Savantes Soeurs, arbitres de la scène, Quel accident funeste a fait cesser vos jeux ? Je ne vois plus ici votre appareil pompeux, Et je ne reconnais qu’a peine, Thalie et Melpomène ;. Et vous dont les charmants concerts, En ces lieux autrefois, raisonneront dans les Airs ; Quel trouble, ou quelle indifférence Cause aujourd’hui votre silence ? Ignorez vous que le plus grand des rois Étendant chaque jour ses conquêtes Et signalant son bras, par de nouveaux exploits A négligé nos plus superbes fêtes. Depuis ce fatal moment, Nos Spectacles privés de leur magnificence, Ne sauraient plus avoir l’éclat et l’agrément Qu’ils ne devaient qu’à sa présence, La tristesse règne en ces lieux, Nous rougissons de ne pouvoir lui plaîre ; Hélas ! Ne saurions-nous rien faire Digne de paraître à ses yeux. Hélas ! Ne saurions-nous rien faire Digne de paraître à ses yeux ? Terminez vos regrets que votre douleur cesse. Dans vôtre sort Jupiter s’intéresse, Et veut ici revoir, dès ce même moment Un spectacle charmant, Ou’un changement favorable Redonne à ces tristes lieux Tout ce qu’ils ont est d’aimable?’ C’est l’ordre irrévocable Du souverain des Dieux. Vous, secourables Génies, Nécessaire à nos jeux, Hâtez-vous, secondez nos voeux ; Venez, et prêtez-nous vos grâces infinies. Animez d’une ardeur nouvelle Venez remplir nos desseins, Et faites que nos plaisirs Doivent leur charme à votre zèle. Animez d’une ardeur nouvelle Nous venons remplir vos désirs, Nous nous flattons que vos plaisirs Devront leur charme à notre zèle. Vous qui savez si bien, par une heureuse adresse Calmer les noirs chagrins, bannir les soins fâcheux, Favorisez mes soeurs, et mêlez dans leur quelques traits de votre allégresse. Que nos jeux vont avoir de charmes ! Tous nos chants vont inciter l’Amour. Venez tous, rendez-lui les armes, Il est doux dans cet heureux séjour. Que nos jeux vont avoir de charmes ! Tous nos chants vont inspirer l’Amour. Ce n’est plus le temps des alarmes, Les Plaisirs sont enfin de retour. Que nos jeux vont avoir de charmes ! Tous nos chants vont inspirer l’Amour. Jupiter va paraître, Redoublez vos efforts pour plaire à votre Maître. Jupiter va paraître. Redoublons nos efforts pour plaire à notre Maître. Il ne manque aux apprêts de la fête nouvelle, Que Mercure a fait préparé, Que le choix du Héros qu’on y doit célébrer, Le soin de le choisir auprès de vous m’appelle. Renouvelez dans vos jeux Le souvenir de l’invincible Achille, Et rappelez dans une Cour tranquille, L’Histoire et les combats de ce guerrier fameux. Renouvelons dans vos jeux, Le souvenir de l’invincible Achille, Et rappelons dans une Cour tranquille. L’Histoires et les combats de ce guerrier fameux. Consacrez tous vos jeux au plus grand Roi du monde, Formez sur lui tous les Portraits De vos Héros les plus parfaits, Sa valeur, sa bonté, sa sagesse profonde, Vous prêteront d’inimitables traits. Consacrons tous nos jeux au plus grand Roi du monde Sa valeur, sa bonté, sa sagesse profonde Nous prêterons d’inimitables traits, Consacrons tous nos jeux au plus grand Roi du monde. Non, je ne saurais plus me taire, Je vous dois un conseil sincère. Ne rougissez-vous point d’un indigne repos ? Quand les Grecs agités de mortelles alarmes, Implorent à genoux le secours de vos armes, Contre Hector, après vous, le plus grand des Héros. Tantôt ce guerrier terrible, Des Grecs épouvantés, embrase les vaisseaux ; Tantôt son bras invincible, Fait rougir de leur sang et la terre et les eaux, Il court de victoire en victoire, Chaque jour, le bruit de la gloire, Va remplir l’univers et vole jusqu’à vous, Des honneurs qu’il obtient, n’êtes vous point jaloux ? Je vois avec plaisir les pertes de la Grèce, La valeur d’Hector m’a vengé, Le fier Agamemnon connaîtra sa faiblesse, Et se repentira de m’avoir outragé. De quoi sert à ce Roi coupable D’avoir osé vous ravir Briséis ? Son attentat reçoit un digne prix, Et pour lui Briséis paraît inexorable, Quand un rival puissant vient troubler nos amours, Si l’objet de nos voeux lui résiste toujours, Est-il de plus douce vengeance Que de voir ce rival aimer sans espérance ? Connais mieux les raisons de mon juste courroux, Ce n’est point seulement par un dépit jaloux, Que je refuse aux Grecs un secours nécessaire, Ils ont marqué trop de mépris pour moi, Ils m’ont laissé subir la violente loi De leur chef téméraire. Non, jamais leurs malheurs ne sauraient m’émouvoir. Leurs vaisseaux embrasés, leurs troupes fugitives ; Leur camp détruit, tout leurs Rois sans pouvoir, Leurs corps épars sur ces sanglantes rives Szraient encor des objets impuissants, Pour surprendre un moment la fureur que je sens. Eh bien ! D’un oeil content regardez nos alarmés, Mais quand vous nous méritez tous, Du moins accordez-moi ces armes Que Vulcain prépara pour vous ; J’irai combattre Hector, et me combler de gloire, Je remporterai la victoire, Ou j’expirerai sous ces coups. Qu’oses-tu proposer, Dieux ! Que viens-je d’entendre ? Je commence à trembler pour la première fois. Quand je songe au combat que tu veux entreprendre. Au nom d’une amitié qui fut toujours si tendre, Permettez-moi d’imiter vos exploits. Je connais les périls où mon dessein m’engage, Tout semble m’annoncer les fers ou le trépas ; Mais si j’en crois mon courage, Ce superbe ennemi ne triomphera pas. D’une vaine terreur je n’ai plus l’âme atteinte, Va combattre ; le Ciel prendra soin de ton sort, Puisque ton coeur est sans crainte, Ton bras ne sera que trop fort. Je cours assurer ma mémoire, J’ai tous les sentiments et les soins des Héros, Non, les jours les plus doux passés dans le repos Ne valent pas un jour marqué part la victoire. Patrocle va combattre ? Et j’ai pu consentir Qu’il courût aux dangers qui menacent sa vie ? Ah ! Je devais l’empêcher de partir, Hélas de quels regrets sa mort serait suivie ? Si le sort irrité pour accabler mon coeur Le faisait expirer sous le fer d’un vainqueur. Prévenez justes Dieux, mon désespoir funeste ! Cet ami généreux, est le seul qui me reste, Conservez ses jours par pitié ! On m’a privé de l’objet que j’adore, Ce serait trop d’horreur de me priver encore De l’objet de mon amitié. Ne répondrez-vous point aux désirs de la Grèce ? Il faut qu’en sa faveur votre colère cesse, Elle ne peut sans vous triompher des Troyens ; En vain nous assiégeons leur Ville, Nos Dieux sont moins forts que les siens. Sa prise est réservée à la valeur d’Achille, De quel emploi vous chargez-vous ? N’espérez pas de fléchir mon courroux, Diomède je veux achever ma vengeance, Vos Rois et vos Peuples ingrats, Auraient encor pour moi la même indifférence. S’ils n’avaient besoin de mon bras. Quoi ! Leur prompt repentir ne peut vous satisfaire ? Ils ont pris trop de soin d’attirer ma colère. Mais, pouvez-vous aimer un si triste séjour, Et languir en ces lieux dans une vie obscure ? Vous ! À qui les Destins promettaient chaque jour Quelque glorieuse aventure. Malgré mes cruels déplaisirs, Le Déesse de Cythère En faveur de Thétis ma mère Interrompt mes regrets, et suspend mes soupirs. Cette charmante déesse Vient en ces lieux tous les jours, Je vois avec elle sans cesse Les grâces, les plaisirs, les jeux et les amours ; Leur présence est d’un grand secours Contre la plume sombre tristesse. C’est pour servir nos ennemis Qn’on prend ces soins mortels à votre gloire, Songez que de vous seul dépend notre victoire, Et que tout notre sort en vos mains est remis, Faut-il que votre coeur se livre À l’amour de vains plaisir ? Quelque douceur que l’on goûte à les suivre, Un héros doit former de plus nobles désirs. La Déesse paraît et déjà sa présence Donne à ces lieux mille beautés, J’admire ses bienfaits, j’admire sa puissance, Trop heureux de jouir sur les bords écartés Des plaisirs innocents qui me l’ont présentée. J’abandonne les Cieux, je descends sur la Terre : Pour finir de tes maux le déplorable cours, En vain l’injuste sort t’a déclaré la guerre, Espère tout de mon secours. Vous, Divinités aimables, Du plus grand des héros charmés le triste coeur, Et faites succéder à sa vive douleur Les plaisirs les plus agréables. Grand héros, le Ciel vous est propice, Vos vertus se font rendre justice, Tout conspire aujourd’hui. À finir votre ennui. Si l’Amour a causé vos alarmes, Ses faveurs en auront plus de charmes ; Préparez votre coeur Au plus parfait bonheur. Quel mortel osa jamais prétendre Les soins qu’ici nous venons vous rendre ? Qu’il veut le mériter N’a qu’à vous imiter. C’est pour vous que Vénus nous appelle, Profitez de notre ardeur fidèle, Vous aurez en ces lieux Tous les plaisirs des Dieux. C’est en vain que la haine et l’envie Sont d’accord pour troubler votre vie, Par notre heureux secours Vous en triompherez toujours. Puissiez-vous par nos soins favorables Ne passer que des jours agréables ! Est-il rien de si doux Que de vivre avec nous ? Ô déplorable coup du sort ! Je frémis parle !         Patrocle est mort, Ciel ! Quelle affreuse nouvelle ! Laissez-moi, fuyez de ces lieux, Vos appas, vos concerts, et tous les soins des Dieux Ne sauraient plus calmer ma tristesse mortelle. Courons venger cet ami que je perds, Que de sang et de morts tous ces champs soient couverts Que son fier vainqueur périsse ! Je dois à l’amitié ce juste sacrifice. Mânes de ce guerrier dont je pleure le sort, Je vous promet une prompte vengeance, J’en atteste des Dieux la suprême puissance, Je cours chercher Hector, je cours hâter sa mort. Dans l’éternelle nuit son ombre va vous suivre. Ou moi-même aujourd’hui je cesserai de vivre, Puisqu’Achille combat, nous allons triompher Notre victoire est certaine; Cessez de le haïr, hâtez-vous d’étouffer Le malheureux amour qui cause votre haine, Vous devez rendre à ce héros Le charmant objet de sa flamme. Ah ! S’il faut à ce prix assurer son repos, Dieux ! Qu’il en coûtera de tourments à mon âme ! Si vous pouviez fléchir la cruelle beauté, Dont votre coeur est enchanté, J’excuserais une injustice Qui finirait votre sort rigoureux; Mais je dois condamner un funeste caprice, Qui vous rend, tout ensemble injuste et malheureux. Il est vrai que j’attaque un coeur inexorable, Je ne puis fléchir sa rigueur ; Mais, comptez-vous pour rien la flatteuse douceur De rendre un rival misérable ? Le malheur d’un rival flatte-t-il votre ennui, Quand vous êtes encor plus malheureux que lui ? Rappelez votre courage, Que la raison vous dégage De vos fatales amours Que peut la raison le triste et vain secours Contre les traits vainqueurs d’une beauté cruelle ? Quand l’amour à nos yeux vient l’offrir tous les jours, Avec quelques grâces nouvelles. Ranimons toutefois mon courage abattu, C’est nourrir trop longtemps une vaine tendresse, Surmontons ma faiblesse, Par un dernier effort digne de ma vertu. Achille est triomphant, je le vois qui s’avance Suivi de nos soldats, charmés de sa valeur. Éloignons-nous, évitons sa présence, Je ne saurais encore répondre de mon coeur. Guerrier terrible, Soyez toujours invincible, Que vos exploits Fassent trembler tous les rois. Ciel équitable, Sois lui toujours favorable Que son bonheur Soit égal à sa valeur ! Guerrier terrible Soyez toujours invincible ; Que vos exploits Fassent trembler tous les Rois. Quelle allégresse ! Quel triomphe pour la Grèce ! Ses ennemis Lui seront bientôt soumis. Guerrier terrible Soyez toujours invincible ; Que vos exploits Fassent trembler tous les Rois. Venez tous, à l’envie, secondez notre ardeur Honorez votre heureux défenseur, Célébrez sa victoire, Chantez sa valeur et sa gloire, Que tous nos rois Charmés de ses exploits, Soient soumis à ses lois ! Suivons, suivons sans cesse Ce héros, ce fameux vainqueur C’est à son bras que la Grèce Doit sa force et son bonheur. Chantons la valeur et sa gloire Du héros qui nous a sauvé Qu’ils jouissent après sa victoire Des honneurs éclatants à lui seul réservés. Chantons la valeur et la gloire Du héros qui nous a sauvé. De ses heureux travaux chérissons la mémoire, Consacrons-lui des jours qu’il nous a conservés. Chantons la valeur et la gloire Du héros qui nous a sauvé. Allez, que chacun court où son devoir l’appelle, Vos soins pour moi feraient trop de jaloux, Et de mes ennemis la vengeance cruelle Ne pouvant m’accabler retomberait sur vous. Venez, marchez, sans défiance, Les grecs vous ont donné leur foi Achille est généreux, craignez moins sa présence Et qu’une juste espérance succède à votre effroi. Restes infortunés du plus beau sang du monde, Polixène, ma fille et vous, veuve d’Hector, Mêlez vos pleurs aux miens, et s’il se peut encor Que tout redouble ici notre douleur profonde. Puissions-nous attendrir le coeur De ce superbe vainqueur ! Vous voyez, guerrier indomptable Un roi qui fut longtemps le plus puissant des rois ; C’est ce même Priam, qui tenait sous ses lois Des Troyens renommés, l’empire redoutable; C’est lui, que le dernier de vos fameux exploits Vient de rendre plus misérable, Qui ne fut heureux autrefois. Le sort ne peut changer l’auguste caractère, Dont les Dieux vous ont revêtu. Je le respecte en vous, je plains votre vertu, Je sens expirer ma colère, Je cesse de haïr mes plus grands ennemis, Sitôt que je les vois, ou vaincus ou soumis. J’ai perdu mon époux dans un combat funeste, Votre valeur me l’a ravi ; Mon amour, chez les morts, l’aurait déjà suivi, Sans les soins que je dois au seul fils qui me reste. Vous le savez, Dieux que j’atteste! Au sort de cet enfant, mon sort est asservi ; Je l’ai perdu cet époux que j’adore, Et pour comble d’horreur, je sais qu’il est encore Indignement privé, par des ordres cruels D’un droit, que le trépas donne à tous les mortels : Souffrez que je le rende aux murs qui l’ont vu naître, Qu’un superbe tombeau fasse du moins connaître La splendeur de son sang, son sort, et mon amour. Ce tombeau servira de temple à votre gloire, Puisque tout l’avenir y verra, quelque jour, L’histoire de nos maux, et de votre victoire. Quels regrets ! Quels tristes accents ! Dieux ! Que la douleur est tendre ! Que ses soupirs sont puissants ! Que je souffre à les entendre ! Par vos sacrés aïeux ; par le nom de Thétis, Laissez-moi recueillir les cendres de mon fils. Pour m’accorder la grâce que j’espère, Souvenez-vous de votre père, Et songez quel amour il eût toujours pour vous Je sentais pour mon fils une égale tendresse ; Ah ! Jugez par l’excès de cet amour si doux Quel doit être aujourd’hui l’excès de ma tristesse. Que pourrais-je espérer du secours de mes pleurs, Si mon père et ma soeur vous trouvent inflexible ! Si vous méprisez leurs douleurs, À mes plaintes, hélas ! Serez-vous plus sensible ? Sorti du sang des Dieux, imitez leur bonté, À nos soupirs rendez-vous favorable, N’augmentez point l’excès de notre adversité Par un refus impitoyable. Que peut-on refuser au pouvoir de vos yeux ? Vous pouvez tout en ces lieux. Rassurez-vous calmez la douleur qui vous presse, Emportez dans vos murs, ce héros glorieux, Ne craignez point les efforts de la Grèce, J’arrêterai ses desseins furieux : Suivez l’ardeur qui vous anime, Rien ne vous troublera dans ce soin légitime : Je ne vais songer désormais Qu’à vous donner une éternelle paix. C’en est fait, cher Arcas, j’adore Polixène, Quoiqu’il en coûte enfin, je veux la posséder ; C’est toi que j’ai choisi, pour aller demander, Cours à Troie, il est temps de soulager ma peine. Son père, à votre amour, voudra-t-il l’accorder ? Il sera trop heureux de me donner sa fille, Et de me voir devenir son époux ; L’amitié, que ce noeud fera naître entre nous, Soutiendra désormais son trône et sa famille. Juste Ciel ! Des Troyens vous devenez l’appui ? Loin de les accabler, vous voulez les défendre. Contre un peuple abattu, que pourrais-je entreprendre, Après ce que mon bras vient de faire aujourd’hui ? Hector seul méritait la gloire De mourir par mes coups, Le reste des Troyens après cette victoire Est indigne de mon courroux. Quand après un cruel tourment, L’hymen succède Aux tendre désirs d’un amant, Que le trouble qui précède Ce bien heureux moment Est doux et charmant! Mais, on vient en ces lieux, ma surprise est extrême ! C’est Agamemnon lui-même. Je ne saurais plus longtemps Conserver contre vous mes chagrins et ma haine, Après vos exploits éclatants, Un mouvement plus doux près de vous me ramène : Avec les jours d’Hector nos périls sont passés, Troie a perdu la bras qui pouvait la défendre. J’ai fait mon devoir, c’est assez, Vous n’avez point de grâces à mes rendre : Je n’ai point crû servir ceux qui m’ont outragé, Et c’est Patrocle seul que mon bras a vengé. Votre colère dure encore, Elle éclate dans vos discours : Il faut, pour en finir le cours, Vous rendre la beauté qui vous aime toujours, Et que votre coeur adore. Venez, charmant objet, revoyez votre amant. Ah Ciel ! Ma raison cède à mon étonnement. Mes respects, mes soupirs, les marques de ma flamme N’ont fait qu’allumer son courroux ; Ses constantes rigueurs m’ont appris que son âme Ne peut brûler que pour vous. Jouissez du bonheur que l’amour vous présente, Que votre ardeur s’augmente De moment en moment ! Que c’est un plaisir charmant, Après une absence cruelle, De retrouver sa maîtresse fidèle ! Quel triste accueil, Dieux ! Qu’est-ce que je vois? Suis-je encor Briseis ? N’êtes-vous plus Achille ? Pouvez vous me revoir, et demeurer tranquille ? Qu’est devenu l’amour dont vous brûliez pour moi ? Vous ne répondez point ?...     Hélas !         Que me veut dire Ce regard, ce soupir échappé malgré vous ? Ah ! Que mon destin sera doux, Si c’est encor pour moi que votre coeur soupire ? Ô Ciel ! Que je suis malheureux ! Dans quel temps venez-vous m’accabler de vos larmes ? Que ne suis-je, à mon gré, le maître de mes voeux ! Je finirais bientôt vos mortelles alarmes Mais un charme fatal...         Perfide c’est assez. Je vois toute mon infortune, Un autre amour te rend ma tendresse importune, Je te fatigue enfin par mes soins empressés : Le bruit de cette amour nouvelle Était venu jusques à moi, Mais je n’ai pu le croire, et soupçonner ta foi, J’ai cru ton coeur trop grand, pour n’être pas fidèle. C’en est donc fait ? Je ne dois plus penser À l’hymen qui faisait toute mon espérance, À ce suprême honneur il me faut renoncer, D’un amour si parfait, funeste récompense ! Dieux ! Quelle est ma douleur ! Je cède à son effort, Cruel, peux-tu la voir avec indifférence ? Et ne sais-tu pas que ma mort Suivra de près ton inconstance ? Je ne puis entendre Une plainte si tendre Je souffre autant que vous, les Dieux m’en sont témoins, Faut-il vous immoler ma vie ? Ordonnez, ce sera le plus doux de mes soins De satisfaire à votre envie : Mais, calmez vos transports, et ne m’affligez plus Par des reproches superflus. Vous connaissez mon coeur incapable de feindre, Je suis moins criminel, que je ne suis à plaindre, Du sort et de l’Amour l’indispensable loi M’entraîne ailleurs malgré moi. Quel amant m’est ravi ! Sa valeur, sa noblesse L’élèvent au dessus du reste des mortels, La victoire le suit sans cesse, Et ses moindres vertus méritent des autels, Dans le haut rang où son destin l’appelle Il eut été parfait, s’il eut été fidèle. Mais n’est-il pas quelque moyen De détourner l’hymen où son coeur se prépare ? Ah ! Faisons que Junon contre lui se déclare, Elle hait tout le sang Troyen, Et ne souffrira pas que cet hymen funeste Sauve un peuple qu’elle déteste, Puissante Reine des Cieux ! Écoutez moi, daignez jeter les yeux Sur le malheur qui me menace, Prévenez ma honte et ma mort, En prenant pitié de mon sort. Des perfides Troyens vous contrez l’audace ? Mes voeux sont exaucés, Junon descend des cieux, Et pour me secourir s’approche de ces lieux. Calme tes déplaisirs, ne verse plus de larmes, L’Hymen qui cause tes alarmes Ne sera jamais achevé En vain Priam croit son pays sauvé, Son trône doit tomber, et de toute sa gloire Il ne restera rien qu’une triste mémoire. Je vais évoquer des Enfers La Haine, la Fureur, la Discorde et l’Envie, Leur présence sera suivie De cent prodiges divers. Sortez de la nuit infernale, Noires Divinités, vos antres sont ouverts. L’horreur de leur séjour, se répand dans les airs ! Volez, portez par tout votre rage fatale, Versez dans tous les coeurs votre mortel poison, Chassez la paix de cette terre, Et faites y régner la guerre, La vengeance et la trahison. Versez dans tous les coeurs votre mortel poison. Poursuivez votre carrière, Soleil, et rendez-nous votre clarté première. Favorable Déesse, J’attends le succès de vos soins. Avant la fin du jour tes yeux seront témoins De l’effet de ma promesse. Junon pour moi vient de se déclarer, Elle a fait, à mes yeux, éclater sa puissance, Je dois tout espérer Se sa divine assistance. Mais quel bruit harmonieux Se fait entendre dans ces lieux ! Ah ? Je vois les bergers que l’horreur de la guerre Avait chassé de cette terre, La trêve les rappelle à leur premier séjour, Et déjà leurs chansons annoncent leur retour. Que leurs chants irritent la peine Et la douleur que je sens ! Fuyons, je ne puis voir leurs plaisirs innocents, Puisqu’ils sont dûs à Polixène. Après tant de trouble et de larmes, Un doux repos succède à nos alarmes, Bénissons à jamais Le généreux vainqueur, qui nous donne la paix. Cet heureux jour doit nous charmer, Dans ces champs mille fleurs vont renaître, Recommençons d’aimer En les voyant paraître. Cherchons, avec empressement, Ces retraites, ces lieux paisibles, Que le ciel a fait seulement Pour le plaisir des coeurs sensibles. Tristes bocages, Reprenez vos feuillages, Servez nous toujours D’asile à nos amours. Tristes bocages, Reprenez vos feuillages, Servez nous toujours D’asile à nos amours. Paix adorable, Soyez toujours durable, Sans vous, hélas ! Ces lieux n’ont point d’appas. Paix adorable, Soyez toujours durable, Sans vous, hélas ! Ces lieux n’ont point d’appas. Après tant de troubles et de larmes, Un doux repos succède à nos alarmes, Bénissons à jamais Le généreux vainqueur, qui nous donne la paix. Enfin je me vois seule, et je puis sans contrainte, Faire éclater les divers mouvements Dont mon âme est atteinte, Et connaître du moins quels sont mes sentiments. Depuis l’instant fatal où l’invincible Achille A daigné, par ses soins, soulager notre ennui, Je suis cent fois moins tranquille, Et je songe toujours à lui. Serait-ce qu’en effet une indigne faiblesse Me préviendrait en sa faveur ? Non, non, je me souviens sans cesse Des maux que m’a causé sa funeste valeur, Et le vainqueur d’Hector, le vengeur de la Grèce Ne peut avoir aucun droit sur mon coeur. C’en est fait je triomphe, et dès ce moment même Je ne veux plus m’en souvenir. Puisse, grand Dieux, votre pouvoir suprême Me condamner et me punir ! Si jamais... Ciel ! Que fais-je ? Et quel transport m’inspire ? Malheureuse, qu’allais-je dire ? Dois-je un serment pour ne le pas tenir ? Je souffre trop dans les cruels combats. Qu’il m’en coûte pour me défendre ! Et je trouve mille appas À me rendre. Mais, puis-je avouer, sans honte, Que l’Amour me surmonte ? N’écouterai-je plus ni raison, ni devoir ? Contre ce Dieu leur force est impuissante ? Est il un coeur s’exempte De reconnaître son pouvoir ? Je lui cède aujourd’hui. Tous mes efforts sont vains. Je ne puis résister à l’ardeur qui m’enflamme ; Du moins, si l’Amour dispose mon âme, C’est en faveur du plus grand des humains. Ah ! Ma soeur, savez-vous qu’Achille Se flatte qu’un hymen tranquille Avant la fin du jour doit vous unir tous deux ? Souffrirez-vous que ce noeud s’accomplisse ? Et pouvez-vous, sans injustice, De ce fier ennemi favoriser les voeux ? Auriez-vous oublié que sa valeur barbare D’un frère tant aimé pour jamais vous sépare ? D’un frère la terreur, et l’amour des mortels : Cette sanglante mort, cette affreuse victoire Toujours présente à ma mémoire, A condamné mes yeux à des pleurs éternels. Est-ce de moi que mon sort doit dépendre ? Priam seul en peut disposer. Par ce détour croyez-vous m’abuser ? Non, non, je commence à comprendre Quels sont vos sentiments secrets, Vos yeux timides et distraits Ne me les font que trop entendre. Que voulez-vous me dire ? Et que soupçonnez-vous ? Que loin de seconder ma haine, Vous verrez, sans peine, Ce funeste ennemi devenir votre époux. Vous voulez jouir de la gloire De triompher de sa fierté, C’est une agréable victoire Pour votre vanité. Quand je vois ce héros digne de mon estime, Sentir pour moi l’amour le plus parfait, Est-ce un grand crime De m’en applaudir en secret ? Après un tel aveu je n’ai plus rien à craindre, C’est le dernier malheur que je puis redouter. Hélas ! Que me sert de me plaindre ? Personne ne veut m’écouter. Cher époux, dont l’illustre vie Fut si digne d’envie, Tout ton sang te trahit pour plaire à ton vainqueur, Je pleure en vain ta mort, triste effet de tes armes, Je vois mépriser mes larmes, Et par ton père, et ta soeur : Mais, leur exemple au moins ne peut rien sur mon âme, Je sens encor la même flamme, Et la même douleur. Le seul espoir dont mon coeur est flatté, C’est qu’en donnant toujours des pleurs à ta mémoire, Je rendrai ma fidélité Aussi fameuse que ta gloire. Quel reproche fatal ! Je rougis de l’entendre, Il me fait souvenir des conseils de Cassandre : Elle me prédit chaque jour, Que si jamais mon coeur s’abandonne à l’amour, Ma faiblesse sera suivie D’éternelles douleurs ; Elle m’annonce enfin de si cruels malheurs, Qu’ils pourront me coûter la vie : N’importe, je ne puis changer de sentiment, Mon coeur est occupé d’un objet trop charmant. Malgré les conseils qu’on me donne, D’une plus vive ardeur je me sens enflammer, Un coeur que le péril étonne N’est pas digne d’aimer. Ma fille, il n’est plus temps de répandre des pleurs, Voici le jour heureux qui finit nos malheurs ; Le fier Achille rend les armes À tes charmes, Et malgré tous les grecs, jaloux de ton bonheur, Il te donne aujourd’hui son empire et son coeur. Princesse, ce héros ne cherche qu’à vous plaire ; Vous avez en vos mains et la vie et la mort C’est à vous de régler son sort ; Il a déjà l’aveu de votre père, Mais, pour assurer son bonheur, Il veut savoir si votre coeur À ses tendres désirs Ne sera pas contraire. C’est assez que le Roi m’ordonne d’obéir Je connais mon devoir, je ne le puis trahir. Quel changement favorable Flatte aujourd’hui mes désirs; Aurais-je cru mon coeur encor capable De sentir quelques plaisirs ? Malgré ce changement un chagrin légitime En trouble la douceur, et s’oppose à la paix ; Mais le soin de l’État et le seul qui m’anime, Et je préfère à tout le bien de mes sujets. Vous, que votre sort intéresse Dans cet événement heureux, Peuples, montrez votre allégresse Par les jeux les plus pompeux. Vos beaux yeux, adorable princesse, Ont détruit les desseins de la Grèce, Un seul de vos regrets a rangé sous vos lois Un héros dont le nom fait trembler tous ses rois. Vos beaux yeux, adorable princesse, Ont détruit les desseins de la Grèce, Un seul de vos regrets a rangé sous vos lois Un héros dont le nom fait trembler tous ses rois. Que ne peuvent point vos charmes ? Tout leur est soumis, Ils arrachent les armes À nos ennemis. Que ne peuvent point vos charmes, Tout leur est soumis. Que ne peuvent point vos charmes ? Tout leur est soumis, Ils arrachent les armes À nos ennemis. Que ne peuvent point vos charmes, Tout leur est soumis. Que l’amour est puissant sur les coeurs : Il enchaîne Sans peine, Les plus redoutables vainqueurs. Qu’après une grande victoire Une guerrier est heureux S’il sait mêler aux charmes de la gloire Le doux amusement des plaisirs amoureux ? Vous, si longtemps banni de se sacré séjour Jeux charmants, revenez dans cette auguste cour. La paix ramène ici l’abondance, Faites voir votre magnificence, Par vos chants redoublés, célébrez ce grand jour, Et de votre bonheur rendez grâce à l’amour. La paix ramène ici l’abondance, Faisons voir notre magnificence, Par nos chants redoublés, célébrons ce grand jour, Et de notre bonheur rendons grâce à l’amour. Ah ! Que sur moi, l’Amour règne avec violence ! Que de transports puissants mon coeur est agité ! Mais j’aperçois la divine beauté Qui cause mon impatience, Son père l’a conduit, et vient sur ces autels Entendre et confirmer nos serments mutuels. Princesse enfin le Ciel répond à mon attente, Il assure à mon coeur les plaisirs les plus doux, Ah ! Que mon sort doit faire de jaloux ! Si l’Hymen, dont l’espoir m’enchante N’est pas un supplice pour vous. Quoi ! Ce transport ne sert qu’à vous confondre ? Craignez-vous de me répondre ? Pourquoi tourner vos yeux de toute part ? N’osez-vous sur moi seul arrêter vos regards ? Parlez, beauté charmante, Le don de votre coeur suivra-t-il de votre foi ? Hélas ! Plus je vous vois, Et plus mon trouble s’augmente. Puis-je, du moins en ma faveur, Expliquer ce profond silence ? Un héros tel que vous, quand il donne son coeur, N’est-il pas assuré de la reconnaissance ? C’en est trop ; vos bontés passent mon espérance. Commençons à jouir en ce jour, Des plaisirs que la Paix nous ramène, Les feux de la Haine Cèdent à ceux de l’Amour. Commençons à jouir en ce jour, Des plaisirs que la Paix nous ramène, Les feux de la Haine Cèdent à ceux de l’Amour. Peuples soumis à mes lois, Secondez les transports de mon âme ; Joignez nos voix, Pour chanter les beautés de l’objet qui m’enflamme. Peuples soumis à mes lois, Jouissez d’un sort tranquille Joignez nos voix, Pour chanter les vertus et le bonheur d’Achille. Que tous ces lieux retentissent Du nom de ces heureux époux, Que l’amour et l’hymen les unissent De leurs noeuds les plus doux. Ah ! Que vos chaînes sont belles ! Tendres amants, que vous serez heureux, Seuls, dignes l’un de l’autre, et pleins des mêmes feux, Également charmés, également fidèles, Tendres amants, que vous serez heureux. Tendres Amants, que vous serez heureux ! Chacun de vous connaît le prix de ce qu’il aime Et lui consacre tous ses voeux ; Chacun de son amour fait la gloire suprême, Tendres amants, que vous serez heureux. Tendres Amants, que vous serez heureux. Ne perdons plus de précieux moments, Allons sur les autels consacrer les serments D’une paix éternelle. Ne perdons plus de précieux moments, Allons sur les autels consacrer les serments, D’une paix éternelle Et d’un amour tendre et fidèle. Que vois-je ? C’en est fait et mon perfide amant Épouse, en ce moment, Sa nouvelle maîtresse. Ah ! Junon, est-ce ainsi que tu tiens ta promesse ? Est-ce ainsi que tu romps ces funestes liens ? Qui vont causer ma mort, et sauver les Troyens ? Un juste désespoir m’anime, Mon amour outragé demande une victime, Courons l’immoler ou périr ; Si mes transports jaloux me font commettre un crime, Pour l’expier, je suis prête à mourir. Fuyons, une mort certaine Nous n’avons plus de défenseur. Où courez-vous ? Quelle terreur Loin de ces lieux vous entraîne ? Achille ne vit plus !         Ciel ! Quel est son vainqueur ? L’indigne ravisseur d’Hélène Par une trahison a terminé son sort. Quoi ? Le traître Pâris est l’auteur de sa mort. Dieux ! Quel horrible spectacle ! Le perfide Pâris triomphe sans obstacle ; Il jouit de son crime et ne permet pas D’embrasser mon époux, même après son trépas, D’un coup mortel j’ai vu frapper Achille, J’ai retiré le trait dont il était percé ; Hélas ! Dans les douleurs dont mon coeur est pressé Ce trait fatal peut m’être utile. Je vais presser nos chefs et nos soldats De venger le meurtre d’Achille. Oui, dans mon désespoir, je conduirai leur pas Sur les remparts de votre ville, Puisse le juste Ciel se déclarer pour nous ! Et puisse aujourd’hui les Troyens périr tous. Va punir les Troyens, cours hâter la vengeance D’un héros qu’on vient d’immoler : Laisse moi seule ici ; Ne viens plus me troubler Par son odieuse présence. Par ces soins éclatants, va prouver ton amour ; Poursuis Pâris, fais lui ravir le jour Au héros que tu perds l’on te fera survivre. Depuis qu’il ne vit plus, rien ne plaît à mes yeux, Une sanglante mort va finir, en ces lieux, Les horribles tourments où sa perte me livre, Ah ! N’est-il pas moins glorieux, De se venger que de le suivre ? Mais quels tristes objets viennent s’offrir à moi ? Dieux ! Quel saisissement ! Quel transport ! Quel effroi ! Ah ! Je vois mon époux sur l’infernale rive J’entends les cris de son ombre plaintive, Elle m’appelle, elle me tend les bras. Ciel ! Je vois dans ses yeux éclater sa colère ; Chère ombre, attends, je vais te satisfaire, S’il ne faut pour te plaire, Que courir au trépas. Quel sort d’un amour si tendre ! J’éprouve enfin tous les malheurs Que Cassandre cent fois, pleine de ses fureurs, Voulut en vain me faire entendre. Et toi ? Qui teint encor du sang de mon époux, A passé dans mes mains pour terminer ma vie, Funeste trait, seconde mon envie, Que ton secours sera doux, Si tu frappes mon coeur d’une atteinte mortelle, Il s’avance lui-même au devant de tes coups, Trop heureux si tu m’es fidèle. S’en est fait le succès répond à mon attente, Je n’ai plus guère à souffrir, Je sens que je vais mourir Et c’est assez pour me rendre contente. Reçois mon sang après mes pleurs, Achille, c’est à toi que je me sacrifie... Sans toi, je déteste la vie... Oui, je le jure... Hélas... Je frissonne... Je meurs.