Seigneur, n’avez vous point envie De changer votre train de vie ? Voulez-vous sans cesse risquer > Vos jours sur ces Mers redoutables ? Notre vaisseau ne peut manquer D’aller enfin à tous les diables. Je crains moins la Mer en colère. Que je ne redoute les noeuds, Dont tu sais que le Roi mon Père Veut lier son fils malheureux. Son Fils malheureux ! Ne dirait-on pas qu’il veut vous faire écorcher tout vif ? Ce bon papa, grillant dans l’âme De se voir de petits-enfants, Qui réjouissent ses vieux ans , Vous sollicite à prendre femme ; Et vous, zeste, une belle nuit, D’Achem vous décampez sans bruit. Blâme, si tu veux, ma conduite ; Mais, cher Pierrot, dans mon effroi, J’ai mieux aimé prendre la fuite, Que de l’hymen subir la loi. Hé, ventrebille ! Seigneur Almoraddin, qu’a donc l’hymen de si affreux ? Mon Prince, vous n’y pensez pas, Lorsque vous tenez ce langage. Moi, je ne vois que des appas Dans la chose du mariage. Loin de fuir cet engagement,. J’épouserais à tout moment, À tout moment, À tout moment, J’épouserais à tout moment. Je n’ai jamais aimé, et je ne sais si je serais capable de m’attacher. Je te dirai même qu’une crainte délicate me tient en garde contre les charmes du beau sexe... Quelle crainte donc ? Mon ami, j’aurais toujours peur De ma grandeur suprême ; Et je demanderais un coeur, Qui m’aimât pour moi-même. Fi donc, Seigneurs ! Du point d’honneur Votre âme est trop friande, Quoi ? Dans l’amour Des gens de Cour, Est-ce que ça se demande ? Vous êtes unique en votre espèce. Ne parlons plus de cela. Continuons de voyager. Mais avant que de nous remettre en mer, je fuis curieux de voir ce qu’il y a de remarquable dans cette capitale du Barostan. Et moi, de savoir si le vin y est bon. De mon nom, ni de ma naissance, Garde toi bien de dire un mot. Tu sais qu’il est de conséquence De ne pas...         Mordi ! Suis-je un sot ? Vous prêchez toujours le silence, Ne connaissez-vous pas Pierrot ? Ha-ha ! Que nous, veulent ces deux hommes ? Comme ils s’approchent de nous D’un air doux ! Seigneur, les remarquez-vous ? Les Bourgeois de cette ville Sont des gens         d’humeur civile. Noble Etranger , l’on nous ordonne De venir avec grand respect:., En vous faisant Salamalec, Nous saisir de votre personne. Ahi, ahi, ahi ! Dans ce moment, fans résister, Seigneur, laissez-vous arrêter. Quel mal avons-nous fait ? Nous ne faisons point résistance : Mais je serais fort curieux De savoir si c’est une offense, Que d’oser venir en ces lieux. Que rien ne vous chagrine. Nous en usons ainsi Avec les étrangers de bonne mine, Que le sort quelquefois conduit ici. Mais ce n’est pas nous. Vous nous prenez pour d’autres. On ne veut vous faire aucun mal, au contraire. On voit bien que vous ignorez ce qui se passe dans le Barostan. Hélas, oui ! Nous sommes les Peuples de l’Asie les plus heureux, surtout depuis que la Reine Zélica est sur le trône. Elle est à la fleur de son âge ; Les traits divins de son visage Sont fort au dessus du pinceau : Rien n’est si beau. Elle est humaine, elle est affable, Compatissante, secourable, Penchant toujours vers le pardon : Rien n’est si bon. Je vous en félicite. Vous parlez là d’une Princesse accomplie. Une Reine si débonnaire, Nous cause pourtant un chagrin : Depuis longtemps elle diffère À nous donner un Souverain. Nous craignons qu’un jour la Patrie Ne devienne en proie à nos Grands Mais que la Reine se marie Voilà tous ses sujets contents. De vous ne pourrait-on savoir. Pourquoi cette Princesse Lambine tant à se pourvoir ? C’est par délicatesse. Comment cela ? Elle veut des coeurs généreux, De son seul mérite amoureux, Qui ne cherchent que sa personne : De passionnés soupirants, Qui ne portent sur sa couronne Que des regards indifférents. Tu vois, Pierrot, que Zélica Pense comme moi sur cela. Ô reguingué, ô lonlanla ! La Maîtresse de ce Royaume Est, ma foi, votre second Trône. Tous les Princes voisins se sont déjà présentés, aucun n’a eu le bonheur de plaire. Enfin, pressée par ses Peuples, et ne voulant point causer de jalousie aux Grands de son Royaume, elle a déclaré, qu’elle choisirait un époux parmi les étrangers qui arriveraient au Barostan ; et qu’elle aurait moins d’égard à sa condition qu’à son caractère. Ha ! Voilà donc pourquoi vous nous arrêtez ? Oui. Maint étranger d’apparence. Devant Zélica conduit, N’a de sa vaine éloquence Retiré qu’un triste fruit, Notre Princesse a su lire, Dans leurs coeurs ambitieux, Qu’ils chérissaient son Empire Beaucoup plus que ses beaux yeux. Je la trouve heureuse d’avoir si bien pénétré leurs sentiments. Elle aura de la peine à trouver ce qu’il lui faut. Je tire un malheureux présage D’un hymen toujours différé : Elle hait trop le mariage, Pour trouver un homme à son gré. Que savez-vous ? Peut-être que la Reine, En voyant ce Seigneur, Pour l’hymen n’aura plus de haine, Et laissera toucher son coeur. Vous avez trop bonne opinion de moi ! Vous vous adressez bien mal, mes enfants. Si votre Reine a peur du mariage, Notre Patron le craint bien davantage; Mais Achevez votre message, À sa place je me mets. L’Original ! On juge assez, en me voyant, Que je fuis né pour la tendresse ; Et, que je suis un bon vivant, Qui ne veut qu’amour et simplesse. Et quand la Reine me verra, Aussitôt elle s’écrira : Haï voilà le Drôle , Le Drôle, le Drôle ! Ha ; voilà le Drôle, Qui m’épousera. En vain tous les jours je vous presse De couronner ma tendre ardeur ; Votre coeur pour moi s’intéresse, Et vous différez mon bonheur. Amine, mes amours, Languirai-je toujours ? Finir votre peine, Me serait bien doux ; Mais je ne puis être à vous, Ayant que la Reine Ait pris un époux. Quelle excuse ! Vous savez bien que la Princesse Est favorable a notre amour. Une Confidente de Cour Doit se régler sur sa Maîtresse. C’est me déclarer que jamais Vous ne comblerez mes souhaits. Non, la Reine ne trouvera point l’homme qu’elle cherche. Elle le trouvera peut-être, Et plutôt que vous ne pensez. Comment pourra-t elle connaître Des soupirs désintéressés ? Je vous réponds qu’elle a trouvé un sûr moyen de n’y être pas trompée. Pour vous en faire confidence, Je vous dirai qu’elle a fait choix... Mais dans ces lieux quelqu’un s’avance. Vous saurez tout une autre fois. Mon Camarade vous amène Un jeune étranger, un garçon, Qui paraît de bonne façon. Oh ! Pour cette fois-ci, la Reine, Digue, diguedon, diguedon, don daine, Pourra bien mordre à l’hameçon. Ah ! Puisse t-il ma Chère, Devenir notre Roi ! Vous ne le pouvez guère Souhaiter plus que moi. Je cours annoncer à la Reine ce Nouveau-venu. Tu crois donc, mon chér Hanif, que ce jeune-homme plaira. J’en réponds sur ma tête. Je n’en ai jamais vu, Lurelu, Depuis que j’en arrête, Qui valut celúi-là Larela Lurelu, larela, lirette... Mais, tenez, le voilà. Vous voyez le Capitaine des Gardes. Puissiez-vous, Rose duPrintems ,, Être agréable à la Princesse , Autant que la pluie à nos Champs, Après cent jours de sécheresse : Qu’aux rayons de vos yeux pleins d’ardeur Fonde la glace de son coeur. Vous choisissez un bon fondeur. De posséder cette Reine charmante Ne pensez pas que je sois fort tenté ; Et dans ces lieux lorsque je me présente, Vos lois m’en sont une nécessité. Ce discours me surprend. Croyez-vous qu’il aime les femelles’? Ce n’est rien moins que cela. Apprenez que, pour voir les plus belles, Il n’irait pas d’ici là. Il ne prendra jamais du goût pour elle. Et lonlanla, Quand il sera Devant Zélica, Vous m’en direz des nouvelles. Mais cette Princesse va paraître ; Préparez-vous à l’entretenir. Au bout du compte, je rirais bien ; si vous alliez devenir amoureux. C’est ce qui n’arrivera point. L’Amour a fait son possible, Pour m’abattre sous ses traits ; Mais, me trouvant invincible, Enfin, il me laisse en paix. Mais etc. Avec ce Dieu, dès ce jour, mon cher Maître, Vous pourriez bien trouver à déchanter : Quand il nous faut reculer, le bon Traître, C’est pour nous faire mieux sauter. Paix ! Voici, la Reine. Jarni ! Qu’elle est brillante ! Quelle Dondon piquante ! Ses beaux yeux me criblent le sein. Ah ! Que n’est-elle une suivante, Ou que ne suis-je Almoraddin. Ô vous, que le hasard attire Ici pour la première fois, Jeune étranger, dans mon Empire Avec plaisir je vous reçois ! Puissiez-vous, quittant ce rivage, Être assez content de ma Cour, Pour en conserver une image, Qui fasse honneur à ce séjour. Elle est à manger. Lorsque l’on y voit la flamme... Les plus célestes attraits Un coeur... mes tendres souhaits..„. Quel transport saisit son âme ! Ah ! Si mon bonheur obtient... Vous l’avez troublé, Madame. Oui, si mon amour obtient.... Oh ! C’en est fait, il en tient. Pardonnez-mon désordre extrême. Vous n’avez jamais mieux parlé : Les discours d’un amant troublé Sont l’éloquence même. Hélas ! Si j’osais me promettre !... Oui, je vous permets d’espérer. Je crois devoir me retirer, Pour vous laisser un peu remettre. Son pauvre coeur en a besoin. Ma chère Nour, prenez-en soin. Je vous l’avais bien dit que vous pourriez tomber dans la nasse. Seigneur, ne soyez point surpris De l’état où sont vos esprits. À la Reine en rendant les armes, Vous avez éprouvé l’effEt Que sur tous les coeurs elle fait : On doit ce tribut à ses charmes. Ahi ! Le Dieu Cupidon Vous livre à la Reine, Rougirez-vous donc De porter sa chaîne ! Bon ! La faridondaine, Gué! La fariradondé. Je vous l’avouerai, belle Nour. Je n’ai point été maître Du trouble subit que l’amour Dans mon coeur a fait naître : Mais votre Maîtresse n’est pas La cause de mon embarras. Ho ho ! Eh ! Quelle autre que la Reine Peut vous avoir enchanté ? Hélas ! Vous pouvez ; sans peines, Deviner cette Beauté ! Si ma bouche n’ose dire Pour quels appas je soupire, Nour, si vous le désirez, Dans mes yeux vous l’apprendrez. Je ne vous entends point. Vous feignez de ne point m’entendre : Je vais donc parler clairement. C’est à votre air noble et charmant Que mon coeur s’est laissé surprendre. Ha, ha, ha ! En voici bien d’une autre. Je ne prends point le change. Non, je ne fuis point assez vaine, Pour m’imaginer follement, Qu’à notre aimable souveraine Je puisse enlever un Amant. De l’éclat qui l’environne Mon coeur n’a point été frappé ; II s’est tout entier occupé Des grâces de votre personne. De l’éclat qui l’environne Mon coeur n’a point été frappé. Il faut qu’il ait le Diable au corps. Mais cela me paraît sérieux. Oui, c’est Nour elle-même, C’est vous feule que j’aime. Quoi ? Vous à mes genoux ! Votre indigne tendresse Dément l’air de noblesse, Que l’on remarque en vous. Cela est vrai, rien n’est plus honteux. Quel Démon vous entraîne ! Voyez, dans votre amour, L’esclave de la Reine. Je n’y vois rien que Nour. Ignorez-vous qui donne Les Sceptres ? C’est le sort. Si Nour est sans couronne, Le Destin seul a tort. Ah ! Pauvre Cerveau blessé ! Vainement, par ce doit langage, Vous pensez que mon coeur peu sage Dans vos feux s’intéressera. Votre transport me paraît un caprice : Votre raison vous reviendra, Ma Maîtresse reparaîtra, Vous lui rendrez         plus de justice. Elle fait quelques pas pour s’en aller. Demeurez, ne me fuyez pas, Belle Inhumaine ! Laissez moi, Coeur lâche et bas ! Non, je suivrai vos pas. N’en prenez pas la peine. Hélas ? Je vais donc m’ourir; Je ne puis vous guérir. Vois-tu comme je suis traité ? Vous l’avez mérité. Elle me met au désespoir. Elle fait son devoir. Cruelle destinée ! Votre conduite est fort plaisante ! Vous, qui ne vouliez point d’amante, Après avoir tant barguigné, Vous vous coiffez d’une suivante : Votre coeur est bien étrenné ! Je la préfère à toutes les Princesses du Monde. Quoi ? Vous seriez capable de l’épouser ? Pourquoi non ? Et vous l’emmèneriez à Achem ? Sans doute. Vous y seriez bien reçu, ma foi. Le Roi, suivant les apparences, Blâmerait votre engagement. Il est raide, en fait d’alliances, Comme un grand seigneur allemand. Non, non. Le plaisir qu’il aurait De me voir enfin une femme, Sur fa fierté l’emporterait ; Nour même attendrirait son âme ; De tout je pourrais me flatter ; Mais Nour ne veut point m’écouter. Chut ! La Reine paraît. Jarnonbille ! Qu’elle ne s’aperçoive de rien. L’amour dont notre honneur s’offense, Se doit condamner au silence : L’amour qu’on nous peut reprocher, er, etc Ne saurait trop bien se cacher, er, etc. À vous revoir quand Zélica s’empresse, Jugez par là du sort qui vous attend. À la Maîtresse Du Barostan. Vous avez fait, dès le premier instant, Sentir pour vous une heureuse faiblesse. Ah ! Madame, puis-je croire que... Oui, Seigneur, Vous avez allumé dans un coeur, Plein de rigueur, Une ardeur, Qui vous en a rendu le vainqueur. Je me donne Dès ce moment à vous ; C’est l’amour qui l’ordonne. À ce Dieu livrons-nous ; Partagez ma Couronne, Soyez, mon époux. Comment-va-t-il se tirer de là ? J’espérais peu cette faveur insigne : Je fais confus de vos tendres bontés. Ah ! Laissez-moi du moins m’en rendre digne ! Mon coeur me dis que vous les méritez. Le voilà bien embarrassé ! Vous régnerez dans ces climats, C’est votre destinée. Je vais déclarer de ce pas, Que de notre hymenée On voit enfin, dans mes États, Arriver la journée. Comme diable elle lui ferre le bouton ! Mais que vois-je ! Au lieu de faire éclater les transports de sa joie. Il me paraît sombre et rêveur. C’est, ma Princesse, son humeur. Il en dit bien moins qu’il ne pense Y avançe, y avance, y avance ! Pardonnez lui son indolence. Mais, quoi ? Peut-il être de glace En pareil cas ! Que ne suis-je à sa place, Madame, hélas ! Je ferais bien mieux fête à vos appas. Ouida ! Quelle froideur est donc la vôtre ! Je ne puis vous donner ma foi : Je suis prévenu pour une autre ; Je vous suis ingrat malgré moi. Ah ! Misérable, vous cassez les vitres. Que viens-je d’entendre, ô Dieux ! Quelle cruelle offense ! Braver mon rang glorieux, Et le pouvoir de mes yeux ! Vengeance, vengeance, vengeance ? Courage ! Achevez de nous perdre, par votre chienne de franchise. Mais non. Éclater en murmures, De rage soupirer, Ou t’accabler d’injures, Ce serait t’honorer. Que bientôt ce rivage Soit délivré de toi : Sans tarder davantage, Fuis loin de moi. Nous en sommes quittes à bon marché. Vous dont l’humeur a su me plaire, Suivez-moi. Je vous apprendrai Ce que pour vous je prétends faire. Au plutôt je vous rejoindrai. Ô Grands Dieux ! Qu’en ce malheureux jour, Je suis bien le jouet de l’Amour ! Je dédaigne une Reine puissante, Qui vient m’offrir sa couronne et son coeur ! Et j’adore une simple suivante, Qui n’a pour moi que haine et que rigueur. Quelle nouvelle, Seigneur, On vient de m’apprendre ! Quand pour vous de sa grandeur La Reine veut bien descendre, Vous rebutez son amour ! Est-ce donc là le retour Qu’elle en devait attendre ? Eh ! Pourquoi me blâmez-vous ? Vous savez vous-même, Qu’il ne dépend pas de nous D’aimer qui nous aime, D’aimer qui nous aime. Vous avez raison ; mais songez Au péril où vous vous plongez. Des attraits que vous outragez Redoutez la furie. Ah ! Cruelle, ils sont bien vengez Par votre barbarie ! En vérité, c’est avec peine Que pour vous j’aide la rigueur ; Et c’est votre gloire, Seigneur, Qui me rend inhumaine. Vous me trompez, hélas ! Comment pourrais-je croire Que vous cherchez ma gloire, En cherchant mon trépas. Non, vous n’en mourrez pas. En vain j’ai voulu me défendre Contre un si tendre vainqueur. J’aurais touché votre coeur ! Vous l’avez forcé de se rendre. Vous approuvez enfin mes feux ! Je suis au comble de mes voeux ! En préférant l’esclave à la Maîtresse, Vous trouverez beaucoup plus de tendresse. Mais vous perdez la main d’une Princesse, Lorsque j’unis mon fort au vôtre, En vous je trouve l’une et l’autre : Au Roi d’Achem je dois le jour. Ciel !         Almoraddin je m’appelle. Ah ! Quel bonheur que mon amour Ait précédé cette nouvelle ! Ce trait de délicatesse, Nour, est bien digne de vous. Mais fuyons des yeux jaloux, Et songez que le temps presse. Dans mon bord retirons-nous, Abandonnez la Princesse ; Dans mon bord retirons-nous, Venez, suivez votre époux. Le jour trahirait notre suite. À votre vaisseau, sur le soir ; J’irai, par mon amour conduite. Cher Prince, adieu. Jusqu’au revoir. Amour, qu’on est téméraire, De murmurer contre vous ! Lorsque vous semblez le plus contraire Vous nous préparez le destin le plus doux. Pierrot, quelle heureuse nouvelle ? Almoraddin N’adore plus une Cruelle; Nour m’aime enfin. Du Port avec elle, sans bruit, Nous devons sortir cette nuit. J’en suis bien-aise pour l’amour de vous. Ce jour est de ma vie Le jour le plus heureux. Que mon âme est ravie ! Chantons, rions tous deux : Allons gai ! etc. Mais d’où vient ce sérieux ? Aurais-tu quelque sujet de chagrin ? Seigneur, pourvoyez-vous d’un autre confident. La Fortune aujourd’hui m’élève au plus haut rang : Je dois tâter ce soir, de la grandeur humaine. Pour vous le couper court, j’épouse... Qui ?         La Reine. Ha, ha, ha ! Il faut avouer que tu es bien fou. C’est un fait constant. Elle ne vous aime plus. Au Trône elle me destine ; Car elle même me l’a dit : Moitié pour vous faire dépit, Et moitié pour ma bonne mine. Moitié pour etc. Tu te moques, Pierrot. Pierrot ! Pierrot ! Ce nom m’assomme.’ Il est trop bas, trop familier. Et je prétends que l’on me nomme Dès aujourd’hui         Pierre Premier. Ha, ha, ha, ha , ha ! Oui, je prétends que l’on me nomme Dès aujourd’hui Pierre Premier. Adieu donc, mon Prince. Puisque vous allez monter sur le Trône, nous ne nous verrons plus. Oh, que si ! Nous nous verrons par Ambassadeurs. Adieu, Frère. Je vais retrouver Zélica, qui m’attend pour me couronner. Adieu. Bon voyage. Tandis qu’avec la soubrette Vous allez, fendant les flots, Tenir à cette Poulette Mille et mille doux propos ; De sa Maîtresse charmante, Moi parfaitement content, Je vais répondre à l’attente Des Peuples du Barostan. L’extravagant personnage ! La Reine, apparemment, veut s’en divertir... Mais regagnons le Port. J’obéis, avec douleur, À l’ordre que l’on me donne. Je viens m’assurer, Seigneur, De votre auguste personne. De quoi l’accuse-t-on ? On a découvert votre amour, On sait votre naissance, Vous attendez la fin du jour Avec impatience; Nour au Port clandestinement A promis de se rendre. C’est un projet qu’en ce moment La Reine vient d’apprendre. Ô Dieux ! Faut-il que je cause la perte de Nour ! Hé, qui sont mes Délateurs ? Vous n’avez qu’une accusatrice. Je prévois bien vôtre surprise extrême, Quand vous saurez qui vous a décelé, Quand vous saurez que c’est Nour elle-même. Nour, juste Ciel !         Elle a tout révélé. Hé bien, Prince d’Achem , vous aviez donc envie D’enlever de ma Cour mon esclave chérie ! J’ai pardonné l’affront qu’ont reçu mes appas ; Mais pour cet attentat je ne l’excuse pas. Je suis en votre puissance : Contentez votre vengeance, Punissez ma violence ; Je n’en murmurerai pas. Nour !...( Quelle supercherie !) Non, après sa perfidie Et sa trahison, la vie Pour moi n’aura plus d’appas. Ah ! Ma Mignonne, je demande grâce pour lui. Je me souviens toujours d’avoir été à son service. Bon sang ne peut mentir. Almoraddin, malgré votre tendresse, Vous me lancez des regards pleins d’horreur. J’ai tout dit, je le confesse : J’ai dit qu’une vive ardeur Tous deux nous presse : Mais, par bonheur, Cela n’a rien gâté. Je vous apprends que la Princesse Veut bien souffrir notre félicité. Hé, quoi ? Triomphant d’une juste haine, Zélica veut bien favoriser mes voeux ! Oui : mais connaissez la Souveraine. Prince, la voilà. C’est l’objet de vos feux. Ah ! Que dítes-vous !         Je suis la Reine. Je fais mon bonheur, en vous rendant heureux. Ha ! Quelle tricherie ! Vous êtes donc, vous, la véritable Nour ? À votre service. Cela vous dégoûte-t-il du mariage ? Non, ma foi. Veux-tu t’en dédire ? Le marché tiendra. Je n’ai plus d’Empire. Oh s’en passera : N’y a pas d’mal à ça. J’ai voulu voir si ma Personne, Sans se nommer, Avait besoin de ma Couronne , Pour enflammer. J’avais même -délicatesse Depuis longtemps ; Et vous rendez, par cette adresse, Deux coeurs contents. Oui, votre rang suprême Me plaît bien moins que vous. Être aimé pour soi-même, Il n’est rien de si doux. Venez faire une fête, Accourez à ma voix ! Peuples, que l’on s’apprête À célébrer mon choix ? Venez tous reconnaître Les faveurs du Destin, Qui vous donne pour maître Le Prince Almoraddin. L’Excès de la délicatesse, Est le poison de la tendresse : Il faut de la crédulité. Un amant nous jure Que de nous il est enchanté, Fut-ce une imposture ; Croyons qu’il dit la vérité. Il est souvent fâcheux De s’y trop bien connaître : Se croire heureux, N’est-ce pas l’être. Un coeur sauvage Qui fuit le Dieu des Amours, En vain tente le secours D’un long voyage : Le fruit de tous ses détours, Est l’esclavage; L’Amour se trouve toujours Sur son passage.