Des rigueurs d’un cruel destin, Aurai-je toujours à me plaindre ? Un faible espoir me luit en vain, Je n’en ai pas moins tout à craindre. Des rigueurs d’un cruel destin, Aurai-je toujours à me plaindre ? J’ai joui cette nuit du spectacle enchanteur, Qu’étale aux yeux la Cour la plus brillante ; Un Prince à mes genoux exprimait son ardeur... Il ne me reste hélas ! de toute ma grandeur, Qu’un souvenir qui me tourmente. J’aperçois venir ma Maraine, Sa présence augmente ma peine ; À ses lois j’ai désobéi ; Quel reproche elle va me faire ! Seule sensible à mon ennui, Elle me tenoit lieu de mère. Ah ! Dans quel état je vous vois ! Ne cherchez point d’excuse ; Je devine aisément pourquoi Vous n’avez point suivi ma loi. Il est vrai, j’en suis confuse, J’en suis confuse. Ah ! vraiment, je le crois : Mais pourquoi ce manque de foi, Ce manque de foi ? Fillette toujours raisonne, Et n’écoute personne, Quand on s’oppose à son penchant. Non, non, c’est que, ma Bonne, Je n’ai pas pu faire autrement. Il fallait n’en croire que moi ; Il fallait mieux suivre ma loi. Il est vrai, mais ma folie Est bien punie ; Un moment !... Un moment Fait effet : On s’y plaît, On s’en fait Un amusement. Pardon, ma Bonne, Pardon, ma Bonne, Je n’ai pas pu faire autrement. Oui ! Oui ! Pardon, ma Bonne, Je n’ai pas pu faire autrement. Par un effet de mon pouvoir magique, Pour relever l’éclat de vos appas, Je vous ai mis un habit magnifique, Nombreux cortège accompagnait vos pas, Je n’exigeais de votre obéissance Que de sortir du bal avant minuit ; Faute d’avoir observé ma défense, De mes bontés vous perdez tout le fruit. Je le sais bien, J’ai tout perdu ; En moins de rien, Tout a disparu : Que le sort me traite, S’il veut, sans pitié ; Non, je ne regrette Que votre amitié, Vous me serez toujours chère ; Ne craignez plus ma colère. Ah ! Que mon cour est content ! Mais par un aveu sincère, Je veux savoir le mystère De ce long retardement. Vous m’allez gronder encore. Non, vous dis-je, ne craignez rien ; Il faut bien M’apprendre ce que j’ignore ; Croyez-moi, c’est pour votre bien. Je n’en doute pas, Madame, Il faut donc vous ouvrir mon âme. Qui m’eût dit qu’un bal... Hé bien ! Ce bal ? Dut m’être si fatal ! Que vous me causez d’alarmes ! Mais, comment donc ? Quelle raison, Vous fait verser des larmes ? J’en ai bien sujet. Quel est ce secret ? Qu’est-ce qu’on vous a fait ? J’arrivai dans le Palais D’aise transportée ; De tout ce que je voyais, J’étais enchantée, Un Prince...         Ah ! Nous y voilà. Un Prince s’est trouvé là. Vous a-t-il fâchée ? Ô gué ! Vous a-t-il fâchée ? Le connaissez-vous ?         Oui, vraiment. N’est-il pas vrai qu’il est charmant ? Si vous voulez même adorable ; Laissez-là son mérite à part ; Voyons en quoi ce Prince aimable Aurait pu vous manquer d’égard. Les yeux vers moi tournés sans cesse, Tendrement il me regardait, De ses regards la douceur et l’ivresse. M’inspiraient ce qu’il ressentait. À mes côtés est une place, Il s’en saisit ; Il s’enhardit, Je m’attendris ; Je veux le fuir, et je ne puis, Je veux fuir et ne puis, Je veux le fuir, et je ne puis. Déjà mon trouble augmentait son audace, Quand minuit sonna, Et tout finit là. Comme un éclair, soudain je prends la fuite ; En entendant l’heure qui me chassait ; On se met à ma poursuite, Mais en vain on me cherchait... Je n’étais plus ce qu’ils me croyaient être, Ils me voyaient sans suite et sans éclat ; Comment, hélas ! M’auraient-ils pu connaître ! Je m’ignorais moi-même en cet état. Ce changement n’a rien qui doive vous surprendre ; Je crains plutôt pour vous un sentiment trop tendre. Je ne saurais vous le cacher, Je ne saurais vous le cacher, Ce Prince a trop su me toucher ; Je l’aime, je l’aime : Le croyez-vous épris pour moi de même ? Si vous l’aviez trop rebuté... Oh ! non.         Je dois le croire ; Si vous n’avez rien accordé, Qui blesse votre gloire. Je sais trop ce que je me dois ; Pour me laisser surprendre ; Il n’a rien obtenu de moi, Que ce qu’il m’a su prendre. Et que vous a-t-il pris ?         Ma Bonne... Que dire, hélas ! Répondez-moi, je vous l’ordonne ? Quel embarras ! Et pourquoi donc ces sots scrupules ? Surcoût craignez de me tromper. Il m’a pris une de mes mules ; Qu’en fuyant j’ai laissé tomber. Je n’en ai plus qu’une à présent; Consolez-vous, ma chère enfant, On peut réparer ce dommage Au fond je n’y vois pas grand mal. Que de Beautés sortant du Bal Ont souvent perdu davantage ! Vos sours en reviennent sans doute, Ce bruit annonce leur retour ; Rentrez, et quoi qu’il vous en coûte ; Tâchez de vaincre votre amour. Rien, en vérité n’est si plaisant ; Nos appas ont fait fortune assurément : Rien, en vérité, n’est si plaisant, À chaque moment, C’était nouveau Galant. Ce gros caissier qui croyait me connaître, M’a-t-il tenu des propos assez doux ? Ce Sénateur, en léger Petit-Maître, M’a-t-il assez étalé ses bijoux ? Rien, en vérité, n’est si plaisant ; Nos appas ont fait fortune assurément : Rien, en vérité, n’est si plaisant, À chaque moment, C’était nouveau Galant. Mais cela ne me touche guère ; Je dédaigne de tels objets. Sans crainte de passer pour fière, Je porte plus haut mes projets. Le destin qui pour moi s’apprête Flatte mon cour ambitieux. Une plus illustre conquête Peut seule contenter mes voeux. Un Amant pour moi soupire, Dont je dois taire le nom. Quelqu’un, que je n’ose dire, De son cour m’a fait le don. Mais à t’en faire un mystère, Mon amitié souffrirait. Pour une sour aussi chère, Puis-je avoir quelque secret ? Si j’obtiens ce que je désire , Vous en sentirez les effets. Si j’atteins le but où j’aspire, C’est pour combler tous vos souhaits. Oui, disputons cet avantage Entre nous deux ; Le bonheur qu’ainsi l’on partage Se goûte mieux. Quel est ce captif glorieux , Qu’Amour met en votre puissance ? Quel est cet amant dont les feux Enflent si fort votre espérance ? Devinez.         Non, dites-le moi. Ma chère, c’est le fils du Roi. Le fils du Roi ! Le fils du Roi ! Et oui vraiment, le fils du Roi. La conquête est glorieuse ! Ne suis-je pas bien heureuse ? Il veut me donner sa foi. C’est votre tour à me dire, Quel amant suit votre empire. C’est, ma sour, le fils du Roi. Le fils du Roi ! Vous raillez, je crois ! Non, vraiment ; rien n’est plus véritables. Je n’en crois rien. Moi, je le crois bien ; Votre avis ne détruit pas le mien. Vous êtes fort aimable, J’en conviendrai ; mais, Malgré tous vos attraits, Croyez qu’on est capable, Quand on le voudra, D’effacer ces traits là. Ce n’est pas vous.         Ce sera moi. Mais il faut être de bonne foi : Jusqu’à présent votre beauté, En vérité, N’a point trop éclaté. Petite impertinente ! Eh ! Bien, j’avouerai, Partout je publierai, Que vous êtes charmante ; Sûre qu’en ce point, On ne me croira point. Vous me poussez à bout, Vous cherchez, en tout, À combattre mon goût ; Votre humeur Montre tant d’aigreur, Qu’à nous séparer, Il faut vous préparer : Un excès de fierté, De vanité, Sans rime ni raison, Vous donne un ton ; Il semble qu’en ces lieux, Jeunes et vieux Viennent se brûler aux feux De vos yeux : Vous voyez cependant, Le plus souvent, Qu’on vous laisse à l’écart ; C’est un hasard, Quand quelque freluquet Daigne sourire à votre air coquet. Criez tout à loisir : Un jour à venir, Je saurai répondre ; Je vais, pour vous confondre, Monter au rang Qui m’attend. À ce rang désiré , On peut me conduire ; Je vous y préviendrai. Vous me faites rire ! Cendrillon, que je vois là, En jugera. Qui de nous deux Te paraît la plus belle ? Qui de nous deux Inspire plus de feux ? Laissez-moi parler. Taisez-vous, Péronnelle, Sans dissimuler... Oui, conviens que c’est elle. Ne finirez-vous pas Tout ce tracas ? Il me fatigue fort ; Vous ayez tort, Mais, mais, très grand tort, D’oser encor Prendre un tel essor. Décide donc entre nous. Que voulez-vous ? Je te l’ai déjà dit, C’est qu’il s’agit... De savoir qui des deux Peut mériter le mieux. L’hommage d’un Prince amoureux. Ce Prince est le fils du Roi. Le fils du Roi ! Il est épris de moi. Non, c’est de moi ; C’est de moi, sur ma foi. Cela suffit : Je sais ce qu’il m’a dit. Dis-nous donc Quelque raison. Te voilà bien rêveuse ! Sûrement, C’est mon amant ; Ne suis-je pas bien chanceuse ? Ceci pour moi tourne mal. Cette nuit nous étions au bal. Au Bal ! C’est mon inconstant, C’est mon perfide amant ! Parle-nous donc, si tu veux. Je n’oserais... Vous avez toutes deux Mêmes attraits ; Qui voudrait faire un choix, Aurait besoin, je crois, D’y regarder plus d’une fois : Mais qui sait si quelqu’objet, Bien moins parfait, De ce beau Prince-là, N’a pas déjà Su captiver le cour ? Non, non, ma sour : Moi seule ai cet honneur. , Certain objet, à tout le monde inconnu, Au Bai s’est pourtant vu. D’abord le Prince attaché sans cesse à ses pas... Hé bien ?         Semblait en faire cas. Avait-elle des appas ? Beaucoup.         Très peu. Près d’elle, j’en fais l’aveu, Vous n’auriez pas beau jeu. Le méchant esprit! Oui, c’est par dépit Que vous en parlez. Vous vous querellez Pour un rien.         Tais-toi, Il te sied, ma foi, D’oser me faire la loi. À vos débats., Moi, dame, je ne prends aucune part ; Ne doit on pas L’une pour l’autre avoir quelqu’égard ? Garde tes leçons ; Adieu, nous verrons. Qui l’emportera. Oui, oui, l’on verra : Adieu donc, ma sour ; Dans votre grandeur, Soyez de meilleure humeur. À me nuire, Tout conspire ; Ô sort, quelle est ta rigueur ! D’Amour un trait me déchire ; Et c’est encore un malheur ! Deux rivales se déclarent. Que deviendra mon ardeur ? Des maux qui sur moi se préparent, Le plus sensible à mon cour Serait d’aimer un trompeur, À me nuire, Tout conspire ; Ô sort, quelle est ta rigueur ! D’Amour un trait me déchire ! Et c’est encore un malheur ! Voyez une infortunée. Quels nouveaux malheurs ; Font naître vos douleurs f Ne suis-je donc condamnée ; Qu’à vivre toujours dans les pleurs ? Vous avez assez vu, Madame, Quel objet a touché mon âme. Hé ! Bien.         Ce funeste vainqueur, Que j’adore au fond de mon cour, Peut-être n’est qu’un imposteur ; Mes sours se disputent l’amant Qui cause aujourd’hui mon tourment. Vos sours ne sont que des ambitieuses : D’un seul regard Par hasard Échappé, Leur esprit s’est frappé. Sur tous les cours ces Orgueilleuses Croient avoir Un pouvoir. Quand leur Beauté surpasserait la vôtre, II est un art qui manque à l’une et l’autre, Qui seul pent allumer une constante ardeur ; Cet art, c’est la douceur. C’est la première des vertus Dont se doit parer une Belle ; C’est la ceinture dont Vénus Retient les Amours auprès d’elle. À juger par leurs discours, Mes sours ont raison de croire Qu’on les aime.         Vains détours De sottes qui s’en font accroire. D’un Prince qui veut s’amuser, Un mot a pu les abuser. Mais cependant...         Mais s’il avait Une telle manie, , Un jour il se repentirait D’avoir fait la folie. Bon ! Si d’un autre il est l’époux, Qu’il s’en repente ou non, voyez-vous, Je n’en serais, ne vous déplaise, Guère plus à mon aise. Mais comment donc l’Amour en peu de temps ; A fait chez vous des progrès surprenants ! Qu’est-ce donc que j’entends ? Je vous en rendrai compte ; Demeurez un instant > Je reviens sur le champ. D’un amoureux penchant, Ma Bonne me fait honte ; Et veux que je surmonte Ce qui me fait plaisir Encore à ressentir. Amour, dont je ressens la flamme, Épargne un faible cour qui se livre à tes coups ; Les traits dont tu blesses mon âme Font-ils l’effet de ton courroux ? Fais briller à mes yeux un rayon d’espérance, Ou rend-moi mon indifférence ; Mon sort me paraîtra plus doux. Est-il bien vrai ? Oui, sans délai, Il faut, Mesdames, que chacune vienne. Et savez-vous Ce que de nous Le Roi demande aujourd’hui ? Oui. Le Prince Azor Fait à la fin un effort ; Lui qui d’Amour a toujours fui la chaîne, Il veut avoir, Une épouse dès ce soir, Parmi les Belles du canton. Bon. Déjà je vois, Je prévois Où ce choix Peut tomber. Vous pourriez bien vous tromper, Ma Reine. Je ne suis pas, En ce cas, Seule ici, Qui pourrait en avoir le démenti. Si. À cet Hymen glorieux, Vous pouvez bien toutes les deux Prétendre ; Certaine épreuve on fera, Qui sur ce point décidera. Ah ! Quelle est cette épreuve-là ? Vous ne pouvez en ce moment l’apprendre ; Adieu. Ce soir on saura Pour qui fera Ce prix-là.         Ah ! À l’insu de ma sour cadette, Monsieur, dites-moi franchement Si, dans l’hymen qui se projette, On parle de moi.         Non, vraiment. Vous badinez ?         Sur ma parole, La pauvre Demoiselle est folle. Sans en rien dire à mon aînée, Avouez moi, mon cher Monsieur, Que le Prince ; en cette journée, Va s’expliquer en ma faveur ? Nenni.         Vous n’êtes pas sincère. Oh ! parbleu, les deux-font la paire. Eh ! Quel est ce joli minois, Qui nous écouté en tapinois ? C’est une pauvre fille. Qui nous visite quelquefois. Elle est, ma foi, gentille ! Eh quoi ! Mes sours, en ce moment, Rougissent de me reconnaître ! Approchez donc, la belle enfant ; On ne risque rien de paraître, Quand on posséde tant d’appas. Voulez-vous bien aller là-bas ? Pour peu que le cour vous en dise, Soyez avec nous moins discret : Comme à nos soins elle est commise, Votre hymen serait bientôt fait. J’accepterais des offres si flatteuses, Si vous étiez moins curieuses ; Mais là-dessus, Tous vos efforts sont superflus ; Attendez à ce soir, Pour tout savoir, Attendez à ce soir. Enfin voici le moment, Où mon triomphe s’apprête ; La main d’un Prince charmant Va devenir ma conquête ; Préparons, préparons, préparons tout, Pour briller à cette fête ; Préparons, préparons, préparons tout, Pour l’affermir dans son goût. Par le secours de la toilette, Rendons ma beauté si parfaite, Qu’Azor puisse en mes yeux Retrouver encor de nouveaux feux. Dieux ! S’il répond à ma tendresse, Quelle fera mon allégresse ! Cendrillon, dépêchons ; tôt, tôt, Apportez ce qu’il faut, Je veux partir bientôt. Oh ! Faites comme il vous plaira ; Sa seule affaire Est de me plaire ; Oh ! Faites comme il vous plaira ; Je retiens Cendrillon pour cela. Qu’on apporte ici ma toilette. Qu’on apporte la mienne aussi. Je céderais à ma cadette ! Oh ! L’âge ne fait rien ici. Par qui faut-il que je commence ? C’est par moi. Oh ! Vous voulez prendre l’avance, Je le vois. Mais quittez ce fol espoir. Il faut voir. Allons vite qu’on m’arrange. Je vous trouve fort étrange. Cendrillon, venez m’aider, Laissez-la s’accommoder. Vous parlez bien à votre aise : Attendez, ne vous déplaise, Qu’elle ait posé mes rubans : Cendrillon n’a pas le temps. Ah ! Si vous êtes la maîtresse, Il est juste qu’on se presse. C’est vous qui faites la Princesse ; Tout vous choque, tout vous blesse. Madame fait la Princesse, Madame fait la maîtresse. Si vous parlez toutes les deux, Comment répondre à vos voeux. Raisonneuse ! Paresseuse ! Faut-il, quand on dit un mot, Que vous soyez de l’écot ? Me gronderez-vous sans cesse, Quoique je n’aie aucun tort ? Encore ? Aurez-vous bientôt fini ? Songez-vous que l’heure presse ? Si je le sais ? Vraiment oui ; Eh ! vraiment oui. Mais quel démon vous transporte, De la presser de la sorte ? Pour finir plus promptement, Elle m’assomme la tête, La maladroite, la bête ! Elle m’assomme la tête : Allez donc plus doucement, Plus doucement. Je ne puis mieux faire, Mieux faire. Ôte-toi de là. Ôte-toi de là. Va-t-en, va-t-en, va-t-en ma chère, De tes soins on se passera ; Ôte-toi de là, ma chère ; Et pour ma sour garde ce soin, Je n’en ai plus aucun besoin. Suivons l’Amour, c’est lui qui nous mène. Où vont-elles si gaiement ? Ce n’est point un mystère ; Vous savez l’événement, À mon amour contraire. Azor les mande au Palais. Quelle triste nouvelle ! Pourra-t-il, en voyant tant d’attraits, Ne pas m’être infidèle ? L’espoir qui les conduit, Les séduit ; Soyez moins alarmée ; Vous verrez leurs projets Sans effets SanS aller en fumée. Ce sont autant de pas perdus ; Elles sont bien loin de leur compte ; J’en sais plus qu’elles là-dessus, Elles n’en auront que la honte. . L’épreuve qu’on doit exiger, Va les confondre et vous venger. De quelle épreuve parle-t-on ? Je ne puis vous le dire . Suffit qu’en cette occasions Rien ne saurait vous nuire ; Vous en aurez tout l’agrément, C’est moi qui vous l’assure. Allez au Palais seulement, Et tentez l’aventure, II faut aller disputer la victoire : Ce jour est celui de la gloire ; La Fortune et l’Amour veulent vous couronner. À cet espoir flatteur dois-je m’abandonner ? Partez vous dis-je, allez en assurance Très volontiers. Mais...     Quoi ?     Ma bonne.         Eh bien ? Peut me montrer avec plus de décence, Ne faut-il pas ?...         Non, non, il ne faut rien. Eh ! Quoi ! Vous prétendez que parmi tant de Belles, Dont l’art relève encor les grâces naturelles, Dans l’état où je suis j’irai me présenter ! Azor m’oserait-il seulement regarder ? Votre beauté, Cet heureux don de la Nature, Votre beauté, Vous dédommage avec usure. N’altérez point par l’imposture Cette aimable simplicité ; La plus élégante parure, C’est la beauté. Je souscris à vos volontés : Guidez mon ignorance ; Je dois répondre à vos bontés Par mon obéissance. Ô toi qui me punis de mon indifférence, Amour, Amour, j’implore ta clémence ; Mon cour en ce moment abjure son erreur. Ah ! Si mon repentir désarme ta rigueur, Fais-moi connaître ce que j’aime ; Fais encor plus pour mon bonheur, Fais que j’en sois aimé de même. Vous qui faisiez l’esprit fort ; Vous sentez donc votre tort ; Vous parliez différemment ; Je vous l’ai prédit, souvenez-vous en, Je vous ai prédit qu’Amour Vous jouerait un mauvais tour. Mon ordre a-t-il été suivi ? Seigneur, vous ferez obéi ; On vient de me l’apprendre. Quel sabbat nous aurons ici ! Toutes nos Dames à l’envi Ont promis de s’y rendre. Je rêverai donc ma Déesse : Un Dieu propice à ma tendresse, À mes désirs pressants va la rendre aujourd’hui... Par ma foi, vous aurez beau faire ; Cet objet qui vous a su plaire Ne vous sera jamais rendu. Pourquoi donc ?         C’est quelque chimère, Une ombre, un être imaginaire ; Hier, quand elle a disparu, On a cherché tant qu’on a pu, Elle s’est trouvée... introuvable ; Pour moi je crois que c’est le Diable Qui sous ce minois simple et doux, S’est voulu divertir de vous. Laissez-donc là cette chaussure ; À quoi peut être vous servir ? Croyez vous y voir la figure Du tendron qui vous fait souffrir ? Vois, Pierrot, quelle gentillesse ! Je vois plutôt votre faiblesse. Le joli pied ! Ah ! Qu’il me plaît ! Oui, mais tient-il ce qu’il promet ? Par cet échantillon, Vous jugez d’une Belle ; Vous perdez la raison ; Pardonnez à mon zèle ; Mais, en honneur, C’est une erreur ; Souvent le pied le plus mignon Sert à porter, une laid’ron, Une laid’ron. Je me fuis fait à moi-même Les reproches les plus forts ; Du destin la loi suprême, Triomphe de mes efforts. Loin de blâmer ma tendresse, Sers plutôt, sers, mon ardeur ; Et respecte une faiblesse, Où j’attache mon bonheur. J’y ferai diligence, Comptez, comptez sur ma vigilance : J’y ferai diligence. Mais qu’est-ce que j’entends ? Doucement, doucement, doucement. Ah ! Quel charivari, Nous allons voir ici ! Un régiment de Belles, En beaux atours, en modes nouvelles, Malgré les Sentinelles, Entrent dans le moment. Doucement, doucement, doucement. C’est l’ordre du Roi ; Monsieur, laissez-moi, Passer, je vous prie. C’est l’ordre du Roi ; Je vous en supplie, Monsieur, laissez-moi. Si vous n’y prenir garde, Moi, de mon hallebarde, Je donne un coup à toi. C’est l’ordre du Roi; Monsieur laissez-moi. ; Personne n’y passe. C’est l’ordre du Roi. Je ferai main basse, Jarni, par mon foi. Voici nos aspirantes ; Voyez, voyez ; qu’elles sont charmantes ! Voici nos Aspirantes ; Défendez bien, Seigneur, Votre cour, Votre cour. Aimez-vous la blonde ou la brune ? Ici l’on a de quoi choisir... Ne les faites donc pas languir. Pourquoi faut-il n’en prendre qu’une ? J’en vois beaucoup qui dès ce soir, Accepteraient bien le mouchoir. Je viens, Seigneur... Avec grande impatience.... Jouir d’un honneur.... J’ai couru, Seigneur... Pour moi bien flatteur. Sitôt votre ordre venu... L’aurais-je jamais cru ? J’ai fait diligence. Ce jour précieux... Moment trop heureux ! Comble tous mes voeux. Quel doux espoir... Pour moi quelle gloire... J’ose concevoir ! D’être en votre mémoire ! Tant de Belles à la cour... Aussi ma reconnaissance... Peuvent briguer votre amour... Vous assure du retour. Que je n’osais me flatter... Excusez mon imprudence. D’avoir su le mériter. Le zèle a su m’emporter. Je n’entends rien à ce jargon. Ni moi non plus, je vous répond ; Ce sont deux sours qui, cette nuit, Au bal ont fait du bruit ; Qui, d’abord qu’on les regardait, Croyait que l’on leur en contait ; Qui toujours minaudant ; Toujours vous minaudant ; Semblaient vous dire ; allons, Seigneur, Humanisez donc votre cour. Un tel empressement Me flatte infiniment... Tâche de m’en défaire. Le Prince, en vérité... Se trouve... très flatté... Je ne sais comment faire. Nous ne sommes pas Hors d’embarras ; Toutes vont venir, Et vous tenir Même langage ; Nous ne sommes pas, Hors d’embarras ; Toutes vont bientôt vous tomber sur les bras. Il faut pour vous débarrasser De cette foule ridicule, Il faut, vous dis-je, commencer À faire l’essai de la mule. Entrez donc.         Non, j’ai trop peur ; Je sens palpiter mon cour. Qui peut vous causer un tel effroi ? C’est que l’on va se moquer de moi. Point tant de discours, Avancez toujours. Guidez donc mes pas ; Ne me quittez pas. Ah ! Que de façon ! Ma Bonne, venez donc. Quelle Nymphe se présente ! Oh, oh, tourelouribo ! Voyez donc qu’elle est charmante ! Oh, oh, tourelouribo ! En honneur, elle m’enchante. Oh, oh ,oh, tourelouribo ! Que venez-vous chercher, petite téméraire ? Osez-vous vous montrer avec ces haillons-là ? Sors, ou crains ma colère. Non, elle restera. Pierrot, fais-les donc taire. Paix-là ! Venez,venez.         Que d’appas ! Qu’elle est belle ! Venez, venez ; bannissez la frayeur. Quel feu nouveau vient m’enflammer pour elle ! Quel nouveau trait perce mon cour ! À notre témérité Daignerez-vous faire grâce ? Et n’est-ce point trop d’audace ? Ah ! J’en suis trop enchanté. Si quelqu’objet peut s’attendre, À m’enchaîner sous ses lois ; Vous seule y pouvez prétendre, Vous seule fixez mon choix. Et la mule ? Et la mule ? Seigneur, Un peu moins d’ardeur, Qui trop avance, recule ; Et la mule ? Ce n’est pas assez pour lui plaire, D’avoir beaux yeux, belle bouche, beaux bras ; Jambe fine et taille légère, Sont des beautés qui ne le flattent pas. Il faut pour gagner son amitié, Un joli petit, Un petit joli, Un joli gentil petit pied. Non, je ne saurais Risquer à perdre tant d’attraits ; Non, non, non, je ne saurais Remettre au sort de si chers intérêts. Je ne veux devoir qu’à l’Amour, Le prix que j’attends en ce jour. Ce Dieu lui-même, Dans l’objet que j’aime, M’assure un bien suprême. Non, je ne saurais Risquer à perdre tant d’attraits ; Non, non, non, je ne saurais Remettre au sort de si chers intérêts. Oui, je vous aime ; Mais quel fera le prix de cette ardeur extrême ? Vous pouvez d’un seul mot dissiper mes ennuis. Seigneur...     Vous balancez... parlez...         Non, je ne puis. Que je vous aime ! Eh ! Bien, oui, je vous aime. Voilà, ma foi, ce qui s’appelle, Mener l’Amour tambour battant ; Sans en faire à deux fois, la Belle, D’un plein faut, court au dénouement ; Mais laissons-les s’assurer de leurs flammes, En pareil cas, un témoin toujours nuit ; Adieu, Mesdames, Tout est dit. Cette petite Cendrillon ! Cette petite Cendrillon ! De deux sours est-ce là le ton ? Apprenez l’une et l’autre À respecter son rang et son nom ; Ils valent bien le vôtre. Mais vous l’avez trop outragée ; Il est temps qu’elle soit vengée, Demeurez encor un instant, Je vais vous la faire connaître. Pour le sort le plus éclatant, Sachez que les Dieux l’ont fait naître. Si le Prince Azor, Voyait encor Son inconnue ?... Dans ce jeune objet, S’il la retrouvait trait pour trait ?... Un charme secret La dérobait à votre vue ; Mais à votre amour, Je la rends en ce jour. Quoi ! C’est vous Qui m’inspiriez les transports les plus doux ? Quoi ! C’est vous ?... Reconnaissez-vous ceci ? Vraiment, ma Commère, oui : Tenez, voilà la pareille. Quelle est donc cette merveille ! Je me perds dans tout ceci. Aux plus tendres ardeurs, Livrons, livrons nos cours Livrons, livrons nos cours Livrez, livrez vos cours L’amour nous engage, L’amour vous engage, L’Hymen va nous unir, L’Hymen va vous unir, Quel plaisir ! Quel plaisir J Toujours plus amoureux, Serrons, serrons, les noeuds, Serrez, serrez, les noeuds, Qui vont nous rendre heureux ! Qui vont vous rendre heureux ! Aux plus noires fureurs ; Livrons, livrons nos cours ; La honte, la rage, Est notre partage ; Ah ! C’est trop en souffrir ! Fuyons, fuyons ces lieux, Et délivrons nos yeux, D’un spectacle odieux. Des rigueurs d’un cruel destin Aurai-je toujours à ma plaindre ? Des rigueurs d’un cruel destin, Aurai-je toujours à me plaindre ? Un faible espoir me luit ne vain, Je n’en ai pas moins tout à craindre. J’ai joui cette nuit du spectacle enchanteur, Qu’étale aux yeux le cour la plus brillante. Un prince à mes genoux exprimait son ardeur. Il ne me reste hélas ! De toute ma grandeur Qu’un souvenir qui me tourmente. Ah ! Dans quel état je vous vois ! Ne cherchez point d’excuse. Je devine aisément pourquoi Vous n’avez point suivi ma loi. Il est vrai ; j’en suis confuse. Oh ! Vraiment je le crois, je le crois, Mais pourquoi, mais pourquoi Ce manque de foi, ce manque de foi ? Fillette toujours raisonne, Et n’écoute personne, Quand on s’oppose à son penchant. Non, non ; c’est que, ma Bonne, C’est que, ma Bonne, Je n’ai pas pu faire autrement, Je n’ai pas pu faire autrement. Il fallait n’en croire que moi, Il fallait mieux suivre ma loi. Il est vrai : mais ma folie Est bien punie : un moment... Un moment fait effet ; on s’y plaît, On s’en fait un amusement. Pardon, ma Bonne, Pardon, ma Bonne, Je n’ai pas pu faire autrement. Oui, oui. Pardon, ma bonne, Je n’ai pas pu faire autrement, Pardon, ma Bonne, Pardon, ma Bonne Je n’ai pas pu faire autrement. Je le sais bien, J’ai tout perdu. En moins de rien tout a disparu : Que le sort me traite, S’il veut, sans pitié, Non, non, je ne regrette Que votre amitié, Non, non, je ne regrette Que votre amitié. Les yeux vers moi tournés sans cesse, Tendrement il me regardait, Il me regardait ; De ses regards la douceur et l’ivresse, Et l’ivresse, M’inspiraient ce qu’il ressentait, M’inspiraient ce qu’il ressentait, À mes côtés est une place, Il s’en saisit ; Il s’enhardit, Je m’attendrit, Je m’attendris, Je veux le fuit, et je ne puis, Je ne veux finir, et ne puis, Je veux fuir et ne puis, Je veux le fuit, et je ne puis. Déjà mon trouble augmentait son audace, Quand minuit sonna, Et tout finit là : Déjà mon trouble augmentait son audace, Quand minuit sonna, Et tout finit là, tout finit là, tout finit là. Amour, dont je ressens la flamme, Épargne un faible cour qui se livre à tes coups, Épargne un faible cour qui se livre à tes coups, Les traits dont tu blesses mon âme Sont-ils l’effet de ton courroux, Sont-ils l’effet de ton courroux ? Fais briller à mes yeux un rayon d’espérance, Ou rends moi mon indifférence, Mon sort me paraître plus doux.