--- identifier: perrin_pomonelivret creator: Perrin, Pierre ; Cambert, Robert ; Georges Forestier. date: 1671 title: Livret de Pomone, pastorale en musique --- Livret de Pomone Opéra, ou Représentation en musique. Pastorale. Composée par Monsieur PERRIN, Conseiller du Roy en ses Conseils, Introducteur des Ambassadeurs prés feu Monseigneur le Duc d'Orléans. *Mise en Musique par Mr* CAMBERT,* Intendant de la Musique de la feuë Reyne.* Et representée par l'Académie Royale des OPERA. A PARIS, De l'Imprimerie de ROBERT BALLARD, seul Imprimeur du Roy pour la Musique, ruë S. Jean de Beauvais, au Mont Parnasse. M. DC. LXXI. *AVEC PRIVILEGE DE SA MAJESTE.* # Note sur la présente édition. ## Orthographe. Cette édition présente le texte dans sa graphie et son orthographe originales, y compris en cas de variation orthographique, parfois au sein de la même page (cf. v. 229 et didascalie suivante, deux orthographes du mot « Nourrice »). Quelques conventions cependant ont été adoptées pour le confort de lecture : les graphies des lettres « i » et « j », ainsi que « u » et « v », ont été systématiquement différenciées, les ligatures, ou esperluettes ont été déliées, la graphie moderne du « s » a été choisie ; l'accent diacritique, distinguant les prépositions « à », et « ou », du verbe avoir à la troisième personne du singulier de l'indicatif, et de l'adverbe relatif « où », a été rétabli ou supprimé, partout où il a été nécessaire : – V. 222 : « Ou regnent les feux de l'amour » > « **Où** regnent les feux de l'amour » – V. 262 : « Ah ! nous trouvons l'épine, ou nous cherchons la Rose ! »> « Ah !nous trouvons l'épine, **où** nous cherchons la Rose ! » – V. 437 : « Cette insensible à méprisé les vœux» > « Cette insensible **a** méprisé les vœux » Les astérisques suivant certains mots renvoient au lexique à la fin de cette édition. ## Mise en page. La mise en page et la typographie de la pièce ne sont pas toujours très claires et varient selon les cahiers. Étant pris pour acquis (voir introduction) que l'édition d'un livret d'opéra était l'œuvre essentiellement de l'imprimeur, à partir des documents que lui fournissaient le poète et le compositeur (notamment la première version de la partition), prendre des options de disposition du texte ne nous a pas semblé attenter à son authenticité, dans la mesure où le livret-programme de Ballard n'a probablement pas été revu par Perrin. Les « réclames » de fin de page, n'ont pas été reproduites ; la taille plus importante de la page d'impression actuelle en rendant l'usage moins nécessaire. La structure métrique de *Pomone* n'est pas régulière, contrairement aux tragédies, en alexandrins en distiques à rimes plates. Pour le confort du lecteur, nous avons opté pour une norme progressive de décalage des vers, avec l'alexandrin pour référence : les taquets de tabulation sont placés à 2 pour les vers de 4 et de 5 syllabes, à 1,5 pour les heptasyllabes et les hexasyllabes, à 1 pour les octosyllabes, à 0,5 pour les décasyllabes, à 0 pour les alexandrins. Dans l'édition originale, les vers sont en italiques, et les didascalies en caractères romains : dans notre édition, les normes actuelles sont respectées, c'est-à-dire les vers présentés en caractères romains, les didascalies en italiques, une virgule systématiquement placée avant la didascalie. Les noms des personnages et les noms propres comportent systématiquement une majuscule, contrairement à la typographie de l'édition originale, notamment dans les listes de présentation de personnages en début de scène. Dans ces listes, des virgules sont également placées systématiquement entre les personnages par souci de clarté, par choix de suivre un usage adopté dans la plupart des cahiers, mais pas tous. Nous n'avons considéré comme des didascalies que des indications ponctuelles, marquant un changement d'attitude ou de situation au cours de l'action théâtrale. Aussi, les indications de déguisement, fréquentes, ne sont pas présentées en italiques lorsqu'elles s'appliquent à toute une scène. Elles sont d'ailleurs fixées dès les premières pages dans la liste des personnages, et appartiennent en quelque sorte au paratexte de l'œuvre. Le statut particulier du texte d'un livret engendre certaines difficultés pour la numérotation des lignes. Il faut attirer l'attention du lecteur scrupuleux sur le fait que la numérotation est forcément inexacte : en effet, lorsque des paroles sont répétées, des vers sont omis et remplacés par un « etc » ; lorsqu'un vers est réparti entre plusieurs personnages, il est souvent introduit par une sorte d'attaque qui ne peut être considérée comme un vers à part entière, mais est néanmoins comptée comme une ligne de texte (l. 104) Enfin, la distinction entre deux hexasyllabes, et un alexandrin réparti entre deux personnages et coupé à l'hémistiche n'est pas toujours évidente, du fait d'une disposition typographique moins précise que la norme actuelle. Nous avons donc dû effectuer des choix, sans doute arbitraires, en suivant ce qui nous a semblé la logique du texte : – V.103 : considéré comme un alexandrin continu. – V.395 : considéré comme un vers de 9 syllabes continu. – V.490 : considéré comme un alexandrin continu réparti en deux hémistiches. – V.515 : considéré comme un alexandrin continu réparti en deux hémistiches. – V.533 : considéré comme un alexandrin continu. ## Corrections. Nous corrigeons les coquilles suivantes : – Extrait du privilège : « et seellé » corrigé en « et ***scellé*** ». – v. 383: « et et beuvez avec luy » donnerait un vers de treize syllabes. Nous corrigeons en « ***et***beuvez avec luy ». – Avant-propos (p. 5, §4) « J'ai consenti que la pièce fut imprimée » corrigé en « J'ai consenti que la pièce ***fût***imprimée. » – V. 450 : « labsence de Zephir » corrigé en « **l'absence** de Zéphir » – V. 499 : « ma » corrigé en « **m'a** ». ## Description des exemplaires. Pour le livret Ballard, notre édition prend comme référence l'exemplaire conservé à la Bibliothèque nationale de France-François Mitterrand conservé sous la côte RES-YF-1241. Cet exemplaire in-4° est inclus dans un recueil de ballets et de divertissements de cour rassemblés dans un ordre à peu près chronologique à partir du *Ballet des Ballets* (compilation d'entrées de ballets et de divertissements, Décembre 1671) jusqu'à *Alceste ou le Triomphe d'Alcide* de Quinault et Lully (1675), et présente la particularité de contenir plusieurs gravures représentant Paris, Versailles et Saint-Germain en Laye. La tranche du livre est marquée « Ballets/Tome 5 » en lettres dorées et ornée de fleurs de lys. … : p.128 du recueil : gravure « Veue et Perspective du pont-rouge de la Ville de paris » ajoutée et pliée. I : Page de titre. POMONE./*O P E R A*,/ou/REPRESENTATION EN MUSIQUE./*P A S T O R A L E./*Composée par Monsieur PERRIN, Conseiller du Roy en ses Conseils, Introducteur des Ambassadeurs prés feu Monseigneur le Duc d'Orleans./*Mise en Musique par M*r* CAMBERT, Intendant de la Musique de la feuë Reyne*./Et representée par l'Academie Royale des OPERA./fleur de lys/A P A R I S,/De l'Imprimerie de Robert BALLARD, seul Imprimeur/ du Roy pour la Musique, ruë S. Jean de Beauvais,/au Mont Parnasse./filet/M. DC. LXXI./*AVEC PRIVILEGE DE SA MAJESTÉ.* II : verso blanc III : décor : Roi siégeant en Majesté, conseillers, féaux et évêques autour de son trône surmonté d'un dais richement paré ; trompettes à droite Epître dédicatoire. IV : suite et fin de l'Epître dédicatoire. V-VIII : Avant-propos. IX-X :décor gravé : fond fleurdelysé, Roi en majesté, avec manteau d'hermine, main de justice sceptre à fleur de lys, et couronne en globe, entouré de trois musiciennes (basse de viole, luth ; triangle) et d'une lectrice, assises sur de riches coussins. Inscription P.R. sous les pieds du Roi. Présentation des personnages. 11-52 : texte de la pièce LIII-LVI : LETTRES PATENTES DU ROI/*pour establir, par tout le Royaume, des Academies/d'OPERA, ou Representations en Musique en*/*Langue Françoise, sur le pied de celles d'Italie.* LVI :frise Extrait du Privilege du Roy. ## Autres exemplaires consultés. Bibliothèque de l'Arsenal : un exemplaire, conservé sous la cote GD-43708 ; la couverture a été remplacée par un cartonnage, et le texte a probablement été extrait d'un recueil semblable à celui de l'exemplaire choisi comme référence. Deux autres exemplaires sont conservés à la BNF, dont voici les cotes : – YF-781 – RES-YF-2357 Nous avons également consulté, pour ses entours intéressants (voir introduction), l'édition du *Recueil général des opéras* de 1714 par C. Ballard, tome I, conservé à l'Arsenal sous la cote GD-29. Pour le second Avant-propos, le texte sous la partition et son étude dramaturgique, nous nous sommes servis : – Du microfilm reproduisant le recueil factice de la BNF François-Miterrand conservé sous la cote YF-329, où l'Avant-propos d'un Argument de *Pomone* perdu, signalé par Nuitter et Thoinan, se trouve. – de la réimpression en fac-similé (format original 15X11) de la partition Ballard, par les éditions Minkoff, en 1980. – d'une reproduction imprimée à partir d'une microfiche de la partition originale imprimée par Ballard, conservée en deux exemplaires à la Bibliothèque Nationale, site Richelieu, sous les cotes RES-VM2-1 et RES-VM2-2. # AU ROY. Sire, Aprez avoir rendu Vostre Estat victorieux, tranquille & bien-heureux, il ne restoit plus à V.M. qu'à le rendre riche, brillant & magnifique. C'est dans cette veuë qu'elle a transplanté dans son Royaume les Arts Liberaux, le Commerce & les Manufactures, & qu'elle s'est appliquée avec tant de soin à l'embellissement de ses Maisons, & de sa Ville Capitale : C'est cét Esprit de grandeur & de magnificence, dont Vostre Ame Royale est entierement possedée, qui a fait sortir de terre ces grands Palais du Louvre, & de Versailles, & qui les a comblez de cette profusion admirable de meubles & de richesses : C'est luy qui a donné à la France tant de beaux divertissemens, & nouvellement ce Superbe Ballet [1], qui a fait l'étonnement⁎ de toute l'Europe. Toutes ces choses m'ont persuadé, S I R E, que V. M. auroit agreable [2] que l'on introduisit dans son Royaume le seul spectacle & l'unique divertissement dont il estoit privé, qui est celuy des Opera [3], que l'Italie & l'Allemagne avoient de particuliers, & sembloient nous reprocher tous les jours [4]. V. M. S I RE, a eu la bonté d'approuver mon dessein, & de l'appuyer de son authorité, & j'ay eu le bon-heur d'estre assisté dans cette entreprise des soins et de la dépense d'un des plus grands Seigneurs [5] tout ensemble [6], & des plus beaux Genies de Vostre Royaume. Avec cela, S I R E, V. M. trouvera sans doute que nous avons mal répondu à la grandeur de ses illustres desseins, & à la magnificence de ses Ballets : Mais quelle proportion y peut-il avoir entre le Soleil et les Etoiles, entre de foibles sujets, & le plus grand des Roys. Le courage, S I R E, nous manque moins que les forces : Elles redoubleront, si V. M. honore nos representations de sa Royale presence, & nostre Academie de sa toute-puissante protection : Nous luy demandons tres-humblement l'un & l'autre. Pour moy, S I R E, je suis déja plus que content d'avoir témoigné par cet effort temeraire le zele⁎ passionné que j'ay pour l'avancement de vostre gloire, & la profonde veneration avec laquelle je suis, SIRE, De V. M. Le tres-humble, tres-obeïssant, & tres-fidele sujet & serviteur. PERRIN. # AVANT-PROPOS. Dez les premieres representations de cét Opera [7], mes amis m'avertirent que l'on en critiquoit les paroles, & comme ils estoient persuadez que c'estoit injustement, ils me conseillerent pour les justifier de les faire imprimer : Je m'en suis deffendu jusqu'icy, en leur representant que je n'estois point surpris des mauvais bruits que l'on en faisoit courir ; qu'outre que par une fronde⁎ [8] de deux années j'estois tout accoustumé & tout preparé aux caquets des envieux⁎, des interessez, & des ignorans, dont le nombre estoit infiny, je ne doutois pas que la nouveauté⁎ de cette Poësie Lyrique & Dramatique tout ensemble ne frapat d'abord les plus habiles⁎ [9] , jusqu'à ce qu'ils en eussent pris le goust, & qu'à force de reflechir dessus ils fussent entrez dans son esprit, d'autant plus qu'ils ne trouveroient pas icy ce qu'ils attendoient, qui estoit des Airs & des Chansons de Chambre sur des paroles retournées [10] & pleines de redites continuelles, telles que la Musique Françoise en a produit jusqu'icy [11], mais d'une manière de Poësie originale et sans modele : Que je devois estre content de voir que contre l'opinion generale j'estois parvenu à ma fin, & que ces Vers si criti- quez formoient non seulement un Opera François, que les Maistres de l'Art soûtenoient estre impossible par le deffaut de la langue & des Acteurs ; mais, de l'aveu public, le spectacle le plus surprenant, le plus divertissant & le plus beau que des particuliers ayent donné de nos jours à la France [12]. Que les plus mal intentionnez, apres l'avoir veu & censuré⁎ en toutes ses parties, estoient forcez de revenir, & d'avoüer qu'ils ne s'y estoient point ennuyez, & que tout leur chagrin⁎, apres deux heures & demie de representation, estoit de le voir si-tost finir : Qu'au reste ce n'estoient que des bruits confus & mal articulez, qui n'aboutissoient qu'à blâmer trois ou quatre vers, dont les expressions, disoit-on, estoient trop basses et trop vulgaires, sans considerer ny les personnes qui parlent, ny les choses ausquelles elles sont appliquées [13], & lesquels mesme j'ay changez pour éviter procez, & pour m'épargner des explications importunes. Que le reste n'estoient que de fausses plaisanteries, que l'on y crioit [14], disoit-on, des Pommes & des Artichauts, que l'on y parloit de Bourriques⁎, & de pareils quolibets, qui ne meritoient pas une reflexion. Qu'enfin je devois estre consolé d'apprendre que quatre ou cinq de nos plus habiles⁎ hommes en Poësie, qui connoissoient par leur propre experience l'Art & la difficulté de composer des paroles pour la Musique, ne disoient pas du mal de celles-cy, & y reprenoient peu de choses, qu'ils confessoient encore estre faciles à corriger. Mes amis n'ont pas esté satisfaits de ces raisons, & m'ont representé. Que les bruits se fortifioient de jour en jour. Que le venin se glissoit par contagion jusques dans les esprits les plus éclairez, & les personnes les plus desinteressées. Que je leur donnois le temps de former & de debiter de mauvais jugemens, dont apres ils auroient honte & peine de se retracter ; qu'il y alloit non seulement de mon honneur de me justifier en imprimant les vers, mais de l'interest de cét establissement, que ses ennemis tachoient de ruïner par ces calomnies, & qu'enfin je donnasse quelque chose à leur amitié & à leur zele⁎, & que je leur fournisse des armes pour me deffendre. Je me suis enfin rendu à leurs raisons & à leurs prieres, & j'ay consenty que la piece fût imprimée plûtost que je ne l'avois resolu, sans toutesfois pretendre de la justifier icy pour plusieurs raisons. L'une que j'aurois mauvaise grace de faire moy-mesme mon Apologie, l'autre que la matiere est trop vaste pour estre renfermée dans un Avant-Propos, & la derniere que je serois obligé d'expliquer les secrets d'un Art que j'ay découverts par un long estude, & que je suis bien aise de me reserver. Je supplie seulement ceux qui ne seront pas satisfaits de la piece d'en faire la critique, & de la donner au jour, nous en profiterons le public & moy. De ma part je pourray me corriger de mes deffauts, et d'ailleurs m'engageans à une responce, ils donneront occasion à une dissertation curieuse [15] sur ce sujet, qui pourra tout ensemble instruire et plaire : Je les avertis seulement de remarquer que par les raisons que j'ay dites dans l'Avant-Propos de l'Argument que j'ay fait imprimer, j'ay jugé à propos d'ouvrir le Theatre par une piece Pastorale, bien que j'en eusse trois Heroïques⁎ toutes composées [16], qu'il en faut juger sur ce pied la, & considerer qu'elle est composée de Divinitez, & de Personnages Champestres, & qu'elle conduit tout ensemble, sur les Styles enjoüé⁎ & Rustique, l'intrigue de Theatre, la Musique & la Symphonie⁎ continuelles, la Machine & la Danse. Je leur demande apres cela qu'ils attaquent la place en galants⁎ hommes ; c'est à dire en soldats & par les formes, et non pas en frondeurs⁎ en escarmouchant, & je leur declare que s'ils continuënt de le faire par satyres et par invectives, je leur répondray par un doux silence, & que je donneray toute mon application à composer de nouvelles pieces pour continuer à les divertir. Au reste le champ est ouvert pour mieux faire, & si quelqu'un veut travailler⁎ sur cette matiere, & faire l'honneur à l'Academie de luy presenter un Opera, je luy dy de sa part [17], qu'apres qu'il aura esté examiné par des gens habiles⁎ et non suspects, s'il est par eux jugé digne d'estre representé, il le sera de bonne foy avec tous les soins & tous les ornemens possibles, & mesme si c'est une personne d'interest, on luy promet une honneste reconnoissance. # PERSONNAGES. ## MUSICIENS. ### Personnages veritables. – POMONE.Deesse des Fruicts. – FLORE.Sœur de Pomone, Deesse des Fleurs. – VERTUNE.Dieu des Lares ou Follets, amoureux⁎ de Pomone. – FAUNE ou FAT⁎.Dieu des Villageois, amoureux⁎ de Pomone. – LE DIEU DES JARDINS.Amoureux⁎ de Pomone. – JUTURNE. Nymphe de Pomone. – VENILIE.Nymphe de Pomone. – BEROÉ.Nymphe de Pomone. – Nourrisse de Pomone. – CHŒUR DE JARDINIERS. – – ### Personnages feints, & transformez. – VERTUNE transformé. EN BERGERE DE LAMPSACE,Ville de Grece, où nâquit le Dieu des Jardins. – VERTUNE transformé. EN PLUTON,Dieu des tresors. – VERTUNE transformé. EN BACCHUS. – VERTUNE transformé. EN BEROÉ. – FOLLETS transformez. EN BERGERES DE LAMPSACE. – FOLLETS transformez. EN SATYRES. – FOLLETS transformez. EN AMOURS, MUSES ET DIEUX. – *Deux follets*, cachez. ## DANSEURS. personnages veritables. – BOUVIERS. – CUEILLEURS DE FRUICTS. – FOLLETS transformez. EN FANTÔMES⁎. – FOLLETS transformez. EN DEMONS. – FOLLETS transformez. EN ESCLAVES. ## PERSONNAGES MUETS. – TROUPE DE FOLLETS. – VERTUNE. transformé. EN DRAGON. – VERTUNE. transformé. EN BUISSON D'EPINES. – FOLLETS. transformez. EN BUISSONS D'EPINES. – FOLLETS. transformez. EN JOUEURS D'INSTRUMENS. ## Decorations, ou changements⁎ de theatre. La veuë de Paris à l'endroit du Louvre. Vergers de Pomone. Parc de Chesnes. Rochers & Verdures. Palais de Pluton. Jardin & Berceau de Pomone. Palais de Vertune. La Scene est en Albanie, au pays Latin, dans la Maison de Pomone. # PROLOGUE. Decoration. Paris à l'endroit du Louvre. Ouverture du Prologue par la Symphonie⁎. La toile se leve, & l'on voit Vertune & la Nymphe de la Seine. Vertune, la nymphe de la Seine. LA NYMPHE DE LA SEINE. Toy qui vis autresfois le Fleuve des Romains Triompher des humains Et porter le sceptre du Monde, Vertune, que dis-tu de ma rive feconde ? VERTUNE. J'admire tes grandeurs & la felicité⁎ De ta belle Cité ; Mais ta merveille⁎ la plus grande C'est la pompeuse⁎ Majesté Du Roy qui la commande. Dans l'Auguste LOUIS [18] je trouve un nouveau⁎ Mars, Dans sa ville superbe⁎ une nouvelle⁎ Rome : Jamais, jamais un si grand homme Ne fut assis au thrône des Cesars. LA NYMPHE DE LA SEINE. Aussi sur la Terre & sur l'onde, Ce Monarque puissant ne fait point de projets, Que le Ciel ne seconde : Il est l'Amour. ENSEMBLE. Il est l'Amour & la terreur du monde ; L'effroy de ses voisins, le cœur de ses sujets. LA NYMPHE DE LA SEINE. Mais quel dessein t'amene Sur le bord de la Seine ? VERTUNE. Moy qui forge les visions, Je viens tromper ses yeux de mes illusions, Et luy montrer mes anciennes [19] merveilles⁎. ENSEMBLE. Sus⁎ donc, par nos accords amoureux⁎ & touchants⁎, Commençons de charmer son cœur & ses oreilles : Meslons nos voix, & remplissons les champs Du doux bruit de nos chants. # Acte I. Changement⁎ de Theatre. Vergers de Pomone. Ouverture de la piece par la Symphonie⁎. ## Scene premiere. Pomone, Juturne, Venilie, Beroe, POMONE. Passons nos jours dans ces vergers, Loin des amours & des Bergers. Passons nos jours POMONE, JUTURNE, À 2.         passons nos jours Loin des Bergers et des amours. *Ritornele⁎*. POMONE. Qui voudra s'engage Sous les loix d'amour Qui voudra s'engage Et fasse la cour A ce Dieu volage⁎: Qui voudra l'adore, Pour moy je l'abhorre⁎ Le flot de la mer, Est moins infidele La fleur en est belle Mais le fruit amer⁎. POMONE, JUTURNE. La fleur, etc. *Ritorn⁎*. VENILIE. Qui croit ce cajoleur⁎ N'a que peine et douleur. JUTURNE. Dans l'empire amoureux⁎ Le sort le plus heureux Est le plus dangereux. VENILIE. Le flot de la mer Est moins infidele. JUTURNE. La fleur en est belle Mais le fruit amer⁎. JUTURNE, VENILIE, À 2. La fleur, etc. *Ritorn⁎*. JUTURNE. Le doux plaisir d'amourette⁎ Est une tendre fleurette⁎ Qui ne dure qu'un matin, Il a le destin Des plus belles choses, Il naist, il fleurit, il passe en un jour Les chaisnes d'amour, Sont chaisnes de Roses. JUTURNE, VENILIE, À 2. Les chaisnes, etc. *Ritorn⁎*. POMONE. Passons nos jours dans ces vergers, Loin des amours et des Bergers, Passons nos jours, POMONE, JUTURNE, À 2.         passons nos jours Loin des Bergers et des amours. *Ritorn⁎*. ## Scene deuxiesme. Pomone, Juturne, Venilie, Beroé, Flore. FLORE. Ah ! ma sœur [20], à quoy penses-tu ? Veux-tu bannir de ton empire Ce Dieu puissant, dont la vertu Anime tout ce qui respire, Et dont les fecondes chaleurs Font naistre tes fruits et mes fleurs [21]. POMONE. Je consens que ses flâmes Brûlent tout l'univers Pourveu [22] que dans nos ames Il trouve incessamment la glace⁎ et les hyvers⁎. FLORE. Ah !si tu connoissois comme moy ses delices ! BEROÉ. Ah !si tu connoissois comme moi ses malices⁎ ! FLORE. De combien de douçeurs il flatte⁎ nos désirs ! BEROÉ. Combien il cause de soupirs ! FLORE. Que ses fers BEROÉ.     que ses lois FLORE.     sont doux ; BEROÉ.         sont inhumaines ! FLORE. Qu'il est beau, BEROÉ.     qu'il est dur, FLORE, BEROÉ, À 2.         de vivre dans ses chaisnes ! POMONE. Il a des biens, il a des peines ; Et je ne veux que des plaisirs. ## Scene troisiesme. Pomone, Juturne, Venilie, Beroé, Flore, le dieu des jardins, troupe de Jardiniers. LE DIEU DES JARDINS. Soulage donc les flames Du grand Dieu des Jardins. De plaisirs eternels il sçait remplir les ames, Renonce pour jamais à l'amour des Blondins⁎ Foibles trompeurs, inconstans et badins⁎, Unissons, unissons nos cœurs et nos empires ; Ajoûte aux fruits de tes vergers Les herbes de mes potagers, Join mes Melons à tes Poncires [23] ; Et mesle parmy tes Pignons [24] Mes Truffes et mes Champignons. ## Scene Quatriesme. Pomone, Juturne, Venilie, Beroé, Flore, le Dieu des jardins, troupe de jardiniers, Faune, troupe de bouviers. FAUNE. C'est bien à toy [25], Dieu miserable, De pretendre à tes maux quelque soulagement ! LE DIEU DES JARDINS. C'est bien à toy, monstre⁎ effroyable, De servir un objet⁎ si rare et si charmant ! FAUNE. Elle a beau resister et faire la mutine⁎, C'est à moy, FAUNE, LE DIEU DES JARDINS, À 2.         C'est à moy que le Ciel la destine. LE DIEU DES JARDINS. Tout cede LE DIEU DES JARDINS, FAUNE,À 2. Tout cede, tout se rend à mon pouvoir divin. FLORE. Vous le dites en vain, On vous connoit tous deux, mais éprouvons les vôtres, Faites chanter les uns, faites danser les autres. Le Dieu fait avancer sa troupe. LES JARDINIERS. Vive le Dieu des Jardiniers, Il est toujours prest à bien faire, Bergeres, portez vos paniers, Il a dequoy vous satisfaire. Sans luy les jeux, les passe-temps N'ont qu'une douceur imparfaite ; Et s'il n'est de la feste, L'on ne rit pas long-temps. Rien n'est si doux que sa fureur⁎ Ny si plaisant que sa folie⁎ ; Elle bannit de nostre cœur La plus noire mélancolie, Sans luy, etc. LE DIEU DES JARDINS, *à Faune.*. Hé bien ! dans tes buissons, Tes Oyseaux chantent-ils de pareilles Chansons ? FAUNE. Il est vray que jamais Rossignols d'Arcadie [26] N'ont fait plus douce melodie. LE DIEU DES JARDINS,* aux Bouviers.*. A vous, Bouviers, Illustre bande⁎, Touchez, touchez⁎ n'importe, Menestriers [27] ; [28] Passepied, Menüet, Gavotte ou Sarabande. Entrée de ballet. Bouviers. La troupe s'écarte pour faire place aux Danseurs, puis se rassemble, la danse finie. FAUNE, LE DIEU DES JARDINS, *à Pomone, à 2.*. Couronnez, il est temps, couronnez le vainqueur, Donnez-luy vostre main, donnez-luy vostre cœur. POMONE, *à ses Nymphes.*. Cueillez, Nymphes, dans ces prairies, Cueillez pour eux des guirlandes fleuries. Pomone fait signe à ses Nymphes de joüer ses Amans, elles feignent d'aller cueillir des fleurs. Et vous, ma sœur, à Flore Couronnez le vainqueur. Elle fait un pareil signe à Flore, et se retirant, elle se cache pour les observer et pour en rire. ## Scene cinquiesme. Flore, Juturne, Venilie, Beroé, le Dieu des jardins, troupe de Jardiniers, Faune, troupe de Bouviers. FAUNE, LE DIEU DES JARDINS, *à Pomone, à 2.*. Donnez-luy vostre main, donnez-luy vostre cœur. Les Nymphes rapportent à Flore une corbeille, dans laquelle est une couronne d'épine, et une autre de chardons. FLORE, *aux Dieux.*. Venez voir couronner vos tendres amourettes⁎, Et recevoir le premier de ses dons, Elle tire les deux couronnes de la corbeille, et faisant l'étonnée, leur dit en se moquant. Ah !pour un plus heureux on garde les fleurettes⁎, Pour vous l'épine et les chardons. FLORE, JUTURNE, VENILIE, BEROÉ, À 4. Ah !pour un plus heureux, etc. La Deesse donne au Dieu des Jardins la couronne d'épine, à Faune celle des chardons. ## Scène sixiesme. Faune, Troupe de Bouviers, le Dieu des jardins, troupe de jardiniers. FAUNE. Montrant au Dieu et à sa troupe la couronne d'épine qui leur a esté donnée. Voyla le prix de vos Musiques, Et ce que meritent vos chants : Ritornele⁎, pendant laquelle les Bouviers dansent en se moquant. LE DIEU DES JARDINS. Montrant à Faune et à sa troupe la couronne de chardons. Voyla le fruit du Dieu des champs, Et dequoy paistre ses Bourriques⁎. LE DIEU ET LES JARDINIERS. Voyla le fruit, etc. ## Scene septiesme. VERTUNE. Helas [29] !que me sert-il de changer tous les jours De forme et de figure, Et de me déguiser⁎ à toute la nature, Si je ne puis changer l'objet⁎ de mes amours ! J'aime une insensible⁎ maistresse, Une ingrate⁎ et fiere [30] Deesse, Qui se rit du tourment Et des soins d'un amant. Que ferons-nous, mon cœur, en des peines si dures ? Ah ! puis que vainement je dirois mes langueurs⁎, Il faut nous transformer, et sous d'autres figures, Tacher de vaincre ses rigueurs⁎. Vous que le Ciel soumet à ma puissance, Hola, Follets, venez, volez, suivez mes pas, Une troupe de Follets vole de tous les costez du Theatre. Mais ne vous monstrez pas, A mes loix seulement rendez obeyssance. Ils disparoissent. # Intermède I. Symphonie⁎. # Acte II. Changement⁎ de theatre, parc de Chesnes. ## Scène première. BÉROÉ. Ah ! n'est-ce pas assez qu'on aime et qu'on soupire Pendant le cours de sa jeune saison ? Pourquoy faut-il, Amour, étendre ton Empire Jusques sur nostre âge grison⁎ ? Malgré tous mes efforts, malgré toutes mes feintes, Je sents vivre tes feux dans mes cendres éteintes : D'une crüelle ardeur je me voy consumer, Que la glace⁎ des ans ne fait que rallumer ; J'ayme un Dieu… le voicy, tachons de le surprendre ; Il réve à ses amours, cachons-nous pour l'entendre. ## Scène deuxiesme. Vertune, Beroé cachée. VERTUNE. O doux Zephirs [31] Vous enflamez la terre Par vos soupirs ; Et de vos pleurs On voit dans ce parterre⁎ Naistre les fleurs : Helas ! ainsi que vous, Je suis tendre et fidele, Discret et doux ; Et mes douleurs Ne touchent⁎ point la belle Pour qui je meurs. Mais pourquoy tant gemir ? poursuy ton entreprise, Lache, c'est trop se plaindre et soupirer en vain, Use de ton pouvoir divin, Join à l'amour la ruse et la surprise⁎. Il faut l'attendre icy ; dans ce bocage⁎ vert, Elle cherche souvent le frais et le couvert⁎. ## Scene troisiesme. Vertune, Beroé. BEROÉ. Quoy toujours inflexible, Toujours sourd à mes vœux, Et toûjours amoureux⁎ D'une belle insensible⁎ ? VERTUNE *à l'écart.*. Le ridicule objet⁎⁎ ! L'Enfer l'amene icy pour troubler mon projet. BEROÉ. Quoy ? tant d'amour ? ingrat ! VERTUNE, *à l'écart.*.         évitons sa poursuite. BEROÉ, *l'arrestant.*. Arreste, et voy du moins ma peine et mes langueurs⁎, Un moment encor et je meurs. VERTUNE, *à l'écart.*. Il faut l'épouvanter et luy donner la fuite. Vertune se transforme en Dragon, et court à elle comme pour la devorer. ## Scene quatriesme. Beroé, Vertune en dragon. BEROÉ. Que voyez-vous mes yeux ? Quel Dragon furieux⁎ ? Mais non, rasseurons-nous, c'est luy qui se transforme En ce monstre⁎ difforme. Elle affronte le Dragon. Hé bien ! cruël, saoule⁎-toy de mon sang, Contente ton envie⁎, Dechire moy le flanc, Arrache moy la vie Je béniray mon sort, Et je ne puis mourir d'une plus douce mort. Le Ciel brille d'éclairs, et gronde de tonnerres, la terre tremble, et douze Follets, par ordre de leur Dieu, transformez en Fantômes⁎, armez de foudres⁎ et de griffes de fer, tombent du Ciel dans un nüage enflamé. ## Scene cinquiesme. Beroé, douze Follets en fantomes⁎. BEROÉ. Mais quel éclair ? quel horrible tonnerre ? Quel tremblement de terre ? Quels Fantômes affreux et quelles visions ? Que de monstres⁎ armez de feu, de fer, de foudre⁎, Pour me reduire en poudre⁎? Je vous connoy, Follets, et vos illusions. Vous croyez m'étonner⁎ par cette allarme feinte, Et me joüer à vostre tour : Mais l'on ne peut former [32] les glaces⁎ de la crainte, Où regnent les feux de l'amour. Les Follets en Fantômes⁎ descendus de la Machine, s'épandent à l'entour de Beroé, et pour l'épouvanter dansent à ses yeux une danse terrible. Entrée de ballet. Fantomes⁎. Beroé reste sans s'effrayer, et la Danse finie, dit aux Fantômes. BEROÉ. Hé bien, Follets, est-ce assez d'impostures⁎, De grimaces et de postures⁎ ? Et croyez-vous encor sous ce masque⁎ trompeur, Me donner de la peur ? Trois Fantômes⁎ disparoissent, quatre saisissants Beroé l'emportent en l'air, cinq restent sur le Theatre. BEROÉ. Au secours, je suis morte, On m'entraisne, on m'emporte. Le Dieu des Jardins, suivy de quatre Jardiniers, accourt pour la secourir. ## Scene sixiesme. Cinq follets en fantomes⁎, le dieu des jardins, quatre jardiniers. LE DIEU, ET LES JARDINIERS, À 5. Pauvre Nourrisse, [33] helas ! tes cris sont superflus. Le Dieu et sa Trouppe, ne pouvans arracher la Nourrice aux Fantômes⁎, qui l'emportent, s'en veulent venger sur les cinq qui restent, et crient, Donnons, donnons [34], frapons dessus. Le Dieu, et les quatre Jardiniers veulent fraper sur les cinq fantômes⁎ ; mais comme ils ont le bras levé, ces derniers se transforment en autant de Bourgeoises de Lampsace, Ville de Grece, où nâquit le Dieu des Jardins [35], amies, femmes, maistresses et parentes du Dieu et de sa troupe. ## Scene septiesme. Le Dieu des jardins, quatre jardiniers, cinq Follets en bourgeoises de Lampsace [36]. LA PREMIERE BOURGEOISE, *au Dieu des Jardins.*. Tu veux m'assassiner ? LE DIEU, *à la premiere.*.         Ah ! ma chere voisine ! LE PREMIER JARDINIER, *à la deuxiéme.*. Ma sœur ! LE DEUXIÉME, *à la troisiéme.*.     ma femme ! LE TROISIÉME, *à la quatriéme.*.         ma cousine ! LA CINQUIÉME, *au quatriéme.*. C'est toy, Philandre, helas ! LE QUATRIÉME, *à la cinquiéme.*.         c'est toy chere Cloris ! LA DEUXIÉME, *au troisiéme.*. Mon aymable Alcidor ! LE TROISIÉME, *à la deuxiéme.*.         ma charmante⁎ Doris ! LA TROISIÉME, *au quatriéme.*. Ah Damon ! LE QUATRIÉME, *à la troisiéme.*.         ah ! Climene ! O Dieux ! qui vous amene En ces bords étrangers ? LA TROISIÉME. Le desir de revoir nos aymables Bergers LA PREMIERE. Depuis que vous cessez de cultiver nos terres, La mousse et les buissons croissent dans nos parterres⁎ : LA DEUXIÉME. On voit sur nostre teint une jaune pasleur⁎, LA TROISIÉME. Nous n'avons plus de Lys LA QUATRIÉME.         nous n'avons plus de Roses, LA CINQUIÉME. Et nos fleurs demy closes Fletrissent de douleur. LE TROISIÉME JARDINIER. Depuis vostre absence, Ce n'est que souffrance, Tristesse et langueur⁎ LE QUATRIÉME. Dez la moindre peine, Nous perdons haleine, Courage et vigueur. LE TROISIÉME. Nos peaux sont plus seches Que des parchemins, LE TROISIÉME, ET LE QUATRIÉME. À 2. Et nos pauvres beches⁎ Nous tombent des mains. LE DEUXIÉME. Allons, Bergers, LE PREMIER.         allons, Bergeres. TOUS. Allons Bergers, allons, Bergeres Gouster les douceurs du retour. LA PREMIERE, ET LA DEUXIÉME BOURGEOISE. À 2. Allons sur les vertes fougeres Cueillir les doux fruits de l'amour. TOUS. Allons sur les vertes etc. Le Dieu et les Jardiniers vont embrasser chacun leur Bourgeoise, mais dans le moment elles se transforment en autant de Buissons d'Epines. ## Scene huitiesme. Le Dieu des jardins, quatre jardiniers, cinq Follets en buissons d'epines. LE DIEU ET SA TROUPE, *en se piquant.* À 5. Peste⁎ !quel changement⁎ ?quelle metamorphose ? Ah !nous trouvons l'épine, où nous cherchons la Rose ! LE DIEU DES JARDINS. Que viens-tu faire en ce lieu, Pauvre Dieu ? Tu brûles de vaines flâmes, Et tu souffres cent mépris, Toy qui fus l'amour des Dames, Et la terreur des maris. Est-ce à toy de soûpirer Et prier, Toy qu'à genoux on implore ? Va soulager les desirs De la belle qui t'adore, Et qui meurt pour tes plaisirs. Deux Follets cachez, chacun dans le tronc d'un Chesne, achevent de joüer le Dieu. DEUX FOLLETS *cachez.* À 2. Cesse, grand Dieu, cesse tes plaintes vaines. LE DIEU DES JARDINS. Qu'enten-je ? quelle voix sort des rives prochaines, Echos, Arbres, Rochers ; est-ce vous, est-ce vous ? DEUX FOLLETS *cachez.* À 2. Nous sommes deux Nymphes des Chesnes, Et le Ciel t'annonce par nous, Qu'un jour il finira tes peines. LE DIEU DES JARDINS. Helas ! hé quand viendra ce bien-heureux moment ? DEUX FOLLETS *cachez.* À 2. Quand tu seras discret et fidele en aymant. LE DIEU DES JARDINS. Taisez-vous, taisez-vous, impertinents oracles, Amour en ma faveur fait bien d'autres miracles, Apprenez, apprenez qu'en l'empire amoureux⁎ On perd tout pour attendre, Et que le vigoureux Est souvent plus heureux Que le sage et le tendre. LE DIEU, ET LES JARDINIERS, À 5. Apprenez, apprenez, etc. # Intermede II. Symphonie⁎. # Acte III. Changement⁎ de Theatre.Rochers et Verdures. ## Scene premiere. VERTUNE. A la fin délivré d'une troupe importune, Je puis me transformer et paréstre à ses yeux. La voicy, cachons-nous : Destin, Amour, Fortune, Favorisez mes vœux. ## Scene deuxiesme. Pomone, Juturne, Venilie, Vertune caché. Symphonie⁎ de Flutes. [37] POMONE, VENILIE, À 2. Sortez, petits Oyseaux, sortez de vos boccages, Quittez, quittez vos nids et vos buissons, Et meslez vos tendres ramages⁎ A nos agreables Chansons. *Flutes*. Volez, doux Rossignols, volez dans ces feüillages, Venez, Serins [38], venez, venez Pinsons, Et meslez, etc. Vertune paroit transformé en Pluton, dieu des tresors. ## Scene troisiesme. Pomone, Juturne, Venilie, Vertune en Pluton. VERTUNE EN PLUTON. Charmé de tes accents, adorable Pomone, Mais plus charmé de l'éclat de tes yeux, Je sors de mon empire et je viens en ces lieux, Du plus riche des Dieux T'offrir et le cœur et le throne. Si tu doutes de mes ardeurs Dans mes regards tu les pourras connestre : Si tu doutes de mes grandeurs Voy de quels biens je suis le maistre. Changement⁎ de Theatre. Palais de Pluton. Un Palais doré paroit, et cinq Follets transformez en Demons [39], portants des corbeilles pleines d'or et de richesses. ## Scene quatriesme. Pomone, Juturne, Venilie, Vertune en Pluton, cinq Follets en demons. < Entrée de ballet. >< Follets en demons. > Pomone, ses Nymphes, et Vertune en Pluton s'écartent pour faire place aux Danseurs, puis se rassemblent la danse finie. VERTUNE EN PLUTON, *à Pomone.*. Mon throne et mes tresors, ma flame et mes langueurs⁎ Ne pourront-ils, Deesse ? adoucir tes rigueurs⁎. POMONE. Non, non, garde ton or, tes pierres et tes marbres, Mon unique tresor sont mes fruits et mes arbres. VERTUNE EN PLUTON. Si tu bornes là tes plaisirs, J'ay dequoy pleinement contenter tes desirs. Il montre à la Deesse dans la main de ses Demons une corbeille pleine de Bigarrades [40] d'or, et une autre pleine de Grenades, dont les grains sont des rubis. Voy-tu ces Bigarrades, Elles sont toutes d'or, et ces belles Grenades, Leurs grains sont rubis pretieux ; Je puis en peupler tous ces lieux. POMONE. Il me suffit de mon partage, Et je ne veux rien davantage ; Moins de biens, moins de biens, et plus de liberté. POMONE, JUTURNE. À 2. Liberté, liberté. VERTUNE, EN PLUTON. Hé bien garde ta pauvreté, Adieu, c'est trop aimer une ingrate⁎ beauté. Le palais disparoit, et le Dieu avec ses Demons s'enfonce dans la terre. ## Scene cinquiesme. Pomone, Juturne, Venilie. JUTURNE, VENILIE [41]. Liberté, liberté. VENILIE. O la grande foiblesse ! De cherir les tresors, O la grande foiblesse ! C'est prendre l'ombre pour le corps, Et suivre un bien qui nous füit et nous laisse. JUTURNE. Bannir de son cœur la noire tristesse, La folle tendresse, Les soins, les desirs : Rire, chanter, passer en plaisirs Sa belle jeunesse, C'est la veritable sagesse, La grandeur, la richesse N'est qu'ombre et vanité. POMONE, JUTURNE, VENILIE, À 3. Liberté, liberté. ## Scene sixiesme. Pomone, Juturne, Venilie, Vertune à l'écart. VERTUNE *à l'écart.*. J'ay perdu mes soins et mes pas : Mais je ne me rends pas : Achevons l'imposture⁎, Et l'abordons sous une autre figure. Vertune transformé en Bacchus paroit, devancé par trois Satyres, qui tiennent à la main des couppes, des bouteilles et des flaccons. ## Scene septiesme. Pomone, Juturne, Venilie, Vertune en Bacchus, Follets en Satyres. LES FOLLETS EN SATYRES. À 3. Place, place voisins, Place au Dieu des raisins. *Ritorn⁎*. VERTUNE EN BACCHUS. Remply d'amour et de tendresse, Je viens, belle Déesse, Comme les autres Dieux Rendre hommage à tes yeux, Et t'offrir à mon tour mon sceptre et ma couronne. POMONE. Je sçay qu'elle a beaucoup d'éclat et de splendeur : Mais je renferme ma grandeur Dans celle que le Ciel me donne. BACCHUS. Ta couronne est illustre et ton pouvoir divin, Mais le mien se répand sur la Terre et sur l'Onde, Et t'offrant l'empire du vin, Je t'offre l'empire du monde. POMONE. N'ay-je pas dans le mien un jus⁎ doux et charmant, Que l'on cherit également ? LES FOLLETS EN SATYRES. À 3. O la comparaison étrange, Du Cidre au jus⁎ de la vandange ! Vive nostre aymable liqueur. POMONE, JUTURNE, VENILIE. À 3. Vive nostre aymable liqueur, JUTURNE. Elle charme le goust, PREMIER SATYRE.         elle échauffe le cœur. VENILIE. C'est le nectar des Dieux, SECOND SATYRE.         c'est l'honneur de la table. JUTURNE. Rien n'est si doux, TROISIESME SATYRE.         rien n'est si delectable. TOUS. À 7. Vive nostre aymable liqueur. *Ritorn⁎*. Pomone et ses Nymphes se retirent en se moquant, Faune arrive. ## Scene huitiesme. Faune, Vertune en Bacchus, Follets en Satyres. FAUNE. O Dieux ! quelle chaleur m'enflame ! Je suis dans un double brasier, La soif altere mon gosier, Et l'amour échauffe mon ame. Que je te rencontre à propos, Grand Dieu des verres et des pots, Ah ! j'implore ta grace Et ton secours divin, Verse, helas ! dans ma tasse Une larme de vin. VERTUNE EN BACCHUS. Il faut le secourir, FAUNE.         il y va de ta gloire. VERTUNE EN BACCHUS, *aux Satyres.*. Donnez-luy du meilleur du muy [42], Enfants, faites-le boire, et beuvez avec luy. Il fait signe aux Follets de joüer son rival. ## Scene neufviesme. Faune, Follets en Satyres. LES FOLLETS EN SATYRES. À 3. Beuvons tous à la ronde, Beuvons au Dieu fallot ; Que chacun me seconde ; Beuvons tous à la ronde A ce vieux sibilot [43] : Fringue [44] la tasse, fringue, Masse [45] à luy, tope et tingue [46]. FAUNE, *leur presentant sa tasse.*. Versez, versez à rouge bord [47], LES FOLLETS, *continuants* [48]* à boire sans l'écouter, à 3.*. Masse à luy, tope et tingue. FAUNE,* s'impatientant.*. Donnez-donc, je meurs, LES FOLLETS, *continuants de mesme.*. Masse à luy, tope et tingue. FAUNE *leur saisissant la bouteille.*.         je suis mort. Donnez, donnez, quelle fadese ! LE 2.SATYRE. Tien, bon-homme, fay nous raison, Et pour estre mieux à ton ayse Couche toy-là sur le gazon. Les Follets placent Faune sur un gazon, et mettent alentour de luy trois flacons, et trois bouteilles. FAUNE. O quel plaisir, quand on est alteré [49], De voir autour de ses oreiles Un cercle inesperé De pots et de bouteilles ! Beuvons, beuvons, mais qu'est cecy ? Comme il veut prendre une bouteille elle s'enfuit, et traverse le Theatre, il s'attaque à la seconde, qui fait le mesme. La bouteille s'enfuit, et la seconde aussi. Il veut saisir la troisiéme, elle s'éleve en l'ait, où un Follet la vient emporter. A l'ayde, le Demon l'entraisne. Il croit s'emparer de la quatriéme, elle fond en terre : la cinquiéme fait de mesme. Et toy, joly flacon, te prendra-t-on ainsi ; Quoy toute la demy douzaine ? Il empoigne la sixiéme, et boit à mesme. Ah ! du moins j'auray celle-cy, Et j'en rempliray ma bedaine. Il trouve que c'est de l'eau, et crache. LES FOLLETS EN SATYRES. À 3. Ah! le fat⁎ ! ah! le badin⁎! Il boit de l'eau pour du vin. FAUNE,* en se levant.*. On me berne, on me raille, Courez dessus Bouviers, Suivons cette racaille⁎ A grand coups de leviers⁎. LES FOLLETS EN SATYRES. À 3. Ah ! le fat⁎, etc. Faune les poursuit à coups de massüe, ils disparoissent. # Intermede III. Symphonie⁎. # Acte IV. Changement⁎ de theatre. Jardin et Berceau de Pomone. ## Scene premiere. BEROÉ. Sors de mon cœur, Folle fureur⁎, Aveugle frenesie, Brutale ardeur, maudite jalousie ; Peste⁎ des cœurs, dont le poison Détruit l'amour et la raison, Sors de mon cœur et de ma phantaisie⁎ [50]. C'est trop d'affronts soufferts, Rompons, brisons nos fers, Vengeons nous de qui nous méprise ; Et renversons du moins toute son entreprise, A l'écart. Mais le voicy qui medite en son cœur De nouveaux⁎ artifices, Et n'a pas épuisé sa ruse et ses malices⁎, Observons ses desseins, fourbe, lâche imposteur⁎. ## Scene seconde. Vertune, Beroé cachée. VERTUNE. Amour, dy-moy, que dois-je faire, Pour la fléchir et pour luy plaire ? Amour, dy-moy, que dois-je faire ? En qui me transformer ? des plus puissans des Dieux, Cette insensible⁎ a méprisé les vœux. Mais pourquoy l'attaquer sous la forme d'un autre ? Peut-estre pourrions-nous luy plaire sous la nostre. Tachons de la surprendre une derniere fois, Prenons de Beroé la figure et la voix, Cette vieille insensée Possede entierement son cœur et sa pensée. Et si dans cet habit je ne puis la tenter, Je veux me presenter, Et luy parler moy-mesme De mon amour extréme, Je veux…mais la voicy. Il se cache. ## Scene troisiesme. Pomone, Flore, Vertune et Beroé, cachez [51]. Flore soûpire. POMONE. Qui cause ce soûpir De langueur⁎ et de flame ? FLORE. L'absence de Zephir [52], Qui tourmente mon ame. POMONE. Pour charmer⁎ les ennuis⁎ Dont elle est travaillée⁎, Allons sous la verte feüillée Voir danser nos cüeilleurs de fruits. Vertune s'avance, transformé en Beroé. ## Scene quatriesme. Pomone, Flore, Vertune en Beroé,Beroé cachée. POMONE *à Vertune, en Beroé.*. Mais te voila, Nourrisse, Hé qui t'a fait absenter si long-temps ? Il faut qu'un baiser t'en punisse. Elle le baise. Mets-toy là, bonne mere, et voy nos passetemps. Pomone, Flore et Vertune en Beroé vont s'asseoir sous la feüillée. Des Cüeilleurs, et des Cüeilleuses de fruits, la hotte sur le dos, viennent danser. ## Scene cinquiesme. Pomone, Flore, Vertune en Beroé, Beroé cachée. Cueilleurs, et cueilleuses de fruits. < Entrée de Ballet. >< Cueilleurs de fruits. > ## Scene sixiesme. Pomone, Flore, Vertune en Beroé. Beroé cachée. Apres la Danse, Pomone, Flore et Vertune en Beroé se rassemblent. POMONE, *à Flore.*. Hé bien ! que dis-tu ma sœur De nostre charmante vie ? FLORE. Je dy que sa douceur Me donne peu d'envie⁎ : Sans le plaisir d'amour tous les autres plaisirs, Lassent facilement nos cœurs et nos desirs. POMONE. Tu me conseilles donc desormais de le suivre ? FLORE. Qui commence d'aymer, il commence de vivre. POMONE, *à Vertune en Beroé.*. Nourisse, qu'en dis-tu ? VERTUNE EN BEROÉ.         Croiras-tu mes avis ? POMONE. Je les ay jusqu'icy fidelement suivis. VERTUNE EN BEROÉ. Je detestois l'amour et traitois ses delices De crime et de supplices : Mais depuis que j'ay veu Vertune ton amant, J'ay bien changé de sentiment. Qu'il a d'amour ! qu'il a de charmes ! Il me dit l'autre jour les peines qu'il ressent, D'un air si doux, si languissant, Qu'il m'attendrit et me tira des larmes. Je le dy franchement, Si j'estois jeune et belle, Mon cœur à cét amant Ne seroit point rebelle. BEROÉ *cachée.*. Le rusé, l'imposteur⁎ ! POMONE.         il seroit à mes yeux Le plus parfait des Dieux, Qu'à son amour je serois insensible⁎ ! Non, non, ce cœur est invincible. BEROÉ *cachée.*. Allons le démentir. VERTUNE EN BEROÉ. Souvent le plus constant S'ébranle en un instant. BEROÉ, *courant à luy.*. Je te tiens, fourbe, lâche. Vertune reprend soudainement sa figure naturelle. ## Scene septiesme. Pomone, Flore, Vertune, Beroé, VERTUNE, *à Beroé.*. Dequoy m'accuses-tu ? quel crime ay-je commis ? Ah ! n'ay-je pas sans-toy d'assez fiers ennemis ? BEROÉ, *à l'écart.*. Hélas ! en le voyant ma fureur⁎ se relâche. POMONE, *à l'écart.*. Qu'il a l'air fier et doux ! ha ! qu'est-ce que je sents ? Un mouvement secret me transporte les sens. VERTUNE. J'ay failly toutesfois, je suis un témeraire, D'aspirer, ô Deesse ! à l'honneur de te plaire. BEROÉ, *à l'écart.*. O Ciel ! que ferons-nous ? VERTUNE.         aussi jusqu'à ce jour Le respect m'a contraint de cacher mon amour : Mais enfin emporté par son ardeur extreme, Je viens à tes genoux te dire que je t'aime, Il se jette à genoux devant la Déesse. POMONE, *à l'écart.*. O Dieux ! il m'attendrit. VERTUNE.         et me voir condamner POMONE, *à l'écart.*. Je n'en puis plus ! VERTUNE.         à des peines mortelles, POMONE, *à l'écart.*. Helas ! VERTUNE.         et d'autant plus cruelles POMONE. Et je sents VERTUNE.         que la mort ne peut les terminer, POMONE, *se tournant à luy.*. Et je sents VERTUNE.     que dis-tu ? POMONE.         ce que je n'ose dire En le relevant. Et je sents que mon cœur partage ton martire. Venilie entre d'un costé, Faune et le Dieu des Jardins de l'autre. ## Scene huitiesme. Pomone, Flore, Vertune, Beroé, Venilie. Faune le dieu des jardins. POMONE, FLORE, VERTUNE, À 3. O puissance d'amour ! ô divin changement⁎ ! Ce que l'esprit et la finesse⁎, Les honneurs, la richesse Ont tenté vainement ; L'amour et la beauté le font en un moment. ## Scene neufviesme. Faune, le Dieu des jardins, Beroé, Venilie. FAUNE, *au Dieu.*. Pauvre Dieu des Jardins ! LE DIEU DES JARDINS. Pauvre Dieu de Village ! FAUNE *en luy presentant Beroé.*. Voicy ce que le Ciel te reserve en partage. LE DIEU DES JARDINS* en montrant Venilie.*. Voicy le mien En luy montrant les cornes qu'il porte au front.         Voyla le tien. FAUNE, *en luy montrant sa bouteille.*. Voicy le mien En luy montrant Beroé.         Voyla le tien. FAUNE ET LE DIEU, À 2. *En continüant.*. Voicy le mien, Voyla le tien. VENILIE, *au Dieu des Jardins.*. Si d'un Vulcain aussi difforme Le Ciel me faisoit la Venus [53] ; Il en auroit le front aussi bien que la forme, Et ne cederoit point aux Dieux les plus cornus. En montrant Faune. # Intermede IV. Symphonie⁎. # Acte V. ## Scene premiere. Vertune, Pomone, Juturne, Venilie. POMONE. En vain tu veux me faire voir L'estat de ton empire et ton divin pouvoir, Grand Dieu, ce que mon ame Ressent pour toy de tendresse et d'ardeur, Tu le dois à ta flame. Bien plus qu'à ta grandeur. C'est assez…. VERTUNE. Je sçay trop que ta flame amoureuse⁎ Est pure et genereuse⁎ : Mais ce que je pretends Te montrer de puissance Est plus un passe-temps Qu'une magnificence. Mais voicy nostre sœur, dont le soin complaisant⁎ Nous regale aujourd'huy d'un aimable present. ## Scene deuxiesme. Vertune, Pomone, Juturne, Venilie, Flore. FLORE. Presentant aux Amants le Chappeau d'Hymen [54]. Vous ne manquez pas de couronne, Heureux amants, et le Ciel vous en donne Des plus nobles de l'Univers : Mais pour un cœur qu'amour tient dans ses fers, La plus belle et la plus charmante Est le Chappeau d'Hymen que ma main vous presente. Passez dans ses plaisirs et les jours et les nuits, Portez ses fleurs, goustez ses fruits. *Ritorn⁎*. ## Scene troisiesme. Vertune, Pomone, Juturne, Venilie, Flore, le Dieu des jardins, deux jardiniers. Le Dieu des Jardins prend de la main d'un des Jardiniers une corbeille pleine de Truffes et d'Artichauts, et la presente aux Amants. LE DIEU DES JARDINS. Je vous offre, grands Dieux, le present d'un pauvre homme, Mais le ragoust⁎ en est friand⁎ et chaud, Et dans un jour pareil la Truffe et l'Artichaut Vallent mieux que la Pomme. VERTUNE. Suivons nostre dessein : sus, sus⁎, Lares, Follets [55], Qu'on bastisse un Palais A ma belle maistresse. Un Palais magnifique se montre. Changement⁎ de Theatre. Palais de Vertune. Pages, valets, Qu'on serve ma Deesse. Huits follets transformez en esclaves font la reverence à la Deesse. ## Scene quatriesme. Vertune, Pomone, Juturne, Venilie, Flore, le Dieu des jardins, deux Jardiniers, Follets en esclaves. VERTUNE. Qu'on enfonce mille tonneaux, Que le vin coule à plein ruisseaux. Une fontaine de vin paroit. Que le Haut-bois s'apreste A celebrer la feste. Un balcon à ferrade se montre, et sur le balcon une troupe de Haut-bois vestus de livrées⁎ des mariez, et dans le mesme temps, vingt-quatre violons, vestus de mesme, paroissent sur les deux aisles du Theatre. ## Scene cinquiesme. Vertune, Pomone, Juturne, Venilie, Flore, le Dieu des jardins, deux jardiniers, Follets en esclaves, Follets en symphonistes. VERTUNE. Vous, Esclaves, dansez, Et la divertissez. [56] Entrée de ballet. Follets en esclaves. La troupe s'écarte pour faire place aux danseurs, puis se rassemble, la danse finie. VERTUNE. Hola, follets, paroissez dans les airs, Sous mille plaisantes images, Et pour la divertir, formez dans les nüages Des spectacles charmants, et d'aymables concerts⁎. Dix-huit Follets transformez paroissent en differentes nües brillantes, six aux fonds du Theatre dans une grande nüe, six sur le costé droit en trois petites nües diverses, et autant sur le gauche, sous des formes de Dieux de Muses et d'Amours, partie chantants, partie joüants des instruments. ## Scene sixiesme. Vertune, Pomone, Juturne, Venilie, Flore, le Dieu des jardin, deux jardiniers, Follets en esclaves, Follets en symphonistes, Follets en dieux dans les nües. Symphonie⁎ par les Follets dans les nües. LES FOLLETS DANS LES NÜES. Venez, Dieux et mortels, à cette grande feste, Celebrez ce jour de conqueste, Ce jour illustre et bienheureux : Nostre Dieu va gouster les plaisirs amoureux⁎, Sautons, rions, dansons, et chantons à sa gloire Des chants d'amour et de victoire. *Rit.* JUTURNE, VENILIE, À 2. Courez, courez à pas legers, Courez, Satyres et Bergers, Sautez, riez, dansez, et chantez, etc. *Rit. par les violons*. LES FOLLETS DANS LES NÜES. Et vous, Follets, qui formez dans les airs La foudre⁎ et les éclairs, Des vents et des nuages, Arbitres souverains, Rendez les Cieux tranquilles et serains, Et chassez loin de nous la foudre⁎ et les orages. Voicy le jour, voicy le temps, Des jeux des ris, des passe-temps. Sautons, rions, dansons, et chantons, etc. *Ritorn⁎*. ## Scene septiesme. Vertune, Pomone et les autres. Faune. FAUNE, *en dansant et se moquant.*. Sautons, rions, dansons, etc. On attrappe aujourd'huy le plus fin des Renards⁎, Aujourd'huy se grossit le nombre des Cornards⁎. Sans troubler nos humeurs⁎ paisibles, Nous les porterons sur le front ; Mais les miennes y paroistront, Les siennes seront invisibles. La Nourisse paroit. ## Scene derniere. Vertune, Pomone et les autres. Beroé, FAUNE. Et toy, Nourisse, aussi, Tu viens paréstre icy ? Pauvre vieille insensée, Ne crains-tu pas de cet amant La hayne et le ressentiment ? Oses-tu regarder ta maistresse offensée ? BEROÉ. Avant la fin du jour Mes fautes dans l'oubly seront ensevelies, Et qui ressent les plaisirs de l'amour, En pardonne aysement le crime et les folies⁎. POMONE. Non, non, sans m'offencer tu peux l'aymer toûjours, Nourisse, ne crains rien et poursuy tes amours. [57] VERTUNE. Vivons, vivons amis. VERTUNE, FAUNE, LE DIEU DES JARDINS, POMONE, FLORE, BEROÉ. Vivons, vivons amis. *Ritorn⁎*. FLORE, FAUNE.À 2.         que par toute la terre On chasse les ennuis⁎, on bannisse la guerre. TOUS. Que par toute la terre, etc. *Ritorn⁎*. POMONE. Que l'Automne, FLORE.         que le Printemps, POMONE, FLORE.À 2. Brillent de jeux, de passe-temps ; JUTURNE. Qu'on y cüeille les fleurettes⁎, Et les doux fruits d'amourettes⁎ [58]. FLORE. Que pendant nos belles saisons, On fasse l'amour [59] sur nos terres. LE DIEU DES JARDINS. Dans les jardins, VERTUNE.         dans les maisons, FAUNE. Les champs, POMONE.     les vergers, FLORE.         les parterres⁎. TOUS. INSTRUMENS ET VOIX. Dans les jardins, dans les maisons, Les champs, les vergers, les parterres⁎. Les six petites nües se retirent, et la grande vole du fond du Theatre sur le ceintre. < Fin. > # Lettres patentes du roy, pour establir, par tout le Royaume, des Academies d'opera, ou Representations en Musique en Langue Françoise, sur le pied de celles d'Italie. Louis par la grace de Dieu, Roy de France et de Navarre : A tous ceux qui ces presentes Lettres verront ; SALUT. Nôtre amé et feal [60] Pierre Perrin, Conseiller en nos Conseils, et Introducteur des Ambassadeurs prés la personne de feu nostre tres-cher et bien-amé Oncle le Duc d'Orleans, nous a tres-humblement fait remonstrer, que depuis quelques années les Italiens ont estably diverses Academies, dans lesquelles il se fait des Representations en Musique, qu'on nomme OPERA ; Que ces Academies estans composées des plus excellens Musiciens du Pape et autres Princes, mesme de personnes d'honneste famille, Nobles et Gentils-hommes de naissance, tres-sçavans et experimentez en l'Art de la Musique, qui y vont chanter, font à present les plus beaux Spectacles et les plus agreables divertissemens, non seulement des Villes de Rome, Venise et autres Cours d'Italie ; Mais encore ceux des Villes et Cours d'Allemagne et Angleterre, où lesdites Academies ont esté pareillement établies à l'imitation des Italiens ; Que ceux qui font les frais necessaires pour lesdites Representations se remboursent de leurs avances sur ce qui se prend du Public à la Porte des lieux où elles se font. Enfin que s'il nous plaisoit luy accorder la permission d'establir dans nostre Royaume de pareilles Academies, pour y faire chanter en public de pareils OPERA , ou Representations en Musique en Langue Françoise ; Il espere que non seulement ces choses contribuëroient à nostre divertissement et à celuy du Public, mais encore que nos Sujets s'accoustumans au goust de la Musique, se porteroient insensiblement à se perfectionner en cet Art, l'un des plus nobles des Liberaux. A CES CAUSES, desirant contribuer à l'avancement des Arts dans nostre Royaume, et traitter favorablement ledit Exposant, tant en consideration des services qu'il a rendus à feu nostre tres-cher et bien-amé Oncle le Duc d'Orleans, que de ceux qu'il Nous rend depuis plusieurs années en la composition des paroles de musique qui se chantent tant en nostre Chapelle, qu'en nostre Chambre : Nous avons audit Perrin accordé et octroyé, accordons et octroyons, par ces presentes signées de nôtre main, la permission d'establir en notre bonne ville de Paris, et autres de nostre Royaume, des Academies composées de tel nombre et qualité de Personnes qu'il avisera, pour y representer et chanter en public des OPERA et representations en Musique en Vers François, pareilles et semblables à celles d'Italie. Et pour dédommager l'Exposant des grands frais qu'il conviendra faire pour lesdites representations, tant pour les Théâtres, Machines, Decorations, Habits, qu'autres choses necessaires ; Nous luy permettons de prendre du Public telles sommes qu'il avisera, et à cette fin d'establir des Gardes et autres Gens necessaires à la porte des Lieux où se feront lesdites representations ; Faisant tres-expresses inhibitions et deffences à toutes personnes de quelque qualité et condition qu'elles soient, mesme aux Officiers de nostre Maison, d'y entrer sans payer, et de faire chanter de pareilles OPERA ou representations en Musique en vers françois, dans toute l'étenduë de nostre Royaume pendant douze années, sans le consentement et permission dudit Exposant, à peine de dix mil livres d'amende, confiscation des Theatres, Machines et Habits, applicable un tiers à Nous, un tiers à l'Hospital General, et l'autre tiers audit Exposant. Et attendu que lesdits OPERA et Representations sont des ouvrages de Musique tous differents des Comedies recitées, et que Nous les erigeons par cesdites presentes sur le pied de celles des Academies d'Italie, où les Gentil-hommes chantent sans déroger : VOULONS et nous plaist, que tous Gentil-hommes, Damoiselles, et autres personnes, puissent chanter ausdits OPERA, sans que pour ce ils dérogent au tiltre de Noblesse ny à leurs Privileges, Charges, Droits et Immunitez. REVOQUONS par ces presentes toutes Permissions et Privileges que Nous pourrions avoir cy-devant donnez et accordez, tant pour raison desdits OPERA, que pour reciter des Comedies en Musique, sous quelques noms, qualitez, conditions et pretextes que ce puisse estre. SI DONNONS EN MANDEMENT à nos amez et feaux Conseillers les Gens tenans nostre Cour de Parlement à Paris, et autres nos Justiciers et Officiers qu'il appartiendra, que ces presentes ils ayent à faire lire, publier et enregistrer, et du contenu en icelles, faire joüir et user ledit Exposant pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empéchemens au contraire : CAR tel est nostre plaisir. DONNÉ à S. Germain en Laye le 28. Jour de Juin 1669. Et de nostre Regne le vingt-septiéme. Signé LOUIS ; et sur le reply, par le Roy, COLBERT. Et scellé du grand Sceau de cire jaune. # Extrait du Privilege du Roy. Par Grace et Privilege du Roy, donné à Paris le 12. Novembre 1669. Signé LA GUILLAUMIE, et scellé du grand Sceau de cire jaune, il est permis à M. Perrin de faire imprimer l'OPERA, ou Representation en Musique, qu'il a composée, intitulée POMONE, par tel Imprimeur ou Libraire, et en telle forme et manière qu'il desirera, et deffenses sont faites à tous Imprimeurs, Libraires et autres, d'imprimer ou faire imprimer ledit OPERA, sans l'exprez consentement dudit Sieur Perrin, sur les peines portées audit Privilège. # Lexique. Sources : – Richelet, *Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue française: ses expressions propres, figurées & burlesques, la prononciation des Mots les plus difficiles, le Genre des Noms, le Régime des Verbes: avec Les Termes les plus connus des Arts & des Sciences, Le tout tiré de l'usage et des bons auteurs* ; A Genève, Chez Jean Herman Widerhold, 1680 (R.) – Furetière, *Dictionnaire universel*, 1690 (F.) –* Dictionnaire de l'Académie française*, première édition, 1694 (Aca.) Tous les articles des dictionnaires ont été consultés et sont cités à partir des numérisations rendues disponibles par la bibliothèque électronique de Paris IV-Sorbonne. Le numéro des vers en référence dans le texte du livret Ballard est précisé entre parenthèses.Abhorrer « Avoir en horreur, détester. (…) Ce mot vient d*'horrere* Latin, qui sign. Avoir le poil hérissé de peur, être saisi et transi de froid. » (F.)(39)Amer, ère « Qui a une saveur tres-rude et desagreable à la langue, tel que le fiel des animaux, l'aloes, l'eau de mer. »« Se dit figurément en Morale. Une douleur amere, des paroles ameres, c'est-à-dire, que nous goustons avec peine et chagrin. » (F.)(43, 53)Amourette« Atachement coquet, passion qu'on a pour quelque belle. Faveur amoureuse. » (R.)(55, 136, 605)Amoureux« Celui qui aime, qui a de la pente à aimer. Qui a de la passion pour les Dames. »Adj.Qui aime, qui est porté à l'amour. (R.)De l'Amour.(Personnages, 25, 47, 192, 282, 526, 564)Badin« Sot, fat, benêt » (voir « Fat »).Enjoué, folâtre. (R.)(90, 406)Bande « †Plusieurs personnes de compagnie » (R.) « Bande signifie encore, une trouppe de plusieurs personnes associées ensemble pour un même dessein. La grande bande des violons se dit des 24 violons du Roy, une bande de Bohémiens. » (F.)« †Bande joieuse : Plusieurs personnes qui se réjouissent ensemble. »(R.)Se dit aussi au sens d'un régiment.(126)Bêche « Outil à fer large et tranchant avec un manche de bois d'environ 3.piez servant à creuser et couper la terre. » (R.)(250) Blondin « Jeune homme aux cheveux blonds, galant à perruque blonde. » (R., article « Blond »).(89)Bocage« Petit bois, ou bosquet, ou buisson. Il se dit des bois touffus et agreables, et de petite étendüe. Ce mot vient de *bosco*. » (F.)(188)BourriqueAnesse. (R.)« Méchante beste de voiture. Il se dit particulierement des asnes, ou des asnesses, et en suite des méchants chevaux. » (F.)(Avant-propos, 144)CajolerDire des paroles civiles et obligeantes (R.)Flater, loüer, entretenir quelqu'un de choses qui luy plaisent et qui le touchent. (…) Il signifie aussi, Tascher de seduire une femme ou une fille par de belles paroles. (…) *une honneste femme ne se doit pas laisser cajoler.* (Aca.)Le mot n'est pas noté comme étant d'un registre bas.(45)Censurer « Reprendre. *Il y a des gens qui ne se plaisent qu'à censurer les actions d'autruy*. Il signifie aussi, Condamner un livre, une opinion par authorité Ecclesiastique. Cette opinion a été censurée par la Sorbonne, censurer un livre. » (Aca)Avant-proposChagrin« Inquiétude, ennui, mélancolie. La mort de cet enfant est capable de faire mourir sa mère de *chagrin*. Quelques-uns derivent ce mot de aigrir, parce qu'il cause quelque aigreur ou amertume dans l'esprit ; et en quelques lieux on dit encore *aigrin*, pour dire, chagrin. » (F.)« Tristesse. Fâcherie. (…) Se faire des chagrins de rien. Sca. » (F.)Avant-proposChangement« Action de la personne qui change. » Le terme générique au sens propre est plutôt « change ».P. 10, 13, 21, 30, 31, 39, 48.Au figuré, synonyme de « métamorphose ». (R.)(258, 502)Charmer « Faire quelque effet merveilleux par la puissance des charmes ou du Demon. (…) signifie aussi, Dire ou faire quelque chose de merveilleux, de surprenant, plaire extraordinairement. » (F.)Les occurrences dans *Pomone* tiennent des deux sens du mot. On peut remarquer que le verbe est transitif dans le premier sens, aussi « Charmer les arbres » signifie, dit Furetière, « les faire mourir malicieusement ». (231, 448)Complaisant « Civil, courtois, flatteur, qui tâche de plaire et de se conformer aux volontez d'autruy. Un homme complaisant est bien venu en toute sorte de compagnies. » (F.) *Voir « Galant ».*(532)Concert « Assemblée de Musiciens qui chantent, ou qui jouënt des Instruments. Il y a des concerts de voix, de luths, de violes, ou de plusieurs instruments meslez ensemble. Il n'y a point de concert qui vaille les representations de l'Opera. » (F.)(560)Cornard « Celuy qui a une femme adultere qui luy fait porter des cornes. » (Aca.)Il est précisé que le terme est « bas ».(581)Couvert Abry, lieu à l'ombre. (…) un beau couvert d'arbres. Signifie aussi Logement où l'on est à l'abry des injures du temps. (F.)(189)Déguiser, se « On dit aussi fig. Se desguiser, pour dire, Se faire, se monstrer tout autre que l'on est. *Cet homme-là fait toutes sortes de personnages, il se desguise en mille manieres. Le demon se deguise quelquefois en Ange de lumiere. »* (Aca., art. « Guise »)(148)Enjoüé, ée Bien venu dans toutes sortes de sociétés. (F.) « On dit aussi, qu'un stile est fort enjoûé, quand il est rempli de plusieurs pensées agreables et plaisantes. Le stile du Roman Comique de Scarron est fort enjoüé. La Metamorphose des yeux de Philis est une Poësie fort enjoüée. (F.) « Il se dit aussi, des pieces et productions d'esprit qui sont fort gayes. Cette piece est fort enjouées, trop enjouée. C'est un style enjoué. » (Aca.)Avant-proposEnnui Tristesse, déplaisir (R.). *Le terme est généralement plus fort qu'aujourd'hui, néanmoins Furetière lui donne le sens « moderne* ».(448, 600)Envie Jalousie (passion basse)Avant-proposDésir de quelque chose. (R.)(205, 459)Etonnement« Epouvante, sorte de surprise étonnante. Tout le monde est dans l'étonnement. » (R.)(Au roy, 216)FantosmesSpectres, chimères « qui nous troublent et nous épouvantent ». (F.)(Personnages, P. 24, 25)Fat« Impertinent, sot. » (R.). Voir « Badin ».(Personnages, 406, 412)Félicité« Souverain bien, Bon-heur, Prospérité. » (R.).Le latin felix signifie quelque chose comme « bien-portant ».(5)Finesse  « Ruses. Toutes ses finesses sont découvertes. » (R.) *voir « Surprise* ».(511)FlatterLouer quelqu'un pour des qualités qu'il n'a pas. Excuser les défauts de quelqu'un pour lui complaire. Déguiser une vérité désagréable. Caresser. Toucher agréablement les sens ; employé pour la musique, les parfums. (F.)(80, employé en syllepse)FleurettePetite fleur.« Qui ne se dit qu'au figuré de certains petits ornements du langage, et des termes doucereux dont on se sert ordinairement pour cajeoller les femmes. C'est un diseur de fleurettes. Il conte fleurettes à cette Dame, c'est-à-dire, Il luy fait l'amour. » (F.)(56, 138, 604 en syllepse)FolieDérèglement de la raison causé par « quelque humeur froide ou pituiteuse, qui l'acable. »(595)« †⁎ Chose plaisante, choses jolies et agreables qu'on dit. (Ecrire des folies à quelqu'un.) » (R.)(117)Foudre« Ce mot dans le propre est masculin, et féminin, mais plus-feminin. C'est un tonnerre accompagné de fracas. (…) *A peine a-t-il vu le foudre parti pour le mettre en poudre*, Mal, Poës. »(P. 24, v. 213, 571, 575)Friand « … Se dit aussi figurément d'une chose rare qui est d'un grand prix, d'un grand mérite. *(…)* c'est un morceau bien *friand*. » (F.)(543)Fronder, fronde, frondeur  « Fronder : s'est dit aussi fort communément depuis le parti de la Fronde pour signifier, Contredire, combattre, réfuter. (…) Cette piece de theatre a esté generalement *frondée.* » (F)Avant-proposFureur, furieux« Transport plein de colère et de rage » Furieux : «  Qui est transporté de colere, de fureur, de furie ».(201, 414, 488)« Ce mot se prend souvent en bonne part, et signifie transport, enthousiasme. (…) Fureur poëtique. » (R.) « Ainsi on dit, que les Poëtes sont transportez de la fureur d'Apollon, d'une fureur divine, quand ils font des vers plus par genie que par art (…) les Payens avoient aussi du respect pour les fureurs Bachiques dans les Festes de Bacchus, qui procedoient d'avoir trop beu de vin. » (F.)(116)Galant Celui qui aimeLéger, frivole« Eveillé, beau, agréable, enjoüé, charmant, amoureux »« Qui a de la bonne grâce, de l'esprit, du jugement, de la civilité et de la gaïeté, le tout sans affectation. » (R.)*Le terme indique au XVII*e* siècle une notion de civilité, d'urbanitas, acquise par la fréquentation du monde et de la Cour.*Avant-proposGénéreux « Qui a l'ame grande et noble, et qui prefere l'honneur à tout autre interest. » (F.)(527)Glace Marqué par une astérisque chez Richelet (sens figuré) : Froideur de cœur, froideur, peu d'amitié, peu de passion. Mes larmes ont fondu la glace de son cœur. Racine.(77, 169, 218)Grison, Adj. et subst « Dont les cheveux commencent à blanchir. » (F.)(165)Habile« Qui est savant. Qui est excellent en quelque chose (…) *Il est habile en son art.* » Ablancourt. (R.)Avant-proposHéroïque « Ce mot se fit de certains poëtes et de certaine poësie, et il veut dire sublime, élevé. Stile héroïque. Poëme heroïque. Poësie heroïque. Le meilleur poëte heroïque Grec c'est Homere, et le meilleur poëte heroïque Latin, c'est Virgile. » (R.)Avant-proposHivers Au sens figuré, employé plutôt pour la vieillesse. Son sens lui vient ici par association avec la métaphore traditionnelle de la « glace » (*voir « Glace »).*(77)Humeur « Substance fluide dont les parties sont en mouvement. (…) en termes de Medecine, on appelle les quatre humeurs, les quatre substances liquides qui abreuvent tous les corps des animaux, et qu'on croit estre causes des divers temperamments, qui sont le flegme ou la pituite, le sang, la bile, la melancolie. »« (…) Se dit aussi du temperamment particulier qui vient du meslange de ces qualitez. Ainsi on dit qu'un homme est d'humeur bilieuse, colerique, emportée, d'humeur flegmatique, douce, posée, froide ; d'humeur sociable, grave, d'humeur mélancolique, chagrine, inquiète, triste, noire, sombre, bizarre, insupportable, hypocondriaque, d'humeur sanguine, gaye, enjoüée, complaisante, volage, amoureuse, de belle humeur, d'humeur joviale, impérieuse. « Se dit en Morale, des passions qui s'esmeuvent en nous suivant la disposition ou l'agitation de ces quatre humeurs. » (F.)« Humeurs paisibles » correspond donc ici à l'humeur flegmatique, ce que nous appelons le « sang-froid ».(582)Imposture Tromperie, calomnie. *Terme assez fort, aussi bien chez Richelet que chez Furetière ou l'Académie.* (220, 341, 427)Ingrate « Celle qui n'a point de reconnaissance. (Aimer une ingrate.Voit. l.30.) » (R.)« Se dit aussi figurément des terres stériles, des travaux qui n'apportent point de profit. » (F.) (151, 323)Insensible Au figuré : « Qui ne ressent rien parce qu'il est sans cœur, sans raison. Qui ne sent rien, parce qu'il a le cœur dur et qu'il ne se laisse toucher de rien. » (R.)« … les amans appellent leur maistresse cruelle et insensible, quand elle ne veut pas respondre à leur passion. » (F.)(150, 193, 432, 480)Jus Suc, liquide tiré par expression. Vin. « On appelle prov. Le vin, *Du jus de la vigne, du jus de la treille.* » (Aca)(357, 360)Langueur Epuisement dû à une maladie.« Se dit aussi en Morale des tristesses, des afflictions, ou des passions violentes qui nous privent de joye, ou de santé. (…) Les amants disent qu'ils sentent une mortelle langueur.» (F.)(155, 197, 244, 308, 445)Levier « Long et fort baston » servant à soulever des charges lourdes. (F.)(411)LivréeUniforme des laquais et serviteurs, qui change selon la circonstance. « Aujourd'huy on ne fait porter les livrées qu'aux Pages, Laquais, Suisses, Cochers, Postillons et Palfreniers. (…) « Se dit en ce sens des presents que la mariée fait à ses parents et amis pour assister à ses nopces, qui sont d'ordinaire des rubans de la couleur qu'elle aime. Cette cérémonie ne se prattique plus qu'au village où les paysans ne voudroient pas aller à la nopce, si on ne leur avoit envoyé de la livrée. » (F.)On peut imaginer que la « livrée de mariez » que portent les Hautbois (didascalie suivant le v.562) sont décorées de rubans et sont plutôt dans les tons de blanc, que Furetière indique pour les occasions joyeuses.(p. 49)Malice« Méchanceté, friponnerie, fourberie, finesse, artifice » †«… Farce plaisante et galante que l'on fait à ses amis ». (R.)(79, 426)Masque Pièce de déguisement couvrant le visage.« Ce mot au figuré a d'autres sens fort beaux. (…) Son honnêteté n'est qu'un masque pour tromper plus finement, Ablancourt. C'est-à-dire, son honnêteté n'est qu'un voile, qu'une adresse, un prétexte pour tromper. » (R.)(222, en syllepse)Merveille« Chose rare, extraordinaire, surprenante, qu'on ne peut gueres voir ni comprendre. Toutes les œuvres de Dieu et de la nature sont des merveilles inconcevables. Ces merveilles ont ravy en extase plusieurs Saints. (…) On le dit aussi des chefs-d'œuvre de l'art. (…) On appelle un homme fort illustre, la merveille de son siècle » (F.)* Le dictionnaire Cotgrave, de 1611, note* : “wonder, a monstrous thing, strange accident, admirable matter”, *ce qui laisse à penser que ce sens du mot s'est considérablement affaibli au cours du siècle.*« On appelle subst. en Poësie, Le merveilleux, cette partie de la fable qui cause de l'admiration. *Le merveilleux doit estre joint au vray semblable*. » (Aca., article « Merveilleux »)(7, 24)Monstre « Prodige qui est contre l'ordre de la nature, qu'on admire, ou qui fait peur. » (R.)(99, 203, 213)Mutin « Opiniastre, querelleux, obstiné, testu. (…) Il signifie aussi, Seditieux. »Se mutiner : « Il se dit aussi d'Un enfant qui se depite. C'est un enfant qui se mutine pour la moindre chose. » (Aca.)(101)NouveautéChose nouvelleChangement. Quasi synonyme de révolution, et pris en mauvaise part : « Troubles remûmens et brouilleries qui changent la face d'un état. *Notre nation a une pente naturelle aux nouveautez*. *Mémoires de Monsieur le Duc de la Roche-Foucaut*. » (R.)(Avant-propos, 10, 11, 425)Objet« Chose où l'on arrête les yeux. « « Chose où l'on arrête sa pensée, son cœur, son but, ou son dessein. » (R.)(100, 149, 194)Parterre« Terme de Jardinier. C'est la place du jardin où est ordinairement la broderie de bouïs. Place du jardin om sont les planches et les carreaux. »(237)« En parlant du lieu où l'on joue la comédie ; C'est l'endroit où l'on entend la comédie debout. »Au figuré : « Les Spectateurs qui sont au parterre tandis qu'on joüe la comédie. » (R.)(176, 609, 611)Dans notre texte, le terme est à l'évidence employé en syllepse, dans cette tradition d'un langage poétique à double sens, intelligible pour tous les spectateurs : « fleurs », « fleuves », « fruits » sont entendus à la fois dans leur sens propre et dans leur sens métaphorique. Pasleur, pâleurDe manière générale, « Couleur pâle. Certaine blancheur fade et morte que la peur fait paroître sur le visage de certaines personnes. C'est aussi une certaine blancheur fade et dégouttante qui est naturelles à certaines gens. » « Pâles-couleurs : Jaunisse. Epanchement d'humeur bilieuse par tout le corps. » (R.)(238)PesteToute forme de maladie contagieuse et mortelle.(417)« Se dit quelquefois par une espece d'imprecation, Peste de l'ignorant, la peste de l'ignorant, la peste soit de l'ignorant. (…) On s'en sert encore par exclamation et par admiration, et alors c'est une espece d'interjection. Peste, que cela est beau ! Peste, qu'il fait froid ! (…) » (Aca.)(258)Phantaisie, fantaisie « Imagination, goût, volonté. Dessein. Se mettre quelque chose dans la fantaisie. » (R.) Les deux orthographes coexistent, tout comme « fantôme » et « phantôme »(419)Pompeux, euse Qui a de la pompe, qui est magnifique, leste. Bien paré… »(8)Posture Disposition du corps. Attitude, pose.« Il a été au Prince en posture de suppliant. Les Baladins en dansant font mille postures grotesques et extravagantes. On a fait des ballets de postures, diverses estampes de postures. Dans les tableaux serieux on dit action, attitude.» (F.)(221)Poudre Poussière. « Terre déliée et si menuë qu'elle peut être emportée par le moindre petit vent. (…) Réduire en poudre. » (R.)(214)Racaille « Terme de mépris, qui se dit de ce qui est de moindre valeur en chaque chose. Les seditions ne se font que par la racaille, par les gens de la lie du peuple. (…) Ce mot vient de race ». (F.)(410)Ragoust, ragoût Sauce. « L's ne se prononce pas. C'est un assaisonnement que le cuisinier fait, qui pique, qui chatouille et réveille l'apétit. » (R.)(543)Ramage « C'est le chant naturel de quelque oiseau que ce soit. Ramage doux, charmant, ravissant, agreable. (…) » (R.)(294)Renard « Beste puante, maligne et rusée, qui vit de rapine. (…) Il se prend fig. pour Cauteleux, fin, rusé. Cet homme-là est un renard, un fin renard… » (Aca.)(580)Rigueur Sévérité, dureté, austérité. « On dit poëtiquement (…) les rigueurs d'une belle, d'une mastresse, souffrir ses rigueurs, fleschir sa rigueur ». (Aca.)(157, 308)Ritornelle, ritournelle Synonyme de Refrain : « Refrain. Les Italiens l'appellent dans leurs airs *ritournelle*. » (F.) Dans Pomone, les ritournelles instrumentales reprennent en écho le « sujet » des airs qui les précèdent. (Voir l'air de Pomone « Passons nos jours » par exemple, dans le document dramaturgique).V. 32, 44, 54, 63, 67, didascalie v. 142, 344, 366, 541, 578, 599, 601.Saoûler (se), Soûler Boire et manger trop, S'enivrer de quelque chose. Au figuré, Se soûler de sang, employé pour des soldats. (R.)(204)Superbe« Vain, orgueilleux, qui a de la presomption, une trop bonne opinion de luy-même » (sens péjoratif). Se dit aussi de ce qui marque la magnificence, la somptuosité. « Les Cirques, les Arcs de Triomphe de Rome étoient des bastiments superbes ». (F.)(11)Surprise Surprendre, au figuré : « Tromper une personne sans qu'elle ait le tems de se reconnoître. Abuser, décevoir, jetter dans l'erreur. » Surprise, au figuré : « Méprise. (Tomber dans une surprise. Eviter une surprise.) » (R.)(187)Sus« C'est la même chose que sur, qui n'est demeuré en usage qu'en ces phrases. (…) On a enjoint aux communes de courir sus aux ennemis. (…) On dit aussi par exclamation, Sus donc, Or sus, pour exciter quelqu'un à prendre courage. Sus debout. Sus, camarade, marchons. (F.)Sorte d'interjection qui sert à exhorter. (R.)Sus, sus, chantons tous-ensemble, dançons, sautons… Molière, Pourceaugnac. (25, 546)Symphonie« Se prend quelquefois pour la seule Musique des instruments. Il y avoit de beaux recits dans cet Opera, mais ce qui estoit de plus excellent, c'étoit la symphonie. » (F.) « Concert d'instruments, soit qu'il n'y ait point de voix, soit qu'ils servent à accompagner les voix. (…) *i.e. la basse continue* Il se prend aussi, pour toutes sortes de concerts de voix et d'instruments. » (Aca.)Avant-propos, p. 11, 13, 21, 30, 39, 46, 50.Toucher Atteindre.(25, 182)« Ce mot se dit en parlant de certains instruments et veut dire joüer de cet instrument. (Toucher l'orgue, le clavessin, le psalterion etc.) » (R.)(127)TravaillerMettre son effort à faire quelque chose. (Avant-propos, dernier paragraphe).Quand il est verbe transitif : « Tourmenter, donner de la peine. La goute le travaille extremement. *Ce qui plus me travaille en ma triste avanture, / Est qu'il me faut cacher le tourment que j'endure.* Habert, *Temple de la mort*. » (R.)(Avant-propos, 449)VolageInconstant, leger, changeant. (...) se dit plus particulierement en matiere d'amour et d'amitié. C'est un Berger volage, un amant volage, qui change souvent de maistresse. (F.)(37)Zele« Ardeur, passion que l'on a pour quelque chose. C'est le zele de la Religion qui animoit les Apostres et les Martyres. Les Romains avoient bien du zele pour la deffense de la patrie. (…) Les Poëtes se servent quelquefois de zele pour signifier l'amour. Il luy a témoigné son zele en toutes occasions. En ce sens il vieillit ». (F.)Au roy, Avant-propos. ------- [1] Il s'agit très probablement de *Psyché*, tragédie-ballet, issue de la collaboration de Molière, Quinault, Lully et Corneille, jouée pour la première fois aux Tuileries le 17 janvier 1671, puis au théâtre du Palais-Royal à partir du 24 juillet, où la pièce se maintint encore avec un triomphal succès, qui aurait pu faire de l'ombre à celui de *Pomone*, jouée à partir d'avril, pour huit mois consécutifs, rue de Vaugirard. [2] *Avoir agréable que* : comprendre « trouver cela agréable que ». La construction de l'attribut de l'objet, en français classique, était plus souple qu'en français moderne. Certains verbes semblent l'accepter moins facilement aujourd'hui. Ex : « J'ai toujours tenu ma servitude une offrande si contemptible » (Malherbe, *Lettr.*, 1601, cité par Fournier, § 142, p.107). La construction paraît fortement inspirée de la structure latine Mihi est + attribut. [3] Orthographe latine, du pluriel de *opus, operis*, n. qui désigne généralement l'« ouvrage ». Perrin utilise le terme au féminin, dans son premier Avant-propos (voir p.166). Voir aussi, en annexe, la lettre au Cardinal Della Rovere où Perrin orthographie « *Opre* ». Le terme d'« opéra » au sens d'œuvre lyrique ne figure pas dans les dictionnaires français du XVI*e* et du XVII*e* siècle. On lui préfère en général celui de « représentation en musique ». [4] Le premier opéra italien est un *Euridice* de Peri, membre de la Camerata Bardi de Florence, où il fut représenté pour le mariage d'Henri IV et de Marie de Médicis. (voir Introduction, « L'influence de l'opéra italien en France»). L'Allemagne a quant à elle adopté ce nouveau genre sous sa forme italienne, sans qu'on puisse parler de véritable opéra national avant le XVIII*e* siècle. C'est plutôt en Angleterre que l'élaboration d'un opéra national commence très tôt, dans la continuité des *masks*, divertissements de cour : ainsi *Le Siège de Rhodes*, dû à Matthew Locke, Henry Lawes et Henry Cook peut être considéré comme une première expérience d'opéra anglais. Par la suite, les chefs-d'œuvres de Henry Purcell seront issus en droite ligne de la musique française, avec notamment le voyage de Cambert et de Grabu, violoniste des 24 violons du Roi, à la Cour de Charles II. Perrin avait déjà établi cette distinction dans la Lettre au Cardinal della Rovere, en 1659 : « … ces messieurs les Italiens creurent qu'ils pourroient porter leurs *Opre* avec la mesme approbation sur les Theatres étrangers Français et Allemans, et en tirer de grands fruits de gain et de loüanges. La faveur des Ministres qui gouvernoient dans l'un et dans l'autre Estat flatta leurs sentimens et seconda leurs desseins. L'on m'a mesme dit que Messieurs les Allemands qui n'ont pas l'estomac si délicat ny la langue si friande, en avoient fait des rosties, et avoient crié *Vivat* et *Bibat* à la dernière qui fut représentée en la solemnité du couronnement de l'Empereur. Mais il faut n'estre pas du monde pour ne pas sçavoir que nous leur avons crié *Au Renard*, et que la protection souveraine à peine les a pu garantir dans ce païs libertin *delle fischiate e delle merangole.* » Enfin, le privilège de l'Académie met en avant ce « retard » de la France sur ses voisins européens : « Nôtre amé et feal Pierre Perrin …, nous a tres-humblement fait remonstrer, que depuis quelques années les Italiens ont estably diverses Academies, dans lesquelles il se fait des Representations en Musique, qu'on nomme OPERA ; Que ces Academies estans composées des plus excellens Musiciens du Pape et autres Princes, mesme de personnes d'honneste famille, Nobles et Gentils-hommes de naissance, tres-sçavans et experimentez en l'Art de la Musique, qui y vont chanter, font à present les plus beaux Spectacles et les plus agreables divertissemens, non seulement des Villes de Rome, Venise et autres Cours d'Italie ; Mais encore ceux des Villes et Cours d'Allemagne et Angleterre, où lesdites Academies ont esté pareillement établies à l'imitation des Italiens… » [5] Alexandre de Rieux, marquis de Sourdéac, d'après une note conservée aux Archives de la Comédie-Française, un « homme de la première naissance du royaume, chef des cadets de la maison de Rieux, l'une des branches de celle de Bretagne ». Sa famille avait fait fortune dans la course le long des côtes bretonnes. C'est un grand Seigneur, et Tallemant des Réaux le décrit comme un distingué homme de science. Les réclamations des acteurs non payés après *Pomone* firent au personnage une réputation pour le moins sulfureuse, et fréquentait « les cabarets et les lieux infâmes, entretenant publiquement des femmes dans sa maison aux yeux de sa femme et de ses filles. » Il était secondé pour le financement de la pièce par Louis Bersac, sieur de Champeron, gentilhomme semble-t-il couvert de dettes et familier de la prison (cité par Jean Duron, dans « Pierre Perrin, un Virgile françois ? », art. cit., p. 151). [6] Comprendre : un grand seigneur, et beau génie avec cela. [7] On peut faire ici plusieurs hypothèses. Il peut s'agir des répétitions générales publiques qui se déroulèrent le 12 et le 24 juin 1670, d'abord à Sèvres, puis dans la salle du jeu de paume de la rue de Vaugirard, où se déroulèrent le reste des représentations. Mais l'existence d'un autre Avant-propos de Perrin visiblement destiné à un argument de la pièce inauguratrice de l'Académie d'opéra, que nous reproduisons dans cette édition (p. 166) peut faire penser que le livret Ballard a été publié alors que les représentations avaient déjà commencé. [8] A) Le mot « fronde » est rayé à la plume sur le livret imprimé, et rectifié par le mot « Guerre ». B) Il s'agit probablement de la cabale, dite « Cabale du petit coucher » (*Recueil des paroles de musique*, voir annexe) qui empêcha la représentation de *La Mort d'Adonis*, tragédie lyrique de Perrin avec une musique de Boesset (perdue) en 1660, alors que le roi en avait déjà vu plusieurs extraits. Perrin ressentit vivement cet échec ; il réutilise d'ailleurs des paroles de l'ouverture dans *Pomone*, à l'Acte IV Sc 1 dans la bouche de Béroé. [9] Comprendre : qu'elle ne frappât aussitôt et en premier lieu les gens d'esprits. Richelet, 1680, « Abord, s.m. : (…) D'abord : adv. Incontinant, aussi tôt, la première fois et avant toutes choses, premièrement. » [10] Comprendre : qui sont répétées plusieurs fois. La différence est souvent grande entre l'étendue du texte chanté, sous la partition, et celui présenté sur le livret. Sur cette question, voir le texte de l'*Idylle sur la paix* de Racine (1684), établi par Georges Forestier et Anne Piéjus, dans l'édition la Pléiade p. 911 à 925. [11]  Perrin s'est formé à l'écriture des « paroles de musique » dans le répertoire de l'air de cour, de la chanson, du motet. Il a produit plusieurs recueils de ces œuvres, notamment les *Œuvres de poësie* (1661), *les Cantica pro capella regis* (1665), et le *Recueil de paroles de musique*, resté manuscrit (avant 1666), chaque fois accompagnés d'importantes réflexions préliminaires sur la forme de ces œuvres (voir annexes). [12] Sur le préjugé défavorable contre un opéra en langue française, voir annexes. [13] Comprendre : de style bas. Renvoie à la classification rhétorique des styles de l'*elocutio, oratio gravis*, ou *sublimis* (le style haut)*, oratio mediocris* (le style moyen) et *oratio humilis* (le style bas). Cette tripartition correspondait traditionnellement aux trois œuvres canoniques de Virgile, l'*Enéide*, les *Géorgiques* et les *Bucoliques* ; le berger et son troupeau, et donc l'univers de la pastorale, relèvent du style bas. Perrin se défend donc de ses détracteurs avec de solides arguments rhétoriques. [14] Comprendre : vendre à la criée. [15] Comprendre : une dissertation systématique, complète. « Curieusement : D'une manière curieuse, exacte. (…) Il a lu ce livre fort curieusement, pour en observer tous les defauts, tous les beaux endroits. » (Furetière). Perrin fait ici allusion à un ouvrage théorique longtemps promis, et qui devait s'intituler *Art lyrique*. Il y fait déjà allusion en 1665 dans l'avant-propos des *Cantica pro capella regis* et en 1667 dans le *Recueil des paroles de musique* (voir annexes). L'ouvrage promettait une réflexion théorique complète sur la manière de composer des « paroles de musique » ; il ne nous en reste aucune trace. [16] Nous ne pouvons faire que des hypothèses sur les pièces dont il s'agit. Le terme « héroïque » (voir lexique) conduit à penser que la comédie *Ariane ou le mariage de* Bacchus (1661) ne peut en faire partie, *Pomone* ayant d'ailleurs été préférée à cette comédie pour l'ouverture de la nouvelle Académie de musique. On peut y compter probablement *La Mort d'Adonis*, tragédie en musique composée en 1660, ainsi que deux des trois pièces du corpus manuscrit que laissa à sa mort, et qui n'a pas été conservé, *Diane amoureuse ou la Vengeance d'Amour, La Reyne du Parnasse, ou la Muze d'Amour*, et* la Nopce de Venus.* [17] Comprendre : je lui dis de la part de l'Académie. [18] Le prénom du Roi est doublement mis en valeur, par les lettres capitales, et par la diérèse, qui lui fait occuper les deux dernières syllabes du premier hémistiche qui portent l'accent tonique, et soutenue dans le chant par un port de voix. Les autres mots en diérèse dans le texte se trouvent aux endroits suivants : « visions » (v. 22, 215) ; « illusions » (v. 23, 218) ; « furieux », v. 204 ; la forme verbale en -ion « rions », v. 572, 585, 586, contrairement à « pourrions », employé en synérèse au vers 438. [19] Synérèse sur le mot pour faire un décasyllabe régulier (4/6). [20] Flore est présentée comme « Sœur de Pomone » dans la liste des personnages. Elles ont des attributions similaires : elles sont toutes deux des nymphes de la fécondité et de la végétation, mais n'ont pas de parenté mythologique. [21] Venus, très ancienne divinité latine, fut longtemps considérée comme présidant à la végétation et aux jardins. Son assimilation avec l'Aphrodite grecque au II*e* siècle av. J.-C. en ont fait la déesse mère de l'Amour et de la fécondité. Pomone et les nymphes des vergers qui l'entourent sont donc, quoi qu'elles en aient, sous son patronage. [22] On trouve de nombreux mots comportant la voyelle « u » et « ou » orthographiés au XVII*e* siècle avec la syllabe « eu », coexistant avec l'autre orthographe : pourveu/pourvu, rasseurer/rassurer, treuver/trouver, beuvons/buvons, veue/vue, etc. Ces variations permettaient d'enrichir la palette des rimes disponibles. [23] « Poncire ; Gros citron qui a la coste fort épaisse, et peu de jus. » (Furetière) [24] Graine de la pomme de pin (Richelet) [25] L'expression « être à quelqu'un de+ infinitif » est jussive, mais très souvent avec une forte valeur ironique. Elle correspond à l'expression latine Esse+Gen+Inf : *Est imperatoris imperare*, « Au commandant de commander ! ». L'ironie est ici renforcée par l'adverbe intensif « bien » qui fait porter un accent expressif sur « toy ». [26] L'Arcadie est une région géographique de Grèce située au centre du Péloponnèse. Selon la mythologie, c'est la terre natale du dieu Pan ; par suite elle est devenue en poésie la terre des bergers et de la pastorale. Dans son tableau « Et in Arcadia ego », Poussin en offre une vision puissante et nostalgique. [27] « Vieux mot qui signifoit autrefois **violon**, et toute autre **joüeur d'instruments, ou Maistre à dancer. (…) Ce n'est plus qu'aux nopces de village où on appelle les menestriers.** C'étoit originairement celuy qui alloit chanter ou donner des **serenades** avec des instruments de musique à sa maistresse. Depuis ce nom a passé à toutes sortes de Flusteurs et de Joüeurs d'instruments.(…) Enfin il est demeuré **aux vielleux, et aux violons de campagne**. Borel derive ce mot bien ou mal de *ministere*, ou de *manus* et *histrio*, ou de *minus histrio*, comme qui diroit ***petit bouffon***, ou qui divertit avec la main. » (F.) Le mot « ménestrel », qui nous est peut être plus familier, est de la même famille. [28] On notera la synérèse sur « Ménestriers » qui permet de former un décasyllabe régulier (4/6) ; l'interprète de l'enregistrement d'Hugo Reyne fait, à tort, une diérèse en ajoutant une note. [29] La graphie du « e » de « Helas » est particulière ici : elle ressemble à un *epsilon* minuscule (ε). Il n'est pas exclu que cela soit intentionnel, le « e » chanté s'étendant sur quatre temps (voir infra la version dramaturgique que nous proposons du texte.) Il n'avait sans doute pas échappé à Perrin que le mot « élégie » vient de « «   »  » et que cette sonorité aspirée évoque particulièrement bien la plainte. [30] Eventuellement un diérèse sur fière pour former un vers de neuf, vérifier en chantant. [31] Zéphyr, vent printanier (appelé aussi en poésie *Favoniu*s) est, comme les fleuves, incarné dans une divinité. Selon Ovide, qui s'est inspiré de la légende grecque de la nymphe Chloris, il a enlevé Flore, puis l'a épousée (*Fastes*, V, 20 et suiv.). Zéphyr est traditionnellement associé à l'Amour, car ce sont les Zéphyrs qui portèrent Vénus à sa naissance jusqu'à l'île de Cythère. [32] Au milieu de ce mot s'arrête la partition, et par conséquent la version du texte sous la musique, que nous possédons. A partir de ce point, le livret Ballard est notre seule référence. [33] On trouve, dans la didascalie qui suit, ce mot orthographié « Nourrice ». Dans le Furetière de 1690, l'orthographe est « Nourrice », mais on trouve « Nourrisse » chez Nicot (1606), Cotgrave, Ménage et Richelet (1680) : « Le peuple dit « norrisse », mais les gens d'esprit et tous les bons auteurs disent et écrivent nourrisse. » [34] Au figuré, « Donner sur l'ennemi, c'est charger l'ennemi et le batre. » (R.) « Donner, se dit quelquefois odieusement, pour dire, Frapper, soit à dessein de faire outrage, soit de faire quelque correction. (…) Il luy a donné sur la jouë, c'est-à-dire, un soufflet. » (F.) [35] Lampsace, ou Lampsacé, ville d'Asie mineure, dans la région de Troade, au Sud du détroit des Dardanelles (actuelle Turquie), Autrefois appelée Pityousa, elle reçut son nom de Lampsacé, fille du roi des Bébryces, Mandron, qui régnait alors sur la ville. La jeune fille ayant sauvé des colons Phocidiens d'un massacre, ils lui rendirent cet hommage après sa mort. Le culte de Priape, le « Dieu des jardins », dieu phallique, y serait né. [36] Dans la Présentation des personnages en tête de l'œuvre, il est mentionné un travestissement de Vertumne lui-même « en Bourgeoise de Lampsace ». On ne sait pas ce qu'il advient du dragon, lorsqu'arrivent les Follets en fantômes pour emporter la nourrice ; cependant l'intermède dansé des fantômes laisserait le temps à Vertumne de revenir sous le déguisement d'une Bourgeoise. L'hypothèse semble confirmée par le fait que Vertumne est mentionné dans les « Personnages muets » sous la forme d'un « buisson d'épines », forme que prennent les Bourgeoises quand les Jardiniers tentent de les embrasser, à fin de la scène 7. Ces métamorphoses en série complètent son image pastorale de Dieu-Protée. [37] Les symphonies de flûtes semblent avoir été une nouveauté introduite par Cambert. Saint-Evremond le remarque à propos de la *Pastorale d'Issy* (1659) dans ses *Lettres sur les opéras* : « ce fut comme un essay d'opéra qui eut l'agrément de la nouveauté ; mais ce qu'il y eut de meilleur encore, c'est qu'on y entendit des concerts de flûtes, ce qu'on n'avoit pas entendu sur aucun théâtre depuis les Grecs et les Romains » (cité par Jean Duron, dans « Pierre Perrin, un Virgile françois ? », article cité, p. 144). [38] Espèce d'oiseau chanteur, devenu proverbial, comme le pinson. On dit d'ailleurs « seriner » en langue parlée moderne. Richelet (1680) : « Il y a un serin commun et un serin de Canarie. Le serin commun est un petit oiseau vif et qui a le bec court, et un peu rond, le dessous de la gorge et le ventre d'un jaune qui tire sur le verd (…) mais plus ce serin est joli et plus il chante bien. ». Furetière précise que « Ce nom vient de Syrene, à cause que cet oiseau a le chant melodieux comme les Syrenes. » [39] Troupe infernale de Pluton, dieu des Enfers, qui a lui aussi droit à sa troupe, comme tous les personnages divins de la pièce. [40] Furetière : « Sorte d'orenge qui a sur la peau plusieurs pointes et excresences. Un jus de bigarrades. » On peut penser à la figue de Barbarie. [41] Il n'est pas précisé, comme habituellement, « à 2 ». Nous ne corrigeons pas, car cela semble évident au vu du contexte. [42] Comprendre : donnez-lui du meilleur vin du tonneau. Art. « Mui », Richelet : « Ce mot en parlant de vin veut dire une sorte de vaisseau fait par le tonnelier et composé de douves et de fond, contenant *deux cens quatre vingts pinte*s, ou environ mesure de Paris. Mettre un mui de vin en perce. » [43] Déformation burlesque de « Sibylle », substantif féminin, qui désigne les antiques prophétesses. Le dictionnaire de l'Académie signale cependant que le terme est passé dans la langue courante comme invective : « On dit d'une vieille fille, que *C'est une Sibylle*. » [44] Fringuer (Académie) : « Danser, sautiller en dansant » , mais avec la précision que le terme est « vieux », au contraire de son adjectif dérivé, « fringant ». [45] Interjection de jeu et de boisson. « Masser », verbe qui signifie à la base « miser », poser des enjeux. Académie : « On dit fig. en beuvant, *Masse à vous*, pour dire, Je vous porte la santé d'un tel » (voir *infra* note 37). [46] Tope : terme de jeu de dés, « Tope, se dit aussi en débauche, lorsqu'on accepte un deffi de boire, ou une santé qu'on porte, et dont on promet de faire raison, c'est-à-dire, d'en boire autant Masse à qui dit, on répond tope. » (Furetière). Tingue : Sans doute une onomatopée, sans signification précise. « Cric et croc », RIchelet : « Sorte d'adverbe qui représente le bruit que font les verres pleins de vin lorsqu'on es choque en buvant à la santé les uns des autres. *Masse, tope, cric et croc*. S. Amant. [47] Le dictionnaire de l'Académie explique l'expression à l'article « Rouge »: « On appelle, *Rouge bord*, Un verre de vin plein jusqu'au bord*. Il boit tousjours à rouge bords, il bût je ne sçay combien de rouges bords*. » Pour expliquer grammaticalement cette belle et dense expression, on peut dire que l'adjectif « rouge » occupe ici la fonction d'attribut proleptique, et à donc un aspect résultatif (Versez jusqu'à ce que le bord en soit rouge), ainsi que dans  : « La mer laisse les poissons secs sur le rivage. ». [48] Le participe présent employé comme épithète se rattache au sujet de la phrase : on peut remarquer une certaine souplesse dans son accord au XVII*e* siècle : "N'est-ce pas à vos yeux un spectacle assez doux/Que la veuve d'Hector **pleurante** à vos genoux ? (Racine, *Andromaque*, 859-860, 1667)" "Et la Crète **fumant** du sang du Minotaure (*Phèdre*, 82, 1677)" Cf. Fournier, §442, p. 304. [49] Comprendre : quand on est assoiffé. [50] Les vers 418 à 424 sont une reprise exacte des premiers vers de *La Mort d'Adonis* prononcés par « FALSIRENE, *fée que preside aux thresors* » (livret publié dans Louis Auld, *The Lyric Art of Pierre Perrin*, vol. 3). [51] Vertune s'est caché à la fin scène précédente, et Béroé au début de la scène 2. [52] Son époux. Cf. note 22, p. 19. [53] Héphaïstos, dieu du feu, fils de Zeus et d'Hera, Vulcain dans la mythologie latine, est un dieu boiteux et difforme ; il avait pris le parti de sa mère contre Zeus, qui le précipita du haut de l'Olympe sur l'île de Lemnos. Son père l'avait uni à la déesse Aphrodite-Venus, qui devint peu après l'amante d'Harès-Mars (Homère*, Odyssée*, VIII, 266 et suiv.). Vulcain est donc un « dieu cocu ». [54] Hyménaeos est le dieu qui conduit le cortège nuptial et préside aux chants d'hyménée. Il porte traditionnellement une couronne de fleurs et tient un flambeau et parfois une flûte, en tant que dieu musicien. « Chapeau (…) : On appelle aussi chapeau de fleurs, une couronne de fleurs qu'on met sur la teste des filles quand on les épouse. Dans la vieille Coustume de Normandie il est dit qu'un pere peut mairer sa fille avec un chapeau de roses, c'est-à-dire, ne luy donner rien en mariage que le chapeau qu'on luy met sur la teste au temps de la celebration. » (Furetière.) [55] Voir la liste des personnages : « Vertune, dieu des Lares ou Follets. » Voir aussi la présentation des personnages. [56] Dans la syntaxe (prosaïque) de la jussion, le pronom clitique est normalement placé après le verbe ; on aurait pu avoir « et divertissez-la. » Maupas, dans sa *Grammaire et syntaxe françoise* de 1618, signale une variation de la règle lorsque deux impératifs sont coordonnés : « Que si vous subjoingnez un second commandement lié au premier par quelque conjonction, lors le pronom peut retourner en son lieu prepositif apres la conjonction & sera mieux. *Si vous voyez mes amis, saluez-les, et leur dites que je me porte bien. Escrivez-leur puis me baillez vos létres. Servez-moy à mon gré, ou vous en allez.* » (Cité dans Fournier, § 115 bis, p. 103) [57] Nous nous permettons un commentaire ici pour éviter un contresens de lecture sur cette scène : cette attitude de Pomone, qui peut surprendre le lecteur aujourd'hui, est moins libertine qu'issue de la tradition galante qui a formé les codes de la pastorale. On trouve dans les grandes illustrations du genre des modèles d'inconstance amoureuse, et l'éloge de la frivolité et du changement en est un des morceaux de bravoure. A ce sujet, voir notamment Jean Rousset, *La littérature de l'âge baroque en France-Circé et le Paon* (voir bibliographie). [58] On notera qu'« amourette » est au pluriel, pour rimer avec « fleurettes ». Sans doute Perrin aurait pu écrire : « Qu'on y cueille la fleurette ». Peut-être pouvons-nous en déduire que le « s » caduque offre une *sonorité* sensuelle qui relie le mot au sens. [59] Comprendre: qu'on se parle d'amour. [60] Du latin *fidelis.* « Terme de Chancelerie dont se sert le Roy en addressant ses Lettres à ses Officiers. A nos amez et feaux les gens tenants nostre Cour de Parlement. » (Furetière).