JULIE. Si vous avez desir que ce discours la touche Que ne luy dites-vous [137] ? LEANDRE.         Dieux, elle est si farouche Que ce seroit en vain à moy de le tenter Puis qu'elle ne veut pas me voir, ny m'escouter. JULIE. Si vous estiez secret, je pourrois entreprendre De vous mener chez elle & de vous faire entendre, Mais j'apprehende trop. LEANDRE.         Je te jure & promets De te tenir parole, & n'en parler jamais, Faisant cela pour moy, tu me donnes la vie. JULIE. Je puis bien contenter vostre Amoureuse envie, Je crains mais je vous veux servir [138] en ce besoing, Sur tout dissimulez, & me suivez de loing Attendez à la porte, & je vous feray signe Si son pere est sorty. LEANDRE.         Cette faveur insigne, Ne sçauroit se payer qu'en expirant pour toy. JULIE. Ne tardez pas, venez tout à l'heure apres moy. LEANDRE. Va, marche, je te suis. JULIE.         Il faut bien peu d'adresse, Pour tromper un amant espris d'une maistresse [139]. ### Scene V. FLORIMONDE, NERINE dans leur Chambre. FLORIMONDE,. Dieux que j'apprehendois qu'en contant ses Amours Lidamant ne poussast trop avant un discours, Qui sans doute eust donné du soubson à mon frere. NERINE. Quand ils se reverront ne se peut-il pas faire Qu'ils paracheveront le discours commencé ? FLORIMONDE. S'il m'arrive en effect comme je l'ay pensé J'y remedieray bien, il me luy faut escrire, Que je luy veux parler, je sçay qu'il le desire, Mais il faut sans manquer que ce soit au jourd'huy. NERINE. Le moyen de le voir, & de parler à luy ? FLORIMONDE. Amour m'en fournira je vay voir Orazie, Qui peut sur ce suject seconder mon envie, Je sçay bien qu'elle m'aime, il faut au pis aller Luy descouvrir le feu dont je me sens brusler, Nerine par un art le plus joly du monde Je faindray qui je suis : mais tay toy Florimonde, N'en dy pas davantage, allons n'en parlons plus [140]. ### Scene VI. ORASIE seule dans sa Chambre. Dieux, peux tu vivre encor, Miserable Orazie ? Quand verray je la fin de cette jalousie, Qui fait dessus mon cœur de si cruels efforts Que je sens sans mourir tous les jours mille morts ? Que n'ai-je avant le jour que tu me vins surprendre [141] Recogneu ton Esprit [142] infidelle Leandre ? Va cherir ton Iris, languy dans ses appas⁎, Adore la cruel, mais ne me brave pas, Ne peux tu sur mon cœur emporter la victoire Sans t'en vanter ingrat, & sans en faire gloire ? Ma Julie as tu veu cét infidelle Amant ! ### Scene VII. Julie, Leandre, Orazie. JULIE. Ouy j'ay jouë mon rolle assez adroittement. Leandre m'a suivie, il attend à la porte Madame, entrera-t'il. ORAZIE. [143].         Mais que ce soit en sorte Qu'il ne soubsonne pas. JULIE.         Je vous entends fort bien. Ay-je si peu d'esprit ? n'ayez crainte de rien, Je sçay fort bien conduire une Amoureuse ruze. ORAZIE *seule*. Va tost. Voyons comment ce volage s'excuse, Encore qu'on⁎ nous mente en telles actions, Nous desirons avoir des satisfactions. Qu'elle soit vraye, ou fausse, elle aura de la grace, Et j'auray le plaisir du moins qu'il me la face [144]. Pourveu que je le voye & soumis, & rendu, Je croiray tout gagner quoy que j'aie tout perdu [145]. JULIE *à la porte avec Leandre.*. Elle est seulle au logis l'occasion est belle. LEANDRE. Va, je recognoistray⁎ ce service fidelle. JULIE. Madame nous entend & pourroit m'accuser, Aidez moy donc à feindre afin de m'excuser, Quoy malgré moy me suivre ? he Dieux où va Leandre, Quelle temeritê, qu'allez vous entreprendre. ORAZIE. Quel bruit entens-je icy, quoy Leandre chez moy, Tu l'introduits Julie, je ne m'en prens qu'à toy [146]. JULIE. Madame, il m'a contrainte. LEANDRE.         A moy seul est l'offence. N'accusez pas encore à tort son innocence. ORAZIE. J'ay fait tort à la vostre, & mon cœur s'est mespris Aux soubsons de l'Amour & des faveurs⁎ d'Iris, Vous n'avez jamais eu cheveux ny lettres d'elle, Vous estes demeuré pour moy tousjours fidelle, Vous n'avez jamais fait le vain [147] de mes faveurs⁎, Vos visites jamais n'ont marqué vos ferveurs, Vous n'avez point écrit à cette belle Dame Je suis cruelle, injuste à grand tort je vous blasme [148]. Leandre est-il pas vray que je me trompe fort Et que je persecute un innocent à tort, Vous n'avez contre moy commis aucune offence, Et je me prens encore à la mesme innocence [149], Me mesprisant ainsi, pourquoy me cherchez vous ? Que voulez vous de moy. LEANDRE.         Moderez ce courroux⁎, Et je vous feray voir, adorable Orazie, L'injuste fondement de vostre jalousie, Que vos soupsons sont faux. ORAZIE.         Dieux quelle vanité, Moy jalouse de vous ! LEANDRE.         Qu'avez vous donc esté [150]. ORAZIE. En colere de voir une inconstance telle En un [151] qui fait pour moy l'Amant & le fidelle, Puis qu'Iris en effect vous plaisoit plus que moy Qui vous portoit perfide à m'engager la foy, Quelle gloire avez vous de m'avoir abusée. Amour ne m'a peu voir plus long-temps mesprisée, Il m'a tout faict cognoistre, ingrat j'ay trop appris. Comme il faict l'interdit, comme il faict le surpris, Sortez d'icy perfide, allez esprit volage. Je ne puis vous aimer ny vous voir davantage. LEANDRE. Pour me justifier je ne veux qu'un moment. Madame escoutez moy. ORAZIE,.         Vois tu des-ja comment Avant que de parler & former son excuse Son sang monté du cœur au visage l'accuse. LEANDRE. Escoutez moy de grace. ORAZIE.         He bien que direz vous. LEANDRE. Ce qui de vostre esprit calmera le courroux⁎. ORAZIE. Parlez. LEANDRE.         Je passerois pour un menteur infame Si je vous soustenois d'avoir esté sans flame Pour les beautez d'Iris. ORAZIE.         Leandre c'est assez, Vous n'en dites que trop, quoy vous le confessez, Apres un tel discours aurez vous bien l'audace De vous justifier. LEANDRE.         Escoutez moy de grace, Si j'ay peu pour Iris souspirer quelque jour Ce n'estoit point Madame, un veritable Amour, Ce n'estoit qu'un essay, qu'un pur apprentissage, Pour sçavoir adorer vostre parfaict langage [152]. Pour aimer Orazie il est vray que j'ay pris Des leçons pour m'instruire en l'Escole d'Iris. ORAZIE. Dieux, que cette raison est absurde et frivole, L'Amour pour estre instruit ne va point à l'escole, Car où les volontez luy prescrivent la loy, Il est docte en naissant, il n'apprend que de soy [153]. Il resveille l'esprit du plus stupide mesme, On peut instruire autruy, si tost que l'on dit j'ayme, L'Ecolier est le maistre, & qui prend tant de soins, D'estre instruit comme vous, sans doute en sçait le moins. LEANDRE. Puis que par mes raisons vous me voulez confondre Au moins permettés moy de vous pouvoir respondre, En me donnant loisir je m'expliqueray mieux. Je donne un autre exemple, un homme naist sans yeux. Il entend faire cas de cét Astre qui dore L'Univers de ses rais, que precede l'Aurore, Quand il peut raisonner, il discourt à part soy, Quel est cét œil brillant qu'il cognoit par la foy [154], Il oit de sa beauté des loüanges si grandes Qu'il l'admire en [155] son cœur & luy faict des offrandes. Posons qu'en une nuict pleine d'obscurité Il ait l'heur⁎ de jouir du bien de la Clarté, Que le premier object qui paroist à sa véuë, Soit une belle estoille en l'ayant apperceuë, Il croit asseurement que ce brillant esclat Est celuy dont chacun luy faisoit tant d'estat [156]. Mais lors que le Soleil vient en sortant de l'onde De ses rayons dorez illuminer le Monde, Chassant à son abord les ombres de la nuit, Il voit comme aussi tost cette estoille s'enfuit Ce qui dès là l'oblige à n'en plus faire conte, Une estoille qui cede, & qui s'en fuit de honte, Aussi tost que paroist un Astre plus puissant, Peut-elle faire tort à ce Soleil naissant ? Je suis en cét estat, j'estois privé de veuë, Avant que d'avoir veu ce bel œil qui me tue, Et comme⁎ je cherchois si je pourrois un jour Cognoistre quel estoit ce veritable Amour, Je vy paroistre Iris, & je dis en moy mesme, Voicy ce que je cherche, & ce qu'il faut que j'aime. J'adoré sur le champ la beauté que je vy, Je ne vy qu'une estoille, & si j'en fus ravy, D'autre admiration mon Ame fut saisie Quand parut à mes yeux l'adorable Orazie, Qui d'un brillant esclat à cét Astre pareil Chassa loing cette estoille au lever du Soleil [157]. ORAZIE. Iris est le Soleil, moy l'estoille à ce conte Qui paslis devant elle, & qui m'en fuy de honte, Car vos lettres font foy que vous faites la Cour A ce brillant Soleil à toute heure du jour Et de nuit seulement vous voiez Orazie. LEANDRE. Madame donnez trefve à cette jalousie. Si depuis que sur moy vous avez du pouvoir, Je l'ay veue, ou taché seulement de la voir, Que le Ciel me punisse, elle ne s'est servie De cette trahyson que pour m'oster la vie, Que mon cœur soit en butte à toutes vos rigueurs [158] Si je me suis jamais vanté de vos faveurs⁎ Si jamais. ORAZIE.         Taisez vous, je sçay bien le contraire, On entre j'oy du bruit. JULIE.         He Dieux ! c'est vostre Pere. ORAZIE. Va Julie ouvre luy par l'autre appartement Qui respond sur la ruë, Adieu parfaict Amant. Allez voir ce Soleil qui chasse la nuict sombre Pres duquel je ne suis qu'une estoille & qu'une ombre. Fin du premier Acte. ## ACTE II. ### Scene première. ORASIE, FLORIMONDE, JULIE, dans la chambre d'Orasie. ORASIE. Vous me rendez Madame, aujourd'huy glorieuse, Vous m'honorez par trop. FLORIMONDE.         Dieux que je suis heureuse De vous trouver icy, comment va la santé ? ORAZIE. Je me dois bien porter, puis que j'ay merité De recevoir l'honneur d'une telle visite. FLORIMONDE. Trefve de complimens, avant que je vous quitte Vous direz que de vous j'use trop librement. ORASIE. Vous avez tout pouvoir, parlez moy franchement. Mais seyons nous devant⁎. FLORIMONDE.         Oyez doncques Madame, Je vous veux descouvrir tout ce que j'ay dans l'ame Vous estes genereuse, & je puis que je croy⁎ Vous fier un secret, ORASIE.         Reposez vous sur moy. FLORIMONDE. Sommes nous seules ? ORASIE.         Ouy, va t'en là-bas Julie. FLORIMONDE *la retenant*. Non demeurez icy. ORASIE.         Parlez je vous supplie, FLORIMONDE. J'aime, & du trait [159] d'Amour mon cœur est si touché A ce mot je rougis, mais quoy je l'ay laché, ORASIE. Vous en dites assez, je vous plains, sans vous plaindre, Avec tant de merite avez vous rien à craindre ? Est-il homme icy bas qui ne soit glorieux, De souspirer pour vous, en servant vos beaux yeux. Mais me ferez vous point la faveur de me dire Quel est ce doux vainqueur, qui vous tient en martyre ? FLORIMONDE. Mon frere a faict venir depuis cinq ou six jours Chez luy ce cher object de mes chastes Amours. Mais il me fit sur l'heure une expresse deffence, De paroistre chez luy du tout en sa presence, Disant qu'il importoit pour certaine raison Qu'il seust qu'il se tenoit tout seul dans sa maison [160]. Avec cette deffence il m'augmenta l'envie, De le voir fusse mesme aux despens de ma vie. Apres que je l'eus veu, je luy voulus parler, Ayant sçeu son dessein, & qu'il devoit aller Se divertir [161] sur l'heure en une promenade, J'y fus, & le trouvant prés d'une pallissade Je rendy de tout point confuse sa raison, Alors qu'il s'entendit apeller par son nom, Bref de son entretien je fus si satisfaitte, Que cela de tout point acheva ma deffaitte. Je l'y voy tous les jours, mais il est en soucy, De cognoistre mon nom & mon logis aussi. N'ayant peu [162] jusqu'icy refrener [163] cette envie. En dépit que j'en eusse, il m'a tantost suivie Et me suis finement derobée à ses yeux [164] , Au point qu'il [165] contentoit son desir curieux, Mais comme à tous momens il est avec mon frere J'ay peur qu'il ne descouvre à la fin ce mistere, Aydez moy chere amie en cette extremité, J'ay bien dans mon esprit un moyen inventé, Qui de ma defiance est l'asseuré remede Mais quoy je ne le puis mettre à fin [166] sans vostre àide, Ils ne peuvent manquer de se voir aujourd'huy, Mais il faut que je parle auparavant à luy, Pour y parvenir donc, j'ay trouvé la finesse De le faire conduire en ce lieu par adresse, Où je luy parleray si vous le trouvez bon, Nous pouvons aysement & sans aucun soubson Nous voir en asseurance, & discourir ensemble. ORASIE,. Avant qu'en venir là [167], vous devez ce me semble, Peser plus meurement & considerer mieux Qu'il en peut arriver du scandale en ces lieux. FLORIMONDE. J'ay tout consideré n'en soyez point en peine, ORASIE. Cette precaution sans doute sera vayne Car s'il vient à sçavoir. FLORIMONDE.         Non de cette façon, Il n'en sçauroit jamais avoir aucun soubson, Quand nous serons ceans⁎ vous & moy separées, Dedans cette maison on vient par deux entrées, Lidamant peut venir assez facillement, Par celle de derriere en cét appartement, Il croira ce logis estre le mien de sorte Qu'ignorant comme il faict qu'il ait une autre porte, Il ne pensera pas qu'il puisse avoir aussi D'autre maistre que moy. ORASIE.         Quel sera mon soucy Si mon pere survient. FLORIMONDE.         Vous estes bien peureuse, Il faudroit en effect estre bien mal-heureuse, Si l'on nous surprenoit dès le premier larcin [168], ORASIE. Je ne vous celle⁎ point que j'en crains bien la fin. FLORIMONDE. Sortant par cette porte, il ne le peut surprendre, ORASIE *bas*. Dieux ! j'ay bien plus de peur encore de Leandre, Elle ne sçait pas tout. FLORIMONDE.         Parlez moy franchement, ORASIE. Je voudrois vous servir mais je ne sçai comment. ### Scene II. Nerine, Florimonde, Orasie, Julie. NERINE,. J'emmeyne Lidamant, il attend à la porte. FLORIMONDE. Puis que vous n'avez point de raison assez forte, Aydez nous chere amie & gardez le secret. ORASIE. En cette occasion je vous sers à regret. FLORIMONDE. Faites luy donc ouvrir la porte de derriere, Vous pardonnerez bien cette injuste priere. ORASIE. Vous avez tout pouvoir, je vous laisse en ce lieu, Où vous estes Maistresse. Adieu ma Dame. FLORIMONDE.         Adieu. ### Scene III. Nerine, Lidamant, Florimonde, NERINE. Voicy cette maison que vous brusliez d'envie De cognoistre Monsieur. LIDAMANT.         Mon Ame en est ravie. FLORIMONDE. Et bien qu'en dites vous ? vous a t'on point surpris, LIDAMANT. Ouy, l'excez de ma gloire estonne mes espris, Car je ne croyois pas que mon heur [169] fust si proche. FLORIMONDE. Sçavez vous bien que c'est pour vous faire un reproche ? LIDAMANT. Un reproche Madame ? FLORIMONDE.         Ouy tres asseurement. Je me plains fort de vous, dites moy Lidamant, A qui commenciez vous à conter vostre histoire Qu'une fille arrivant si j'ay bonne memoire, Vous empescha tous deux : Vous de la raconter, Et l'autre en mesme temps de pouvoir l'escouter ; Parlez respondez moy. LIDAMANT.         Dieux que puis-je respondre. Ce discours seulement suffit pour me confondre, O bel object aimable & beaucoup plus aymé Je ne sçay que vous dire, helas je suis charmé, Je pourrois sur ce point vostre esprit satisfaire, Mais je ne le veux pas j'aime bien mieux me taire. Dans cette grande ville où tout nouveau venu Je ne me croiois pas d'aucune [170] ame conneu, Voir d'abord une Dame avoir la connoissance De mon nom, de mon bien, du lieu de ma naissance, Qui [171] lit dans ma pensee & dans mes sentiments, Qui connoit de mon cœur les secrets mouvements, Je vous responds assez vous me pouvez entendre, Avant que d'estre à vous j'estois tout à Leandre, Et je mourrois plustost qu'en cette occasion, J'entreprinse [172] jamais sur son affection, FLORIMONDE. Vous pensez Lidamant que je sois sa Maistresse, Mais vous vous trompez fort. LIDAMANT.         Mais donc par quelle adresse Avez vous peu sçavoir que je loge chez luy ? Mon nom, mes qualitez ? & tout ce qu'aujourd'huy Mais depuis un moment nous avons dit ensemble ? Cela ne se peut pas autrement ce me semble. Je croy que j'ay raison [173]. FLORIMONDE.         Il est tres à propos De vous tirer d'erreur, & vous mettre en repos, Sçachez donc Lidamant, que je possede l'Ame D'une jeune beauté, d'une certaine Dame, Que Leandre cherit, qui vient souvent chez nous, Qui me parlant de luy m'a fort parlé de vous. C'est cette Dame là qui peut seule m'apprendre, Ce que je sçay de vous & mesme de Leandre Et quoy que vostre amy soit homme tres discret A qui l'on peut fier tout important secret, Cachez luy nostre amour gardez qu'il ne le sçache, Pour certaine raison qu'à present je vous cache, Il y va de ma vie, avec plus de loisir Je pourray satisfaire un jour vostre desir. LIDAMANT. Vous voulez m'esclarcir sur cette defiance, Et vous m'en augmentez encor plus la croyance, Car si vous n'estes pas. ### Scene IV. Julie, Florimonde, Lidamant, JULIE* bas à Florimonde.*.         Monsieur vient, le voicy. FLORIMONDE *bas à Julie.*. Justes Dieux Lidamant peut il sortir d'icy ? JULIE. Non Madame il ne peut, & ne faut pas qu'il sorte [174] Car Monsieur vient d'entrer par cette mesme porte, Par où j'ay tantost faict entrer cét amoureux, Et de sortir par l'autre il seroit dangereux Comme vous le sçavez qu'il en eust cognoissance, Depeschez. Le voicy, Madame qui s'avance. LIDAMANT. Que feray-je Madame ? FLORIMONDE.         Ah Lidamant Adieu. JULIE *le metant dans une Chambre.*. Entrez, & vous cachez promptement en ce lieu. LIDAMANT* se cachant.*. Ah Dieux ? je suis perdu. FLORIMONDE.         Que je suis malheureuse. ### Scene V. Orasie, Florimonde, Julie, Nerine. ORASIE. He bien vous m'accusiés tantost d'estre peureuse, Helas ma deffiance estoit juste en effect. Voyés qu'on nous surprend & mesme sur le fait. FLORIMONDE. Eust on jamais pensé ! ORASIE.         Je voudrois estre morte. ### Scene VI. Tomire, Orasie, Julie, Nerine, Florimonde, TOMIRE. Depuis quand Orasie ouvre t'on cette porte, Qu'on tient tousjours fermée. ORASIE.         En voicy la raison, Florimonde auroit fait le tour de la maison Si l'on n'eust pas ouvert la porte de deriere. TOMIRE. Je ne vous voyois point, une telle lumiere, Madame excusez moy, m'ebloüissoit les yeux [175]. JULIE *bas.*. Quelle confusion. ORASIE.         Quel desordre grands Dieux. FLORIMONDE. Vous m'obligez Monsieur plus que je ne merite. Adieu belle Orasie, il faut que je vous quitte. ORASIE* bas à Florimonde.*. Quoy je patiray [176] donc pour la faute d'autruy ? Laissant ce Cavalier, que ferai-je de luy ? FLORIMONDE. Vous avez bon esprit, je n'ay rien à vous dire. TOMIRE *à Florimonde.*. Vous me permettrez bien de vous aller conduire⁎. FLORIMONDE. Je vous baise les mains. TOMIRE.         Vous resistez en vain. ORASIE *bas à Florimonde.*. Justes Dieux c'est avoir le jugement mal sain Souffrez son compliment, s'il s'en va de la sorte, Cét homme en liberté pourra gaigner la porte. TOMIRE. Faites moy cét honneur, ne me refusez point. FLORIMONDE. Puis que vous desirez m'obliger à ce point, J'accepte cét honneur. ### Scene VII. ORASIE, JULIE, ORASIE.         Est-il vray que je veille ! Fut-il jamais de peine à la mienne pareille ? Puis-je en cét accident⁎ conserver ma raison ? Car qui croiroit jamais que dedans ma maison J'eusse un homme caché qui ne m'a jamais veuë JULIE. Je puis fort aisement le mettre dans la ruë, Sans qu'il soit veu d'aucun, ny qu'il vous voye aussi. ORASIE. Despéche toy Julie, oste moy ce soucy, Ouvre luy je m'en vay, Dieux de crainte je tremble [177]. JULIE *ouvre & dit bas.*. C'est Leandre, Madame, ah Dieux tout est perdu, Il entre. ### Scene VIII. LEANDRE, ORASIE, JULIE. LEANDRE.         Ayant long temps en la ruë attendu, J'ay rencontré ma sœur que conduit vostre pere, Voyant l'occasion, j'ay creu sans vous desplaire Que je pourrois venir vous rendre ce devoir [178], Et donner à mes yeux le plaisir de vous voir. ORAZIE. Que faites-vous grands Dieux ? où songez-vous Leandre, Quel sanglant desplaisir [179] desirez-vous me rendre ? Quoy voulez vous me perdre ? à peine vous m'ostez D'un abysme d'ennuis⁎, & vous m'y remettez, J'attens dans un moment le retour de mon pere, Qui vous peut obliger d'estre si temeraire. Prenez mieux vostre temps [180] quand vous me voudrez voir, LEANDRE. Ah beauté dont mon ame adore le pouvoir, Souffrez qu'un seul moment je repaisse ma veuë, Des celestes appas⁎ dont vous estes pourveuë, ORASIE. Sortez donc promptement quand [181] vous aurés parlé. Est-ce assez [182] voila prés d'un quard d'heure escoulé. Dieux ne me tenés pas en suspens davantage Mon pere asseurement a conçeu quelque ombrage, Il a tantost fermé tant il est soubçonneux La porte de derriere, ô qu'il est ombrageux, Il emporte la clef, montrant de cette sorte [183] Asseuré le passage à l'autre afin qu'il sorte. Il ne fait tous les jours qu'entrer & que sortir, Dieux je tremble de peur. LEANDRE.         Pour vous en garantir Je m'en vay de ce pas. ORASIE.         Allez je vous supplie, J'entends fraper quelqu'un. TOMIRE *derriere le Theatre.*.         Ouvrez moy tost Julie. ORASIE. C'est luy mesme je meurs. LEANDRE.         Que deviendray-je ? ô Dieux ! Puis que cette autre porte est fermée il vaut mieux Que je me cache icy. Comme⁎ il veut entrer dans la Chambre où est Lidamant Orasie le retient. ORASIE.         Grands Dieux je desespere, N'entrez pas là dedans. LEANDRE.     Pourquoy ? ORASIE.         Tousjours mon pere, En entrant se retire, en cette Chambre là. Sans doute il vous verroit. LEANDRE.         Ce n'est point pour cela. J'ay veu je le proteste un homme ce me semble Enfermé là dedans. ORASIE *bas*,.         Dieux de crainte je tremble, Leandre resvez vous. LEANDRE.         Non je ne resve point, Et je veux en effect m'esclarcir sur ce point. ORASIE *l'empeschant d'entrer.*. N'entrez pas. LEANDRE,.         Desloyalle est ce ainsi qu'on me traitte ? ORAZIE *bas.*. Dieux qui peut reparer la faute que j'ay faite ? Leandre au nom des Dieux, ayez pitié de moy, Quoy ! me voulez vous perdre ! LEANDRE.         Ame ingratte, & sans foy Vous me trahissez donc, vous m'estes infidelle. ORASIE. Me ferez vous rougir d'une honte eternelle ? Mon pere monte. LEANDRE *en luy mesme.*.         O Dieux que dois je faire icy ? Car si dessus ce point je veux estre esclarcy, Je fay voir clairement l'infamie à son pere, Mais si je ne veux pas aussi me satisfaire, Je souffre en mon honneur un notable interest. ORASIE. Au nom de nostre Amour. LEANDRE.         Bien bien puis qu'il vous plaist Je dissimuleray cette offence cogneue. ### Scene IX. Tomire, Orasie, Leandre, Julie, TOMIRE. Quoy ! Leandre ? LEANDRE.         Ma sœur estant icy venue, Je l'y venois chercher. ORASIE *bas*,.         Tout va bien jusqu'icy. TOMIRE. Je viens de la conduire⁎. LEANDRE.         On me l'a dit ainsi, Je rends graces à vos soins, Cette faveur insigne M'oblige estroittement, ma sœur n'en est pas digne Je m'en vay la trouver. Ils s'entresaluent, & Leandre sort. TOMIRE.         Ma fille allons là-haut. Je veux parler à vous. ORASIE *bas.*.         Ah Dieux le cœur me faut [184]. Mais que veut-il de moy ? Que ce discours m'estonne Endurons constamment [185] puis que le Ciel l'ordonne. ### Scene X. LEANDRE *seul en la rue.*. Que dois-je faire icy : Comment Leandre as tu En cette occasion le courage abatu [186] ? Mais en faisant du bruit j'offencerois ma Dame, Dois-je donner ce nom encor à cette infame ? Ouy, je ne puis haïr ce que j'ay tant aimé, Mais, laisserais-je icy ce Rival enfermé, C'est par icy qu'il faut que le perfide sorte, Car le derriere est clos, il n'a point d'autre porte, Il le faut voir sortir, & sçavoir quel il est, Endurons cét affront Amour puis qu'il te plaist Et que tu veux ainsi t'opposer à ma joye. Escartons nous, il faut aujourd'huy que je voye, S'il est vray que le sort qu'on fait capricieux Se plaist de seconder les cœurs audacieux. ### Scene XI. JULIE, LIDAMANT. JULIE *seule.*. Puis qu'ilz sont tous sortis, je puis en asseurance Tirer ce Cavalier. Usons de diligence, Ouvrons. Sortez Monsieur : A vostre occasion Il est bien arrivé de la confusion, Nous avons eu bien peur. LIDAMANT.         Je pouvois bien entendre Quelques bruits sourds auxquels je n'ay peu rien comprendre. Mais je comprens assez le bien que j'en recoy, En ce que vous avez aujourd'huy fait pour moy Je le recognoistray⁎ sans doute avec usure [187]. JULIE. Sortons d'icy. LIDAMANT.     Le puis-je. JULIE.     Ouy. LIDAMANT.         Je vous en conjure. JULIE *bas.*. Qu'il sorte seulement, quand il sera dehors Qu'il arrive en la rue apres dix mille morts [188]. ### Scene XII. LEANDRE *seul en la rue.*. Mais elles tardent bien à le faire descendre : Elles n'oseroient pas que je croy l'entreprendre Car on se doute bien que je l'attens icy, J'en veux estre pourtant amplement esclarcy, Ne craignons rien, montons. Dieux je cours à ma perte, Il entre dans la Chambre & ferme la porte sur luy. Personne n'est icy je voy la porte ouverte. Appellons le, feignons estre de la maison [189], Cavalier suivez moy, n'avez aucun soubçon Vous ne respondez point ? Ah volage, ah parjure ? Entrons voyons la fin d'une telle aventure. ### Scene XIII. ORASIE *seule.*. Mon pere seulement m'a dit qu'il s'en alloit Pour quatre jours aux champs. Ah si le Ciel vouloit Que je puisse eviter la foudre toute preste, La foudre sur mon chef à m'escraser ma teste ? Julie ? Elle est sortie, & je suis en soucy. Comment je tireray ce Cavalier d'icy. S'il me voit il verra que je suis la maistresse, Que Florimonde excuse au malheur qui me presse, Il me faut preferer mon interest au sein Elle apelle à la porte pensant parler a Lidamant. Sortez d'icy Monsieur, & ne redoutez rien, Ne vous estonnez point de me voir je vous prie [190]. ### Scene XIIII. LEANDRE, ORASIE, LEANDRE. Leandre sort de la Chambre. Quoy ? ne m'estonner pas de cette effonterie ? Quoy ? ne m'estonner pas de vous voir ? ORASIE *surprise bas.*.         Justes Dieux. LEANDRE. Me faire cette injure ? ORASIE *bas.*.     Helas. LEANDRE.         Mesme à mes yeux ! Quoy ne m'estonner pas de vous voir si coupable ? ORASIE *bas.*. Que dois-je devenir. LEANDRE.     Si lache. ORASIE *bas*,.         Ah miserable. LEANDRE. Et si perfide ? ORASIE *bas.*.         Helas, quel malheur me poursuit [191] ? LEANDRE. Voyez le desespoir où mon sort me reduit, Direz vous point encore infidelle Orasie, Que je me plains à tort que c'est ma jalousie ? Que la cause est certaine, & les effects sont faux ? Que j'ay grand tort encor d'acuser ces defaux ? ORASIE. Je suis morte mon cœur, je ne sçay que respondre. LEANDRE. Cela suffit il point encor pour vous confondre ? Lasche & meschant esprit, que voulez vous de moy ? ORASIE. Je veux que vous n'ayez nul doute de ma foy. LEANDRE *se promenant.*. Non vous ne m'avez fait jamais aucune injure. J'ay veu chez vous un homme ? oh l'estrange imposture, J'ay grand tort d'accuser vostre fidelité, Quoy ? vous m'auriez trahi ? c'est une fausseté, Je n'ay point de raison de vous avoir blasmée, Vous ne m'avez point dit la porte estre fermée [192] De l'autre appartement, par où s'est eschapé Cét incogneu rival ? Ouy je me suis trompé ? Sy j'ay creu qu'à present vous parliez à moy mesme Pensant parler à luy, c'est un mensonge extresme, D'avoir veu, rien du tout, non non je n'ay rien veu [193], Je me trompe Madame, & mes yeux m'ont deceu [194], Vous n'avez contre moy commis aucune offence, Et je me prens à tort à la mesme innocence [195]. ORASIE. Laissons là ce discours Leandre escoutez moy Et je vous feray voir que j'ay gardé ma foy, Ouy j'atteste les Dieux, LEANDRE.         Ah l'impudence extresme ORASIE. Si je ments que les Dieux punissent mon blaspheme. LEANDRE. Infidelle avez vous encor assez de front De vous justifier apres un tel affront. Quoy tout ce que j'ay veu n'est-il pas infaillible, Un homme dites-vous il n'est pas impossible. ORASIE. Ouy Leandre, peut-estre avez vous eu raison, Vous aurez veu sortir quelqu'un de la maison. ### Scene XV. Julie, Leandre, Orasie. JULIE. Julie dit sans prendre garde à Leandre. Je l'ay mis en lieu seur. LEANDRE.         Qu'en dites vous Madame ? Pourois-je avoir encor quelque scrupule en l'ame ? C'estoit un domestique, ouy c'est la verité. JULIE* bas.*. Qu'ais je dit malheureuse, helas j'ay tout gasté. ORASIE. Dans ma confusion je demeure muette, Justes Dieux vous sçavez la faute que j'ay faite, Que des Dieux irritez j'esprouve le courroux⁎, Si j'ay peché Leandre aujourd'huy contre vous. LEANDRE,. Ouy vous avez raison, c'est moy qui suis coupable. ORASIE. Non non je ne ments point je suis tres veritable. LEANDRE. Mais qui donc a failly. ORASIE.         Je vous estime tant Que sçachant que le fait, vous est tres important, J'aymerois mieux cent fois mourir que de le dire, Car vous retomberiez en un tourment bien pire. LEANDRE. Quand on n'a rien à dire, & lors qu'on veut mentir C'est ainsi que l'on parle, & qu'on sçait repartir⁎, Mais adieu pour jamais infidelle Orasie, Suivez les mouvemens de vostre frenesie, Vous ne me causerez jamais aucun soucy. ORASIE *le retenant.*. Non, non, je ne veux pas que vous partiez ainsi. LEANDRE. J'atteste tous les Dieux à qui je rends hommage Que si vous me pressez encore davantage, Je vous perdray Madame, & que j'obligeray Vostre pere à descendre à qui je conteray Ce que je viens de voir, ce que je viens d'apprendre. ORASIE. Escoutez moy mon cœur, arrestez cher Leandre, Mon Amour je le jure à tort vous est suspect. LEANDRE. Ayant perdu l'amour, j'ay perdu le respect, Non je n'escoute plus. Il s'en va. ORASIE.         Arreste-le Julie. JULIE *bas.*. Moy ? l'arrester Madame ? ah Dieux quelle folie. ORASIE. Va va, perfide ingrat, va si tu fuis de moy, Je sçay bien les moyens de te trouver chez toy. Florimonde faut-il que pour t'avoir servie Je perde en mesme temps & l'honneur & la vie ? Fin du second Acte. ## ACTE III. ### Scene première. FABRICE, LIDAMANT. dans leur Chambre. [FABRICE.]. D'où venez vous Monsieur ? qu'avez vous ? LIDAMANT.         Je ne sçay, Fabrice, d'où je viens, moins encor ce que j'ay, Ne m'importunes point. FABRICE.         Quelle douleur extresme Vous a troublé l'esprit, & mis hors de vous mesme ? D'où vous naist ce chagrin cette mauvaise humeur ? LIDAMANT. Tay toy n'augmente pas encore ma douleur, Ne t'en informe pas. Accommode mes hardes [196], Appreste mes chevaux. Qu'est ce que tu regardes ? Je veux sortir d'icy plus vite que le vent, Va tost, despesche toy. Regarde auparavant, Si Leandre est icy, j'ay deux mots à luy dire. FABRICE. Il n'est pas au logis. bas [197]         Sa fureur devient pire, Que veut dire cela ? LIDAMANT.         Leandre asseurement Est au comble de l'heur⁎ & du contentement, Il est entre les bras de sa chere maistresse Il a refait sa paix. Mais Dieux en ma tristesse, Au malheur qui m'accable, au facheux souvenir De tant de maux presents que dois-je devenir ? FABRICE. Que j'en sçache la cause. LIDAMANT.         Ouy je le veux Fabrice, Escoute, & de mon sort admire le caprice, La Dame que tu sçais m'a tantost fait sçavoir Par un certain billet que je l'allasse voir, Une fille à l'instant m'a mené droit chez elle, J'entre dans un logis dont l'apparence est belle, Les meubles precieux, mais ce qui plus l'ornoit, C'estoit cette beauté de qui l'œil me charmoit. Elle m'a fait d'abord quelque plainte legere, Comme⁎ je m'excusois elle a sceu que son pere Arrivoit au logis & tremblante de peur M'a fait incontinent [198] retirer en lieu seur, Ils parloient assez haut mais je n'ay peu comprendre Leurs discours que j'oyois, sans les pouvoir entendre, La porte estoit fermee, & leurs confuses voix Venoient bien jusqu'à moy dans la chambre où j'ettois, Un homme ouvre la porte & moy je me tins ferme, Et sans passer plus outre [199] une fille la ferme. Sans avoir discerné la forme ny les traicts Ny de l'un ny de l'autre, un peu de temps apres, Une fille confuse & troublée est venue Qui m'a pris par la main, & m'a mis en la rue. Tesmoignant avoir peur que Leandre le sceust Non seulement de moy mais qu'il s'en aperceust De sorte que confus d'avoir veu ce mystere Je ne puis me resoudre à ce que je dois faire, Et me faut estre enfin de moy mesme ennemy, Offencer ma Maistresse, ou trahir mon Amy, Si de ce cher amy cette Dame est maistresse, Je la dois accuser comme lasche & traistesse, Mais si ce ne l'est pas [200] j'emploirois sans raison, Contre elle une si lasche & noire trahison Contre elle qui m'adore. Elle a raison peut-estre De ne le vouloir pas encor faire connoistre Peut-estre qu'un suject que j'ignore, peut bien, Empescher que surtout, Leandre en sache rien. Dans la confusion qui naist de ce mystere, Je ne sçay, si je dois ou parler ou me taire, Puis que de tous costez je me voy malheureux Le meilleur est je croy de les quitter tous deux, Mon Amy n'aura point de suject de se plaindre, Ny ma maistresse aussi [201], ny moy plus rien à craindre. Apreste tout mon fait [202], donne ordre à mon depart, Car je m'en veux aller dans une heure au plus tart [203] Quand [204] je devrois cent fois courir à ma ruine, Et mourir en quittant cette beauté Divine. FABRICE. Ce dessein est louable, & d'un cœur genereux Je vay vous obeyr. Fabrice sort. LIDAMANT *seul.*.         Que je suis malheureux. Quelle confusion à la mienne est esgale ? Adieu Paris Adieu, sortons de ce Dedale, De cette Babilon [205], de ces lieux enchantez, Où les illusions passent pour veritez. Femme qui que tu sois avec ton artifice, Et tes precautions que le Ciel te benisse. Va je te dis adieu, je vay t'abandonner. FABRICE *rentre.*. Vostre habit est tout prest, on me le va donner, J'ay dit que nous montons à cheval dans une heure. LIDAMANT. Le sort en est jetté ! Mais faut-il que je meure ? Faut-il que le caprice, & les inventions D'une femme bigearre [206] en ses precautions Me chasse de Paris en quittant mes affaires [207] ? Ouy, va tost preparer les choses necessaires. J'entre en mon cabinet & reviens à l'instant. ### Scene II. NERINE, FLORIMONDE. dans leur Chambre. NERINE. Madame pensez y, ne vous hastez pas tant, Et considerez mieux ce que vous voulez faire, Si vous entrez chez luy, pensez que vostre frere Y pourra survenir, & vous surprendre là. FLORIMONDE. Tay toy, te dis je, il faut se resoudre à cela, Ne me replique point. Ne viens tu pas de dire, Qu'il est prest à partir. NERINE.         Ouy Madame, il desire S'en aller dans une heure, au moins à ce que dit Son homme qui m'a fait demander son habit. FLORIMONDE. Peux tu donc t'estonner, si mon Amour m'oblige A vouloir divertir⁎ ce depart qui m'afflige ? Il a sçeu qui je suis, il n'en faut point douter, Et c'est ce qui l'oblige à me vouloir quitter, Il l'a sçeu d'Orasie, il aime trop mon frere, Et ne voudroit pour rien en m'aimant luy deplaire, C'en est là le suject. NERINE.         Mais s'il s'en veut aller, L'en empescherez vous ? FLORIMONDE.         Ouy, je luy veux parler. Je veux si je le puis destourner cette envie, Et l'empescher aussi de m'arracher la vie, Et d'emporter un cœur que l'ingrat m'a volé. Atten moy. Elle sort. ### Scene III. Lidamant, Fabrice, Florimonde, dans la Chambre de Lidamant. LIDAMANT.         Va sçavoir où Leandre est allé, Je luy veux dire Adieu. Fabrice sort & rentre à l'instant. [FABRICE.].         Monsieur je vous aporte Pour nouvelle, que j'ay rencontré sur la porte Celle que vous sçavez. LIDAMANT.     Que dis tu ? FABRICE.         La voicy Florimonde entre. C'est elle. FLORIMONDE.         Lidamant que veut dire cecy ? Est-ce le procedé d'un homme Magnanime, D'un brave Cavalier tel que je vous estime, De partir de la sorte, & de quitter ce lieu, Sans m'en faire advertir, & sans me dire Adieu ? Vous qui dites m'aimer & m'ettre si fidelle ? LIDAMANT. Qui vous a fait sçavoir si tost cette nouvelle ? Ce dessein de partir m'a pris en un moment, FLORIMONDE. La mauvaise nouvelle en Amour, Lidamant Ne va pas comme on dit, promptement elle vole. FABRICE. Il n'en faut point douter, je vous donne parole Qu'elle a quelque Demon qui luy sert de valet. Seroit elle point sœur de nostre *Esprit Folet* [208] ? FLORIMONDE. Il est donc bien certain, & ma peur n'est point vaine. LIDAMANT. Ouy, je m'en veux aller, la chose est tres certaine, Vous en estes la cause, & je m'en fuy [209] de vous [210]. FLORIMONDE. Ah je sçai Lidamant d'où vous naist ce courroux⁎, Vous sçavez qui je suis (je me sens si confuse Que je ne puis parler) si c'est là vostre excuse, Si cette cognoissance, & ce ressentiment, Vous fait abandonner Paris si promptement, Encor que⁎ ce depart ne tend qu'à me destruire Je conjure les Dieux qu'ils vous vueillent conduire. Si j'ay teu qui j'estois, & mon extraction [211], Il estoit important à nostre affection, Mais pour plusieurs raisons, & sans vostre dommage [212] Vous ne pouviez alors en sçavoir davantage. LIDAMANT. Je ne vous entends point, Non, car je vous cognois Aussi peu maintenant que je vous cognoissois, Qui [213] me fait vous quitter, n'est que la meffiance Que vous avez de moy [214], car par quelle apparence Croiray-je d'estre aymé, Puis qu'en toutes façons Vous avez refusé d'esclarcir mes soubçons ? FABRICE. Leandre vient icy. FLORIMONDE.         Grands Dieux je suis perdue. LIDAMANT,. Mais pourquoy ? que vous peut importer cette veue Vous vous desesperez & je ne sçay pourquoy. Leandre est mon Amy, vous estes avec moy De quoy vous fachez vous. FLORIMONDE.         Que je suis miserable, Mais puis que le malheur de tous costez m'accable, Et qu'il faut succomber à la fin au tourment, Je ne me veux plus taire, Escoutez Lidamant, Je suis. Je ne puis pas en dire davantage, Il entre, le voicy. Dieux je perds le courage, Ma vie est en vos mains, je me jette en vos bras. Secourez moy de grace, & ne me perdez pas. J'entre en ce cabinet. Elle se cache. LIDAMANT* en luy mesme.*.         En la peur qui la presse Il faut asseurement que ce soit sa maistresse. Je n'en sçaurois douter. ### Scene IV. Leandre, Lidamant, Fabrice & Florimonde cachée. LEANDRE.         Ah ! mon cher Lidamant. LIDAMANT. Leandre, qu'avez vous ? LEANDRE.         Un excez de tourment, Une gesne, une rage, un despit si sensible Que de vous l'exprimer il ne m'est pas possible, Ah l'estrange accident⁎ qui me vient d'arriver, C'est pour m'en divertir⁎ que je vous viens trouver. LIDAMANT. Comment ? Ayant les Dieux à vos vœux si propices, Je vous croyois nager au milieu des delices, Et j'enviois quasi vostre felicité Quoy ! n'avez vous pas veu cette jeune beauté ? N'avez vous pas encor fait vostre paix ensemble, Pour moy je le croyois, mais à ce qu'il me semble, Vous en estes bien loing ? qu'avez-vous ! LEANDRE.         Ah voicy. Le plus grand de mes maux. LIDAMANT.         Fabrice sors d'icy. Fabrice s'en va. LEANDRE. Vous disiez bien tantost parlant de jalousie, Cher amy, qu'aussy tost qu'une ame en est saisie C'est le plus grand malheur qu'on puisse recevoir, Qu'il vaut mieux la donner cent fois que de l'avoir. LIDAMANT. Mais en si peu de temps, comment vous a peu naistre Ce soubçon si facheux que vous faites paroistre ? Sans doute il l'a [215] suivie, & ce soubçon je croy, Ou je me trompe fort, luy vient d'elle & de moy [216]. LEANDRE. Escoutez cher Amy, cette histoire est estrange, Elle vous surprendra. J'ay tantost veu cét Ange, J'appelle de ce nom celle qui m'a charmé, Dont l'œil quoy que divin vaut moins qu'il n'est aymé. Je ne vous diray point combien devant ses charmes, J'ay jetté de souspirs & respandu de larmes, Afin de l'asseurer de ma fidelité De qui ses vains soubçons ont fait qu'elle a douté M'estant justifié fort content je la quitte, J'y suis venu apres faire une autre visite Mais son pere arrivant il m'a falu cacher [217], En trouvant une Chambre (Ah Dieux comme un rocher Je demeure immobile à ce discours funeste) J'ay veu l'ombre d'un homme, LIDAMANT *bas.*.         Ah grands Dieux je proteste Que voila de tout point, ce qui m'est survenu. LEANDRE. Ah cher Amy, pourquoy me suis-je retenu ? Et pourquoy le respect, & d'elle & de son pere Ont ils en ce besoin fait calmer ma colere ? Mais quoy je me suis teu, j'ay fait la lacheté, De me monstrer discret en cette extremité. Et l'ingratte m'a veu tesmoigner plus d'envie De garder son honneur que de sauver ma vie, Enfin sans dire mot je me suis retiré, Et me suis resolu triste, & desesperé De l'attendre à la rue, afin de le cognoistre. LIDAMANT. Et bien quel homme estoit-ce ? LEANDRE.         Il s'en est fuy le traistre. Une fille l'avoit sur l'heure mis dehors, Dieux c'est une douleur pire que mille morts De craindre, & ne sçavoir qui je crains, LIDAMANT *bas.*.         C'est la mesme Il n'en faut point douter, c'est la Dame que j'ayme, Ouy c'est elle en effect de qui je suis aymé, C'est moy qu'elle a tenu dans sa Chambre enfermé ! Mais puis qu'il n'en sçait rien, il faut que mon absence Termine tant de maux. LEANDRE.         Dieux quelle extravagance, Vous resvez est-ce ainsi qu'il me faut consoler ? LIDAMANT *bas.*. La chose est resoluë, Ouy je m'en veux aller, Ne vous estonnez point cher amy je vous prie, Ce surprenant discours cause ma resverie. J'en ay bien du suject en l'estat où je suis. LEANDRE. Que me conseillez vous ? LIDAMANT.     Oubliez. LEANDRE.         Je ne puis. ### Scene V. Fabrice, Leandre, Lidamant, Orasie, FABRICE. Une Dame est là-bas qui demande Leandre. LEANDRE. C'est elle, je ne veux ny la voir ny l'entendre. LIDAMANT,. Ce n'est peut-estre pas celle que vous pensez, Vous vous pourriez tromper. LEANDRE.         Je la cognois assez Ouy c'est elle, qui croit qu'aysement on m'abuse, Elle vient me donner quelque mauvaise excuse, Pour me faire passer pour une fausseté Ce que je sçay fort bien estre une verité. Orasie entre. LIDAMANT *en luy mesme.*. Quelle confusion à la mienne est pareille ? Est-ce une illusion ? Est-il vray que je veille ? Si c'est elle qu'il ayme, avec quelle raison, Me dit-il qu'il a veu cacher dans sa maison Certain homme inconnu puis que c'estoit moy mesme ? D'ailleurs si c'est icy la maistresse qu'il ayme, Qui peut estre (grands Dieux, je perds icy les sens) Cette autre qui se vient d'enfermer là dedans ? ORASIE *à Lidamant.*. Lidamant permetez que je parle à Leandre, LEANDRE. Mais quoy ! Sçavez vous bien s'il voudra vous entendre ? ORASIE *au mesme.*. De grace obligez moy, laissez nous seuls icy. LIDAMANT *bas en s'allant.*. Madame je m'en vay. Je suis bien en soucy, Je suis bien empesché [218] de ce que je doy faire. Dieux où doit aboutir la fin de cette affaire ? Comment cét autre icy pourra t'elle sortir ? Changeons, changeons d'avis je ne veux plus partir, Mon doute est esclarcy, rien ne m'y peut contraindre, Et je n'ay plus icy desormais rien à craindre. Sa maistresse est icy, l'autre donc ne l'est pas. Laissons les, descendons & j'attendray là-bas. ### Scene VI. Orasie, Leandre, Florimonde cachée. ORASIE. Puis que nous sommes seuls escoutez moy Leandre. LEANDRE. Pourquoy vous escouter ? ORASIE.         Je vous veux faire entendre Le suject qui m'amène. LEANDRE,.         Il n'en est pas besoin, Non Madame je veux vous espargner ce soin. Si je vous veux ouïr, vous conterez merveilles. Ouy, vous dementirez mes yeux & mes oreilles, Si c'est là le suject qui vous ameine icy, Vous pouvez bien vous taire, & me laisser aussi. ORASIE. Je vous veux faire voir à clair [219] mon innocence, De grace escoutez moy. LEANDRE.         Ce seul mot là m'offence. Il est vray je l'ay veu, j'en atteste les Dieux, Ou bien les *veritez* sont *fausses* à mes yeux. ORASIE. Sans doute je serois de raison despourveuë, De vouloir en ce point dementir vostre veuë Ouy je tenois un homme enfermé. LEANDRE.         C'est assez. Vous n'en dites que trop. Quoy ! vous le confessez ? Apres un tel adveu prendrez vous bien l'audace De vous justifier. ORASIE.         Escoutez moy de grace. LEANDRE. Il valloit Orasie, il valoit beaucoup mieux Me cacher vostre honte, & dementir mes yeux. C'est bien estre en effect de vous mesme ennemie, D'avouer franchement ainsi vostre infamie, O la fidelle Dame, O la constante foy. ORASIE. Mais jusques à la fin de grace escoutez-moy, Je ne veux qu'un moment ; j'aurois grand tort Leandre De desmentir vos yeux, je ne m'en puis deffendre. Ils ne vous trompoient point, je ne sçaurois nier Qu'on a caché chez moy tantost un Cavalier. Mais j'ateste les Dieux & sur tout Hymenée, Que j'ay gardé la foy que je vous ay donnée, Que je n'ay peu commestre un parjure pareil, Que mon honneur est pur autant que le Soleil, Que c'est vous seulement que je cheris au monde, Si je mens d'un seul mot que le Ciel me confonde. LEANDRE. Quel est cet homme là ? ORASIE.         Je ne le cognoy point. LEANDRE. Faut-il qu'à vostre crime un mensonge soit joint ? Mais que faisoit-il là ? ORASIE,.         Je ne vous le puis dire [220]. LEANDRE. Pourquoy ? ORASIE.     Je n'en sçay rien. LEANDRE.         Est-ce pas pour en rire ? Me voila bien sçavant, je suis fort satisfait. ORASIE. La satisfaction la plus grande en effect Est de n'en rien sçavoir [221]. LEANDRE.         Je rougis de sa honte [222]. Le beau resonnement, l'excuse à vostre conte Est en ce que j'ignore, où je ne comprens rien, Et la faute consiste en ce que je sçay bien. Quoy doncques voulez vous que le bien que j'ignore Vainque ce que je sçais, & voulez vous encore, Que mon bien soit douteux, & mon mal asseuré ? Je n'ay plus rien à craindre & tout consideré, La satisfaction est certes excellente. Croiez vous en effect que cela me contente, Je voy que vous m'aimez & me gardez la foy. Je n'en sçaurois douter, ORASIE.         Leandre croiez moy Il y va trop du vostre, & si vous estes sage, Vous ne chercherez pas d'en sçavoir davantage. LEANDRE. Vous m'avez dit tantost de pareilles raisons, Qui ne font qu'augmenter encor plus mes soubsons [223]. C'est le dernier ressort quand on ne sçait que dire, Quelque mal que ce soit il ne peut estre pire, Car ce que j'ay veu marque assez vostre peché. Pourquoy chez vous un homme à quel dessein caché. Si vous ne contentez en ce point mon envie Je ne vous veux ny voir ni parler de ma vie. ORASIE. Que feray-je grands Dieux ? bien je vous le diray. Florimonde avec sa coiffe & son masque passe au travers de la Chambre derriere eux & gagne la porte, descend & dit tout bas Non ferez [224], si je puis, je vous en garderay LEANDRE. Quelle femme est ce là ? ORASIE.         Quoy vous avez l'audace De faire l'ignorant. Il veut courir apres, Orasie le retient. LEANDRE.         Permettez-moy de grace, Madame au nom des Dieux que je suive ses pas Je veux sçavoir qui c'est. ORASIE *le retenant.*.         Non non, vous n'irez pas Vous bruslez de desir de courir apres elle Pour luy faire une excuse ame ingratte infidelle, Je vous entens desja, Madame j'ai quitté [225] Pour courir apres vous cette moindre beauté Dont les attraits⁎ communs me causent peu de peine [226]. LEANDRE. Tenez pour verité, mais verité certaine, Que je ne sçai qui c'est j'en atteste les Dieux. ORASIE. Ne jurez point Leandre, & desmentez mes yeux. Vous le sçavez tres bien, C'est Iris je l'ay veuë, Et croyez qu'en passant je l'ay bien recognue. LEANDRE. Madame croyez moy, non, ce n'est point Iris Veillais-je ou si je songe [227] ha que je suis surpris, ORASIE. Je ne m'estonne plus de ce qu'à ma venuë Vous aviez tant de peine à soutenir ma veue, Vous possediez chez vous des attrais⁎ plus puissans Pensez-vous m'abuser, & surprendre mes sens, Que veut dire cela, Leandre ? quelle honte ? Le beau raisonnement, l'excuse à vostre conte Est en ce que j'ignore, où je ne comprens rien, Et la faute consiste en ce que je sçai bien. Quoy doncques voulez vous que le bien que j'ignore Vainque ce que je sçais & voulez vous encore, Que mon bien soit douteux, & mon mal asseuré [228] ? LEANDRE. Je ne sçay ce que c'est, je vous en ay juré Par là vous vous sauvez de vostre perfidie ? ORASIE. Ce que je dis est vray, suffit que je le die, Je suis plus veritable en ce point là que vous. LEANDRE. C'est jusqu'au dernier point exciter mon courroux⁎. Vous ne meritez pas seulement qu'on vous nomme [229] N'ay-je pas tantost veu dans vostre Chambre un homme ? ORASIE. Aurez-vous bien le front de me nier aussi Qu'une femme masquée estoit n'aguere icy ? LEANDRE. Je ne la cognoy point. ORASIE.         J'ay moins de cognoissance De cét homme cent fois. LEANDRE.         Ah l'extreme impudence ? Vous le sçavez tres bien, car vous l'alliez nommer. ORASIE. Adieu, perfide, adieu, n'osez pas presumer Que jamais je vous parle, ou que je vous regarde. LEANDRE. Prenez garde Orasie. ORASIE.         A quoy prendray-je garde. LEANDRE. Ah ! c'est trop mal traiter un homme comme moy, Dont la plainte est si juste. ORASIE.         Ame ingratte, & sans foy, Est-ce à tort ? direz vous que je me l'imagine ? Je voy qu'on me trahit, je voy qu'on m'assassine. LEANDRE. Le Ciel lit dans mon cœur, & voit que j'ay raison. ORASIE. Je suis sans crime aucun, vous plain de trahison, Qui recognoissez mal le feu qui me consomme [230]. LEANDRE. N'ay-je pas tantost veu dans vostre chambre un homme ? ORASIE. Ne viens-je pas de voir une femme en ce lieu ? Je vais à la Campagne, Adieu perfide, Adieu, Ne vous attendez pas de me voir de ma vie. LEANDRE. Apres ce que j'ay veu j'en ay fort peu d'envie. Allés vous promener aveque ce rival, A qui ce fer icy bien tost sera fatal, A qui par mille endroits je feray vomir l'ame [231]. ORASIE. Et moy j'arracheray les yeux à cette infame. Ils s'en vont l'un par un costé & l'autre par l'autre. Fin du troisiesme Acte. ## ACTE IV. ### Scene première. FLORIMONDE, NERINE. dans leur Chambre. FLORIMONDE. Tout s'est passé Nerine ainsi que je le dy. NERINE. Ce procedé Madame est un peu trop hardy Dieux que vous m'estonnez, & que je suis surprise, FLORIMONDE. C'est à n'en point mentir une haute entreprise, Mais tout consideré j'ay fait ce que j'ay deu, Car voiant aussi bien que tout estoit perdu, Et que mon frere alloit apprendre d'Orasie, Ce que je crains le plus il m'a pris fantaisie, De rompre leurs discours & par cette action Je suis venue à bout de mon intention. Il faut aux maux pressants hazarder toute chose, Et pour dire en effect la principale cause, Qui m'a le plus poussée à ne redouter rien, Qui m'a plus enhardie est que je sçavois bien Qu'en tout cas Lidamant estoit pour me deffendre Qui n'avoit garde en bas de manquer à m'attendre [232]. Mais mieux que je n'ay creu le tout m'a reussy, Je me trouve en ma Chambre exempte de soucy, Ma presence sans doute aura fait qu'Orasie Aura mis à son tour un peu de jalousie, Lidamant n'a risqué rien pour l'amour de moy, J'ay fait taire Orasie ainsi que je le croy, Et mon frere de plus ne m'a point recognue, J'ay coulé doucement à peine m'a t'il veue. NERINE. La chose a succedé [233] mais n'y retournez plus. FLORIMONDE. Nerine tes conseils sont icy superflus, Le dessein m'enhardit & me donne l'envie D'en entreprendre un autre au peril de ma vie. Il faut trouver moyen si je puis aujourd'huy De revoir Lidamant & de parler à luy. NERINE. Quelqu'un entre, FLORIMONDE.     Voyez [234]. NERINE.         C'est Monsieur vostre frere, ### Scene II. Florimonde, Leandre, Nerine. FLORIMONDE. Je voy bien qu'il n'a pas la fortune⁎ prospere, Mon frere qu'avés vous qui vous gesne [235] si fort. LEANDRE. Helas ma chere sœur je voudrois estre mort. J'ayme une fille ingratte, en deux mots c'est vous dire La douleur que je sens, mais ce n'est pas le pire, J'ay veu qu'on me trahit enfin je suis jaloux, Et loge dans mon cœur un Dieu plein de courroux⁎. Comme⁎ je luy [236] contois ce matin mon martyre J'ay veu. FLORIMONDE.     Qu'avez vous veu ? LEANDRE.         Dieux le pourray-je dire ? Un homme qu'elle avoit dans sa chambre enfermé. FLORIMONDE. Est-il possible ô Dieux. LEANDRE.         Lors de rage enflamé Je sors hors de sa Chambre & l'attends à la ruë, Mais il ne paroist point, Orasie est venue, Me voir comme⁎ j'estois là-bas chez Lidamant. Comme⁎ nous discourions en son appartement Et comme⁎ elle taschoit avec toutes ses ruses De colorer son fait par de foibles excuses Pleurant pour m'appaiser & souspirant en vain, Une femme cachée au cabinet prochain⁎ Passe au travers de nous & descend. FLORIMONDE.         Une femme ? Dieux que me dites vous ? LEANDRE.         Je croy que cette infame Estoit là par un ordre exprez de Lidamant A qui j'en ay parlé mais fort modestement, Il a sur ce sujet eu peine à me respondre Il l'a nié mais moy de peur de le confondre, Je ne l'ay pas pressé fort long temps là-dessus, Enfin quoy qu'il en soit, escoutez le surplus, Croyant que c'est Iris, la cruelle Orasie Est de nouveau rentrée en telle jalousie, Qu'elle fuit ma rencontre, & moy d'autre costé, Qui suis de cette ingratte indignement traitté Je brusle de colere, & brusle aussy d'envie, De revoir cét object de qui despend ma vie. Mais avant que la voir ma sœur je voudrois bien, Esclaircir mon soubson, & par vostre moyen, Ne me refusez pas chere sœur je vous prie. FLORIMONDE. Mais que puis je pour vous. LEANDRE,.         Par certaine industrie Qui vient de mon esprit vous me pourrez guerir. FLORIMONDE. J'y feray mon effort quand j'en devrois mourir. LEANDRE. Il faut qu'un de ces jours vous l'alliez voir chez elle, Et que vous luy disiez que pour une querelle, Qu'à tort je vous ay faitte, & vous faindrez pour quoy, Vous ne desirez point demeurer avec moy, Que ma mauvaise humeur ne soit du tout changée. Et la conjurerez de vous tenir logée Pour quelque peu de jours dans son appartement, Ce qu'elle accordera sans doute librement. Là vous me servirés d'un espion fidelle, Vous sçaurés qui luy parle & qui hante chez elle, Vous sçaurés quel rival la porte à me trahir [237]. FLORIMONDE. La chose est bien aisée, il vous faut obeir Quand bien [238] dans ce project je verrois mille obstacles Amour estant un Dieu peut faire des miracles, Vous connoistrês par là mon zele & mon devoir, Reposez vous sur moy je vous sers dès ce soir. Je vous diray pourquoy l'ingrate vous dedaigne. LEANDRE. Elle est allé vomir son fiel à la Campagne, Et ne doit estre icy de trois jours de retour. FLORIMONDE. Bien j'iray dans trois jours. LEANDRE.         Seconde nous Amour Fay tant par ton pouvoir que cette ingrate amante Recognoisse sa faute & qu'elle s'en repente, Fay tant que de ses yeux son ame ait la douceur, Vous me donnez la vie adieu ma chere sœur. Il s'en va. FLORIMONDE. Au dela de mes vœux je trouve Amour propice, Voyez comme il me presse à luy rendre un office Que cent fois plus que luy j'ay lieu de souhaiter. Nerine j'oy du bruit, j'entens quelqu'un monter Va regarde qui c'est. ### Scene III. Florimonde, Orasie, Julie, Nerine. FLORIMONDE.         Est-ce vous ? chere amie. ORASIE. Ah ! vous m'avez comblé de honte & d'infamie, Vostre frere a chez moy tantost veu Lidamant Enfermé dans ma chambre. FLORIMONDE,.         Ah Madame & comment ? ORASIE. Il n'importe comment, il est tout en colere Sorty hors de chez moy, qui pour le satisfaire L'ay cherché jusqu'icy, les yeux baignez de pleurs Qui tesmoignoient assez l'excez de mes douleurs, Qui ne justifioient que trop mon innocence, Mais quoy quelque raison que j'eusse en ma deffence, Je n'ay peu faire entendre à ce cœur irrité Rien qui peust l'esclarcir de ma fidelité, Je n'ay pourtant rien dit de tout ce qui vous touche, Ma discrette amitié m'avoit fermé la bouche, Une femme enfermée en quelque lieu prochain⁎, Sort, passe devant nous sans parler & soudain En gaignant le degré monstre à sa contenance Qu'elle prend du martel [239] de nostre conference, Je croy que c'est Iris, ou je me trompe fort, Car elle a ce me semble, & sa taille, & son port. FLORIMONDE. Il n'en faut point douter, voyez l'effronterie, Qu'a fait mon frere alors. ORASIE.         Je ne vy de ma vie, Un homme plus surpris, il a fait l'estonné, Voulant courir apres je l'en ay detourné ! Là-dessus j'ay vomy ce que j'avois dans l'ame, Et contre ce volage & contre cette infame, Voyant qu'on outrageoit jusque là mon Amour Croyez que j'ay bien fait la cruelle à mon tour, Comme il m'avoit nommée & perfide & parjure, Contre luy justement j'ay repoussé l'injure, Nous nous sommes quittez enfin fort mal contents Et pour le mieux piquer j'ay faint aller aux champs, Mais c'est pour avoir lieu d'user d'un stratageme, Où personne ne peut me servir que vous mesme, Je brusle de desir maintenant de sçavoir Si c'est Iris qui vient à toute heure le voir. Car cette Iris sur tout trouble ma fantaisie [240], Et cause les effetz de cette jalousie, Vous m'avez dit tantost qu'en son appartement, Une porte respond au vostre tellement Que par là, puis qu'enfin la chose est evidente Je pourrois découvrir quelle est cette impudente, Et guerir les soubsons de mon esprit jaloux. Si je pouvois passer deux ou trois nuits chez vous, Car pour autant de jours mon pere est en campagne Ne me refusez pas chere & belle compagne, Je vous ay tantost fait un service important, Qui vaut bien qu'aujourd'huy vous m'en faciez autant Et que vous respondiez à cette courtoisie. FLORIMONDE. Vous m'offenseriez trop d'en douter Orasie, Un obstacle pourtant s'oppose à ce dessein, Mais j'y remediray. ORASIE.     Quel peut-il estre ? FLORIMONDE.         En vain Je voudrois vous celer⁎ le soubson de mon frere, Estant fort mal fondé [241], n'estant qu'immaginaire, Il brusle comme vous de desir de sçavoir Quel est ce Cavalier qu'il croit qu'il vous vient voir, Et pour y parvenir, sçachez qu'il se propose, Le mesme expedient toute la mesme chose Que vous me proposez, voulant pareillement Que je sois ces trois nuits dans vostre apartement, Feignant que nous avons eu quelque pique ensemble, J'entends mon frere & moy [242], tellement qu'il me semble Qu'il seroit à propos, si vous venez icy Que [243] pour vous y servir, je m'y trouvasse aussy. Et n'allant pas chez vous il diroit ORASIE.         Au contraire. Pour plus commodement terminer cette affaire, Il faut que vous feigniez m'avoir dit dès ce soir Toute vostre dispute & luy faire sçavoir [244], Et puis nous changerons de logis tout à l'heure [245], Cette voye en effect me semble la meilleure. FLORIMONDE. Comment donc ferons nous ? ORASIE.         Demandez vous comment ? Pourquoy tant consulter ? Nerine promptement, Qu'on luy donne sa coiffe, & son masque, une affaire Se perd le plus souvent alors qu'on la differe, Allons, nous n'en avons des-ja que trop parlé ? FLORIMONDE,. En quelque part que soit Lidamant trouve le, Entens tu bien Nerine, & luy dy que s'il m'aime, Il me vienne trouver ce soir au logis mesme Où tantost il m'a veuë. Apres reviens icy Pour servir Orasie, il est meilleur ainsi, Qu'en changeant de logis, nous changions de suivante. Viens donc suy moy Julie. ORASIE.         Aux affaires pressantes Il faut agir ainsi, FLORIMONDE.         Je le trouve tres bon. ORASIE. Madame, soyez donc Maistresse en ma maison. Comme si vous estiez chez vous, je vous supplie. FLORIMONDE. Faites de mesme icy. ORASIE.         Toy pren garde Julie De luy bien obeyr. JULIE.         Je n'y manqueray pas. FLORIMONDE. Despeschons nous Julie. JULIE.         Allons je suis vos pas. ### Scene IV. Lidamant dans sa Chambre, & Fabrice avec un papier. LIDAMANT. Quel papier est ce là Fabrice ? FABRICE.         C'est un conte [246] De l'argent que j'ay mis. LIDAMANT.     Que dis tu ? FABRICE.         Qui se monte A sept livres huit sols, en memoire du temps Que je vous ay servy, qui sont pres de cinq ans Moins quatre mois, six jours. LIDAMANT.         Qui [247] t'oblige à ce faire ? FABRICE. C'est pour vous demander s'il vous plaist mon salaire. LIDAMANT. Encor pour quel suject ? FABRICE,.         Parce que je cognoy Que [248] vous n'avez Monsieur plus affaire de moy, Vous ne voulez jamais que je vous accompagne, Si ce n'est quelque fois encor à la Campagne, Si quelqu'un vous vient voir, vous me faites sortir Et vous allez dehors sans m'en faire advertir. De cette façon là je ne sçaurois pas vivre, Pourquoy m'empeschez vous tous les jours de vous suivre ? Vous allez en des lieux où peut-estre mon bras Dans les occasions ne vous manqueroit pas. A ne vous point mentir, ce procedé me fasche Il faut qu'auprez de vous je passe pour un lasche, Ou pour quelque causeur. Je suis assez discret Et croy meriter bien qu'on me fie un secret. LIDAMANT. N'impute ce silence & cette solitude Qu'à mon esprit chagrin tout plein d'inquietude, Je t'aime, cher Fabrice, autant que je le doy, Si tu sçavois mon mal tu pleurerois pour moy. FABRICE. Quittons donc ce pays puis qu'il vous importune, Ne sçauriez vous ailleurs trouver vostre fortune⁎ ? Arrachez vous, Monsieur, cette espine du sein. LIDAMANT. Fabrice, je ne puis, j'ay changé de dessein Je suis trop enchanté des yeux de cette belle, Pour pouvoir seulement vivre un moment sans elle Puis voyant mon soubçon de tout point esclaircy, Rien ne m'oblige plus à m'en aller d'icy, Il reste encor un poinct que je ne puis comprendre, Je pensois qu'elle fust Maistresse de Leandre Et je ne regardois que son seul interest. Je suis hors de ce doute, & je ne sçay qui c'est. FABRICE. Qui c'est ? je le sçay bien moy, LIDAMANT.     Toy ? FABRICE.         Moy je le jure. LIDAMANT,. Que ne le dis tu donc ? FABRICE.         C'est quelque Creature Qui par inventions cherche de vous tromper, Croyez que les plus fins s'y laissent attraper. LIDAMANT. Je suis trop glorieux de l'estre de la sorte, Mais pren garde, j'entends quelqu'un à cette porte ### Scene V. Nerine, Fabrice, Lidamant. NERINE. Escoutez Lidamant, celle que vous sçavez. FABRICE. Femme, d'où tombes-tu ? NERINE.     Que t'importe ? LIDAMANT.         Achevez. NERINE. Veut avoir cette nuit l'honneur de vostre veuë, Venez y sans manquer, vous sçavez bien la ruë, Et le logis aussi, c'est dans le mesme lieu, Il n'est point de besoing de vous conduire Adieu. Elle sort. FABRICE,. A t'on jamais parlé d'un succez⁎ plus estrange ? LIDAMANT. Courage, cette nuit, je m'en vay voir mon Ange. FABRICE. Cet Ange est bien obscur, mais que n'est-ce en plain jour [249]. LIDAMANT. En attendant la nuit, je m'en vay faire un tour. Et toy ne manque pas en ce lieu de m'attendre, Et si je tarde trop, fais advertir Leandre Qu'il souppe en arrivant, qu'il ne m'attende point. FABRICE. C'est me desesperer jusques au dernier point Vous laisser aller seul ? je n'en ay nulle envie, Où vous avez couru danger de vostre vie, Où vous craignez un pere aussi bien qu'un rival, Où sans doute il vous peut arriver quelque mal, Vous n'irez point tout seul si vous me voulez croire. LIDAMANT. Sçaurois-je estre en peril lors que je suis en gloire [250] ? Je ne puis là-dedans, estre qu'asseurement [251]. ### Scene VI. Leandre, Lidamant, Fabrice, LEANDRE. Où s'adressent vos pas ? vous sortez Lidamant ! LIDAMANT. Leandre, je ne sçay comme je vous puis taire Ny comme j'ose aussi vous conter ce mystere ? Un respect bien puissant me deffend de parler, Mais mon bon-heur m'oblige à ne vous rien celer⁎ Aurez vous bien le temps pour ce soir ? LEANDRE.         Ouy la flame Qui m'embraze le cœur, & me consomme l'ame, Et l'ingrate beauté qui me donne des lois Me donnent du loisir plus que je ne voudrois Je suis à vous ce soir, & toute la nuict mesme LIDAMANT. Scachez donc, cher amy, que la beauté que j'ayme, M'a fait sçavoir icy que tout seul, & sans bruit, Je ne manquasse pas de la voir cette nuict. C'est celle dont tantost si vous avez memoire Je commençois chez vous à vous conter l'histoire, Qu'une fille arrivant en empescha le cours, Si je ne vous ay point achevé ce discours C'est que je redoutois, veu mesme l'apparence, De commettre en ce poinct contre vous une offence. Mais esclaircy qu'à tort j'avois eu ce soubçon, Que ce fait ne vous touche en aucune façon, Il faut absolument que je vous entretienne ; Il n'est pas encor nuict, attendant qu'elle vienne, Allons nous promener, je surprendray vos sens Par le nombre infiny des rares accidents⁎ Qui me sont survenus, que vous croirez à peine. LEANDRE. Encor de quel costé ? LIDAMANT.         Tyrons devers la Seyne [252]. Allons sur le Pont-neuf. LEANDRE.         En cette occasion Je pourray divertir⁎ un peu ma passion. LIDAMANT *à Fabrice.*. Toy, va-t'en au logis. FABRICE *bas.*.         Non, je n'en veux rien faire, Je les suivray tous deux leur deusse-je desplaire; Mais de peur d'estre veu, je les suivray de loing, Je ne desire pas leur manquer au besoing [253]. ### Scene VII. LISIS, TOMIRE dans la ruë. LISIS *soustenant Tomire sous les bras.*. Reposez-vous sur moy Monsieur, à l'heure mesme Nous serons au logis. TOMIRE.         Ma douleur est extreme. Je ne puis resister à la force du mal. LISIS. Qu'au diable soit donné le maudit animal Qui vous a fait tomber, mettez vous à vostre aise. Encor si nous pouvions rencontrer une chaise, TOMIRE. Je le voudrois Lisis, Ah Dieux je n'en puis plus. LISIS. Voyez cét escalier, reposez vous dessus Je vay voir si je puis en rencontrer quelqu'une. TOMIRE. Je plains ma fille helas sçachant mon infortune J'ay peur que le regret ne la face mourir. LISIS. Ayez soin seulement de bien tost vous guerir Vous serez mieux pensé [254] chez vous qu'à la Campagne. TOMIRE. Je croy que le malheur de tout point m'acompagne, Il est tard, ils seront tous retirez [255] chez moy. LISIS. Il n'en faut point douter, Ouy Monsieur je le croy, Il n'est pas encor nuit, mais Madame Orazie N'est pas de celles là dont la coquetterie Les porte jour & nuit à vouloir cajoler. TOMIRE. Lisis en arrivant j'ay peur de l'esveiller. LISIS. Songez à vous Monsieur, je reviens tout à l'heure, Quand vous l'esveilleriez craignez vous qu'elle meure. TOMIRE. Ah la jambe. LISIS.         Attendez, je m'en vay de ce pas Au prochain Carrefour je ne tarderay pas. Fin du quatriesme Acte. ## ACTE V. ### Scene première. Leandre, Lidamant, Fabrice caché. LEANDRE *de nuit*. L'Histoire me surprend. LIDAMANT.         Dedans ces dependances [256] Je laisse à vous conter beaucoup de circonstances Qui la rendroient plus belle. A present qu'il est nuit Et qu'elle m'attend seule, retirez vous sans bruit, Et me laissez aller. LEANDRE.         Moy que je vous delaisse ! Me soubçonneriez vous de si grande foiblesse, Vous estant veu chez elle en un si grand danger Y retourner sans moy ce n'est pas m'obliger, Non non, je suis vos pas, disposez de ma vie, Ne croyez pas pourtant que ce soit par envie, De sçavoir vos secrets, ny troubler vostre Amour, J'attendray dans la ruë & jusqu'au poinct du jour. Ouy, je veux s'il le faut toute la nuit attendre. LIDAMANT. Ce seroit abuser de vous, mon cher Leandre, LEANDRE. On n'abuse jamais d'un veritable Amy Celuy là ne l'est point qui ne l'est qu'à demy. Quoy qu'il puisse arriver durant cette entreveue, Sçachez que vous aurez un Amy dans la rue, Qui pour vous seconder a le cœur assez fort, Et qui vous defendra mesme jusqu'à la mort. LIDAMANT. Puis-je douter de vous, & de vostre courage, En voyant cette preuve ? & ce grand tesmoignage Qu'il vous plaist me donner de vostre affection ? J'accepte la faveur, mais à condition Que vous me traiteréz avec mesme franchise. LEANDRE. Ne perdez point de temps suivez vostre entreprise FABRICE *bas caché derriere eux.*. Je les voy, mais d'icy je ne les entends pas. Approchons de plus pres, & marchons sur leurs pas. Il s'approche. LIDAMANT. J'oy du bruit. LEANDRE.     Qui va là ? FABRICE.         Nul ne va, je demeure. LEANDRE. Passez vostre chemin, viste mais tout à l'heure [257]. FABRICE,. Et pourquoy ? LIDAMANT.     Passez outre. FABRICE.         Il n'est pas de besoin [258] De passer plus avant, je ne vay pas plus loing. LIDAMANT. Amy que cherchez vous ? FABRICE,.         A vous rendre service. LEANDRE *l'espée à la main.*. Passez, ou je. FABRICE.         Tout beau Monsieur, je suis Fabrice. LIDAMANT. Que fais tu là ? FABRICE.     Je viens. LEANDRE.         Retourne t'en maraut Ou je te, LIDAMANT.         Laissez le ne parlez pas si haut, Ne faites point de bruit icy mon cher Leandre, Celle que je viens voir nous pourroit bien entendre, Son logis n'est pas loing. LEANDRE.         Est-ce proche d'icy ? LIDAMANT. Nous sommes arrivez peu s'en faut le voicy. LEANDRE. Quoy ! c'est là son logis ? LIDAMANT,.         Ouy c'est le logis mesme, Que je cherche où se tient cette beauté que j'ayme, LEANDRE. A t'elle un pere ? LIDAMANT.     Ouy [259]. LEANDRE.         Quoy ! c'est cette maison, Où l'on vous a tenu pres d'une heure en prison ? LIDAMANT. C'est la mesme maison & la mesme personne. LEANDRE. Où son pere. LIDAMANT.     Arriva. LEANDRE *bas*.         Que ce discours m'estonne. Qui vous surprit chez elle, & qui vous obligea, A vous cacher ainsi. LIDAMANT.         Je vous l'ay dit desja, C'est là que m'arriva cette belle adventure, LEANDRE. Amy, songez y mieux. La nuit estant obscure, Vous nouveau dans Paris vous pourriez que je croy⁎, Vous estre un peu mespris ? LIDAMANT.         Vous mocquez vous de moy ? Asseurement c'est là. LEANDRE.         Cela ne peut pas estre. LIDAMANT. Voila, je le sçay bien, sa porte & sa fenestre, Ne passez pas plus outre, Amy demeurez-là, Je m'en vais apeler. LEANDRE.         Que veut dire cela ? Cette maison sans doute est celle d'Orazie De quel estonnement est mon ame saisie ? Quoy ! mon meilleur Amy seroit-il mon rival [260] LIDAMANT. Retirez vous, je vay luy faire le signal, Car je ne voudrois pas, LEANDRE.         Vous m'avez ce me semble, Conté lors que tantost nous discourions ensemble, Que celle maintenant qui vous attend icy Est la mesme qui m'a tant causé de soucy, Troublant de ma Maistresse encor la fantaisie. LIDAMANT. Ouy c'est la mesme. LEANDRE *bas*.         Donc ce n'est pas Orazie, Car nous estions ensemble, il n'en faut point douter, Et que l'autre qui vint [261] LIDAMANT.         Je ne puis escouter. LEANDRE. Estoit. LIDAMANT.     Tout beau l'on ouvre. JULIE *à la fenestre.*.     Est-ce vous. LIDAMANT* à Leandre.*.         On m'appelle. JULIE. Est-ce vous Lidamant ? LIDAMANT.     Ouy c'est moy. LEANDRE *bas*.         L'infidelle. C'est Julie. Ah grands Dieux, je suis tout interdit. JULIE. Attendez je descends. LIDAMANT *bas à Leandre*,.         La servante m'a dit Qu'elle s'en va m'ouvrir. LEANDRE.         Oyez je vous supplie. Devant⁎. LIDAMANT.     Je ne le puis. LEANDRE *bas*.         Ah perfide Julie, Si c'est. LIDAMANT.     Elle m'attend. LEANDRE.     La Dame. JULIE* à la porte.*.         Lidamant. LIDAMANT. Me voila. LEANDRE.     Qui tantost. JULIE.         Entrez donc promptement LIDAMANT *en entrant*. Nous nous verrons apres. ### Scene II. Comme⁎ Lidamant entre Leandre veut entrer aprez luy, & Julie luy ferme la porte au nez. LEANDRE, FABRICE LEANDRE.         Me traitter de la sorte ? Julie effrontément fermer sur moy la porte ? Peut on voir justes Dieux un Amant plein de foy Plus troublé, plus confus, & plus trahi que moy ? Comment ? je viens chercher au logis d'Orasie Celle qui luy causoit tantost sa jalousie ? Qui passant au travers de la Chambre où j'estois Nous a si fort surpris, pendant que je parlois A la mesme Orasie ? ô l'estrange imposture, Cherchons la verité, mais qui soit toute pure, Elle a menti l'ingrate, icy tout m'est suspect, Ne croyons que nos yeux, oublions tout respect. Rompons tout, brisons tout, renversons cette porte. Que fais-je justes Dieux ? la colere m'emporte Viens-je pas de donner parole à Lidamant ? Mais qu'importe l'honneur, qu'importe le serment Quand on brusle d'amour, qu'on meurt de jalousie, Non non, je veux tout perdre en perdant Orasie, La perdre ? justes Dieux le pourrai-je souffrir [262], Rompons. FABRICE.     Que faites vous Monsieur ? LEANDRE.         Je veux mourir. M'en peut-on empescher ? qu'est-ce qui me retarde ? FABRICE. Mourir ? que dites vous ? donnez vous en bien garde [263]. On entend frapper de grands coups à la porte de devant. LEANDRE. Mais quel bruit est-ce là ? FABRICE.         C'est quelque autre jaloux Qui frappe à quelque porte, aussy bien comme vous. ### Scene III. Tomire, Julie, Leandre, Lidamant, Florimonde, Fabrice. TOMIRE *derriere le Theatre.*. Ouvrez Julie, ouvrez. JULIE *derriere le Theatre.*.         Grands Dieux je desespere, C'est Monsieur. LEANDRE.         Je me trompe, ou c'est la voix du pere. On entend des bruits d'espee derriere le Theatre. FABRICE,. Quel bruit, TOMIRE *derriere le Theatre.*.         Penses tu donc eviter mon courroux⁎. LIDAMANT *sort avec Florimonde entre ses bras dans l'obscurité.*. Ne vous estonnez point Madame asseurez vous. TOMIRE. Dieux cruels qui souffrez ce meschant qui m'affronte Comment me laissez vous survivre à cette honte. LIDAMANT. Puis que je suis dehors, je vous deffendray bien. FLORIMONDE. Menez moy droit chez vous, & je ne crains plus rien. LIDAMANT. Cherchons un mien amy qui m'attend à la rue. FLORIMONDE. Est-ce Leandre ? LIDAMANT.     Ouy. FLORIMONDE.         Grands Dieux je suis perduë, LIDAMANT. De quoy vous troublez vous ? FLORIMONDE.         Lidamant escoutez, Leandre est. LIDAMANT.         C'est en vain que vous le redoutez, Leandre est mon Amy, ne craignez rien Madame, Il n'est plus temps icy de vous cacher. FLORIMONDE.         Je pasme, Je suis morte autant vaut [264]. LIDAMANT.     Leandre. LEANDRE.         Me voicy, LIDAMANT. Ah grands Dieux quel malheur vient d'arriver icy. LEANDRE. Ne le puis-je sçavoir ? LIDAMANT.         Admirez mon adresse, Comme⁎ je discourois avecque ma maistresse, Son pere est arrivé, qui frappe, & nous surprend, Personne ne respond, & sur l'heure on entend, Que cedant à l'excez du courroux⁎ qui l'emporte Aydé de son valet, il rompt du pied la porte. Et l'espée à la main, le bon homme est venu, M'attaquer furieux. De peur d'estre cognu, N'ayant autre moyen, j'ay tué la chandelle, Et dans l'obscurité, j'ay sauvé cette belle. De peur qu'on n'ait dessein de courir apres nous Je fay le guet icy, conduisez là chez vous. LEANDRE. Fabrice le peut faire avec plus d'asseurance Et nous demeurerons icy pour sa deffence. LIDAMANT. Seulle avec un valet & dans ce lieu suspect ! Non ce seroit par trop luy manquer de respect. Moy de peur d'accident⁎ je garderay la ruë, Lidamant s'en va. ### Scene IV. Leandre, Florimonde, qui croit estre Orasie. [265] LEANDRE *en l'obscurité dans la rue.*. A la fin Orasie. FLORIMONDE *bas*.         Ah Dieux je suis perdue. LEANDRE. A la fin je vous tiens, vous n'eschaperez pas. FLORIMONDE *bas*. Que dois-je devenir ? LEANDRE.         Est-il homme icy bas, Qui m'esgale en malheur ? ne craignez rien cruelle, Encor que⁎ vous soyez inconstante, infidelle, Et que vous m'outragez jusqu'au dernier point [266], Je vous garantiray, non non, ne craignez point. FLORIMONDE *bas*. Que sera-ce de moy ? LEANDRE,.         Grands Dieux est-il possible, Que vous me reservez un tourment si sensible [267] ? ### Scene V. Tomire, Lisis, Fabrice, Lidamant, Tomire, & Lisis l'espée à la main. TOMIRE *dans la rue.*. Si les forces du corps, me manquent, j'ay du cœur⁎, & plus qu'il ne m'en faut pour venger mon honneur. LIDAMANT* l'espée à la main.*. Nul ne passe, arrestez. TOMIRE.         Attend moy de pié ferme, Infame, car ta vie est à son dernier terme, Il faut que je te tuë. FABRICE.         Ah je tremble de peur. LIDAMANT. Rejoignons nostre amy qui doit estre en lieu seur. FABRICE. Où diable suis-je allé ? j'estois bien las de vivre ? TOMIRE. Où vas-tu traistre ? Ah Dieux, je ne le sçaurois suivre, Lisis mon mal me presse & ne puis advancer. LISIS *prend Fabrice.*. Voicy quelqu'un des siens. FABRICE *pris*.         Eusse je peu penser Que mon maistre jamais m'eust delaissé ? TOMIRE.         Qu'il meure, Le traistre, le pendart, que ce soit tout à l'heure. FABRICE. Monsieur, au nom des Dieux ayez pitié de moy. TOMIRE. Ton nom ? FABRICE.         Le Curieux Impertinent [268], je croy Si la peur ne me trompe. TOMIRE.         Infame rend l'espée. FABRICE *presentant son espée.*. Elle ne fut jamais aux combats occupée, C'est trop peu de l'espée. Ah prenez mon chapeau, Mon poignard, mon pourpoint [269], mes chausses [270], mon manteau, Et s'il en est besoin, jusques à ma chemise [271]. TOMIRE. Es-tu pas le valet ? FABRICE.         Je parle sans faintise. TOMIRE. Du traistre qui ravit, l'honneur de ma maison, FABRICE. Ouy Monsieur je le suis, & vous avez raison. TOMIRE. Son nom ! FABRICE,.         C'est Lidamant qui loge chez Leandre. TOMIRE. Je ne te turay pas, mais je te feray pendre, FABRICE. Il faut en quelque lieu qu'il soit l'aller chercher [272]. TOMIRE. Mais Lisis soustiens moy, je ne sçaurois marcher Je periray plustost que l'affront m'en demeure. ### Scene VI. Leandre, Florimonde, un valet, Orasie & Nerine, au logis de Leandre, dans l'obscurité. Leandre vient chez luy avec Florimonde qu'iltient par la main, pensant tenir Orasie, ouvre avec la clef la porte, & Orasie &Nerine, escoutent dans la Chambre de Florimonde, en obscurité. LEANDRE. De la chandelle hola. UN VALET *derriere le Theatre.*.         Bien Monsieur tout à l'heure. ORASIE *dans la Chambre de Florimonde*. bas à Nerine. Escoutons ce que c'est, j'entends du bruit icy. LEANDRE *à Florimonde.*. Me voila belle ingratte à la fin esclaircy ? Pourriez vous soustenir. ORASIE* à Nerine*,.         C'est avec une femme Qu'il parle, escoutons le ? LEANDRE *à Florimonde.*.         N'estre pas une infame ? Ingratte, desloyalle, inconstante, & sans foy ? Que me respondrez vous ? FLORIMONDE *bas.*.         Justes Dieux sauvez moy. LEANDRE *à Florimonde.*. Est-ce pour ce suject que vous estes venue Tantost à mon logis ? ORASIE *à Nerine.*.         C'est celle que j'ay veue Chez luy, c'est elle mesme. LEANDRE *à Florimonde.*.         Ay-je autre chose à voir ? Vous voila maintenant ingrate en mon pouvoir. Voions si vous pourrez rencontrer quelque ruse Quelle fourbe à present vous servira d'excuse [273] ? Aurez vous bien le front d'oser me maintenir Que je me suis trompé ? pourrez vous soustenir Que cette *verité* soit *fausse* comme l'autre ? Parlez donc respondez car il y va du vostre [274]. Mais que pourrez vous dire ? ha miserable jour, Qui premier alluma le feu de mon Amour. ORASIE *bas à Nerine.*. Nerine escoute un peu de quelle hardiesse Il soustient son amour, & comme il le confesse. Elle entre en l'obscurité par la porte qui respond dans la Chambre de Leandre. NERINE,. Que faictes vous Madame ? ORASIE* bas à Nerine.*.         Ah Nerine je veux Entrer dans cette Chambre afin d'approcher d'eux Pour ouïr de plus pres ma sentence derniere. LEANDRE. Veut-on pas promptement apporter la lumière ? UN VALET *derriere le Theatre.*. Je la cherche Monsieur, je m'en vay de ce pas. FLORIMONDE *bas*. S'il l'apporte grands Dieux, que ne dira t'il pas ? Voyons si je pourrois de ses mains me deffaire. LEANDRE. Respondez, n'ayant rien à dire, il se faut taire. FLORIMONDE* s'eschappe de ses mains & dit bas.*. Courage tout va bien, je suis hors de ses mains. Leandre pensant reprendre Florimonde prend Orasie par le bras, qui se trouve au pres de luy dans la mesme Chambre. LEANDRE. Vous pensez eschaper mais vos efforts sont vains. FLORIMONDE *bas*. Ah Dieux, si je pouvois trouver la porte ouverte. LEANDRE. Mais que gagneriez vous ? la fourbe est decouverte, Non non, ne craignez rien, je seray trop vangé Quand je vous convaincray de m'avoir outragé, La chandelle venant vous n'aurez plus d'excuse, Je veux que vous soyez entierement confuse, Et que vous n'ayez rien du tout à repartir⁎. Et mesme vous oster le pouvoir de mentir. ORASIE *bas*. Je ne veux dire mot, il m'a prise pour elle, Quand on apportera tantost de la chandelle, Et qu'il me cognoistra, Dieux qu'il sera surpris, Voyant qu'il parle à moy. FLORIMONDE *bas*.         J'ay repris mes esprits, Quel heur⁎ pour moy d'avoir trouvé la porte ouverte. Sans cela j'estois morte, & courois à ma perte. Elle entre dans sa Chambre & ferme la porte. Me voicy maintenant en lieu de seureté [275]. LEANDRE. Seray-je encor long temps en cette obscurité ? De la chandelle hola. Un valet apporte de la chandelle.         Monsieur, je vous l'apporte. LEANDRE. Sors promptement d'icy. Je vay fermer la porte. Le valet sort & Leandre va fermer la porte. ORASIE *bas*. Dieux qu'il sera surpris à l'heure qu'il verra Que c'est à moy qu'il parle, & qu'il me cognoistra. LEANDRE. Et bien perfide, & bien desloyalle Orazie [276] ! Est-ce une illusion que cette jalousie ? Vous estes innocente, & vous avez raison. Non, vous n'avez commis aucune trahison ? Vous n'avez point trompé Leandre qui vous ayme, Mais peut-estre ay-je tort, & ce n'est pas vous mesme Non, non, c'estoit un autre [277] à qui je m'adressois, Je me suis abusé Madame cette fois Je me trompe sans doute & vous pren pour un autre. ORASIE. Dieux ! c'est un procedé merveilleux que le vostre. Quoy ! ne vous troubler point en cette occasion ? Me voir d'un sens rassis, & sans confusion ? Parler avec ce front, avec cette impudence ? LEANDRE. Ouy je me prens à tort à la mesme innocence [278] ? Vous devez me blasmer. Car j'y procede mal De vous livrer moy mesme aux mains de mon rival. ORASIE. Je devois en effect me plaindre la premiere Leandre, cette ruse est un peu trop grossiere, Vous voyant convaincu, dites moy de quel front Osez vous maintenant paslier cet affront ? Vous voir entre mes bras lors que vous pensiez estre Entre les bras d'un autre, & me faire paroistre Que c'est illusion, & que c'est en effect Moy que vous surprenez à present sur le fait ? Et ce qui fonde mieux cette surprise extresme Feindre parler à moy comme⁎ estant elle mesme [279]. LEANDRE. Voyez avec quel front cette infidelle ment. Ah je perds de tout point icy le jugement, J'estois avec un autre impudente effrontée ? ORASIE. A quoy bon ce discours ? la mine est esventée [280], Mon oreille & mes yeux m'ont dit la verité. LEANDRE. Voyez la trahison, voyez la lacheté, Mais cette femme encor qu'est elle devenue ? Comment a t'elle peu disparoistre à ma veue. ORASIE. Pourquoy demandez vous ce que vous sçavez bien ? LEANDRE. Cette fourbe est grossiere, & ne vous sert de rien. Parlons avec raison, dites moy je vous prie, Avez vous bien encor assez d'effronterie, De vouloir devant moy nier impudemment, Que comme⁎ vous estiez avecque Lidamant, Vostre pere arrivant, vous a traittez de sorte Qu'à tous deux il a fait soudain gaigner la porte ? Que Lidamant n'a pas luy mesme eu le soucy De vous mettre en mes mains pour vous conduire⁎ icy ? Dites que j'ay menti, que j'ay peu me mesprendre Qu'il est faux que je sois, ORASIE.         Vous me raillez Leandre ! Quels contes fabuleux icy me faites vous ? A moy qui dès ce soir n'a point esté chez nous ? Dire que vous m'avez en ces lieux amenée, Moy qui chez vostre sœur ay passé la journée, Exprez pour m'esclaircir, & voir ce que je voy. LEANDRE *frappe à la porte de sa sœur.*. Nous le sçaurons bien tost, Florimonde ouvrez moy. FLORIMONDE, *ouvre, entre, & dit bas.*. Il faut dissimuler, LEANDRE.         Est-il vray qu'Orasie Estoit avecque vous ? FLORIMONDE.         Dieux quelle frenesie [281], Orasie avec moy ! mais pour quelle raison ? Je devois dans deux jours aller à sa maison, Comme vous m'avez dit tantost pour cette affaire Dont vous m'avés parlé, mais elle pour quoy faire, Venir en mon logis. ORASIE.         Quoy pouvez vous nier Que je sois arrivée icy pour vous prier De demeurer ceans⁎ ? & que vous ? FLORIMONDE *l'interrompant.*.         Ces paroles Mon frere, ne sont rien que des contes frivoles. Tout ce qu'elle vous dit est faux asseurement. LEANDRE. Et bien que dites vous, voyez vous pas comment On vous manque à present, Icy de garantie ? Voyons si vous avez aucune repartie, Ma sœur ne songe à vous en aucune façon, Et d'elle vous voulez me donner du soubson, Et par un procedé qui n'est pas legitime, Vous la faites tremper mesme dans vostre crime, Mais je la cognoist bien je sçay bien quelle elle est. FLORIMONDE *bas à Orasie*. Pardonnez chere Amy, icy mon interest, Doit marcher le premier [282]. ORASIE.         Je commence à comprendre L'affaire comme elle est. Escoutez moy Leandre. Madame asseurez vous, que je n'oubliray rien, Gardez vostre interest je garderay le mien. Puisque la verité se depeint toute nuë, Il faut qu'en cét estat elle vous soit cognuë, Je veux declarer tout, & parler franchement. NERINE. Quelqu'un frappe à la porte. LIDAMANT *derriere le Theatre.*.     Ouvrez. LEANDRE.         C'est Lidamant Nous sçaurons maintenant le nœu de cette affaire FLORIMONDE *bas.*. Tout est perdu l'on va descouvrir le mistere, Qui pourroit l'advertir du danger où je suis. Rentrons, Dieux je retombe en un gouffre d'ennuis⁎. Elle entre dans sa Chambre. ### Scene VII. Lidamant, Leandre, Orasie, Florimonde. LIDAMANT. De crainte que quelqu'un vous suivist dans la ruë, J'ay demeuré derriere, & bien qu'est devenue La beauté que je viens de mettre entre vos mains. LEANDRE *luy montrant Orasie qui se cache.*. Lidamant la voila, mais vos projets sont vains, Si vous la pretendés. Car je perdray la vie, Avant que de souffrir qu'elle me soit ravie, Elle est entre mes mains & j'en suis possesseur. LIDAMANT. Ce procedé Leandre est-il d'homme d'honneur ? Voyez à quel amy justes Dieux, je me fie ? M'user d'une si lasche, & noire perfidie ? Si vous ne me rendez, mais je dis au plustost, La Dame que je viens de vous mettre en depost, Nous romprons je vous jure, & nous aurons querelle. LEANDRE* luy monstrant Orasie.*. Est-ce cette beauté. LIDAMANT.         Non non, ce n'est point elle, Gardez bien celle-là, je ne la cognoy point [283]. LEANDRE. Mes sens sont à ce coup interdis de tout point, Je suis tout hors de moy. LIDAMANT.         Comme avez vous l'audace, De vouloir supposer⁎ cette Dame en sa place ? Dites qui vous oblige à me traitter ainsi ? Sy c'est que vous ayez d'autre dessein icy, Parlez moy clairement Leandre je vous prie, Ce procedé vers moy passe la raillerie. Comme⁎ Florimonde escoute à la porte de sa chambre ce qu'on dit, Orazie la surprend & l'emmeine. ORASIE *prenant Florimonde par le bras.*. Je m'en vais à tous deux remettre les esprits [284], Est-ce pas là l'object dont vous estes espris ? Lidamant respondez. LIDAMANT.         Vous mocquez vous Leandre ? Qui vous peut obliger à me vouloir surprendre ? Pourquoy supposez⁎ vous la Dame que voicy, Si celle que je cherche & que j'aime est icy ? Car en effect voila la beauté que j'adore. ORASIE *à Leandre.*. Et bien Leandre, & bien, me direz vous encore, Qu'elle ne songe à rien, qu'elle ne sçait que c'est, Je fais ici premier marcher mon interest [285]. LEANDRE* l'espée à la main.*. Veilley-je ! ou si je dors ? infame cette espée Au deffaut d'un poignard dedans ton sang trempée, Me vengera bien tost, d'une perfide sœur, Il faut oster la vie, à qui m'oste l'honneur. FLORIMONDE* en fuyant.*. Sauvez moy Lidamant. LIDAMANT *retenant Leandre.*.         Dieux ? que viens-je d'entendre ? Comment donc ? cette Dame est vostre sœur Leandre ? LEANDRE. Ouy qui me doit payer un si sanglant affront, LIDAMANT *l'espée à la main.*. Moderez vous un peu ne soyez pas si pront Je la sers, & je doy m'armer pour sa deffense. LEANDRE. Son sang, ou je mouray, lavera cette offence Sçachant bien qui je suis, vous imaginez vous, Qu'aucun la serve à moins que d'estre son espoux ? LIDAMANT. Me l'accorderez vous si je vous la demande, En cette qualité [286] ? LEANDRE.         Quelle faveur plus grande Pourois-je recevoir au monde, justes Dieux ? Ma sœur seroit heureuse, & moy trop glorieux. LIDAMANT *à Florimonde.*. Donnez moy vostre main puis qu'il plaist à Leandre. FLORIMONDE. Mon frere y consentant je ne m'en puis deffendre. ### Scene VIII. Tomire, Leandre, Fabrice, Lidamant, Orasie,Florimonde, Nerine, Lisis. TOMIRE. Pardonnez si de nuit j'entre ainsi librement, Je suis trop offencé, monstrez moy Lidamant. LIDAMANT. C'est moy, que voulez vous ? TOMIRE *l'espée à la main.*.         Je veux avoir ta vie Traistre. LEANDRE *le retenant.*.         Moderez vous, calmez cette furie Vous l'attaquez à tort, vous n'avez pas raison. TOMIRE. Quoy ! je me plains à tort de cette trahison ! On m'a ravy l'honneur, & je me pourray taire [287] ? LEANDRE. Si c'est pour vostre fille, il vous faut satisfaire. Ce n'est point Lidamant, il espouse ma sœur. TOMIRE. Qui de ma fille est donc l'infame ravisseur ? LEANDRE. Il faut dessus ce point que je vous satisface. Mais si je puis de vous obtenir cette grace Qu'un glorieux Hymen nous unisse tous deux, Vous me mettez, Monsieur au comble de mes vœux. TOMIRE. C'est vous qui comblez d'heur⁎ toute nostre famille. Donnez luy vostre main, approchez vous ma fille. ORASIE *à Leandre.*. Enfin je suis à vous. NERINE.         O desplaisirs charmans, O desordre agreable, ô bien heureux Amans. LEANDRE. Ne tardons pas Messieurs en ce lieu davantage, Songeons à terminer ce double mariage. Fin de la Comedie des Fausses veritez de Monsieur Douville. # Glossaire.AccidentHasard, coup de fortune. V. 172, 564, 907, 1388, 1553.AppasAttrait, charme. V. 254, 586.AttraitsLa beauté, le charme, la grâce d'une femme.V. 1065, 1075.CeansIci.V. 454, 1701.CelerCacher, taire.V. 465, 1265, 1368.CœurCourage.V. 1563.CommeLorsque. V. 90, 362, didascalie v. 601, v. 778, 1153, 1159, 1160, 1161, didascalie v. 1497, v. 1538, 1666, 1680, didascalie v. 1746.ConduireAccompagner quelqu'un par civilité, par honneur.V. 555, 624, 1684.CourrouxColère, fureur. V. 295, 315, 723, 872, 1088, 1152, 1523, 1541.DevantAvant.V. 398, 1494.DivertirÉviter, empêcher, détourner (d'une préoccupation).V. 842, 908, 1392.Encor queBien que, quoique.V. 266, 877, 1558.EnnuiChagrin, souffrance.V. 95, 204, 580, 1724.FaveursCe qu'une maîtresse accorde à celui qu'elle aime, il s'agit aussi de petits cadeaux qu'elles leur font.V. 82, 154, 283, 286, 383.FortuneLe hasard, la chance, le destin.V. 1146, 1326.L'heurle bonheur.V. 347, 764, 1633, 1789.Que je croyÀ ce que je crois, à mon avis.V. 400, 1471.ProchainQui n'est pas loin, qui est proche.V. 1164, 1227.RecognoistreTémoigner par de la gratitude que l'on est redevable envers quelqu'un de quelque chose.V. 273, 653.RépartirRépliquer.V. 732, 1627.SupposerSubstituer.V. 1742, 1751.SuccezAu XVII*e* siècle ce mot n'avait pas un sens exclusivement positif comme c'est le cas dans la langue actuelle. Furetière donne la définition suivante : « reüssite, issuë d'une affaire. Il se dit en bonne et en mauvaise part. »V. 159, 1349. # Bibliographie. ## Textes de référence.L'Inconnue Casa con dos puertas mala es de guardar – El galán fantasma Obras completas Les Engagemens du hazard Arte nuevo de hacer Comedias en este Tiempo L'École des femmes ## Études sur d'Ouville et son œuvre.Romance notes XVII*e* Siècle Scarron inconnu et les types des personnages du roman comique Estudios de literatura española y comparada Dissertation Abstracts Revue d'histoire littéraire de la France ComediaL'Age d'Or de l'influence espagnole – La France et l'Espagne à l'époque d'Anne d'Autriche 1615-1666 A Theatre of Disguise – Studies in French Baroque Drama, 1630-1660 Historiettes ## Ouvrages généraux sur le XVII*e* siècle. Littérature française – L'Âge classique I, 1624-1660 L'Histoire de la mise en scène dans le théâtre français de 1600 à 1657 Œuvres complètes Cours de littérature dramatique La Comédie classique en France – De Jodelle à Beaumarchais Französische Literaturgeschichte Das französische Theater des 16. und 17. Jahrhunderts A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century Le Mémoire de Mahelot, Laurent et autres décorateurs de l'Hôtel de Bourgogne Histoire du théâtre français depuis son origine jusqu'à présent... Histoire de la littérature française – Le Classicisme ## Études générales sur la comédie en France au XVII*e* siècle.Les Sources de Molière Lire la comédie La Comédie avant Molière Comédie et société sous Louis XIII Die französische Komödie La Comédie ## Ouvrages sur le théâtre espagnol et son influence.Histoire du théâtre espagnol La Littérature espagnole Le Masque et le visage. Du baroque espagnol au classicisme français La Comedia espagnole en France de Hardy à Racine Spanische Literaturgeschichte Revue de littérature comparée ## Dictionnaires et outils grammaticaux.LeDictionnairedel'AcadémieFrançoise Dictionnaire universel ... Dictionnaire françois ... Grammaire du français classique Syntaxe française du XVII*e* siècle Introduction à la langue du XVII*e* siècle – Syntaxe Grammaire de la langue française du XVII*e* siècle ------- [1] Je me base ici sur les informations de l'article de Frederick de Armas « Antoine Le Métel Sieur d'Ouville : The "Lost Years" » , *Romance Notes*, XIV, 1972-1973, p. 538-543, aussi bien que sur la thèse de James Wilson Coke, *Antoine Le Métel, Sieur d'Ouville : His Live and his Theatre*, Indiana University, 1958. [2] Un séjour en Italie n'est pas mentionné de sa part, et aussi les autres sources l'ignorent. [3] Cf. Henri Chardon, *Scarron inconnu*, tome I, p. 324 -325. [4] « Avis au Lecteur », *La Fouyne de Séville, ou l'Ameçon des Bourses*, Traduit de l'espagnol par D. Alonso de Castillo Solórzano – 1661. [5] Cf. Henri Chardon, *Scarron inconnu*, tome I, p. 325. [6] Henri Chardon, *Scarron inconnu*, tome I, p. 319. [7] Tallemant des Réaux,* Historiettes*, tome I, p. 410, note 3. [8] Cf. Parfaict, *Histoire du théâtre français*, tome VII. De même Lancaster remarque concernant le succès des *Fausses Véritez* : « The play seems to have had some success, for ... it was still in the repertory of the Hôtel de Bourgogne in 1646-47. » (H.C. Lancaster, *A History of French Dramatic Literature*, II, 2. Voir aussi *Le Mémoire de Mahelot*, p. 51). [9] Parfaict, *Histoire du théâtre français*, tome VII, p. 54. [10] *Ibid.*, p. 52. [11] *Ibid.*, tome V, p. 353. [12] Voir *ibid.*, tome VII, p. 273. [13] Le privilège date du 25 octobre 1655 ; deux achevés d'imprimer : l'un le 20 novembre 1655, l'autre le 01 février 1656. [14] Etienne Jodelle, un des membres de la Pléiade, fut le premier auteur moderne à écrire deux pièces de théâtre de son cru. En 1552 il fit représenter sa comédie *Eugène*, inspirée de la comédie italienne, et un an plus tard sa tragédie *Cléopâtre captive*, dont le sujet était tiré de Plutarque, mais dont la forme n'était pas une simple traduction. Pourtant les comédies de ce genre, écrites par un homme érudit et destinées à un public intellectuel, furent représentées à la Cour et dans les collèges, mais il n'attirèrent pas suffisamment de spectateurs. En revanche, le peuple, qui ne comprenait pas cette sorte de comédies, s'amusait d'autant plus aux farces, qui par leur simplicité et leur comique vulgaire l'emportaient lentement sur la comédie. [15] Cf. La Préface de Bernard Dort dans : Colette Scherer, *Comédie et société sous Louis XIII*, Paris, Nizet, 1983. [16] Ce n'était pas la première fois que le théâtre français s'inspirait de la littérature étrangère. Déjà au XVI*e* siècle les comédies étaient imitées de l'Antiquité ou de la comédie italienne. [17] Cf. Neuschäfer, *Spanische Literaturgeschichte*, p. 152. [18] On notera que dans le théâtre espagnol du XVII*e* siècle, il n'existait pas de distinction entre les genres de la tragédie et de la comédie, telle qu'elle s'était développée en France à la même époque. *Comedia* pouvait désigner toute pièce de théâtre. [19] En effet, la représentation d'une *comedia* ne se limitait pas au seul texte qui nous est transmis aujourd'hui. Les spectacles se composaient de plusieurs éléments qui suivaient une chronologie rigoureuse : on commençait par une *loa*, un prologue en vers qui permettait de présenter la compagnie et d'exposer le sujet de la pièce. Puis venait la première journée de la *comedia*, suivie d'un petit acte burlesque nommé *entremés*. Entre la deuxième et la troisième journée se glissait encore un *baile*, qui était une danse sur texte chanté, et la fin de la *comedia* se composait d'une *mojiganga*, qui était une petite mascarade comique en vers. [20] Il y avait en effet des représentations quotidiennes, il n'existait pas de jours de repos comme en France. Par conséquent les pièces pouvaient être au programme seulement pendant cinq ou six jours, puis elles devaient être remplacées par une nouvelle pièce. Ainsi, chaque troupe de théâtre était obligée d'avoir pendant une saison au moins dix *comedias* nouvelles et trente anciennes dans leur répertoire. [21] Selon Tallemant des Réaux, d'Ouville était capable d'écrire en deux semaines une comédie « en beaux caractères ». (Tallemant, *Historiettes*, p. 409). [22] Entre autre, la pièce de Thomas Corneille *Les Engagemens du hazard* est une adaptation qui combine deux comédies de Calderón de la Barca : *Casa con dos puertas mala es de guardar* et *Los Empeños de un acaso* (voir aussi le chapitre VIII de cette édition). [23] Il convient de souligner ici que la *comedia* n'était pas inconnue des Français. Depuis l'arrivée d'Anne d'Autriche, infante d'Espagne, à la cour française, des spectacles espagnols avaient été organisés pour lesquels on faisait venir exprès des troupes de Madrid. Cependant les jugements portés sur les auteurs espagnols tels que Lope de Vega et Calderón de la Barca aussi bien que sur le jeu des acteurs espagnols étaient très réservés. (Cf. Cioranescu, *Le Masque et le visage*, p. 254-261). [24] En revanche, on se gardait de traduire des titres qui venaient de quelque proverbe, comme c'est le cas dans *Casa con dos puertas mala es de guardar* ; d'Ouville changea complètement le titre, nommant sa pièce *Les Fausses Véritez*. [25] Dans sa traduction le titre signifie : « Une maison à deux portes est difficile à garder ». [26] Pedro Calderón de la Barca (Madrid, 1600-1681) est considéré en Espagne comme le principal dramaturge baroque. Dans son œuvre on trouve une immense pluralité et variété de niveaux et de registres d'écriture. Ainsi, dès sa première période de création, qui va jusqu'à sa nomination comme ordonnateur des fêtes de la cour en 1635, il aborde le profond drame philosophique (*La vida es sueño – La vie est un songe*), la tragédie politique marquant l'ambition, l'amour et la jalousie (*El alcalde de Zalamea – Le maire de Zalamea, El médico de su honra – Le Médecin de son honneur*) et la « comedia de enredo », la comédie d'intrigue (*La dama duende, Casa con dos puertas mala es de guardar*...), ainsi que le complexe monde ludique du rire dans les* entremeses* (pièce dramatique amusante d'un seul acte, qu'on faisait représenter entre deux *jornadas* de la *comedia*) et les* mojigangas* (petite pièce dramatique très brève dans laquelle on introduisait des figures ridicules et extravagantes pour faire rire le public), sans oublier le « monument symbolique » de singulière beauté que sont ses *autos sacramantales* (pièce dramatique faisant office de culte à l'Eucharistie), telles que *El gran teatro del mundo – Le Grand Théâtre du monde*. Cf. les articles parus à l'occasion du quatrième centenaire de la naissance de Calderón de la Barca : « Las mil caras del bárroco », *La aventura de la historia*, año 2, n° 16, février 2000, Madrid. [27] C'est à ce genre de comédie qu'appartient aussi *Casa con dos puertas mala es de guardar*. Francisco de Bances Candamo nous donne la définition suivante de ce qu'est une comédie de cape et d'épée : « Las comedias de capa y espada son aquellas cuyos personajes son sólo caballeros particulares, como Don Juan o Don Diego, etc., y los lances se reducen a duelos, a celos, a esconderse el galán, a taparse la Dama, y, en fin, a aquellos succesos más caseros de un galanteo. » (*Teatro de los teatros de los pasados y presentes siglos*) En français, on pourrait désigner ces comédies effectivement comme « drames romantiques » tel qu'Antoine Adam le propose (cf. *Histoire de la littérature française au XVII*e* siècle*, t. II). [28] À l'époque il était inadmissible de faire loger un jeune homme dans la même maison qu'habitait une jeune fille en âge de mariage, à moins que ce soit son futur époux. [29] En effet d'Ouville évoque dans sa comédie des lieux bien connus de Paris : Florimonde et Lidamant ont rendez-vous tous les jours au Jardin des Tuileries, et lorsque Lidamant sort pour faire une promenade avec son ami, il lui propose : « Tyrons devers la Seine. / Allons sur le Pont-neuf. »(IV, 6, v. 1390-1391) [30] Acte I, scène 1, v. 36-38. [31] Troisième journée, v. 2340-2343. [32] Malheureusement les plus beaux passages des déclarations d'amour que Lisardo fait à Marcela n'ont pas été repris dans la pièce française ; on constatera que dans *Les Fausses Véritez* ces déclarations sont beaucoup plus courtes et rares. [33] Acte II, scène 3, vers 502-505. Florimonde est dès le début consciente de l'importance que l'honneur attache à l'amitié ; ainsi elle explique à Nérine : « Tu ne sçais pas encor, & c'est ce qui m'afflige / Jusqu'à quel point d'honneur l'amitié nous oblige. / C'est un lien trop fort, je sçay que Lidamant / Est plus parfaict Amy qu'il n'est fidelle Amant. / Son amitié Nerine est pure & trop sincere / Pour me vouloir servir au deceu de mon frere. » (Acte I, scène 1, v. 21-26). [34] En fait ce personnage s'est dégagé du couple antagoniste qui représentent Don Quichotte et Sancho Pança dans l'œuvre de Cervantes. Don Quichotte étant considéré comme le maître sage, intelligent, idéaliste et quand même aussi fou, Sancho Pança incarne plutôt le valet lâche à son côté, glouton, matérialiste et divertissant par ses maladresses et ses remarques irrévérencieuses. [35] Acte IV, scène 4, v. 1325-1327. [36] Acte IV, scène 4, v. 1338-1339. [37] Effectivement on peut remarquer que le personnage de Fabrice n'apparaît sur scène qu'à partir du troisième acte. Toute l'action qui se déroule depuis le début, se passe dans son absence. Cette situation le distingue de son modèle équivalent, Calabazas, qui avait été présent au rendez-vous qui ouvre la pièce espagnole ; mais lui aussi se sent négligé, car toutes les démarches que son maître entreprend après, se passent dans son absence. [38] Deuxième journée, v. 1655-1665. [39] Troisième journée, v. 2446-2463. [40] Première journée, v. 725-748. [41] Première journée, vers 11-30. Ce n'est qu'avec difficulté, Madame, / que le soleil parviendrait / à empêcher la fleur du tournesol / de suivre sa splendeur ; / Il serait tout aussi difficile pour le nord, / cette lumière fixe et claire, / d'empêcher que l'aimant se tourne vers lui ; / Et l'aimant peinerait / à dompter le métal / afin qu'il le laisse en paix. / Si votre splendeur est soleil, / tournesol est ma destinée ; / Si votre constance égale le nord, / ma douleur est pierre aimantée ; / Si votre rigueur se comporte en aimant / ma passion assidue réagit en métal ; / S'il en est ainsi, comment continuer à espérer / alors que sous mes yeux se dérobe / mon soleil, mon or et mon aimant, / moi, qui suis fleur, pierre et métal ? C'est nous qui traduisons. [42] Acte I, scène 2, v. 78-79. [43] Certainement dans quelques cas leur omission s'explique par le respect aux exigences dramatiques du théâtre français (cf. chapitre V de cette édition). [44] E. Martinenche, *La Comedia espagnole en France de Hardy à Racine*, p. 398. [45] *Op. cit.*, p. 407-408. [46] Félix Lope de Vega, *El Arte nuevo de hacer Comedias en este Tiempo*, Madrid, 1971, v. 188-193. « Inutile de limiter l'action à la course d'un soleil, / même si c'est là conseil d'Aristote ; / n'avons-nous pas failli au respect qu'on lui doit / lorsque nous avons mêlé la sentence tragique / à l'humilité de la bassesse comique ? / Qu'elle ne dure pourtant que le temps le plus court. » (Lope de Vega, *L'Art nouveau de faire les comédies*, trad. Jean-Jaques Préau, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 81-82). [47] Surtout Tirso de Molina soutenait avec ardeur cette opinion lorsqu'il écrit dans sa « Comedia Famosa del Vergonzoso en Palacio » : « Porque si aquellos establecieron que una Comedia no representasse sino la acción que moralmente puede suceder en veinte y cuatro horas, ¿cuánto mayor inconveniente será que en tan breve tiempo un galán discreto se enamore de una dama cuerda, la solicite, regale y festeje, y sin passar siquiera un día la obligue y disponga de suerte sus amores, que, comenzando a pretenderla por la mañana, se case con ella a la noche ? ¿Qué lugar tiene para fundar zelos, encarecer desesperaciones, consolarse con esperanças y pintar los demás afectos y accidentes sin los cuales el amor no es de ninguna estima ? » (Tirso de Molina, *Cigarrales de Toledo*, « Cigarral primero : El Vergonçoso en Palacio », Madrid, Biblioteca Renacimiento, 1621, p. 125.) « Mais n'y a-t-il pas un inconvénient beaucoup plus grand à ce que, dans un si bref laps de temps, un galant intelligent s'éprenne d'une dame sensée, la sollicite, lui fasse de cadeaux, la courtise et que, sans qu'un jour même ne se passe, il parvienne à lui plaire et ordonne de telle sorte ses amours, que, si ses intentions se sont déclarées le matin, il se marie avec elle le même soir ? Quelle place l'amant trouvera-t-il pour concevoir des soupçons, pour exprimer ses sentiments de désespoir, pour se consoler en reprenant espoir et pour dépeindre ses autre sentiments ainsi que les péripéties sans lesquelles l'amour n'a nul prix ? » [48] Caldeón fait commencer la comédie très tôt le matin, avec le rendez-vous journalier entre Marcela et Lisardo, et il la fait terminer le premier jour après la dispute entre Laura et Félix, celui-ci ayant vu un homme caché dans la maison de sa maîtresse. Cette étape équivaudrait aux deux premiers actes de la pièce de d'Ouville. Puis l'action continue le lendemain, puisque Lisardo rentre à son logis dans l'aube – « al amanecer » (ce qui lui vaudra des reproches de la part de son valet qui remarque avec indignation : « De dónde o cómo a tales horas vienes ? ... Después de haberte ido sin mí ... vuelves a casa como un rayo, casi al amanecer, descolorido, colérico, furioso, acontenido, airado... » (deuxième journée, v. 1655-1665). En outre, Félix placera plus tard la visite de sa sœur chez Laura le soir avant – « anoche » (deuxième journée, v. 2179) – et Laura racontera à Marcela des détails sur son excursion à la mer d'Ontígola (v. 2272-2337), ce qui prouve que toute cette partie de l'histoire se passe pendant une deuxième journée. [49] Acte IV, scène 1, v. 1143-1144. [50] Acte IV, scène 2, v. 1153. [51] La didascalie dans le texte espagnol marque : « Campo a la entrada de la villa », il s'agit donc d'un champ qui se trouvait à la sortie de la ville. [52] Dans la pièce espagnole ce dialogue se déroulait un peu avant, au moment où les deux hommes sont encore en chemin, comme le signale la didascalie : « Camino de Ocaña », c'est-à-dire, en route vers la ville d'Ocaña. [53] Première journée, v. 239-438 et 531-600. En fait, Félix relate à son ami dans une longue tirade comment il a fait la connaissance de Laura, que son apparence et sa beauté l'avaient impressionnées et séduites, et qu'il avait réussi à devenir son amant ayant rendez**-vous avec elle les nuits dans un jardin où « seulement les étoiles et les fleurs étaient témoins ». Lisardo, pour sa part, raconte qu'il était devenu soldat et qu'il avait servi dans la bataille de Flandres. Ensuite il était revenu en Espagne pour servir à la cour, après avoir été honoré pour ses exploits dans la guerre par une croix militaire ("cruz militar"). On remarquera qu'en omettant ce récit, d'Ouville a supprimé malheureusement cet aspect "héroïque" que caractérise le personnage de Lisardo. [54] Voir acte I, scène 2. [55] Cette dernière distinction est importante puisqu'on trouvera dans le texte à plusieurs reprises des récits résumant des scènes qui se sont déroulées devant les spectateurs. Cependant, ces récits ont une valeur considérable pour le public, qui apprend de cette façon les sentiments que les personnages expriment en racontant ou en apprenant le sujet de la scène (étonnement, surprise, désespoir...). [56] Acte I, scène 7. [57] Première journée, vers 777-801. [58] Ayant respecté l'unité de temps, le récit de Laura au début de la troisième journée (vers 2272-2337), où elle raconte à son amie toutes les aventures qu'elle avait subi pendant son excursion à Ontígola, est devenu également superflu. [59] C'est le cas au deuxième acte, où les scènes 10 à 13 se déroulent entre la chambre d'Orasie et la rue juste à côté, préparant la grande scène de méprise et de dispute entre Orasie et Léandre à la fin de l'acte. [60] On notera que d'Ouville a attribué la première journée de la pièce de Calderón au premier acte (c'est surtout dans cette journée que d'Ouville a coupé le plus grand nombre de passages lyriques), la deuxième journée aux actes II et III, et la troisième journée aux actes IV et V. De cette façon il a réussi à établir aussi un équilibre de contenu dans chaque acte, leur longueur variant entre 306 et 389 vers. [61] Dans les pièces espagnoles il n'existait qu'une coupure visible et perceptible en journées, mais pas en scènes. Cependant les entrées et les sorties des personnages étaient bien indiquées dans les didascalies du texte. [62] Quelques-unes des scènes ne dépassent même pas les 10 vers, ainsi, les scènes 4 et 7 ont 10 vers, la scène 9 en a 9, la scène 2 compte 8 vers et la scène n'en a que 4 vers. [63] Cf. Scherer, *La Dramaturgie classique*, p. 51. [64] Acte I, scènes 2-4. [65] Acte III, scènes 2-3. C'est lorsque Nérine apprend par Fabrice l'intention de partir de Lidamant que Florimonde entre avec décision dans la chambre de celui-ci. [66] Acte III, scènes 3-6. C'est la même chambre dans laquelle Florimonde suit la conversation entre Léandre et Orasie, et de laquelle elle sort au moment où elle croit que son secret sera révélé, traversant la chambre de Lidamant et causant la confusion des deux amants. [67] On apprend que les deux portes donnent à deux rues différentes (cf. acte II, scène 1, v. 455-457 et acte II, scène 6, v. 545-546). En effet, cette deuxième porte est la condition pour créer l'intrigue de cette pièce – son importance est bien soulignée dans le titre de la pièce espagnole. Grâce à elle, Florimonde invite Lidamant chez Orasie, ne craignant pas qu'il puisse associer cette maison avec celle de son amie. En outre cette deuxième porte évite que Léandre retrouve son rival après la dispute avec Orasie et que Tomire puisse empêcher Lidamant d'échapper avec sa maîtresse qu'il croit être sa fille. [68] Acte II, scènes 4-11. [69] Acte II, scène 6, v. 543-544. [70] Acte II, scène 8, v. 590-595. [71] Saint Marc Girardin, *Cours de littérature dramatique*, tome V, p. 418. [72] De même, la pièce ne pouvait durer que 1500-2000 vers seulement, pour ne pas ennuyer le public. [73] Acte I, scène 1, v. 21-26. [74] Acte II, scène 3, v. 502-505. [75] Acte V, scène 7, v. 1760. [76] Acte V, scène 1, v. 1435-1440. [77] Acte V, scène 2, v. 1510-1515. [78] Acte I, scène 2, v. 156-158. [79] Étant donné que Florimonde est sur scène pendant tout la conversation entre Léandre et Lidamant, il est évident qu'elle doit manifester ses réactions concernant le sujet duquel elle entend parler de façon gestuelle. [80] Cf. v. 1573-1582. [81] Dans le chapitre concernant la dramaturgie externe nous avons déjà étudié le fait que cette comédie comptait un nombre considérable de scènes très courtes qui lui donnent un rythme très agité. [82] En effet la pièce ne comporte que quatre monologues qui se limitent au premier et au deuxième acte (cf. I,6 ; II,10 ; II,12 ; II,13). Alors, les actions des personnages dans les trois derniers actes reposent sur des initiatives spontanées. [83] On trouve encore deux tirades (III,1 et IV,3) qui racontent une situation qui vient de se dérouler sur scène, mais sous le point de vue d'un des personnages. Cela apporte des informations sur son point de vue. [84] Acte III, scène 6, v. 1091-1100. [85] Acte III, scène 6, v. 1077-1083. Voir aussi les vers 1033-1039. [86] Cf. *Le Mémoire de Mahelot et de Laurent*. [87] En revanche l'impression de cette pièce date de 1655. [88] Boisrobert, *L'Inconnue*, Dédicace. [89] Voir *L'Inconnue*, acte II, scène 1. [90] On constate que dans les deux comédies ce sont les mêmes passages qui ont été supprimés – à l'exception des deux scènes mentionnées plus haut. De même, le nom de l'ancienne maîtresse de Rémond (~ Léandre) est pareil, elle s'appelle dans les deux comédies Iris, tandis que dans la comédie espagnole elle s'appelait Nise. En outre, plusieurs formulations et choix de mots sont identiques, même si le style – on y reviendra plus tard – était beaucoup plus élégant dans la pièce de Boisrobert. [91] Boisrobert a ajouté à son image l'aspect de « glouton » et « ivre » : ainsi, lorsque Félix (~ Lidamant) rentre tout troublé et étonné de son rendez-vous, et qu'il décide de quitter la ville, son valet avait, semble-t-il, bien mangé et bu, de sorte qu'il le trouve endormi. En outre, Filipin est plus superstitieux que Calabazas ou que Fabrice. [92] En effet, c'est elle qui mène l'intrigue pour rassembler les deux amants querellés – Rémond et Orante (~ Léandre et Orasie). Elle rend visite à don Rémond de sa propre initiative, et plus tard elle doit convaincre la maîtresse de celui-ci de le recevoir chez elle. [93] Ainsi, au moment où Félix et Climène (~ Lidamant et Florimonde) sont surpris par l'arrivée du père d'Oronte (~ Orasie), celle-ci est désespérée, tandis que son amie reste toute calme et tranquille, sachant comment se sortir de cette situation. Cette attitude « trop logique » lui enlève toute réaction de spontanéité et de naturel propre à l'embarras dans lequel elle devrait se trouver. [94] Cf. Chapitre IX de cette édition. [95] Même Lancaster fait une étude très brève de cette pièce à cause de sa ressemblance avec *Les Fausses Véritez*. [96] *Histoire du Théâtre français*, tome VII, p. 75. [97] L'impression de la pièce est postérieure, elle date de 1657. [98] *Ibid.*, p. 194. [99] Cf. Lancaster, *A History of French Dramatic Literature*, III, 1, p. 65. [100] * Histoire du théâtre français*, tome VII, p. 194. [101] Voir Roger Guichemerre, « Une source peu connue de Molière : le théâtre de Le Métel d'Ouville », *Revue d'histoire littéraire de la France*, 1965, p. 94–95. [102] En effet *L'École des femmes* fut la première pièce de théâtre de Molière en cinq actes qui eut du succès à Paris. Depuis son arrivée à la capitale, en 1658, l'auteur devait principalement son succès à ses petites comédies, c'est-à-dire, des comédies en trois actes ou même en un seul, telles que *Les Précieuses ridicules, Sganarelle, Les Fâcheux* et *L'École des maris*. Évidemment, ces pièces ne pouvaient pas constituer un spectacle à elles seules. Son premier vrai essai de comédie en cinq actes, *Dom Garcie de Navarre*, fut, hélas, un grand échec. Cependant il existe encore deux autres comédies de Molière en cinq actes, antérieures à ses créations réalisés à Paris, et qu'il fit représenter au cours de son pérégrination en province : *L'Étourdi* et *Le Dépit amoureux*. Il s'agit dans les deux cas d'adaptations d'originaux italiens. [103] Claude Bourqui, *Les Sources de Molière*, p. 122. [104] Cf. Lancaster, *History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, II, 2, p. 430, note 1. [105] Le sens des adverbes *pas* et *point* s'accentua peu à peu, de sorte qu'ils finirent par exprimer à eux seuls la négation. Cet emploi était surtout fréquent dans l'interrogation directe au XVII*e* siècle. (Haase, *Syntaxe française du XVII*e* siècle*, § 101). Voir aussi les vers 4,8, 290, 407, 410, 690, 868, 1030, 1511, 1704 et 1748. [106] *resver* : être distrait, entretenir ses pensées. Ce mot prend un sens particulier en parlant d'amour, Furetière explique : « Les amants se plaisent à resver dans un lieu solitaire pour entretenir leurs pensées ». [107] *à mesme heure* : à l'heure même [108] Cette construction, qui aujourd'hui paraît archaïque, était encore très courante après le XVII*e* siècle : lorsque deux impératifs étaient coordonnés par *et*, le pronom précédait le 2*e* impératif. (Haase, § 154.B). Voir aussi les vers 224, 537, 1289 et 1425. [109] *Quand vous luy deffendrez* : Lorsque vous lui interdirez d'en parler à Léandre. [110] *point d'honneur* : Il s'agit de certaines règles et maximes concernant lesquelles les gens de la noblesse croyaient que leur honneur dépendait. [111] *au deceu de mon frere* : S'il faut pour cela tromper mon frère. [112] Comprendre : Le moindre soupçon l'amène à se faire un faux image de la situation. [113] Nous avons corrigé ce vers afin de rétablir le rythme métrique et d'éviter le hiatus. Dans l'édition originale on trouve : « Madame il m'a semblé que jusque à ce jour ». [114] *Comme je puis durer* : Et que je puis demeurer. C'est à dire, que Léandre est saisi d'une très grande tristesse qui fait qu'il en pense tout le temps. Ainsi il est content s'il arrive à dormir seulement un quart d'heure. [115] Jusqu'au XVI*e* siècle *ne* exprimait à lui seul la négation sans que l'adjonction de *pas* ou *point* fût nécessaire comme dans la langue actuelle. Les règles qui gouvernent la négation encore aujourd'hui furent établis au XVII*e* siècle. Cependant, les exceptions étaient encore fréquentes et ne disparaissèrent jusqu'à la fin du siècle (cf. Haase, p. 250, § 100.) D'Ouville emploit dans cette pièce souvent la négation avec la seule particule *ne* : voir les vers 135, 192, 197, 305, 309, 408, 439, 751, 781, 794, 806, 882, 891, 953, 964, 1019, 1029, 1050, 1053, 1084, 1189, 1234, 1328, 1336, 1338, 1365, 1735 et 1774. [116] Comprendre : Je vous veux taire aussi les faveurs que j'eus de cette femme qui, lorsque je la servais, était plus amoureuse de moi que je ne l'étais d'elle... La présence de la conjonction *que* ici est probablement un ajout par l'imprimeur pour éviter le hiatus entre *aussi* et *en*. [117] Le genre de ce mot était indécis au XVII*e* siècle. Pour terminer ce vers en tant qu'alexandrin féminin, d'Ouville a employé ici la forme féminine, ce qui fait que l'adjectif accordé se termine par un e-muet et rime ainsi avec *satisfaite*. [118] Référence à *jalousie*. [119] Il est frappant de constater jusqu'à quel point ce récit ressemble à celui qu'on trouve dans *Casa con dos puertas mala es de guardar* : Desta suerte, pues, teniendo / la Fortuna de mi parte, / viento en popa, del amor / corrí los inciertos mares, / hasta que el viento mudado / levantaron huracanes / de una tormenta de celos, montes de dificultades. / Tormenta de celos dije : / ved, si alguna vez amasteis, / ¿ qué esperanza hay del piloto ? / ¿ Qué seguro de la nave ? / Bien creeréis, Lisardo, bien, / cuando así escuchéis quejarme / de los celos, que soy yo  / quien los tiene : no os engañe / el afecto de sentirlos / desta suerte ; porque antes / soy quien los he dado, y ellos / son en sus efectos tales, / que me matan dados, como / tenidos pueden matarme. / ¡ Oh ! ¿ A qué nacen los que a ser / dados ni tenidos nacen ? / Hay una dama en Ocaña, / a quien yo rendido amante / festejé un tiempo ; ésta pues,  / por darme muerte y vengarse, / se ha declarado con ella, / fingiendo finezas grandes / que a mi amor debe... / no permite que la vea, / no me deja que la hable (v. 439-476). [120] Comprendre : ...la différence même... [121] L'ancienne langue ometait très arbitrairement la répétition du pronom personnel sujet devant des verbes coordonnés employés à un mode personnel (cf. Haase, § 147). Voir aussi les vers 163, 274, 831, 948, 1190 et 1571. [122] C'est à dire, Léandre retient le conseil de son ami d'aller voir sa maîtresse, cependant il ne croit pas qu'elle soit plus en peine que lui. [123] *j'arrivé*, et dans le vers suivant *je m'allé* sont des formes de la conjugaison archaïque du passé simple, propre au XVII*e* siècle. Voir aussi le vers 366. [124] *de vanter les faveurs* : de se vanter des faveurs. [125] Dans ce récit de Lidamant on trouve également une grande similitude avec le passage équivalent dans la comédie espagnole : Saludela cortésmente, / y ella, antes que yo pasase, / por mi nombre me llamó. / Volví en oyendo nombrarme, / y diciendo a Calabazas / que con el rocín me aguarde, / llegué diciendo : « ¡ Dichoso / el forastero, a quien saben / su nombre las damas ! » Y ella, / con más cuidado en taparse, / me respondió a media voz : / « Caballero de esas partes / no es forastero en ninguna » ; / y añadió favores tales, / que me obliga la vergüenza, / por mí mismo, a que los calle ; / porque no sé cómo hay hombres / tan vanos, tan arrogantes, / que de que ha habido mujeres / que los buscaron, se alaben. (v. 609-628). [126] *Mais un salut forcé m'a privé de la voir* : Mais une rencontre que j'ai faite involontairement m'a privé de la voir. [127] *mettre en hazard* : mettre en peril, en danger. Furetière explique : « Quand les femmes vont en mauvaise compagnie, leur honneur court hasard. » [128] Lidamant est interrompu ici par l'arrivée de Julie, ce qui fait que son discours reste incomplet. Aujourd'hui on marquerait un tel phénomène par des points de suspension à la fin de la phrase, cependant, au XVII*e* siècle, époque où la ponctuation répondait à d'autres critères – ceux du récit à haute voix – on mettait un point. Voir aussi les vers 452, 528, 1277, 1454, 1455, 1456, 1466, 1481, 1488, 1489, 1494, 1495, 1496, 1532, 1686 et 1701. [129] *Mais un Ange plustost* : Mais tu es sûrement un ange... (Florimonde revient sur son indécision). [130] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : CELIA – Don Félix, / ¿ podrá una mujer aparte / hablaros ? / FÉLIX - ¿ Pues por qué no ? / MARCELA – *Aparte.* / ¡ Oh, a qué buen tiempo llegaste, / mujer o ángel, para mí ! / FÉLIX –Luego irá el cuento adelante : / permitid ahora, por Dios, / que con esta mujer hable, / que es criada de la dama / que os dije (v. 659-668). [131] *Voyez si vous devez une autre fois me croire* : Vous voyez que vous pourrez me croire à l'avenir. [132] Il est curieux de constater que dans la version originale on trouve ici le verbe *emmener* au lieu d'*amener*. La supposition que le verbe *emmener* aurait été employé au sens d'*amener* au XVII*e* siècle peut être rejettée car les dictionnaires de l'époque attestaient deux sens différents pour chaque verbe. Nous corrigeons cette faute aussi au vers 995. [133] *à l'heure* : sur l'heure, immédiatement. [134] Au XVII*e* siècle, le genre de ce mot était indécis. Pour maintenir le rythme de l'alexandrin, d'Ouville a employé la forme masculine de *affaire*. [135] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : CELIA – No te admires ni te espantes / que no me atreva a venir / a verte ; porque si sabe / mi señora que te he visto / no habrá duda que me mate. / FÉLIX – ¿ Tan cruel conmigo está ? / CELIA – Viniendo yo hacia esta parte / a un recado, no he querido / dejar de verte y hablarte. / FÉLIX – ¿ Y qué hace tu hermoso dueño ? / CELIA – Sentir, es lo más que hace, / tu ingratitud... (v. 674-685). [136] Comprendre : Si l'on me peut prouver que je l'ai offensée, non pas effectivement – ce serait trop – mais simplement en pensée,... [137] Haase donne l'explication suivante concernant cette construction syntaxique : « Le pronom de la 3*e* personne à l'accusatif servant de complément direct, et précédant un autre pronom au datif, pouvait être omis dans l'ancienne langue, qui considérait le nom qu'il remplaçait comme suffisamment présent à l'esprit. Cette ellipse est encore en usage chez tous les auteurs du XVII*e* siècle. » (Haase, § 4.A). Voir aussi le vers 1280. [138] Lorsqu'un verbe à un mode personnel en précédait un autre à l'infinitif sans préposition, l'ancienne langue considérait les deux verbes comme une seule expression et plaçait le pronom devant le premier. Cet emploi était général au XVII*e* siécle. (Cf. Haase, § 154.C). Voir aussi les vers 237, 238, 639, 824, 853, 896, 959, 970, 1029 et 1054. [139] Ce caractère rusé est encore plus marqué dans le personnage de *Casa con dos puertas mala es de guardar* : dans cette pièce Celia se moque de l'aveuglement des amoureux à l'égard d'un tel stratagème : ¡ Ay bobillos, y qué fácil, / a la casa de su dama, / es de llevar un amante ! (v. 702-704). [140] Cette scène se termine par une « rime ouverte », c'est à dire, qu'on s'attendrait à ce que le premier vers de la scène suivante ferme cette rime. Étant donné que cela n'est pas le cas, on peut supposer que ce vers a été omis par l'imprimeur. [141] *... que tu me vins surprendre* : que tu vins surprendre mes sens me faisant tomber amoureuse de toi. [142] *Esprit* : caractère, temperament, humeur. [143] On lit ici dans l'édition originale « JULIE »  : nous avons corrigé cette faute d'impression. [144] *elle* et *la* se réfèrent à *excuse*, qui passe du statut de verbe au statut de substantif. [145] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : ... tanto deseo / ver cómo se disculpa, / que qiero hacerle espaldas a la culpa : / pues la que más celosa / se muestra, más colérica y furiosa, / más entonces desea / satisfacciones, aunque no las crea ; / que es dolor el de celos tan extraño, / que se deja curar aún del engaño : / pues cuando el desengaño no consiga, / conseguiré a lo menos que él lo diga (v. 806-816). [146] Comprendre : C'est à toi seule que je reproche le fait que Léandre soit chez moi. [147] *faire le vain* : se vanter, tirer vanité de. [148] L'édition originale attribue par erreur la suite de cette réplique à Julie. [149] Comprendre : ... à l'innocence même. [150] Dans l'édition originale les vers 298 et 299 étaient présentés dans l'ordre suivant : LEANDRE. / Que vos soupsons sont faux. / ORAZIE. / Moy jalouse de vous, Dieux quelle vanité ! / LEANDRE. / Qu'avez-vous donc esté. Nous avons corrigé cette faute d'impression. [151] *Un*, dans l'acception de *quelqu'un* de la langue actuelle, était très courant au XVII*e* siècle (Haase, § 49). [152] L'emploi de ce mot paraît étrange dans ce contexte qui développe plutôt la perception visuelle d'Orasie par Léandre (cf. vers 360). Nous proposons « visage » au lieu de « langage ». [153] Au XVII*e* siècle *soi* se rapporte couramment à un nom de personne sujet, tandis que *lui* et *elle* faisaient référence à un sujet indéterminé. Etant donné que *«L'Amour»* (vers 329) est personnifié et par conséquent déterminé, on trouve ici la forme *soy*. (cf. Haase, § 18). [154] Comprendre : ...il se demande en lui même quel est cet œil brillant qu'il connaît en se fondant sur autrui. [155] Au XVII*e* siècle *en* est courant pour *dans* si le substantif est précédé d'un autre déterminant qui ne soit pas article (cf. Sancier-Château, Anne, *Introduction à la langue du XVII*e* siècle*, page 107). Voir aussi les vers 572, 901, 1160 et 1251. [156] *faire état de quelque chose* : « se dit de la pensée, de l'estime, de l'opinion qu'on a de quelque chose » (Furetière). Léandre croyait donc que ce brillant éclat était celui que tout le monde estimait tellement. [157] Cette explication métahporique de Léandre est identique à celle que Félix expose à Laura dans la comédie de Calderón de la Barca : Pues explíqueme mejor / otro ejemplo : nace ciego / un hombre, y discurre luego / cómo será el resplandor / del sol, planeta mayor, / que rumbos de zafira gira ; / y cuando por fe le admira, / cobra en una noche bella / la vista ; y es una estrella / la primera cosa que mira. / Admirando el tornasol / de la estrella, dice : « Sí, / éste es el sol ; que yo así / tengo imaginado al sol » ; / pero cuando su arrebol / tanta admiración le ofrece, / sale el sol y le oscurece. / Pregunto yo : ¿ ofenderá / una estrella que se va, / a todo un sol que amanece ? ... (v. 937-956). [158] *les rigueurs* : Furetière donne la définition suivante : « On dit aussi les rigueurs d'une maîtresse, pour dire, sa vertu, le refus qu'elle fait de ses faveurs.» [159] *trait* : « se dit figurément et poëtiquement des regards, et des blessures qu'ils font dans les cœurs, quand ils y inspirent de l'amour. » (Furetière). [160] D'Ouville ne précise pas les motifs qui mènent Léandre à agir de cette façon, on apprend par Florimonde seulement que c'est « pour certaine raison ». En revanche, dans le texte espagnol Marcela est bien instruite sur les raisons qui obligent son frère à taire sa présence lorsqu'il loge chez lui un ami : así ... pensó sanear la malicia / de que Ocaña no dijera / que traía a casa un huésped / tan mozo, teniendo en ella / una hermana por casar (v. 1067-1071). En effet il était intolérable pour l'honneur familial de faire loger un hôte dans la même maison qu'habitait une jeune fille en âge de mariage. [161] *se divertir* : « on dit qu'un homme se divertit quand il n'a autre occupation que celle de se réjouïr & de passer son temps. » (Furetière). [162] *N'ayant peu* : Puisque je n'ai pu. [163] *refreiner* : contenir. [164] Cette ellipse s'explique par le fait que dans l'ancienne langue on n'exprimait pas toujours les nominatifs des pronoms atones, sujets du verbe. L'usage de les exprimer ne s'établit que peu à peu à une époque ultérieure (cf. Haase, § 8). Voir aussi le vers 1571. [165] *au point que* : au moment où. [166] *le mettre à fin* : le mener à bien. [167] La langue du XVII*e* siècle omet très souvent, contrairement à l'usage actuel, la préposition *de* devant un infinitif construit avec le *que* comparatif (cf. Haase, § 88). [168] *le larcin* : Furetière précise qu'en parlant d'amour il s'agit des « plaisirs dérobés, pris en cachette, ou des baisiers surpris à la personne aimée. » [169] *l'heur* : se dit d'une rencontre avantageuse avec une femme. [170] *Aucun* est employé ici dans son sens primitif de *quelqu'un*. Au XVII*e* siècle cette expression appartient plutôt au registre de la langue populaire (cf. Haase, § 50.A). Voir aussi le vers 568. [171] Comprendre : Et qui lit. [172] *entreprendre* : diriger une attaque, en paroles ou en action, contre quelqu'un. Lidamant n'oserait jamais faire quelque chose qui nuise à son amitié pour Léandre. [173] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : LISARDO – Ya os entiendo, / y aunque pueda, no pretendo / satisfaceros en nada ; / porque mujer que de mí, / donde no soy conocido, / tanta noticia ha tenido ; / mujer que se guarda así  / de un hombre, de quien yo soy / amigo ... / porque antes que galán vuestro / fuí de Don Félix amigo. / MARCELA – Habéis sin duda pensado, / por las nuevas que yo os doy, / que dama de Félix soy ; / pues estáis muy engañado ; ... / LISARDO – Si los principios negáis, / mal argumento tenéis. / ¿ De quién mi nombre sabéis, / y de mí informada estáis ? / ¿ De quién, pues, habéis sabido / lo que en su mismo aposento / a los dos ha sucedido ? (v. 1266-1296). [174] L'ellipse du pronom neutre *il* est une omission fréquente au XVII*e* siècle (cf. Haase, § 8.D). Voir aussi le vers 795. [175] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : FABIO - Celia, ¿ qué es esto ? / Esta puerta, ¿ cuándo abierta / sueles, por dicha tener ? / LAURA – Vínome Marcela a ver, / y por estar esa puerta / la más cerca de una casa / adonde ella estaba, yo / la hice abrir ; por ella entró / y quedóse así : esto pasa. / FABIO – Perdonad, bella Marcela ; / que como la luz del día / ya se va a poner, no os veía (v. 1340-1351). [176] *patir* : souffrir. [177] Omission d'un vers par faute d'impression. [178] On dit qu'un homme va *rendre ses devoirs* à quelqu'un, pour dire qu'il va le saluer et lui faire des compliments (Furetière). [179] *desplaisir* : chagrin, peine. [180] Comprendre : Choisissez un meilleur moment pour venir me rendre visite. [181] *quand* : une fois que [182] Comprendre : C'est assez. [183] Cette expression est incompréhensible, nous proposons : « ayant de cette porte ». [184] *Le cœur me faut* : le cœur me manque. Il s'agit ici du verbe "faillir". [185] *constamment* : avec constance. [186] *abattre le courage* : le détruire. [187] *avec usure* : au-delà de ce qu'on a reçu. [188] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : CELIA – Caballero, / en gran confusión estamos / por vos. / LISARDO – Ya sé lo que os debo ; / que aunque he entendido muy poco / del caso, porque aquí dentro / llegaban muertas las voces, / he entendido por lo menos / los empeños desta casa. / CELIA – Vamos de aquí. ... / Salga él una vez de casa, / y más que sucedan luego / muertes de hombres en la calle (v. 1536-1548). [189] À partir du XVI*e* siécle, la langue tend à construire l'infinitif faisant fonction de complément avec une préposition comme aujourd'hui. Cependant au XVII*e* siècle la préposition est fréquemment omise après le verbe *feindre*. (Haase, § 87). [190] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : Nada me quería mi padre / que fuese de más momento, / que decirme que mañana / ha de ir a un cercano pueblo, / adonde su hacienda tiene, / y yo a mis desdichas vuelvo. / Celia, Celia, ¿ dónde estás ? ... / Pero aunque todo lo arriesgue, / esto ha de ser ; que primero / soy yo. Perdone Marcela, / esta vez. Ce, caballero ... / no os espantéis de mirarme (v. 1569-1589). [191] Cette quasi stichomythie dans les répliques des deux amants se trouve déjà dans le modèle espagnol : FÉLIX - ¿Cómo puedo, cómo puedo / dejar de espantarme, Laura, / de mirarte... / LAURA – ¡ Ay Dios ! ¿Qué veo ? / FÉLIX – ¿Tan mudable ? / LAURA – ¡ Ay infelice ! / FÉLIX – ¿ Y tan falsa ? / LAURA –¡ Ay Dios ! ¿ Qué es esto ? (v. 1590-1594). [192] L'ancien français faisait couramment un complément à l'accusatif sujet d'un infinitif. Une telle expression était encore fréquente au XVI*e* siècle, mais à l'époque de d'Ouville elle était déjà conçue comme archaïque (Cf. Haase, § 89). [193] Cette réplique ironique de Léandre est reprise de celle de Félix dans la comédie espagnole : porque no habiendo tenido / un hombre en este aposento ; / no habiendo dicho que estaba / cerrado el paso por esto ; / no habiendo venido tú / a hablarme por él ; no habiendo / visto yo... ¿ Qué he de haber visto ? / Nada digo, nada entiendo (v. 1607-1614). [194] *decevoir* : tromper. [195] Comprendre : ...l'innocence même. [196] *Accomode mes hardes* : arrange mes affaires, mes bagages. *Hardes* aux XVII*e* siècle désignait l'équipage d'une personne ; le dictionnaire de l'Académie précise que ce mot « s'emploie surtout dans le sens péjoratif. » [197] Cette didascalie était marquée par erreur pour toute la réplique de Fabrice. [198] *incontinent* : tout de suite, aussitôt. [199] *Et sans passer plus outre* : sans qu'autre chose se passe, arrive. [200] *Mais si ce ne l'est pas* : mais si ce n'est pas le cas, si elle n'est pas sa maîtresse. [201] *Aussi* construit avec une préposition négative signifie *non plus* en ancien français, sens qu'il conservera jusqu'au XVIII*e* siècle (cf. Haase, § 142, p. 389). Voir aussi le vers 1366. [202] *le fait* : Par le contexte il faut comprendre « choses, affaires ». Cependant ce mot n'est attesté dans aucun des trois dictionnaires du XVII*e* siècle sous un sens pareil, il y conserve toujours une signification issue du verbe *faire*. [203] Cette orthographe pour le mot « tard » peut paraître étonnante. Mais, étant donné qu'au XVII*e* siècle on prononçait toutes les lettres, même les finales, pour faire rimer deux vers, il est évident que les mots « depart » – prononcé à la fin aRt – et « tard » – prononcé à la fin aR – n'auraient pas rimé ensemble. Pour cette raison d'Ouville a eu recours à un changement d'orthpgraphe, créant, conformément à la prononciation de la rime, la forme d'écriture « tart » (cf. *Lire Racine*, p. LXIV-LXVIII). [204] *Quand* : même si, quand bien même. [205] Ce mot désigne une grande ville qui par son gigantisme ou la corruption des mœurs de ses habitants rapelle la capitale de l'ancienne Babylonie, dont la réputation était très mauvaise. Cette orthographe pour « Babylone » paraît étrange ; en effet, elle n'est pas attestée au XVII*e* siècle. Cependant, ce mot est attesté avec l'orthographe « Babilon » vers 1598 dans *Differences de la Religion* de Philippe de Marnix, qui écrit : « si j'entreprenoy de deduire tous ces misteres par le menu, ce seroit une vraye Babilon, c'est à dire confusion et désordre » (cf. *Trésor de la langue française*). De même, le dictionnaire d'Edmond Huguet comporte cette orthographe (avec renvoie à « Babylone »), citant lui aussi ce passage de Marnix. Ainsi, on peut supposer qu'au XVII*e* siècle existait encore une forme archaïque telle que d'Ouville l'a employée. Autrement, cette orthographe ne trouve qu'une explication dans la métrique du vers : grâce à cette forme d'écriture le vers comporte douze syllabes, sinon elle en aurait eu treize. [206] Au XVII*e* siècle ce mot avait deux orthographes : on trouvait « bigearre » aussi bien que « bizarre », les deux formes étaient courantes. [207] *en quittant mes affaires* : m'obligeant à quitter mes affaires. [208] Fabrice fait allusion à la comédie précédente de d'Ouville, *L'Esprit follet*, qui fut représentée dans les années 1638-1639 et publiée en 1642. Dans cette pièce l'héroïne Angélique est tombée amoureuse du jeune Languedocien Florestan, qui est l'ami de son frère et qui loge dans leur maison. Par le moyen d'une porte secrète, elle s'introduit dans sa chambre en son absence et elle fouille dans ses papiers, met ses affaires en désordre, lui fait des présents, lui écrit des lettres et en reçoit de lui. Florestan n'est pas entièrement la dupe de cette intrigue, mais il veut savoir quelle sera la fin de cette aventure, dont il n'imagine rien que de gracieux. En revanche son valet Carille ne pense pas de même, prévenu que tous ces désordres sont un effet de la puissance d'un « Esprit Follet », il s'abandonne à des frayeurs et des craintes ridicules. [209] *je m'en fuy* : je m'enfuis. Voir aussi le vers 950 : il s'est enfui. [210] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : LISARDO – ¿ Tan presto tuvisteis nueva / de mi partida ? / MARCELA – Las malas / vuelan mucho. / CALABAZAS – *Aparte*. Vive Dios, / que con los demonios habla ! ... / MARCELA – En fin, ¿ os vais ? / LISARDO – Sí, y huyendo / de vos, que vos sois la causa (v. 1863-1870). [211] *l'extraction* : l'origine, « se dit figurément en Genealogie, de la souche, de la branche, de la famille dont on est sorti » (Furetière). [212] *& sans vostre dommage* : et pour que vous restiez exempt de dommage. [213] Le pronom neutre *qui*, résumant une proposition antérieure, s'emploiait en ancien français sans le déterminatif *ce*. Cependant, à partir du XIV*e* siècle le déterminatif *ce* devint fréquent dans cette construction ; au XVII*e* siècle son omission était rare (cf. Haase, p. 67-68, § 35.A-B.) [214] *de moy* : à mon égard, à l'égard de moi. [215] Lidamant se réfère à la maîtresse de son ami, qu'il croit être aussi la sienne. [216] Il est évident que les vers 923 et 924 ont dû être prononcés à basse voix, s'agissant d'un aparté. Il est étonnant que cela ne soit pas marqué en didascalie. On notera aussi que cette situation est identique à celle dans la comédie de Calderón de la Barca : FÉLIX – ¡ Ay Lisardo ! Bien dijistes, / cuando hablasteis de los celos, / que sus mortales desvelos, / y que sus efectos tristes, / eran tan otros tenidos / que dados, cuanto se ofrece / entre quien hace y padece ; / pues padecen mis sentidos / el daño que antes hicieron. ... / LISARDO – Pues ¿ cómo o de qué nacieron ? /(*Aparte*. ¡ Vive Dios ! que él ha seguido / esta dama, y que sus celos / son de mí y della) (v. 1911-1925). [217] Comprendre : Mais lorsque son père arriva il a fallu que je me cache. [218] *être empesché* : être embarrassé. [219] *à clair* : clairement, en toute claireté. Ou selon Furetière : « nettement, sans obscurité ». [220] Dans l'édition originale le -e final est en partie effacé ainsi, sans doute, que le point. [221] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : FÉLIX – Pues ¿ quién aquel hombre era ? / LAURA – No puedo decirte quien. ... / FÉLIX – ¿ Por qué ? / LAURA- Porque no lo sé. / FÉLIX – ¿Qué hacía escondido allí ? / LAURA – No lo sé tampoco. / FÉLIX – ¿ Pues / dónde la satisfacción / está ? / LAURA – En no saberlo (v. 2054-2062). [222] Léandre doit dire ces mots *bas*. Il est étonnant de constater que cet aparté ne soit pas marqué explicitement. [223] Dans l'édition originale, le -s final a été rajouté par l'imprimeur mais pas le point final. Nous corrigeons cette erreur. [224] Dans l'ancien français, *non* seul se joignait souvent au mode personnel du verbe pour exprimer la négation. Cependant *ne* (forme affaiblie de *non*) s'y substitua bientôt, et *non* ne fut employé que pour accentuer le caractère négatif d'une réponse devant les verbes auxiliaires ou le verbe *faire*, lorsque celui-ci remplaçait un autre verbe (cf. Haase, § 99.A. ) [225] Nous avons corrigé ce vers afin de rétablir le rythme métrique. Dans l'édition originale on trouve : « Je vous entens desja, Madame que j'ai quitté ». [226] *me causent peu de peine* : m'inspirent peu d'amour. [227] *songer* : rêver ; Furetière dira, cinquante ans plus tard, que ce mot « vieillit ; dans la langue courante on dit plutôt maintenant *Rêver*. » [228] Orasie reprend ici les reproches que Léandre lui avait faits auparavant (vers 1034-1039) pour les diriger maintenant contre lui. Ce jeu d'inverser les mots figure aussi dans la comédie espagnole : No saberlo es la disculpa, / la culpa el saberlo es, / pues ¿ cómo quieres que venza / lo que sé a lo que no sé ? (v. 2062-2065 et 2102-2105). [229] Comprendre : qu'on fasse mention de vous. [230] Comprendre : Je suis innocente tandis que vous, qui reconnaissez mal le feu qui me consume, vous êtes plein de trahison. [231] *faire vomir l'ame* : rendre l'âme, tuer. [232] Comprendre : Qui ne pouvait pas manquer de m'attendre en bas. [233] *succeder* ( > succès) : réussir, avoir une heureuse issue. [234] Comprendre : ...qui c'est. Il est curieux de constater que Florimonde voussoie ici sa suivante tandis que dans toute le reste de la pièce elle la tutoie. [235] *gesner* : torturer, faire souffrir. [236] Référence à sa maîtresse Orasie. [237] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : Que tú, hermana, has de fingir / que un gran disgusto, un enfado / conmigo has tenido, y que / en tanto que esto se pasa, / te quieres ir a su casa : / y así una espía tendré / para el fuego que me abrasa ; / pues tú a la mira estarás, / y a pocos lances verás, / quien este embozado es, / y con secreto depués / de todo me avisarás (v. 2207-2218) [238] *Quand bien* : quand bien même. [239] Furetière explique que l'expression *avoir martel en teste* signifie : « Il a quelque chose qui lui donne du chagrin, du soucy, de l'inquiétude, de la jalousie ». Orasie avait donc l'impression que cette « dame inconnue » était jalouse et en souci, ayant entendu sa conversation avec Léandre. [240] *fantaisie* : imagination. Selon Furetière il s'agit de « la determination de l'esprit à croire ou à vouloir les choses selon les impressions des sens. » [241] * Estant fort mal fondé* : ...qui n'est appuyé sur rien, puisqu'il n'est qu'imaginaire (référence à *soubson* ). [242] *J'entends mon frere et moy* : je me réfère à mon frère et à moi, je veux dire mon frère et moi. [243] Comprendre : Et que... [244] *et luy faire sçavoir* : et qu'après vous le lui fassiez savoir. [245] *tout à l'heure* : sur le champ. [246] Le sens de ce mot est bien celui de « compte », cependant l'orthographe du XVII*e* siècle ne distingait pas entre *conte* et *compte*. [247] Comprendre : Qui est-ce qui... [248] *Connaistre que* : se rendre compte que. [249] Comprendre : ... mais pourquoi le rendez-vous n'est-il pas en plein jour ? [250] *être en gloire* : être au comble du bonheur après avoir surmonté toutes les difficultés. [251] *estre asseurement* : être en sécurité. [252] *Tyrons devers la Seyne* : Allons jusqu'à la Seine, du côté de la Seine. [253] *au besoing* : dans le besoin, en cas de nécessité. [254] *Penser* signifiant « soigner un malade » n'est attesté avec cette orthographe que dans le dictionnaire de l'Académie. Dans les dictionnaires de Furetière et de Richelet, on trouve l'orthographe actuelle *panser* et *pancer*. [255] *retirez* : couché. Le dictionnaire de Furetière précise : « un homme est bien retiré, lorsqu'il demeure chez luy clos & couvert, & qu'il ne veut voir ni frequenter personne. » [256] *dependances* : suite des choses, des événements. [257] *Tout à l'heure* : tout de suite. [258] *Il n'est pas de besoin* : Il n'est pas nécessaire. Cette expression, qui à présent a disparu de l'usage, était employé couramment au XVII*e* siècle, où les verbes *être, sembler* et *paraître* suivis d'un substantif se construisaient avec la préposition *de*. La syntaxe moderne considère ces substantifs plutôt comme des attributs de ces verbes. [259] Pour que l'alexandrin soit correct, il est nécessaire de faire une diérèse dans le mot *Ouy*. [260] Ces idées de Léandre auraient dû être prononcées à basse voix, il s'agit ici d'un aparté. [261] Comprendre : ...Car nous étions ensemble ... et parce que l'autre qui vint était... Le verbe *estoit* se trouve au vers 1489, puisque Léandre est interrompu par la réplique de Lidamant. Cependant, la phrase restera incomplète, car plus loin la suite des événements interrompra les pensées de Léandre. [262] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : Pero ¿ cóm a esto me atrevo, / si a Lisardo la palabra / le he dado ? Pero ¿ qué importa / la amistad, la confianza, / el respeto, ni el decoro ? / Que donde hay celos se acaba / todo, porque no hay honor / ni amistad que tanto valga (v. 2766-2770) [263] *donnez vous en bien garde* : ayez garde de ne pas le faire. [264] *autant vaut* : c'est tout comme. [265] C'est une formule très curieuse, on attendrait plutôt :* qu'il croit estre Orasie*. [266] Pour que l'alexandrin soit correct, il faut faire une diérèse sur le mot *dernier*. [267] *sensible* : pénible. [268] D'Ouville a repris dans sa pièce cette allusion à *El curioso impertinente*, qui figure déjà dans la comédie de Calderón de la Barca. Il s'agit d'un conte qui constitue les chapitres XXXIII-XXXV dans le premier tome du célèbre ouvrage de Miguel de Cervantes *El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha*. Cependant, le titre *Le Curieux Impertinent* est aussi connu dans la littérature française : l'un des frères Brosse écrit une pièce de théâtre portant ce titre, mais celle-ci est postérieure aux *Fausses Véritez*. [269] *le pourpoint* : Habillement d'homme pour la partie supérieure du corps, elle couvrait le corps du cou jusqu'à la ceinture et protégeait ainsi le dos, l'estomac et les bras. [270] *les chausses* : Partie inférieure de l'habit d'un homme, elles couvraient les fesses, le ventre et les cuisses. [271] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : LELIO – Aquí se quedó nuno dellos. / FABIO – Pues muera, Lelio. ¿ Qué aguardas ? / CALABAZAS – Deteneos, ¡ por Dios ! / FABIO - ¿ Quién sois ? / CALABAZAS – Si es que el miedo no me engaña, / un curioso impertinente. / FABIO – Dejad la espada. / CALABAZAS – La espada / es poca cosa ; el sombrero, / la daga, el broquel, la capa, / la ropilla y los calzones (v. 2844-2852). [272] Comprendre : Peu importe où il est, il faut l'aller chercher. [273] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : FÉLIX – Ya, por lo menos, ingrata, / ya por lo menos no puedes / negarme... / LAURA *Aparte*. / Con mujer habla. / FÉLIX – En este lance, que eres / mudable, inconstante, falsa, / cruel, aleve, engañosa ; / pues a nadie desengañan / más cara a cara sus celos. / MARCELA *Aparte*. / Aquí mi vida se acaba. / FÉLIX - ¿ Para esto viniste hoy / a mi casa ? / LAURA – *Aparte*. / La que estaba / tapada hoy es, pues la dice / que hoy ha venido a su casa. / FÉLIX – En mi poder estás, mira / si habrá disculpa... (v. 2873- 2887). [274] *il y va du vostre* : il s'agit de votre intérêt. [275] Dans une autre émission de cette impression on trouve : *seuretê*. Nous conservons l'orthographe qui nous paraît la plus correcte, considérant l'autre comme une faute d'impression. [276] Une émission différente de la même pièce met ici un point d'interrogation. Nous gardons le point d'exclamation, le considérant comme le plus probable à avoir été prononcé par un acteur du XVII*e* siècle dans ce vers. [277] Le pronom substantif *autre* construit avec l'article indéfini masculin, se rapportait au XVII*e* siècle aux femmes aussi bien qu'aux hommes (cf. Haase, p. 113, §54.A). Voir aussi les vers 1649, 1662 et 1669. [278] Comprendre : ... à l'innocence même. [279] Comprendre : ... c'est de feindre de parler à moi comme si j'étais l'autre elle-même. [280] *la mine est esventée* : le secret est découvert. [281] *la frenesie* : la folie. [282] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : FÉLIX – Di, ¿ ha estado / contigo esta noche Laura ? / MARCELA - ¿ Laura conmigo, señor, / a qué efecto ? Yo mañana / había de ir a estar con ella ; / pero ¡ ella conmigo ! / LAURA –Aguarda. / ¿ No vine esta tarde yo / a perdirte que en tu casa / me tuvieras ? ¿ Y a la mía / tú... ? / MARCELA – No prosigas, que nada / de esto es verdad. / FÉLIX – Laura, ¿ ves / qué mal te salió la traza ? ... / LAURA – *Aparte a LAURA.* / Sí, que soy primero yo (v. 2966-2982) [283] Cf. *Casa con dos puertas mala es de guardar* : LISARDO - ¿ Dónde / habéis puesto aquella dama ? / FÉLIX – Veisla aquí ; pero primero / que acabe con mi esperanza, / el verla en vuestro poder, / me habéis de sacar el alma. / LISARDO – Hasta ahora no creí / que caballeros, engañan, / de vuestras obligaciones, / a los que dellos se amparan. / La dama que os entregué, / os pido. / FÉLIX - ¿ No es esta dama / la que me entregasteis ? / LISARDO – No. (v. 2994-3006). [284] Comprendre : Je vais à tous deux ouvrir les yeux, je vais vous éclaircir la situation. [285] Ce dernier vers, Orasie le dirige à Florimonde comme réponse au vers 1712. Il s'agit d'une sorte d'aparté. [286] C'est-à-dire à titre d'épouse. [287] Comprendre : ...et vous prétendez que je me taise ?