Nous nous sommes punis en le voulant punir, Nous fismes nostre perte en le pensant bannir ; Tout le peuple Romain dans ce mal-heur extréme En s’armant contre luy, s’arma contre soy méme ; Et croyant tout d’un coup irriter son destin Il forma des projets dont la mort est la fin. Vous avez allumé le feu qui nous consomme, Vous nous avez perdus pour vouloir perdre un homme : Mais le pis que je treuve en cette extrémité, C’est de prier encore un esprit irrité. Vous cherchâtes jadis les moyens de luy nuire, Vous entreprîtes tout afin de le destruire. L’avez vous pas traitté cent fois honteusement ? Vous estes les autheurs de son banissement ; Rome par cét exil, & par cette infamie S’est fait voir par mal-heur sa plus grande ennemie. Cependant vous pensez moderer son courrous, Et recevoir des biens qu’il n’obtint pas de vous. Dequoy, Coriolan, n’estoit-il point capable Quand vos mauvais soupçons le rendirent coupable ? Pouvoit-il pas finir l’excez de vostre ennuy, Et relever l’Estat qu’il ruine aujourd’huy ? Sa valeur esloignoit les plus fieres tempestes ; Il n’employoit ses mains qu’à conserver vos testes, Et je treuve qu’en fin vous l’avez obligé     De vanger un affront qu’il n’avoit pas vangé. Tout nous presse pourtant dans cét estat funeste, Nous sommes combatus de famine & de peste : Ne nous arrestons pas à repandre des pleurs, Et n’espargnons plus rien pour finir nos mal-heurs. Nous venons d’envoyer à cette ame cruelle Des Sacrificateurs en pompe solennelle : Mais quoy ce grand éclat, & cét insigne honneur N’ont pû nous procurer le plus simple bon-heur. Il a considéré leurs pleurs sans en répandre, Et les a méprisez au lieu de les entendre. Renvoyons toute-fois, & ne nous lassons pas De chercher s’il se peut un plus noble trépas. Allez-y Sicinie, & faites par vos larmes Que pour l’amour des Dieux il mette bas les armes ; Remontrez-luy sur tout pour son banissement Que nous avons pleuré ce triste éloignement ; Que nous sommes en dueil ; que le peuple le prie De cesser ses rigueurs, de sauver sa Patrie ; D’apaiser aujourd’huy des Volsques triomphans, Et de considerer sa femme & ses enfans ; Que dedans nos mal-heurs, sa mere le conjure De n’avoir plus égard à cette estrange injure, Et que pour tout payement de l’avoir mis au jour Elle ne veut de luy que cét acte d’amour : Qu’il entende les cris de cette pauvre ville, Qu’il y doit rencontrer un eternel azile : Bref, sans vous retenir, qu’il y doit commander C’est tout ce qu’à plus prés on luy peut demander. Dans ma commission je feray mon possible Pour le rendre bien tost plus doux & plus sensible ; Je n’épargneray rien qui puisse l’émouvoir : Dieux ! J’y vais à regret, & je crains de le voir. Son camp pourra-t’il bien me servir de retraitte ? J’ay procuré sa honte, & conclu sa défaite. Mais il est trop vangé de nous avoir soubmis, Et de punir ainsi ses plus grands ennemis : Peut-estre que nos maux ont assouvy sa rage, Que sa triste Patrie a touché son courage, Qu’il tarira nos pleurs, & qu’en fin la pitié Fera plus sur son cœur que n’a fait l’amitié. C’est tenir trop long temps ce conseil en balance, Sans doute sa fureur perdra sa violance : A quelques accidens que m’engage le sort, Je ne puis en tout cas endurer qu’une mort. Vous voyez aujourd’huy que son inquietude Est un tragique effect de son ingratitude : Cette lasche Patrie eut peur de mon credit, Me releva d’un coup, & d’un coup me perdit ; Moy, de vous aujourd’huy j’épreuve le contraire, Il semble que mon mal ait produit son salaire, Employant contre vous & le fer & le feu, Je creu n’agir pas bien pour n’agir que trop peu. Vous n’en eustes jadis que des marques trop amples, J’ay bruslé vos maisons, j’ay prophané vos Temples : En fin je fis beaucoup quand vous vistes ces mains Faire vostre défaite & le bien des Romains. Cependant ma misere a receu l’allegeance De ceux dont je devois attendre la vangeance. Les Volsques irritez d’un pareil traitement Ont vangé ma querelle & mon bannissement : Ils m’ont plaint aussi tost dans mon injuste peine, Et pour aller contr’eux m’ont fait leur Capitaine : Où ma Patrie ingratte apres mille bien faits A tiré vanité des maux qu’elle m’a faits, A forgé des soupçons pour me rendre coupable, A crû par mon exil mon destin miserable ; Et pour luy demander l’honneur du Consulat M’a jugé criminel en dépit du Sénat. Mais ceux qui par mal-heur souhaiterent ma perte, Se treuvent languissans dans leur ville deserte, Confessent maintenant que leur espoir fut vain, Et meurent attaquez & de peste & de faim. Mais c’est punir trop peu leur insolente vie, Quoy qu’ils soient affligez ils sont dignes d’envie, On peut croistre aisément les maux qu’ils ont soufferts, Et leur faire souffrir ce qu’on souffre aux Enfers. Je feray mon pouvoir pour la donner en proye ; On en fera bien tost ce qu’on a fait de Troye ; Je veux rendre par là mes exploits immortels, Démolir leur remparts, & brizer leurs Autels, Et faire en fin que l’air devienne si funeste Que mesme les corbeaux y meurent de la peste. Vous n’estes pas l’autheur de tout ce qui leur nuit, Eux mesmes ont causé le mal-heur qui les suit ; Vostre vangeance est juste, & leur mal legitime, Le Ciel qui les punit a rougi de leur crime, Et leur fera souffrir des tourmens eternels Par les mesmes esprits qu’ils ont fait criminels. Ils ont à vos dépens eslevé des trophées, Rallumé par vous seul leurs flammes estoufées, Mis à bout les desseins qu’ils avoient machinez, Et par vous mesme aussi seront-ils ruinez. Le sort fait voir souvent de ces metamorphoses, Nous estonne par fois par de pareilles choses, Fait sortir d’un sujet deux effets differens, Et rabat à la fin le pouvoir des Tyrans. Mais la vangeance encor n’en peut estre assouvie, C’est aujourd’huy trop peu que la fin de leur vie. Laissons-en pour monstrer qu’on les a sçeu punir, Une fidelle marque aux siecles à venir : Rendons à nos nepveux nos vangeances visibles, Nous nous en devons prendre aux choses insensibles, Ruiner leur Palais, destruire tous leurs forts, Et qu’il ne reste pas un membre de ce corps : Ou si leur Tybre en reste, il faudra par son onde En declarer la perte aux yeux de tout le monde ; Preuver que ces Tyrans ont treuvé leur tombeau, Et que Rome a passé comme passe son eau. Mais un Romain s’approche ; estrange patience ! Vous pouvez librement luy donner audience. Il ne trouvera pas dequoy se consoler ; Voyons-le toute-fois, & l’entendons parler. Dans les ressentimens d’une peine infinie, Et parmy les remords…             C’est donc toy, Sicinie ? Dans mes premiers regrets tu m’as abandonné, Et dedans le dernier m’as tu pas condamné ? Crois-tu bien me surprendre ? as-tu l’effronterie De procurer le bien d’une ingratte Patrie ? Et toy le plus méchant de ceux qui sont au jour, Veux-tu tirer de moy quelque marque d’amour ? Apres tes lâchetez doi-je benir ta peine ? Faut-il que ma pitié recompense ta haine ! N’espere plus de moy que de honteux refus ; Je sçay ce que je suis, & ce que tu me fus. Seditieux Tribun, infame, sanguinaire, Tu croyois justement mon trépas necessaire ; En effect vostre sort eust esté bien plus dous De m’éloigner plutost du monde que de vous. Mais que me veux-tu dire ? & quelle Rethorique Me doit faire cherir la liberté publique ? Parle, que je t’entende, & que sur tes propos Je vous fasse esperer la mort, ou le repos. Helas ! nous confessons quand nous formons nos plaintes, Que nos maux sont legers au respect de nos craintes ; Que nous n’attendions pas de si doux traitemens, Et que nous meritions de plus grands châtimens. Nous avons fait vos maux, & vous faites les nôtres, Ou nous fismes plutost & les uns & les autres : Mais ne redoutez plus nostre infidelité, Ne considerez point Rome à l’extremité, Regardez vostre mere & languissante & blesme, Regretter son païs, vostre fame, & vous mesme, Et vos pauvres enfans que peut-estre demain Vous verrez massacrez de vostre propre main. Que si vous ne rendez nostre sort plus prospere, Ayez pitié du moins d’une innocente mere ; Soulagez vostre fame, & dans nos maux puissans, Perdant les criminels, sauvez les innocens. Aussi tost que le peuple eut donné la sentence, Le Ciel s’arma pour vous, & prit vostre défence, Nous punit d’un exil que le Sénat craignoit, Que nous sollicitions, & que chacun plaignoit. Mais rentrez dedans Rome, & pour vostre salaire, Regnez-y, grand Guerrier, comme un Dieu tutelaire. Traistres, dissimulez, pour fléchir mon courrous Vous me venez offrir ce qui n’est plus à vous. Où sont tous vos remparts ? qu’avez-vous à deffendre, Que mes gens en un jour ne puissent bien vous prendre ? Non, ne me parlez plus ; je veux donner des lois A celle qui ne veut triompher que des Rois, Qui joint l’ingratitude à ses mauvais ofices, Et qui prend du plaisir à punir les services. Est-ce pas de moy seul qu’elle tient tout son bien ? Pour épargner son sang j’ay prodigué le mien ; Sur tout dans ce combat dont j’emportay la gloire, Avec combien d’efforts gagnay-je la victoire ? Nous estions sur la mer, redoutant en tous lieux Les vagues, les rochers, & la terre & les Cieux, Pource que tout d’un coup une horrible tempeste Esclata sous nos pieds & dessus nostre teste ; La gresle nous attaque, & la foudre la suit, Qui nous fait voir du jour au milieu de la nuit : Chacun commence à craindre, & dans ce triste orage Aussi bien que la mer nous escumons de rage ; Le desordre est par tout, par un effet nouveau, La mer est toute en flame, & le Ciel tout en eau : Mais c’est peu que la mer, que la foudre & la gresle, On voit les Elemens confondus pesle mesle ; La navire eslevée, & preste d’abismer Se treuve suspenduë entre l’air & la mer ; Les vents ébranlent tout, excepté mon courage, Et la foudre en tombant rompt mast, voile & cordage : Ces Juges immortels se moquent de nos vœux, Nous sommes dans les eaux, & nous craignons les feux : Le Ciel à nos mal-heurs se rend opiniastre, L’eau paroist à nos yeux, blanche, noire, & bleüastre, Nous touchons un rocher, tout se perd à l’instant ; Bref tout nostre vaisseau n’est plus qu’un ais flottant. Je me sauve dessus, ma fureur endormie     Se réveille, & poursuit nostre troupe ennemie ; En fin j’ateins mes gens : car dans cét Element Nous vismes tous perir mon vaisseau seulement. Seigneur, je suis témoin de vostre grand courage, Je vis vostre conduitte aussi bien que l’orage. Nous vinsmes tout d’un coup par un subit éfort Des approches aux mains, & des mains à la mort : Bref sans vous raconter ces funestes batailles La pluspart dans la mer firent leurs funerailles  Ce fer vous fit douter quand il perça leur flanc Si vous nagiez sur mer ou bien dessus du sang. Vous fustes tous surpris d’un si triste spectacle, Et crûtes que les Dieux avoient fait un miracle. Mais à quoy raconter tant de combats divers, Qui les peut ignorer dans tout cét Univers ? Dans mon premier essay pour vostre Republique Un Dictateur m’offrit la Couronne Civique, Quand Tarquin le superbe assisté des Latins Employa son pouvoir pour forcer vos destins. Que n’ai-je point tenté dans la plus grande guerre ? Et que n’ai-je point fait, & sur mer & sur terre ? Cependant j’ay receu l’infamie en payement, Je me ressouviens bien de mon banissement. Allez dire aux Romains que tout leur est funeste ; Que c’est peu que la faim, que la guerre & la peste ; Qu’ils n’ont encore veu leur mal-heur qu’à demy ; Que je suis leur plus grand, & leur pire ennemy ; Que je boiray leur sang ; que j’auray l’esprit libre Si j’en puis voir un fleuve aussi grand que le Tybre. Ruiner son païs, & tuer ses parens, N’a rien de genereux ; c’est le fait des Tyrans. Que vouloit ce Romain ?         Qu’au fort de nos tempestes Il vous plût d’écouter nos tres-humbles requestes. Vous estes des aigneaux : mais dans vostre courrous Vous avez la coustume & la rage des loups. Vous n’excusez jamais, vous n’exceptez personne, Et vos sanglantes mains vont jusqu’à la Couronne. Vous voulez triompher des plus belles vertus ; Les Sceptres sous vos pieds demeurent abatus ; Les Romains sont subjets si les Rois ne les servent, La guerre les nourrit, les crimes les conservent ; Tous les plus noirs pensers que suggere l’Enfer, Les meurtres, les poisons, & la flame & le fer, Vous semblent aujourd’huy des ébats ordinaires, Et pour vous maintenir des actes necessaires. Vostre orgueil vous déceut, mais vous estes rangez ; Vous nous avez punis & nous sommes vangez. Lors que l’occasion vous fut tant oportune, Vous usastes du temps, du lieu, de la fortune ; Vous n’épargnastes rien ; vos soldats glorieux Ne pardonnerent pas seulement à nos Dieux ; Et si vous leur rendez de si parfaits hommages Vous pouviez en tout cas respecter leurs images, Conserver nos Saincts lieux, & du moins déferer Quelque respect à ceux qu’on devoit adorer. Mais vos Religions vont dans l’hypocrisie ; On voit bien que vos Dieux sont tous de fantaisie ; Que vous haïssez ceux dont vous n’esperez rien, Et que vous reverez ceux qui vous font du bien. Qu’a dit Coriolan ? vous aime-t’il encore ? Nous le supplions tous, & tous il nous abhorre, Il parle contre nous avecque passion, C’est ce qui me confond dans ma Commission. Ha ! Seigneur plûst au Ciel, au point que je vous prie Que mon sang épargnast celuy de ma Patrie ! Je suis bien asseuré que j’en viendrois à bout, Je me ferois ouvrir pour le répandre tout. J’estime vos bontez ; vous estes charitable, Mais vous courez danger de mourir miserable. Qu’on ne rencontre plus de Romains dans ce lieu, Dites nous maintenant un eternel adieu. Nous entrerons dans Rome, & quoy qu’elle machine, Le moindre d’entre nous a juré sa ruine : Ne vivez plus ainsi d’esperance & de peur, Car nous voulons à tous vous arracher le cœur ; Il faut que vous mouriez ; que Rome toute entiere, Et pour elle & pour vous serve de cimetiere. Dieux nous sommes perdus ! n’esperons plus de bien, Nostre meilleure attente est de n’attendre rien. Sicinie est-il vray ? seroit-il bien croyable Que l’ingrat à nos maux parust impitoyable ? Qu’il nous voulust vanger des maux qu’il a soufers ? Et nous faire souffrir les flammes & les fers. Ah ! quelles cruautez, dans ces nouveaux supplices, Il n’en veut pas punir seulement les complices ; Les bons & les mechans pâtissent à la fois, Il veut en tous les lieux signaler ses exploits, Nous apprester bien tost de mesmes funerailles, Ou dedans nos maisons, ou dessous nos murailles, Destruire son païs de l’un à l’autre bout, En allumant un feu qui le consomme tout. N’atendons jamais rien du secours de nos larmes, Esperons tout du Ciel, & du succez des armes. Nos Sacrificateurs ont senty son courous, Et ne l’ont pas treuvé plus sensible que vous. Il est dans le dessein de vanger son injure, D’irriter contre nous les Dieux, & la Nature ; D’aigrir de plus en plus nostre mal-heureux sort, Et de nous procurer une honteuse mort. Rome en fit autre-fois sa meilleure esperance Alors que sa valeur la mit en asseurance, Et que nos ennemis treuvoient sans son secours Le terme de sa gloire, & celuy de nos jours : Mais le peuple animé d’une injuste rancune Bannit avecque luy nostre bonne fortune, Treuva par cet exil les bords de son cercueil, Et le couvrant de honte, il nous couvrit de dueil. A quoy donc maintenant nous pouvons nous resoudre ? Nous avons dessus nous attiré cette foudre, Et pensant l’éloigner de l’Empire Romain, Nous luy mismes d’abord les armes à la main. Cependant on l’acuse, & de nostre misere Vous estes les autheurs, & la cause premiere Vostre acusation le faisant condanner Acheva le dessein qu’on n’ozoit terminer ; Et nous ne doutons pas qu’une haine ancienne Separoit seulement vostre ame de la sienne. Et de fait confessez pour le voir trop puissant Que vous ne crûtes pas qu’il deust estre innocent : Vos craintes, vos soupçons, vos demandes, vos termes, Ebranlerent bien tost les esprits les plus fermes ; Vos Conseils dangereux où chacun s’est remis Firent lors des boureaux de ses plus grands amis. Exerçastes vous pas une rigueur extréme ? En le croyant Tyran vous le fustes vous mesme. Le Senat qui voyoit son innocence au jour Ne pût à son desir luy montrer son amour. Vous l’empeschâtes seul d’y pourvoir de bonne heure ; Vous pensiez que l’Enfer deust estre sa demeure, Ou qu’estant contre luy par un juste courous Il perdroit son credit s’il estoit contre nous. Vous voyez maintenant mal-heureux Sicinie Quels fruits nous recueillons de vostre tyranie, Et de quelle façon vous nous avez traittez Par vostre jalousie, & par vos laschetez. Je ne m’excuse point : je n’en suis pas capable Je ne suis toute-fois innocent ny coupable ; Ou si l’on me punit d’une telle action Tous les Romains auront mesme punition. Vous me confesserez que Rome toute entiere Treuva pour le convaincre assez ample matiere ; Ou bien si par mal-heur vous ne concevez pas Qu’il meritast l’exil, ou plustost le trépas : Considerez, Seigneurs, sans blâmer Sicinie, Qu’il a souvente-fois brigué la tyranie ; Qu’il a vendu nos bleds sans nous en advertir, Au lieu qu’il les devoit au peuple départir, Et qu’en ces faits derniers le gain d’une victoire Le rendoit trop cruel pour le combler de gloire. Lors que n’a-t’il point fait contre tant de Romains ? Il pensa mille fois ensanglanter ses mains, Et par ses cruautez il sembla nous contraindre D’empescher les mal-heurs qu’on avoit droit de craindre, Quand la pluspart troublez de ses coups insolens Parurent devant moy justes & violens. On me loüa tout haut d’une telle entreprise, Où je n’eus d’interest que pour nostre franchise. Mais lors qu’on veut punir un puissant ennemy, On ne le doit choquer ny punir à demy. On doit chercher sa mort alors qu’il la mérite, Ou si l’on ne le fait, le châtiment l’irrite, Et l’oblige à vanger par d’autres cruautez Les moindres maux qu’il croit n’avoir pas meritez. Et s’il vous obligeoit à cette violence, Pourquoy donc mettiez vous son trépas en balance ? Outre que le Senat n’apreuva nullement Ny vostre procedé, ny son banissement. Il falloit recourir à cette medecine, Puis qu’on devoit couper le mal dans sa racine. Le feu qui le bruloit nous alloit consumer, Une juste fureur le pouvoit animer ; Et nous voyons en fin que cét homme indocile Treuvoit à ses souhaits un succez trop facile. Il s’attaquoit à nous, par les mesmes efforts, Il destruisoit bien tost ce venerable corps, Et si l’on n’eust finy ses desseins par les nostres Il nous alloit destruire, & les uns & les autres. Brute ayant rabatu le pouvoir de nos Rois Fut estimé dans Rome, & beny mille fois ; Quand l’esprit des Tarquins par un sort déplorable Ne faisoit point de vœux sans faire un miserable, Qu’on souspiroit par tout ; que l’Empire abatu Perissoit tous les jours par sa propre vertu, Et que ces factieux nous forçoient de nous plaindre Des maux que tout un peuple avoit sujet de craindre. Tullie à mon advis est presente à vos yeux, Vous vous ressouvenez de son crime odieux ; Lucresse vous en est une preuve assez ample De qui la mort honteuse est un si bel exemple : Bref ces superbes Rois furent tous abhorrez, Et leurs persecuteurs furent presque adorez. Qu’ay-je fait apres tout qui merite censure ? J’ay vangé par l’exil une commune injure, Et contre un qui vouloit la qualité de Roy J’ay tenté ce que Brute a tenté devant moy. Lors qu’ils furent chassez tout estoit legitime, Tarquin nous haïssoit, le fils commit un crime, Et depuis leur exil qu’ils ont voulu vanger, Coriolan sans doute a bien sçeu les ranger. Quand ils furent banis, leur rage fut extréme : Mais comme leur grandeur, leur pouvoir fut de mesme ; Toute-fois nous perdons le temps à raisonner, Eloignons le mal-heur qui nous vient talonner, Invoquons tous nos Dieux, courons aux Sacrifices, Rendons nous s’il se peut les Astres plus propices. Sur tout asseurez vous que dedans nos mal-heurs Vous verserez du sang si nous versons des pleurs. Allons, Madame, allons, & que ce nom de mere Nous fasse rencontrer un destin moins contraire. Sortons viste de Rome, & pour notre salut Espreuvons desormais s’il sera ce qu’il fut. Nous avons trop soufert pour soufrir davantage, Moderons aujourd’huy l’ardeur de son courage ; Qu’il succombe au recit de nos moindres douleurs, N’épargnons ny respects, ny prieres, ny pleurs. Que ce devoir de mere, & cette amour de fame Impriment vivement la pitié dans son ame ; Que ces pauvres enfans implorent son secours ; Qu’il n’accourcisse pas la longueur de leurs jours : Et qu’en fin sa rigueur qui seroit sans seconde Ne fasse pas mourir ceux qu’il a mis au monde. Je l’advoüe à ce coup, qu’une juste pitié M’anime pour le moins autant que l’amitié, Et que m’imaginant Rome toute deserte Je regrette à tous coups cette sensible perte ; Que c’est bien justement que je suis dans le dueil Puis qu’on met tous les jours mes parens au cercueil, Et que dans cette triste & funeste avanture Le sang a mille fois démenty sa nature. Le desir de vangeance, & sa boüillante ardeur Ont chassé le respect, & l’amour de son cœur. Il croiroit faire mal s’il formoit une envie Qui regardast un jour le bien de notre vie, Et qui le fist resoudre à finir son couroux De peur que nostre sort fust trop libre, & trop doux. Avant qu’il fut bany nous n’avions rien qu’une ame, Nos esprits en tous lieux ne sentoient qu’une flame, Nos cœurs se répendoient ; & puis de tous les Dieux L’amour estoit celuy que nous servions le mieux. Mais vrayment la fortune a bien changé de face, Sa faveur seulement précedoit sa disgrace, Ainsi qu’un temps serain précede bien souvent Quelque grande tempeste, & quelque horrible vent. J’advois eu cy-devant une esperance haute, Mais j’ay donné la vie à celuy qui me l’oste, Et qui dedans ce mal dont il nous peut guerir S’obstine le premier à nous faire mourir. A parler sainement son exil fut infame ; Mais le voulant vanger, il néglige sa fame, Et nous traisne aujourd’huy dans le mesme mal-heur Qui nous prive du jour, & le comble d’honneur, S’il doit à tout le moins emporter quelque gloire D’une si mal-heureuse & si triste victoire. Helas ! s’il ne perdoit que ceux qui l’ont perdu, Mais il détruit des gens qui l’avoient défendu, Et de qui les Conseils joints à son grand courage Le jettoient dans le port en dépit de l’orage. Cet Auguste Senat qui soustint sa grandeur, Et qui benit cent fois sa genereuse ardeur, Lors que nos ennemis dans leur honteuse fuitte Redoutoient sa valeur, & loüoient sa conduite ; Est prest de succomber dans ces adversitez Et de porter le dueil de ses prosperitez. Que diray-je de plus ? dans sa rigueur extréme Attaquant son païs il s’attaque luy mesme, Et montre clairement qu’il veut s’abandonner A dessein de nous nuire, & de nous ruiner : Imitant à plus prés ces fatales ruines Qui tombant quelque-fois sur les places voisines S’enfoncent d’ordinaire avec beaucoup de bruit Dedans les mesmes lieux qu’elles ont tout détruit. Il est bien vray, Madame ; & dans son entreprise Au point qu’il perd l’honneur nous perdons la franchise ; Celuy qui perd l’honneur n’a plus rien à garder, Et dedans nostre mort qu’il craint de retarder J’ay bien peur justement qu’un esprit si farouche Nous oblige de craindre, & de fermer la bouche, Au moment que nos yeux luy preuveront assez Nos plaintes à venir & nos mal-heurs passez. Aussi ne veux-je point une longue harangue ; Mes yeux noyez de pleurs feront mieux que ma langue, Et cette eau confonduë avecque mes souspirs Parlera seulement de nos justes desirs. Mais quel regret aussi me reste-t’il dans l’ame, S’il perd le souvenir de sa premiere flame ? Et si vangeant ses maux par un commun trépas Il rougissoit le Tybre, & n’en pâlissoit pas ? En fin se rendroit-il Tyran de sa Patrie Qu’il devroit regarder avec idolatrie ; Feroit-il ruinant ceux qui l’ont élevé Ce que ses ennemis n’avoient pas achevé ? Se serviroit-il bien dedans cette avanture Des pierres de nos Dieux pour nostre sepulture ? Les voudroit-il détruire ? & dans ses cruautez Se pourroit-il porter à ces impietez ? Madame, ce penser met mon ame à la geine, Et ce point seulement renouvelle ma peine. S’il a déja sa mere, & sa fame en horreur Il peut jusques aux Cieux estendre sa fureur. Il faut donc prevenir un si triste spectacle, Nos pleurs, & nos sanglots y mettront un obstacle ; Ou si nos propres maux ne le peuvent ranger Nous vangerons sur nous l’afront qu’il veut vanger. Vostre gloire sur tout trouble sa fantaisie, Et vostre grand credit le met en jalousie. Non, ne vous flattez point d’une si douce erreur, Il peut la convertir desormais en fureur. Prenez donc tousjours garde à cét ame insensée ; Car des propos si doux démentent sa pensée, Aufidie est un traistre, et le ressentiment De son premier mal-heur trouble son jugement. Les Volsques sont d’humeur à garder une injure ; C’est un peuple méchant, lasche, ingrat & parjure ; Il vous aime, il vous craint ; mais vous ne songez pas Qu’il avoit cy-devant cherché vostre trépas : Que cette perte en fin nous peut estre commune, Puis qu’il peut ruiner nostre bonne fortune ; Et que vous craignant trop pour vous voir trop puissant Il peut se relever en vous afoiblissant. Ne méprisez donc pas les Conseils de Sancine Qui n’a jamais eu peur que de vostre ruine. Icy la prévoyance est une lascheté Contre un peuple qui craint ma générosité Sancine espere tout, j’ay treuvé des delices Aux lieux où je devois attendre des suplices ; Il est vray qu’Aufidie est cruel & jaloux, Mais je n’ay pas sujet de craindre son couroux ; Je suy ses interests, & songe je te prie Que pour les conserver je détruis ma Patrie. Donc si vous m’en croyez, triomphons promptement Pour ne luy pas laisser un soupçon seulement. J’y suis bien resolu ; la chose est déjà preste, Mon sort est glorieux d’une telle conqueste, Et je meurs trop content en ce que j’ay soubmis Soubmettant les Romains, mes plus grands ennemis. A quoy reservons nous la force de nos armes, Leur sang seroit-il bien épargné par leurs larmes ? Usons viste du temps ; allons, fameux Guerriers Parmy tant de Cyprez recueillir des Lauriers. Et vous Coriolan de qui les faits celebres Font aujourd’huy de Rome un sejour de tenebres ? Avez-vous des remords de sa calamité ? Qu’avez-vous à songer dans cette extremité ? Détruisons sans rougir & les uns & les autres, Ce sont mes ennemis, ils ont esté les vostres : Cependant vous révez sur leur prochain mal-heur, Il semble que leur mort cause vostre douleur Vous ont-ils pas bany ?         Genereux Aufidie, Ne me soupçonnez point d’aucune perfidie ; Je garderay ma foy, rien ne me peut changer, Je vous dois satisfaire, & je me doy vanger : Scay-je pas maintenir ce qu’il faut qu’on maintienne, Leur mort reparera vostre injure & la mienne : Puis qu’avec injustice ils m’ont voulu bannir, Je sçay que mon exil est encore à punir. Digne Autheur de mon bien & de ceste victoire ; Combien dans ce dessein emportez vous de gloire ! Je vous dois embrasser, & pour tant de bienfaits Loüer vostre constance, & benir vos éfets. Sus donc, l’occasion nous est trop favorable, Cherchons leur sur le soir une fin déplorable, Apaisons par leur sang nos esprits irritez, Et ne diferons plus des tourmens meritez. Je serois mal-heureux s’ils ne le pouvoient estre : Mais dans mes cruautez je leur feray connestre Que j’eus dés mon exil toute Rome en horreur ; Que je la fis l’objet de toute ma fureur, Et que le Ciel devoit me fournir une foudre Qui dans une heure ou deux la va reduire en poudre. Madame en cét estat je ne puis vous parler. Mais aurai-je autrement de quoy me consoler ? Esperez tout de moy, considerez, Madame, Dans ces confusions que vous estes ma fame ? J’ay vescu nuit & jour dans une égale ardeur, Et dedans ma bassesse, & dedans ma grandeur. Dans la peur que j’avois qu’on fist perir vos charmes, J’ay poussé des soupirs, & j’ay versé des larmes, Et vous seule autre-fois avez pû dans ce cœur Imprimer pour jamais, & l’amour & la peur. Non, mon ame, celuy qui détruit toutes choses, Et qui cause chez nous tant de metamorphoses ; Le temps qui peut changer les plus fermes esprits N’a pû changer l’ardeur dont je me sens épris. Mon mal ne fut pas grand estant bany de Rome : Mais chere Verginie, au feu qui me consome Je treuvay que mon sort ne pouvoit estre dous ; Car m’éloignant de Rome on m’éloignoit de vous. Dans ce départ sanglant, j’eus mille fois envie De finir par le fer ma miserable vie, Si l’amour qui console, & qui garde un Amant Ne m’eust fait esperer quelque contentemant. Je me flattois ainsi dans ceste douce attente Afin qu’en ce mal-heur mon ame fust contente, Et que mes déplaisirs fussent tous enchantez Par l’espoir seulement de revoir vos beautez. Maintenant que le Ciel soufrant que je vous voye Dissipe ma tristesse, & me comble de joye ; Je doy m’imaginer que c’est bien à propos Que je vous dois chercher desormais du repos Parlez donc librement : mais avant que j’entende De vostre propre bouche une telle demande, Asseurez vous d’avoir de ma tendre amitié Tous les bons sentimens qu’on doit à la pitié ; Pourveu que l’interest de la race Romaine Ne se confonde point avecque vostre peine. Pour qui croyez vous donc que je puisse parler ? Hé quoy nostre interest doit-il pas se mesler ? Verroi-je mes parens prés de la sepulture Endurer des tourmens qu’abhorre la Nature, Sçachant que leur esprit est tout prest de sortir Sans soulager leurs maux, ou sans y compâtir. Lors qu’on fera de Rome une ville deserte Voulez vous que je sois insensible à sa perte ? Et que pour un serment fatal & solennel L’innocent soit puny comme le criminel ? O Ciel ! où treuvez vous ces injustes maximes, Qu’il faille reparer un afront par des crimes ? S’en prendre sur son sang, massacrer ses amis, Et violer la foy que l’on leur a promis : Ruiner son païs, craindre de s’en distraire, Et prendre contre nous nostre party contraire. Mon cher Coriolan, tant de meres en dueil Verront-elles sans pleurs leurs maris au cercueil ? Et les pauvres enfans qui sont dans leurs entrailles Y doivent-ils ainsi faire leurs funerailles ? Leur refuserez vous le moindre acte d’amour ? Mourront-ils par vos mains sans avoir veu le jour ? Et massacrerez vous dans cette horrible envie Ceux qui peut-estre encore n’ont pas receu la vie ? Conserverez vous bien ce penser plein d’horreur Sans étoufer dés l’heure une telle fureur ? Mon tout qu’est devenu ce loüable courage, Peut-il bien demeurer où preside la rage ? Et la raison qui fait que nous craignons les Dieux, Peut-elle s’acorder avec les furieux ? Dequoy m’acusez vous ? de quelle ingratitude Pour me faire sentir un traitement si rude ? Et que vous ay-je fait pour me reduire au point De craindre tout de vous, & de n’esperer point ? Peut-estre croyez vous que parmy tant de plaintes Je pousse des soupirs qui sont meslez de feintes ; Que j’ay favorisé vostre banissement Sans avoir soupiré de cét éloignement. Ah ! Madame, ce mot me met à la torture, Vous avez soupiré dans ma triste avanture, Et je juge aisément par tout ce que je voy Que vous avez soufert du moins autant que moy. Je plains encor vos pleurs dont le frequent usage Vous a noyé les yeux, & changé le visage : Et je suis si confus de causer vos douleurs Qu’à peine devant vous retiendray-je mes pleurs. Sensible cruauté, fatale destinée ! Je demande la vie à qui je l’ay donnée, Et par un accident que je ne connois pas Celuy que j’ay fait naistre avance mon trepas. O Dieux ! n’achevez point ; quelque chose qu’on die, Je ne sçaurois tremper dans cette perfidie ; La Nature & le Ciel m’imposent cette Loy De vous rendre ce bien puis que je vous le doy ; Seroit-ce une faveur dont je deusse estre avare ? Madame, croyez vous que je sois un Barbare ? Et que ce cœur pour vous ne garde desormais Les meilleurs sentiments qu’il gardera jamais ? Ay-je oublié les soins qu’un fils doit à sa mere ? Est-ce moy qui vous rend la fortune contraire ? Hé ! jugez-en, Madame, autrement s’il vous plaist, Considerez toujours la chose comme elle est. Si j’ay tantost failly vous me pouvez reprendre : Mais ne me blâmez pas avant que de m’entendre. Voyez que mon exil est encor tout recent ; Que par là mon païs ne peut estre inocent, Et que me proposant une fin miserable Il s’est fait criminel en me rendant coupable. Ne l’ayant point forcé de me desobliger, Son mauvais traittement me force à me vanger. En ce cas j’ay voulu chercher une retraitte Chez ceux de qui j’avois commencé la défaitte ; Si bien qu’ils m’ont donné pour finir mon ennuy Ce que dans mon mal-heur je n’obtins pas de luy. On ne vous peut loüer de ceste tyrannie Dont l’effet vous aporte une joye infinie. Quand vous aurez détruit tous ces lieux d’alentour ; Que tous les Citoyens seront privez du jour, Et qu’on aura forcé tant de Dames Romaines, Serez vous plus vangé qu’en finissant nos peines ? Comment ! verriez vous bien des Volsques triomphans, D’un païs, d’une mere, & de vos chers enfans ? Le soufririez vous bien ? & qu’au-delà du Tybre On me trainast esclave, & que vous fussiez libre ! Que je vinsse prier ces barbares esprits Dont je serois peut-estre, & l’amour & le prix ? Que sans considerer mon rang ny ma naissance Le vice par la force oprimast l’innocence ? Et pour le dernier trait de mon mal-heureux sort Que j’eusse de Lucresse & la honte & la mort ? Si vous restez ingrat de quoy que je vous prie, Je ne survivray pas à ma triste Patrie. Ainsi j’auray moy-mesme à moy-mesme recours ; Ils n’auront pas l’honneur de terminer mes jours, Cette main préviendra leur furieuse envie, Je les contenteray par la fin de ma vie : Ce fer leur aprendra que je ne fuyois pas Les plus rudes chemins qui meinent au trépas. Ma mort est un exemple.         Ah, Madame, je tremble ! Mon fils, que de mal-heurs vous causerez ensemble ! C’est par là seulement qu’il se faut secourir, Je sçay comme on doit vivre, & comme on peut mourir, Et je ne puis manquer dans ce dessein tragique Vous me prestez la main pour le mettre en pratique ; Ou si vous desirez qu’on sçache à l’avenir Que vostre tendre amour m’en a pû retenir, Voyez nostre païs sans dessein de luy nuire, Ne le détruisez pas de peur de me détruire, Pour ne me rien nier acordez luy ce bien, Et soulagez son mal pour apaiser le mien. Au nom de tous les Dieux, au nom de vostre fame, Et d’une mere en pleurs dont vous arrachez l’ame, Estoufez maintenant vostre premier projet, Quittez cette fureur dont nous sommes l’objet ; Et sans nous arrester, prononcez de bonne heure Qu’il faut que Rome dure, ou qu’il faut que je meure ; Car vous devez sçavoir que mon destin est tel Qu’on ne luy donne coup qui ne me soit mortel. Vos propos tout d’un coup viennent de me confondre Et dedans cét estat je ne vous puis répondre. Mon esprit est confus dans cét estonnement ; Madame, accordez moy, s’il vous plaist un moment : Donnez ce peu de temps à cette grande afaire ; Car je n’ay de pensers que pour vous satisfaire, Et si quelque raison me preuve desormais Que l’injustice regne en tout ce que je fais : Je feray mes efforts pour rendre contente, Et contre l’aparence, & contre vostre atente. Durant ce peu de temps je vais prier les Dieux Qu’ils veuillent vous ouvrir, & l’esprit & les yeux. Sancine j’ay bien peur qu’en fin tant de paroles Ne rendent tout d’un coup mes attentes frivoles ; S’il se donne long temps le soin de l’écouter, Sçache que son pouvoir est bien à redouter. Je n’ay point de party qui ne luy soit contraire Puis qu’il a maintenant à combatre une mere ; Sa fame en ce dessein peut si bien l’émouvoir Que je crains de tenter ce que je veux sçavoir. Ouy, dedans ce moment je voy tomber ses armes Aussi tost qu’il verra leurs veritables larmes. Si ce fameux Guerrier combatu de pitié Fait succeder la grace à son inimitié, Nos affaires vont mal : pour moy j’en desespere, Puis qu’il a maintenant à combatre une mere, Et sans doute il craindra de nous voir triomphans Se remettant aux yeux sa fame & ses enfans. Il est pourtant encore à vanger sa querelle, Il doit exterminer cette race infidelle ; Toute nostre entreprise est proche de sa fin, Nous ne sçaurions perir ny changer de destin, Et bien tost j’en aurois tout ce que j’en espere : Mais il a toute-fois à combattre une mere. Il me semble la voir embrasser ses genoux, Pousser mille sanglots pour fléchir son courroux, Noyer ses yeux de pleurs, & se jetter par terre Pour luy faire abhorrer cette derniere guerre ; Et puis luy proposer mille conditions Pour changer en un rien ses inclinations : J’ay bien peur que le sort ne nous soit pas prospere Car je voy des enfans, une fame, une mere. Non, non, dans ce dessein Rome doit succomber, Coriolan sçait bien qu’elle est preste à tomber, Ny païs, ny parens ne le peuvent contraindre De differer les maux qu’elle avoit droit de craindre. Puis qu’il la doit punir avec juste raison Ne le soupçonnez point d’aucune trahison : Je l’ay tenté souvent pour le mettre en balance ; Mais il ne veut agir que dans la violence, Et je croy que leurs pleurs y serviront si peu Qu’il ne leur parlera que de sang & de feu. Contente moy Sancine, & pour m’oster la crainte Forme luy de ma part quelque sujet de plainte : Va le voir de ce pas, & pour tout compliment Dy luy que je l’attens, qu’il vienne prontement ; Qu’il differe long temps à vanger son outrage, Et que tout nostre bien dépend de son courage ; Que je ne puis attendre, & que dans cette nuit Il faut que son païs soit tout à fait détruit. Insatiable faim de gloire, Parens qui flattez ma mémoire Dans l’espoir de vous soulager ; Quand cesserez vous ces contraintes ? Mon dessein se doit-il changer En faveur de vos justes plaintes ? Ne me doy-je jamais vanger De peur d’entretenir vos craintes ? Et ne sçaurois-je pas dedans un mesme jour Conserver mon honneur ny garder mon amour ? Traistres Tyrans de ma pensée Qui rendez mon ame insensée Quand vous venez m’entretenir ; Dans cette funeste avanture Si je tasche à vous retenir Je fais horreur à la Nature ; Païs, honneur, ressouvenir Qui me mettez à la torture Sentiray-je tousjours mille nouveaux trépas En suivant vos advis, ou ne les suivant pas ? Je treuve une mere affligée Qui ne peut estre soulagée Que par moy qui la doy guerir : Mais si ma rage est assouvie Quand je croiray la secourir Le sort punira mon envie ; Les Volsques me feront mourir Si je luy veux donner la vie : Et dedans ce dessein que je treuve si beau, Je ne puis y courir qu’en courant au tombeau. Helas ! si je me rends contraire Aux vœux d’une si bonne mere Je me sens indigne du jour : Elle veut estoufant ma rage Que je témoigne de l’amour A qui m’a fait un tel outrage, Que Rome, & les lieux d’alentour Ne maudissent point mon courage ; Et qu’en fin son païs apres mes maux soufers Meure dedans la gloire, & son fils dans les fers. Ce dessein est-il legitime ? Et peut-elle bien par un crime Conserver ces gens mal-heureux ? Le mien est-il digne de blâme ? Aujourd’huy je me vange d’eux Pour m’avoir privé de mon ame : O Ciel ! ô destins rigoureux ! Chere mere que je reclame, Songez dans ces transports que par tout vous suivez Que je vous doy le jour, mais que vous m’en privez. Maudite, & coupable Patrie Faut-il encor que je te prie De pardonner mes mouvemens ? Recouvreras-tu tes delices ? Et pour de rudes châtimens Dont on doit punir tes complices, Oubliray-je tous mes tourmens ? Retarderay-je tes suplices ? Et crois-tu depuis peu m’avoir fait tant de biens Que pour brizer tes fers j’aille forger les miens ? Race ingratte & dénaturée Qui n’as qu’un moment de durée, La mort finira ta douleur ; Ta ville doit estre deserte Aussi bien apres ce mal-heur Et la peine que j’ay souferte, L’honneur oblige ma valeur De ne plus diferer ta perte, Puis qu’il me ressouvient que tu m’as pû banir Je te rendray l’horreur des siecles à venir. Sancine vient icy, que luy pourray-je dire ! S’il se peut cher amy, soulage mon martire Et tasche à consoler mon esprit abatu Ou bien par tes bontez, ou bien par ta vertu. Je ne le puis celer, il faut que je te die Qu’une mere, une fame, & sur tout Aufidie Livrent à mon esprit de si puissans combats Que je n’oze accorder ny finir leur débats. Quoy, vous suivez encore une route incertaine ? Ce dernier procedé nous a tous mis en peine ; Nous avons contre nous de puissans ennemis Si nous ne leur tenons ce qu’on leur a promis. Ils parlent déja mal voyant bien qu’on retarde : Mais ne balancez plus, la chose vous regarde. N’allez plus oposer, ny païs ny parens, Vous estes obligé de punir ces Tyrans ; Il y va de la vie, & sur tout d’une gloire     Qui fera quelque jour l’ornement de l’histoire ; Que pouvez vous réver ?         Non, je ne réve plus ; Car ces empeschemens seront tous superflus, Je suivrois de bon cœur leur legitime envie : Mais je doy conserver mon honneur & ma vie. Allons, je veux user d’un pouvoir absolu, Les Romains periront j’y suis trop resolu. C’est ainsi qu’il faut prendre un si bel avantage, Pour nous faire loüer vostre noble courage. Ne vous laissez donc pas emporter à leurs pleurs ; Conservez vostre gloire, & plaignez leurs malheurs. Quittez ces mouvements, combatez ces chimeres Et songez que l’honneur nous est plus que nos meres. Les Romains n’ont qu’une heure à respirer le jour, Et nous leur produirions quelques marques d’amour ? Est-ce pour les biens-faits qu’ils ont voulu vous rendre, Qu’aujourd’huy vos bontez taschent de les défendre ? Et leur devez vous tant, que vous soyez contraint De soulager les maux dont ce peuple se plaint ? A quoy nous serviroit d’esperer dans nos armes Si nous ne les jugions à l’espreuve des larmes ? La gloire nous suivroit desormais rarement S’il falloit contre nous des fames seulement. Balancez vous encor cette entreprise aisée ? Vostre juste fureur doit-elle estre apaisée ? On péche à pardonner aussi bien qu’à punir, Consultez la raison ; car il faut s’en munir. Oposez à leurs pleurs vostre premiere honte, De crainte qu’à la fin la pitié vous surmonte Et leur representez vostre banissement Puis qu’elles n’en sçauroient blâmer le châtiment. Je vous dois confesser que leur triste visage Avoit pour quelque temps suspendu mon courage, Une tendre pitié par un éfort soudain Combatit mon esprit, & me retint la main. Mais apres tant de pleurs qu’elles ont sçeu répandre Ce cœur trop glorieux n’a point voulu se rendre ; Si bien que leurs torrens dont je restay vainqueur Me moüillerent les yeux sans m’atendrir le cœur. Ne les tenez donc plus si long temps en haleine Vostre retardement les pourroit mettre en peine ; Allez leur asseurer que Rome doit perir, Et qu’en differant trop vous me faites mourir. Allons, Coriolan, treuvons toutes nos forces, Ne nous laissons pas vaincre à leurs douces amorces ; Artifice, courage, honneur, vangeance, foy, Ne m’abandonnez pas, & combatez pour moy. Sancine tout va bien, je voy l’afaire preste. Je m’en tiens assuré, j’en répons de ma teste, Je l’y voy disposé par ces derniers propos, Il regarde de prés nostre commun repos Mais il seroit cruel autant que temeraire S’il refusoit d’entendre une fame, une mere, Et des enfans si beaux que leurs moindres regars Font fendre de pitié son cœur de toute pars. Et je croy sans mentir qu’il seroit impossible Qu’il les vist endurer, & rester insensible : Et si pour son delay cét Estat n’est pery Songez bien qu’il est fils, qu’il est père, & mary, Et qu’il doit afliger comme il nous fait parestre Celle qui l’a fait vivre, & ceux qu’il a fait naître : Son dessein ne peut nuire, il craint d’abandonner Ce qu’on n’a jamais eu dessein de ruiner, Et son esprit subtil les flate en aparence, Ou de quelque plaisir, ou de quelque esperance. Je l’en estime plus en ce qu’il va les voir, Afin de se soubmettre à ce dernier devoir. La cruauté me plaist quand elle est legitime ; Mais lors qu’elle est injuste, elle tient lieu de crime. Coriolan fait bien de rendre à ses parens De veritables biens ou du moins aparens. Ils ne cognoissent pas qu’en tout il dissimule, Qu’il flatte doucement leur esprit trop credule ; Que dans l’état present il peut leur commander, Et qu’il promet beaucoup pour ne rien acorder. Il conserve tousjours une si forte envie D’oster à tout ce peuple, & l’honneur & la vie ; D’abatre ses maisons, de ruiner ses fors, D’y voir en un moment ensevelir leurs corps ; D’afliger ce païs d’un châtiment extréme, Et de le brusler tout, que j’en brusle moy-mesme. Je ne me connois plus songeant à la rigueur Dont il nous punissoit quand il estoit vainqueur. Nous avons veu souvent nos maisons embrazées, Nos temples abatus, & nos villes razées, Nos meilleurs soldats morts à nos pieds estendus ; Nos enfans estoufez, & tous nos biens perdus. Maintenant que le sort nous donne l’advantage, Sçache que la raison doit ceder à la rage ; Que je me veux vanger des maux que j’ay soufers ; Qu’ils sentiront les feux ; qu’ils seront dans les fers ; Et que de tous les maux dont on punit une ame, Le moindre qu’ils auront est le fer & la flame. J’y résve bien encore, & je ne puis treuver Que je me doive perdre afin de les sauver : Je sçay quelle est leur peine, elle est assez visible, Et ce n’est pas aussi que j’y sois insensible. Mais connoissez vous pas qu’on me contraint en tout ? Qu’on veut que mes desseins aillent jusques au bout ? Et qu’en fin pour conclurre, en cette Tragedie, Le premier personnage est celuy d’Aufidie ? Vous vous estes acquis par vos soins diligens, Et par vos actions du pouvoir sur ses gens, Et les ayant tous mis dans l’estat de vous craindre, Malgré tout autre advis vous les pouvez contraindre. Ils leveront le siege, & resteront vangez ; Cependant nous verront les Romains soulagez, Vous serez satisfait, & je seray contente D’avoir mis en vous seul une si douce attente. Vous pouvez irriter le mal & le guerir ; Forcez nous donc de vivre, ou nous faites mourir. Deux mots y suffiront, prononcez-les sans crainte, Finissez prontement, ou ma vie ou ma plainte. Certes mal-aisément vous puis-je consoler ; C’est pourquoy je soupire, & je crains de parler. Mon ame en ces transports est assez irritée : Mais Rome doit perir, la chose est arrestée. Quoy, Rome doit perir ! tu veux donc triompher ? Toy que dés le berceau je devois étoufer ? Aurois-tu bien préveu dedans cette victoire Que la honte des tiens deust servir à ta gloire, Enfant dénaturé, dont l’aveugle fureur Va jusques à ta mere, & la remplit d’horreur ? Ingrat Coriolan t’ay-je donné la vie Afin que par toy-mesme elle me soit ravie ? Et ne t’ay-je eslevé dans ce comble d’honneur Qu’afin de me priver de tout autre bon-heur ? Insatiable fils, dangereuse vipere ; Execrable serpent qui fais mourir ta mere ; Miserable vautour dont la seule rigueur Vient m’afliger sans cesse & me percer le cœur. Quand est-ce que les Dieux par un soin necessaire Changeront pour mon bien ton humeur sanguinaire ? Tu veux donc seulement finir le triste cours De si pressens ennuis, par celuy de mes jours ? Helas ! ay-je autre-fois failly de telle sorte Que je deusse endurer une chaisne si forte. Ouy, car si c’est faillir que d’aimer par excez J’en devois seulement atendre ce succez, Tu punis ton païs d’un châtiment si rude Qu’il a beaucoup d’horreur de son ingratitude, Et ceux dont tu faisois nagueres tant de cas Ne sont persecutez que comme des ingrats, Puis qu’apres les bontez que tu luy fis parestre On ne t’a pû garder ny moins te reconnestre. Cependant tout d’un coup je te voy succomber, Tu veux punir un crime, & je t’y vois tomber. Que ne t’ay-je point fait dans tes tendres années ? J’ay tant soufert pour toy de peines obstinées ; Et dans le seul regret de ne te suivre pas, J’ay pleuré, j’ay pâty, j’ay senty le trépas. Et tu restes ingrat à ma juste priere, Tu défends à mes yeux le bien de la lumiere.  T’ay-je pas eslevé ? t’ay-je pas mis au jour ? Et peux-tu justement douter de mon amour ? Lors que nostre ennemy dans ces dernieres guerres Vint creuser son cercueil dessus nos propres terres, Un chacun benissoit la force de tes mains Pource qu’on te croyoit le suport des Romains. L’Estat en esperoit des choses nompareilles, J’en avois atendu moy-mesme des merveilles, Tes seules actions nous sembloient enseigner L’art de nous bien conduire, & celuy de regner. Cependant ton esprit trop subtil à nous nuire, Cherche nos ennemis afin de nous détruire, Fait son party du leur, & se joint avec eux, Excite leur vangeance, & rallume leurs feux. Mon fils, s’il m’est permis dedans ma crainte extréme De traiter avec vous, & de parler de mesme : Helas ! je vous suplie à genoux humblement D’oublier comme moy vostre banissement ; De laisser les Romains dans un Estat paisible, Et de finir mes maux si vous estes sensible. Non, non, je veux mourir embrassant vos genoux, Je mourray doucement si je meurs prés de vous. Ah ! mere trop credule, aurez vous quelque gloire De remporter ainsi cette triste victoire ? Victoire mal-heureuse, & pour vous & pour moy, Triomphe sans combat qui me remplit d’éfroy. Où voy-je maintenant ma fortune soubmise ? Vous avez étoufé ma plus noble entreprise : Mais vous aurez regret de m’avoir combatu ; Vous en acuserez vostre propre vertu, Et vous condamnerez tous les jours vostre langue Qui n’a seduit mon cœur que par cette harangue ; Puis vous me blâmerez n’ayant pas resisté A ces derniers soupirs qui m’ont si bien tenté. Vos pleurs vous ont trahie, & par la mesme voye Que je finis vos maux, vous finissez ma joye ; Je l’aprehende au moins ; car peut-estre d’abord     Tous les Volsques troublez arresteront ma mort. Ils vangeront sur moy cette injure commune Eux qui m’ont crû l’autheur de toute leur fortune ; Les ay-je pas deceuz, j’ay trahy leur dessein, Ils m’ont donné le fer qui leur ouvre le sein, Et je ne me sers plus que de leur industrie Pour les perdre d’un coup en sauvant ma Patrie. Mais n’importe, Madame, étoufez vostre peur, Puis que vous le voulez je me pers de bon cœur. Il faut lever le siege à dessein de vous plaire, Et je veux desormais obeïr & me taire ; Je ne rendray jamais ce mouvement secret Si l’on me fait mourir je mourray sans regret ; Et de quelque rigueur qu’on menasse ma vie Parmy tous les tourmens j’auray la mesme envie ; Je vous en fais, Madame, un serment solennel Quand tous mes ennemis me tiendroient criminel ; Quand je serois l’horreur parmy tous les grands hommes, Et du temps à venir, & du siecle où nous sommes ; Et qu’en fin l’ennemy me perceroit de coups Pour assouvir sur moy son plus juste courroux. Mon cher Coriolan que faut-il que je fasse ? Soufrez que je vous baise, & que je vous embrasse ? Et qu’apres les mal-heurs dont vous bornez le cours Je m’exprime en faveur de mes chastes amours. Mais puis que maintenant vous voulez que je vive, Permettez moy du moins que par tout je vous suive, Et que nous partagions dans nos ardens desirs, Et les mesmes douleurs, & les mesmes plaisirs. Les chemins, les combats, & les horreurs des armes Auront alors pour moy d’inévitables charmes ; Je vous verray tousjours dans un dessein si beau, J’iray mesme avec vous jusques dans le tombeau, Si par un coup fatal les tristes destinées N’estendent pas plus loin le cours de vos années : Et je treuve aussi bien que dans ce meme jour Mon courage s’acorde avecque mon amour. Ouy, je vous le permets, & je vous le demande : Mais je treuve pour vous cette entreprise grande. Songez-y bien, Madame, & croyez s’il vous plaist Que je ne vivray plus que pour vostre interest ; Et que puis que nos cœurs s’unissent de la sorte Dans cét effet d’amour dont l’excez les transporte, Nous gousterons des biens si fermes & si doux Que les plus fortunez en deviendront jaloux. Mais sans plus arrester publiez dedans Rome Que j’esteindray bien tost le feu qui la consome. Faites leur esperer des traitemens meilleurs, Dites que ma fureur se convertit ailleurs Que je leve le siege en faveur de vos larmes Et qu’elles m’ont forcé de mettre bas les armes. Ouy, j’y vais de bon cœur, & demain du matin Je vous suivray par tout où voudra mon destin. J’ay bien peur qu’à la fin la pitié ne le tente, Sancine, il est long temps, ce delay me tourmente ; Qui le peut retenir de la sorte en ce lieu ? Il n’estoit question que de leur dire adieu, Et de leur faire voir que toutes leurs amorces Nous devoient irriter, & ceder à nos forces. Cependant je languis dedans ce souvenir, Il me semble à tous coups qu’il craint de revenir ; Sancine, qu’en crois-tu ?         Qu’il vous fera parestre Qu’il hait ce peuple ingrat, & qu’il n’est pas un traistre Qu’il sçait executer tout ce qu’il a promis, Et qu’il voit les Romains comme ses ennemis. C’est prester du secours à mon ame abatuë, Je voy tousjours sa mere, & c’est ce qui me tuë ; Sa fame, ses enfans, leurs souspirs & leurs pleurs Me font par fois soufrir de sensibles douleurs. Aprenez donc aussi que vostre crainte est vaine, Je connois dés long temps ce vaillant Capitaine, Dans ce qu’il entreprend rien ne le peut changer, Outre que son humeur le porte à se vanger. Elles rentrent dans Rome, & sans aucune envie De me solliciter de leur donner la vie, Et ma mere & ma fame auront le mesme sort De ce peuple obstiné, s’il doit soufrir la mort. N’aprehendez plus tant, mon ame est satisfaite, Je feray là dedans ma plus douce retraite ; Les Romains me verront un esprit resolu, Je me tiens dés cette heure à ce que j’ay conclu : Ma fame en portera la premiere nouvelle, Et vous verrez par là si je leur suis fidelle. O Dieux ! Coriolan, je meurs dans ces transports, Je ne redoute plus tous les plus grands éforts. Si vous avez pû vaincre une fame, une mere, Je voy bien que ma crainte est moins qu’une chimere, Et dedans cét espoir dont je me sens flater, Je m’en vais donner ordre à ce qu’il faut tenter. Il n’a pas bien compris ce que je viens de dire, Il veut les ruiner, cette perte l’attire : Mais j’ay perdu pourtant le soin de me vanger, Ma parole est donnée, il n’y faut plus songer : Je pardonne aux Romains.         Ce pardon m’épouvante, Gardez bien que le sort ne trompe vostre attente ; Ne nous abusez pas de semblables propos, S’ils sont en liberté, vous serez sans repos Remarquez, Aufidie, & dessus toutes choses… Je ne m’attache pas à ce que tu proposes. L’afaire est déja faite, il ne peut l’empescher. Non, non, son interest vous doit estre plus cher. Ayant mal commencé, je doy finir de mesme : Mais suy moy seulement si tu veux que je t’aime. Ouy, je vous en asseure, il pardonne aux Romains, Mes pleurs ont fait tomber les armes de ses mains. Vous ne pouvez tenir son amitié suspecte ; Car malgré son exil, sçachez qu’il vous respecte Et qu’avant que le jour vienne fraper nos yeux, Il doit lever le siege, & sortir de ces lieux. Nos Sacrificateurs ont moins fait que vous autres, Et vos pleurs en éfet ont essuyé les nostres. Madame, vous pouvez vous vanter desormais Puisque Rome vous doit ce qu’elle aura jamais ; Que nostre liberté sans vous estoit ravie, Et qu’avec ce thresor vous nous rendez la vie. Venez donc prontement en recevoir l’honneur D’un peuple qui n’atend que ce dernier bon-heur. Il vous doit honorer, car vous pouvez bien croire, Que le triomphe au moins suivra cette victoire, Et que tous les Romains vous restent obligez Apres tant de tourmens dont vous les soulagez. Quoy ! le siege est levé ? voulez vous qu’Aufidie Trempe si lâchement dans cette perfidie ? Qu’il accorde sa haine avec vostre pitié ? Que nous bornions le cours de nostre inimitié ? Et qu’enfin les Romains dedans nostre advantage Nous acusent de crainte & de peu de courage. Les Volsques vous avoient acordé du secours Lors que vous en faisiez vostre dernier recours : Ils avoient méprisé les plus fortes alarmes Afin de seconder la force de vos armes, Et le moindre de nous s’aprestoit à punir Ceux de qui l’insolence avoit pû vous banir. Et puis vous relaschez au point qu’on doit combatre, Lors qu’on doit triompher vous vous laissez abatre ; Et dedans le moment que vous estes vainqueur Il ne faut qu’une fame à vous gaigner le cœur. Songez que depuis peu Rome est vostre ennemie ; Qu’elle vous a bany ; mais avec infamie, Et que les ennemis qu’on vous voit negliger Vous ont presté leur bras afin de vous vanger. Cependant vous tremblez alors qu’on vous reclame, Et pour vous retenir il ne faut qu’une fame ! Ouy, dites contre moy tout ce que vous pensez. Je demeure muet lors que vous m’ofensez : Mais ne vous troublez pas, ou mon cœur vous conjure, Si vous parlez de moy de parler sans injure. Dedans cette action, lors qu’on parle de vous Il est bien mal-aisé de parler sans courous. Vous nous avez trahy, vous nous faites connestre Que vous estes ingrat, & que vous estes traistre. Ne vous emportez plus, ces mots injurieux Treuveroient contre vous un esprit furieux J’eusse rendu bien tost vostre sort plus prospere : Mais doi-je m’obstiner à combatre une mere ? Ma fureur à ses pleurs a décreu de moitié, Et je n’ay pû la voir sans en avoir pitié. Contr’elle j’ay tenté ce qui m’estoit possible : Mais pouvois-je la vaincre & rester insensible ? Et voir dedans ce jour ma fame & mes enfans Suivre les volontez des Volsques triomphans ? Vous m’avez obligé de vanger ma querelle : Mais Rome est mon païs, luy pui-je estre infidelle ? Vous nous engagiez tous dans ce triste party, Et j’en voy maintenant vostre esprit diverty : Nous avons secondé vos desseins & vos armes, Et pour vous surmonter il ne faut que des larmes ! On sçaura qu’une femme a sauvé les Romains ; On dira que ses yeux ont plus fait que vos mains, Et qu’il ne falloit plus pour finir leur tristesse, Et pour nous ruiner que la mesme foiblesse ; Voyez à quel estat vostre honneur est soubmis D’avoir ainsi traité vos plus forts ennemis. Vous direz, s’il vous plaist quelque chose de pire : Mais je vois à plus prés ce qu’on en poura dire : Vous me reprocherez que je vous ay trahis ; Mais j’avois une mere, une fame, un païs ; Et l’on ne peut blâmer ma pitié naturelle Qui veut que je sois lâche en leur estant fidelle. Ne vous excusez plus ; cette fidelité Est un visible éfet de vostre lâcheté ; Une fame a gagné l’honneur d’une victoire Qui vangeoit vostre honte & nous combloit de gloire. Il ne vous restoit plus pour marquer vos douleurs, Et pour bien l’imiter que de verser des pleurs. Et pour vous bien vanger d’un si sensible outrage, Il ne vous reste plus qu’à tenter mon courage : N’allez pas plus avant.         Peut-estre que les Dieux Reconnétront bien tost vos soins officieux. Je poursuy mes desseins, & mal-gré tous les vostres Je me puis bien sauver si je sauve les autres. Apres tous ces honneurs il faut le visiter, Camille c’est en vain que tu veux m’arrester ; Nous nous sommes jurez une foy mutuelle, Et si je ne le suy je me treuve infidelle. Les guerres desormais seront donc vos ébats ? Vous irez avec luy dans les plus grands combats ? Et suivant tous les jours les ardeurs de vostre ame Vous serez dans le sang, vous serez dans la flame. Tous les dangers pour vous auront quelques apas ; En fin vostre valeur bravera le trépas ; Vous l’acompagnerez en quelque lieu qu’il aille, Sans vous, Coriolan ne peut voir de bataille ; Pource que c’est en vous que son cœur s’est remis, Vous donnerez la fuitte à tous ses ennemis ; Vous le suivrez par tout : hé songez vous, Madame, Que le peril est grand, & que vous estes fame, Et que par vos atraits vous pourez surmonter Tous ceux que par la force on ne sçauroit donter ? Madame, je sçay bien que vos yeux ont des charmes Capables de forcer & les cœurs & les armes ; Mais vous remarquerez…         Camille tout va bien, Avec Coriolan je n’aprehende rien. Ce point seul me soulage, & je suis assurée De gouster des plaisirs d’une longue durée. Non, non, vous n’aurez pas ce que vous en pensez, L’esperance vous flatte, & vous vous ofensez. Proposez vous encore une fin plus facile A combatre une armée, à forcer une ville : Mais nostre sexe est foible, & vous ne songez pas Qu’un peril l’épouvante, & qu’il craint le trépas Sçache que de bon cœur je m’éloigne de Rome ; J’ay les mains d’une fame, & j’ay le cœur d’un homme ; Je ne puis estre lâche en voyant devant moy Un mary qui m’anime, & qui combat pour soy : Et quand je ne serois jamais victorieuse Je treuve que ma mort doit estre glorieuse, Puis qu’on ne me sçauroit justement reprocher De ce que j’ay suivy ce que je tiens si cher. J’espere avecque luy de faire des miracles ; Je forceray pour luy toutes sortes d’obstacles, Et si dans les combats je le voyois perir Ayant si bien vescu je sçaurois bien mourir. Mais ne me quitte point, si tu veux que je vive ; Dy moy qu’il faut le voir quelque mal qui m’arive, Que je le dois aimer, & que malgré le sort Nous devons partager une semblable mort. Madame, je le veux, je vous suy sans contrainte : Mais pourtant ce dessein me fait trembler de crainte. Observez mes amis le tout de point en point, Cherchez-le sans tarder, & ne me trompez point. Punissez prontement cette ame criminelle, Je vous en sollicite, & c’est vostre querelle ; Vous estes obligez de marcher & d’agir Contre un de qui la peur nous force de rougir, Et vous ne sçauriez plus suspendre vostre rage Si vous considerez jusqu’où va cét outrage. Nous l’avons soulagé dans ses maux infinis, Afin de le vanger nous nous sommes unis ; Nous avons hazardé nos thresors & nos vies, Nos armes cependant luy seront asservies ; Et lors que vous deviez vous vanger des Romains, Cét esprit criminel a retenu vos mains, Il ne pouvoit treuver un destin favorable, Et sans vostre assistance il estoit miserable. Nagueres les Romains l’avoient-ils pas puny ? Vous vint-il pas prier apres qu’il fut banny ? Et moy malgré le Ciel qui luy fut si contraire, L’avois-je pas traité comme mon propre frere ? Et l’ingrat apres tout ne vint s’abandonner Qu’à fin de nous surprendre & de nous ruiner. Détruisons ses desseins avecque sa fortune, Cette injure me touche, elle vous est commune, Et nous ne devons pas aujourd’huy negliger Le temps de le convaincre & de nous bien vanger. De tant de lâchetez ce sera la derniere. Pour nous avoir trahis, il perdra la lumiere. Nous suivrons vos conseils, car nous les apreuvons ; Nous ne soupçonnions pas ce que nous épreuvons, Le traistre perira, sa perte est conjurée, Et malgré son pouvoir sa mort est assurée. Je seray satisfait si vous executez Apres un tel afront, ce que vous prométez Je ne vous retiens plus, allez-y de bonne heure, Ne l’entretenez point, sur tout faites qu’il meure ; Et jamais rien de vous ne me sera suspect Si vous n’avez pour luy ny pitié ny respect. Ne luy donnez donc pas loisir de vous entendre, Il auroit des raisons qui vous pouroient surprendre. Il vous engageroit dans un party nouveau Que son esprit subtil vous feroit trouver beau ; Et par des trahisons qu’il sçait mettre en pratique, Il pouroit eviter une fin si tragique. Apres sa trahison il peut bien s’excuser : Mais il est mal-aisé qu’il nous puisse abuser : Outre que pour vanger nos douleurs sans pareilles, Nous preparons nos mains, & non pas nos oreilles. Vangez nous donc sans peur de tant de maux passez, L’afaire est importante, & nous sommes pressez.  Courez-y sans regret, rien ne vous épouvante. Vostre ame en un moment se treuvera contente. Nous nous pouvons vanger avec juste raison Puis qu’on ne le punit que de sa trahison Ne desesperons plus puis qu’on vange Aufidie Du lâche & traistre autheur de cette perfidie. Tant de Volsques unis ne l’épargneront pas, Il ne peut desormais eviter le trépas ; Et je m’en vais le voir avec fort peu de conte Aussi couvert de sang qu’il nous couvre de honte. Fais ce que je te dis si tu veux m’obliger, C’est toy seul desormais qui me dois soulager : N’y recule plus tant, va querir Verginie, Son absence me cause une peine infinie ; Jure luy de ma part que son éloignement Retarde mon départ & mon contentement. Que son éloignement aujourd’huy vous retarde : Mais voyez s’il vous plaist un point qui vous regarde ; Les Volsques sont trahis, & vous ne voyez plus Qu’apres avoir rendu leurs desseins superflus, De quelque faux espoir que l’on les entretienne, Ils pouront procurer vostre mort & la mienne. Apres tous leurs biens-faits vous leur estes soumis, Et vous en avez fait vos plus grands ennemis. Vous voulez que le sort ne vous soit plus propice ; Car vous vous endormez au bord d’un precipice, Et méprisant leur feinte avecque leur pouvoir, Vous vous rendez aveugle afin de ne pas voir. Considerez un peu qu’Aufidie est un traistre, Ou s’il ne le fut pas, qu’il le fera paraistre, Et qu’il est obligé de vanger dessus nous Un afront qui nous perd, & qui les touche tous. Que si vostre pitié se treuve legitime, Executant si peu vous avez fait un crime. Dans leurs premiers projets leurs combats furent vains Lors que vous sousteniez le party des Romains : Mais dedans ce dernier afin de vous défendre, Vostre necessité leur fit tout entreprendre. Ils ont abandonné leurs villes & leurs forts, Et pour vous soustenir ils ont fait tant d’éforts ; Cependant vostre feu n’est plus qu’une fumée, Vous demeurez ingrat, vous laissez leur armée, Et bien loin de leur plaire & de les contenter Les Romains avec vous les ont pû surmonter Estes vous ennemy de vostre propre gloire ? Je le voy neantmoins, & je ne le puis croire. Avec vous j’ay couru les païs estrangers, Et je vous ay suivy dans les plus grands dangers. Rome fut mon païs, mais apres vostre perte Je crû qu’on en feroit une ville deserte, Et qu’enpruntant les bras de tous nos ennemis Vous feriez pour le moins ce qui leur fut promis, Va, cours, parle à ma fame, & si tu me l’ameines Tu te pouras vanter d’avoir finy mes peines. Si tu veux m’obliger tu n’as rien qu’à courir, Et tu n’as qu’à tarder pour me faire mourir. J’ay suivy vos desseins sans regret & sans crainte, Et je vous obeïs encore sans contrainte. Il est vray que j’ay tort, & je dois l’advouër, Obligeant des ingrats on ne m’en peut loüer. Ce peuple m’a bany, je soustiens sa querelle ; Il fut impitoyable, & je luy suis fidelle : Mais pourtant une mere engageoit par ses pleurs Mon esprit furieux à finir ses mal-heurs. Ma fame & mes enfans estoient-ils pas capables De procurer le bien de ces ames coupables ? Et pouvois-je à bon droit refuser la pitié, A celle dont mon cœur honore l’amitié ? Non, je n’ay point regret de ce bien-fait estrange, Cette faveur sans doute est digne de loüange, Et je seray trop cher à la posterité D’avoir servy des gens qui m’avoient irrité. Il est tout à propos, nostre entreprise est belle Suivez moy seulement je vous seray fidelle, Allons executer nostre dernier dessein, Enfonçons luy d’abord nos poignards dans le sein. Prenons-le prontement ; mais d’une telle sorte Qu’il ne puisse aporter de resistance forte : Autrement sa valeur se déferoit de nous, Et luy seul suffiroit contre les bras de tous. Cependant qu’il médite usons de l’avantage, Ne luy donnons pas lieu d’épreuver son courage. Ah traistre ! tu mourras, c’est un arrest du sort. O Dieux ! je suis blessé, je tombe, je suis mort ! Encore un coup, perfide ; il est mort l’infidelle, L’Enfer va recevoir son ame criminelle. Mais ne demeurons pas davantage en ces lieux De peur de voir tousjours cét objet odieux ; Aufidie en doit estre adverty de bonne heure, Et la fuitte pour nous est icy la meilleure. Camille attens moy là, je reviens prontement, Afin de luy parler je ne veux qu’un moment ; Et lors tu connétras jusqu’où va ma franchise, Et jusqu’où peut aller toute nostre entreprise. Je vous attens, Madame, il faut vous obeïr : Mais songez apres tout à ne vous pas trahir. L’amour, Coriolan, me force de te suivre, Puisque le Ciel sans toy ne me peut faire vivre. Mon cœur, déja ma joye est sans comparaison, Et mon impatience ofense ma raison. Mais sont-ce encore icy les restes de la guerre, Quelques goutes de sang paroissent sur la terre ; Un corps mort estendu me vient d’épouvanter : Justes Dieux, c’est luy mesme on n’en sçauroit douter ? Ouy, ouy, tout est perdu, mes douleurs sont trop vrayes ; Quelle barbare main a fait ces larges playes ? Et qui s’est pû porter sans crainte & sans éfroy                    95 A massacrer un cœur que je croyois à moy ? Mon cher Coriolan, si tu n’as rendu l’ame, Pousse au moins pour me plaire un petit trait de flame ; Reprens un peu tes sens, ah ! discours superflus, La vie est une mer qui n’a point de reflus ; Nos jours sont des ruisseaux que les Parques retiennent, Qui s’écoulent tousjours & jamais ne reviennent, Et depuis que la mort en arreste le cours Tous les Dieux n’y sçauroient aporter du secours. Coriolan est mort ! la cause de ma vie Sans qu’on m’ait fait mourir, m’a donc esté ravie ? Quoy donc, on a détruit ce miracle d’amour, Et je me plais encore à respirer le jour ? Mon cœur est massacré par un coup trop funeste Pour tascher desormais d’en conserver le reste. J’aurois mauvaise grace en sçachant son trepas De ménager un corps où l’esprit ne vit pas. Meurs donc subitement ingratte Verginie ; Ton esperance est morte, & ta joye est finie. N’atens plus rien du sort, voy que tout est pery, Et que tu n’as plus rien n’ayant plus de mary. Ha ! ne t’arreste plus à ces discours frivoles, Pour mourir apres luy faut-il tant de paroles ? Ton extréme douleur ne veut rien t’acorder, Mais tes mains au besoin te peuvent seconder. Ne recule donc plus à ta fin mal-heureuse ; Va chercher à mourir en fame genereuse ; Ne prens point les conseils d’un foible jugement, N’entend plus ta raison, suy ton aveuglement, Execute sans peur ce qu’inspire la rage, Mets le feu, les poisons, & le fer en usage. Sans le secours des Dieux tu peux treuver la mort, Ta main t’y servira, meurs en dépit du sort ; Fais-toy dans ce dessein toutes choses propices, Invoque les fureurs, cherche les precipices, Va chercher un poignard qui te perce le flanc, Qui tire de ton corps ce qui reste de sang, Ou si tu peux treuver une mort plus cruelle Soufre-la sans horreur, tu la dois treuver belle.