--- identifier: prade_arsace creator: Prade, Jean Le Royer ; Georges Forestier. date: 1640 title: Arsace, Roy des Parthes --- ARSACE, ROY DES PARTHES, TRAGEDIE A PARIS, Chez THEODORE GIRARD, dans la grand' Salle du Palais, à l'Envie M. DC. LXVI. AVEC PRIVILEGE DU ROY. Édition critique établie par Anne Tannhof dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2011-2012). # Introduction. En 1662, Jean Le Royer de Prade publie *Arsace, roy des Parthes*, tragédie qu'il avait composée quelques années auparavant et qui fut sa seule pièce à avoir été représentée, par la troupe de Molière, en 1666. Surchargée d'événements, la pièce connut un succès médiocre ; elle met en scène la recherche du pouvoir : un roi, souhaitant abandonner son trône à l'un de ses deux fils, les surprend en train de se battre et ne parvient pas à déterminer le coupable, tandis que ce dernier est prêt à tout pour obtenir la couronne. Dans cette pièce, des personnages sont en proie à la fureur vengeresse et à l'ambition, et la complexité de l'intrigue ne nuit pas à l'expression du style brillant de l'auteur. # Éléments de biographie et conditions de représentation d'Arsace, roy des Parthes. ## Jean Le Royer de Prade, un érudit tombé dans l'oubli. « Prade, le fort esprit, dont on voit maint savant écrit » [1]. Ce vers écrit par Jean Loret, gazetier contemporain de notre dramaturge, évoque l'érudition de Jean Le Royer de Prade, auteur aujourd'hui méconnu. Né vraisemblablement en 1624, originaire de Rodez, on sait peu de choses sur la vie de Prade, dont la date de mort, autour de l'année 1685, reste incertaine. Fils d'un haut fonctionnaire des finances et contrôleur général des vivres des camps et armées du roi, nous ignorons où il fit ses études, mais ses écrits attestent qu'il reçut une formation solide, notamment en histoire. ## Prade, Cyrano de Bergerac et Henri Le Bret. Une formule située en bas d'un portrait de Cyrano, peint d'après un tableau de Heince en 1654 atteste que Cyrano comptait Prade et le juriste et homme de lettres Henri Le Bret [2] parmi ses amis les plus anciens. Le Bret lui-même, dans la préface à l'*Histoire comique* de Cyrano (1657), atteste de cette amitié proche qui liait Prade et Cyrano :« il fut après moi le plus ancien de ses amis et un de ceux qui le lui a témoigné plus obligeamment en une infinité de rencontres » [3]. Prade a par ailleurs écrit un poème qui figure dans la préface de cette même œuvre [4]. De même, on attribue à Cyrano de Bergerac la préface des *Œuvres Poétiques* de notre auteur [5]. Dans cette préface, Cyrano fait état du rapport de Prade à ses propres écrits, au sujet desquels il dit qu'il les avait pour la plupart rédigés très jeune : Lecteur, comme l'Imprimeur t'a déja dit dans un autre advertissement qui precede Annibal & Silvanus, on doit faire grand estat de tout le contenu de ce recueil de Vers, Mais l'Autheur n'est pas de mesme avis, & m'a chargé de te dire qu'il a besoin de ton indulgence pour plusieurs pieces qui se sentent de la foiblesse de l'âge où il estoit, lors qu'il les composa [6]. Cyrano conclut cette même préface en insistant sur le talent précoce de son ami : En attendant reçoy ce present avec reconnoissance, qui du moins te donnera la satisfaction de connoistre qu'il en est plusieurs capables d'écrire en un àge où d'autres ont peine à parler.  Nous trouvons la même allusion au regard critique de notre auteur sur son œuvre dans la préface d'*Arsace.* Celle-ci présente l'originalité d'avoir été rédigée par l'imprimeur, Antoine Girard, qui s'adresse à Prade en avouant avoir publié sa tragédie grâce au vol commis par un des amis proches de Prade [7]. Si l'on s'en tient au registre de La Grange, dans lequel on lit qu'un certain M. de Saint-Gilles fit donner *Arsace* au Palais-Royal [8], l'auteur de ce larcin paraît être ce même Saint-Gilles, « capitaine au régiment de Conti [9] », cité par Le Bret dans sa Préface de l'*Histoire comique* comme un ami de Cyrano de Bergerac. ## Prade et le milieu libertin. D'après la biographie de Cyrano établie par Madeleine Alcover [10], Prade, aurait fait partie, avec Cyrano, d'une « côterie prétendue philosophique [11] » formée par plusieurs écrivains, Chapelle, Le Bret, d'Assoucy, Saint-Gilles, des proches de Cyrano. Certains de ces écrivains, à savoir le Vayer de Boutigny, l'abbé la Mothe Le Vayer, Charles Beys, et Montauban, sont cités dans la préface d'*Arsace.* Dans sa biographie, Madeleine Alcover renvoie à la thèse de Yoshio Fukui [12], qui, à la suite d'Antoine Adam, s'est penché sur le cas de ce fameux « groupe de d'Assoucy » et de Cyrano, actif entre 1645 et 1650. Les membres de ce groupe, qui n'avait pas énoncé de théorie ni de style propre, se sont démarqués du courant poétique dominant par leurs vers burlesques mais surtout par leur volonté d'« échapper à la monotonie de la poésie du temps [13] » en usant de l'art de la pointe et des équivoques. Une telle aspiration d'indépendance par rapport aux conventions littéraires de l'époque ressort en effet de la préface attribuée à Cyrano des *œuvres poétiques* de notre auteur, comme nous pouvons le lire dans cet extrait : Il Prade croit qu'il ne suffit pas d'écrire au goust du siecle, qui n'estime plus que les choses fades, & ne s'attache qu'à la superficie, puis qu'il fait moins d'estat d'un chef-d'œuvre bien imaginé, que de quelques mots, qu'à force de les polir on a comme arrangez au compas : Il tient au contraire que le feu qui se termine en pointe, se manifeste tousjours par des sentimens qui semblent retenir sa forme, que la Poësie estant fille de l'imagination doit tousjours ressembler a sa mere, ou du moins avoir quelques-uns de ses traits … [14]. Les relations entre les membres de ce cercle sont visibles grâce aux vers qu'ils s'adressèrent entre eux, notamment dans les pièces liminaires de leurs œuvres respectives. On trouve par exemple dans les *œuvres poétiques* de Prade un poème de neuf stances célébrant *Le Grand Selim, ou le couronnement tragique, tragédie* (1645) de Roland le Vayer de Boutigny, et Cyrano aurait rédigé un rondeau burlesque situé en tête de cette pièce [15]. Le groupe s'est dissous en 1650 après la querelle qui brouilla Cyrano et d'Assoucy. Prade se rangea aux côtés de d'Assoucy dans ce conflit qui, selon la thèse de Madeleine Alcover, ne serait pas seulement littéraire mais concernerait les mœurs homosexuelles des deux poètes. C'est Prade qui fut à l'origine de l'anagramme « Soucidas » parodiant le nom de d'Assoucy, auquel il reprochait le style grivois, et Madeleine Alcover, dans sa biographie de Cyrano de son édition des *Etats de la lune et du soleil* a émis l'hypothèse que notre auteur aurait pu être à l'origine du désaccord en ayant rendu jaloux d'Assoucy par son accointance avec Cyrano [16] . Si la plupart des ces poètes étaient libertins, au sens de libres du carcan de la morale et de l'orthodoxie religieuse, tous n'étaient pas athées, et Prade lui-même composa des poèmes pieux [17]. Du reste, pour Madeleine Alcover [18], l'apologie du tabac qui ressort de son *Discours du tabac* de 1668 serait un signe de sa proximité avec la pensée libertine. Mais l'analyse apportée par Georges Forestier et Alain Riffaud sur l'éloge du tabac par Sganarelle qui ouvre *Le Festin de Pierre* (1665) de Molière [19] rend cette assertion discutable. Le discours de Sganarelle développe en effet les mêmes arguments que ceux du traité de Prade, semblant davantage relever d'une « conception matérialiste de l'homme et de la société » [20] que du « libertinage érudit », bien distinct du comportement des « libertins sans savoir pourquoi, qui font les esprits forts », pour reprendre les propos de Sganarelle [21]. ## Le Parasite Mormon. Jean Le Royer de Prade contribua à cette œuvre collective qui se situe dans la même ligne de pensée que le « groupe de Dassoucy et Cyrano », à savoir une pensée critique vis-à-vis de la littérature de leur époque. *Le Parasite Mormon* parut en 1650 sans nom d'auteur mais le chef de file de ce roman comique était l'abbé François de la Mothe le Vayer, à qui Prade dédia son *Trophée des armes héraldiques* en 1650 et qui était le fils du philosophe adepte du scepticisme du même nom. Parmi ses auteurs, on compte Cyrano de Bergerac ainsi que Charles Sorel. L'œuvre, qui se revendique burlesque, s'apparente à l'art de la pointe et s'inscrit dans un esprit de satire à l'encontre des prétentions du « grand genre ». Certaines conventions théâtrales, qui sont pratiquées sur scène et qui vont selon les narrateurs à l'encontre de la règle de vraisemblance, y sont tournées en dérision, comme par exemple les soliloques, ou certains discours du héros : Vous y verrez une personne parler à son bras & à sa passion, comme s'ils estoient capables de l'entendre. Courage mon bras : Tout-beau ma passion. Mettons la main sur la conscience ; Nous arrive-t'il jamais d'apostropher ainsi les parties de nostre corps ? Quand vous avez quelque grand dessein en teste, quand vous vous devez battre en duël, faites-vous ainsi une belle exhortation à vostre bras pour l'y resoudre [22] ? ## Un « fort esprit » . La réputation de Prade, dont la devise était «* Fortis et Prudens simul* [23] » est ambiguë. Un *factum* datant de 1667 [24] nous permet de savoir qu'il a été impliqué, avec un groupe de jeunes nobles, dans l'assassinat, en 1645, de deux bourgeois, et qu'après avoir été condamné à mort, sa peine fut réduite et il dût payer, avec d'autres, la forte somme de vingt-quatre mille livres de réparation [25]. On lit par ailleurs dans ce* factum* à propos des jeunes hommes : « c'étoient de jeunes débauchés » et à propos de Prade, qu'il « a toujours été homme d'intrigue ». Dans la première moitié du siècle de l'auteur d'*Arsace*, avant que l'idéal de « l'honnête homme » ne s'installe dans les rangs de la société mondaine, c'est le « bel esprit » qui y est sans cesse évoqué. Il convient alors aux lettrés talentueux de briller par leur vivacité d'esprit, et parfois, comme l'explique Yoshio Fukui dans sa thèse, « aux dépens des autres, aux dépens des convenances sociales » [26]. Au regard de l'appartenance de Prade à un groupe qui privilégiait les pointes, définies par Furetière comme « jeux d'esprit [27] », la formule de Loret – « Prade, le fort esprit, dont on voit maint savant écrit » – prend tout son sens. ## Son œuvre. Son ami Charles Beys, dans un sonnet à son éloge, nous donne l'estime que certains poètes ont accordée, dans les années quarante, au talent de Prade et à son érudition. Je ne fais que des vers ; Prade, en toute saison, Fait cent choses d'une âme également hardie. Que personne avec lui n'entre en comparaison : Cet esprit tout savant tous les arts étudie. Il compose l'histoire, il montre le blason ; Il fait également l'ode et la tragédie. D'une grâce héroïque il honore le mal, Il entend la peinture, il est bien à cheval, Sur tous les escrimeurs il gagne la victoire. Mais je ne puis louer cent vertus à la fois. Puisqu'il décrit si bien les gestes de nos Rois, Il pourra dignement écrire son histoire [28]. De même, les stances que Rotrou composa à son éloge, et qui figuraient en tête du *Trophée d'armes héraldiques* et des *œuvres poétiques* de Prade, méritent d'être reproduites : J'idolâtre ta Muse, et profane, et Chrestienne, Jaloux, ou furieux ton style me ravit, Et si j'en puis juger la Harpe de David Eut moins de mélodie en sa main qu'en la tienne. Soit que d'un désespoir tu décrives la rage, Ou d'un coeur pénitent nous exprimes les voeux, Tu rends également par l'un et l'autre ouvrage, Et les amoureux saincts, et les saincts amoureux. Silvanus que le sort ou propice, ou contraire, Avoit monté si haut pour le faire périr, T'est bien plus obligé qu'il ne fut à Tibère Car tu le fais revivre, et luy le fit mourir. Ce fameux Ànnibal qu'un renom équitable A fait victorieux de cent peuples divers, Avecque tant de gloire éclatte dans tes Vers, Qu'aux portes des Romains il fut moins redoutable. Si tu produis souvent des ouvrages si dignes, Je ne t'estime pas au poinct que je le doy, Si je n'ose avancer, que pour n'ouyr que toy La Scène imposera silence à tous ses Cygnes. En fin tu scais jetter par l'art dont tu blasonnes, De si doux aiguillons aux cœurs de nos guerriers, Que la France est ingratte, ou te doit des couronnes, Son or est épuisé, mais elle a des lauriers. Succincte, l'œuvre de Prade n'en fut pas moins vaste : dramaturge, poète et historien, il s'est aussi essayé à l'art du blason, en composant un traité [29] dédié au fils de François de La Mothe Le Vayer, et a acquis une certaine reconnaissance dans le milieu médical de son temps par ses écrits sur le tabac [30]. Il a écrit sous plusieurs noms : Jean Royer de Prade, Jean Le Royer de Prade, sieur de Prade – titre qu'il acquiert avant 1645 – et sous le pseudonyme Edme Baillard, sous lequel il publia, en 1668, son *Discours du tabac, où il est traicté particulièrement du tabac en poudre, par le Sr. Baillard*, et chez certains historiens comme Cioranescu, son nom est orthographié « Prades » [31]. *Théâtre* * Annibal*, tragi-comédie, par le Sieur D. P., Paris, Pierre Targa, 1649, in-4º. * La Victime d'Estat, ou la mort de Plautius Silvanus Preteur romain*, tragédie, par le Sieur D. P., Paris, Pierre Targa, 1649, in-4º. Cette pièce a pour source un chapitre des *Annales* de Tacite (IV, 23). La préface écrite par l'imprimeur en tête de ces deux tragédies révèle la même humilité de Prade vis-à-vis de son œuvre : L'auteur, toutefois, n'a pas voulu qu'elles les pièces aient porté son nom ; soit par sentiment d'humilité, ou, qu'au contraire, les ayant composées en l'âge de dix-sept à dix-huit ans, comme les lumières d'esprit croissent toujours, il desdaigne aujourd'huy de les advouer à l'âge de vingt-cinq. *Arsace, roy des Parthes*, tragédie, Paris, Théodore Girard, 1666. *Poésie* Selon Y. Fukui [32], Prade s'est distingué des autres membres du « groupe de d'Assoucy » en ce qu'il exprime dans ses poèmes la conception d'un amour dont la passion est exclusive et engage le poète corps et âme. Ses poèmes se caractérisent par un style brillant. *–* Les Œuvres poétiques, sieur de P., Paris, Pierre Targa, 1650, in-4º. Histoire Surnommé par Le Bret « le Corneille Tacite des français » [33] pour ses travaux sur l'histoire de France, Prade est surtout connu pour son *Histoire d'Allemagne*, qui lui a valu un élogieux compte-rendu dans le *Journal des Savants* du 15 mars 1677. *– L'Histoire de France depuis Pharamond jusqu'à Louis XIII, avec les éloges des roys en vers, réduitte en sommaire*, Paris, Antoine de Sommaville, 1651, in-4º. *– Généalogie de la maison des Thibaults*, s.l,. 1654, in-4º. *– Histoire d'Allemagne, par M. de P.* Paris, Sébastien Cramoisi, 1677, in-4º. *– Histoire de la véritable origine de la troisième race des rois de France, composée par M. le duc d'Epernon et publiée par M. de P*., Paris, Sébastien Cramoisi, 1679, in-12º. *– Sommaire de l'histoire de France, par J. R de P*, Paris, Augustin Besoigne et Charles Osmont, 1683-84, in-12º, 5 vol. (Privilège, 29 mars 1674). *– L'Histoire de Gustave-Adolphe, dit le Grand, et de Charles-Gustave, comte palatin, roys de Suède, et de tout ce qui s'est passé en Allemagne depuis la mort du grand Gustave jusqu'en 1648, par le sieur R. de P*., Paris, Daniel Horthemels, 1685, in- 8º. ## Création et intertextualité. À l'époque de notre auteur, les vers et les idées circulaient entre les poètes dramatiques. Certains historiens de la littérature ont permis de mettre en lumière cet échange en reconnaissant ce qui relevait de la plume de Prade dans des œuvres contemporaines. Tout d'abord, selon les frères Parfaict, qui s'appuient sur l'affirmation d'un éditeur de Scarron en 1679 [34], Prade aurait contribué à la composition d'une tragi-comédie de Quinault, *Les Coups de l'amour et de la Fortune*, crée en 1656 à l'Hôtel de Bourgogne : il en aurait fourni le sujet en le transmettant à une comédienne de l'Hôtel de Bourgogne, Mademoiselle de Beaûchateau, et rédigé certaines scènes. D'après la déclaration de l'éditeur, Tristan l'Hermite ainsi que Scarron auraient aussi aidé à l'écriture de la pièce, mais les frères Parfaict doutent des propos de l'éditeur et affirment que la pièce est bien l'œuvre de Quinault. Quoiqu'il en soit, la pièce, comme celle, jugée médiocre, du même nom de Boisrobert qui fut jouée la même année à l'Hôtel du Marais, puise ses origines dans* Lances de amor y fortuna* (1636), pièce de Pedro Calderon de la Barca. Or, en certains points de l'intrigue,* Les Coups de l'amour et de la Fortune* comportent de fortes similitudes avec *Arsace, roy des Parthes.* En effet, la tragi-comédie de Quinault mêle une intrigue amoureuse à une intrigue politique. Dans la première, deux rivaux, l'un fourbe, Lothaire, l'autre honnête, Roger, tentent tous deux de gagner le cœur de la Comtesse de Barcelone. Dans la seconde, la Comtesse, Aurore, est en guerre avec sa propre sœur Stelle car elles se disputent le trône. Nous y trouvons des ressemblances avec celle d'*Arsace.* D'abord, le thème politique est le même, à savoir celui d'un conflit entre frères et sœurs. La situation qui divise les deux sœurs est semblable à celle des personnages d'*Arsace*, Pharasmane et le héros éponyme : Stelle prétend au pouvoir en tant que fille légitime de ses parents alors que ceux-ci n'étaient pas encore mariés quand ils ont donné naissance à sa sœur, tandis que celle-ci y prétend en tant qu'aînée comme nous pouvons le lire à la scène 3 du premier acte : « et qu'enfin je ne puis vous souffrir qu'avec honte, / Sur un Trosne où nos loix ordonnent que je monte ». De même, Pharasmane prétend arriver au pouvoir « en qualité d'aisné », et « Arsace comme fils, d'un pere couronné » (v. 25-26), tandis que leur père n'était pas encore roi à la naissance de l'aîné. Ensuite, du point de vue du caractère des héros, Arsace comme Aurore sont présentés comme pacifiques : tandis que son frère est animé d'une haine farouche contre lui, Arsace, désireux de maintenir l'unité avec Pharasmane malgré leur ambition du même trône, lui dit : « Nostre malheur est grand, mais il pourra finir ; / Si du moins une fois nous nous pouvons unir, » (v. 445-446), et dans la pièce de Quinault, Aurore déclare à sa sœur : « je veux par ma tendresse étouffer vostre hayne / Et vous traitter en Soeur, et non en Souveraine. » (I, 3). Ensuite, dans l'avis au lecteur, nous pouvons lire : Ceux qui trouveront dans cét Ouvrage de la conformité avec quelques autres qui ont parû depuis six ou sept années, sont advertis qu'il estoit en estat d'estre mis au jour dés l'année 1650. Or, dans *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century* [35], H. C. Lancaster s'est penché sur ces « quelques autres » ouvrages en comparant la tragédie de Prade avec deux pièces représentées en 1658 et en 1661 et en reconnaissant, dans chacune de ces deux pièces, l'héritage d'*Arsace*. Il s'agit d'une tragi-comédie de Quinault, *Amalasonte* et d'une tragédie de Thomas Corneille, *Camma, reine de Galatie.* Selon Lancaster, Quinault et Corneille se seraient largement inspirés des scènes 8 et 9 de l'acte II de notre pièce pour y puiser un des ressorts de leurs intrigues. Rappelons en quoi consiste l'action de ces scènes, qui correspondent au point culminant de l'intrigue : Pharasmane tente de poignarder son frère qui se défend, mais le roi arrive à ce moment même, et voyant « le poignard tombant », est incapable de savoir qui des deux a commis l'attentat. Dans *Amalasonte*, créée en 1658, à la scène 6 de l'acte IV, Amalfrède profite du sommeil d'Amalasonte pour lever l'épée sur elle dans un moment de jalousie envers son amant Théodat dont elle est éprise, mais ce-dernier l'arrête et Amalfrède laisse l'épée dans la main de Théodat juste avant le réveil de l'héroïne. Mais ici, si comme dans *Arsace*, l'héroïne surprend un crime manqué, après qu'il a eut lieu, elle voit l'arme non pas au sol mais dans la main de son amant, ce qui l'oblige à croire en la culpabilité de l'un tandis que dans *Arsace* la situation plonge le roi dans le doute le plus complet. De même, dans la scène 3 de l'acte III de *Camma, reine de Galatie*, alors qu'un personnage est en proie à une vision, l'héroïne éponyme tente de l'assassiner mais son amant accourt pour empêcher le crime, et « le poignard tombe sans que Sinorix puisse connoistre de quelle main ». Si Prade a voulu insister sur le fait que sa tragédie avait été composée bien avant sa représentation et lue devant des auteurs comme Quinault et Corneille, c'est sans doute par souci d'échapper aux reproches qu'on aurait pu lui faire de manquer d'originalité, ou du moins de les prévenir, tandis qu'au contraire Lancaster revendique Prade comme l'inventeur de cette situation scénique [36]. Enfin, dans son article « Corneille, Brébeuf et Le Royer de Prade [37] », Gilles Margoulies discute de l'attribution d'un même sonnet à Pierre Corneille et à Brébeuf [38], attribution qui fut mentionnée par certains critiques [39]. Parmi eux, M. Harmand a remarqué qu'un vers de ce sonnet, qu'on trouve dans l'œuvre de Corneille : « Et son dernier soupir fut un soupir d'amour. », apparaît de manière détournée chez Brébeuf : « Et que le dernier de ma vie/Soit encore un soupir d'amour… ». G. Margouliès a poursuivi l'étude de M. Harmand en précisant que ces vers provenaient en fait d'un vers de Prade : Et son dernier soupir fut un soupir d'amour tiré de sa tragédie *La Victime d'Estat, ou la Mort de Plautius Silvanus, preteur romain* [40]. Il a alors supposé que le grand Corneille avait pu avoir connaissance de la tragédie de Prade, sachant que son ami Rotrou avait composé des stances très élogieuses à son sujet. ## Création et réception d'*Arsace, roy des Parthes*. Parmi les trois pièces de théâtre composées par notre auteur, *Arsace, roy des Parthes* est la seule qui fut représentée sur scène. Annoncée à l'Hôtel de Bourgogne ainsi qu'au théâtre du Marais une dizaine d'années plus tôt selon l'avis au lecteur, la pièce fut finalement jouée entre le 3 et le 14 novembre 1662 au Palais-Royal par la troupe de Molière. Il paraît peu probable que Molière lui-même ait joué un rôle, puisqu'il avait cessé de jouer dans les tragédies et était alors occupé par la création de *L'École des femmes* dont la première eut lieu le 26 novembre de la même année. Par ailleurs, d'après le registre de La Grange, les recettes de quatre représentations sur six furent inférieures à 200 livres, et dès la deuxième représentation, la pièce rapporta la médiocre somme de 116 livres [41], ce qui explique qu'elle fut retirée au bout de la sixième. Ce fut par l'intermédiaire de Saint-Gilles, ami de Cyrano, qu'*Arsace* put être montée par la troupe de Monsieur, frère du roi. S'agit-il du gentilhomme de Saint-Gilles que peignit justement Molière dans *Le Misanthrope*, sous le personnage de Timante, comme certains biographes l'affirment [42] ? Cela est vraisemblable, puisque le Saint-Gilles qu'ont décrit les critiques avait été en relation avec l'abbé La Mothe le Vayer, le dédicataire du *Trophée d'armes héraldiques* de Prade. Comme nous l'avons vu, dans la préface d'*Arsace, roy des Parthes*, l'imprimeur Girard déclare que la pièce « estoit en estat d'estre mise au jour dés l'année 1650 ». Une telle affirmation nous semble plausible, comme elle l'est aux yeux de Lancaster [43], dans la mesure où les autres pièces de Prade datent des années quarante, et où la tragédie d'*Arsace* avait été annoncée dans *Le Parasite Mormon* [44] paru en 1650, soit douze ans avant la première représentation de notre pièce [45]. Nous pouvons trouver dans ce détail – l'affirmation de Girard – l'une des raisons de l'insuccès d'*Arsace*. En effet, étant donnée l'évolution rapide du théâtre à l'époque de notre auteur, on comprend que le public de 1662 avait peu de chances de louer une pièce qui avait déjà douze ans, et dont l'auteur lui-même s'était refusé à la représentation. Par ailleurs, les comptes tenus par La Grange nous permettent de conclure, à l'instar d'Antoine Adam, qu'« au Palais-Royal, les tragédies n'obtenaient qu'un succès médiocre [46] » ; seulement cinq tragédies y furent représentées entre 1662 et 1666, l'Hôtel de Bourgogne étant alors le lieu de prédilection pour ce genre [47]. # Analyse de l'œuvre. ## Résumé de l'action. **Acte I** : La pièce s'ouvre au milieu d'un dialogue entre Artaban, roi des Parthes et le Seigneur Vologese, par lequel on apprend que le roi veut léguer son royaume à un de ses deux fils. Tous deux peuvent prétendre au royaume : Pharasmane est l'aîné, mais son père n'était pas encore roi à sa naissance, tandis qu'Arsace est né sous le règne de son père (scène 1). Le roi veut aussi donner celui qu'il fera roi en mariage à Araxie, la fille aînée de son prédecesseur d'Artaban, et l'autre à sa sœur, Médonie (scène 2). Araxie veut choisir Arsace et le confie à sa sœur (scène 3). Médonie, conduite par sa soif du pouvoir, a feint de les aimer tous les deux pour se rapprocher de celui qui sera roi. Elle avoue avoir plus de sentiments pour Pharasmane mais veut que son ambition, et non son cœur, la dirige vers celui qui sera couronné (scène 4). Pharasmane déplore le choix que doit faire Araxie car il estime que les alternatives lui sont contraires : l'une à son désir, car étant roi il devra abandonner Médonie, l'autre à son ambition, puisqu'épousant Médonie il sera réduit au rang de sujet. Mais Pharasmane est lui aussi mû par la soif du pouvoir et prêt à séduire Araxie pour arriver à ses fins. Lorsqu'il apprend de la bouche de son amante que le choix d'Araxie penche vers Arsace, il veut commettre un fratricide. Médonie tente de l'en dissuader en s'engageant à user de ses charmes auprès d'Arsace pour qu'il refuse le choix d'Araxie, mais en vain (scène 5). Pharasmane menace donc Arsace, l'accusant d'être heureux d'avoir pu lui ravir la couronne, et lui assurant que les Parthes ne voudront pas qu'il soit couronné à la place de son aîné (scène 6). Arsace, contrairement à Médonie et à Pharasmane, ne tolère pas que l'ambition règne sur son cœur, épris de Médonie, et demande à celle-ci d'aller dire à Araxie qu'il refuse la couronne ainsi que sa main (scène 7). **Acte II** : En les rapportant à sa sœur, Médonie transforme les propos d'Arsace et lui fait dire qu'il veut qu'Araxie achète son amour en lui offrant davantage de pouvoir (scène 1). Après avoir entendu cela, Araxie croise Arsace et lui apprend qu'elle prévoit de le faire couronner sans lui donner sa main, et de se donner la mort. Arsace est alors partagé entre la pitié qu'il éprouve pour Araxie et son amour pour Médonie, et va trouver son frère (scène 2). Araxie, furieuse et désespérée, veut se venger (scène 3 et 4). Elle appelle Pharasmane, dont elle sait qu'il veut régner et croit qu'il l'aime, pour lui faire accomplir son désir de vengeance. Pharasmane demande à Araxie de lui donner la mort ; il lui affirme qu'il ne pourrait la voir dans les bras d'Arsace ni voir son frère régner à sa place. S'en suit un quiproquo qui sera central pour la suite de la pièce : Araxie répond en lui ordonnant de tuer Arsace ; elle revient ensuite sur cette décision, mais Pharasmane ne l'entend pas car il sort au moment où elle se ravise, et revient sans avoir entendu qu'elle avait changé d'avis (scène 5). Pharasmane prévoit donc un fratricide (scène 6). Lorsqu'Arsace s'adresse seul à son frère en lui proposant qu'ils s'allient pour tenter de convaincre leur père de rester roi, Pharasmane lève son poignard sur lui pour accomplir ce qu'il croît être la volonté d'Araxie ; Arsace se défend (scène 7). Le roi arrive au moment où ses deux fils sont aux prises, et est incapable de déterminer lequel des deux a porté en premier la main sur l'autre. Il tente de trouver l'assassin en écoutant leurs défenses, mais les deux argumentent si bien – Pharasmane en mentant – qu'il reste dans le doute. Il finit par les accuser tous les deux de leur désunion, et ordonne au capitaine des Gardes de les enfermer en attendant de connaître le coupable (scène 8). Mais après avoir pris congé de ses fils, le roi confie à Vologese qu'il pressent l'innocence d'Arsace et veut s'employer à la faire éclater (scène 9). **Acte III** : Araxie apprend la tentative de fratricide de Pharasmane ; elle l'accuse d'avoir feint de ne pas l'entendre lorsqu'elle était revenue sur son ordre et d'avoir tenté volontairement ce crime. Pharasmane affirme au contraire avoir commis cet acte en sacrifiant son amour fraternel pour contenter le désir de vengeance de la princesse, mais celle-ci ne le croit pas, et lui reproche d'avoir accompli sa volonté alors qu'elle était manifestement irraisonnée. Cependant, elle refuse d'accuser publiquement Pharasmane et de résoudre ainsi l'enquête du roi, car elle redoute qu'en l'accusant, on pense qu'elle cherche seulement à innocenter celui qu'elle aime. Pharasmane, qui se doute des feintes de Médonie, veut en savoir davantage (scène 2). Médonie apprend à Pharasmane que le Conseil a décidé d'organiser un duel entre les deux suspects dont le vainqueur sera élu roi et le vaincu désigné coupable (scène 3). Arsace, au courant de cette décision, parle à son frère et lui propose de désobéir à l'arrêt du Conseil et de renoncer à un tel combat, certain que le roi sera touché par ce refus. Mais Pharasmane refuse, reconnaissant Arsace comme son ennemi davantage que comme son frère, et voyant en ce duel la garantie de son succès (scènes 4 et 5). Scène 6 : Araxie tente elle aussi de persuader le roi de révoquer la décision du Conseil, qu'elle trouve cruelle. Le roi se laisse convaincre par le discours d'Araxie, mais demande d'abord à voir ses fils : il compte secrètement sur le refus d'Arsace de participer à ce combat, ce qui lui fera voir qu'il est innocent (scène 7). Il feint alors de maintenir le duel, mais Pharasmane en entendant cela fait mine de ne pas vouloir combattre son frère, devinant la pensée de son père. Le roi, n'arrivant pas à deviner lequel des deux dit vrai, rentre dans une colère noire et menace de les déshériter s'il ne parvient pas à reconnaître le coupable (scène 8). Sous les conseils de Vologese, le roi imagine une nouvelle ruse pour découvrir la vérité ; il prévoit de promettre à Pharasmane la couronne et la main d'Araxie, et de lui demander de punir Arsace en le mettant à mort, pour voir sa réaction et celle d'Arsace et deviner leurs sentiments (scène 9). **Acte IV** : Le roi demande à Araxie de nommer le coupable ; la princesse répond qu'elle ne peut le nommer à la place du roi, qu'il doit chercher en lui-même son véritable fils en faisant confiance à ses sentiments, affirmant que si le roi ressent plus d'estime pour l'un de ses deux fils, cette préférence est la preuve que ce fils a davantage de vertu. Elle se doute que sa préférence est pour Arsace, son amant. Le roi consent alors à choisir celui qu'il préfère, puis Araxie annonce à Arsace qu'il va être couronné (scène 2). Pharasmane, ne supportant pas la perspective d'être assujetti à son frère, lui demande de le tuer si le roi lui donne son règne, ce qu'Arsace refuse, invoquant sa grandeur d'âme (scène 3). Mais contre toute attente, Médonie apprend aux deux frères que le roi a choisi Pharasmane – il s'agit en fait de la réalisation du plan du roi prévu à l'acte précédent. Apprenant cela, Pharasmane promet à son frère de partager le trône avec lui ; et annonce le double mariage qui les unira. Arsace est étonné mais heureux de cette magnanimité soudaine. Mais Médonie demande à Arsace un répit avant d'accepter de l'épouser, répit qu'Arsace voit comme le mépris de son amour. Médonie lui avoue en effet que puisque son père ne l'a pas élu roi, elle ne peut lui donner sa main, et que le considérant comme celui qui a voulu attenter aux jours de son frère puisque le roi en élisant l'un désigne l'autre comme criminel, elle ne peut aimer un coupable même si son frère lui accorde la grâce. Arsace ne croit pas en la fausse magnanimité de Médonie et regrette d'avoir refusé les feux d'Araxie (scène 4). Puis Médonie et Pharasmane se retrouvent et Médonie lui reproche de se laisser contraindre par les lois du rang et d'accepter d'épouser Araxie au lieu d'elle-même ; Pharasmane, qui n'est pas dupe de l'honnetêté de Médonie, lui répond qu'elle feint de l'aimer pour être reine, ce qui laisse Médonie désespérée et furieuse de se voir délaissée par les deux personnes par qui elle aurait pu régner (scène 5). Le roi arrive et suivant son plan, demande à l'aîné d'ordonner la mort de son frère pour le punir (scène 6). Mais Pharasmane se doute du projet de son père et prévoit de ne pas laisser éclater sa haine, et de continuer à mépriser Médonie afin qu'elle se détourne de lui, pour pouvoir enfin obtenir la gloire d'être couronné et d'épouser la Princesse Araxie (scène 7). **Acte V** : Arsace revient vers Araxie et lui offre les feux qu'il lui avait refusé. Araxie est interrompue dans son trouble par la venue de Vologese, qui lui annonce que venant de la part du roi dire à Médonie qu'elle épousera Arsace, il l'a trouvée poignardée aux pieds de Pharasmane lui aussi ensanglanté. Vologese dit encore que Médonie a succombé à sa blessure contrairement à Pharasmane resté muet quant à l'auteur de cet assassinat. Araxie apprend alors que le roi soupçonne Arsace, croyant qu'il s'agit de sa réaction à l'annonce du règne de son frère. Le roi pense que Pharasmane se tait pour protéger son frère, puisqu'il a demandé à le voir son successeur. Il avoue à Arsace l'avoir chéri, mais désormais convaincu de sa trahison, il le condamne à mort. Araxie intervient en vain pour tenter de raisonner le roi, aveuglé par sa colère. Puis c'est au tour de Vologese de clamer l'innocence d'Arsace : il témoigne avoir entendu les dernières paroles de Médonie, qu'il croyait morte mais qui ne l'était pas encore. Celle-ci lui a avoué avoir résolu la mort des deux fils, et avoir poignardé Pharasmane qui s'est défendu et l'a à son tour blessée. Après l'annonce de cette nouvelle qui résout le crime, Pharasmane arrive devant tous l'épée à la main pour tenter de tuer Arsace, mais le roi le retient. Tombant, il renonce à son projet. Son père l'accuse alors de sa perfidie et Pharasmane avoue ses forfaits, mais regrette seulement d'avoir manqué son attaque et provoque le roi en lui disant qu'il ne peut le punir puisqu'il est déjà sur le point de rendre l'âme. Le roi veut alors sacrer Arsace devant son frère mourant pour rendre sa justice, mais Pharasmane ouvre sa blessure pour éviter de voir Arsace roi de son vivant, et refuse que les gardes l'emportent pour troubler son père et son frère par sa vue ; avant d'être emporté, il prédit que le règne d'Arsace apportera la discorde entre un père et son fils. Le roi demande alors à Arsace et à Araxie qu'ils lui accordent du temps pour se relever de sa tristesse avant de célébrer leur mariage et leur règne. ## Les sources. Comme l'indique l'avis au lecteur, Le sujet d'*Arsace* est tiré du 42*e* livre de Justin, où il dit qu'Artaban septième Roy des Parthes succeda à son neveu Phradate. À l'instar de nombreuses tragédies de l'époque classique, *Arsace, roy des Parthes* puise son sujet dans l'histoire antique, celle du v*e* siècle avant J.-C. Prade s'est en effet appuyé sur quelques mots extraits du livre XLII de l*'Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée.* Cet abrégé, écrit par l'historien romain du ii*e* siècle Justin à partir des écrits de Trogue-Pompée qui vécut au premier siècle avant Jésus-Christ, retrace la destinée des Parthes, peuple perse situé en actuelle Turquie, et celle des Arsacides, nommée ainsi à partir du nom de leur fondateur, Arsace. Il y est en effet écrit qu'« Artaban, oncle paternel de Phrahate, fut fait roi à sa place [48]. » Le nom d'Arsace en est tiré, puisque nous pouvons lire, au livre XLI de ce même* Abrégé*, qu'après le soulèvement des Parthes contre Séleucus – que l'on peut rapprocher de la ville où se passe l'action, Séleucie – Arsace a repris le pouvoir et fondé la dynastie parthe des Arsacides [49]. De même, l'indécision du roi qui doit choisir son successeur semble s'inspirer d'une phrase de Justin où il est dit que « Le roi Orode avait du mal à choisir qui allait lui succéder : « de ses trente fils, il ne savait lequel il devait destiner au trône [50] ». Toutefois, comme le dit Charles Mazouer dans *Le Théâtre français de l'âge classique*, Les embellissements et l'invention peuvent aller loin, jusqu'à la relégation, voire à l'effacement du contexte historique réel [51]. L'intrigue a été inventée comme le précise l'avis au lecteur, tout en défendant la part de vérité qui y est conservée : … l'histoire en est plûtost estendüe que contredite … si l'on y represente Pharasmane si criminel, ce n'a pas esté sans fondement, puisque le mesme Justin témoigne qu'il estoit ordinaire aux Parthes d'avoir des Roys Parricides [52]. De telle sorte qu'en dehors de la référence à la succession de Phrahate évoquée explicitement par Justin, et de l'allusion à la cruauté de certains princes parthes, Prade revendique s'être éloigné de sa source pour donner libre cours à son récit. Il ne dit pas s'être inspiré d'autres livres de l'abrégé de Justin, mais peut-être l'avait-il lu intégralement, car la situation dans laquelle se trouvent Pharasmane et Arsace – qui prétendent tous deux au pouvoir, l'un se prévalant de son droit d'aînesse, l'autre prétendant au pouvoir comme étant né sous le règne du père tandis que celui-ci n'était pas encore roi à la naissance de l'aîné –, est semblable à une situation évoquée dans le livre II, celle de deux fils de Darius dont la rivalité politique est due aux même raisons invoquées au début d'*Arsace* : Bientôt la mort frappa Darius … il laissait plusieurs enfans nés, les uns avant, les autres depuis son avènement à l'empire. Artémène, l'aîné de tous, alléguait pour titre à la couronne, le privilège de sa naissance, droit naturel consacré par tous les peuples. Xerxès, son frère, voulait qu'on décidât le différent, non d'après l'ordre, mais d'après les circonstances heureuses de leur naissance. Selon lui, Artémène était le fils aîné de Darius, mais de Darius encore sujet ; lui, au contraire, état le premier né du roi … [53] Cependant, outre l'œuvre de Justin citée par Prade, ce dernier pourrait s'être inspiré de pièces antérieures à *Arsace* dans lesquelles les mêmes sujets sont traités, comme la question des lois de succession, ainsi que la rivalité entre deux frères. En effet, ces sujets ont été abordés dans une tragi-comédie de Magnon, *Artaxerce*, jouée par la troupe de Molière en 1644 soit dix-huit ans avant *Arsace* [54]. Dans *Artaxerce* [55], dont la source est un texte de Plutarque [56] et qui s'inspire d'une pièce de Boisrobert [57], le roi Artaxerce a deux fils dont l'un, comme Pharasmane dans *Arsace*, se présente comme le rival de son frère. Du texte de Plutarque, dans lequel le fils d'Artaxerce invoque les lois perses lui permettant en tant qu'aîné de demander la main d'Aspasie, lois qui ne conviennent guère au roi forcé de céder son amour pour Aspasie à son fils, Magnon a conservé le thème des opinions divergentes quant au respect de la loi. Si au xvii*e* siècle, le respect des lois était un thème courant dans le genre de la tragédie classique, c'est davantage l'évocation, au début de la pièce de Magnon, de la situation vécue par Pharasmane et Arsace qui nous conduit à voir en *Artaxerce* une possible source d'inspiration pour Prade. En effet, comme* Arsace, Artaxerce* de Magnon commence par un dialogue au cours duquel le roi évoque l'aspiration de ses fils à régner – « Mes fils briguent toujours le trône de l'Asie » (v. 3) – ainsi que sa volonté de céder son royaume à l'un d'eux, avant de présenter l'origine du conflit entre ses fils, en mentionnant son propre sort partagé par son fils aîné Darie. Or ce sort [58] est exactement identique à celui de Pharasmane dans la tragédie de Prade. Cependant, dans *Artaxerce*, la querelle au sujet de la succession est résolue dès la scène 4 de l'acte I par le choix du roi qui nomme Darie comme son successeur. Ainsi contrairement à *Arsace*, elle ne constitue pas le sujet ni l'obstacle principal de l'intrigue mais n'en est que le point de départ, conformément au récit plutarquien. ## Le titre. Le titre de la pièce semble désigner le personnage d'Arsace comme le héros principal de la pièce. Cependant, il se range parmi les personnages les moins prolixes de la pièce : sur un total de trente-neuf scènes, il ne prend la parole que dans douze scènes, et prononce moins de 172 vers sur 1694, ce qui le rapproche, sous l'aspect de la répartition des vers, de Vologese, qui s'exprime le moins conformément à son statut de personnage secondaire. Arsace semble ainsi s'apparenter aux « héros rares », d'après la classification de Jacques Scherrer, mais aussi au cas qu'il décrit en ces termes : La rareté du héros risque en effet d'être liée à une certaine passivité et de faire apparaître son rôle comme moins important que celui d'autres personnages moins prestigieux, mais plus déterminés [59]. En effet, l'intrigue est surtout conduite par les personnages fourbes que sont Pharasmane et Médonie, et par le roi qui prévoit le sort de ses fils avec l'aide d'Araxie et de Vologese, ce qui laisse peu de place à la parole du futur roi. Mais outre la question de l'apparition du héros, un tel titre fait référence au dénouement et nous pouvons penser qu'il s'agit d'une allusion à l'histoire de Justin dont le sujet de la pièce est tiré, puisqu'il y a bien eu un Arsace roi des parthes et fondateur de la dynastie des Arsacides. Cette allusion au règne d'Arsace, alors que toute l'action gravite autour du choix d'un successeur, révélé seulement au dénouement, semble également témoigner de la manière dont Prade a composé sa pièce. Le titre peut en effet nous faire supposer que l'auteur est parti de la fin pour remonter au début de l'intrigue – puisque Arsace n'est choisi comme « roy des Parthes » qu'au dénouement – et qu'il a déroulé les péripéties de telle sorte que le dénouement apparaisse comme la conséquence des décisions et des passions des personnages tandis qu'en réalité le dénouement préexiste à l'action, comme le dit Georges Forestier dans *Passions tragiques et règles tragiques* [60]. Selon le processus dit classique de création d'une tragédie, le sujet de notre pièce est donc contenu dans son titre : à partir du dénouement que constitue le choix, par un roi, de son second fils comme successeur, l'action se construit. Il s'agit bien, comme l'indique G. Forestier, de l'élément qui constitue une « matrice à partir de laquelle le dramaturge va reconstruire à rebours une action [61] ». Toutefois, contrairement à certaines pièces du xvii*e* siècle dont les sources historiques constituent les dénouements à partir desquels l'action est déroulée, la phrase de Justin citée dans l'avis au lecteur ne correspond pas au dénouement de la pièce mais n'offre qu'un contexte historique, un point de départ à partir duquel Prade a créé un enchaînement de causes et d'effets. ## Un sujet hautement tragique. En mettant en scène un affrontement entre deux frères qui mènera l'un à vouloir tuer l'autre, Prade a choisi une intrigue qui incarne hautement le tragique : la tentative de fratricide accomplie par Pharasmane n'est pas sans rappeler le frontispice pour l'édition collective des *Tragédies de Racine* de 1675 que Georges Forestier a commenté et décrit dans son traité sur la tragédie [62] comme représentant l'allégorie de la tragédie au dessus de deux frères en proie à une lutte mortelle, censée faire naître les sentiments de pitié et de crainte, suivant le chapitre XIV de la *Poétique* d'Aristote qui expose le principe de la tragédie. L'action d'Arsace correspond en effet au « surgissement des violences au cœur de l'alliance » [63] propre à éveiller frayeur et pitié chez le spectateur : le conflit d'intérêt entre deux frères conduisant à un fratricide manqué s'apparente bien aux « événements extraordinaires » qui selon G. Forestier, qui commente la Préface d'*Héraclius* de Corneille [64], sont aptes à produire ces deux émotions propres au genre tragique. Comme le dit Charles Mazouer en résumant *Arsace* [65], « les ambitions et les intérêts amoureux se croisent en une querelle fratricide ». En effet, le début de la pièce indique un entrelacement entre une intrigue politique et une intrigue amoureuse, puisque le roi demande à Araxie de choisir pour roi celui qu'elle veut épouser : Ne pouvant me resoudre à vous donner Arsace, Ny Pharasmane aussi, vous choisirez demain A qui des deux offrir et l'empire et la main (v. 84-86) Au départ, le choix du successeur dépend donc uniquement des sentiments de la Princesse. Toutefois, dans *Arsace*, l'intrigue politique prend une telle importance que l'intrigue amoureuse s'en trouve amoindrie, et l'expression des sentiments amoureux semble pouvoir se réduire dans la personne d'Araxie, dont la fureur contre Arsace provient de son amour déçu. Les autres personnages expriment rarement leur amour, mûs par leur désir de régner. Mais les conflits tragiques qui opposent la raison d'État et l'amour d'une part, ou des passions entre elles – ici l'ambition contre l'amour – ressortent de la pièce, notamment à travers le personnage de Médonie qui voudrait commander à sa raison de diriger son cœur vers le futur roi : Je dois aimer celuy qui sera couronné (v. 170) L'emploi d'un verbe injonctif manifeste par ailleurs le conflit intérieur du personnage qui souhaite faire dépendre ses sentiments de son ambition. # Arsace, roy des Parthes face aux règles classiques. ## Une action invraisemblable ? À l'époque de notre pièce, la vraisemblance s'impose comme un critère indispensable de la tragédie, qui sert l'adaptation de la pièce au public. Comme le rappelle Jacques Scherer dans *La Dramaturgie classique en France*, « l'exigence de vraisemblance est l'une des plus importantes de l'esthétique classique [66] ». *Arsace, roy des Parthes*, traite d'un sujet qui peut entrer dans la catégorie du « vraisemblable extraordinaire » tel que l'a distingué Aristote dans sa *Poétique* et que Richelet résume ainsi dans son Dictionnaire : « quant au vraisemblable rare, on entend aisément que c'est celui qui arrive rarement et contre les apparences, mais dont on a vû *sic* des exemples qui le rendent possibles [67] ». En effet, le fratricide appartient à ces faits qui arrivent rarement mais dont l'histoire a donné des exemples, et l'appui d'*Arsace* sur l'*histoire universelle* de Justin permet à notre auteur d'inventer ces péripéties et que celles-ci soient croyables. Toutefois, selon le jugement de Lancaster dans *A History of French Dramatic literature in the XVII*th* century*, dans *Arsace*, à trois moments, l'action contrevient à cette règle de vraisemblance. En premier lieu, le quiproquo qui a lieu à la cinquième scène de l'acte II ne semble pas vraisemblable. Lancaster n'énonce pas les raisons de cette invraisemblance, mais nous pouvons supposer qu'il l'a déduit de l'aspect assez artificiel, surfait, de cet épisode constitué par la sortie de Pharasmane juste avant qu'Araxie ne revienne sur sa décision de commander le meurtre d'Arsace, et par son retour non remarqué quelques vers plus loin, épisode majeur puisqu'il déclenche « le crime », la tentative de fratricide. Si en pratique, dans l'ordre de la représentation, le jeu de l'acteur tragique tel qu'il existait au xvii*e* siècle – à savoir la position des acteurs face au public, ne se tournant pas l'un vers l'autre –, un tel quiproquo est adapté à la dramaturgie de l'époque de la pièce, il est cependant peu probable, en réalité, qu'une telle situation ait pu se produire. Or, pour respecter l'exigence de vraisemblance, comme l'explique l'abbé d'Aubignac dans *La Pratique du Théâtre*, il convient que les choses se passant sur scène soient considérées comme « véritablement arrivées, ou ayant dû arriver [68] ». Au troisième acte, le spectateur apprend que le quiproquo censé être à l'origine du « crime », ne l'était pas vraiment, puisque Pharasmane avoue avoir feint de ne pas entendre les paroles d'Araxie revenant sur son ordre : Et bien vous le voulez, pour immoler Arsace, Oüy je fermay l'oreille à l'arrest de sa grace. (III, 1, v. 663-664) En faisant dire à son personnage qu'il avait bien entendu les mots de la princesse et que sa sortie de scène était « calculée », l'auteur d'*Arsace* semble avouer que le quiproquo n'aurait pas pu véritablement arriver. Prade a-t-il prévu qu'on lui reprocherait l'invraisemblance du quiproquo et inventé ce revirement afin de rétablir la vraisemblance ? Quoi qu'il en soit l'épisode déclencheur de la pièce, à partir duquel choisir un successeur implique de choisir un coupable, est fondé sur un leurre. Ensuite, deuxième invraisemblance, située cette fois sur le plan de la psychologie du héros : Lancaster note qu'il est invraisemblable qu'Arsace se tourne si rapidement de Médonie vers Araxie [69]. Il peut s'agir d'une « invraisemblance invisible [70] » au public du xvii*e* siècle, qui ne se demande pas si cela est vraisemblable, étant pris dans le feu de l'intrigue. C'est ainsi que Jacques Scherer les analyse en prenant l'exemple de la *Médée* de Corneille et en y évoquant l'aspect peu réaliste voire fantaisiste de la psychologie qui y est développée, s'appuyant sur le caractère « fort imprécis » de Jason qui passe d'un sentiment à un autre : de l'indifférence à l'amour pour la princesse, puis à la haine de Médée. De même, la rapidité avec laquelle Arsace change l'objet de son amour est déconcertante, surtout pour un personnage dont le rôle de héros implique qu'il soit constant dans ses actes comme dans ses sentiments. Enfin, toujours dans l'ordre de la psychologie des personnages, Lancaster a émis une critique concernant la règle d'adaptation de la pièce à son public, au sujet du caractère meurtrier de Médonie, révélé par l'intermédiaire de Pharasmane au dénouement, auquel le spectateur ne serait pas préparé [71]. Cette critique semble recevable, dans la mesure où Médonie tente de calmer la fureur mortelle de Pharasmane en lui conseillant (v. 220-221) de ne pas céder à l'ardeur de son ressentiment. On ne s'attend pas à ce que son ambition déçue finisse par se concrétiser en un acte assassin envers Pharasmane, car tout au long de la pièce son caractère s'affirme comme celui d'une femme prête à toutes les manipulations pour arriver à ses fins, mais non comme celui d'une meurtrière. Toutefois, son désir de vengeance est annoncé dès la scène 5 de l'acte IV (v. 1299-1302), ce qui rend moins soudaine la découverte, au dernier acte, de l'accomplissement de ce désir de vengeance. De plus, le changement progressif du caractère de Médonie de l'infidélité et la fourberie à la vengeance meurtrière est préparé par l'intrigue, puisque c'est le cours des événements, par lesquels Médonie perd les faveurs d'Arsace et de Pharasmane, qui conduit Médonie à se résoudre à cet acte sanglant en faisant naître en elle des sentiments d'humiliation et d'impuissance. ## Le lieu et le temps. Nous passons sur les règles de temps et de lieu puisqu'à l'époque de notre pièce ces règles n'étaient plus remises en cause. Le lieu qu'indique la didascalie initiale, à savoir « à Séleucie, dans le palais d'Artaban » correspond à un espace relativement ouvert quoique conventionnel, conformément à l'action centrée autour de la figure centrale du roi Artaban dont dépend le sort de ses deux fils, ce qui permet à Prade de s'adapter aux besoins de la dramaturgie et d'y faire circuler tous les personnages, sans toutefois se libérer de toutes contraintes, comme le rappelle la définition que donne Jean-Yves Vialleton du lieu dans sa thèse, à savoir un « paramètre définissant l'espace d'une relation et donc des règles de comportement [72] ». C'est le roi qui règle les entrées et les sorties des personnages par ses ordres donnés au Capitaine des Gardes, et Prade le fait renvoyer Pharasmane, dont la présence sur scène, au dénouement, pourrait finir par contrevenir à la bienséance étant donnée l'évocation de sa blessure sanglante et la violence de ces propos. Les décisions du Conseil sont prises en dehors de la scène et rapportées par les personnages, et la bienséance oblige à ce que le spectateur ne soit pas témoin du double assassinat de Pharasmane et Médonie, rapporté par les propos de Vologese au dernier acte. Du reste, le « palais d'Artaban » évoque une place peu définie et aussi peu précise que l'est l'unique indication spatiale, donnée par Pharasmane au moment crucial de la tentative de fratricide, lorsqu'il désigne l'endroit où il se trouve en évoquant un « lieu fatal », où « nul témoin ne l'éclaire » (v. 443). Quant aux indications temporelles, elles sont trop rares pour qu'on puisse en conclure la durée exacte de l'action, mais on peut supposer à partir des vers finals prononcés par le roi que cette dernière est rapide : le roi demande à Pharasmane et à Araxie de lui donner « tout ce jour » pour vaincre sa tristesse (v.1692) En effet, s'il reste encore « tout le jour » au roi, cela suppose que tous les événements qui constituent la pièce se sont déroulés en une matinée, en tout cas en bien moins de vingt-quatre heures. ## Une action unifiée. L'action est parfaitement unifiée dans *Arsace*. Elle se concentre autour du problème initial posé par le choix du successeur d'Artaban, et les péripéties s'enchaînent jusqu'au dénouement du problème. Le fratricide manqué qui a lieu à l'acte II constitue le ressort principal de l'intrigue, à partir duquel les personnages élaborent chacun des projets pour arriver à leurs fins, le roi pour déterminer un coupable, Pharasmane pour que sa culpabilité échappe à la vue de son père. Ainsi cette tentative de meurtre, plutôt que de se présenter comme un nouveau nœud sans lien avec le début de l'intrigue, apparaît comme un événement qui étaye le problème initial en le déplaçant sur le plan d'un procès : la question du choix entre deux fils demeure, et s'augmente de celle de la culpabilité d'un de ces fils. ## Un dénouement de tragédie ? Conformément aux exigences classiques, le dénouement d'*Arsace* est rapide et se joue sur le dernier acte. Il est amené de manière assez artificielle, par un acte extérieur, à savoir le « coup de théâtre » que constitue la découverte, par Vologese, que Médonie n'est pas morte et qu'elle a avoué son forfait, ce qui permet de changer l'avis du roi qui, après avoir cru Arsace coupable du meurtre de Pharasmane, a la preuve qu'il est innocent et qu'il peut être nommé roi. Prade, à l'instar des dramaturges de son temps, s'est emparé du retournement de situation que constituent ici les révélations, entrecoupées, de Vologese quant au double crime de Pharasmane et de Médonie pour aboutir à la résolution des nœuds. En effet, la première déclaration de Vologes, à la scène 3 de l'acte III, retourne une première fois la situation en apportant au roi une preuve apparente de la culpabilité d'Arsace, puis la situation se renverse à nouveau trois scènes plus loin, lorsque la seconde déclaration de Vologese, qui contient l'aveu de Médonie, permet de démentir la culpabilité d'Arsace, que le roi avait entre temps condamné à mort. Qu'en est-il de la dernière tentative d'assassinat qui a lieu à la dernière scène, lorsque Pharasmane s'empare encore de son épée pour tenter d'accomplir le crime qu'il avait manqué à l'acte II ? Il ne s'agit pas d'une péripétie, si l'on suit la définition qu'en donne Jacques Scherer dans *La Dramaturgie classique en France*, à savoir un « événement imprévu qui modifie la situation psychologique des héros, qui ne figure ni dans l'exposition ni dans le dénouement, et qui est susceptible de se retourner [73] ». L'acte de Pharasmane n'implique pas de modification psychologique des héros même si il aurait pu conduire à la mort d'Arsace ; il s'agit là d'un élément de surprise, d'un dernier revers de l'action qui permet d'asseoir la posture de Pharasmane, dont la dernière tentative de meurtre, alors même que sa mort est arrêtée, est le signe ultime de sa fureur extrême, en même temps qu'elle maintient le spectateur en haleine jusqu'à la fin de la pièce. En effet, la menace qui pesait sur le couronnement d'Arsace depuis la scène fatale de l'acte II où le roi doit trouver un coupable et le punir, pèse désormais – et pour la seconde fois – sur sa propre vie toujours à cause de son frère : le sort du héros est ainsi menacé jusqu'au dernier moment, jusqu'à ce que Pharasmane, celui par qui la menace est arrivée, quitte la scène. À l'époque de notre pièce, et depuis les années 1640, sous l'influence de la tragi-comédie – genre auquel s'est d'ailleurs essayé notre auteur en écrivant *Annibal* –, les tragédies peuvent avoir un dénouement heureux et même s'achever sur un mariage. Cependant dans *Arsace*, le dénouement se situe entre les deux alternatives, et n'est ni tout à fait malheureux, puisque le mariage et le couronnement d'Arsace y sont annoncés, ni parfaitement heureux puisque le Roi avoue sa tristesse d'avoir perdu son fils et reporte les réjouissances au lendemain en invoquant sa peine. Prade a peut-être voulu marquer, en employant l'artifice du chagrin du roi, la distinction d'*Arsace* avec le genre de la tragi-comédie, qui se termine nécessairement par une fin heureuse. De plus, la réserve du roi, qui repousse le mariage et le couronnement, après les avoir annoncés (aux vers 1652-1654) est vraisemblable eu égard à la mort violente de son fils Pharasmane qui lui avoue sa haine et maudit sa famille. Le comportement du roi correspond à ce qu'on attendrait d'un roi qui se trouve en face de telles épreuves que sont la trahison d'un fils ainsi que l'expression de la haine exprimée directement, et de manière très virulente, à l'encontre du pouvoir paternel et royal. En effet, Pharasmane, après l'avoir maudit, va jusqu'à provoquer le roi son père en lui exprimant son regret de ne pas pouvoir se tuer à nouveau devant lui pour accentuer sa douleur (v. 1689-1690). Sur le plan de la mise en scène, la vue de la blessure de Pharasmane, qu'il expose devant tous les personnages réunis dans la scène finale en l'ouvrant pour accélérer sa mort afin de ne pas assister au couronnement de son frère, mène le tragique à son apogée. Par ailleurs, cet élément qui ensanglante la scène a pu déplaire au public du Palais-Royal assistant à *Arsace*, puisque comme le rappelle Jacques Scherer, l'exigence des bienséances s'est rigidifiée après la Fronde tandis que les dramaturges de la première moitié du siècle n'hésitaient pas à exhiber de telles blessures, suivant « le goût pour les spectacles horribles [74] ». Comme le dit Georges Forestier, cette « manifestation scénique d'objets sanglants » est propre à rendre compte du dérèglement des passions [75]. L'expression de la tristesse du roi semble ainsi constituer un artifice par lequel Prade fait adhérer son personnage à la règle de bienséance, du moins à une certaine idée qui pourrait être répandue dans le public, selon laquelle il conviendrait à un roi d'observer un délai pour faire le deuil de son fils avant de célébrer un événement aussi réjouissant qu'un mariage. # Une structure judiciaire et un discours délibératif : la condamnation d'un crime. ## Le rôle du roi : un père juge. En tant que roi, le personnage d'Artaban, successeur de Phradate, semble assumer partiellement les trois rôles dont Corneille dit dans son *Examen de Clitandre* [76], qu'ils peuvent être représentés par toute personne d'autorité : un roi … peut paraître sur le théâtre en trois façons : comme roi, comme homme et comme juge; quelquefois avec deux de ces qualités, quelquefois avec toutes les trois ensemble. Il paraît comme roi seulement, quand il n'a intérêt qu'à la conservation de son trône ou de sa vie, qu'on attaque pour changer l'Etat, sans avoir l'esprit agité d'aucune passion particulière …. Il paraît comme homme seulement quand il n'a que l'intérêt d'une passion à suivre ou à vaincre, sans aucun péril pour son Etat …. Il ne paraît enfin que comme juge quand il est introduit sans aucun intérêt pour son Etat ni pour sa personne, ni pour ses affections, mais seulement pour régler celui des autres …. Artaban est roi, mais il ne l'est plus pour longtemps : son pouvoir royal est remis en cause dès la scène d'exposition, par ses toutes premières paroles qui annoncent son désir de léguer sa couronne : J'abandonne le Trône, et ne m'en prive pas; Mes fils y regneront, et puis à trop attendre Je pourrois en tomber, j'ayme mieux en décendre, Sa fonction de roi doublée à celle de père n'est évoquée par lui-même qu'à deux reprises, à l'acte III (v. 973-974) ainsi qu'à l'acte IV : Donnez pour mon repos en le faisant connoistre, Un fils à ma famille, à mon estat un maistre. (v. 1029-1032). Ce rôle s'efface en effet derrière sa double fonction de père et de juge. Il énonce lui-même les devoirs qui lui incombent en tant que père d'un fils coupable : il doit régner en « bon pere, et juge rigoureux » (v. 593), ainsi qu'il le reconnaît lui-même, et cette problématique d'une double responsabilité transparaît plusieurs fois à travers les propos d'Araxie qui prévient le roi du danger « de manquer au devoir ou de Juge ou de pere » (v. 1043) ou qui rassure Arsace quant au choix de son père (v. 1079-1080). Le roi doit être juge équitable, mais il ne juge pas vraiment : il s'en remet d'abord à Araxie, puis au Conseil, quoiqu'il s'oppose à sa proposition de duel entre ses fils, et ne prétend y consentir qu'afin d'observer la réaction de ses fils pour pouvoir déterminer le coupable. Avant que la tentative de fratricide ne le ramène à son devoir de justice contre son fils, Artaban confie son pouvoir et sa responsabilité de père et de roi à une femme, ce qui peut sembler étonnant dans la mesure où au xvii*e* siècle le roi, rôle omniprésent dans le théâtre classique, incarne l'autorité, une autorité qui apparaît souvent dans les pièces de l'époque comme contraignante pour les héros. Ici, le roi représente à la fois un obstacle, pour celui qui se verra contraint d'obéir aux ordres royaux de son frère, et la garantie du succès et de la gloire pour celui qui va lui succéder ; le roi détient la Couronne et la foudre. Ainsi, bien que le roi soit le personnage le plus présent sur scène et le plus bavard – ses vers occupent 30 % de la pièce [77] –, il apparaît comme une personne au caractère assez faible. Il élabore en vain des plans pour trouver le coupable, son âme est « incertaine » (v. 555), son cœur « partagé » (v. 558) : il est déchiré entre sa préférence pour Arsace – c'est là qu'il apparaît « comme homme » selon la distinction cornélienne – et la nécessité d'exercer son rôle de justicier, il se fait sans cesse conseiller par Vologese ou par la Princesse Araxie, envers qui il montre une certaine dépendance d'esprit. Elle lui est inférieure, mais ses discours ont une grande influence sur la manière dont il traite l'affaire criminelle, influence qu'il reconnaît à l'acte IV, lorsqu'elle le pousse à choisir Arsace comme successeur, selon sa préférence : Hé bien à vos avis je deffere, Princesse, (v. 1067). Le fait qu'il confie le choix du successeur à un personnage féminin, et qu'il soit incapable de déterminer le coupable malgré ses plans manifeste une certaine faiblesse de jugement qui se révèle impardonnable pour quelqu'un qui doit mener un Royaume, ce qui explique la description de Lancaster : « *the king is well intentionned and unintelligent* [78] ». Au dernier acte, le dilemme du roi, qui doit choisir le coupable et risque de le couronner par erreur disparaît par la mort de ce coupable, le meurtre de Pharasmane par Médonie évite au roi d'avoir à mettre à mort son fils, qu'il punit néanmoins par la promesse qu'il fait devant lui de couronner Arsace (v. 1648-1650), montrant ainsi sa rigueur et son équité. Malgré ce défaut, il s'avère être naturellement doué d'une bonne intuition, puisqu'il pressent dès le début l'innocence d'Arsace, bien que ce jugement, au dernier acte, soit faussé par la fausse preuve de la culpabilité d'Arsace, lorsqu'il le croit coupable de l'assassinat de Médonie et de Pharasmane. ## La mise en scène de la justice. L'interrogatoire du roi, la défense de ses fils, la condamnation d'Arsace puis celle de Pharasmane, sont autant d'événements mis en scène qui font de la pièce de Prade une tragédie où la justice tient une place importante. Dans *Arsace*, la structure judiciaire s'installe à partir de la tentative de fratricide qui a lieu au deuxième acte (scène 7). À partir de la scène suivante où le roi découvre le crime mais est incapable d'identifier le criminel, l'action se met en place autour de ce crime : il ne s'agit plus pour le roi que de trouver un coupable, de le juger, de le punir. La découverte du coupable représente un enjeu de taille pour le roi mais aussi pour le royaume de Séleucie. En effet, dès lors que l'élection du successeur ne dépend plus du choix d'Araxie mais d'une décision de justice – le coupable devant être mis à mort, son frère deviendra roi – une erreur de jugement conduirait à mettre sur le trône un meurtrier. L'enjeu dépasse donc la simple sphère familiale et les ambitions orgueilleuses de chacun pour venir se situer sur la sphère publique, celle de l'État, dont le bon fonctionnement dépend du gouverneur. Sur le plan matériel, cette structure judiciaire est appuyée par la présence d'une instance judiciaire, le Conseil, ce qui permet d'éviter les risques de « perversion de l'esprit de justice », pour reprendre l'expression de Christian Delmas dans son ouvrage *La Tragédie de l'âge classique* [79], qu'impliquent la concentration des rôle de roi, de juge, et de père. Dans l'affaire qui oppose Arsace et Pharasmane, le rôle du Conseil semble d'ailleurs davantage déterminant que celui du roi : c'est le Conseil qui ordonne le combat, et Artaban lui-même reconnaît l'autorité suprême des lois de la Cité, comme on le voit au vers 906. L'autorité royale semble absorbée par l'autorité de cette instance extérieure, comme le montre l'emploi du pronom personnel indéfini comme sujet du verbe injonctif « on ordonne » (v. 715), bien que la soumission du roi à l'avis du Conseil ne soit qu'apparente. Le roi se sert en effet de l'instance juridique en prétendant se soumettre à sa proposition, à savoir celle d'un combat entre ses deux fils pour déterminer le coupable, afin de voir la réaction de ses fils vis-à-vis d'une telle décision juridique, et mène donc sa propre investigation en dehors des procédures du Conseil du royaume, comme il l'annonce dès le début de l'acte III (v. 625-626). Les réactions des différents personnages vis-à-vis de cette décision manifestent d'ailleurs leur caractère ainsi que leurs sentiments : Arsace et Araxie expriment tour à tour leur désir de révoquer cet « Arrest si severe » (v. 755, 844), Araxie par amour pour son amant, Arsace par grandeur d'âme, tandis que Pharasmane « cherche le péril » (v. 774) qui lui permettra d'accomplir sa vengeance, bien qu'il prétende devant son père vouloir le contraire. ## Accusation et défense. Dans *Arsace*, le discours judiciaire, qui revient sur un événement passé, se mêle au discours délibératif, visant à dissuader ou à conseiller une action future. Le public peut ainsi entendre la plaidoirie de la Princesse Araxie en faveur de la révocation du combat ordonné par le Conseil (acte III, scène 6) faire suite aux plaidoiries de Pharasmane et d'Arsace accusés de forfait criminel, à la scène 8 de l'acte II. Cette scène s'apparente d'ailleurs à un procès, car le roi se voit investi du rôle d'arbitre tandis que ses fils, tous deux suspects, tentent chacun d'entreprendre leur défense, leur père les accusant successivement, ignorant lequel croire. La force argumentative de leur propos plonge le roi dans l'indécision, le verbe constituant, comme le dit Christian Delmas [80], « l'arme quasi exclusive » des personnages pour appuyer leur innocence et prendre le dessus de la situation. Ainsi les deux accusés emploient tour à tour des procédés rhétoriques tels que la question oratoire (v. 501, 524, 525), des tournures emphatiques (v. 496-498) ; les figures d'amplification, comme la gradation ascendante employée par Pharasmane : Un pere me condamne, un frere m'assassine, Et pour me perdre enfin tout mon sang se mutine (v. 499-500), ou bien l'emploi de termes hyperboliques (« ses plus vives clartez » v. 521, « un attentat si noir » v. 525) ainsi que la manière dont Arsace personnifie l'innocence (v. 519-522), permettent à l'un de dissimuler son forfait et à l'autre de tenter de faire éclater son innocence. Mais leur discours, en plus d'être empreints d'un certain ton emphatique propre à persuader, se veulent convaincants. Par exemple, dans la réplique d'Arsace, l'emploi d'une structure hypothétique, ainsi que d'une formule (v. 515) témoigne d'une construction rationnelle du discours. Les mêmes procédés argumentatifs se retrouvent d'un dialogue à un autre dans la pièce. Ainsi au début de l'acte IV, Araxie cherchant à convaincre le roi de faire confiance à ses sentiments pour nommer le coupable, appuie son discours d'une sentence (v. 1056), use d'une construction hypothétique, et l'emploi de l'anaphore (des vers 1041 à 1044), figure chère à Prade, accentue son argumentation. Quant aux raisons invoquées par Araxie pour que le roi choisisse lui-même son successeur selon sa préférence, elles sont d'un ordre supérieur, la princesse ayant recours au destin, invoquant « le Ciel » (v. 1059), « les Dieux » (v. 1065) qui auraient permis que les faveurs du roi se portent sur Arsace, pour justifier le choix du roi. Toutefois, on notera que si le roi avoue à deux reprises à Araxie avoir été convaincu, voire persuadé, par ses propos [81], il s'agit d'un aveu factice et que les argumentations de la Princesse sont obsolètes du fait que le roi, avant même qu'Araxie ne s'efforce de le raisonner, a déjà penché en faveur de son avis. En effet, à la fin du second acte, on apprend que le roi a projeté de faire éclater la gloire d'Arsace, son favori, grâce à certains artifices, sans toutefois prévenir la Princesse de ses plans (voir v. 619-621). Les discours argumentatifs d'Araxie – à la scène 6 de l'acte II et à l'entrée de l'acte IV – servent ainsi davantage au développement d'une certaine rhétorique et d'un certain style propre à Prade qu'à l'intrigue en elle-même. # Le jeu des passions. Si les ressorts de l'intrigue d'*Arsace* concernent surtout la politique, puisque l'action repose sur le choix d'un successeur, l'aspect moral tient néanmoins une place importante dans la pièce, car les paroles des personnages ainsi que leurs actions reflètent leurs habitus, et conduisent à identifier une opposition de caractère entre deux « couples » : Arsace et Araxie, personnages aimables et honnêtes dupés par Pharasmane et Médonie, dont les mensonges et la cruauté en font des contre-modèles de vertu. Mais outre la question des mœurs, traitée en amont de l'intrigue politique, c'est davantage le conflit des passions qui est mis en scène dans la tragédie de Prade. En effet, comme le dit Christian Delmas dans son essai sur la tragédie, « d'enjeu de la tragédie, l'intrigue politique … devient le lieu où se déploient les intérêts particuliers passionnels [82] ». Les passions qui y sont représentées s'inscrivent en premier lieu dans la logique des intérêts politiques ; elles soutiennent l'action en même temps qu'elles l'empêchent, ce qui provoque certains événements [83] ; par exemple l'ambition et la haine vengeresse de Pharasmane entraîne la tentative de fratricide de l'acte II. La définition qu'a donnée Corneille de la tragédie convient parfaitement à *Arsace* : Sa dignité demande quelque grand intérêt d'État, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, telles que sont l'ambition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d'une maîtresse [84]. ## Une représentation des passions mâles : ambition, vengeance, haine. Prade répond aux attentes d'une audience assistant à la représentation d'une tragédie en nous faisant voir dans *Arsace* l'orgueil, l'ambition, la jalousie, la haine, la vengeance et l'amour, que Georges Forestier définit comme « principales passions tragiques à cause desquelles les grands de ce monde peuvent mourir sous les yeux des spectateurs [85] ». L'expression de telles passions sert d'ancrage au développement de l'esthétique traditionnelle des personnages tragiques comme « êtres en procès dans leurs rapports avec autrui et avec eux-mêmes », ainsi que le décrit Christian Delmas [86]. L'amour n'y est cependant pas questionné au même titre qu'une passion « plus mâle », pour reprendre la description de Corneille. En effet, l'origine du drame étant politique, la haine, la vengeance et l'ambition en constituent les ressorts principaux. Si les sentiments déçus d'Araxie constituent les prémisses du crime commis par Pharasmane à l'acte II, ce crime est davantage motivé par la fureur que cause la déception amoureuse, mais surtout par l'ambition, passion maîtresse de la pièce, et la haine de Pharasmane : il s'empare de l'ordre d'Araxie et y voit l'occasion d'accomplir son désir cruel de vengeance contre son frère, ce qu'Araxie lui reproche d'ailleurs au début de l'acte III. Le « couple » formé par Pharasmane et Médonie unis par une même soif de pouvoir incarne ces passions mâles par leurs agissements – Araxie forme un projet meurtrier, mais que sa fureur excuse, et seuls Pharasmane et Médonie se comportent en criminels – et par leur propos dont l'agitation transparaît et qui suggère l'empire des passions. Leurs intentions sont identiques, et font naître une semblable propension à la tromperie comme nous l'apprenons à la scène 5 lorsque Médonie évoque leur « mesme effort » (v. 205) pour parvenir au pouvoir. Le combat que mènent ces deux personnages procède de leur soif du pouvoir, à travers laquelle sont mis en scène des aspects de caractère semblables à ceux qui ressortent des personnages cornéliens, à savoir « la prétention du moi et l'orgueil de la race » comme le dit Paul Bénichou dans *Morales du grand siècle* [87]. L'ambition est représentée de manière exacerbée, surtout au dernier acte où les caractères de Pharasmane et de Médonie se rejoignent puisque Médonie finit par donner entièrement prise à sa jalousie en mettant fin aux jours de celui à qui elle était promise. Mais la fureur meurtrière de Médonie fait éprouver une certaine pitié au spectateur, dans la mesure où elle avoue ses crimes, en se désignant à la troisième personne, ce qui manifeste le mépris d'elle-même (« cette criminelle », v. 1584), et semble les regretter, tandis que Pharasmane est loin d'exprimer le moindre regret de ses crimes et va jusqu'à maudire les siens. La dernière scène présente le personnage en proie à une haine extrême qui se rapproche de la folie. Sa fureur se manifeste notamment par le fait qu'il se mette à tutoyer son père à la dernière scène, invoquant la vengeance des dieux contre lui et contre Arsace, et quittant tout respect en le traitant de père « injuste et cruel ». L'expression du caractère de Pharasmane rejoint ainsi la « logique d'un criminel de théâtre qui tient à ce que tout son ethos est contenu dans son pathos [88] » La menace de Pharasmane, à la scène finale (v. 1679-1680) annonce un possible prolongement de l'action après la mort du personnage, car elle retentit comme un oracle qui destine les héros à un sort cruel – Prade semble faire référence à la detsinée des rois Parthes – et permet un retour au pathétique, communiqué par la tristesse du roi contraint de repousser les noces. ## Arsace, un héros modéré. Face à ces personnages animés par l'ambition et la haine, Arsace apparaît dans la pièce comme le moins en proie à la violence des passions, incarnant, outre l'idéal du héros tragique superbe et généreux, la modération. En premier lieu, il est présenté comme un prince dont le caractère généreux égale les actes militaires, comme nous pouvons le lire aux vers 609-610. Sa vertu est reconnaissable par son équanimité et son pacifisme : il cherche l'unité avec son frère, se refuse à l'idée de le combattre, bien qu'il se défende lorsque celui-ci tente de le poignarder. Son héroïsme se manifeste dans la manière dont il est prêt à se sacrifier, à risquer d'être condamné par son père en refusant le combat, non seulement pour éviter d'être tué par son propre frère mais surtout par amour pour lui. En cela, Arsace s'apparente à une figure christique, qui tend la joue droite, et ne se laisse pas aller aux sentiments de haine alors même que son frère le déteste et en veut à sa vie : Quelque ressentiment qui me doive animer, J'ayme un frere inhumain qui ne me peut aimer ; (v. 821-822). Pourtant, le roi reproche à ces fils d'être « deux lâsches » (v. 941), et reproche implicitement au héros sa timidité, à l'acte III (v. 965). Se peut-il donc que le héros déroge à sa fonction, contrevenant alors à la bienséance de son rang puisque comme le dit Jacques Scherer « le héros de théâtre doit briller par son courage et sa noblesse [89] » ? Il n'en est rien, car le courage et la noblesse de cœur d'Arsace se manifestent dans son esprit de sacrifice et sa décision de refuser la décision du Conseil relève d'un acte de bravoure comme il le dit lui-même en évoquant son « courage » (v. 826). Dans la dernière scène, Arsace s'exprime rarement, mais l'un des deux seuls mots qu'il prononce en s'adressant à son frère : « Vivez… » (v. 1661) est une nouvelle marque de sa générosité et de sa noblesse de cœur qui atteint là son paroxysme. En effet, l'expression du désir de voir son frère échapper à la mort, laisse entendre qu'il lui pardonne, et nous pouvons apercevoir dans une telle demande, une forme d'orientation vers la vertu de clémence, bien que cette vertu soit reservée aux rois, comme le dit Georges Forestier dans son édition de *Cinna* [90], car Arsace, en voulant voir son frère en vie, s'oppose à l'issue qu'aurait prévue la justice eu égard aux crimes de Pharasmane, ce qui laisse présumer que son règne ne sera pas celui d'un tyran. Mais surtout, Arsace refuse de se laisser guider par sa légitime ambition politique, ce qui fait de lui un être mesuré, et affirme sa propre générosité et sa tempérance, cette résistance aux passions dont Pharasmane est dénué, comme nous pouvons le lire aux vers 1111-1113. D'abord épris de Médonie, il devine son infidélité et se tourne alors vers Araxie : on pourrait qualifier un tel changement de sentiments d'inconstance mais la manière dont Prade met en scène ce revirement fait davantage ressortir la lucidité du héros, sa finesse d'esprit, puisqu'il ne se laisse pas duper par les faux discours de Médonie (v. 1233-1235) mais refuse encore une fois de s'adonner à sa colère et « remets à son frère à se venger » (v.1238) avant d'exprimer son regret d'avoir refusé l'amour d'Araxie. Lancaster a remarqué qu'Arsace est le seul personnage qui ne s'apparente pas aux Parthes tels qu'ils sont décrits dans l'histoire de Justin comme un peuple qui a souvent fait preuve de cruauté et dont les principaux monarques furent parricides [91]. En effet, Pharasmane et Médonie sont prêts à tromper leurs semblables et à les tuer pour assouvir leur soif du pouvoir, et Araxie elle-même a projeté d'assassiner son amant par désespoir, tandis que celui-ci ne se livre jamais à la vengeance. Cette maîtrise fait de ce héros le personnage qui incarne le moins le dérèglement des passions dont la tragédie se veut une illustration. De plus, Arsace apparaît non seulement comme la victime des passions vengeresses des autres acteurs – car rappelons qu'avant son frère, c'est Araxie qui a ordonné son meurtre par jalousie, mais aussi comme la victime des Parthes. Pharasmane déclare en effet à l'acte I avoir les Parthes de son côté, opposés au couronnement d'un fils puiné (voir v. 251 à 254), et à l'acte V, le roi confirme la volonté des Parthes de voir mis à mort celui qu'ils croient coupable du meurtre de son frère (v. 1499-1500). ## L'expression féminine du conflit intérieur : l'amour contre la fureur. Si la tragédie de Prade est fondée sur un conflit d'ordre politique, né de l'ambition de deux frères pour un même trône, d'autres conflits ressortent de la pièce et laissent voir la présence de la passion amoureuse, en manifestant à travers les propos des personnages les différentes valeurs que ces derniers lui accordent. Tout d'abord, cette passion est mise en scène par le cercle amoureux qui transparaît des relations entre les différents personnages. Araxie est éprise d'Arsace dont les faveurs se portent sur Médonie, tandis que celle-ci prête sa flamme à chacun des deux frères, et que Pharasmane prétend aimer Médonie mais offre son cœur à Araxie pour arriver à ses fins. Par ailleurs, la place accordée à l'amour contribue à fonder l'opposition de caractère entre les deux frères : lorsqu'il est question de l'empire d'une passion sur une autre, Pharasmane affirme devoir « tout à sa gloire, et rien à son amour » (v. 1262), tandis qu'Arsace refuse que l'ambition commande à sa flamme (v. 263). Dès le premier acte, nous voyons se manifester le conflit intérieur que fait naître le sentiment amoureux chez Médonie, quand elle évoque à la scène 5 sa préférence pour Pharasmane mais commande à sa passion par une apostrophe qui extériorise les mouvements qui l'agitent : Superbe passion, fay-moy toûjours connoistre Que ma franchise est deüe à qui sera mon maistre, (v. 167-168). La présence de ces deux passions, l'amour et l'ambition, n'engendre toutefois pas, ni chez Médonie et chez Pharasmane, ni chez Arsace, la naissance d'un dilemme, car chacun des personnages a déjà choisi en faveur de l'une ou l'autre passion. Médonie refuse que ses sentiments nuisent à ses désirs, et affirme son désir de contrôler cette part d'involontaire contenue dans sa sensibilité. C'est à travers le personnage d'Araxie que le déchirement entre deux passions est mis en scène jusqu'à manifester « l'irrégularité de sentiments et de conduite » propre aux héros de Corneille, pour reprendre l'expression de Paul Bénichou [92], bien qu'il ne s'agisse pas, comme dans les pièces cornéliennes, d'un conflit qui oppose le devoir à la raison. Contrairement à sa sœur et aux fils du roi, Araxie est le seul personnage du quatuor pour qui la question de la succession ne compte pas puisque le règne lui est d'emblée acquis grâce à son rang de fille aînée du prédécesseur du roi. Ainsi, chaque fois qu'Araxie s'exprime par un monologue ou lors d'une scène de confidence avec sa sœur, nous quittons la sphère politique, où le « dérèglement passionnel [93] » est mis en scène à travers l'expression de l'ambition et de la haine fratricide, pour rejoindre la sphère intime de la passion amoureuse, où la fureur féminine, passion située selon Vialleton « du côté du comportement déréglé [94] » manifeste là aussi ce désordre des passions humaines que la tragédie tend à représenter. À travers ce personnage féminin, Prade met en scène un conflit intérieur entre l'amour et la colère, conflit qui procède de la non-réciprocité de cet amour donné au héros éponyme, et cette non-réciprocité apparaît comme une figure d'un thème tragique que Jean-Yves Vialleton dans sa thèse sur le comportement des personnages dit être hérité de Sénèque, à savoir celui de la « fureur de la femme délaissée [95] ». C'est en effet après avoir essuyé le refus de son amant – par l'intermédiaire de sa sœur qui s'efforce de teinter ce refus d'une froideur extrême en rapportant les propos d'Arsace – qu'Araxie tombe sous l'emprise de cette passion. Notons par ailleurs que la non-réciprocité des sentiments est suggérée par certains procédés syntaxiques. Un contraste, dans la manière de s'adresser l'un à l'autre, témoigne d'un déséquilibre dans la relation : Araxie tutoie Arsace, celui vers qui se portent ses sentiments, tandis qu'Arsace, qui ne partage pas cet amour, la vouvoie (acte II, scène 2). Si le vouvoiement d'Arsace est sans doute lié au statut de princesse aînée qui incombe au personnage d'Araxie, celle-ci réserve néanmoins le tutoiement à son amant tandis qu'elle vouvoie Pharasmane. En effet, comme le dit Jean-Yves Vialleton, le tutoiement peut exprimer « une variation du régime affectif [96] » ; il peut s'agir dans cette scène d'un tutoiement transgressif, exprimant la fureur [97]. « Amante en vain de l'autre quand l'autre est son Amant » (v. 993), la déception de cette dernière provoque différents états d'âme avant de prendre la forme de la fureur vengeresse. Araxie apprenant le refus d'Arsace souhaite d'abord mourir tout en lui accordant le trône par amour (v. 322), puis, piquée dans son orgueil, laisse monter sa colère jusqu'à vouloir se venger. Au moment où Araxie donne entièrement prise à sa fureur, elle quitte, en projetant le meurtre et en l'ordonnant, le rôle de son caractère censé être vertueux. Cette fureur extrême annonce celle du personnage racinien d'Hermione qui dans *Andromaque* commande à Oreste l'assassinat de Pyrrus par jalousie. Comme le rappelle Jean-Yves Vialleton, un tel emportement n'est légitime que dans la mesure où « le personnage est poussé dans la fureur [98] ». D'une part, les vers d'Araxie sont empreints d'une tonalité pathétique qui illustrent la souffrance du personnage en proie à un tourment extrême, et à la scène 3 de l'acte III, les allusions corporelles employées par Araxie manifestent l'emprise totale de cette fureur, qui se répand dans tout son être, comme le relève l'emploi du vocabulaire corporel : « mon sang », « mon cœur » « ma bouche » « ma veüe » et la métaphore filée du feu qui « échauffe » (v. 354) « reluit » (v. 352), « rougit » (v. 354) renforce le caractère excessif de ce sentiment ; comme le dit Araxie à la fin de ces stances : « le desordre où je suis en devient l'interprete » (v. 358), cette fureur se voit, ce qui par ailleurs nous laisse supposer l'importance du jeu de l'actrice qui doit transcrire cet état au public. De plus, la manière dont Araxie prend à parti les passions qui l'agitent, en s'adressant par une apostrophe à sa propre fureur : « Va, ne me parle plus, ô fureur insensée » (v. 427) témoigne du dédoublement de la personne propre à l'expression du déchirement tragique, comme le dit Georges Forestier évoquant l'extériorisation des passions par le « procédé rhétorique traditionnel de l'allégorisation [99] ». En effet, le recours à l'allégorisation de cette fureur, qui traduit l'effet extrême que celle-ci a sur le personnage en même temps qu'elle permet en quelque sorte à Araxie de la mettre à distance en s'ordonnant à elle-même de ne plus lui donner crédit. L'emploi des questions rhétoriques manifeste ce dialogue intérieur, cette quête du bon comportement ; Araxie parvient seule à maîtriser sa colère excessive et s'empresse de revenir sur son ordre. Elle revient plus tard avec lucidité sur son moment d'égarement et de trouble dont témoigne le choix de certains adjectifs : « confus » (v. 639), « agitée » (v. 640), « irresoluë » (v. 643). Ici le conflit habituel entre la raison et le cœur se déplace du côté de l'amour : Araxie ne prend pas sa raison à partie, ce sont les sentiments qu'elle éprouve pour Arsace qui lui font retrouver le plein gouvernement de sa personne comme nous pouvons le lire au vers 420 : « Mais mon amour veut-il ce que veut ma colere ? ». Bien que son orgueil lui interdise d'avouer au roi son intention criminelle initiale, Araxie fait ensuite preuve de droiture d'esprit en refusant de clamer devant le roi l'innocence d'Arsace, souhaitant que la magnanimité de son amant éclate au grand jour d'elle-même, sans son aide (scène 1, IV). Enfin, on est en droit de s'interroger sur la part de responsabilité du personnage d'Araxie dans l'attentat commis contre le héros à l'acte II. Si Araxie ordonne à Pharasmane d'assassiner son frère, un tel projet avait déjà été résolu par ce dernier, animé d'une fureur jalouse, comme on peut le lire au vers 199 : « Arsace ton bon-heur te va couster la vie ». Ainsi Araxie n'agit qu'en tant que « cause efficiente » dans l'accomplissement de ce crime, elle ne fait que permettre à Pharasmane, présenté comme un fratricide en puissance dès le début de la pièce, de réaliser son projet haineux sous sa pleine autorité. Pharasmane profite de la fureur passagère d'Araxie pour satisfaire sa propre fureur, faisant de la tentative de fratricide un crime davantage politique que passionnel, la passion d'Araxie ne constituant qu'un moyen pour Pharasmane d'arriver à ses fins. Notons que la manière dont la fureur de Pharasmane est exprimée ressort de ce que G. Forestier nomme dans *Passions tragiques et règles classiques* « l'esthétique traditionnelle de la fureur passionnelle dans laquelle la raison n'est invoquée que pour souligner la force irrépressible de la passion [100] » : le frère d'Arsace, malgré les conseils de Médonie, donne l'empire à sa fureur (v. 229). ## L'art de la dissimulation : projets cachés et amour feint. Est-ce une illusion ? Est-ce une verité ? (v. 949) Cette question posée par le roi à ses fils résume en quelques mots le balancement permanent, dans la pièce, entre ce qui relève de la feinte et ce qui relève de la réalité. En effet, seuls Arsace et Médonie sont présentés comme des personnages transparents : le thème de la dissimulation se manifeste aussi bien à travers les fourberies de Médonie et de Pharasmane qu'à travers les agissements du roi qui élabore des plans à deux reprises pour mettre en lumière l'affaire criminelle. Les monologues de ces personnages, témoignant à l'audience de leurs projets fallacieux, ainsi que les nombreuses occurrences de termes relevant du faux-semblant : « aveuglement » (v. 152), « je feins » (v. 154), « amour trompeur » (v. 205), mais aussi les didascalies indiquant des apartés, sont autant d'indices textuels qui contribuent au développement d'une atmosphère où règne l'artifice. Les projets du roi sont préparés à l'insu de ses fils et de la princesse Araxie, et à l'insu du Conseil ; seul Vologese est mis dans la confidence. Toutefois, à la scène 6 de l'acte III, les noms des personnages indiquent la présence de Pharasmane sur scène. Il n'y a pas d'indication scénique quant à la manière dont apparaît Pharasmane mais les propos qui sont tenus entre le roi et Araxie nous permettent de supposer que Pharasmane se tient à la dérobée des autres personnages. En effet, le roi annonce à Araxie qu'il va révoquer la décision du Conseil mais qu'il veut d'abord s'entretenir avec ses fils pour voir leur réaction. Ainsi, lorsqu'à la scène 8, le roi parle à ses fils en prétendant consentir à l'arrêt du Conseil à la scène 8, Pharasmane sait qu'il s'agit là d'une manigance et prétend alors se refuser à un tel combat parce qu'il a connaissance du plan du roi. Pharasmane, esprit averti, se doute à la fois des projets de son père et de « l'amour déguisé » (v. 709) de Médonie. Sa ruse, qu'il emploie pour faire échouer les plans de son père, s'accompagne de l'art du mensonge. À l'acte II, le fils aîné fait mine de ne pas avoir entendu les propos d'Araxie revenant sur son ordre de mise à mort, puis après avoir commis la tentative de fratricide, il se dédouane de son crime en reprenant à son compte les arguments d'Arsace, comme le montre l'exacte répétition des vers 525-528, prononcés par Arsace, aux vers 534-536, qui met le doute dans l'esprit du roi. En outre, il dissimule sa culpabilité en revêtant à plusieurs reprises les traits de caractère de son frère vertueux, d'abord en affirmant à Araxie avoir commis le crime contre son amour fraternel, puis en prétendant devant le roi refuser la décision du Conseil tandis qu'Arsace a commencé par exprimer ce refus, à la scène 7 de l'acte IV. De même, Médonie fait montre d'une hypocrisie extrême en prétendant aimer chacun des deux frères, et sa volonté d'accéder au pouvoir la conduit à faire fi des lois du sang, puisqu'elle trompe sa propre sœur. Notons par ailleurs que l'amour d'Araxie ne devient réciproque qu'après la découverte du caractère fourbe de Médonie qui refuse les vœux d'Arsace dès lors qu'elle croit que Pharasmane va régner ; ainsi le retour amoureux d'Arsace ne provient pas d'un sentiment d'admiration mais est provoqué par la répulsion que lui inspire Médonie, dont la duplicité la situe aux antipodes de l'idéal héroïque qu'incarne Arsace. Au dénouement, le double assassinat de Médonie et de Pharasmane annonce le triomphe de la vérité sur le mensonge. # Note sur la présente édition. Il existe une seule édition d'*Arsace, Roy des Parthes.* La pièce fut exécutée par Théodore Girard en mars 1666 et imprimée par Christophe Journel. On notera que le Privilège d'impression a été enregistré sur le registre de la communauté des libraires en même temps que celui du* Festin de Pierre* qui devait être publié par le même libraire Louis Billaine, à qui Molière n'a jamais remis son texte. Il subsiste, à notre connaissance, quatorze exemplaires d'*Arsace* : cinq à la Bibliothèque de l'Arsenal, un au site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF), cinq au site Tolbiac de la BnF, un à la Bibliothèque Mazarine, un à Cherbourg et un à Dublin. Deux exemplaires – l'un à Tolbiac, l'autre à Arsenal – sont signalés sans carton : il s'agit de la conséquence d'un incident de fabrication de l'édition originale. En effet, une partie du texte ayant été oubliée à l'impression, un feuillet a été imprimé et cartonné dans les exemplaires déjà tirés. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes servi de l'exemplaire de la Bibliothèque Mazarine, qui a été cartonné, plutôt que celui qui est en ligne sur Gallica, présent à Tolbiac – cote YF-6230 – qui ne possède pas ce carton. L'exemplaire sur lequel nous avons travaillé se trouve donc à la Mazarine, sous la cote 8º 42113-8. En voici la description matérielle : ## Description du volume. 1 vol. in-12º de XII-84-II p. I : page de titre II : verso blanc III-VIII : épître dédicatoire IX-XI : au lecteur XII : acteurs 1-82 : texte de la pièce XIII : extrait du privilège du Roy ## Description de la page de titre. ARSACE / ROY DES PARTHES, / *TRAGEDIE.* / DE MONSIEUR DE PRADE. / *Representée par la Troupe* / *du Roy.* / fleuron du libraire  / A PARIS, / chez THEODORE GIRARD, dans la grand' / Salle du Palais, à l'Envie. /  filet  / M. DC. LXVI. / *AVEC PRIVILEGE DV ROY* ## Établissement du texte :. Nous avons suivi l'édition originale. Nous avons reporté à droite et mis entre crochets la pagination. Nous avons respecté la pagination d'origine, d'où la duplication des pages 48 et 49. Nous nous sommes abstenue de corriger toutes les variantes orthographiques comme « bon-heur », « mal-heur », « long-temps », « tous-jours », « moy », « deuë » pour dûe, « sceue » pour sûe, courroux/couroux, etc. puisque l'orthographe au xvii*e* n'était pas rigoureusement fixée. Cependant, nous avons effectué quelques modifications pour faciliter la compréhension du texte : Nous avons rétabli les « s » selon l'usage moderne. Conformément à l'usage moderne, nous avons systématiquement rétabli la distinction entre « u » et « v » ainsi qu'entre « j » et « i ». Concernant l'emploi des accents, nous avons suivi le texte original, comme pour « réünissant » (v. 71) ou « advoüez » (v. 227), excepté pour les accents diacritiques : nous avons corrigé « a » par « à » aux vers 57, 218, 228, 1339, « ou » par « où » aux vers 132 et 166. Nous avons dénasalisé les voyelles surmontées d'un tilde : « viendroient » pour « viendroĩt », « contraindre » pour « cõtraindre », « cõme » pour « comme ». Nous avons délié la ligature coordonnante & en « et ». ## Corrections. Nous avons conservé la ponctuation de l'époque, sauf lorsqu'elle nous semblait fautive. La présence d'un point signale généralement la fin d'une phrase mais peut aussi être l'équivalent de nos points de suspension actuels (en plus du point, on peut aussi trouver une virgule ou plusieurs points à la suite). La présence d'une virgule, d'un point-virgule ou des deux‑points signale une pause plus ou moins longue lors de la déclamation. Nous avons seulement corrigé les points d'interrogation, qui se confondent parfois avec les points d'exclamation, afin de redonner au texte tout son sens. Nous avons uniformisé les points de suspension, dont la graphie n'est pas fixée au xvii*e* siècle, selon l'usage moderne. Nous avons conservé les majuscules, qui ont une valeur de mise en relief, principalement s'agissant de noms ayant rapport à un titre royal, ou à un lien de parenté, comme pour : « Roy », « Père » (v. 875), « Amant » (v. 993), « Couronne », « Sceptre ». De même, l'emploi des majuscules après un point-virgule a été conservé, eu égard à la valeur de ce signe de ponctuation qui marque une pause entre deux périodes. Nous avons rétabli le point d'interrogation lorsque la phrase avait un sens interrogatif. Le renvoi au lexique est signalé par un astérisque à la fin d'un mot. ### Ponctuation :. et quelque chagrin que vous ait pu donner le larcin qu'il vous a fait de VOSTRE ARSACE. Je pense que vous devez estre satisfait (Épître) « Deviendrez-vous subjet dans vos propres Estats. » (v. 1). « Lors que l'un sur le Trône élevant son destin. » (v. 34) « Leur donner tout par elle, et m'espargner l'employ. » (v. 41) « Elles veulent ma mort et vous les consultez : » (v. 346). « PHARASMANE » PHARASMANE. (p. 21) « ARSACE » (p. 74). « Si vous me connoissez quel remors vous arreste. » (v. 780): si vous me connoissez quel remors vous arreste ? « Ou comme moy peut-estre il en connoist l'adresse » (v. 840) : Ou comme moi peut-estre il en connoist l'adresse ; « Et ne differe ainsi vostre propre bonheur. » (v. 1086): Et ne differe ainsi vostre propre bonheur, « Ha ! Prince, de quel bien plus long-temps souhaité, Me pouviez-vous payer celuy qui m'est osté. » (v. 1157-1158) : Ha ! Prince, de quel bien plus long-temps souhaité, Me pouviez-vous payer celuy qui m'est osté ? « Et qu'ainsi mon amour m'en imposant la loy. Avecque plus d'éclat vous asseure ma foy. » (v. 1177-1178) : Et qu'ainsi mon amour m'en imposant la loy, avecque plus d'éclat vous asseure ma foy. ### Coquilles :. # Épître : « laterre ». # Avertissement : « Bourgongne ». Acte I : « perdrason » (v. 36), « N'y » (v. 53), « est » (v. 258), « ARAXIS ». Acte II : « n'y » (v. 415), « quelque » (v. 389), « l'autredroit » (v. 492), « puor » (v. 538), « la » (v. 600), « Selucie » (v. 605), « sy » (v. 606). Acte III : « Quant » (v. 631), « Princesse » (v. 633), « la » (v. 644), « ARAXIE » : ARSACE (p. 40), « conduisez-là » (v. 843), « legetimes » (v. 908), « fortue » (v. 911), « à » (v. 966). Acte IV: « ou », (v. 1024), « jevay » (v. 1070), « la » (v. 1082), « ou » (v. 1188), « a » (v. 1258). Acte V: « A profondir », (v. 1418), « n'esperes » (v. 1503), « maider » (v. 1531), « Parasmane » (v. 1553), « fais » (v. 1579), « où » (v. 1603), « répens » (v. 1618), « on » (v. 1637). # Arsace, roy des Parthes. ## A MONSIEUR,. MONSIEUR DE PRADE MONSIEUR, Voicy une restitution qu'un de vos meilleurs amis m'a chargé de vous faire ; et quelque chagrin que vous ait pu donner le larcin qu'il vous a fait de VOSTRE ARSACE, je pense que vous devez estre satisfait de la maniere dont il le repare, puis qu'il vous le rend à milliers pour un seul qu'il vous a pris. Si pourtant il vous en reste quelque ressentiment ; Considerez, s'il vous plaist, MONSIEUR, qu'il n'a point eu d'autre dessein que de vous acquerir l'estime de toute la terre, que d'exposer au grand jour une merveille que vous condamniez à des tenebres eternelles, et que le voulant dérober à tout le monde, vous estiez plus coupable que luy, qui ne l'a dérobé qu'à vous seul. En effect, le but de l'Art estant de plaire au public, il faloit que vous eussiez eu intention de l'en gratifier ; et si quelque consideration vous en avoit empesché pendant plusieurs années ; il estoit du devoir d'un amy de vous ramener à la premiere comme à la plus juste. Reconnoissez donc, MONSIEUR, que vous avoir fait un larcin de cette sorte, c'est avoir sceu vous rendre un bon office ; commencez à vous loüer de luy [101], puis qu'il vous a fait loüer par tant d'honnestes gens qui ont applaudy à vostre ouvrage ; et s'il a disposé sans vous d'un bien qui vous appartenoit, vous devez vous en prendre à l'estime qu'il en a fait, comme je le mets sous la presse par celle que j'en ay vû faire à plusieurs personnes d'esprit et de merite, Je suis, MONSIEUR, *Vostre tres-humble et tres-obeissant serviteur*, GIRARD [102]. ## *AU LECTEUR.*. Ceux qui trouveront dans cét Ouvrage de la conformité avec quelques autres [103] qui ont parû depuis six ou sept années, sont advertis qu'il estoit en estat d'estre mis au jour [104] dés l'année 1650. Que les suivantes il fut promis dans les Affiches des Comediens du Marais, et depuis annoncé par ceux de l'Hostel de Bourgogne ; et que si Monsieur de Prade, qui ne l'avoit fait que pour son divertissement particulier, ne se fust opposé à la representation, il y eut éclatté dés ce temps-là avec tous les avantages que luy pouvoient donner ses beautez naturelles, soûtenuës des charmes de la nouveauté. Il a esté leu à une infinité de personnes de merite qui peuvent en rendre témoignage : Messieurs de Sainte Marthe, le Vayer de Boutigny, Lebret, de Folleuille, l'Abbé de la Motte le Vayer, de Montauban, de Scudery, de Rotrou, du Ryer, et Beïs [105] ont publié dés l'année 1653, l'estime qu'ils en faisoient. Et il y a neuf ou dix ans que l'on en fit une lecture chez Monsieur le Comte de la Serre, où se trouverent Messieurs Quinault et Corneille le jeune [106], ce dernier mesme y releut à loisir quelques endroits dont il fut touché : Après cela je pense qu'il est aisé de conclure en faveur de Monsieur de Prade, puis qu'il ne pouvoit pas avoir jetté les yeux dans l'avenir pour y chercher un modele de son travail dans des pieces qui pour lors n'estoient pas seulement en idée. J'espere que l'on lui rendra justice, et que l'on estimera pas moins les belles choses, qui sont dans son ouvrage leur lieu naturel, que l'on a fait dans ceux où elles estoient transplantées. Le sujet d'Arsace est tiré du 42, livre de Justin [107], où il dit qu'Artaban septième Roy des Parthes succeda à son neveu Phradate [108] : Et sur ce peu de mots qui contiennent ce qu'il y a de veritable, le reste a esté imaginé ; en sorte neantmoins que l'histoire en est plûtost estendüe que contredite. Que si l'on y represente Pharasmane si criminel, ce n'a pas esté sans fondement, puisque le mesme Justin témoigne qu'il estoit ordinaire aux Parthes d'avoir des Roys Parricides. Pour les vers je n'en diray rien, mais ceux qui s'y connoissent demeureront d'accord qu'on n'en a gueres veu de mieux imaginez, ou plus forts également par tout, et plus justes, ny de mieux tournés, et qui brillent d'un feu si vif. Aussi ont-ils fait dire à l'un des plus beaux genies de ce temps, qu'il n'avoit point encore veu de piece où il eut trouvé tant d'esprit, et l'illustre Monsieur Corneille, qu'elle avoit assez de beautez pour parer trois pieces entieres. ACTEURS. – ARTABAN,Roy des Parthes. – PHARASMANE,fils aisné d'Artaban. – ARSACE,son frere. – VOLOGESE, – Seigneur Parthe.ARAXIE, – fille aisnée de Phradate, prédecesseur d'Artaban.MEDONIE, – sa soeur. – Le Capitaine des Gardes. La Scene est à Seleucie [109] dans le Palais d'Artaban. ### ACTE I. #### SCENE PREMIERE. VOLOGESE, LE ROY. VOLOGESE. Deviendrez-vous subjet dans vos propres Estats ? LE ROY. J'abandonne le Trône, et ne m'en prive pas; Mes fils y regneront, et puis à trop attendre Je pourrois en tomber, j'ayme mieux en décendre, Et faire (en le quitant par generosité⁎) Ce qu'on ne fit jamais que par necessité : De mon affection⁎ [110], je veux qu'il [111] soit un gage, Qu'il leur soit un bien-fait, plutost qu'un heritage, Qu'ils m'en soient obligez, plus qu'à mon triste sort [112], Et qu'il leur soit aisé de pleurer à ma mort. VOLOGESE. Ce sont foibles motifs, pour quiter un Empire. LE ROY. J'en ay pour mon repos de plus puissans à dire, Et mes fils qui tous deux s'y [113] veulent eslever, M'en imposent la loy si je les veux sauver. Tu sçais leur differend, et ce qui le fit naistre. VOLOGESE. Estant connu de tous je le puis bien connoistre⁎, Quand vous estiés subjet, Pharasmane nâquit, Arsace vint apres avecque [114] plus de bruit; Car la mort du feu Roy jointe à vostre naissance, Vous avoît mis en main, la suprême puissance; Leur sang est donc pareil, et leur rang inégal L'un est fils d'un monarque, et l'autre d'un vassal, Et ce droit naturel ou du rang ou de l'âge, De l'Empire futur est à chacun un gage; Pharasmane y prétend en qualité d'aisné; Arsace comme fils, d'un pere couronné, Il tient qu'avec moins d'heur⁎ [115], le Ciel⁎ [116] l'auroit fait naistre S'il avoit resolu de lui donner un maistre; Et croit qu'apres son frere, il ne vit la clarté⁎, Que pour attendre à naistre [117] avec la Royauté; Ce sont leurs differends, que craignent nos Provinces, Et la Perse [118] en a veu de pareils en ses Princes. LE ROY. Ils sont à redouter; mais j'en verray la fin, Lors que [119] l'un sur le Trône élevant son destin⁎, L'autre dans son malheur oubliera sa naissance, Et perdra son orgueil avec son esperance⁎, Je vay donc leur donner, ce qu'ils voudroient ravir, Et si l'un regne heureux, je suis prest à servir, Ouy, je veux dés demain, que la voix d'un arbitre, Soit pour me succeder leur infaillible titre, Leur donner tout par elle [120], et m'espargner l'employ, D'en faire un malheureux, en faisant l'autre Roy ; D'un bien qu'un seul aura, l'autre me rendra grace⁎, Car pour tous deux enfin, j'auray quitté la place. VOLOGESE. Un subjet de leur rang, est bien-tost revolté. LE ROY. Lors⁎ [121] apuyant son Roy de mon authorité, Un sujet, quoy que grand, aura peine à l'abatre, Puis qu'il aura son pere, et son frere à combatre ; Mais il reconnoistra que son ambition, Ne pourra plus passer que pour rebellion ; Il n'osera rougir d'estre au dessous d'un frere, Quand il aura l'honneur d'estre égal à son pere ; Ny demander aux dieux la gloire d'estre Roy, De peur de demander d'estre au dessus de moy. VOLOGESE. Quiconque a pour ses fils de pareilles tendresses⁎… LE ROY. Ecoute, à ce dessein j'ay mandé [122] les Princesses, Voulant ceder le Trône à qui le Trône est deub [123], Vois qu'il sera par moi moins donné que rendu. #### SCENE II. LE ROY, ARAXIE, MEDONIE, VOLOGESE. LE ROY,. à Araxie. Quand le sort nous ravit le feu Roy vostre pere ; Il me fit de son Sceptre un bien hereditaire, Et n'ayant point de fils comme Prince du sang, Voulut qu'aprés sa mort je montasse à son rang ; Depuis et mes faveurs et mon amour extréme, Ont comme esté vers vous [124] le prix du Diadême [125], Mais pour m'en acquitter, maintenant je connois⁎ [126], Qu'il faut un bien égal à celuy que je dois, Et que pour bien payer une telle Couronne, Quiconque l'a receuë, il faut qu'il la redonne, Je veux donc vous la rendre, et voir avecque vous, Regner l'un de mes fils en qualité d'espoux ; Ainsi réünissant l'une et l'autre famille, Phradate apres sa mort regnera dans sa fille, Et je croiray qu'en vous, il va ressusciter, Pour faire qu'envers luy, je me puisse acquiter. Avecque tant de joye, à ce bonheur j'aspire, Que j'en auray beaucoup à quiter un Empire ; Mais pour mettre un espoux sous vos divines loix, Aux dépens de vos vœux je ne fay point de choix [127] ; Et quelque effort sur moy que la nature⁎ fasse [128], Ne pouvant me resoudre à vous donner Arsace, Mais que vois-je ? Et pourquoy changez-vous de cou         leur ? ARAXIE. Du plus infortuné, je ressens le malheur. LE ROY,. bas ce 1. vers à Vologese. Son amour que je sers, croit que je la menace. Ne pouvant me resoudre à vous donner Arsace, Ny Pharasmane aussi, vous choisirez demain A qui des deux offrir et l'empire et la main ; Comme Reyne en effect, que rien ne vous contraigne En me donnant un Roy, commencez vostre regne, Mon choix suivra le vostre, et je garde mes vœux Comme un droict pour celuy que vous ferez heureux. ARAXIE. Sire, dispensez-moy de cette obeissance, Vos fils par leurs vertus⁎ meritent leur naissance ; Mais s'il me faut choisir, mon amour importun [129], De deux que vous m'offrez en doit mépriser un. LE ROY. Mais alors qu'à ce choix, il vous faudra reduire, L'un des deux sera crû [130] digne de mon Empire, Digne d'estre mon fils et de me succeder, De vous avoir pour femme et de vous posseder, Et la gloire de l'un se joignant à la vostre, Me fermera les yeux sur le mépris de l'autre : Ne vous desfendez plus, demain toute ma Cour Doit prendre un nouveau Roy du choix de vostre amour. (À Médonie.) Celuy dont elle aura rendu l'attente vaine, Trouvera lors⁎ en nous un remede à sa peine⁎ Car s'il laisse une Reyne aux mains de son Rival, Il obtiendra la sœur, et sera mon égal. Adieu, je vais porter mes fils à se soûmettre A ce choix dont tous deux se doivent tout promettre [131]. #### SCENE III. ARAXIE, MEDONIE. MEDONIE. Que ce project est doux à vostre ambition ! ARAXIE. Il est plus doux encore à mon affection⁎. Le Roy décend du Trône, et m'y donne la place, Mais le Trône ma sœur me va donner Arsace. MEDONIE. Votre interest⁎ m'engage à vous desabuser, Vous le pouvez choisir, il vous peut refuser. ARAXIE. S'il est si peu sensible, à l'amour qu'il me donne, Peut-il ne m'aimer point avec une Couronne ? Ses brillans [132] presteront de l'éclat à mes yeux ; Et s'il n'est pas amant⁎, il est ambitieux [133]. Comme Reyne du moins, si ce n'est comme amante⁎, A cét ambitieux je paroistray charmante ; Et quand à mes desirs il voudroit resister, S'il ne se donne pas, j'ay de quoy l'achepter. MEDONIE. Un Heros tel que luy n'abaisse point son ame Jusqu'à chercher l'empire en l'amour d'une femme, Il veut le conquerir s'il n'en herite pas, Et s'il faut le devoir, le devoir à son bras. [134] ARAXIE. Si de moy, si du Trône, il fait si peu d'estime ; En luy donnant un Roy, je punirai son crime : Et j'en feray ma sœur, quels que soient ses projets, Un rebelle à son pere, ou l'un de mes subjets : Si l'amour au respect ne le sçauroit contraindre, Le rang où je seray l'obligera d'en [135] feindre, Je le verray soûmis adorer mon pouvoir, Si ce n'est par amour ce sera par devoir, Chaque jour, chaque instant, mon orgueil et ma haine, De sa soûmission luy feront une peine⁎ [136], Et le mettront si bas, qu'indigné de son sort, Ayant quité l'Empire, il cherchera la mort. MEDONIE. C'est beaucoup. ARAXIE.         Ne crains rien pour cét amant⁎ farouche, Ma fureur⁎ contre luy n'excite que ma bouche, Et loin de le punir, estant ce que je suis, Le dire seulement est tout ce que je puis. Je l'adore ma sœur, et quoy qu'il en arrive, Il sera courroné par sa propre captive. Vois-le donc, et du moins pour mon soulagement Espargne-moy l'affront de m'offrir vainement. MEDONIE. Mais… ARAXIE.         Laisse-moy le bien qu'un peu d'espoir me done, Ne m'oste pas la vie avant qu'il m'en ordonne, Si croyant me l'oster avec plus de douceur, Toy-mesme tu ne veux assassiner ta sœur. #### SCENE IV. MEDONIE. Qu'elle me connoist mal, et que son esperance⁎ Se fonde aveuglement dessus [137] ma confidance, Ses amans sont les miens, et pour regner par eux, Je feins sans les aimer de répondre à leurs vœux, Ou si pour l'un des deux mon amour se remarque, J'ayme celui des deux qui doit estre Monarque, Et n'ay de deux amans⁎ solicité la foy, Qu'afin de m'asseurer de l'amitié d'un Roy. Non qu'enfin mon amour épuré [138] dans mon ame, N'y brille pour l'aisné d'une plus vive flâme⁎, Quelque charme secret plus fort que mes desirs, Souvent en sa faveur m'arrache des soûpirs⁎ ; Mais mon ambition, quelque ardeur qu'il m'inspire, Empesche que l'amour ne regne en ton empire, Qu'il ne soit assez fort pour ne te point ceder, Et te faire obeïr, où tu dois commander. Superbe⁎passion⁎, fay-moy toûjours connoistre⁎ Que ma franchise est deüe à qui sera mon maistre, Et qu'ayant du mépris pour le moins fortuné, Je dois aimer celuy qui sera couronné, Mais Pharasmane vient, mesme sort nous menace. #### SCENE V. PHARASMANE, MEDONIE. PHARASMANE. Ha ! Si vous l'ignorez apprenez ma disgrace. Vostre sœur peut choisir de mon frere ou de moy ; Pour en faire à son gré son espoux et son Roy, Et de quelque costé que son desir la guide, Ou j'aimeray subjet, ou regneray perfide. Si la Princesse m'aime et me veut couronner, C'est me vouloir contraindre à vous abandonner : Et si je suis des deux, celuy qu'elle rejette, Je seray son subjet, et vous serez sujette ; Ainsi son esperance⁎ a de quoy se flatter, Mais moy des deux costez j'ay tout à redoutter. MEDONIE. Le mal est arrivé, vous n'avez plus à craindre, Et cessant d'esperer⁎, commencez à vous plaindre. Arsace… Ce nom seul vous doit rendre jaloux, La Princesse ma sœur le choisit pour espoux ; Et comme estant des deux celuy qu'elle rejette, Vous deviendrez subjet, et je seray subjette : Bref, il peut tout attendre, et mesme tout avoir, Avant que son audace en ait conçeu l'espoir. PHARASMANE. Mon frere me ranger sous son obeïssance ! Luy que mesme au berceau me soumit la naissance [139] ! Non du Trône plûtost je feray son cercueil, Et j'ay pour obeir trop d'amour et d'orgueil. Il faut pour vous servir porter une couronne, Et la desfendre bien quand le Ciel⁎ nous la donne. Rival audacieux qui pretends m'asservir, Ce n'est qu'apres ma mort qu'on me la [140] peut ravir, Arsace ton bon-heur te va couster la vie. MEDONIE. Hé de grace⁎ quittez cette funeste envie⁎. PHARASMANE. L'aimeriez-vous Princesse en feignant de l'aimer ? Un merite si grand a-t-il sceu vous charmer ? MEDONIE. Quand on crût à la Cour, malgré le droict d'aisnesse, Qu'Arsace regneroit avecque la Princesse. Nous fismes mesme effort, par un amour trompeur, Moy pour le captiver, vous pour gagner ma sœur, Et les porter ainsi, pour ne nous point déplaire A l'horreur d'un hymen⁎ qui nous estoit contraire ; Cependant si ma sœur fut sourde à vos soûpirs⁎, De vostre frere au moins, j'arrestay [141] les desirs; Il en fit à ma feinte un veritable hommage, Il mit toute sa gloire en ce secret servage [142], Et l'empire absolu qu'il me donna sur luy, Fut alors nostre espoir, et peut l'estre aujourd'huy ; Attendez-en l'effect, et croyez que ma flâme⁎ [143], Rendra nostre party⁎ [144] si puissant dans son ame, Que ma sœur qui peut tout verra par son refus, Que sans Sceptre à donner je puis encore plus. PHARASMANE. Suivons plutost la voye où la fureur⁎ m'entraine. MEDONIE. Croyez vostre prudence et non pas vostre haine ; Et ne presumez point d'un esprit irrité, Lorsqu'il a plus de feu⁎ [145], qu'il ait plus de clarté⁎ : Mais voicy vostre frere, evitez sa presence, Et prenant sur mes soins une entiere asseurance [146], Allez pour l'observer entretenir ma sœur. PHARASMANE. Non, non, si je fuyrois [147], il se croiroit vainqueur. #### SCENE VI. PHARASMANE, MEDONIE, ARSACE. PHARASMANE. Advoüez [148] que pour moy, vostre haine mortelle Donne à vostre allegresse une force nouvelle, Et vous fait moins sentir vostre propre bon-heur, Que celuy de m'oster et l'empire et l'honneur ; Mais alors que la joye est si vaine et si prompte, Elle ameine apres soy le regret et la honte ; Vous n'estes pas content puisque vous desirez, Et pouvez n'avoir rien puisque vous esperez. Vous sçavez qu'Araxie en donnant la Couronne Penchera du costé que son amour l'ordonne : Mais ne presumez pas que soûmis par son choix, J'abaisse mon orgueil à recevoir vos loix, Et qu'un lâche respect vienne occuper mon ame, Pour un Roy qui sera l'ouvrage d'une femme. La franchise est un bien qu'on ne me peut ravir ; Vous pouvez commander, mais je ne puis servir ; Et je vous punirois si vostre orgueil extresme Me traittoit de subjet seulement en vous-mesme [149], On est mauvais subjet à qui on fut égal, Et qui voulut regner obeïroit fort mal. Il faut, puis que [150] mes droits sont unis à ma vie, Que pour me les oster elle me soit ravie ; Mais pour avoir ensemble et ma vie et mon rang, Jugez ce qu'à vous-mesme il coustera de sang : J'ay les Partes pour moy, si vous avez mon pere, Et pour rendre électif un Sceptre hereditaire, Il faut prendre sur eux [151] de tyranniques droits, Et détruire l'Estat pour en changer les loix. Ne vous flattez donc pas d'une si vaine attente, Voyez vostre fortune avec quelque épouvante, Songez qu'elle vous place au dessus d'un aisné, Et craignez le bonheur d'en être couronné. #### SCENE VII. ARSACE, MEDONIE. ARSACE. Ors [152] qu'il menace il craint. MEDONIE.         Je dois craindre de mesme; Et ne pouvant m'aymer sans perdre un Diadême… ARSACE. J'ay préveu cette crainte, et vous viens témoigner Que ce n'est qu'avec vous qu'il m'est doux de regner ; L'ambition ne peut commander à ma flâme⁎, Et mon plus cher Empire est celuy de vostre ame : Mais le Sceptre d'ailleurs estant tel en effet, Qu'à peine l'on consent au refus qu'on en fait… MEDONIE. En un mot je vous pers, la Couronne est si belle, Qu'elle vous authorise à me quitter pour elle. Aussi m'oster ce cœur que vous m'avez donné, Est un crime si beau, qu'il sera couronné. Je ne m'en plaindray pas, au point où je vous aime ; Je vous souhaite heureux seulement pour vous-mesme, Je vous rends tout à vous [153], Prince allez vous offrir, Regnez avec ma Sœur et me laissez mourir. ARSACE. Le refus de sa main et celuy de l'Empire Quoy que vous en croiyez vous en fera dédire⁎ [154] Soyez mon interprete, et faites luy sçavoir, Que pour m'acquiter mieux, je veux moins luy devoir : Mais allons consulter toute nostre prudence, Pour couvrir ce refus d'une belle apparence, Et joignons à ce coup tant d'art et de douceur, Qu'il puisse estre porté de la main d'une sœur. Fin du premier Acte. ### ACTE II. #### SCENE PREMIERE. MEDONIE, ARAXIE. MEDONIE,. dit bas les deux premiers Vers. Ostons-luy tout espoir, faisons parler Arsace, Et malgré son respect, prestons-luy de l'audace. Araxie, a-t-il dit, se flatte vainement, Je veux regner en Prince et non pas en Amant⁎, Et quite sans regret, Trône, Sceptre, Couronne, Si pour les posseder il faut que je me donne. Je ne veux point devoir un bien qui m'est acquis, Et quelque grand qu'il soit, il est cher à ce pris, Pour faire que ma flâme⁎ à la sienne réponde, Elle me doit offrir tout l'Empire du monde. Pour avoir mon amour il le faut meriter, Ou le payer ainsi lors qu'on veut l'achepter. ARAXIE. L'insolent ! MEDONIE.         Il fait plus, il solicite, il presse, Pour vous oster le choix que son pere vous laisse. ARAXIE. Il perira plûtost, et ma haine à son tour Pourra sur [155] son destin⁎, autant que mon amour. #### SCENE II. ARAXIE, MEDONIE, ARSACE. ARAXIE. Quoy⁎ [156] paroistre à mes yeux ? ARSACE.         Je vay trouver mon frere, Et m'éloigne d'icy pour ne vous point déplaire. ARAXIE. Tu ne le peus ingrat, et malgré mon courroux⁎, Ta presence m'inspire un mouvement plus doux. Ne crains pas qu'il éclate et rompe le silence, A tous mes sentiments je feray violence [157], Et pour les captiver sous l'Empire des tiens, Mon Coeur jusqu'à ma langue estendra ses liens [158] Je dispose du Sceptre, et ton pere desire, Que le don de ma foy soit celuy de l'Empire ; Mais faisant beaucoup plus, en faisant moins pour toy, Je te le veux donner, separé de ma foy. J'useray de mes droicts, Amante⁎ genereuse⁎, Pour te mieux asseurer la Couronne douteuse, Sans te faire pourtant une necessité De joindre mon hymen⁎ avec la Royauté. Par ta seule grandeur tu connoistras ma flâme⁎, Je te dispenseray de me prendre pour femme, Et ton pere surpris⁎ reconnoistra demain, Que qui donne son Coeur peut refuser sa main. Que s'il veut malgré tout à l'hymen⁎ nous contraindre, Dans ce commun malheur, je seray seule à plaindre : Car punissant en moy ses tyranniques loix [159], Ma mort t'affranchira des rigueurs de mon choix. Mon choix de la Couronne aura paré ta teste, Ma mort t'en donnera la paisible conqueste. Puis qu' ainsi mon trépas⁎ prévenant tes refus, Tu ne me devras rien, quand je ne vivray plus : Sont-ce des sentimens qui meritent ta haine, Je veux te voir au Trône et non pas à la gesne⁎, Et je ne joindray point pour mon seul interest⁎, Un present qui t'offense à celuy qui te plaist. Je te rendray content, sans devenir heureuse, Je voudrois t'acquerir, mais je suis genereuse⁎, Et n'attends pas ton Coeur pour t'avoir couronné, Car j'aurois plus acquis que je n'aurois donné. Ainsi de quelque horreur que ma flâme⁎ t'anime, Si je n'ay ton amour, j'obtiendray ton estime, Ou si ma peine⁎ est deuë à ton adversion, Je seray morte, au moins, pour ma punition. Adieu, retiens ces pleurs, que je te vois répandre, J'ay surpris⁎ ta pitié, qui s'en vouloit desfendre, Tu viens de t'oublier pour sentir mes douleurs; Mais s'ils sont dérobez [160], je refuse les pleurs. ARSACE. Ha ! Madame… MEDONIE,. bas à Arsace.         Est-ce à moy que ce soûpir⁎ s'adresse ? ARSACE,. bas. De quel costé pancher, amour, pitié, tendresse⁎ ? MEDONIE,. bas. Elles [161] parlent pour elle [162], et vous les écoutez ? Elles veulent ma mort et vous les consultez ? ARAXIE,. en se tournant (comme elle s'en va) vers Arsace. Serois-tu bien touché d'un remors salutaire ? ARSACE,. dit la moitié de ce vers à Médonie, et l'autre à sa sœur. Il vous faut obeir, je vais trouver mon frere. #### SCENE III. ARAXIE, MEDONIE. ARAXIE. La fureur⁎ me saisit, sa mortelle chaleur, Agite l'un par l'autre et mon sang et mon cœur, Et ce feu⁎ si subit dont mon ame est émuë, Esclatte dans ma bouche et reluit dans ma veuë; La honte à ce transport⁎ [163], encore se confond, L'une échauffe mon Coeur, l'autre rougit mon front, Et comme en son excés la fureur⁎ est muette, Le desordre où je suis en devient l'interprete, Ha ma sœur, laisse-moy, je souffriray⁎ bien moins, Quand ma confusion n'aura point de témoins. MEDONIE,. bas. Mon dessein réussit, c'est icy [164] que j'espere⁎. #### SCENE IV. ARAXIE. Et pour toute réponse, il va trouver son frere ! De toutes mes bontez un outrage est le prix ! Et son feint repentir ne produit que mépris ! A voir jusqu'à quel point l'insolent me rabaisse, Je pourrois oublier que je naquis Princesse, Si mon Coeur outragé, qui demande son sang, Ne m'estoit pas encore [165] un témoin de mon rang. Ingrat plus je t'aymay, plus mon esprit s'irrite [166], Au dessein de ta perte il s'emporte si viste, Que cent fois ma pensée a prevenu⁎ [167] mon bras, Pour te punir plûtost par autant de trépas⁎. Mais que puis-je tenter qui ne me sois contraire ? Mais où [168] je ne puis rien, que ne pourra son frere ? Il m'ayme, il veut regner, et je dois l'engager, Par ce double interest⁎ à vouloir me venger. Quand son obeïssance aura servy ma rage, Son pouvoir et son rang apaiseront l'orage. #### SCENE V. ARAXIE, PHARASMANE. PHARASMANE. Souffrez⁎ que de mes maux je vous puisse parler. M'entendre seulement sera me consoler ; Madame, je voy trop en mon peu de merite, Du malheur qui m'attend le presage et la suitte, Et que par vostre choix, du rang où je suis né, Je vais tomber aux pieds, d'un frere couronné ; Mais si j'ose alleguer mon rang et ma naissance, Et les profonds respects⁎ de mon obeïssance, Madame en leur faveur plus propice à mon sort, Avant que de [169] choisir ordonnez-moy la mort. Liberale des biens que l'un et l'autre espere, Donnez-moy le trépas⁎, et l'Empire à mon frere ; Quel que soit mon bon-heur, pour un present si doux, Arsace asseurément n'en sera point jaloux. Je sens que mon repos doit préceder le vostre, Je ne pourrois vous voir entre les bras d'un autre ; Et ce Sceptre éclattant que l'on me va ravir, Soûleveroit ma haine au lieu de l'asservir. Ma gloire me prescrit de mourir avec elle, De n'estre point subjet, pour n'estre point rebelle ; Et je dois éviter le malheur sans égal, D'attaquer vostre espoux pour punir mon Rival. Ne pouvant des-unir ce que l'amour assemble, J'ayme mieux le sauver que de vous perdre ensemble ; Car je sçay que ma rage iroit jusques [170] à vous, Puis qu'estant dans son Coeur vous sentiriez ses coups. Doncques [171] pour prevenir⁎… ARAXIE,. resvant.         Il en perdra la vie. PHARASMANE. Expirer à vos yeux est mon unique envie⁎. ARAXIE. Non, Prince, je m'égare en suivant mon transport⁎, Je parle contre Arsace et demande sa mort. PHARASMANE. Quoy⁎ sa mort ? ARAXIE.         Pour vous voir sans Rival et sans Maistre ; Par un coup genereux⁎ [172] vengez-moy de ce traistre, Et témoignez ainsi de ma gloire jaloux [173], Ce que peuvent le Sceptre et mon amour sur vous. J'ordonne son trépas⁎ que rien ne vous retienne, Prestez-moy vostre main pour obtenir la mienne, Et payant de son sang, et l'Empire et ma foy, Faites de mon vengeur mon Espoux et mon Roy. PHARASMANE. Je ne regarde icy forfait [174] ny recompense ; Et ne veux consulter que mon obeïssance. Vous l'ordonnez, Madame, et d'un esprit soûmis, En vous obeïssant je me croy tout permis. Je vay donc le punir d'avoir pû vous déplaire. ARAXIE,. continue sans prendre garde à la sortie de Pharasmane. Mais mon amour veut-il ce que veut ma colere ? Elle ose prononcer l'Arrest⁎ de son trépas⁎, Et l'amour à l'instant ne le revoque pas ? Contre ce feu⁎ nouveau ma flâme⁎ est languissante ! Je suis son ennemie, et non pas son Amante⁎ ? Et lors que je consens à le faire perir, La crainte de sa mort ne me fait pas mourir. Va, ne me parle plus, ô fureur⁎ insensée, Si j'ai peu fait pour toy d'en avoir la pensée, Par quelque grand mépris qu'il aît pû m'outrager, J'en ay trop fait pour moy de m'en vouloir venger ; Prince, qu'il vive donc, et puis qu'enfin je l'aime ; Au lieu de l'attaquer, deffendez-le vous mesme. PHARASMANE,. qui rentre. Je vous obeïray, Madame ; Il vient icy. ARAXIE. Il y va de ma gloire et de la vostre aussi. #### SCENE VI. PHARASMANE. Ouy, je vay l'immoler [175], rien ne m'en peut distraire, Je luy pardonnerois s'il n'estoit pas mon frere, Et si comme mon frere, il n'estoit mon Rival, Et n'avoit mesme droict sur le bandeau Royal [176]. Qu'un Roy pour te venger à ma perte conspire, Arsace qu'il m'en couste et le jour et l'Empire. Je periray content de mon funeste sort, Si par la tienne [177] au moins j'ay merité ma mort : Mais dans ce lieu fatal⁎ nul témoin ne m'éclaire, Et puis qui d'un tel coup accuseroit son frere ? #### SCENE VII. ARSACE, PHARASMANE. ARSACE. Nostre malheur est grand, mais il pourra finir; Si du moins une fois nous nous pouvons unir, Le choix que de nous deux on donne à la Princesse, D'une crainte trop juste également⁎ [178] nous presse, Et quoy qu'à l'un de nous, il doive estre bien cher, Nous n'agissons tous deux qu'afin de l'empescher. Mais le Roy qui le sçait, et qui craint qu'un rebelle Ne fasse à la Princesse une injure mortelle, S'en offense mon frere, et nous vient témoigner Que ce n'est qu'à ce prix que nous pouvons regner, Il vient exprés icy : Mais quoy qu'il en ordonne, Demandons à l'envy⁎ [179] qu'il garde la Couronne, Et monstrons…  PHARASMANE,. tirant un poignard pour tuer Arsace.     Meurs plûtost. ARSACE,. luy saississant le bras.         Attenter à mes jours ! PHARASMANE. Ce n'est que d'un moment en prolonger le cours. ##### SCENE VIII. LE ROY, PHARASMANE, ARSACE. LE ROY,. voyant les deux fils aux prises qui se separent à son arrivée, et le poignard tombant. O spectacle inhumain ! Dois-je esperer⁎ ou craindre ? Et suis-je icy venu les sauver ou les plaindre ? N'achevez pas le coup où je vous ay surpris⁎, Le crime est assez grand de l'avoir entrepris. PHARASMANE. Il veut m'assassiner. ARSACE.         Il en veut à ma vie. LE ROY. Doncques mesme fureur⁎ vous donnoit mesme envie⁎ ? Mais lors qu'à cét excés vous en estes venus ; Répondez inhumains vous estes-vous connus : Ou bien n'est-il en vous de vous pouvoir connoistre⁎ [180] : Que quand vous regardez celuy qui vous fit naistre Le sang qui vous unit de ses plus sacrés noeuds, Par une seule atteinte auroit coulé des deux, O que j'ay mal jugé de [181] vos ames perfides, Je cherchois un Monarque entre deux paricides, Et voulant déposer le Sceptre dans vos mains, J'en partageois l'espoir entre deux assassins. Enfans dénaturez quel demon vous anime ? Il valoit mieux souffrir⁎ que commettre ce crime Du coup qu'on vous portoit ne vous pouvant troubler Du coup que vous portiez il vous faloit trembler, Plûtost que d'attaquer une si chere vie, Il faloit consentir qu'elle vous fut ravie. J'en aurois un à plaindre, et j'ay pour m'affliger Mes deux fils à punir, et pas un à venger. Mais je ne vois qu'un fer⁎ [182] ; c'est le vostre ou le vostre, Il ne pouvoit ensemble attaquer l'un et l'autre, Et du crime de l'un ce complice averé Est en faveur de l'autre un témoin asseuré. Il le rend innocent s'il le fait méconnoistre, Et je juge d'ailleurs qu'un de vous le doit estre ; Car deux cœurs à la fois n'auroient pû concevoir Le penser [183] seulement d'un attentat si noir ; Mes vœux sont exaucez, j'en ay donc un à plaindre, Et l'un doit esperer⁎, lors que l'autre doit craindre. (À Pharasmane.) Tu ne t'en peux desfendre, et ton front estonné⁎, Au raport de mes yeux [184] t'a desja condamné. PHARASMANE. J'ay de l'estonnement⁎, mon visage le montre, Mais qui n'en auroit pas en pareille rencontre Où l'œil comme abusé⁎ d'un fantosme impréveu, N'ose asseurer l'esprit de tout ce qu'il a veu. Un pere me condamne, un frere m'assassine, Et pour me perdre enfin tout mon sang [185] se mutine ; Quel plus grand accident peut troubler mes esprits ? Il faudroit s'estonner⁎ si je n'estois supris, Et croire qu'à ce coup, mon ame préparée, Se seroit à loisir plainement asseurée. LE ROY,. à Arsace. Donc perfide c'est toy, donc ce lâche dessein, Aura pû de ton cœur passer jusqu'à ta main. Et ton juste remorts ne peut trouver passage, Pour conduire la peur jusques sur ton visage. Sous un front asseuré tu caches son bourreau, Mais ta feinte innocence est un crime nouveau. Tu feins d'estre innocent pour le rendre coupable ; Tu veux que son trépas⁎ me paroisse equitable ; Et qu'ainsi l'ordonnant sans en avoir d'horreur, Au lieu de la punir j'imite ta fureur⁎. ARSACE. Que de cette asseurance on me loüe, ou me blâme, Le visage se meut au mouvement de l'ame, Et si quelque remors agitoit mon esprit, On verroit mon forfait sur mon visage escrit. L'innocence l'asseure, et dans cette rencontre, Pour estre son témoin elle-mesme se montre, Elle répand sur moy ses plus vives clartez⁎, Pour trouver le coupable en ces obscuritez. Mais si l'ambition fait la seule [186] querelle, Qui peut rendre à ce point nostre main criminelle ? Sire, pourquoy commettre un attentat si noir ? Le choix de la Princesse asseuroit mon pouvoir, J'allois monter au Trône, et le vouloir détruire, N'estoit que d'un subjet affoiblir mon Empire [187]. La Princesse le sçait, on la peut consulter. LE ROY,. à Pharasmane. Tu seras criminel si je veux l'escouter. Parle. PHARASMANE.         Je croy, Seigneur, qu'il m'a voulu deffendre, Car ce sont mes raisons qu'il vous a fait entendre. Sire, pourquoy commettre un attentat si noir ? Le choix de la Princesse asseuroit mon pouvoir, J'allois monter au Trône, et le vouloir détruire, N'estoit que d'un subjet affoiblir mon Empire. La Princesse le sçait, et sans trop me flatter, Je crois que pour ma gloire on peut la consulter. Mais non n'en faites rien, helas je considere Qu'en me sauvant ainsi, je fais perir mon frere, Que j'asseure sa perte en asseurant mon sort, Et que mon innocence est le coup de sa mort ; J'en ay desja trop dit, et suprime le reste, J'en craindrois le succez, il luy seroit funeste ; Je commettrois ce crime en le desavoüant, Et m'en rendrois coupable en le justifiant⁎ [188]. Mon frere parlez donc, je n'ay rien à répondre ; Et veux tout advoüer de peur de vous confondre, J'évitay mon trépas⁎ qui vous eut fait perir : Mais pour vous conserver je suis prest à mourir. ARSACE. Certes je suis surpris⁎ [189], cette impudence extresme, Me pourroit faire entrer en soubçon de moy-mesme ; Et si son attentat ne m'estoit si present, Je pourrois oublier que je suis innocent. LE ROY. Terminez ce combat, où mon ame incertaine Ne voit rien d'asseuré que le crime et la haine, Où tousjours le coupable est trop advantagé, Puis qu'entre mes deux fils mon cœur est partagé. Avec juste raison, il se cache le traistre, Et fait qu'en le voyant je ne le puis connoistre. Quoy que dans ma tendresse⁎ il pût trouver d'appuy, Ma rigueur toute entiere agiroit contre luy; Qu'il dissimule donc avec plus d'artifice, Et s'obstine au secret par la peur du suplice. Mais qu'il apprenne aussi qu'on luy peut reprocher, Que son crime redouble à le vouloir cacher, Puis-qu'employant la ruse apres la force ouverte, De son frere deux fois il hazarde la perte ; Qu'il sçache le cruel que mon ressentiment⁎, Doit à ce double crime un double chastiment, Et que deux fois ainsi l'equité me convie, Aux plus severes lois d'abandonner sa vie. Ces noms de pere et fils luy seront superflus, S'il veut estre inconnu, je ne le connois⁎ plus. Mais il rit en secret alors que je menace: De mon aveuglement il espere la grace⁎, Et croit rendre tousjours mon courroux⁎ impuissant, S'il confond sa fortune avec un innocent ; Mais quelque obscurité dont se couvre ce lâche, Qui me cache mon fils, quand luy-mesme il se cache, Qui confond sa vertu⁎ dans son crime douteux, Et veut qu'au lieu d'un traistre, on m'en reproche deux. Je sçauray le trouver, l'assassin de son frere, Qui garde asseurément mesme sort à son pere. Et qui pour n'estre point parricide à demy, Me hait pour avoir fait naistre son ennemy. Que si pour le punir, je ne le puis connoistre⁎, 30 Injuste avec raison par la crainte de l'estre, Quoy que les droicts du sang me veüillent retenir, Sans l'avoir reconnu je l'oseray punir. Je vous perdray tous deux pour venger l'un ou l'autre, Pour punir vostre crime, ou pour punir le vostre, Ou plûtost en bon pere, et juge rigoureux, Pour vous venger tous deux, je vous perdray tous deux ; Aussi bien si j'en dois croire vostre querelle, D'un si grand attentat la faute est mutuelle [190] ; L'un de vous de sa haine, a fait l'autre l'objet, Mais l'autre à cette haine a fourny de sujet, [191] Et l'amour de vos cœurs également⁎ banie [192], L'un commença la faute, et l'autre l'a finie ; D'ailleurs, quoy qu'il en soit, vous m'estes ennemis : Car enfin vous vouliez assassiner mon fils. (Au capitaine de ses Gardes.) De crainte cependant, qu'aucun d'eux par sa fuite Ne se puisse soustraire à ma juste poursuite, Que Seleucie estant leur prison desormais, La Garde s'y redouble aussi bien qu'au Palais. (A ses fils.) Au surplus [193] inhumains, je vous laisse en la vostre [194] ; Et l'un quoy qu'il en soit me répondra de l'autre. ##### SCENE IX. LE ROY, VOLOGESE. LE ROY. Arsace est innocent, si je croy son grand cœur, Ses exploits et son bras de tant de Roys vainqueur ; Mais ce n'est pas assez que seul je l'ose croire, De ce soubçon honteux je dois sauver la gloire, Employer tous mes soins à la faire éclater, Et ne permettre pas qu'on en puisse douter. Ainsi j'auray sçeu joindre aux droicts de sa naissance, Celuy de ses vertus⁎ et de son innocence, Et par eux l'élever à l'Empire aujourd'huy, Avecque moins de haine, et plus d'éclat pour luy. VOLOGESE. Si vous la consultez, la Princesse pressée… LE ROY. Elle seroit suspecte estant interessée, Par un autre moyen, je puis me contenter, Ou sinon je pourray tousjours la consulter : Mais allons au Conseil, le genre de l'affaire Avec toutes ses voix veut que j'en délibere, Et je dois me servir de son authorité, Pour mieux executer ce que j'ay projeté. < Fin du second Acte. > #### ACTE III. ##### SCENE PREMIERE. PHARASMANE, ARAXIE. PHARASMANE. Tandis que sur nos jours le Conseil delibere, Je n'acuseray point la rigueur de mon pere, Je m'en prends à moy-mesme, et dois estre puny, Non d'avoir commencé, mais d'avoir mal finy. Quand [195] d'Arsace à mes mains vous demandiez la vie, J'ay monstré vostre haine et ne l'ay pas servie. ARAXIE. Moi j'ay voulu sa mort Prince ? C'est un abus [196]. PHARASMANE. De vos commandemens ne vous souvient-il plus ? Voulez-vous demeurer sans rival et sans maistre ? Prince, me dites-vous, vengez-moy de ce traistre. ARAXIE. Quand pour vous y porter je vous teins ce discours, Croiyez-vous qu'en effet j'en voulusse à ses jours ? Du mouvement confus de mon ame irritée, Ma langue malgré moy se trouvant agitée, J'ordonnay son trépas⁎ sans mon consentement, Et pris pars au forfait de la voix seulement [197]. Ainsi contre un amant⁎ ma haine irresoluë A demandé la perte et ne l'a point vouluë. Mais vous-mesme par vous, jugez de mon dessein, Je vous avois choisi pour estre l'assassin ; Dans mes ressentiments⁎ à moy-mesme contraires, Je n'avois contre un frere employé que son frere. Et je n'avois donné l'ordre de m'en venger, Qu'à celuy dont l'amour me devoit proteger. Ainsi mon cœur poussé d'une contraire envie⁎, Par le choix du Meurtrier [198] prenoit soin de la vie ; Il excitoit vos bras à servir mon couroux⁎, Et par ces mesmes bras en détournoit les coups, Cette fureur⁎ encore à sa perte animée [199], Y fut par mon amour aussi-tost desarmée, Contre elle d'un amant⁎, j'embrassay l'interest⁎, Et demandant sa mort j'en revocquay l'arrest⁎ [200] : Le crime est donc à vous, qui voulant l'entreprendre, Avez feint à dessein de ne me pas entendre, Qui pouvez oublier à qui le sang vous joint, Qui paroissez son frere, et qui ne l'estes point. PHARASMANE. Et bien vous le voulez, pour immoler Arsace, Oüy je fermay l'oreille à l'arrest⁎ de sa grace⁎ [201]. Mais ne m'imputez pas que par adversion, Je courusse, Madame, à sa punition. Malgré nos interests⁎ il fut tousjours mon frere ; Aussi n'estant poussé que de [202] vostre colere, Je crûs que justement vous vouliez son trépas⁎, Puis que pour l'en punir vous employiez mon bras ; Je crûs qu'à ce forfait vostre haine irritée, Par un autre plus grand [203] avoit esté portée : Et mesurant l'offence à cette impieté [204], L'excès de son horreur m'en fit voir l'équité. Ne m'accusez donc pas d'avoir pû méconnoistre ; Celuy que de mon sang la nature⁎ a fait naistre, Entre mon frere et vous me laissant partager, Je l'aimay, mais aussi je voulus vous venger : Et tenant par le cœur à l'amour fraternelle, Ma main contre mon cœur soustint vostre querelle. ARAXIE. Si vous aviez voulu me servir seulement, Vous auriez donné moins à mon ressentiment⁎ ; Loin de porter si-tost [205] le coup de ma vengeance, Avecque mon amour estant d'intelligence [206] : Vous l'auriez differé pour me faire songer, Qu'au dépens d'un amant⁎ je voulois me venger. Sa vie avec mes jours se trouvant confonduë, Au lieu de l'attaquer vous l'auriez desfenduë ; Mais pour vous asseurer de l'Empire et de moy, Vous couriez à la mort d'un Rival et d'un Roy ; Vous agissiez pour vous asseuré du salaire, [207] Pour pretexte à sa mort vous preniez ma colere ; Et vouliez l'opposer apres ce grand forfait, Au reproche sanglant que je vous eusse fait. PHARASMANE. Et bien si j'ay failly ma perte est legitime, Découvrez⁎ tout ensemble [208] et punissez mon crime, Et rendez-vous le Roy doublement obligé, De sçavoir le coupable, et d'en estre vengé. ARAXIE. Je vous accuserois, si mon amour connuë Ne m'obligeoit sans doute [209] à plus de retenuë, Je ferois croire ainsi que ce Prince en danger ; Par ce lasche moyen s'en voudra dégager, Ou me feroit parler pour seconder sa haine, Et rejetter sur vous et son Crime et sa peine⁎, J'attends donc que le Ciel⁎ vous découvre⁎ sans moy… Mais à Dieu je vay voir ce que resoult le Roy. ##### SCENE II. PHARASMANE. Qu'à la discretion, je suis peu redevable, En faveur d'un rival elle m'est favorable ; Mais que me veut sa sœur ? Dont l'amour déguisé, Alors qu'il est déceu⁎ [210] croit m'avoir abusé⁎. ##### SCENE III. MEDONIE, PHARASMANE. MEDONIE. Pour perdre le coupable, on fait une injustice, Prince, PHARASMANE.         Sur qui des deux doit tomber le supplice ? MEDONIE. Le diray-je ? Sur vous. PHARASMANE.         Quoy⁎ l'on m'oprime ainsi ? Princesse on me condamne ! MEDONIE.         Et vostre frere aussi. Pour trouver le coupable on ordonne,… je tremble, Qu'en public aujourd'huy vous combattrez ensemble. Et que vos bras armez pour sa punition, Iront par la desfaite à sa conviction [211]. Cét auguste Conseil, où l'équité preside, Craignant de voir regner un Prince paricide ; Veut qu'il soit au combat par sa mort convaincu, Et croit que comme lasche il y sera vaincu. Ne pouvant qu'en aveugle ordonner son supplice, Il laisse à l'innocent à s'en faire justice. Et se remet au Ciel⁎, équitable et puissant, De punir le coupable et sauver l'innocent. Ainsi dans le vaincu l'on verra le coupable, Sa desfaite rendra son trépas⁎ équitable, Et l'innocent enfin trouvé dans le vainqueur, Obtiendra pour son prix ma Couronne et ma Soeur. PHARASMANE. Le Roy donc y consent ? MEDONIE.         Jugez-en par ma plainte, Le Roy qui par serment s'imposa la contrainte ; De permettre au Conseil, quoy qu'il pût ordonner Est forcé maintenant de vous abandonner. Et pour voir le succez d'un combat si barbare, Toute la Cour s'assemble et le champ se prepare. Mais Arsace m'offrant de ne combattre pas, A ma priere aussi mettez les armes bas [212], D'un et d'autre costé mon sort seroit à plaindre, J'aurois pour mon supplice également⁎ à craindre Que vaincu par Arsace, ou d'Arsace vainqueur, Mon Amant⁎ n'y perit, où n'épousât ma sœur. D'ailleurs comme le sort peut vous estre contraire Vous traiteriez d'égal avecque vostre frere : Qui pouvant l'obtenir du succez de ses coups, Seroit encor [213] du Thrône aussi proche que vous. PHARASMANE. Adieu, laissez-nous seuls, je le voy qui s'avance. ##### SCENE IV. ARSACE, PHARASMANE. ARSACE. On veut que le combat monstre nostre innocence, Mais, si vous m'en croyez, tous deux prets à perir, Avant que de combattre on nous verra mourir, Un peut faire verser et mon sang et le vostre, Mais non pas nous contraindre à perir l'un par l'autre, Car nos mains qu'on destine à cette cruauté Relevent seulement de nostre volonté ; Allons donc appeler⁎ [214] d'un Arrest⁎ si severe, Des rigueurs du Conseil aux tendresses⁎ d'un Pere, Ou manquant au devoir pour ne le pas trahir, Faisons une vertu⁎ [215] de luy desobeïr ; L'amour qu'également⁎ nous luy ferons paroistre, Quelque rigueur qu'il ait le fléchira peut-estre, S'il veut punir en nous deux mortels ennemis, Il y protegera deux veritables fils. Quoy qu'exigent de luy nos discordes passées ; Par ces marques d'amour les croyant effacées, Il aymera bien mieux nous laisser impunis, Qu'ordonner le Combat à deux freres unis. Nostre amour luy rendra nostre faute incroyable, De l'avoir osé croire il se croira coupable, La prenant pour un songe, il croira que ses sens, Déposent devant luy contre deux innocens. PHARASMANE. Enfin de ce combat, injuste ou legitime, Vous voulez évitez le peril et le crime ; Mais moy je cours au crime afin de me venger, Et cherche le peril pour vous mettre en danger. ARSACE. Quand j'ay crû que dans vous l'amour pourra renaitre ; Je me suis aveuglé jusqu'à vous méconnoistre ; Mais vous voyant rebelle à ses plus saintes loix, Mon erreur se dissipe et je vous reconnois. PHARASMANE. Allons donc au combat, ou ma haine s'apreste ; Si vous me connoissez⁎ quel remors vous arreste ? C'est estre genereux⁎ et non dénaturé [216], Que vouloir triompher d'un ennemy juré ; Ma fureur⁎ lors qu'aux mains, on verra l'un et l'autre, Esclatant [217] la premiere excusera la vostre, Et du crime [218], aussi bien, qui vous transit d'effroy. L'acte le plus sanglant, s'achevera par moy. ARSACE. D'un si frivol espoir vous devez vous deffendre, Comme vous du combat je pourrois tout attendre, Me promettre les biens dont il me peut combler ; Mais pour y consentir, il faut vous ressembler, Que le sort vous est doux ! Celuy qu'il vous oppose, Pour vous contre luy-mesme entreprend vostre cause. PHARASMANE. Il est vray que le sort ne peut m'estre plus doux, Dans tous mes interests⁎ il prend part contre vous ; Du coup qui fut un crime, il fait une victoire, Il veut qu'un attentat s'acheve avecque gloire ; Et par l'ordre du Roy nous faisant Ennemis, Pour m'en recompenser veut qu'il me soit permis : Du faict que j'en attends il separe la honte, Pour en rendre la joye, et plus grande et plus prompte. Il fait combattre et vaincre en mesme occasion, Mon amour, ma fureur⁎, et mon ambition. Il donne tout ensemble au desir qui me presse, Vostre mort et l'Empire avecque la Princesse. Et croiroit avoir fait trop peu pour mon bonheur Si vous ostant la vie, il vous laissoit l'honneur ; Absous et couronné par ma propre victime, Au sort de l'innocent j'attacheray mon crime ; Et triomphant de vous et de vostre renom, Je seray l'assassin mesme de vostre nom. Mais parmy tant de biens que sa faveur m'envoye Un secret déplaisir⁎ empoisonne ma joye, Comme nous combattrons de tant d'yeux éclairez, Mes efforts contre vous seront plus moderez, Ma haine triomphante et non pas assouvie, Bornera vostre peine⁎ à vous oster la vie. A quelque humanité mon cœur sera contraint, Et vous épargnera pour montrer qu'il vous plaint. ARSACE. Sans me regler sur vous, je suis toûjours le mesme ; Et si vous haïssez, un frere, qui vous aime, Quelque ressentiment⁎ qui me doive animer, J'ayme un frere inhumain qui ne me peut aimer ; Aussi loin qu'au combat vostre haine m'engage, Je vais en l'évitant signaler mon courage, Et du Roy noblement meriter le Courroux⁎, Plûtost que de vous perdre ou de perir par vous. PHARASMANE. Voulez-vous en effect m'en épargner le crime ? Faites-vous un effort plus grand, plus magnanime. ARSACE. Comment donc ? PHARASMANE.         Dans le camp à vous-mesme inhumain, Tomber [219] dessous l'effort de vostre propre main. ARSACE. Ha cruel ! PHARASMANE.         C'est ainsi que vous pourez me plaire ; Soyez vostre ennemy, je seray vostre frere. ARSACE. Pour vous oster un frere il vous faudroit trahir ? PHARASMANE. Hé bien je vous perdray pour ne plus vous haïr. ARSACE. Adieu, votre fureur⁎ moins forte en mon absence, Vous y fera penser avec plus de prudence. ##### SCENE V. PHARASMANE. Je l'invite au combat que je veux éviter, Mais il croiroit faillir s'il m'osoit imiter. Pour y pouvoir entendre [220] il a trop de tendresse⁎, Ou comme moy peut-estre il en connoist l'adresse ; Il voit qu'on veut trouver au combat proposé, L'innocent dans celuy qui l'aura refusé. Mais voicy… ##### SCENE VI. LE ROY, ARAXIE, PHARASMANE, VOLOGESE. LE ROY.         Prenez-y moins de part que leur père. ### **ARAXIE.**. Ha ! Sire, revoquez un Arrest⁎ si severe, Qui m'arrachant un bien que j'ay receu de vous, A l'effort de vos fils expose mon Espoux. LE ROY. Vous aurez le vainqueur. ARAXIE.         Je seray le salaire ! De celuy qui sera l'assassin de son frere ? Et qui digne plûtost d'un second chastiment, Aura peut-estre encore immolé mon Amant⁎ ? Ne l'esperez jamais, mon amour, ou ma gloire, Ne pourra s'accorder avecque sa victoire ; Mais, Sire, est-ce un effect de l'amour paternel Que d'exposer son fils pour perdre un criminel ? Jugez-vous du devoir d'un Monarque équitable ? D'en vouloir faire deux pour trouver un coupable ? Ils feront en public ce qu'ils tenoient caché, L'innocent par contrainte à son frere attaché, Deviendra criminel pour meriter sa grace⁎, Et de son assassin surpassera l'audace. Ha ! Ce crime où l'on veut animer leurs esprits, Est plus grand que le crime où l'on les a surpris⁎. Vous osez nous promettre un Roy de leur querelle [221], Mais craignez qu'à tous deux elle ne soit mortelle, Ils feront pour regner mesme effort, mesmes vœux, Et ne pouvant se vaincre ils periront tous deux, Leur fureur⁎ ne sera qu'un effect de la vostre, Ils periront par vous, et non pas l'un par l'autre, Par vous qui les forcez à ce lasche attentat, Et qui les combattrez sans aller au combat. Mais si l'un est vainqueur il doit avoir l'Empire : Sire, que faites-vous ? Vous couronnez le pire, Qui devant sa grandeur à l'effort de ses coups, En sera revestu sans la tenir de vous. Tous deux également⁎ se plaindront de leur Pere ; L'un y perdra le jour, l'autre y perdra son frere. LE ROY. Princesse à vos raisons la nature⁎ s'émeut, Et mon courroux⁎ s'incline à tout ce qu'elle veut, Ils ne combattront point. ARAXIE.     Ha, Sire ! LE ROY.         Mais Princesse, Quelque soupçon encor s'oppose à ma tendresse⁎ ; Permettez qu'avec eux un secret entretien, Me découvre⁎ leur cœur et leur montre le mien. Allez ! Conduisez-la Prince, et luy rendez grace⁎, Puis revenez icy ; vous appelez Arsace. (Ce demy vers au Capitaine des Gardes.) ### SCENE VII. LE ROY, VOLOGESE. LE ROY. Son ennuy⁎ par l'espoir se trouvant appaisé, Precipitons l'effect d'un combat supposé, Celuy qui le fuira, loin de passer pour lâche, Sauvera son honneur d'une eternelle tache, Si quoy qu'on luy propose, il refuse aujourd'huy, De combattre son frere animé contre luy, Je pourrais bien penser, que toûjours magnanime, Il n'eust d'ambition que noble et legitime, Et que contre son frere il a moins entrepris, Puisqu'il fuit ce combat quand le Sceptre est son prix. De l'autre je croiray par un effect contraire, Qu'il voulut lâchement assassiner son frere. Puis qu'on l'auroit en vain au combat excité, Si ses propres fureurs⁎ ne l'avoient emporté. Lors⁎ je le puniray de m'avoir crû capable De voir entre mes fils ce combat effroyable, Comme si de le voir il m'eust esté permis, A cause que je suis le Pere d'un tel fils. Les voicy. ### SCENE VIII.47. LE ROY, PHARASMANE, ARSACE, VOLOGESE. LE ROY,. à Pharasmane.         Du combat que juge la Princesse, PHARASMANE. Ce qu'elle doit juger apres vostre promesse. LE ROY. J'ay promis de le rompre afin de l'appaiser, Mais le Conseil l'ordonne, il luy faut disposer, Ma rigueur à ce prix met l'oubly de vos crimes, Et puis qu'elle vous rend Ennemis legitimes, Poursuivez la Victoire avec tant de chaleur, Qu'on ne soit estonné⁎ que de vostre valeur, Si la fortune à l'un reserve l'avantage, Que l'autre soit au moins son égal en courage. Et montrez que mon sang entre vous departy, Soûtient également⁎ l'un et l'autre party, Au moins tenant ainsi la victoire incertaine, Vous aurez differé vostre mort et ma peine⁎, Et devant qu'en voir un coupable et malheureux [222], J'auray veu mes deux fils plus long-temps genereux⁎ : Ne considerez pas qu'au point où je vous ayme, Vous combattrez chacun contre un autre moy-mesme ; Et que m'interessant⁎, et pour vous, et pour vous, Mon cœur sera toûjours au milieu de vos coups, Figurez-vous plûtost que ma haine équitable A separé de moy le pere du coupable, Qu'ainsi pour le vainqueur tout doit estre permis, Que sans m'en oster un, il me rendra mon fils, Que ce commun vengeur loin de m'estre funeste, Conservera le sang le plus pur qui me reste, Perdra le criminel loin de le devenir, Et sauvera sa gloire au lieu de la ternir. PHARASMANE. Mais, Sire, le combattre ! LE ROY.         Il est ton adversaire. PHARASMANE. En un tel ennemy je ne voy que mon frere. ARSACE. Reglant mes sentiments sur ceux que vous prenez, Sire, je combattray si vous m'y contraignez. LE ROY,. bas. Qu'entends-je il y consent ? ARSACE.         Mais je n'ay rien à craindre, Car mon pere est trop bon pour m'y vouloir contraindre. LE ROY,. à Pharasmane. Crains-tu d'estre vaincu ? PHARASMANE.         Moins que d'estre vainqueur. LE ROY. Ton crime est averé par ton manque de cœur. PHARASMANE. Estant moins innocent je serois moins timide⁎ ; Je n'ay jamais apris à faire un paricide. LE ROY. Lasches, dédaignez-vous de commettre un forfaict Qui ne vous paroist plus estre tel en effect ? Ou la peur du peril, entre vous mutuelle, Auroit-elle accordé vostre injuste querelle ? Seriez-vous ennemis lors qu'il se faut aimer ? Ou freres seulement lors qu'il se faut armer ? ARSACE. J'évite le comboit qui seroit une peine⁎, Pour celuy de nous deux qui combattroit sans haine. LE ROY. Est-ce une illusion ? Est-ce une verité ? Qui joint tant de tendresse⁎ à tant de cruauté ; Doncques, sur l'offensé la nature⁎ preside, [223] Et le frere est d'accord avec le paricide. Il respecte un coupable au mépris de son Roy, Et n'osant se venger, il entreprend sur moy. Doncques son assassin, qui le fait méconnoistre, Se veut dire innocent, et refuse de l'estre. Il en fuit le moyen, il n'ose l'accepter, Et craint de faire un coup qu'il a voulu tenter. La haine qui vous perd, et qui vous deshonore, Ne devoit point agir que pour agir encore. Vous deviez inhumains, pour paroistre mes fils, Ou courir au combat, ou demeurer amis. ARSACE. L'un des deux est au moins digne de vostre estime. PHARASMANE. L'un des deux fait au moins un refus legitime. LE ROY. L'un des deux est mon fils, mais sa timidité⁎ Le degrade en secret de cette qualité. Jusqu'icy m'accusant d'avoir produit un traistre, J'en creûs l'un innocent, et l'esperay connaistre ; Mais quand je cherche en vous ce fils que vous m'ostez, J'y trouve seulement deux enfans revoltez, Et j'apprends pour le moins d'un refus si timide⁎, Que deux lasches en vous cachent un paricide ; Et comme l'un et l'autre est indigne de moy, J'y trouve le supplice et d'un pere et d'un Roy ; Allez monstres cruels, sortez de ma presence, Et n'esperez de moy ni pitié ni clemence, Si l'innocent m'inspire un sentiment plus doux, Le coupable aussi-tost réveille mon couroux⁎, Et pour dire en un mot jusqu'où va ma colere, Si je ne voy mon fils, vous n'avez plus de pere. ### SCENE IX. LE ROY, VOLOGESE. LE ROY. Mon attente est trompée, et je ne puis juger ; Qui des deux est celuy dont je me dois venger ; Mais le Ciel⁎ me fait grace⁎, en me faisant outrage : L'innocence de l'un à tous deux se partage, Et servant d'un obstacle au couroux⁎ paternel, Pour me sauver un fils me cache un criminel, Mais quoy⁎ ! je n'ay pour eux ny tendresse⁎ ny hayne, Ou l'une et l'autre, enfin [224], est pour eux incertaine. VOLOGESE. Sire, pour vous tirer de ce doute confus, Consultez la Princesse et ne differez plus ; Tous deux sur sa faveur fondent leur innocence, Et peuvent s'en flatter avec quelque apparence, Amante⁎ en vain de l'autre quand l'autre est son Amant⁎ ; Elle a pû choisir l'un, et l'autre également⁎, Mais sçachez vers lequel sa raison et sa flâme⁎, Ont fait pencher ensemble et l'Empire et son ame ; LE ROY. Puis-je de son adveu me promettre aucun jour⁎ [225] ? Puisque l'un a sa hayne, et l'autre son amour ? Sa hayne et son amour s'exprimant par sa bouche, Augmenteront mon trouble, et l'ennuy⁎ qui me touche, Voyons-là toutefois, je conçois un dessein, Qui la pourra contraindre à nous ouvrir son sein, Qui surprendra⁎ mes fils, et servira peut-estre, Ou par l'un ou par l'autre à les faire connoistre⁎. Contre mes sentimens promettant à l'aisné, Qu'avecque la Princesse il sera couronné, Je vay de son Rival luy demander justice, Les observer tous trois, et par cét artifice, Contraire et favorable à tous leurs interests⁎, Voir dans leurs actions leur sentimens secrets ; Allons donc consulter la Princesse et resoudre, Sur qui d'eux tombera la Couronne ou la foudre⁎. < Fin du troisième Acte. > ## ACTE IV. ### SCENE PREMIERE. ARAXIE, LE ROY, PHARASMANE, ARSACE. ARAXIE. Ouy je leur ay promis et l'Empire et mes vœux, Mais n'en abusant⁎ qu'un, j'en ay crû servir deux. Comme l'ambition de mon choix incertaine [226], A de sanglants effets eust pû porter leur hayne ; J'ay dû tout leur promettre et par cét interest⁎, Les disposer sans trouble à subir mon arrest⁎. LE ROY. Ha ! Si vous avez craint qu'une haine obstinée ; Ne voulut avant vous faire leur destinée ; Vous en avez connu le principe caché, Vous sçavez qui des deux en est le plus touché. Vous voyez l'innocent, et pour le rendre au pere, Pouvez le separer de son coupable frere. Vous le reconnoissez au plus certain espoir, Que du Sceptre par vous il a pû concevoir, Nommez-le donc, Princesse, et rendez legitime, Mon amour, qui pour luy n'est maintenant qu'un crime, Et si vous me plaignez en ce double malheur, D'estre pere sans fils, et Roy sans successeur : Donnez pour mon repos en le faisant connoistre⁎, Un fils à ma famille, à mon estat un maîstre. ARAXIE. Je l'ignore, Seigneur, et veux bien l'ignorer, Pour n'estre point contrainte à vous le declarer ; Si je l'avois nommé de sa gloire ennemie [227], J'aurois à son triomphe ajoûté l'infamie, Je l'aurois fait rougir de la honte de voir, Son frere convaincu d'un attentat si noir ; Je vous aurois reduit au sort inévitable, Ou de hayr un fils ou d'aymer un coupable, De vouloir son supplice ou son impunité, D'avoir trop peu d'amour, ou trop peu d'equité, De manquer au devoir ou de Juge ou de pere, De condamner un Prince en qui l'Estat espere, Ou de luy reserver par une injuste loy, L'ennemy de son frere ou celuy de son Roy : Mais cherchez vostre fils seulement en vous-mesme ; Et luy voulant ceder la puissance suprême, Pour ne vous point tromper en ce doute confus, Honnorez-en celuy que vous aimez le plus : Sa vertu⁎ qui sans doute et plus vive et plus pure, A vous le faire aimer seconda la nature⁎ [228] ; Cette mesme vertu⁎ peut encore aujourd'huy Arrester⁎ vostre estime et vos faveurs sur luy ; Puisque pour inspirer un si grand paricide, La rage est impuissante où la vertu⁎ preside : Joint que [229] l'amour des Rois, comme il importe à tous, Par le merite seul est attiré sur nous ; Le Ciel⁎ qui les gouverne en leur ame l'inspire, Il empesche leurs sens de les pouvoir seduire [230], En affoiblit l'amorce et permet rarement Que leur faveur se donne avec aveuglement. Si vous l'aymez en fils, il est digne de l'estre, Croyez-en cét amour que les Dieux ont fait naitre, Et ne permettez pas qu'un aveugle couroux⁎, Démente vostre cœur [231] qui le connoist⁎ pour vous. LE ROY. Hé bien à vos avis je deffere⁎, Princesse, Et si pour l'un des deux plus d'amour m'interesse⁎ [232], Comme digne en effect et du Sceptre et de moy, Je vay le reconnoistre et pour fils et pour Roy. Mais si par cet amour fatal⁎ à l'innocence, Je donne au criminel la suprême puissance : Comme complice enfin de mon aveuglement, Craignez que les effects n'en soient le chastiment. Adieu, dans un moment vous en serez instruite, Et de vostre Conseil vous apprendrez la suite. ### SCENE II.54. ARAXIE, ARSACE, PHARASMANE. ARAXIE,. à Arsace. Ainsi tout vous succede [233], et son affection⁎ Va remplir mon attente et vostre ambition, Esperez tout de luy, Prince, il vous considere, Moins en juge irrité qu'en veritable pere, Et ne deffere⁎ plus à ce devoir forcé, Qui pour vostre Rival l'a seul interessé⁎. Je le r'apelle à vous, par luy je vous couronne, Et luy rends à dessein le pouvoir qu'il m'en donne. Non qu'avec déplaisir⁎ je n'en cede l'honneur, Et ne differe ainsi vostre propre bonheur, Mais, Prince, en vous nommant j'eusse fait violance A ce droict qu'à vous-mesme attacha la naissance. Et mon amour trop vain eust semblé témoigner, Que par luy seulement vous eussiez pû regner. Le Sceptre, en le prenant de la main d'un Monarque Sera de vos vertus⁎ une plus belle marque ; Et montrant ce qu'il croit de ce Prince et de vous, L'heur⁎ de le posseder vous en sera plus doux. Mais quoy que mon respect vous soit si favorable Prince, ne croyez pas m'en estre redevable, Ce respect eust-il fait plus pour vous que pour moy, J'en mets la recompense à vous avoir pour Roy. Adieu. ### SCENE III. PHARASMANE, ARSACE. PHARASMANE.         Si je l'en croy c'est en vain que j'espere Mais j'ay lieu d'esperer⁎, si j'en dois croire un pere, Il est pere, il est Roy, l'amour et l'équité, Dispenseront ses vœux avec égalité [234]. Si pour vous toutefois sa faveur declarée, Rend par vostre bonheur ma disgrace asseurée, Achevez de me perdre, et terminant mon sort, De mes droits usurpez heritez par ma mort. J'attens comme un bien-faict et non comme un supplice Ce coup de vostre hayne ou de vostre justice : Empeschez que manquant à ce que je vous doy, Je n'attaque en vous seul et mon frere et mon Roy : Et qu'enfin… ARSACE.         Ha ! Quittez cette esperance⁎ vaine, D'animer contre vous ma justice ou ma haine, J'en seray toûjours maistre, et toûjours genereux⁎, Je ne refuseray que la mort à vos vœux. Mais quelqu'un vient… ### SCENE IV. MEDONIE, PHARASMANE, ARSACE. MEDONIE.         Le Roy contre toute apparence ; N'a pas tenu long-temps vostre sort en balance, Sans crainte et sans remors il en fait l'un heureux, Et traite [235] avecque l'autre en pere rigoureux, Il promet à mesme heure [236] et nous dône un Monarque, Et fait voir aisément à cette illustre marque, Quoy qu'il ait témoigné d'en douter aujourd'huy, Qu'il a toûjours connu⁎ [237] le plus digne de luy. PHARASMANE. Auquel donc [238] ? MEDONIE.         Recevez avecque mon hommage, Du choix qu'il fait de vous ce premier témoignage. Il vous éleve au Trône, et veut que dés demain, Pour y placer ma sœur, vous luy donniez la main, Et tandis que pour vous il agit auprès d'elle, Je viens vous annoncer cette heureuse nouvelle. PHARASMANE. Il fait ce qu'il doit faire, et juste au plus haut point, Jugeant mesme au hazard il ne s'abuse⁎ point [239] ; Mais j'en ferois douter [240], si ma haute fortune Ne vous estoit, mon frere, avecque moy commune, Et si mon amitié ne faisoit voir ainsi, Qu'alors qu'il me couronne, il vous couronne aussi. Donc par mon amitié commençant à connoistre⁎, Combien peu justement [241] vous me craigniez pour maistre : Mon frere recevez ma parole et ma foy, Que dans le Trône unis, nous ne ferons qu'un Roy, Et que de ma grandeur le plus grand avantage, Ne sera que d'en faire un si noble partage. A mon exemple, Prince, oubliez le passé, Et ne me craignez point pour m'avoir offensé, Mais s'il nous faut unir d'une nouvelle estrainte, Pour rendre plus auguste une amitié si sainte, Quand j'espouse Araxie, épousez-en la sœur, Par elles aymons-nous avecque plus d'un cœur, Et comme par le sang, freres, par l'hymenée⁎, Tenons d'un double nœud la discorde enchaisnée, Consentez-y, Princesse, et comme moins heureux, Par l'ordre du Roy mesme il doit avoir vos vœux, Couronnez son amour au deffaut de la mienne ; Donnez-luy vostre main, et recevez la sienne. ARSACE. J'avois crû que le Sceptre en vos mains affermy ; Me feroit de mon frere un puissant ennemy ; Et je voy cependant qu'il me fait au contraire, D'un ennemy puissant un veritable frere. Ha ! Prince, de quel bien plus long-temps souhaité,58 Me pouviez-vous payer celuy qui m'est osté ? J'ose mettre en balance avecque la Couronne, L'heur⁎ d'estre aimé de vous que sa perte me donne, Non que quelque soupçon ne me doive alarmer, De vous voir si facile et si prompt à m'aymer ; Mais je n'écoute icy ce soupçon temeraire, Que comme un imposteur qui s'attaque à mon frere. Et qui de ma raison voulant s'authoriser [242], N'embrasse mon party que pour nous diviser, Que m'en promettre aussi, qu'amour et que tendresse⁎ [243] ? Lors que voulant m'unir avec cette Princesse, Il veut aux droits du sang joindre de nouveaux droits, Et m'avoir pour son frere une seconde fois. Mais de cette bonté que dois je enfin attendre ? Madame, c'est de vous que je le dois apprendre, Qu'à cét instant fatal⁎… MEDONIE.         C'est trop peu d'un instant Pour resoudre [244] un hymen⁎ à ce point important. Un peu plus à loisir permettez que j'y pense, Que je me donne à vous avecque connoissance [245], Et qu'ainsi mon amour m'en imposant la loy, Avecque plus d'éclat vous asseure ma foy. Icy comme sujete aux vœux d'un grand Monarque, Je dois de mon respect [246] cette derniere marque, Mais comme amante⁎ aussi, je dois vous faire voir, Que mon amour s'accorde avecque mon devoir. ARSACE. Oseray-je le dire ? Une raison si vaine Ne monstre pour mes feux⁎ que mépris et que haine : Vous fuyez un hymen⁎ dont les funestes nœuds, Uniroient vostre sort au sort d'un malheureux. MEDONIE. Prince, quoy que sensible à l'ennuy⁎ qui vous touche, Ma pitié fasse effort pour me fermer la bouche, De tant de lâcheté me voyant accuser, Je vay me découvrir⁎ et vous desabuser. Mais si je vous déplais par cét adveu sincere, Songez que l'honneur seul m'engage à vous déplaire, Et que tout interest⁎ devant ceder au sien, Je ne m'attaque à vous qu'en deffendant le mien. Si je voyois en vous cette vertu⁎ reluire, Qui vient à vostre aisné de disputer l'Empire, Dans vostre abaissement aux pieds d'un Souverain ; Je tiendrois à bonheur [247] de vous donner la main : Mais en vous desormais ; ne voyant plus d'Arsace ; De mon premier amour le souvenir s'efface, Ne vous connoissant⁎ plus je puis m'en dégager, Et vostre changement m'authorise à changer. Ce sont des sentimens que mon devoir m'ordonne, Je trahirois déjà le Roy que l'on me donne, Si par un lasche hymen⁎ je pouvois m'asservir A celuy dont le bras nous l'a [248] voulut ravir, Et si de mon devoir aujourd'huy peu jalouse, De son propre ennemy je devenois l'épouse. Il peut vous pardonner au lieu de vous punir ; Mais de vostre attentat je me dois souvenir, Et malgré ses bontez à vos desirs cruelle [249], Par ma rebellion luy demeurer fidelle. Je sçay qu'avec tant d'art vous l'avez sceu cacher ; Qu'on paroist comme injuste à vous le reprocher ; Mais je sçay bien aussi qu'un frere magnanime, Mesme par son pardon présuppose le crime, Et d'ailleurs que pour vous un pere rigoureux, De vostre abaissement vous fait un sort honteux. Arbitre de ses fils, cét équitable pere, Où le droict est égal à la vertu⁎ deffere [250]. Il veut feindre pour vous, mais l'amour paternel Nommant son successeur nomme le criminel. Et sur le front de l'un la Couronne affermie, Le couvre enfin de gloire, et l'autre d'infamie. J'en crois donc ce qu'il pense et dois plus l'écouter ; Plus l'amour fait effort à m'en faire douter [251]. Pour me cacher en vous ce que j'y voy d'aymable, Je dois vous regarder seulement en coupable, Opposer vostre crime à mes vœux les plus doux, Et par l'horreur du crime en concevoir pour vous. PHARASMANE. C'est vouloir retrancher des effets de ma grace⁎, Que de luy reprocher un forfait qu'elle efface. ARSACE. Que ces fausses couleurs de generosité⁎ Ont peine à déguiser vostre infidelité ! Je la connoy, Madame, et voy vostre esperance⁎ [252] ; Mais enfin mon respect m'impose le silence, Et quoy qu'à ma douleur inspire mon couroux⁎, Je remets à mon frere à me venger [253] de vous.  Je vais à vostre sœur avecque mon hommage Rendre de mon respect ce premier témoignage, Et me justifiant de mon refus passé, M'arracher aux remors dont je me sens pressé. ### SCENE V. MEDONIE, PHARASMANE. MEDONIE. Est-ce ainsi que pour moy vostre amour s'interesse⁎ ? PHARASMANE. C'est ainsi que contraint d'espouser la Princesse, Par mon frere je veux devenir vostre espoux, Et vous unir à luy pour m'attacher à vous. Que puis-je faire plus ? MEDONIE.         Estre à moy par vous-mesme ; Car que ne peut l'amour en un pouvoir supresme, Empeschant qu'à vos vœux on ne fasse la loy, Témoignez en effect qu'on vous a nommé Roy, Fuyez le des-honneur de vous laisser contraindre, Et devant estre craint, ayez honte de craindre. PHARASMANE. Subir en les donnant la contrainte des loix, Et craindre d'estre injuste est la gloire des Roys : Lors que l'on fait en moy regner le droict d'aisnesse, Dois-je l'assujettir moy-mesme en la Princesse ? Faisant plus que le Roy ne s'est jugé permis, Vous soûmettray-je ainsi l'arbitre de ses fils ? Celle qu'il m'a choisie et pour femme et pour Reyne ? Et dont luy-mesme encore il fait sa souveraine ? Non, non, je suis amant⁎, mais Monarque en ce jour ; Je dois tout à ma gloire, et rien à mon amour. MEDONIE. Ha ! Vous devez plûtost comme Roy magnanime, Proteger cet amant⁎ qu'en vous-mesme on opprime. N'avez vous pas preveu, pour m'aimer et regner, Que vous auriez enfin ma sœur à dédaigner ? Cependant aujourd'huy me serez vous contraire ? Ferez-vous moins pour moy que n'a fait vostre frere ? Il refusa ma sœur et d'en estre fait Roy, Refusez seulement la Princesse pour moy. PHARASMANE. D'un trop indigne prix son amour est suivie, Et je vous connois trop pour en avoir l'envie⁎. C'est avec beaucoup d'art que vous dissimulez, Mais vostre feinte esclatte au feu⁎ dont vous brûlez : Sans s'arrester à nous, il monte à la couronne, Et c'est pour l'acquerir que vostre amour se donne ; Vous nous avez aimez tant qu'un espoir douteux, Avec nostre esperance⁎ a partagé vos vœux ; Mais quand de mon rival la disgrace est certaine, Quoy qu'il vous soit fidelle, il est digne de haine, Et reçoit le mépris qui m'estoit destiné, Si pour m'en affranchir je m'estois couronné. J'ay feint jusques icy de ne le pas connoistre⁎ ; Mais mon sort a changé, je dois agir en maistre ; Et quittant⁎ des respects⁎ qu'on doit avoir pour moy [254],63 Témoigner en effect que l'on m'a nommé Roy. MEDONIE. Ouy le reproche est juste, et je dois y souscrire. J'aymois ce Prince et vous pour m'asseurer l'Empire ; Mais soûmise à tous deux par mon ambition, Je ne l'estois à vous que par affection⁎, Sans quitter un party, je m'attachois à l'autre, Je craignois son bon-heur et desirois le vostre, Je vous faisois l'object de mes vœux les plus doux, Et demandois aux Dieux de regner avec vous ; Ainsi par mon orgueil mon amour combatuë, En estoit esbranlée, et non pas abatuë ; Je vous manquois de foy sans infidelité, J'accordois l'inconstance avec la fermeté ; Mais plus elle eust d'ardeur, plus ma flame⁎ outragée, En un feu⁎ de couroux⁎ s'est aisément changée. Je cours à la vengeance, et loin de craindre un Roy, Un Roy pour ma victime est plus digne de moy: Aussi bien desormais confuse et méprisée De deux Princes trahis la haine et la risée, Et si loin de ce Trône ou je devois monter… Mais le Roy vient. PHARASMANE.         Qui fuit [255] n'est point à redouter. ### SCENE VI.64. LE ROY, PHARASMANE. LE ROY. Enfin vostre innocence avec le droict d'aisnesse, Vous asseure aujourd'huy le Sceptre et la Princesse. Car pour vous mon amour plus tendre et plus puissant, Prince deffend vos droicts et vous rend innocent ; Mais pour justifier⁎ [256] un Roy qui vous couronne, Servez-vous justement du pouvoir qu'il vous donne, Monstrez que la justice, aussi bien que mon sang, Vous esleve en mon cœur pour monter à mon rang. Si vous ne l'estes point, vostre frere est coupable, Comme vostre grandeur sa peine⁎ est equitable, Et si Roy contre vous j'ay deû le maintenir [257], Quand [258] vous estes son Roy vous le devez punir. Donc soûmis par le Sceptre à m'en faire justice, Comme j'ay fait du prix ordonnez du suplice, Et du foudre⁎ des Roys [259] vous armant contre luy, De le [260] lancer moy-mesme, espargnez-moy l'ennuy⁎. Devant partir des mains ou de l'un ou de l'autre, La mienne justement s'en remet à la vostre : La Nature⁎ dans [261] vous moins forte que dans moy, Vous y fera resoudre avecque moins d'effroy, Puis qu'un frere immolé par la rigueur d'un frere, La blesse moins qu'un fils immolé par un pere ; Par un autre interest⁎ vous y serez forcé, Vous serez plus severe estant plus offencé, En vous le souvenir de sa rage inhumaine, Au secours du devoir appellera la haine, Et témoin de son crime ordonnant son trépas⁎, La peur de vous tromper ne vous retiendra pas. PHARASMANE. Tout prest à faire voir… LE ROY.         Imposez-vous silence ; Et soit que par respect ou que par defferance⁎, Vous couriez à sa mort toute juste qu'elle est, Avant que d'y penser [262] n'en donnez point l'Arrest⁎. La justice à pas lents doit conduire au suplice, Et quand elle est trop prompte elle n'est plus justice. Acquerez-vous l'honneur par ce retardement, D'avoir comme à regret conclu son chastiment ; Et vous monstrant vous-mesme à vous-mesme contraire Soyez frere indulgent, et Monarque severe. (A Vologese.) Tandis que sur sa haine il se va consulter, Pour m'en instruire mieux, s'il l'a fait éclater, La Princesse par moy de son hymen⁎ pressée, Peut-estre à s'expliquer se trouvera forcée. ### SCENE VII. PHARASMANE. Non, non, tiens-toy cachée, ou pour paroistre au jour, Ma haine emprunte icy la forme de l'amour ; Trompe les yeux du Roy qui te flatte peut-estre, Et te livre un rival pour te pouvoir connoistre, Bien mieux par cét amour, où je me dois forcer, Je trouveray ce cœur que je luy veux percer ; Arsace si je viens pour flatter ton attente, De t'offrir ma faveur avecque ton amante⁎, Je te tiendray parole, et veux que mon pouvoir, T'esleve à ce bon-heur, mais pour t'en faire choir : Et qu'en toy ma faveur donnant prise à ma rage, Elle t'acquiere tout pour t'oster davantage. Mais voyons Médonie, et l'allons disposer Par de nouveaux mépris à vouloir l'épouser, Dédaignons son amour, et faisons qu'en son ame La colere allumée en esteigne la flame⁎. Tout mon bien en dépend : par cet hymen⁎ fatal⁎ Je me délivre d'elle, et combats mon rival, Je le rends plus suspect, par ses devoirs de frere, Je luy parois plus doux que le Roy ne l'espere, Et j'engage Araxie en perdant son amant⁎, A vouloir m'écouter plus favorablement : Allons donc adjoûter ce qui manque à ma gloire, Et faisons d'une seule une triple victoire. < Fin du quatriesme Acte. > ## ACTE V. ### SCENE PREMIERE. ARSACE, ARAXIE. ARSACE. Des fers⁎ [263] de Médonie estant donc dégagé, Je vous soûmets un cœur qui n'est point partagé, Et montre en mon amour, si grand dés sa naissance, L'effort impetueux de ma reconnoissance. Mais comme en un destin⁎ si triste et rigoureux, J'ose jusques à vous faire monter mes vœux : Punissez mon audace, et rendez-vous justice, Ordonnez que mes feux⁎ deviennent mon supplice, Et que de leur ardeur me laissant devorer, Je vous aime tousjours sans jamais esperer⁎. ARAXIE. Non, non, esperez tout. ### SCENE II. ARAXIE.         O ciel ! Quelle nouvelle, Arsace est repentant, et ma sœur infidelle, Je trouve mon vaincu dans mon propre vainqueur, Et ma rivale enfin dans ma perfide sœur ; Mais Vologese vient, et porte en son visage De quelque grand malheur le sinistre présage. ### SCENE III. ARAXIE, VOLOGESE. VOLOGESE. Ha ! Quelque grand qu'il soit, il [264] tremble seulement [265] Qu'il n'est de nos malheurs que le commencement ; Que je viens annoncer de grands sujets de plainte, Que vous allez prévoir de grands sujets de crainte. ARAXIE. Qu'est-ce ? VOLOGESE.         Un assassinat dont l'horreur me transit. ARAXIE. De cet évenement faites-moy le recit ; Souffrir⁎ est moins que craindre une peine⁎ infinie. VOLOGESE. Ayant ordre du Roy d'asseurer Médonie, Que comme il unissoit Pharasmane avec vous, Il vouloit luy donner Arsace pour espoux : J'allois l'en asseurer, et de cette nouvelle, Mesme avant son bonheur, faire un bonheur pour elle [266] ; Lors que je l'ay trouvée en son appartement : Mais helas… ## **ARAXIE.**.     Poursuivez. VOLOGESE.         Vous diray-je comment ? Un poignard dans le sein, assise et languissante, Elle n'estoit pas morte, et n'estoit pas vivante, Et monstroit dans ses yeux, qui ne se mouvoient plus ; Et d'ombre et de lumiere un meslange confus. A peine son visage empruntoit de son ame La mourante clarté⁎ d'un rayon de sa flâme⁎ ; Son cœur pourtant encor survivant à ses sens, Elle poussoit par fois des soûpirs⁎ languissans, Et proche du moment de son depart funeste, Prenoit congé par eux [267] de la clarté⁎ celeste, Tandis que Pharasmane à ses pieds estendu, Mesloit encor son sang, à son sang répandu, Et comme ayant horreur d'une mort si cruelle, La regardoit mourir pour mourir avant elle ; Et trop sensible ainsi, par la pitié pressé, Approfondir le coup dont il estoit blessé. ARAXIE. Pharasmane et ma Soeur ! O disgrace impréveüe ! VOLOGESE. Interdit et surpris⁎ à cette triste veüe, Pour leur donner secours, en vain je fais effort, Car mon estonnement⁎ m'est une courte mort [268] : Mais enfin m'arrachant à des peines⁎ si dures, Je fais entrer leurs gens, et fermer leurs blessures. Le Prince alors revient et recouvre à la fois, Contre notre esperance⁎ [269], et la force et la voix. Mais quoyqu'on s'en informe, et quoyque l'on luy dise Il nous cache l'autheur de cette perfidie ; Il demande son frere, il parle en sa faveur, Et veut avant sa mort le voir son successeur. ARAXIE. O funeste amitié. VOLOGESE.         Cependant la Princesse ; Par nos cris et nos soins revient de sa foiblesse [270] ; Mais ces moments de vie adjoûtez à son sort, Sont aussi-tost suivis du moment de sa mort ; Comme du Prince alors l'ennuy⁎ se renouvelle, Je commande aussi-tost qu'on le separe d'elle, Je laisse l'ordre aux siens d'observer sa douleur, Et donne advis au Roy de ce double malheur. Mais aussi-tost le Roy pour comble de disgrace, En impute le coup à la fureur⁎ d'Arsace, Et le soubçonnant seul, croit que son equité, Doit immoler ce Prince à sa severité : Opposez-vous, Madame, à ce dessein funeste ; Et lors qu'il perd un fils, sauvez celuy qui reste, Pour s'en plaindre avec vous, il vient ; mais le voicy. ARAXIE. Revoyez [271] Pharasmane, et la Princesse aussi. ## SCENE IV. ARAXIE, LE ROY. LE ROY. Princesse, enfin nos maux sont les crimes d'Arsace ; De nouveau sur son frere, il porte son audace, Et dans ses attentats la redoublant pour vous. Il vous oste une sœur, aussi bien qu'un espoux. ARAXIE. Qui l'accuse ? LE ROY.         Un témoin si grand, si magnanime ; Que par son indulgence il augmente son crime, Pharasmane l'accuse, en ne l'accusant pas ; Et voulant de ce traistre empescher le trépas⁎, Son silence fait voir à ma juste colere, Que dans son assassin, il protege son frere, Son amour le fait voir, lors qu'il veut le cacher ; Car quel autre à ce point luy pourroit estre cher ? ARAXIE. Mais il fait voir aussi sa haine en son silence, Qui fatal⁎ à son frere en cache l'innocence. LE ROY. Non, il demande Arsace, il parle en sa faveur ; Et veut avant sa mort le voir son successeur ; Mais desja par mon ordre on ameine ce traistre. O justice ! Ô rigueur ! Il est temps de paroistre ; Ostez-luy le secours qu'il peut trouver en moy, Et soûmettez son pere à son juge et son Roy : Combattez cette amour qui s'oppose à sa peine⁎, Dans la moitié d'un cœur dont il chasse la haine ; Et qui d'intelligence avec l'autre moitié, Y surmonte la haine avecque la pitié. ## SCENE V. LE ROY, ARAXIE, ARSACE. LE ROY. De crainte d'en rougir je t'ay déjà fait dire Tous mes soins jusqu'icy pour te donner l'Empire ; Mais comme j'ay plus fait que tu n'as merité, Seul je puis faire foy de cette verité ; Prince connois moy donc et pour mieux me connoitre ; En voyant quel je fus, vois quel je te dois estre. Je t'aimay par instinct dés que tu vis le jour, Mon estime depuis t'assura mon amour, Elle t'en fit un ample et peu juste partage, J'aimay moins ton aisné pour t'aimer davantage ; Fils ingrat, et toûjours pour te le voir soûmis, J'ay fait peut-estre plus qu'il ne m'estoit permis. Mais cét amour si grand de ton aveugle pere Est un bien usurpé qui retourne à ton frere, Et qui passant en luy me doit mieux exciter A punir l'assassin qui vient de me l'oster, Aprés ton vain effort pour t'immoler sa vie, Par ton bras mieux instruit se la voyant ravie [272], Il recouvre son pere et son affection⁎, Il me devient plus cher pour ta punition, Au moins si plus qu'un fils, j'ay pû cherir un traiste, Ma rigueur l'attaquant lors qu'il se fait connoistre, Pour m'en justifier⁎ fera voir noblement, Que je ne l'ay cheri que par aveuglement, Si ce fut honte à moy d'avoir esté ton pere, C'est ma gloire envers toy d'estre juge severe, Pour faire meconnoistre à la posterité Ton pere qui se change en un juge irrité. D'ailleurs à te punir tout l'Estat me convie, Il faut pour son bonheur qu'il t'en couste la vie, Je sauve mes sujets quand je te fais perir, Et croy les adopter [273] en te faisant mourir. Doncques de ma bonté n'espere point de grace⁎ ; j'en prononce l'Arrest⁎, tu vas mourir Arsace, Et quoy que dans ton frere il te reste un appuy, Tu vas mourir Arsace, et mourir avant luy. Je le vengerois mal, je serois mauvais pere. Si je te permettrois de survivre à ce frere. ARSACE. Ha ! Je n'appelle⁎ point de ce fatal⁎ arrest⁎, Et suis prest à mourir, puisque ma mort vous plaist, Quand vous me condamnez avant que de m'entendre ; Sire, vous m'ordonnez de ne me point desfendre, Et vous desobeïr ce seroit en effet, A ceux [274] dont on m'accuse adjoûter un forfait ; Mais il faut que ma mort soit un coup magnanime, Qu'il ne vous couste point de remors ny de crime, Qu'il parte de ma main en ce danger pressant, Que du trépas⁎ d'un fils il vous laisse innocent ; Ainsi vous me verrez sans faire une injustice, Et mort et tout ensemble affranchy du supplice, Exempt de vos rigueurs sans m'avoir pardonné, Et puny toutefois sans m'avoir condamné : Je vay donc à la mort ainsi qu'à la victoire, Puis qu'elle vous contente et desfend vostre gloire, Et vous laisse à juger en cette extremité [275],Dij ; 75 Si c'est ou desespoir, ou generosité⁎. LE ROY. Arreste ; qu'aisément ma rigueur se relache, Je condamne à mesme heure et veux sauver un lâche [276], Mais nul amour enfin ne me peut retenir, J'ay mon fils à venger et mon fils à punir, Et si l'amour s'oppose à ma rigueur extréme, Pour m'aider à le vaincre il se combat soy-mesme. ARAXIE. Ha ! Dans ce grand combat si l'amour n'est vainqueur, Qu'il ne succombe pas dessous vostre rigueur, Alors qu'elle menace une si chere teste, S'il ne la peut dompter que du moins il l'arreste, Plus le couroux⁎ est grand, moins on s'y doit regler ; Et son premier effect est de nous aveugler, N'estant plus irrité, vous douteriez peut-estre, Du crime qu'irrité vous presumez connoistre⁎, Et ce doute cruel d'un tourment infiny, Vous puniroit vous-mesme aprés l'avoir puny. Differez donc au moins pour averer son crime, Et si pour vous fléchir il faut une victime ; Sire, afin que mes vœux ne vous dérobent rien, Je répendray mon sang en échange du sien. LE ROY. Pour venger vostre sœur aussi bien que son frere, Loin de la ralentir excitez ma colere, Pour me resoudre mieux à voir finir ses jours, Je fais à ma justice emprunter son secours [277], Qu'il meure. ## SCENE VI. LE ROY, ARAXIE, ARSACE, VOLOGESE. VOLOGESE.         Soyez-luy juge plus équitable, Arsace est innocent, et son frere est coupable. ## **LE ROY.**. Pharasmane coupable ! ## **VOLOGESE.**.         Escoutez seulement, J'estois auprès de luy dans son appartement, Lors qu'estant adverty que contre toute attente Médonie est encore ou semble estre vivante, Je passe dans le sien et par un prompt secours, De leur terme fatal⁎ je recule ses jours. Et lors⁎ pour l'engager à le faire connoistre, Detestant l'assassin d'une femme et d'un maistre, Comme tel je luy dis qu'Arsace condamné A payer de sa teste est déjà destiné. A ces mots plus perçants que le coup qui la tuë, C'est à moy, c'est à moy, que la peine⁎ en est deuë. J'ay trahy, me dit-elle, et ma sœur et le Roy, J'ay trahy ses deux fils pour m'asseurer leur foy, Et pour regner par l'un à tous deux infidelle, J'ay fait regner sur eux ma flâme⁎ criminelle. Aujourd'huy trop aveugle en Pharasmane heureux, Me croyant eslevée au comble de mes vœux, J'ay dédaigné son frere, et moy-mesme abusée⁎, Aussi-tost de l'aisné me voyant méprisée, J'ay resolu leur mort, et sans plus balancer, Par celle de l'aisné j'ay voulu commencer. Luy mort j'ay presumé que la rigueur d'un pere Comme autheur de ce meurtre immoleroit son frere, Et qu'ainsi desormais entre le Trône et moy, Je verrois seulement la Princesse et le Roy, Qui sous le faix de l'âge estant prest à s'abatre, Ne me laisseroit plus que ma sœur à combattre ; Mais le Ciel⁎ équitable à mon espoir trompé, De ce mesme poignard dont je l'avois frapé, Pharasmane s'armant d'une atteinte mortelle, A fait justice à tous de cette criminelle. Courez le direau Roy, les Cieux⁎ ne m'ont permis De voir encor le jour, que pour luy rendre un fils, Et je serois en butte à toute leur colere, Si j'abusois⁎ ainsi de l'équité d'un pere, Elle expire à ses mots, et j'accours à l'instant, Sire, vous annoncer ce secret important. LE ROY. Ha ! Mon fils. ARSACE.     Ha ! Mon pere. ARAXIE.     Ha ! Mon Prince. ARSACE.         Ha ! Madame ; Enfin du criminel on découvre⁎ la trame. LE ROY. Rendons graces⁎ au Ciel⁎, qui propice à mes vœux, Dérobe à ma colere un fils si genereux⁎, Et contre un déloyal faisant agir la sienne, Vous rend vostre innocence et me laisse la mienne. VOLOGESE. Sire, le Prince vient, la fureur⁎ le conduit, De ce qui s'est passé l'on l'a sans doute instruit. ## SCENE DERNIERE. PHARASMANE, LE ROY, ARSACE, ARAXIE, VOLOGESE. PHARASMANE,. l'épée à la main. Mon crime est découvert, et ma peine⁎ arrestée ; Mais je ne mourray pas sans l'avoir meritée, Pere dénaturé voy mourir devant moy, Celuy dont par ma mort tu pretends faire un Roy. LE ROY,. se mettant au devant de luy. Arreste, ou fais encore un plus grand parricide. PHARASMANE,. tombant. Ma foiblesse s'entend avecque ce perfide, Elle retient mon bras, elle abaisse mon cœur Jusques à me soûmettre aux pieds de mon vainqueur Arsace, ne crains plus, la force m'abandonne, Et tombant, sur ton front j'éleve la Couronne. LE ROY. Enfin par tes transports⁎ tu découvres⁎ assez Ta noire perfidie et tes crimes passez ; Ce fut toy qui voulus attenter à sa vie, Et lors que ta blessure a vengé Médonie, Ta feinte de ce coup, le faisant soupçonner, Pour le faire perir, le vouloit Couronner. PHARASMANE. Je ne m'en deffends point, oüy, pour haster sa perte, J'ay fait agir la feinte aprés la force ouverte, A tes yeux de nouveau je l'ay mesme attaqué ; Mais si je me repens, c'est de l'avoir manqué : La mort estoit bien deuë à qui sur ma naissance Pretendit que la sienne obtint la preference, Qui courut vers le Trône où m'appelloient les loix, Et me rendis coupable en deffendant mes droits. Je te diray bien plus si tu le veux apprendre, Ta faveur l'ayant mis en estat d'y pretendre, A tes yeux j'ay voulu mesler son sang au mien ; Pour te percer le cœur en luy perçant le sien, Et goûter en sa mort cette double allegeance, Que de tous deux ainsi m'eust donné la vengeance : Si tu veux m'en punir plains toy de mon trépas⁎, Qui te reduit au point de ne le pouvoir pas. LE ROY. Ha ! Pour dernier excez d'une fureur⁎ si noire, Il te restoit encor d'attenter à ma gloire, Par un devoir contraire à tous deux partagé, Ce fut sans t'opprimer que je le protegé [278], Bien que d'un grand Empire et l'exemple et l'usage, Pour regner aprés moy lui donnast l'avantage, Je fus toûjours égal, ou n'accorday mes vœux Pour le bien de l'Estat qu'au plus digne des deux, J'en doutay par ton crime et le voulus connoistre⁎, Ce fut à ce dessein que je te fis son maistre : Je voulus t'éprouver, et crus que ta rigueur Pouvant tout dessus luy, découvriroit⁎ ton cœur ; Mais si je t'aimay moins, par ta fureur⁎ extréme, De ce manque d'amour tu m'excuses toy-mesme ; Tu montres que le Ciel⁎ avec election Dispensa ma faveur et mon adversion. Mais c'est perdre en discours le temps de ton suplice, A mes fils inhumain devant faire justice [279], Pour la rendre à ton frere et le venger de toy, Voy devant ton trépas⁎ que je le fais ton Roy. (À Arsace.) Ainsi par un effet de hayne et de tendresse⁎, Je t'accorde, mon fils, le Sceptre et la Princesse, Je te les vay donner, et par cette bonté T'oster le souvenir de ma severité. ARSACE. Seigneur… PHARASMANE,. en ouvrant sa blessure.         Il peut regner, mais ma blessure ouverte, Au point de sa grandeur precipitant ma perte, Je brave ta rigueur, et dans mon sort fatal⁎, J'auray le bien encor de mourir son égal, Puisque le seul moment que [280] je l'ay vû Monarque, De ma sujetion ne peut laisser de marque. ARSACE. Vivez… PHARASMANE.         Ha ! Que sans fart ne m'en fais-tu la loy [281], Je mourrois plus content de mourir malgré toy. Loin de perdre à regret une vie ennuieuse, Autant qu'à tout l'Estat à moy-mesme odieuse Et telle qu'à sa honte, on connoist⁎ aisément Qu'elle est d'un ennemy le bien-faict seulement [282], Je meurs avec plaisir pour moderer le vostre, Et je crois me venger et de l'un et de l'autre, Puisque mon desespoir coûte à mes ennemis, La perte toute ensemble et d'un frere et d'un fils. LE ROY. A ces tristes objets sa colere s'irrite, Et seule le soûtient quand son ame le quitte. Gardes, emportez-le. PHARASMANE.         Gardes n'en faites rien, Les troubler par ma veüe est mon unique bien. Pere injuste et cruel, qui cessant d'estre pere, Disposes à ton choix d'un Sceptre hereditaire, Rival qui criminel de me l'avoir osté, Me rends plus criminel de l'avoir disputé, S'il est des dieux vengeurs, la grandeur souveraine Ne sera pour tous deux qu'une source de haine, L'un des deux va connoistre⁎ en un rang plus abject, Que qui la [283] quitte Roy, la desire subject, Et l'autre redouter [284] plus esclave que maistre, Un sujet assez grand pour s'empescher de l'estre, Et s'armant, en un mot, contre son protecteur, Me rendre regretable à mon persecuteur. LE ROY. Que l'on l'oste, mon cœur à cette triste veüe Sent passer jusqu'à luy l'atteinte qui le tuë. PHARASMANE. Ha ! Que [285] ne puis-je donc pas par un nouvel effort, Me donner à tes yeux une seconde mort. (*On l'emporte*.) LE ROY,. à Arsace et Araxie. Mais avant que le Sceptre acquitte ma promesse, Donnez-moy tout ce jour pour vaincre ma tristesse, Vous croiriez me l'oster quand je vous l'offrirois, Si les larmes aux yeux je vous le presentois. < FIN. > # Annexes. ## Glossaire. *Dictionnaire français de Richelet* (Richelet), 1680. *Dictionnaire français de Furetière* (Furetière), 1690. *Dictionnaire de l'Académie* (Académie), première édition, 1694. *Trésor de la Langue Française Informatisé*, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm.Abuser– « user mal, user autrement qu'on ne doit » (Académie).v.1588 – « tromper, seduire » (Furetière)v. 497, 710, 1014, 1130, 1571Affection « amour, tendresse » (Richelet). « Passion de l'âme qui nous fait vouloir du bien à quelqu'un. On le dit de l'amour et de l'amitié » (Furetière).v. 7, 110, 1077,1290, 1489Amant / Amantecelui ou celle qui aime (Richelet).v. 118, 119, 139, 157, 286, 311, 424, 643, 657, 686, 742, 850, 993, 1181, 1261, 1264, 1356, 1369Appeler deporter sa cause devant le juge supérieur, comme ayant été mal jugé. (Académie). v. 755, 1509Arrestjugement ferme et stable d'une Puissance Souveraine (Furetière). v. 421, 658, 664, 755, 844, 1018,1054,1338, 1504, 1509Ciel / cieuxse dit de Dieu-même, de sa volonté, de sa providence et de sa justice. Au sens astrologique, il signifie les influences des astres (Académie et Furetière).v. 27, 196, 705, 725, 983, 1059, 1581, 1585, 1593, 1645Clarté / clartez– « lumière, splendeur » (Furetière). v. 1408, 1412– « se dit figurément des choses spirituelles » ; lumière de l'esprit (Furetière).v. 222, 521– voir la clarté : naître (Académie).v. 29Connaître– avouer, admettre (Académie).v. 65– reconnaître, « avoir dans l'esprit l'idée, l'image d'une chose, d'une personne ». (Académie). v. 574, 587, 780, 1004, 1031, 1201– savoir. (Furetière)v. 16, 167, 1066,1135, 1283, 1540, 1639, 1665, 1681– se connaître : « savoir vraîment qui on est, et qui sont les autres. » (Richelet)v. 467Courrouxcolère, en emploi poétique (Académie). v. 301, 577, 653, 825, 878, 978, 985, 1065, 1237, 1300, 1537Découvrir« faire connaître ce qui était caché » (Académie).v. 696, 705, 882, 1190, 1592, 1609, 1642Décevoirtromper. v. 710 : « déceu »Dédire« retracter sa parole & en manquer » (Furetière).v. 276Déférercéder, s'en remettre à.« defferer », v. 1067, 1081, 1220Déference « respect, soumission » (Furetière).« defferance », v. 1336Déplaisir« chagrin, tristesse que l'on conçoit d'une chose qui choque, qui deplaist » (Furetière).v. 812, 1085Destin« disposition ou enchaisnement de causes secondes ordonné par la Providence, qui emporte une necessité de l'évenement » (Furetière). Fatalité.– v. 1377« le sort particulier de chaque personne ou de chaque chose » (Académie).– v. 34, 298Également« de manière égale » (Furetière). v. 448, 599, 740, 759, 875, 914, 994Ennuytristesse, chagrin.v. 885, 1000, 1187, 1322, 1435Envie– « deplaisir que l'on a du bien d'autruy » (Académie). v. 200, 464 – « désir, volonté » (Académie).v. 404, 651, 1272à l'envi« avec emulation, à qui mieux mieux » (Académie). v. 456Esperance – « pretention mondaine qui nous fait attendre un bien que nous desirons » (Furetière).v. 36, 151, 181, 184, 1111, 1235, 1278– synonyme d'espoir, ce en quoi en espere (Académie).v. 1426Estonner– « causer à l'ame de l'émotion, soit par surprise, soit par admiration, soit par crainte » (Furetière). v. 502, 910– « se dit aussi des émotions des corps qui sont esbranslez et attaquez par quelque violence » (Furetière).« étonné », v. 493Estonnementépouvante, forte surprise, ébranlement (Académie et Richelet).v. 495, 1422Fatal« qui porte avec soi une destinée inévitable » (Académie). Signifie aussi malheureux.v. 443, 1071, 1173, 1365, 1460, 1509, 1558, 1657Fer/fers – épée.v. 483– au pluriel, désigne figurément « l'engagement dans une passion amoureuse » (Académie).v. 1373Feu/ feux – passion amoureuse.v. 1184, 1351– vivacité de l'esprit (Furetière).v. 222– « se dit figurément de l'ardeur et de la violence des passions et des mouvements impétueux de l'âme » (Académie).v. 351, 423, 1274, 1300, 1380Flâmeemploi poétique pour amour, la passion. v. 160, 215, 263, 291, 315, 335, 423, 995, 1299, 1364, 1408, 1568Foudre, n. m. et f.se dit figurément de la colere de Dieu, ou des Rois (Furetière). v. 1012, 1321Fureur– « Emportement violent causé par un dereglement d'esprit et de la raison. » (Furetière)v. 140, 219, 349, 355, 514, 655, 783, 835, 867, 1440, 1597, 1643– « passion démesurée » (Académie).v. 427, 464, 802, 898, 1631Généreux« qui a l'ame grande et noble, et qui prefere l'honneur à tout autre interest » (Furetière).v. 311, 332, 408, 781, 918, 1113, 1594Générosité« magnanimité, gandeur d'âme » (Académie). v. 5, 1233, 1526GesneTourment, torture, « peine ou affliction de corps ou d'esprit » (Furetière).v. 328Grâce– « plaisir, faveur » (Richelet).v. 200, 983, 1231– remerciement v. 43, 883, 1593 – « rémission que donne le Roy pour quelque crime commis » (Richelet). v. 576, 664, 859, 1503Heur, n. m.« bonne fortune » (Académie). v. 27, 1094, 1160Hymen / hymenéemariage, « n'a d'usage qu'en Poësie » (Académie). v. 208, 314, 319, 1147, 1174, 1185, 1205, 1347, 1365Interesser (s') – « prendre les interêts d'une personne » (Richelet).v. 921, 1082– « emouvoir, toucher de quelque passion » (Académie).v. 1068, 1243Interest– « ce qu'on a affection de conserver ou d'acquerir, ce qui nous importe soit dans nostre personne, soit dans nos biens. … se dit plus generalement de tout ce qui regarde le bien, la gloire, le repos, tant de l'Estat que des particuliers » (Furetière.)v. 113, 329, 667, 794, 1009, 1193, 1329 – « signifie quelquefois en Morale, Passion » (Furetière)v. 374 – prendre interest à quelqu'un l'affectionner, en prendre soin (Académie).v. 657– « la part qu'on prend en quelque chose, de sa deffence qu'on entreprend, de la protection qu'on luy donne » (Furetière).v. 1017Jourouverture qui donne bon espoir de la réussite d'une affaire (Furetière).v. 997Justifier – « absoudre d'une accusation » (Furetière). v. 546– « montrer que la chose dont on entreprend la défence n'est point criminelle » (Richelet).v. 1311, 1493Lorsalors (Richelet). v. 46, 104, 899, 1559Nature– « Se dit de l'action de la Providence qui agit en tous les corps. v. 79, 676, 877, 951, 1052– Se dit aussi d'une connaissance qui est née avec nous de ce qui est bon, ou mauvais, de ce qui nous sert, ou qui nous nuit » (Furetière)v. 1325Passion« mouvement de l'ame excité dans la partie concupiscible, ou dans la partie irascible … Il se prend plus particulierement pour l'Amour … signifie quelquefois l'affection qu'on a pour quelque chose que ce soit » (Académie). v. 167Party « parti est aussi un employ, une condition qu'on propose avec certains avantages, certaines conditions. » (Furetière).v. 216Peine– « chastiment, punition d'un crime » (Académie).v. 136, 337, 704, 816, 916, 1316, 1467, 1564, 1599– chagrin, souffrance.v. 104, 947, 1395, 1423Prévenirdevancer. v. 369, 403Quitter« Donner quittance, ou ne demander plus rien d'une dette » (Furetière).v. 1285Quoy « particule admirative » qui marque l'étonnement ou l'indignation (Académie).v. 299, 407, 713, 987Respects« Esgard, consideration … *Les respects humains.* » (Académie).v. 384, 1285Ressentiment– « Sentiment d'un mal qu'on a eu … souvenir des injures et désir de vengeance » (Académie)v. 569, 682, 821– « se dit figurément en Morale, des sentiments de l'ame, quand elle est émeuë de certaines passions » (Furetière).v. 647Souffrir– endurer (Académie). v. 357, 476, 1395– « supporter. Signifie aussi, ne pas s'opposer à la chose, la tolérer » (Furetière).v. 377Soûpirterme associé à la passion amoureuse et à l'expression de la souffrance : « respiration plus forte et plus longue qu'à l'ordinaire, causée souvent par quelque passion, comme l'amour, la tristesse, etc. » (Académie).v. 162, 209, 343, 1410Superbe« Orguëilleux, arrogant, qui s'estime trop, qui presume trop de luy » (Académie). v. 167Surprendreprendre au dépourvu (Académie).v. 340 461 862 1003Surpris– trompé, abusév. 551– pris au dépourvu, étonné.v. 317, 1420Tendresse – sensibilité à l'amitié, ou à l'amour. (Académie).v. 55, 344, 756, 880, 950, 1167– « ce mot signifie le plus souvent amour » (Furetière).v. 561, 839, 987, 1651TimideLâche, « foible, peureux, qui craint tout » (Furetière). v. 939, 971 Timidité caractère de ce qui est lâche, craintif, peureux.v. 965Transport Se dit aussi figurément en choses morales, du trouble ou de l'agitation de l'âme, par la violence des passions (Furetière).v. 353, 405, 1609Trépas « en poësie il se prend pour quelque mort que ce soit » (Académie).v. 325, 370, 388, 411, 421, 512, 549, 641, 669, 728, 1333, 1454, 1518, 1629, 1650Vertu– « Droiture de l'âme. Habitude de la volonté guidée par la raison » (Richelet) v. 92, 581, 616, 1051, 1053, 1056, 1092, 1220– « Force, vigueur tant du corps que de l'âme » (Furetière) v. 758, 1195 ## Bibliographie générale. ### Les sources. #### a) œuvres de Prade :. * *Prade*, Jean le Royer, *Arsace, roy des Parthes*, tragédie, Paris, Théodore Girard, 1666. * * Annibal*, tragi-comédie, Paris, Nicolas et Jean de la Coste, 1649. (sieur D. P). * * La Victime d'Estat, ou la Mort de Plautius Silvanus Preteur Romain*, tragédie, Paris, Pierre Targa, 1649. (sieur D. P.) #### b) œuvres contemporaines :. * *Corneille*, Thomas, *Camma, reine de Galatie*, tragédie, Paris, Augustin Courbé, 1661. * *Cyrano de Bergerac*, *Histoire comique de Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats et Empires de la Lune*, Paris, chez Charles de Sercy, 1657(BNF, Rés. p. Y2, 2969). * *La Grange**, Registre*, Archives de la comédie-française, Paris, J. Claye, 1876. * *Le Parasite Mormon*, s. l., s. n., 1650. * *Magnon*, Jean, *Artaxerxe*, tragédie, Paris, chez Cardin Besogne, 1645, Bibliothèque de l'Arsenal Rf : 6479 * *Quinault*, Philippe, *Amalasonte*, Wolfgang, Amsterdam, 1661. * *Quinault*, Philippe, *Les Coups de l'Amour et de la Fortune*, Paris, Guillaume de Luyne, 1655. #### c) Histoire ancienne :. * *Justin*, *Histoire universelle extraite de Trogue Pompée*, trad. Jules Pierrot et E. Boitard, Paris, éd. C. L. F. Panckoucke, 1733, tome 2, XLI et XLII. * *Plutarque*, Vie d'Artaxerxès, dans* La Vie des hommes illustres*, édition établie et annotée par Gérard Walter, trad. J. Amyot, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1951, tome II, chap. V. #### d) Poésie :. * *Aristote*, *La Poétique*, éd. M. Magnien, Paris, Le Livre de Poche classique, 1990. ### Instruments de travail :. #### a) Bibliographies et répertoires des auteurs et pièces de théâtre :. * *Cioranescu*, Alexandre, *Bibliographie de la littérature française du xvii*e* siècle*, CNRS éditions, 1965-1966 (3 vols.). * *Lachevre*, Frédéric, *Bibliographie des Recueils collectifs de Poésies publiées de 1597 à 1700*, Paris, Henri Leclerc, 1903, t. II. * *Lancaster*, Henry Carrington,* A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1929-1942 (5 part. en 9 vol.). * * Le Catalogue de la bibliothèque dramatique de M. de Soleinne*, catalogue rédigé par P. L. Jacob, bibliophile, Paris, Alliance des Arts, 1843-1845. * *Parfaict,* Cl. et Fr., *Histoire du théâtre français des origines jusqu'à présent*, t. X et XVIII, Paris, 1734-1749, 15 vol. ; Genève, Slatkine reprints, 3 vol., 1967. * *Riffaud*, Alain, *Répertoire du théâtre français imprimé*, Genève, Droz, 2009. #### b) Grammaire, ponctuation, linguistique :. * *Fournier*, Nathalie, *Grammaire du Français Classique*, Paris, Belin, 1998 ; rééd. Belin Sup., 2002. * *Haase*, Albert, *Syntaxe française du xvii*e* siècle*, Paris, Delagrave, 1935. #### c) Dictionnaires. * *Académie Française*, *Dictionnaire*, Paris, J.-B. Coignard, 1694 (2 vol.). * *Furetière*, Antoine, *Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts*, La Haye et Rotterdam, 1690. * *Richelet*, *Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, et plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise…avec les termes les plus connus des arts et des sciences*, Genève, J. H. Widerhold, 1680. (2 vol.). * * Le Petit Robert, Dictionnaire de la langue française*, 1967, rééd. 2000. ### Travaux critiques. #### a) Histoire, histoire des idées, histoire de la littérature :. * *Adam*, Antoine, *Histoire de la littérature française du xvii*e* siècle*, Paris, Albin Michel, 1996. * *Benichou*, Paul, *Morales du Grand Siècle*, Paris, Gallimard, 1948. * *Forestier*, Georges, *Introduction à l'analyse des textes classiques*, Paris, Armand Colin « coll. 128 », 1993, réed. 2012. * *Fukui*, Yoshio, *Raffinement précieux dans la poésie française duxvii*e* siècle*, Paris, Nizet, 1964. – *Van Hollebeke*, B. « Étude sur Molière. Molière et ses contemporains dans le Misanthrope… », *La Revue trimestrielle*, Paris, 1862. #### b) Histoire du théâtre et dramaturgie :. * *Aubignac*, François Hédelin,* La Pratique du théâtre*, Genève, Slatkine, 1996. * *Delmas*, Christian, *La Tragédie de l'âge classique,1553-1770*, Paris, Seuil, 1994. * *Forestier*, *Essai de génétique théâtrale. Corneille à l'œuvre*, Genève, Droz, 2004 première édition 1996. * *Forestier*, Georges, *La Tragédie française. Passions tragiques et règles classiques*, Armand Colin, « coll. U », 2010. * *Mazouer*, Charles, *Le Théâtre français de l'âge classique*, I et II, Paris, Champion, 2010. * *Scherer*, Jacques, *La Dramaturgie classique en France*, Nizet, s. d. 1950, réed. 1986. * *Vialleton*, Jean-Yves,* Poésie dramatique et prose du monde. Le comportement des personnages dans la tragédie en France auxvii*e* siècle*, Paris, Champion, 2004. #### c) Prade et ses relations :. * *Alcover*, Madeleine, « Le Bret, Cuigy, Casteljaloux, Bignon, Royer de Prade et Regnault des Boisclairs : du nouveau sur quelques bons amis de Cyrano et sur l'édition posthume des États et Empires de la Lune (1657) », Les Dossiers du Grihl En ligne, Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Libertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie, mis en ligne le 24 février 2009, consulté le 02 avril 2016. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/3414. * *Alcover*, Madeleine, « Éphémérides ou biographie sommaire de Savinien de Cyrano de Bergerac », *Les Dossiers du Grihl* En ligne, Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Libertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie, mis en ligne le 18 février 2010, consulté le 12 avril 2016. URL : http://dossiersgrihl.revues.org/3817 * *Cyrano de Bergerac*,* Les Etats et Empires de la Lune et du Soleil avec le Fragment de physique*, éd. Madeleine Alcover, Paris, H. Champion, 2004. * *Fabureau*, H., « Le Parasite Mormon »*, Mercure de France*, nº 1048 (déc. 1950). * *Factum pour Dame Marie de Roquetun-La Tour, Veuve de Messire Pierre Thibault, Chevalier Seigneur de la Boessiere, Intimée et Accusatrice*, Paris, Dame de la Boessiere, 1673. * *Lachèvre* Frédéric, *Les Œuvres libertines de Cyrano de Bergerac précédées d'une notice biographique*, t. I, Paris, Honoré Champion, 1921. * Henry *Le Bret*, Cyrano *de Bergerac*, Charles *Dassoucy*, Charles *Nodier*, Théophile *Gautier*, Paul *Lacroix*, Remy *de Gourmont*, *Cyrano de Bergerac dans tous ses états*, éd. Laurent Clavier, Toulouse, Anacharsis, 2004. * *Margoulies*, Gilles, « Corneille, Bréboeud et le Prade », *Revue d'histoire littéraire de la France*, tome trente-cinquième, 1928, Paris, Armand Colin, p 397-400. * *Molière*,*Le Festin de Pierre*, dans *Œuvres complètes*, t. II, éd. Georges Forestier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010, p. 1638 et n. 1. ------- [1] Jean Loret, *La Muse historique*, Paris, Chénault, 1656-1665. Jean Loret a tenu des comptes rendus sur la vie de cour et les spectacles entre les années 1650 et 1665. [2] « Savinianus de Cirano de Bergerac Nobilis Gallus ex Icone apud Nobiles D. Domin. Le Bret et De Prade Amicos ipsius antiquissimos depicto. » Les relations entre Le Bret et Prade sont quant à elles attestées par une reconnaissance de dette signée en 1650, dette de 3842 livres que Prade ne remboursa à Le Bret que sept ans plus tard (cf. Madeleine Alcover, « Le Bret, Cuigy, Casteljaloux, Bignon, Royer de Prade et Regnault des Boisclairs : du nouveau sur quelques bons amis de Cyrano et sur l'édition posthume des *États et Empires de la Lune* (1657) », *Les dossiers du Grihl* en ligne, Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Libertinage, athéisme, irréligion. Essais et bibliographie. Url : http://dossiersgrihl.revues.org/3414). Un tel délai s'explique en partie par les fortes sommes que Prade eut à débourser entre 1649 et 1654, en faisant publier cinq volumes in‑4º. [3] Henri Le Bret, préface, *Histoire comique, contenant les Etats et Empires de la Lune*, Paris, Charles de Sercy, 1657. [4] * Histoire comique, contenant les Etats et Empires de la Lune*, Paris, Charles de Sercy, 1657. [5] L'attribution de la préface des *Œuvres poétiques* à Cyrano vient de Pierre-Antonin Brun (1858-1915) et repose sur la signature de cette préface : S. B. D. désignerait Savinien Bergerac Dyrcona, Dyrcona étant le héros de *Histoire comique des États et Empires de la Lune*, œuvre posthume de Cyrano. [6] Préface des *Œuvres Poétiques*, Paris, Pierre Targa, 1650. [7] « Voicy une restitution qu'un de vos meilleurs amis m'a chargé de vous faire ; et quelque chagrin que vous ait pu donner le larcin qu'il vous a fait de Vostre Arsace, je pense que vous devez estre satisfait de la maniere dont il le repare, puis qu'il vous le rend à milliers pour un seul qu'il vous a pris. » Préface d'*Arsace*, Paris, Théodore Girard, 1666. [8] La Grange,* Registre*, Archives de la comédie-française, Paris, J. Claye, 1876, p. 48. [9] Henry Le Bret, Cyrano de Bergerac, Charles Dassoucy, Charles Nodier, Théophile Gautier, Paul Lacroix, Remy de Gourmont, *Cyrano de Bergerac dans tous ses états*, éd. Laurent Calvié, Toulouse, Anacharsis, 2004, p. 60, n. 35. [10] « Biographie de Cyrano », dans Cyrano de Bergerac, *Les Etats et Empires de la Lune et du Soleil* (avec *Le Fragment de physique*), éd. Madeleine Alcover, Paris, Honoré Champion, 2004, p. LI. [11] Ce sont les termes employés par le littérateur du xviii*e* Monmerqué que cite Madeleine Alcover dans sa biographie de Cyrano,* ibid.*, p. LI, n. 67. [12] Yoshio Fukui, *Raffinement précieux dans la poésie française du XVII *e* siècle* thèse, Paris, Nizet, 1964. [13] * Ibid*., p. 263. [14] Préface des *Œuvres poétiques, op. cit.* [15] Frédéric Lachèvre, *Les Œuvres libertines de Cyrano de Bergerac précédées d'une notice biographique*, t. I, Paris, Honoré Champion, 1921, p. XLVIII. [16] M. Alcover, « Biographie de Cyrano », art. cit., p. LXII. [17] Y. Fukui, *op. cit.*, p. 253. [18] M. Alcover, « Biographie de Cyrano », art. cit., p. XLVI, n. 61. [19] Molière, *Le Festin de Pierre*, dans *Œuvres complètes*, t. II, éd. Georges Forestier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010, notice. [20] * Ibid*., n. 1. [21] *Ibid.*, I, 2, p. 37. [22] H. Fabureau, « Le Parasite Mormon »*, Mercure de France*, nº 1048 (déc. 1950), p. 146-147. [23] M. Alcover, « Biographie de Cyrano », art. cit., p. XLVI, n. 61. [24] * Factum pour Dame Marie de Roquetun-La Tour, Veuve de Messire Pierre Thibault, Chevalier Seigneur de la Boessiere, Intimée et Accusatrice*, Paris, Dame de la Boessiere, 1673. [25] * Ibid.*, p 159. [26] Y. Fukui, *op. cit.*, p. 285. [27] Antoine Furetière, *Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts*, La Haye et Rotterdam, chez Arnout et Reinier Leers, 1690. [28] Henry Le Bret, *et al., Cyrano de Bergerac dans tous ses états, op. cit.*, p. 194. [29] * Le Trophée d'armes héraldiques, ou la science du blason*, Paris, Lacoste, 1650. [30] Dans la seconde édition de 1677 de son *Discours du tabac* de 1668 qui prend le nom d'*Histoire du tabac : où il est traité particulièrement du tabac en poudre*, un acte d'approbation à la réimpression du traité sous le vrai nom de Prade est signé notamment par Jean Armand de Mauvillain, doyen de la Faculté de Paris entre 1666 et 1668 et ami de Molière. [31] Alexandre Cioranescu, *Bibliographie de la littérature française du xvii*e* siècle*, Paris, CNRS éditions, 1965-1966, vol. 2, p. 1278. [32] Y. Fukui, *op. cit.*, p. 260. [33] Préface, Histoire comique de Monsieur de Cyrano Bergerac, contenant les Estats et Empires de la Lune, Paris, chez Charles de Sercy, 1657. [34] Frères Parfaict, *Histoire du théâtre français des origines jusqu'à présent*, 1734-1749, tome XVIII, p. 154-155. Ils citent le revers du frontispice d'une réimpression des *Poëmes Dramatiques de M. Scarron*, in-4º,Paris, 1679. [35] H. C. Lancaster, *A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century*, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1929-1942, t. III, p. 431. [36] « *It seems probable, therefore, that he was the first of the three to invent the situation and that he passed the suggestion both to Quinault and to Thomas Corneille* » H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 461. [37] Gilles Margouliès, « Corneille, Brébeuf et Le Royer de Prade », *Revue d'histoire littéraire de la France*, t. 35, 1928, p. 397- 400. [38] Le sonnet signé Corneille apparaît dans *La Vie de damoiselle Élisabeth Ranquet*, de Thomas Fortin, (1655), puis signé Brébeuf dans *Poésies diverses (*1658), cf. G. Margouliès, art. cit. [39] É. Faguet, M. Harmand et F. Lachèvre ont étudié la question dans *Bibliographie des Recueils collectifs de Poésies publiées de 1597 à 1700*, t. II, Paris, H. Leclerc, 1903, p. 423-425. Ils y ont établi une bibliographie de Prade. [40] Jean Le Royer de Prade, *La Victime d'Estat, ou la Mort de Plautius Silvanus, preteur romain*, Paris, Pierre Targa, 1649, V, 6, p. 82. [41] La Grange, *Registre*, archives de la Comédie-Française, Paris, J. Claye, 1876, p. 48-49. [42] B. Van Hollebeke, « Étude sur Molière. Molière et ses contemporains dans le Misanthrope… », *La Revue trimestrielle*, vol. 34, 1862, p. 309 : « Mais parmi toutes ces allusions, perdues pour nous, le temps n'en a épargné qu'une seule, celle qui nous montre, dans le mystérieux Timante, Saint-Gilles, l'antagoniste de la Fontaine. » [43] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 461. [44] Abbé F. de La Mothe Le Vayer, *Le Parasite Mormon*, s. l., s. n., 1650, p. 144. [45] Mais il est impossible, contrairement à ce qu'affirme l'avis au lecteur, que « Rotrou … ait publié dès l'année 1653, l'estime » qu'il en faisait, puisqu'il était déjà mort depuis 1650. [46] Antoine Adam, *Histoire de la littérature française du xvii*e* siècle*, t. II, Paris, Albin Michel, 1996, p. 612. [47] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 431. [48] Justin, *Histoire universelle extraite de Trogue Pompée*, trad. Jules Pierrot et E. Boitard, Paris, C. L. F. Panckoucke, 1833, t. 2, XLII, p. 301. [49] « Tel fut le respect des peuples pour Arsace, qu'ils ont donné depuis le nom d'Arsace à tous leurs rois. » (*ibid.*, XLI, p. 293). [50] *Ibid.*, XLII, p. 309. [51] Charles Mazouer, *Le Théâtre français de l'âge classique*, t. II, Paris, Honoré Champion, 2010, p. 257. [52] Justin, *op. cit.*, p. 309 : « Mais le destin des Parthes, dont le trône est presque toujours occupé par des rois parricides. ». [53] * Ibid*., t. 1, II, p. 65. [54] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 461-462 : « *Moreover, the question wheter a king's oldest son should succeed, rather than the oldest among those born to him after he became king, is not Prade's invention, for it had already used by Magnon, who had taken it from Plutarch* ». [55] Jean Magnon, *Artaxerxe*, tragédie, Paris, chez Cardin Besogne, 1645, Bibliothèque de l'Arsenal Rf : 6479. [56] Plutarque, *Vie d'Artaxerxès*, dans* La vie des hommes illustres*, éd. Gérard Walter, trad. J. Amyot, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1951, t. II, p. 955-957. [57] François Le Métel de Boisrobert,* Le Couronnement de Darie*, Paris, Toussaint Quinet, 1642. [58] *Artaxerce*, v. 22-32 : Mon père fut fait roi par un commun suffrage : La Perse me vit né dans le premier état, Mon frère vit le jour dans ce nouvel éclat, Parisate en tira l'avantage de Cire, Qui sous cette couleur prétendit à l'Empire, Qu'il était fils de roi, moi celui d'un sujet. Mes enfants aujourd'hui raniment ce projet, Si Darie étant né du vivant de mon père Le voit renouvelé du côté de mon frère, Puis qu'Ochus qui m'est né depuis que je suis roi Forme le différent que Cire eut contre moi : [59] * La Dramaturgie du théâtre classique en France*, Paris, Nizet, 1986 1*re* éd. 1950, p. 29. [60] Georges Forestier, *La Tragédie française. Passions tragiques et règles classiques*, Armand Colin, « coll. U », 2010, p. 205. [61] * Ibid.*, p. 204. [62] * Ibid*., p. 314-315. [63] Aristote, *Poétique*, 14, 1453b, p. 19-21. [64] G. Forestier, *op. cit.*, p. 123. [65] C. Mazouer, *Le Théâtre français de l'âge classique, op. cit.*, t. II, p. 255. [66] J. Scherer, *op. cit.*, p. 367. [67] « Vraisemblable », Pierre Richelet, *Dictionnaire de la langue françoise, ancienne et moderne*, t. 2, Lyon, Pierre Bruyset-Ponthus, 1759. [68] François Hédelin d'Aubignac, *La Pratique du théâtre*, Paris, Antoine de Sommaville, 1657, p. 43. [69] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 462 : « *Médonie's murderous state of mind is insufficientlty prepared for* ». [70] J. Scherer, *op. cit.*, p. 373. [71] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 462. [72] Jean-Yves Vialleton, *Poésie dramatique et prose du monde. Le comportement des personnages dans la tragédie en France au xvii*e* siècle*, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 43. [73] J. Scherer, *op. cit.*, p. 438. [74] J. Scherer, *op. cit.*, p. 414-415. [75] G. Forestier, *op. cit.*, p. 8. [76] Pierre Corneille, examen de *Clitandre*, 1660, en ligne : www.théâtre-classique.fr. [77] D'après le site www.theatre-classique.fr. [78] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 462. [79] Christian Delmas, *La Tragédie de l'âge classique,1553-1770*, Paris, éd. du Seuil, 1994, p. 166. [80] *Ibid.*, p. 171. [81] Cf. v. 877 : « Princesse à vos raisons la nature s'émeut ». [82] C. Delmas, *op. cit*., p. 155. [83] « Ce sont les passions qui poussent à faire, tout en empêchant de faire, entraînant émotion et incertitude chez le spectateur » G. Forestier, *op. cit.*, p. 240. [84] * Discours de l'utilité et des parties du poème dramatique* dans *Œuvres complètes*, t. III, éd. Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1987, cité par G. Forestier, *op. cit.*, p. 124. [85] G. Forestier, *op. cit.*, p. 247. [86] C. Delmas, *op. cit.*, p. 168. [87] P. Bénichou, *Morales du grand siècle*, Paris, Gallimard, 1948, p. 28. [88] G. Forestier, *op. cit.*, p. 274 [89] J. Scherer, *op. cit.*, p. 21. [90] G. Forestier, *Essai de génétique théâtrale. Corneille à l'œuvre*, Genève, Droz, 2004 1*re* éd. 1996. [91] H. C. Lancaster, *op. cit.*, p. 462 : « *Arsace alone of the four has nothing of the Parthians about him.* ». [92] P. Bénichou, *op. cit.*, p. 17. [93] G. Forestier, *Passions tragiques et règles tragiques, op. cit*., p. 8. [94] J.-Y. Vialleton, *op. cit.*, p. 614. [95] *Ibid*., p. 639. [96] * Ibid*., p. 282. [97] Cf. v. 302, « Tu ne le peus ingrat ». [98] J.-Y. Vialleton, *op. cit.*, p. 122. [99] G. Forestier, *op. cit.*, p. 242. [100] *Ibid.*, p. 266. [101] « Se loüer de quelqu'un » : « être satisfait, être content d'une personne » (Richelet). [102] Imprimeur libraire, mort en 1697, il imprima entre autres les œuvres de René Descartes et Jean Racine. [103] Il s'agit sans doute des pièces de Quinault et de Thomas Corneille ; se reporter à la note 6. [104] Publié, édité (d'après le *dictionnaire de l'Académie*). [105] À l'exception de Follefeuille, qui est sans doute un pseudonyme, tous ces noms figurent dans l'entourage de notre auteur, et se réfèrent à des hommes de lettres, dramaturges et poètes pour la plupart, qui semblent avoir formé une « côterie prétendue philosophique » selon le littérateur du xviii*e* Monmerqué. Abel de Sainte Marthe (1626-1706) fut garde de la bibliothèque royale de Fontainebleau. Roland le Vayer de Boutigny, écrivain et avocat (1627-1685) était le cousin de l'abbé de la Mothe le Vayer (1627-1664), qui publia *Le Parasite Mormon*, (1650), œuvre de plusieurs auteurs dont Prade et Savinien Cyrano de Bergerac. Henry Le Bret, chanoine et avocat mort en 1710, formait un trio amical avec Cyrano et Prade. Georges de Scudery (1601-1667) était romancier, dramaturge et poète. Jean Rotrou (1609- 1650), célèbre dramaturge, composa des stances pour Prade qui accompagnent ses œuvres* Poétiques.* Pierre du Ryer, (1605-1658), était dramaturge et historiographe. Jacques Pousset de Montauban (1610-1685), poète tragique, était avocat au Parlement. Charles Beys (1610-1659, dramaturge et poète, composa un sonnet pour louer son ami Prade. [106] Philippe Quinault (1635-1688) et Thomas Corneille (1625-1709), dramaturges et librettistes. D'après H. C. Lancaster, *op. cit.*, une tragédie de Quinault, *Amalasonte* (1658), et une de Corneille, *Camma* (1661), s'inspireraient d'*Arsace*, ce qui est vraisemblable si on s'appuie sur la préface de notre pièce ainsi que d'autres documents permettant d'attester qu*'Arsace* était achevée dès 1650. [107] L'auteur fait référence au livre 42 de l*'Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée*, de Justin, historien romain du ii*e* siècle, qui résuma l'œuvre de Trogue-Pompée, contemporain d'Auguste. On lit en effet dans la traduction de 1733 du texte de Justin par J. Pierrot et E. Boitard, « Artaban, oncle paternel de Phrahate, fut fait roi à sa place ». [108] Il n'est pas question d'un Phradate dans les traductions de l'ouvrage de Justin : la plupart notent « Phraate ». Nous trouvons aussi le mot orthographié en « Phrahate ». Toutefois, en atteste l'emploi courant au théâtre à l'époque de Prade, d'un personnage nommé Phradate (notamment par Corneille dans *Suréna*), le mot semble avoir été écrit volontairement ainsi par l'auteur de notre pièce, probablement pour des raisons d'euphonie. [109] Il existe de nombreuses villes fondées par la dynastie des Séleucides répondant à ce nom, mais il pourrait s'agir de Séleucie du Tigre, ville marquée par l'empire des Arsacides et qui fut le lit de conflits entre les Parthes et les Romains. [110] Diérèse : le mot compte pour quatre syllabes (idem v. 112). On relève le même type de diérèse en *-ion* dans les vers suivants : » ambition » (v. 49, v. 109, 163, 263, 523, 802, 892, 987, 1015, 1078, 1289), « rebellion » (v. 50, 1212), « soumission » (v. 136), « passion » (v. 167), « adversion » (v. 337, 665, 1646), « punition » (v. 338, 666,717, 1490), « confusion » (v. 338), « discretion » (v. 707), « conviction » (v. 718), « action » (v. 1010), « affection » (v. 110, v. 1077,1290, 1489), « election » (v. 1645), « sujetion » (v. 1660). [111] Le pronom désigne le trône, cité au vers 2. [112] Comprendre : le roi préfère léguer son règne de son vivant plutôt qu'à sa mort, désignée par « mon triste sort ». [113] « Y » désigne l'Empire, évoqué deux vers plus tôt (v. 11). En français classique et jusqu'au xviii*e* siècle, la montée des clitiques de toutes catégories devant le verbe recteur, comme au vers suivant « si je les veux sauver » vers tant, est courante (Nathalie Fournier, *Grammaire du français classique*, Belin, Paris, 2002, p. 80). Le phénomène est récurrent dans la pièce. [114] Variante graphique imposée par la prosodie : le mot compte pour trois syllabes. L'emploi de cette variante est récurrent dans la pièce. [115] Ce substantif masculin, signifie « bonne fortune » (Académie). [116] * Ciel* : se dit de Dieu, de la Providence ou de la justice divine (Académie). [117] La construction du verbe *attendre* avec la préposition *« à »* est rare ; elle n'apparaît dans aucun des dictionnaires de l'époque, et d'après la *Grammaire du Français Classique, attendre* est fixé dans une construction en « *de* + infinitif ». (cf. *GFC*, p. 65). [118] La Perse fut conquise par les Parthes au iii*e* s. avant J.-C., sous Arsace I*er*. [119] Variante graphique de *lorsque* ; emploi récurrent dans la pièce. [120] Le pronom reprend « la voix d'un arbitre », deux vers plus haut (v. 39). [121] « Le mot est vieux et en sa place on dit alors » (Richelet). [122] * Mander* : ici, convoquer, enjoindre de venir (Furetière). [123] Cette forme correspondant en français moderne, au participe « due », est dérivée de l'infinitif latin, *debere*, devoir. [124] * Vers vous* : comprendre « envers vous », se rapporte à « mes faveurs et mon amour extrème », au vers précédent (v. 63) [125] Le Diadême désigne le règne. « Le prix du Diadème » signifie que le Roi a mérité, par tous ses soins envers Araxie, le pouvoir. Le mot, en diérèse, compte pour trois syllabes ; (idem v. 265). [126] Connaître a ici le sens d'admettre, reconnaître (d'après Furetière). [127] Le Roi dit ici à Araxie qu'il ne veut pas choisir pour ne pas aller à l'encontre de ses vœux. [128] Comprendre : et de quelque manière que la nature s'efforce d'agir sur moi. [129] Son amour sera fâcheux pour celui à qui il ne sera pas donné. [130] On croira l'un des deux digne de mon Empire. La construction est passive sans doute pour mettre en relief « l'un des deux », placé ainsi en début de vers. [131] * Promettre* : « on dit quelquefois se promettre, pour dire, esperer. » (Académie). Comprendre : tous deux doivent mettre tout leur espoir en ce choix. [132] *Brillans* : adjectif et substantif : « qui a un grand éclat » (Académie). Désigne aussi un diamant taillé à facettes (d'après Académie). Le pronom possessif se rapporte à la couronne de la reine. [133] Diérèse : le mot compte pour quatre syllabes. On retrouve le même type de diérèse en ‑*ieux/se* v. 120, 197, 1376 (« impetueux »), 1664 (« odieuse »). [134] Comprendre : il veut le devoir à lui seul et non à quelqu'un. [135] À propos de l'emploi de ce « en » à l'aspect explétif, on note dans la *Grammaire du français classique, op. cit.* : « en » et « y » « jouissent d'une grande liberté fonctionnelle en français classique ; « en » n'est pas seulement paraphrasable par *de* + nom, ni *y* par *à* + nom, ils peuvent exprimer des rapports syntaxiques et sémantiques très divers » (p. 200). Les nombreuses occurrences de ce « en » dans la pièce (v. 148, 211, 276, 324, 340, 430, 455, 493, 595, 749, 1052, 1193, 1408, 1468 ; idem pour « y » v. 656) manifestent qu'il s'agit sans doute d'une coquetterie de style de la part de l'auteur. [136] * Peine* a ici le sens de « chastiment, punition d'un crime » (Académie). [137] Sur l'emploi de « dessus » pour « sur » est courant dans la pièce et en français classique, comme le montre l'exemple cité à l'entrée « dessus » dans le Furetière de 1690 : « Il faut estre plusieurs années dessus les bancs, avant que d'estre Bachelier en Medecine ». [138] * Épuré* : « noble et détaché de tout interêt » (Académie). [139] « La naissance » est le sujet du verbe conjugué « me soumit ». Allusion à l'aînesse d'Arsace. [140] Le pronom est mis pour « une couronne » au vers 195. [141] * Arrêter* : ici, fixer (d'après Richelet). [142] Arsace est asservi par les sentiments qu'il éprouve en secret pour Médonie. [143] Ici, la « flâme » n'est que feinte. [144] L'expression fait allusion à l'union de Médonie et de Pharasmane contre Arsace. Mais compte tenu du langage amoureux, il peut s'agir aussi d'une syllepse de sens avec l'une des définitions du mot « party », à savoir : « une personne à marier » (Académie). [145] * Feu* : « se dit figurément de l'ardeur, de la violence des passions et des mouvements impétueux de l'âme » (Académie). [146] Comprendre : soyez assurés de mon assistance. [147] Aujourd'hui on corrigerait par « fuyais », mais à l'époque de notre pièce, l'emploi de la terminaison en -rait avec une proposition introduite par si était possible. [148] Graphie ancienne du verbe *avouer*. [149] En français moderne, on placerait l'adverbe à la fin du vers : « me traitoit de sujet en vous-mesme seulement. » Comprendre : « et je vous punirois si vostre orgueil extresme » (v. 242) me traitait de sujet rien qu'en votre for intérieur, le pensait sans le dire. [150] « Puis que » : ici, variante graphique de puisque. On retrouve la même variante v. 325, 402, 558, 670, 908, 1327, 1525. [151] Sur les Parthes, cf. v. 251 : « j'ai les Parthes pour moi ». [152] Dès lors que. [153] Comprendre : je vous rends votre cœur, qu'il soit entièrement à vous avant d'être à Araxie. [154] Vous fera revenir sur vos paroles. Allusion au v. 274 : « Regnez avec ma sœur et me laissez mourir ». [155] * Pouvoir* « s'emploie aussi activement » (Académie). [156] *Quoy* est parfois « particule admirative, et sert a marquer l'estonnement, l'indignation » (Académie) [157] Diérèse : le mot compte pour trois syllabes (idem v. 1087). [158] Diérèse : le mot compte pour deux syllabes. [159] Les lois du père (cf. « ton pere » v. 317). [160] * Dérober* a ici son sens premier : prendre le bien d'autrui à son insu (d'après Aca). [161] Le pronom reprend « amour, pitié, tendresse » du v. 344. [162] Le pronom singulier désigne Araxie. [163] * Transport* : « se dit figurément des passions » (Académie). [164] * Icy* est aussi adverbe de temps (d'après Furetière). [165] * Encore* : « de plus » (Furetière). [166] Comprendre : mon esprit est d'autant plus irrité que je t'aime. [167] * Prévenir* : « aller au devant d'une chose et en détourner ce qu'il en pourroit arriver de fâcheux » (Richelet). [168] En français classique, l'adverbe *où*, en emploi intégratif, s'emploie seul, comme dans le vers de Corneille : « Le choix est inutile, où les maux sont extrêmes. » (*Théodore*, 771, d'après Fournier, *la Grammaire du français classique*, p. 211). [169] Emploi courant au xvii*e* siècle, d'après Richelet : « conjonctive qui régit l'infinitif, ou le subjonctif ». [170] Variante graphique imposée par la prosodie : le mot compte pour deux syllabes. Procédé courant tout au long du texte. [171] Variante graphique : le mot compte pour deux syllabes, on retrouve le même procédé v. 461, 964, 965, 1503. [172] *Genereux* : noble de cœur, magnanime (d'après Académie). [173] Et témoignez ainsi, jaloux de ma gloire. [174] * Forfait* : crime. Le mot est récurrent dans la pièce pour désigner la tentative de fratricide. [175] Sous-entendu, immoler à la haine. [176] Synonyme de diadème (d'après Académie). [177] Le possessif renvoie à « mort » par cataphore. [178] * Également* : « de manière égale » (Furetière). Le second sens qu'on donne aujourd'hui, *aussi*, n'est pas encore attesté dans les dictionnaires du xvii*e*. [179] * À l'envi* : « Avec emulation, à qui mieux mieux » (Académie). [180] * Se connoistre* : ici, savoir qui on est vraiment, savoir ce qu'ordonne son rang. [181] La construction du verbe avec la préposition « de » s'explique par le sens précis de « juger » que donne le *Dictionnaire de l'Académie* de 1694 : « decider du defaut, ou de la perfection de quelque chose, et alors on dit tousjours, *juger de »*. [182] Par métonymie, *fer* désigne l'épée. [183] * Le penser* : le substantif masculin est l'équivalent de « pensée » (d'après Furetière). [184] On trouve l'expression telle quelle dans le *Furetière* de 1690, à l'entrée « rapport ». [185] * Sang* désigne ici la parenté, la race, « la communication qui se fait par le sang (Furetière). Le mot suit l'évocation du « père » et du « frère », au vers précédent (v. 499). [186] L'adjectif qualifie « l'ambition » et non pas « la querelle » ; il faut comprendre : mais si seule l'ambition fait la querelle. [187] Comprendre : j'allais monter au trône, et vouloir tuer Pharasmane n'aurait qu'affaibli mon empire en lui ôtant un de ses serviteurs. [188] Diérèse : le mot compte pour quatre syllabes. Idem v. 1241. [189] À l'époque de notre pièce, surprendre signifie aussi tromper, décevoir, abuser (d'après Richelet). [190] Diérèse : le mot compte pour trois syllabes. [191] A servi de sujet. Le terme est vraisemblablement employé par analogie avec l'expression, *en termes de Palais*, « fournir de defenses, de griefs » (Académie). [192] En français classique, *amour* existe au féminin même au singulier. [193] * Au surplus* : « adv. de transition … au reste, au demeurant » (Furetière). [194] Le possessif se rapporte à « prison », évoqué v. 605. [195] Le texte original orthographiait « quant », nous l'avons corrigé par souci de clarté, « quant » n'ayant pas le même sens. [196] Dans le texte original, le vers est le suivant : « Moy j'ay voulu sa mort Princesse ? C'est un abus. » Il s'agit d'une erreur de composition de l'auteur. Nous l'avons corrigé pour rétablir l'alexandrin. [197] Seulement en prononçant des mots. [198] Synérèse : le mot compte pour deux syllabes. [199] * Animée* qualifie « cette fureur⁎ ». [200] Sens premier dans le *Furetière : «* Jugement ferme et stable d'une Puissance Souveraine. » [201] *Grâce* : « rémission que donne le Roy pour quelque crime commis » (Richelet). [202] Par. L'emploi du verbe avec la préposition *de* n'étant pas explicable, il s'agit sans doute d'une coquetterie de style la part de l'auteur ; ici « poussé » signifie contraint. [203] Par un autre plus grand forfait. [204] Diérèse : le mot compte pour quatre syllabes. [205] *Sitost* : aussitôt. [206] Le sens d'entente secrète à des fins nuisibles de l'expression (d'après Furetière) n'est pas évoqué dans le dictionnaire de l'Académie où le mot *intelligence* peut signifier « correspondance, communication entre des personnes qui s'entendent l'une avec l'autre ». [207] Comme souvent à l'époque de notre pièce, il n'y a pas de virgule entre le participe imposé et le pronom. Il faut comprendre : vous agissiez pour vous, assuré du salaire. [208] *Tout ensemble* : « au même temps » (Richelet). L'expression est courante d'après ses occurrences à l'entrée « *ensemble »* dans le dictionnaire de l'Académie et dans celui de Furetière. [209] *Sans doute* : assurément (Académie). [210] Au xvii*e* siècle, *déçu* a le même sens que le verbe décevoir et signifie trompé (d'après Furetière). [211] Le nom renvoie au sens suivant du verbe convaincre : « faire voir clairement que le crime dont on accuse quelqu'un est vrai » (Richelet). [212] Cédez. D'après Furetière, « *baisser les armes »* signifie « faire des soumissions ». [213] Variante graphique imposée par la prosodie. Idem v. 880, 1409, 1414, 1586, 1632, 1658. Ici, signifie « de plus » (Furetière). [214] * Appeler de* : porter sa cause devant le juge supérieur, comme ayant esté mal jugé (d'après Académie). [215] Efforçons-nous. *Vertu* : « efficacité, force, vigueur, proprieté » (Académie). [216] *Dénaturé* : « contraire aux sentiments naturels d'affection et de tendresse » (Académie). [217] Participe présent de « ma fureur », au vers précédent (v. 783). [218] En construction avec le verbe « triompher », v. 782. [219] L'emploi de l'infinitif suppose une tournure telle que « il faudrait tomber ». [220] *Entendre* : « comprendre, concevoir en son esprit, avoir l'intelligence de quelque chose » (Académie). [221] Le Roy prévoit de léguer sa couronne au vainqueur. [222] Comprendre : et avant d'en voir un coupable et malheureux. [223] Au sujet du doublage des pages 48 et 49, se reporter à notre note sur la présente édition. [224] *Enfin* : « en un mot » (Académie). [225] *Jour* : ouverture qui donne bon espoir de la réussite d'une affaire (d'après Furetière). [226] Comprendre : comme l'ambition, incertaine de mon choix. [227] *Ennemie* : cet emploi est poétique et désigne une chose contraire, nuisible (d'après Furetière). [228] *Seconder* a ici le sens d'aider (d'après Richelet). [229] *Joint que* : conjonction courante au xvii*e* siècle, qui signifie « outre que » (Académie). [230] Comprendre : il empêche que l'on puisse séduire leurs sens. [231] Contredise votre cœur. [232] *Intéresser* : ici, « émouvoir, toucher de quelque passion » (Académie). [233] *Succéder* : réussir (Furetière). [234] * Équitablement* : « se qui rend égal en quantité » (Furetière). [235] *Traiter* : « agir avec quelqu'un … de telle ou telle manière » (Académie). [236] Il promet un Monarque et nous le donne au même temps. [237] *Connaître* a ici le sens de savoir, reconnaître : « avoir dans l'esprit l'idée, l'image … d'une personne » (Académie). [238] Sous-entendu : *auquel* des deux fils vont ses suffrages ? [239] Même jugeant au hasard il ne s'abuse point. [240] J'introduirai le doute. [241] Combien injustement. [242] *S'authoriser* : « acquérir de l'authorité » (Académie). [243] Comprendre : qu'attendre d'autre de lui que de l'amour et de la tendresse ? [244] *Resoudre* peut signifier annuler, mais il a ici le sens de conclure, décider (d'après Furetière). [245] En connaissance de cause. [246] Comprendre : le respect me l'impose. [247] * Tenir à bonheur* : considérer ceci comme un bonheur, une chance. La locution, peu courante, est notamment employée par Corneille dans *Polyeucte* : « Les plus grands y tiendront votre amour à bonheur » (II, 1, v. 392). [248] Le pronom désigne « le Roy », cité v. 1204. [249] Comprendre : et malgré les bontés du Roy, cruelle à vos désirs. [250] Comprendre : où le droict est égal, deffere à la vertu. [251] V. 1225 et 1226 : comprendre : plus l'amour fait effort à m'en faire douter, plus je dois l'écouter. [252] *Esperance* : « pretention mondaine qui nous fait atttendre un bien que nous desirons » (Furetière). [253] Comprendre : *je me confie* à mon frère pour me venger de vous. [254] Comprendre : laissant là les égards qui m'incombent. [255] Sous-entendu : *celui* qui fuit. [256] *Justifier* : « montrer que la chose dont on entreprend la défence n'est point criminelle » (Richelet). Le mot est en diérèse et compte pour quatre syllabes, comme au vers 1493. [257] Comprendre : et si, étant roi, j'ai dû le soutenir contre vous. [258] Maintenant que. *Quand* : « Sorte de conjonctive qui signifie lorsque, qui marque le tems présent, et qui régit l'indicatif » (Richelet). [259] *Foudre* : au xvii*e* le mot est aussi masculin et désigne la colère de Dieu ou des rois (d'après Furetière). [260] Le pronom reprend « foudre », au vers précédent (v. 1321). [261] La place de la préposition, qui suit deux mots se terminant par une voyelle (« Nature », « que »), explique le choix de « dans » plutôt que *en*. [262] La construction avec *que* est courante au xvii*e* siècle est courante, en atteste le dictionnaire de l'Académie de 1694 à l'entrée « avant » : « il est quelquefois adverbe dans le premier sens, et alors il est tousjours suivy d'un *que.* » [263] *Fers* : emploi figuré et poétique pour désigner « l'engagement dans une passion amoureuse » (Académie). [264] Le pronom reprend « malheur », v. 1388. [265] Il ne fait que trembler. [266] Vers 1399-1400 : comprendre : en attendant le bonheur de Médonie épousant Arsace, faire pour elle un bonheur de cette nouvelle. L'annonce du bonheur futur de Médonie est déjà un bonheur en soi. [267] Le pronom reprend « des soûpirs languissans », v. 1410. [268] Au xvii*e* siècle, le degré d'intensité du mot *estonnement* était nettement supérieur à ce qu'on entend aujourd'hui par ce terme. L'étonnement correspond à un puissant ébranlement qui peut recouvrir une forme physique. [269] Contre toute attente. [270] *Foiblesse* : « évanouissement, défaillance, syncope » (Richelet). [271] Retournez voir. [272] Il s'agit de « sa vie », au vers précédent (v. 1487). [273] L'emploi de ce verbe est ambigu : il peut s'agir d'une allusion à la relation de paternité entre le roi et Arsace, à laquelle se substitue, par la mise à mort de ce dernier, la relation du roi à ses sujets, le roi étant comme un père pour ses sujets. [274] Le pronom ici cataphorique réfère au nom « forfait ». [275] *Extremité* : ici, « le dernier point, le plus triste estat où l'on puisse estre reduit » (Académie). [276] Comprendre : je condamne et en même temps veux sauver un lâche. [277] Le secours de la colère, (cf. v. 1548). [278] La désinence en -é est un doublet poétique de -ai : le terme doit rimer avec la fin du vers précédent, « partagé », comme dans ces vers de Racine : « Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé / Brûlé de plus de feux que je n'en allumé » (*Andromaque*, I, 4, v. 319-320). [279] Comprendre : à mes fils, inhumain, devant faire justice. [280] Une telle construction de relative introduite par *que* alors qu'on attendrait en français moderne *où* est fréquente au xvii*e* siècle (voir Fournier, *Grammaire du français classique*, p. 112). [281] Comprendre : tu cherches à me l'imposer sans farder ton discours ; Pharasmane fait ici allusion à la brièveté de la réplique précédente d'Arsace « Vivez… » (v. 1661). [282] Comprendre : qu'elle n'est que le bienfait d'un ennemi (la brièveté des répliques d'Arsace manifeste sa honte à l'égard de son frère, ce qui montre qu'il veut sa mort). [283] Le pronom reprend « la grandeur souveraine », (v. 1679). [284] L'infinitif est régi par « va », au vers 1681. [285] En français classique, l'adverbe *que* est souvent interrogatif, et équivaut alors à *à quoi* ou à *pourquoi –* comme c'est le cas ici (cf. *Grammaire du français classique*, p. 125).