Certes, c’est rencherir dessus les plus galans, Cette confusion de neuds & de rubans, Ne tesmoignent que trop ce dont aucun ne doûte Qu’un amant est prodigue, & que rien ne luy coûte. Vous me raillez tousjours …         Que vos gands sentent bon ! Est-ce de Martial ou Frangipanne ?         Non, Ce sont des peaux d’Espagne,         Elles en sont plus cheres. L’Ambassadeur pourtant m’en donna deux cens paires Dans Rome ?     Point du tout,     Où donc ?         Dedans Paris. Ne vous estonnez pas cher amy si je ris, Estoit-ce depuis peu ?         La sepmaine passée. Vostre langue à ce coup precede la pensee, Et vous n’y songiez pas en me parlant ainsi. Pourquoy ?         D’Ambassadeur il n’en vient point icy, Et l’Espagne,         Ah ! voyez à quoy je me hazarde, J’en aurois dit autant,         Au moins prenez y garde, Il fait bon d’en donner, mais c’est un grand malheur Quelque habille qu’on soit de passer pour hableur, Si lors qu’on s’introduit dedans les compagnies, On ne concerte bien toutes ses menteries, Et si l’on n’a l’esprit de les faire avoüer, Ce n’est qu’un beau talent pour se faire joüer. Pour moy qui comme vous en revenant de Rome, Par tout où je pouvois en donnois en jeune homme, Et voulois tout risquer pour faire le plaisant, Je recognois fort bien mes foibles à present : Et puis en me voyant dans un autre moy-mesme Vous tirer aujourd’huy d’un embaras extréme. Mais quoy ! vous me disiez qu’on peut parfois mentir. Ouy, mais il faut avoir l’adresse d’en sortir. Combien un honneste homme en ses galanteries, Peut-il de fois par jour donner des menteries ? Il faut selon les gens regler la quantité, Apprendre leur humeur, sçavoir leur qualité ; Mais lors que vous voudrez donner quelque cassade, Consultez-moy devant pour regler la boutade, Le feu que vous avez a besoin de leçon Apres vous hablerez de la bonne façon : En voulez-vous donner ?         L’affaire est devinée. Je voudrois bien mentir,     Quand ?     Cette apresdinée.         Où ? Chez le rare objet dont mes sens sont charmez. Je m’y rendray tantost…         Au moings si vous m’aimez, Ah ! que vous estes bien auprés de cette belle. Je vous dois les faveurs que je recevray d’elle, Et de quelque progrez dont je me sois flaté, J’en dois remercier vostre dextérité. Il faut quand vous trouvez parfois l’heure oportune, Luy vanter en passant quelque bonne fortune. Qui pourroit reüssir sans ces enseignemens ? Nous en avons besoin dans les commencemens, Quoy qu’on sçache beaucoup on doit apprendre encore, Mais dedans les ardeurs du feu qui vous devore, Ne m’advoürez-vous pas que vous estes icy, Estant absent d’Olympe avec un grand soucy, Je m’en vay la querir : en faut-il davantage ? Ah ! c’est trop m’obliger.         Le galand personnage ! Il croit trouver sa duppe,         Ah ! le plaisant falot. Il faut tout endurer, & ne luy dire mot, Il n’est pas encor temps de luy faire nos plaintes, Et puis que mon bon-heur consiste dans ces feintes, Il faut passer plus outre, & faisant l’ingenu, Me maintenir au poinct où je suis parvenu, Donc, mon cher Jodelet, respons à mon attente, Et ne dédaigne point cette adroitte suivante, Qui servant d’un argus° à ma divinité     Alors qu’elle te suit nous laisse en liberté Ses sanglots font pitié…         Monsieur, c’est qu’elle tousse. Mais…         Quand vous le voudrez je la rendray plus douce Et plus souple cent fois qu’un gand de chevrotin, Tu l’entens, Jodelet,         Je suis un faux matin, Sans moy dans vos amours vous auriez votre compte, Car Lisette m’a dit que l’Intendant d’Oronte Sans elle nous alloit envoyer à vaux l’eau, Mais que de quelque espoir flattant le jouvenceau Elle avoit empesché qu’on nous envoya paistre. Mais ce n’est qu’un resveur,         Il est creu de son maistre Qui le tient fort sçavant, & le croit fort discret, Mais de Climante aussi dites moy le secret, Aimeroit-il Olympe ?         Oüy, Jodelet, il l’aime Pour elle son amour passe jusqu’à l’extréme, Et j’ay bien reconnu qu’il trouve les moyens D’expliquer ses desirs en debitant les miens. Qu’a cela de commun au feu qui vous consomme De vous faire introduire à titre de jeune homme, Et pourquoy ne peut-il haranguer ses amours Sans vous faire parler & chercher ces destours ? Tu sçais bien que d’Oronte elle fut enlevée Que par tout de ce lasche on la voit observée, Et qu’en fin ce jaloux l’ayant en son pouvoir Sans sa permission l’on ne la sçauroit voir. Mais d’où vient que Climante est de l’intelligence, Et comme a-t’il si tost fait cette cognoissance ? Tu peux t’en estonner avec juste raison, Toy qui ne songes pas qu’il loge en leur maison. Mais comment a-t’il fait pendant ce grand voyage, Qu’il n’a pû la contraindre au moins au mariage ? Que luy peut dire Olympe, & comment, & pourquoy ? Ce secret est encor trop raffiné pour toy. Climante donc…         Croyant joüer d’un tour d’adresse, Et m’ayant mené voir cette belle maistresse, Me traittant d’innocent auprés de ce jaloux, Luy dit qu’ils en auroient un plaisir assez doux, Pourveu qu’Olympe sceut railler, & se contraindre, Escoutant des souspirs qui n’estoient pas à craindre. Qu’on en pourroit tirer des divertissemens Qui leur feroient passer d’agreables momens, Que je leur donnerois concerts & serenades, Comedie & balets, festins & promenades. Mais en si peu de temps vous vouloir tant de bien, Elle estant Provençalle, & vous Parisien. Quand l’amant est voisin de la personne aymée Une forte habitude est aisément formée. Mais Oronthe l’aymant, & mesme estant jaloux, Comment s’acroche-t’il de Climante & de vous ? Il croit qu’estant trop fat je ne luy sçaurois nuire. Mais de Climante…         Il croit qu’il ne veut m’introduire Que pour rire avec eux des cadeaux que je fais, Puis il veut divertir Olympe à peu de frais, Et treuve qu’elle vit avec plus de franchise Depuis qu’il l’aprivoise avecque ma sotise, Que sa colere passe, & qu’il peut l’adoucir. Climante ce pendant…         Croit fort bien reüssir, Et ne pouvant souvent entretenir la belle Se croyant le plus fin est d’accord avec elle, Que ce qu’elle dira pour flatter mon ennuy Soit en secret ou non, doit s’adresser à luy. Il se tient donc heureux alors qu’elle vous aime. Sans doute…         Si bien donc qu’il est le fat luy-mesme. Ouy, car ma chere Olympe ayant bien reconnu Que pour son seul sujet, je faisois l’ingenu, Et m’ayant honoré de quelque bien-veillance M’a dit qu’il pretendoit me joüer d’importance, Et se servir de moy pour tromper son jaloux, Et pour estre plus libre.     Ah, par la mort !         Tout doux. Ah ;  Monsieur, permettez que ma lame enroüillée Soit teinte de son sang.         Elle en seroit soüillée ; Garde bien le secret, & tais toy,         Mais au moins Souffrez qu’avecque luy je fasse à coups de poings, Et que de ces cinq doigts plus pesans qu’une meule Je luy casse le nez ou luy paume la gueule Je me vangeray bien sans exposer tes jours Qu’il aille vous railler au Royaume des sourds, Va, va, conserve toy pour ta chere Lisette, Ah ! je ne puis aimer cette jeune Choüette, Je suis inexorable,         Est-il vray, Jodelet, Elle est pourtant passable.         Ah ! je suis son valet. Mais voicy mon Olympe, ah, divine merveille ! Pour un amy qui dort toûjours quelqu’autre veille Rendez graces au soin que j’ay pris d’amener  Cette rare beauté qui se vient promener. Je ne sçaurois payer de si puissantes debtes ; Mais Climante achevez le bien que vous me faites, Et m’ayant approché de ce bel œil vainqueur, Adoucissez un peu son extréme rigueur. Oronthe le fera, j’en ay quelque asseurance, Et puisque cette belle est dessous sa puissance, Et qu’il est son espoux, vous reconnoistrez bien Qu’en la priant pour vous il n’espargnera rien. Oronthe le voulant je vous suis tout acquise. De grace donc, Monsieur, excusez la franchise, Et treuvez bon qu’icy j’ose vous supplier, En la priant pour moy de ne rien oublier, Je ne demande pas d’entrer dedans sa couche, De prendre des baisers sur cette belle bouche, Et d’obtenir un bien aussi cher que le jour ; Je voudrois seulement qu’elle sceut mon amour ; Et forcer ces beaux yeux de remarquer la flame Qu’avecque vostre adveu j’allumay dans mon ame. O qu’il est ingenu !         Monsieur, il ne faut pas La forcer pour souffrir un objet plein d’appas,     Et toute sa rigueur ne consistant qu’en mine, Sans doute elle vous aime, & fait icy la fine. Vous pensez-vous railler, mais…         J’en suis peu jaloux, Vous l’aimez…     Il est vray.     Tout de bon,         Plus que vous. Quelqu’autre se pendroit apres cette parole. Que ne le faites vous ?         Un seul point me console C’est que Monsieur est sage, & n’entreprendra rien En cette occasion qui ne soit pour mon bien. Comme il est genereux,         Il faut tout dire, Oronthe, Ne vous y fiez pas, vous auriez vostre compte, Il n’est dans ses amours genereux qu’à demy, Autrefois il aimoit la femme d’un amy. Au moins…     Serez vous fourbe ?         Il vous en fait accroire. N’en faites point le fin, & comptez leur l’histoire, Quand Oronthe sçaura que vous aimez ailleurs, Il en aura pour vous des sentimens meilleurs, Et vous l’exempterez de cette jalousie, Qui peut estre pourroit troubler sa fantaisie. Hé bien, s’y resoud-il ?         Je veux ce qu’il vous plaist, Mais au moins dites nous la chose comme elle est. Si je vous ments d’un mot que le Ciel m’extermine ; Estant donc amoureux d’une jeune voisine Dont le mary jaloux me souffroit par bon-heur, Et ne voyoit que moy de tous les gens d’honneur, Je pouvois à mon gré voir cet Ange visible, Mais de l’entretenir il m’estoit impossible, Car en fin ce mary ne me quittant jamais Me suivoit au manege, au tripot, au Palais, En affaire, en emplette, à la campagne, en ville, Encore que par tout je luy fusse inutile ; Si j’allois promener le bon homme y venoit ; Si je gardois la chambre, alors il s’y tenoit. Ce zele est paradoxe & ces soins incommodes. Monsieur que n’alliez vous pour voir aux antipodes, Tais-toy.         Les bons vieillards ne sont jamais meschans. Un soir prenant le frais en sa maison des champs Sur le bord d’un estang nous vismes cette belle Qui sautta tout d’un coup dedans une nascelle, Où craignant pour ses jours de tristes accidens Presque tout aussi tost je me jettay dedans Quand le mary pour rire en ayant pris la corde Se vantoit de nous voir à sa misericorde, Qu’il nous feroit noyer, mais l’amour le trompa, Et de ces foibles mains la corde s’eschappa ; Lors insensiblement les vagues se friserent, Le vent se redoubla, les ondes nous pousserent, Et les jeunes zéphirs° des lieux des environs Y vindrent nous servir de rame & d’avirons : Mille amoureux oiseaux par leur batement d’aisle Faisoient un petit vent qui poussoit la nascelle, Et flatant de leur bec la surface des eaux Nous pousserent en fin en un fort de roseaux ; Où du monstre jaloux les ardentes prunelles Ne pûrent éclairer ce miracle des belles, Là pleins d’un beau desir qu’on ne peut exprimer Tout rioit à nos yeux, & tout parloit d’aimer. Cet homme a leu les Grecs, & possede les fables. N’a-t’il pas des moments qui sont assez passables ? Tous les fols font ainsi pour se mettre en credit. Dites qu’il sçait par cœur l’histoire qu’il vous dit. Entrant comme en triomphe en ces palais humides Nous en fismes lever mille Nimphes° timides, Qui fuyant par respect autant que par amour Pour nous quitter leur lit, changerent de sejour. Ah ! Monsieur, de regret encor je m’en chagrine, Les Nimphes° en fuyant craignoient nostre cuisine, Et se doutoient fort bien qu’en ne s’enfuyant pas Elles rencontreroient leurs tombeaux dans nos plats. Que dit cet insolent ?         Que ces Nimphes° volages N’estoient foy de pieton que des canards sauvages Que vous sceutes du lit si bien effaroucher Que jamais du depuis ils n’y vindrent coucher. Sors. Alors le jaloux par des cris lamentables Faisoit hurler l’Echo° de ces lieux delectables, Et d’un torrent de pleurs ayant grossy les eaux, Croyoit voir des esprits à travers des roseaux Qui voulans nous traisner sur les rivages sombres Avoient desja compté nos corps au rang des ombres, Ce pendant possedez par des transports divins Ma bouche s’exppliquoit dessus ses belles mains, Et par de longs regards pris & rendus sans nombre Nous goustions des plaisirs qui n’avoient rien de l’ombre ; Et qui faisoient sçavoir à mon cœur enflamé, Que le souverain bien est de se voir aimé. O charmante beauté qu’estes vous devenuë, En vous croyant vanger je vous ay donc perduë ? Mais malgré la prison où vous tient un jaloux, Du cœur & de l’esprit je suis auprés de vous ! Charmé de vos beaux yeux je les croy voir encore, Soit absente, ou presente, en fin je vous adore, Et jusques à l’instant que je dois expirer, Soit absent ou present je vous veux adorer. J’aime sans interest, & ma plus grande envie N’est que de vous servir, aux despens de ma vie, Et de treuver moyen de vous tirer des mains Et des pieges trompeurs du pire des humains. En fin vous m’oubliez en vous souvenant d’elle. Je devois ces souspirs à ma flame fidelle : Et vous me haïriez si j’estois inconstant, Et croiriez que pour vous j’en pourrois faire autant. Madame, appaisez-vous, & cachez vostre haine, L’Apostrophe est plaisant, estant de longue haleine, Et vous nous priverez d’un entretien fort doux, Si Monsieur le retranche, & se contraint pour vous. En vain vous redoutez qu’il se veuille contraindre Pour l’Empire du monde, il ne pourroit pas feindre : Et si par la franchise on se rend criminel, Il est vain de son crime, & voudra mourir tel. Amy, pourquoy dis-tu’que je ne sçay pas feindre ? Helas ! combien de fois m’as-tu veu me contreindre ? Quand voyant cet objet sousrire à son jaloux, Je voulois, & n’osois luy dire, arrestez-vous ; Contraignant les ardeurs de mon amour extreme, J’ay cent fois esté prest de dire, je vous aime : Mais tout prest de parler je me suis retenu, Et si bien deguisé, qu’ils ne m’ont pas connu. Il est fin,         Tout de bon c’estoit le méconnoistre : Voyez-vous, il est fourbe autant qui le faut estre. Je ne m’y fieray pas,         Ma foy vous ferez bien. Quoy qu’ils puissent vous dire il ne faut craindre rien Si je vous aimois moins je cacherois la flame Que je veux qui s’exhalle en vous ouvrant mon ame, Et je l’augmenterois en voulant retenir Quelques mourans souspirs qui sont prest de finir. En tout cas vous pourrez en aimer deux ensemble, Un inconstant …         Je suis autre qu’il ne vous semble. Mais vous disiez tantost que jusques au tombeau Vous vouliez adorer un chef d’œuvre si beau. Je l’ay dit, & de vray, je mets toute ma gloire, D’en adorer l’esprit, d’en cherir la memoire, Et d’oster à l’amour le nom de passion, Alors qu’il perd l’espoir de la possession. Cet accommodement est assez difficile. Pour faire encore plus il n’est que trop habile ; Mais qu’il explique         En vain je voudrois m’en piquer, Je perdrois bien-tost terre en voulant m’expliquer ; Je conçois assez bien les choses qu’il faut dire, Mais pour les esclaircir ce m’est un grand martyre. Monsieur on a servy.         Nostre disner cessé Vous nous acheverez le recit commencé, Et nous ferez sçavoir d’où vint vostre disgrace. Tandis qu’ils vont disner, un petit mot, Pancrace, Dirois-tu qu’une fille eust de l’amour pour moy ? C’est qu’elle a reconnu quelques appas en toy. Qu’est-ce que des appas, est-ce une belle chose ? C’est le visible effet d’une agreable cause, C’est un enthousiasme, un puissant attractif, Qui rend individus le passif & l’actif, Et qui de nos esprits, domptant la tyrannie, Forme le plus farouche au goust de son genie. Je m’en estois douté, mais         Les doutes sont grans Pour definir s’il est des appas differens. Pythagore, Zenon, Aristote, Socrates, Philostrate, Bias, Eschille, Zenocrates, Aristippe, Plutarque, Isocrates, Platon, Demosthene, Luculle, Hesiode, Caton, Esope, Eusebe, Erasme, Ennius, Aulegelle, Epictete, Cardan, Boëce, Columelle, Menandre, Scaliger, Aristarque, Solon, Homere, Buchanan, Polybe, Ciceron, Ausone, Lucian, Xenophon, Teucidide, Diogenes, Tibulle, Appian, Aristide, Anacreon, Pindare, Horace, Martial, Plaute, Ovide, Lucain, Catulle, Juvenal. Carneade, Sapho, Theopraste, Lactance, Sophocles & Seneque, Euripide & Terence, Crisippe,         A quel besoin nommer tous ces demons ? C’est des Dieux des sçavans dont je t’ay dit les noms, Et j’en ay mille encor que manque de memoire, Ah ! ne m’en nomme plus, je suis prest à te croire. Donc tous ces vieux sçavans n’ont pû nous exprimer, D’où vient cet ascendant qui nous force d’aimer ! Les uns disent que c’est un vif esclair de flame, Qu’un estre independant alluma dans nostre ame, Et qui fait son effet mal-gré nostre pouvoir Quand il treuve un objet propre à le recevoir. Les autres …         Esclairez d’une moindre lumiere Enveloppent sa force au sein de la matiere, Et nomment un instinct ce premier mouvement Qui nous frappe d’abord avec aveuglement, Et qui prenant du temps des forces suffisantes En forme dans le sens des images pressantes, Qui n’en font le rapport à notre entendement Qu’aprés s’estre engagé sans son consentement. Ainsi donc …         Nous perdrions le droict du libre arbitre Mais …         Il n’est point de mais, c’est nostre plus beau titre. Quoy …         C’est parler en vain, l’ame a sa volonté. Il est vray …         Nous naissons en pleine liberté. C’est sans doute …         Autrement nostre essence est mortelle. D’effet …         Et nous n’aurions qu’une ame naturelle. Bon …         C’est le sentiment que nous devons avoir. Donc …         C’est la verité que nous devons sçavoir. Un mot …         Quoy, voudrois-tu des ames radicales Où l’operation pareille aux animales. Je voudrois te casser la gueule,         On a grand tort De vouloir que l’esprit s’esteigne par la mort, Il faut pour en avoir l’entière connoissance, Sçavoir que l’ame vient d’une immortelle essence, Et qu’en nous animant il est tout évident Qu’elle est une substance & non un accident, Ayant des attributs du maistre du tonnerre, Elle n’est pas de feu, d’air, d’eau, ny moins de terre, Ny le temperament des quatre qualitez Qui renferme dans soy tant de diversitez. En fin         Les mineraux produits d’air & de flame Ont un temperament, mais ce n’est pas une ame. L’ame est encore plus que n’est le mouvement, Plusieurs choses en ont sans avoir sentiment, Et qui sur les objets agissent avecque force D’un arbre mort, le fruict, ou la feuille, ou l’escorce, Donnent à nos humeurs un secret mouvement, L’ambre attire des corps, ainsi que fait l’aimant. Ah !         L’ame n’est donc pas cette aveugle puissance Qui se meut ou qui fait mouvoir sans connoissance. J’enrage,         Elle n’est pas le sang, comme on a dit. Parlera-t’il tousjours ? mais,         Ce mais m’estourdit. Peste.         Nous pouvons voir des choses animées, Qui sans avoir de sang avoient esté formées. Il est des animaux qui n’en respandent pas Apres le coup fatal qui cause leur trespas. L’ame n’est pas aussi l’acte ny l’energie, C’est au corps qu’appartient le mot d’entelechie. Hola :         Preste l’oreille à mes solutions, L’ame n’ayant donc point ces definitions Pour te faire sçavoir comme elle est immortelle. Escoute les vertus qui subsistent en elle, Par un divin génie, & des ressorts divers Trois ames font mouvoir tout ce grand univers : Aux plantes seulement est la vegetative, La sensitive au corps, l’ame a l’intellective, Et donne l’existence aux deux qu’elle comprend Ainsi qu’un petit nombre est compris au plus grand. Des trois, la corruptible est jointe à la matiere, La seconde approchant de sa clarté premiere Agit dans les demons sans commerce des corps ; Et la troisiesme en fin par de divins efforts Pour faire un composé sceut renfermer en elle La nature divine avecque la mortelle, Aussi l’ame à l’arbitre.         Ah ! c’est trop arbitré Au diable le moment que je t’ay rencontré. Au diable le pendart qui ne veut rien apprendre. Au diable les sçavans, & qui les peut comprendre. Va, si tu m’y retiens on y verra beau bruit, Mais …         Encor me parler, bon soir & bonne nuit. Fin du premier Acte. Madame, j’ay donné le pacquet à Leonce, Qui dans peu par la poste apportera réponce ; Et quand de vos parens l’ordre sera venu, Je me feray connoistre à qui m’a mesconnu, Et vangeray l’affront que vous fait un infame Qui vous contraint par force à vous dire sa fâme. Attendez donc ce temps, & faites comme moy, Pour destourner le cours des maux que je prevoy, Si je n’eusse donné quelque vaine esperance A celuy qui m’enleve avecque violence, Il auroit hazardé par de derniers efforts                34 De me ravir aussi le plus beau des tresors, L’honneur qui m’est cent fois bien plus cher que la vie, Mais en luy prometant de plaire à son envie, Par ces destours adroits j’ay treuvé les moyens De retourner bien-tost entre les bras des miens, Et de sauver l’honneur où je devois tout craindre. Sa mort …         Ah ! sur ce poinct taschez de vous contraindre En m’ostant de ses mains, c’est le punir assez, Et vous devez songer si vous me cherissez, Que les soins qu’il a pris pour m’avoir conservée Meritent le pardon de m’avoir enlevée. Pour nous vanger tous deux j’immoleray ses jours. Me pouvez-vous aimer & tenir ce discours. Une si longue feinte est une ardente preuve De l’estat miserable où mon ame se treuve : Et tant de veritez se doivent appuyer Par les divers affronts qu’il me faut essuyer. Il faut donner au temps ces lasches deferences Qu’il exige de nous pour finir nos souffrances. Aussi vous me verrez d’un esprit resigné Satisfait, & confus, content & desdaigné. Mais je crois voir venir Oronthe avec Climante. Evitons leur rencontre elle est trop deplaisante, Comme en nous promenant marchons negligemment, Nous reviendrons…         Olimpe en rit à tout moment, Mais qui croiroit jamais une telle innocence ? Elle passe au delà de toute la creance. En fin vous connoissez l’esprit du pelerin : Je ne l’aurois pas cru, ny si sot, ny si vain. Mais fust-il encor pis, Olimpe le desire, Et treuve en le joüant tant de sujets de rire, Qu’elle est de belle humeur à le voir seulement ! Ce qui pour l’adoucir me sert infiniment. Mais il faut luy joüer des pieces d’importance Pour luy donner plaisir de son extravagance. Il m’est venu treuver dedans le cabinet, Où nous entretenant des graces du Sonnet, Par des galimathias d’une assez longue haleine Il m’a voulu produire un effort de sa veine ; De qui les meilleurs vers sont pleins de mauvais mots Et de raisonnemens ridicules & sots. Pour, je me resouviens, il met je me recorde, Et rime halebarde avec misericorde, Les voyelles chez luy sont en confusion, Il dit que l’on s’en sert dedans l’illusion Comme dans la ceruse & dedans le mystique, Sans que ce soit alors licence poëtique. Mais en fin le meilleur est qu’il m’a conjuré De luy faire des vers pour un desesperé ; Qui peut voir tous les jours le sujet de sa flame Sans luy pouvoir parler des troubles de son ame. Par ce que d’un jaloux les regards odieux, Comme ceux d’un Argus° l’esclairent en tous lieux. Puis croyant reparer ce discours ridicule, Et m’oster tout sujet d’avoir aucun scrupule, Il m’a deux ou trois fois juré dessus sa foy Que ce mot de jaloux n’estoit pas dit pour moy, Qu’Olimpe n’estoit pas le sujet de sa rime, Et qu’il n’avoit pour elle autre amour que l’estime. Mais qu’avez vous promis ?         Pour nous joüer de luy, J’ay promis de luy faire une Stance aujourd’huy, Ce pendant je ne sçay si je tiendray parole ; Mais vous en sçavez faire, & cela me console. Les vers me coustent trop, & je veux desormais, Hors pour un bel objet n’en escrire jamais. Si les seules beautez eschauffent vostre muse, Vous ne pourrez treuver de legitime excuse, Olimpe pour qui c’est ne manque point d’appas. Feignons, elle en a trop. Mais je ne l’aime pas. Puis qu’il faut vous resoudre à prendre cette peine, Et qu’amour seul a droict d’animer vostre veine, Croyez pour m’obliger en cette occasion Qu’Olimpe est le subjet de vostre affection ; Pensez à ces beaux yeux, conservez en l’image. Il est bien mal-aisé d’y penser davantage. Songez à son beau teint, à son esprit charmant, A sa taille, à son port.         J’y songe à tout moment. Ayant devant les yeux un si parfaict modelle, Vous nous ferez au moins une Stance assez belle, Et quand devant Olimpe Ariste les dira, C’est pour moy seulement que le fat parlera. Ou plustot pour moy seul.         S’il n’estoit necessaire Que d’escrire à Bordeaux, que par l’autre ordinaire, Je vous espargnerois la peine de rîmer, Et de feindre qu’Olimpe auroit pû vous charmer. Je sçay ce qu’elle vaut.         C’est un astre visible. Vous parlez en amant.         Et vous en insensible. J’ay des yeux qui sont bons, & connois ses appas. Vous les connoissez mal !         Vous ne m’entendez pas. Et ne comprenez point de quel air je l’honore. C’est peu que l’honorer, il faut que l’on l’adore. M’en deussiez vous haïr, je puis vous asseurer, De ne dire jamais que je veux l’adorer. Sçachons plustôt comment je feray mon ouvrage. Mais la voicy qui vient avec le personnage. Vous trouver sans Lisette, & de plus avec luy ? Je voudrois y pouvoir estre tout aujourd’huy En est-ce assez ?         C’est trop ; mais dans la promenade, De quoy vous parloit-il ?         De donner serenade. Quand ?     Un de ces matins.     Sans faute ?         C’en est fait. S’il n’a dit que cela, je reste satisfait ; Mais il a l’autre jour promis la Comedie, Et ne s’en souvient plus, il faut que je le die. Ne taschez point par là de me perdre d’honneur, Je m’en dois souvenir si j’en fais mon bon-heur Si vous voulez demain venir voir Rodogune; Les vers en sont fort beaux, l’intrigue peu commune, Et sur tout cette mere a de grands mouvemens. Encor dites nous en quelques beaux sentiments. Il ne m’en souvient plus.     Mais encore ?         De grace. Je sçay bien qu’elle dit mes enfants prenez place. Au moins je la veux voir & Pancrace avec moy Allez je vous respons de la loge du Roy Vous verrez mon credit.         Sur tout la serenade, Vous m’y verrez moy-mesme ou je seray malade. Ces vers pour un jaloux ...         Il me les a promis. Hé bien !         Pour vous loüer on treuve des amis. Climante prend sur luy cette charge agreable, D’autant plus aysement que l’objet est aimable. Que diray-je pour estre en tous vos sentimens, Dites moy…         Nommez vous le Phenix° dés amans ? Et pour joüer Ariste avec un peu d’adresse, Traittez moy de jaloux auprés de ma maistresse, Dites que ma presence est cause quelquefois Que vous avez perdu l’usage de la voix : Et que mourant d’amour auprés de cette belle, Vous n’osez tesmoigner la moindre ardeur pour elle ; Mais sur tout que ce soit sous des noms empruntez. A la fin je conçois ce que vous souhaitez, Je dois parler ainsi faisant parler Ariste Qui recitant ces vers sous le nom de Caliste°, Croyant parler pour soy fera l’amour pour vous, Et sera par ce traict l’amant & le jaloux. D’une mauvaise adresse avec celle que j’aime, En me croyant joüer, il se joüra luy-mesme, Quel plaisir de luy voir contrefaire le fin ? Au moins nous en rirons.         J’y vay mettre la main, Un tour dans cette allée achevera l’ouvrage. L’agreable travail où mon rival m’engage ! He bien commencez vous de respirer icy, Et pour moy vostre esprit n’est-il pas adoucy ? Dans la melancholie où vous m’aviez plongée, Je confesse qu’en fin je vous suis obligée ; Et pour me divertir tant de bons traittemens, Ont bien droict d’effacer mes mescontentemens. Aprés l’enlevement que l’amour me fit faire, Mon respect est si grand, qu’il n’est pas ordinaire, Et loin de vous presser,         Je le reconnois bien. Aussi ne pensez pas qu’il ne serve rien, Et tenez asseuré qu’une ame genereuse En payant un bien-fait se tient tousjours heureuse. Vous prenez trop de soin pour chasser mon ennuy Ariste …         Il faut luy faire une piece aujourd’huy. Dites luy que ce soir je dois souper en ville, Que de vous voir la nuict il sera tres-facile ; S’il veut entrer chez vous sous l’habit d’un Archer Pendant Climante & moy nous irons nous cacher, En ces logis voisins de la Conciergerie, Où des gens apostez pour cette raillerie De ce deguisement luy demandant raison Feindront de le vouloir mener dans la prison ; Et nous qui parestrons dedans cet intervalle L’ayant tiré des mains de ceux de la cabale, Le bernerons d’avoir hazardé son trespas, Pour vous aller treuver lors que je n’y suis pas. Mais Archer ?         Dites luy que c’est le mieux du monde Puis que dans ce quartier le Guet faisant sa ronde, Il peut roder icy sans estre reconnu. Mais ces Archers,         Sçauront ce qu’est cet ingenu. Climante vient.         Hé bien la Stance est-elle faite ? Non, j’ay trouvé là bas Pancrace avec Lizette Qui se parloient si haut que troublant mon objet Je n’ay pû seulement qu’en tracer le projet. A peu prés en ces mots, j’exprimeray sa flamme, Il n’est rien de si beau que les yeux de Madame, Ces charmans ennemis de nostre liberté Sont les divins autheurs de ma captivité, Et tout ce que la Terre a de plus admirable Ne sçauroit égaler ce chef-d’œuvre adorable : Aussi mes seuls respects, mes pleurs, & mes soûpirs Seront les confidens de mes brûlans desirs, Et par quelques endroits que mon cœur soit sensible, Je souffriray mon mal sans le rendre visible, Et devorant les feux dont je suis consommé Mourray sans m’expliquer devant l’objet aymé ! Trop heureux ! si l’amour déroboit à ma veuë Un jaloux obligeant dont le regard me tuë, Qui d’un zele importun & d’un soin odieux M'accompagne sans cesse, & m’observe en tous lieux, C’est le supplice affreux dont un destin contraire Punit les beaux excez d’un amour temeraire, C’est l’obstacle eternel qu’oppose à mes desirs Le mortel ennemy de mes plus doux plaisirs, Et dedans les transports de l’ardeur qui m’enflâme, C’est l’effroy de mes yeux & l’horreur de mon ame ! Nous en aurons tantost un plaisir assez doux ; Mais redonnez encor quelque touche au jaloux. D’effet, redonnez luy quelque nouvelle touche. L’arrest est prononcé d’une trop belle bouche, Tenez donc pour certain que vous m’obligerez D’en dire plus de mal que vous n’en jugerez, Plus vous luy donnerez moyen de nous en dire, Plus vous nous donnerez subjet de nous en rire. Il croira vous joüer souz ce nom de jaloux. C’est en quoy le plaisir en doit estre assez doux. En effet nous verrons travailler sa finesse Pour dire je vous ayme, avec un peu d’adresse, Et pour accompagner ces discours amoureux D’un geste & d’un regard qui vous parlent comme eux. Passant pour le plus fin dedans sa fantaisie, Quel plaisir de luy voir blasmer la jalousie, Et de nostre équivoque ignorant tous les nœuds Se jouër de luy-mesme en riant de nous deux ? Je le croy desja voir pour peu qu’il reussisse Devenir glorieux d’un mauvais artifice Alors qu’il vous dira, j’adore vos appas. Je vous parle d’amour, et l’on ne m’entend pas Dans les divers efforts du feu qui me devore, Je puis en liberté dire, je vous adore, Et mon bon-heur en fin va jùsqu’au dernier poinct, Puis qu’un Rival m’escoute, & ne me comprend point. Ce sont les mesmes mots que je veux qu’il vous die. L’equivoque en plairoit dans une Comedie. Mais souvenez vous en, & …         Je vous le promets. La Dupe s’en rira.         Le trait n’est pas mauvais. Ce pendant que diray-je à cet amant fidele ? Que d’une forte ardeur vous payerez son zele, Et recompenserez ses amoureux desirs De tout ce que l’honneur vous permet de plaisirs. En tenant ces discours que sa prudence est forte ! Qu’elle m’obligera luy parlant de la sorte ! Dieux ! que j’auray de joye en l’entendant parler ! Que j’auray du plaisir à bien dissimuler ! Que de ces mots adroits je luy suis redevable ! Mais allez commencer cet intrigue agreable, Cependant que flatté d’un assez bon succez J’escriray pour sçavoir l’estat de mon procez. Puis que mon rival veut que je parle, & que j’ose, Il aura beau plaider, je gaigneray ma cause. Et de tout ce que j’ayme ayant eu l’entretien Vous pourrez tout gaigner sans que j’y perde rien. En fin je puis parler, & mon bon-heur …         De grace, Ne continuez point, je vois venir Pancrace, Que pour me delivrer il vient bien à propos ! Faut il que ce brutal traverse mon repos ? Quoy, pour moy ta follie est toûjours sans pareille Ah ! cruelle, ah ! bachante°, ah ! scitique merveille ! De l’élement nitreux le monstre le plus fier Se rendroit plus sensible en m’escoutant prier, Le Discourtois Sarmathe, & le froid Sicophage Auprès de ton humeur n’ont rien qui soit sauvage ; Le Sipille°, ou Niobé°, à l’ame de rocher, Du vent de mes soupirs se laisseroit toucher. O Caribde° amoureux ! où je prevoy l’orage. O Scille° dangereux où je feray naufrage ! O bel œil sanguinaire ! aymable Lestrigon°, Qui surpasses en force & Briare°, & Thiphon°, Aspre aymant de mon cœur, adorable Ciclope° ! Qui n’eust pas espargné l’amant de Penelope°, Et veux ensanglanter les Mirthes glorieux Que cueille dans Paphos un cœur victorieux, A la fin tu me voy loing des ports & des rades. A travers des écueils au dessous des Pleiades° Sans que j’y puisse avoir de plus doux reconfort, Que d’estre auxilié par les traits de la mort, Cruelle, arreste un peu ! ces regards homicides. Sont bons dans le Cocyte° aux yeux des Eumenides°, Mais toy ?         Le bel Amant avec son poil grison ! Je puis me rajeunir mieux que ne fit Eson°, Et domtant la rigueur des fieres destinées Dérober à Cloton° le fil de mes années Par la rare vertu d’un sçavoir dominant, Je confondray mon estre avec l’Altitonant: Et joignant le principe à sa cause premiere, J’emprunteray d’un Dieu l’éclat & la lumière Et devenu divin par sa reflexion, N’iray jamais de l’estre à la privation. Tu n’es qu’un cajoleur avec tes balivernes ! Je suis sot en effet souffrant que tu me bernes, Mais Ovide m’apprend dedans son art d’aimer Qu’au veritable Amant rien ne doit estre amer : Aristote m’a dit que nostre ame enflâmée Doit bien moins vivre en nous que dans la chose aimée. Epicure a voulu que l’esprit de l’Amant Fist vœu d’estre sensible aux plaisirs seulement. Platon a souhaité que nostre ame obsedée Se donnast toute entiere à cette belle idée, Et moy qui les connois, & qui vaux mieux qu’eux tous Je veux tout endurer & tout souffrir pour vous. Le bel ameublement qu’un Amant à Calote Voyez ce qu’il veut dire avec son Aristote, Sa Piqueure à Ploton, & ses brides à veaux, Que croit-il attraper avec ces mots nouveaux ? Vrayment vieux Rocantin vous me la baillez bonne, Ou ne haranguez point, ou ne raillez personne, Car si je ne suis pas la perle de Paris, Vous ne devez pas croire estre le beau Paris°. Celle qui descendit de la voûte estoilée Pour se faire admirer aux nopces de Pelée°, Et fut apres porter dessus le mont Ida°, Le fameux different que ce Grec decida, N’avoit pas plus que vous d’appas hieroglifiques Pour donner à mon cœur des coups simptomatiques, Et celle qui fuyant les bras de Menelas° Reduisit Ilion à dix ans de combats, Et chassant de Priam° les Lares° domestiques Attacha son genie à des destins tragiques, Eust moins fait que vos yeux d’efforts Herculiens, Et n’auroit jamais pû me donner des liens, Car ce cœur que j’ay mis au rang de vos conquestes En bonnes qualitez est un Hidre° à cent testes, Et quand de ses vertus un gros est abbatu, Il en renaist un autre avec plus de vertu. Jugez s’il est aisé de luy donner la gesne, Et ce que peut l’objet qui le met à la chaisne ? Moy ! je pourrois aymer ce nez de Harlequin, Ce poil de Goupillon, & cet œil de Bouquin Pour attraper la Miche allez à l’autre porte. Aymable & cher objet, traitez moy d’autre sorte, L’Ironie est choquante à l’esprit d’un Amant Qui n’a pas recognu qu’on l’ayme infiniment, Apres l’enormité de cette Catachrese, Qu’un propos moins acide en ma douleur m’appaise Et qu’un trait de vos yeux me redonne le jour. Cette vicissitude est plaisante en amour, Que si vous affectez de parler par figure, Ou que vous en usiez par instinct de nature, Cherissez l’Antithese, & pour parler d’amour, Prenez la Tapinose, & l’Enigme à son tour, Le Sarcasme est plaisant, fuyant le Kacozelle, L’Apophtegme est sçavant, & l’Hiperbole est belle, Alors …     Adieu, Docteur.         Escoute ma raison. Un mot.         Il faut aller balayer la maison. Helas ! je voudroy bien que ton ame abstersive Chassast loin de mon cœur une douleur trop vive, Et qu’en y balayant des tristesses d’amour, Tu le fisses passer de la poussiere au jour ! Bon, mais il faut aller faire mettre sur table. Helas, fais bien plustost repaistre un miserable ! Et de mille douceurs luy faisant un festin, Fais le vivre d’amour, & change son destin ! Il faut que j’aille en fin …         Quoy, poignarder Pancrace ? Faire allumer du feu dans la salle ;         Ah, de grace ! Ma chere Dulcinee, attens encor un peu, Et loing de t’en aller faire allumer du feu, Appaise dans mon cœur la devorante flâme Qui met mon corps en cendre, & consomme mon ame ! Bon Dieu ! je n’ay pas fait nettoyer le jardin, Monsieur criera tantost.         Tu veux t’en fuir en vain, Et tu dois bien plustost par ta grace divine Arracher de mon cœur les soucis & l’espine, Et ne pas endurer qu’un chardon rigoureux Se treuve avec le Mirthe, & le Treffle amoureux. Il faut faire apporter de l’eauë de la fontaine, La riviere est mauvaise.         Helas ! belle inhumaine, Tu peux te satisfaire apres tant de douleurs, Et ne prendre de l’eauë qu’au torrent de mes pleurs, Mes yeux sont d’un canal l’inepuisable source : Et toy seul as pouvoir d’en arrester la course ; Mais je ne parle plus qu’à la fille de l’air ! Elle a fermé l’oreille, & vient de s’en aller : Allons chercher l’Echo° de quelque Antre sauvage, Et plaignons nous à luy d’un si sensible outrage. Fin du second Acte. En vain j’ay pratiqué tout ce que la prudence, A de plus reservé dedans sa confidence ;     En vain j’ay moderé toutes mes passions Par la sage froideur des circonspections ; Et concerté mon cœur avecque mon visage, Pour ne rien descouvrir de l’ennuy qui m’outrage : En vain d’un jeune amy j’esvente le secret, En vain je l’introduis à titre d’indiscret, Et le rends parmy nous un objet de risee ; Puis qu’en fin ma douleur n’en est pas appaisée, Et que je ne sçaurois trouver un seul moment, Pour vous entretenir & vous voir librement. Feignons … Quelle raison vous oblige à vous plaindre ? Ne me voyez vous pas si souvent me contraindre Quand je preste l’oreille à ce jeune innocent Qui m’explique vos maux par les peines qu’il sent ! C’est par vostre moyen que j’apprens de sa bouche Le mal que nous souffrons lors que l’amour nous touche ! Et quand mourant du traict dont il nous sceut piquer, On parle par enigme au lieu de s’expliquer ! Je benis toutefois un si beau stratageme Qui me donne moyen de voir celuy que j’aime ! Et le voir d’autant mieux que j’en prens pour tesmoins Ceux qui font les plus fins & qui le sont le moins. Ainsi donc puis qu’Ariste à toute heure me presse, Qu’il me suit en tous lieux & me parle sans cesse ; Pourquoy vous plaignez vous de me parler si peu Moy qui brûle au moment que vous estes en feu ? Vous ayant fait resoudre à cette complaisance, D’oüir un ingenu parler de ma souffrance ; C’est assez en effet du bien que je reçoy Lors que j’oblige un autre à vous parler pour moy. Ainsy vous agirez d’un air prudent & sage Et me donnerez lieu de vous voir davantage ; Car enfin il suffit qu’Ariste en ses discours Me parlant de ses feux m’explique vos amours. Le sot a mes faveurs pour les rendre à Climante ! L’adressse en est subtille         Et n’est pas desplaisante. Donc sans faire un jaloux obligez desormais, Ariste de tout dire & ne parlez jamais ! Vous verrez mon amour dans mon obeïssance Rien ne me plaist de vous à l’égal du silence. Et le profond respect que vous me tesmoignez Descouvre vostre amour plus vous le contraignez. Voyez le donc souvent, cet Ariste !         Ah Climante ! Qu’il ne me quitte point & j’en seray contente ! Tout importun qu’il est endurez ses souspirs ! Je puis bien l’endurer s’il sert à mes plaisirs. C’est en quoy je vous suis doublement redevable. C’est seulement à moy que je suis favorable. Que dois-je repartir à ce discours flateur ? Au moins s’il ne vous flate, il est party du cœur. Que je resens de joye en ces douces contraintes ! Que de douceurs amour accompagnent tes feintes ! Nous vivons sans donner aucun soupçon de nous. Nous nous aimons tous deux sans faire des jaloux. Donc pour continuer à soulager ma peine Flatez un ingenu d’une esperance vaine ; Et d’un peu de faveurs veuillez le consoler ; Afin qu’il ait tousjours dessein de vous parler. Pour avoir ce plaisir par une adresse extréme, Vous me verrez cent fois luy dire ? que je l’aime. Si vous continuez vous me rendrez confus, Vous me verrez tousjours la mesme que je fus. Ariste… Quelqu’un vient ? Rencontre deplaisante ! Pour me dire le reste, envoyez-le, Climante ! Un marchand du Palais demande à vous parler. Qu’il attende !         Il paroist pressé de s’en aller. Qu’il revienne tantost ; ne plaignez point ses peines. Un linger vient d’entrer avec des points de génes. Qu’il s’en aille ! j’iray le voir en sa maison. Le renvoyer cent fois c’est estre sans raison ! On n’a point de pitié des pauvres gens !         Lisette ! J’y vay ? c’est mépier d’une façon adroitte. Encor’ un surveillant ?         Quatre mots, s’il vous plaist. Mon maistre vous expecte, & dit que tout est prest : Qu’il a veu les Archers, & qu’il est tantost l’heure D’attendre le Badaut.         Nous rirons, ou je meure. Allons Madame !     Allons.         Quoy sans amour tousjours ? Adieu je ne veux point ny d’amant ny d’amours. Mais ce grand Dieu pourtant anime toutes choses, L’estre, ayme son principe, & les effets leurs causes La nature l’instinct, l’astre son ascendant, La matiere la forme, & le corps l’accident. Luy seul fit ce grand tout, de contraires parties, Calma les Elemens dans leurs antipathies : Et formant l’union de leurs diversitez, Sceut faire un composé des quatre qualitez. Mais au moins …         Le soleil amoureux de la terre, En tire les vapeurs dont il fait le tonnerre ; Et la descharge ainsi des esprits empestez Qui pourroient l’infecter ou ternir ses beautez L’hyver que nous croyons l’ennemy de nature, Est de sa passion la vivante peinture. Et dessous les glaçons, la neige & les frimats, Tient en bride le feu qui s’exhale d’en bas ; Et l’ayant condensé fait germer la semence, Qui nous donne les fruits, & produit l’abondance. C’est l’esprit animant de l’estre sensitif, Et du rationel & du vegetatif. Adieu.         Les vents qui font trembler les Nereïdes°, Les obligent d’aller dans leurs grottes humides, Pour y ressusciter les Tritons° langoureux, Et piquer les poissons d’un instinct amoureux. Les arbres aiment l’air, & leurs testes superbes, Faisans hommage au Ciel, parlent d’amour aux herbes. Bref tout ce qui subsiste, ou ce qui void le jour, Reconnoit la nature, & conçoit de l’amour. Tout ce que tu me dis ne servira de gueres. Que s’il faut m’abaisser aux exemples vulgaires, Et me servir icy des termes triviaux, Tu connoistras qu’en tout je n’eus jamais d’egaux. Les poissons aiment l’eau, l’œil aime la peinture, La terre les metaux, les plantes la verdure ; L’ombre cherit la nuict, le silence les bois, Les rochers les deserts, & les Echos° la voix, Le Dauphin la Baleine, & la conque la perle, Le Singe la Guenon, & la Grive le Merle, La Chienne le Matin, la Felice les Chats, La Fourmy son semblable, & les souris les rats, L’esperon la mollette, & le foureau l’espée, L’Escuier son cheval, & l’enfant sa poupée ; Et moy qui suis Docteur in utroque juré, Je n’aime que toy seule, ou le bonnet quarré. Elle fuit ! & je suis feru, Ma poitrine est mortiferée, Et d’Amour la fléche acerée Me va rendre l’esprit bouru; Mon estude est bouleversée. Ma capacité fracassée ; Et dedans mon individu Avec le sel & le mercure Tant de souffre s’est confondu : Que sous un zeny morfondu, J’y pourrois brusler la nature. Ce brasier est si violent Que par sa vertu specifique, En m’eschauffant d’un feu centrique Je suis un vesuve brûlant ; De sa consommante hypostase Se forme un antiperistase Avecque ma froide raison ; D’où vient la foudroyante flâme Qui sans espoir de guerison Produit cet amoureux poison Qui destruit mon corps & mon ame. Clair rayon plus pur que le jour Esprit de mes sçavans ancestres Qui pour tant de differens estres N’avez jamais conceu d’amour ! Souverain des Metamorphoses, Arbitre des Metempsicoses, Dieu des sçavants & du sçavoir, Si dans moy ton ame est passée Que peux tu dire de la voir, Si honteusement concevoir L’accident dont elle est forcée ? Vous qui n’avoüiez pour vrays biens, Que ceux qui semblent impossibles, Nobles & divins insensibles, Miraculeux Stoïciens, Qui des passions mordicantes, Reprimiez les flâmes piquantes, Esclairez mon entendement D’un rayon de vostre lumiere ! Pour luy rendre son element, Et le desgager noblement Des foiblesses de la matiere ! Mais ô deplorable rigueur ! Il faudrait une main divine Pour chasser l’amoureuse herine° Qui met tout l’enfer dans mon cœur : Cette furie° est si fatale, Qu’avec toute vostre cabale Vous n’y pouriez pas un festu ; Mes polmons perdent leurs haleines. Mon cœur en est tout abatu Et mon sang restant sans vertu Coule tout nitreux dans mes veines. Mais quelqu’un vient icy, füions ;         La nuict est sombre ; Et je puis m’introduire à la faveur de l’ombre ; Cht ; l’on ne m’entend point, hem, hem.         Je suis à vous. Hé bien !         Ils sont allez faire les loups garous, Et croyent vous joüer une piece excellente. Pour les contrejoüer d’une façon galante, J’ay fait au lieu de moy déguiser Jodelet, Qui loin de vous porter un amoureux poulet, Tient un escrit tout plein d’excuses ingenües Pour ne pouvoir venir à ces heures induës, Où je vous dis qu’estant fort brave cavalier Je ne veux rien de vous de si particulier : Et que craignant de voir vostre amitié bornée Lors que je ne viens pas suivant l’heure donnée, Pour rendre en ma faveur vostre esprit adoucy, J’ay fait des bouts rihmés, que j’ay descrits aussy. Ils les y surprendront.         Par cette raillerie, J’enchery galamment dessus leur fourberie ; Car en fin ces badaux en m’en tenant plus sot Ne me croiront pas homme à vous dire le mot ; Et me voyant aimer avec tant d’innocence, Me laisseront enfin agir sans deffiance. Voyant vostre valet ils seront bien trompez. Et ceux qui le prendront encor plus attrapez. Ils pensent qu’ils feront manquer la serenade, Et qu’ils vous berneront apres cette cassade. Je tiendray ma parole & les dupperay tous, Mais quand pour me joüer ils s’esloignent de nous, Proffitons de ce temps & jusqu’à l’heure expresse Que vous sçavez qu’il faut, que Jodelet paraisse. Treuvez bon que mon ame en ses justes desirs Donne quelque passage à mes brûlans souspirs, Et que dans les excez du feu qui la devore Elle vous face voir comme elle vous adore, Et ne soustient jamais vostre divin aspect, Sans changer son amour en un profond respect. A des conditions je veux vous le permettre. Qui sont ?         De me montrer les vers de vostre lettre. Le cachet ?…         Mais par cœur vous le devez sçavoir ! Pour m’en ressouvenir je feray mon pouvoir. J’y suis…les Rihmes sont figue, jaloux, & ligue Veroux et brigue & choux intrigue avec filoux Et beste avecque feste & maison & monnoye Et les deux derniers sont oison avecque joye. SONNET. Je te despite amour & je te fais la… figue, Depuis que j’ay treuvé pour tromper mes… jaloux, Le secret merveilleux de destruire leur… ligue En leur ostant le droict des clefs & des… verroux ; Ils ont beau gouverner la beauté que je… brigue Leurs gardes servent moins que des feuilles de… choux, Puisque nos cœurs unis sont bien mieux dans… l’intrigue Qu’on ne voit le marais avecque les… filoux. Soubs le pretexte faux de joüer à la… beste Souvent du Dieu d’amour nous celebrons la… feste ; Et sommes tout un jour maistres de la… maison, Et quand mon rival vient & me voit sans… monnoye Par quelques quolibets il tesmoigne sa… joye, Et me croit un cheval quand il n’est qu’un… oison. FIN Puis je mieux m’expliquer à moins que je le nomme ? Je les treuve trop beaux pour sentir le jeune homme. Ostez les…         C’est en vain que vous vous allarmez ! Pourquoy ?         Ne craignez rien ce sont vers imprimez Et j’avois concerté cette seconde addresse, Pour les dupper encor’ avec plus de finesse, Et m’establir chez eux pour fat au dernier poinct. Sans mentir vostre esprit.         Ne complimentons point. Et pendant qu’on prendra Jodelet pour son maistre Le menant à l’endroit où les fins doivent estre : Puis qu’il leur faut du temps pour aller & venir, Servons nous en du moins pour nous entretenir. Amour jeune falot, petit monstre fantasque, Qui pour nous attraper court toûjours mieux qu’un Basque; Et faisant de nos cœurs un amoureux tison, Mets en fin tost ou tard le feu dans ta maison ; N’es-tu pas satisfait de me voir de la sorte ? Ne ris-tu point de voir les armes que je porte ? Et n’es-tu pas en fin un plaisant maroquin De m’avoir engagé dessous ce casaquin ? Par toy je suis Archer, mais un Archer sans gage, Par toy je suis soldat, mais soldat sans courage ; Par toy je suis amant mais amant sans amour ; Et par toy je produis sans mettre rien au jour ; D’un jeune ennamouré qui va voir sa donzelle Sans estre en faction je suis la sentinelle ; Et des pieces d’amour, dont il est l’inventeur, Je seray la machine alors qu’il est l’acteur : Je suis par le secret de cette halebarde Caporal, & Sergent, soldat & corps de garde ; Et seul faisant le tout dans un si bel employ Toute la compagnie est au dessous de moy ; Mais sçay-je bien joüer de cette arme ferrée Qui chez nos bons bourgeois est si considerée ? Et que mon vieil voisin appelle un bon baston ? Au diable, je me suis escorché le menton : Et pour peu que je veuille en faire daventage Je reconnoistray bien que je ne suis pas sage. Si faut-il toutefois faire le molinet, Hé bien ! le tour est viste & l’escart est bien net ; J’y suis un peu gruier, & j’en ferois la nique Au plus mauvais garçon des courtaux de boutique. Mais à quoy m’amusay-je, amour peste aux escus Petit cousin germain du bon pere Baccus° ; Qui force les cliens qui voguent sous ton aisle A prendre un vomitif qui vuide l’escarcelle; Fais couler jusqu’a moy quelques meschans ducats ! Donne moy le moyen d’aller vuider les plats Et d’aller m’esbaudir avec le Dieu des peintes Et te sacrifier des chans au lieu de plaintes Exauce mes souhaits, amour escoute moy Puisque je suis archer aussi bien comme toy ; Nous sommes compagnons & devons ce me semble Travaillant l’un pour l’autre, aider qui nous ressemble ! Nous de la ressemblance, Ah fat au dernier poinct ! J’ay des yeux qui sont bons, & toy tu n’en as point ! D’un cocüage encor nul mary ne me blasme, Et ma mere apres tout est fort honneste femme. Non, non je suis archer, tu n’es qu’un archerot; Je suis fort honneste homme & toy tu n’es qu’un sot. Au diable soit l’amour, avec la halebarde ! La Verdure,     Motus.         Venez au corps de garde ? Commande à tes valets.         Si je vay jusqu’à vous Dans ma mauvaise humeur je vous roûray de coups. Ces feneans s’en vont, & font les galans hommes. Chacun veut estre maistre en ce siecle où nous sommes, Il semble que le mal ne soit que pour les vieux. Ce vieillard à l’entendre est bien seditieux ! Vous le diray-je encor,         Qu’il aime la querelle ! Voyons, qu’attens-tu là ?         Je fais la sentinelle. Peste !         Ce n’est pas luy, je le reconnois bien ! Ton nom ?     C’est Jodelet,     Et que fais-tu là ?         Rien. A quoy bon cet habit ?         C’est pour servir mon maistre. C’est un volleur, suis moy.         Je ne suis pas si traistre. Ne vous l’ay-je pas dit, je suis en faction. Mais nous voulons savoir quelle est ta fonction ? Et pourquoy ?         Quelque sot s’en iroit vous le dire. Ce matois fait le fol ! il n’est pas tant de rire. Sors de là !         J’y serois jusqu’à demain matin. A d’autre, viel amy, vous m’espreuvez en vain : Je n’en branslerois pas pour gagner un Empire. Dieu vous doint tout le bien que vostre cœur desire, Encor, Dieu vous assiste, & bon soir.         Grand mercy. Qu’il prenoit bien son temps, pour s’evader d’icy ! Il me faut suivre amy.         Le Belaud, qu’il est drosle ! Pourquoy m’as tu donné ce coup dessus l’espaule ? Pour mon plaisir         Cest trop endurer de ce sot. Hola, quelqu’un à moy.         Ventre ne dites mot ! Vous pourrez par ce bruit faire tort à mon maistre. Hola hé !     Par la mort.         Qu’on saisisse ce traistre ! Ne parlez pas si haut, amis vous estes vous. Mon maistre…     Il faut marcher.         Quelle gresle de coups ! Au meurtre, l’on m’assomme, on me vole, on me tuë ! Au diable soit l’amour, la maison & la ruë ! Lettres, message, amy, maistresse, casaquin, Sentinelle, poignard, halebarde & Rouquin. Fin du troisiesme Acte. Je te l’ay desja dit, fais donc ta diligence ; Je viens de recevoir nouvelles de Provence Que l’on se peut douter du chemin que j’ay pris. Tiens tout prest.         Sans regret je quitteray Paris. Ce climat temperé n’est bon qu’au cocüage. Cesse, pour engager Olimpe en ce voyage Demain seul avec elle allant me promener Auprés de sainct Denys tu nous feras mener Quatre chevaux tous prests pour rejoindre aux deux nostres, Puis…     Et moy ;         Tu viendras apres avec les autres Feras monter mes gens, prendras soin de mon train, Mettras ordre par tout, & suivras mon chemin : De plus ayant besoin de deguiser l’affaire Dans châque hostellerie il te faut dire pere De la jeune beauté que j’emmeine avec moy ; C’est dans ces tours d’esprit que j’ay besoin de toy. Comme un Cameleon.         Je t’entens cher Pancrace. Si dés lieux où je vay quelqu’un suivoit la trace Apprenant en l’estat qu’on m’aura veu passer Par ce déguisement il peut s’embarasser : Le nom de Perre en fin.         La fourbe est assez bonne. Moy pour ne tesmoigner mes desseins à personne, Je vais avec Climante encore raisonner Pour berner nostre fat, qui s’appreste à donner Dans deux heures d’icy sa belle serenade. A faute de dormir vous vous ferez malade. N’importe, mais sur tout choisis un bel habit, Pour joüer comme il faut le role que j’ay dit. Entre, Climante vient.         Hé bien ! s’en raille-t-elle ? Oüy de nous voir trompés.         O l’amant plain de zele ! Qui n’ose venir voir sa maistresse le soir ? Qu’importe, il envoyoit son valet pour la voir. Vrayement c’est un galant qui se sent des escoles. Encor que dites-vous de ces belles paroles, Dont sa lettre est remplie ?         Et des vers imprimez ? C’est le plus grand des sots que nature a formez. Il le faut achever avec la serenade. Sans doute il y fera quelque bonne incartade. Il s’y faut preparer.         Le tour sera d’esprit. Dis nous que fait Olimpe à present ?         Elle escrit. Il faut voir ce que c’est.         Ne faisant que d’escrire, Je vous cherchois par tout afin de vous le dire. Tu m’obliges.         Je suis entierement à vous. Allons.         Ay-je dessein de mourir de la tous ? Et la fraischeur qui vient de l’air & de la terre Pourroit-elle estre bonne à guerir mon catherre ? Moy chercher un valet ! & me mettre en danger, En perdre pour le voir, le boire & le manger, Avoir martel en teste, & la puce en l’oreille ; Dont le bourdonnement à toute heure m’esveille, Et m’emmaigrit si fort qu’avant ce renouveau Je pense que les os me perceront la peau. Ah ! de despit j’enrage, & de regret j’en pleure ; A t’il le chien qu’il est resolu que j’en meure ? Ah folle que je suis d’aimer trop ce lourdaut ! Encor s’il estoit beau : mais ce n’est qu’un badaut. Et quelque long chagrin qui m’ait defigurée, Je ne suis pas si sotte & pas tant deschiree, Que je ne vaille bien un amour mutuel. Vrayement c’est bien à luy de faire le cruel, Mais c’est luy que j’entens qui nasonne & qui gronde. Ouy, Jodelet sans eux tu n’estois plus au monde. Quelle commission mon maistre me donna ? Et m’envoyer encor nonosbstant tout cela Attendre icy des gens pour donner serenade. Roder icy la nuit, tu te feras malade. Je viens attendre icy des suppots de l’archet. Que ne viens-tu pour voir celle qui t’y cherchoit ? Que l’on me cherche ou non, ma foy pour te le dire, Laisse moy, l’on n’est pas tousjours d’humeur à rire. Te priant d’arrester tu me refuserois ? Je voudrois t’obliger, mais je ne le sçaurois. A d’autres yeux qu’aux tiens je ne suis pas tant laide. Pour me guerir d’amour tes yeux sont un remede. Si mes yeux sont ardens & sont rouges de feu, C’est de celuy d’amour.         De grace esteins-le un peu, Avec le vermillon dont ton œil gauche esclatte Tu pourrois d’un regard me teindre en escarlate. Trefve de compliment,         O mon cher Jodelet, Mon bedon, mon fanfan, mon poupon, mon valet. Ah ! ne me touche point avecque tes mains sales. Es-tu si delicat ?         Peste, je crains les galles. Escoute encor’un mot.     Parle donc !     Mais…         Hola. Adieu ton mot est dit.         Pour t’arrester donc-là, Je t’en conjure enfin par ces franches lippees, Par ces bribes de pain dedans le pot trempées, Par ces soûpers gardez, quand tu venois si tard, Et que dessous mon nom je faisois mettre à part ; Par ces deux boüillons faicts quand tu pris medecine Un jour que je te vis malade en la cuisine : Bref, par tout ce qui peut d’un gosier alteré, Plus que l’or & l’argent estre consideré. Helas ! pour adoucir ton humeur rogue & fiére Que le ciel ne m’a-t-il fait naistre sommeliere, Peut estre que l’arbois, le grave & le muscat Ne te permettroient pas d’estre si delicat. En as-tu ?     Non,         Adieu, je vais coucher en ville, La gabatine est franche, & la ruse est subtile, Tu m’as tout deschiré.         Tu ne t’en iras point. Donne moy donc de quoy racoustrer mon pourpoint. Ah ! que d’or & d’argent n’ay-je une vive source, Tu pourrois disposer du cœur & de la bourse, Et je te monstrerois en te saoulant de bien Que ce qui m’appartient est absolument tien. Cruel ! loin de m’aigrir apres de tels outrages Veux tu manger encor quatorze ans de mes gages ?      Il n’est presents, espargne, estreines ny profit Que mon amour n’immole à ton grand appetit. Pourquoy differois-tu cette belle harangue ? Je veux aimer ton corps à cause de ta langue ; Et de quelques desfauts qu’on te puisse blasmer Si tu parles tousjours, je veux tousjours t’aimer. Pancrace vient, escoute.         Elle n’est pas sortie, Mes yeux se sont trompez, j’ay mal fait ma partie. Pancrace,         Qui va-là ? Que viens-tu faire icy ? Attendre le concert.         Je viens l’attendre aussi. Pour aller resveiller mon maistre & ma maistresse. Tu le peux sans sortir :         Il faut joüer d’adresse, Et ne pas tesmoigner que l’amour me menoit ; Ouy ; mais l’impatience au logis me prenoit. De vray l’impatience est une estrange chose ! Elle perdra l’esclat de mon Apotheose ! Sans doute, mais encor que veut dire ce mot ? J’ayme les curieux.         Je ne suis pas tant sot. Mais si tu veux parler modere toy, de grace, Du latin j’en sçay peu, mais pour du grés j’en casse. L’Apotheose donc est un grand changement, Qui d’un homme mortel fait un Dieu promptement. Et combien vendroit-on l’once d’Apotheose ? Si l’homme la vendoit ce seroit peu de chose. S’il en est sous le Ciel nostre Espicier en a, Il vend bien du mercure & du diapalma. En voulant t’enseigner mon erreur est extréme, Mais je n’y prens pas garde, à cause que je t’aime. De vray, l’on dit qu’amour aveugle les esprits, Je crois qu’il fait du mal !         Tu ne t’es point mespris. C’est un ver pétillant ennemy de la joye, Qui porte un grand desordre aux regions du foye, Et qui par le venin d’un esprit sulfuré, Corrompt le meilleur sang, & le plus espuré. C’est le funeste autheur de ces tristes ravages, Qu’excitent les desirs dans le cœur des plus sages ; Et le noir seducteur des belles passions, Par où l’honneur nous pousse aux bonnes actions. Par un amas confus de flegmes & de bile, En offusquant l’organe il rend l’ame inhabile, L’attache à la matiere, & fait qu’elle ne peut S’en rendre la maistresse alors qu’elle le veut. Ce sont les sentimens, qui sont les moins vulgaires. Si tu n’en sçais pas plus, ma foy tu n’en sçais gueres. Et sans avoir appris de Grec & de Latin, Je sçais bien que l’amour n’est qu’un fils de putain, Qu’un rustre estoit aimé de Madame sa mere, Et qu’il ne fut jamais à feu Monsieur son pere. Ce divin forgeron, ce boiteux renommé Qui regne auprés du Styx sur un Trosne enfumé, Et qui preste la force au bras nerveux de Bronthe°, Veid un jour forligner la Reyne d’Amadonthe, Et dedans la prison des reseaux qu’il avoit Fit voir à tous les Dieux l’affront qu’il recevoit : Mais je soustiens en fin à tous gymnosophistes, Cosmographes du Ciel & tous Mithologistes, Que l’enfant Cupidon° voyoit desja le jour Quand Mars° connut sa mere, & qu’il luy fit l’amour. Hé bien ?         C’est un discours digne de ma colere D’alleguer que l’amour est né dans l’adultere ; C’est une mesdisance horrible aux gens d’esprit Qui sçavent mieux que toy ce qu’Ovide en escrit. Ce subtil scrutateur des affaires du monde Qui suivit Pithagore en sa route profonde, N’osa pas inserer cet estrange discours Dans le plaisant tissu de ses folles amours ; Ce Dieu des chantres Grecs, & ce Tebain lyrique Par qui nous sçavons l’art de l’ode Pindarique, Soustient bien le contraire à la barbe de tous, Aussi je veux dans peu confondre ces vieux fous ; Et prenant comme Athlas° le fardeau sur l’espaule. C’est assez, concluons que l’amour est bon drole. Tu te mets en colere ?         Est ce mal à propos ? Et l’amour n’est-il pas fils aisné de Cahos° ? Du Cahos° ! par ma foy tu m’en fais bien accroire. Hesiode t’en peut rafraischir la memoire, Et te faire sçavoir si ce sont des abus. N’est ce pas cet autheur qui fait ces beaux rebus ? Hé bien, j’ay dit rebus au lieu de coq-à-l’asne. Voyla bien de quoy rire !         Ah ! stupide, ah ! profane, Nommer un Philosophe un faiseur de rebus ? Mais n’est-ce pas tout un, puis qu’il parloit Phebus ? Dis-en la verité.         Respecte un Philosophe. Pourquoy le respecter s’il est de ton estoffe ? Oüy, mais tel que je sois, je lis dedans les Cieux, Et suis quand il me plaist dans le secret des Dieux. Je sçay par quel pouvoir & par quelle aventure Ils commirent le monde au soin de la Nature, Comme ils ont inspiré le pouvoir aux agens, Esclairé les esprits de feux intelligens. Sousmis l’estre innérant à sa cause premiere, Joint la chaleur au feu, l’esclat à la lumiere. De contrarietez formé les Elemens, Et de diversitez fait nos temperamens. Ce qu’une estoille peut, quelle est son influence, Comme sans nous forcer elle esmeut la puissance, Et donne quelque pante à l’inclination Sans la violenter dans l’operation. Je sçay comme se font les careaux du tonnerre, Les eclipses de jour, les tremblemens de terre : Ce que l’on peut trouver de souffre aux mineraux, Et ce qui peut entrer de sel dans les metaux Je connois les secrets des vertus harmoniques, Que l’ame renferma dans les corps organiques. Comme les Embrions creez de sang & d’air, Apres quarante jours se laissent informer : Comme elle donne au corps les ordres necessaires, Comme se font les nerfs, les veines, les arteres, Les fibres, les tendons, le sang, les ligamens, Muscles, os, cartilage, & chair, & filamens : Comme sont confondus par un lien utile L’esprit, la pituite, & le sang & la bile. Je sçay que le polmon, le cœur & le cerveau… Ma foy tu n’es qu’un sot !         Et toy tu n’es qu’un veau. Va t’en le demander à cette jeune folle Qui me dit tous les jours que je suis son idole, Et qui te tient un fol quoy que tu sois docteur ; Lisette…     Que dis-tu ?         Je ne suis point menteur. Mais sçachons tout de luy, Jodelet si ton ame Est flexible aux élans de l’amoureuse flame Dis moy ce que tu sçais de Lisette & de toy ! T’aime-t’elle ?     Elle m’aime.     Ah !         Voylà bien de quoy. Ingrate ! preferer ses services aux nostres. Tu l’aimes ?     Point du tout.     Mais…         J’en ay bien veu d’autres. Ils ont beau me prier, mon honneur m’est trop cher, S’ils veulent de l’amour qu’ils en aillent chercher, Je ne suis pas payé pour souffrir leurs fredaines, Et j’aimerois bien mieux que les fievres quartaines Les prissent au collet, & les vinssent serrer Que de les escouter se plaindre & souspirer. L’une en vous œilladant d’un regard ridicule Vous vient dire, je meurs, ah ! je pasme, je brûle, J’enrage mon Amour, je suis dans les transports. L’autre plus engrognée invoque mille morts, Et pour vaincre une humeur trop rebrousse & trop aigre Fait la mine d’un chat qui boiroit du vinaigre, Et se met à pioller sur un ton si touchant, Qu’il feroit enrager la beste & le marchant. Je ne suis pas si sot que de croire Lisette, Elle a perdu son temps & sa fortune est faite ; Elle a beau me vouloir deschirer le manteau, M’arracher les cheveux, ou m’escorcher la peau ; On ne dira jamais dedans nostre village Que j’aye dementy l’honneur de mon lignage, Et que je ne sois plus un garçon vergogneux ; Je sçay ce qu’on disoit de Pierrot le honteux Quand il s’amouracha de sa jeune commere. Mais…         M’aime-t’elle bien qu’elle en parle à ma mere, Et ne pretende pas m’attraper comme un veau, Ariste me fera geolier de son chasteau, Où mon pere possede un employ fort honneste ; Un jour j’auray du bien, & ne suis pas si beste Que…         Je ne puis penser qu’elle t’estime tant. Si je t’en dis la preuve en seras tu contant ? Tu ressusciteras & mon cœur & mon ame. Elle dit que tousjours tu luy parles de flame ; Que pour elle tes feux sont des plus élegans, Et que tous tes discours sont bien extravagans ?     Ne raille point amy, dis moy tout, je te prie. Je parle tout de bon, ce n’est point raillerie ; Elle m’a dit de plus que tu veux l’espouser, Et que sur l’escalier en la voulant baiser, Tu te fis en tombant cette bugne à la temple. En puis je demander une preuve plus ample ? De plus elle m’a dit, mais au moins soit discret, Que de ton maistre en fin luy fiant le secret, Tu luy dis que demain il devoit faire gilles, Qu’il emmenoit Olympe, & qu’il troussoit ses quilles : En veux-tu davantage ?         Ah Dieux ! je suis perdu, Je voudrois de bon cœur que tu fusses pendu ! Et moy pour te payer des souhaits si loüables, Que ne te puis-je voir aller à tous les Diables ! Mal-heureux qu’ay-je-fait !     Au moins.         Esloigne-toy Ah ! mort.     Il fait le fou, le grand sot !         Laisse moy. Mais j’entens quelque bruit.         Voicy toute la bande. Allons donc advertir mon maistre qu’il descende. Voicy le bel endroit, allons donnez !         Donnez. Je ne puis m’accorder tandis que vous sonnez, Un peu de patience… en fin c’est assez dire, Messieurs, escoutons nous, il n’est pas tant de rire. Vostre do-la-ré-sol.         Un peu vostre Emi-la. Vostre gé-ré-sol-ut.         Encore… m’y voylà. Estes-vous prests, Messieurs ? faut-il que je commence ? Allons, c’est à ce coup.         Un peu de patience, Ma quarte se relasche au moins d’un demy ton, Je suis bien.         L’Alemande, allons, c’est tout de bon. Messieurs, ce n’est pas là ce que je vous demande, Vous joüez la bourrée au lieu d’une Alemande Nous n’estions pas icy tous seuls de violons. Le Flambeau…         Sus, Messieurs, monstrez-nous les talons. Les coquins.         Denichez allons, quitte la place, Ou je te casseray la teste avec ta basse. Toy ! si tu l’avois fait avecque ce flambeau, Je te ferois griller comme on fait un pourceau. Veux-tu voir ?         Ah ! Monsieur, escoutez moy, de grace, Je disois qu’en courrant, il casseroit sa basse, Et parlois à mon maistre afin qu’il s’appaisast. Monsieur, ne songez pas à ce que dis ce fat Et souffrez…         Quoy souffrir ? la plaisante boutade ! Et quel droict avez vous de donner serenade ? Le droict qu’on peut avoir lors que l’on aime bien. Moy, j’aime plus que vous.         Et moy je n’en croy rien. Tout cela git en preuve.         Ah ! la grande beveuë, Amis, retirez vous, vostre cause est perduë. Ne riez pas encore, & preuvez seulement. J’ay pleuré mille fois.         Et moy pareillement. J’ay souffert des rigueurs sans espoir de salaire. J’ay souffert des mespris sans me mettre en colere. Quoy qu’une amante ait fait je n’ay point murmuré. J’ay treuvé tout fort bon de l’objet adoré. J’ay couché sur sa porte.         Et moy dedans sa ruë. J’ay fait la sentinelle.         Et moy le pied de gruë. J’ay fait mille sonnets.         Et moy mille rondeaux. J’ay payé des festins.         J’ay donné des cadeaux. J’ay fait un grand voyage.         Et moy cent promenades. J’ay donné des concerts.         Et moy des serenades. J’ay donné mille escus pour porter un poulet. J’en ay despensé deux pour gaigner un valet. J’ay tiré pour Doris cinquante fois l’espee. La mienne pour Philis fut cent fois occupée. J’ay tué pour Caliste° un faiseur de oüyda. J’en batis dans le cours qui disoient la voyla. J’ay presté de l’argent au mary d’Isabelle. Je me suis laissé perdre en joüant avec elle. J’ay donné des galans.         J’ay donné des bouquets. J’ay donné cent Guenons.         Et moy cent perroquets. J’ay donné pour le moins sept à huict cent Cassandre. Moy cinq cens Ibrahims, & trois cent Polexandre. J’ay fait veoir à Daphnis dix fois Heraclius. Moy vingt fois Themistocle, & peut estre encor plus. J’ay donné du jasmin dans le mois de Decembre. Dans le mois de Janvier j’en semois une chambre. A la foire en un jour j’ay donné cent bijoux. Moy pour un soir au bal deux mille citrons doux. En cent lieux de Daphné j’ay la belle peinture. Je l’ay de sa hauteur fait peindre en mi-nature. En frisure par jour dix escus…         Arrestez, En eschelle de corde il me les a coustés, Et pour les rendez-vous.         Tresve de raillerie. Mais puis que par l’amour ou la galanterie, Nous ne pouvons finir un combat si douteux Je sçais un bon moyen pour nous regler tous deux Vous veniez divertir une jeune merveille Là dedans.     Oüy.         J’y viens pour affaire pareille. Oronthe appaisera cette noise entre nous Cet homme est fort commode.         On dit qu’il est jaloux. Point du tout, la franchise est telle dans son ame Qu’il se tient honoré quand on aime sa femme Hé bien…         Sçachons de luy lequel demeurera. Mais…     Je le connois bien.         Tout ce qu’il vous plaira Exibez vous, Monsieur, & par quelques adages De ces periclitans, dissipez les ambages. Amy ?         Que vous plaist-il de vostre serviteur ? Appaiser un debat dont Monsieur est l’autheur. C’est…         Laissez-moy conter comme s’est fait la chose. Je la dois reciter, puisque je la propose. Je parleray pourtant le premier s’il vous plaist. Je diray le premier la chose comme elle est. De grace.     Mais Monsieur.         Mais vous avez beau dire. Ce plaisant differend me fait crever de rire. Qu’est ce donc ?     C’est…     Monsieur…         Escoutez-vous enfin, Ce debat dureroit jusqu’à demain matin. En ces beaux jours d’Esté…         L’exorde n’est pas fade. Voulant me divertir à donner serenade, Monsieur est survenu, qui dans le mesme instant Sans me considerer en vouloit faire autant : Nous estans abordez pour finir la querelle, Nous demeurons d’accord qu’en fin le plus fidelle Et le plus viel martyr de l’Empire amoureux Demeureroit…         Et bien lequel l’est de vous deux ! Nous nous sommes trouvez tous deux d’egale force. Attendez pour finir cet aymable divorce ; Il faut avoir recours à de bonnes raisons, Veniez vous divertir quelqu’un dans ces maisons ? J’entens un bel objet qui vous chatouille l’ame. Oüy, Monsieur une fille.     Et vous ?         C’est une femme. Cette fille a son pere, & qu’est-il ?         Advocat. Il vous fourbe.         La vostre est de plus grand estat ? Elle est ou le sera femme d’un Gentil homme. Il n’en est point icy ?         Plustot que je le nomme, Jugez en ma faveur, ce Gentil homme est vous ; Et luy qui ne sçait pas comme on vit entre nous, Penseroit que d’amour je serois bien malade ; Olimpe estant l’objet de cette serenade ; Je le dis en amy, cela vous feroit tort. Ah ! c’est trop parler bas.         Vous serez tous d’accord. Peut-on oüir parler d’une telle sottise ? Monsieur me fait l’honneur d’agir avec franchise ; Et songeant à ma femme & la nuit & le jour… Oronthe…         Il l’aime en fin sans luy parler d’amour. On est souvent trompé pour estre trop facile. Je ne crains point l’amour dans un esprit tranquille, Et je distingue bien le bon & le mauvais : Mais allez je vous laisse.         Adieu vivez en paix. Que de bontez ! Monsieur.     Le fat.         Qui peut le croire ? Vous voyez de quel air j’emporte la victoire. N’en ayez point d’orgueil, vous ne luy devez rien, Et ne présumez pas qu’il vous fasse du bien ; Puisque ce demeslé n’estant fait que pour rire Tousjours à vos advis vous m’auriez veu souscrire ; Et sans que cet arrest intervienne entre nous Connoissez qui je suis ?         Ah ! Climante est ce vous ? C’est par l’ordre d’Olimpe à qui l’affaire touche, Par cette fausse barbe, & cette balle en bouche, J’ay caché mon visage & deguisé ma voix Ma foy j’y serois pris une seconde fois. Mais c’est perdre le temps il faut que l’on commence, Olimpe nous escoute & meurt d’impatience. Elle pardonnera ce long retardement. Elle en est cause.     Allons         Qu’il parle ingenûment. Il se croit obligé de ce que l’on le jouë. Il n’en est pas au monde un plus sot.         Je l’advouë. Je te rens grace Amour, je les tiens au filet, Les fourbes sont duppez, fais joüer Jodelet. Fin du quatriesme Acte. Madame, benissons l’amour de Jodelet, Je devray ma fortune aux soins de ce valet, Vous partiez…         Sans pouvoir vous apprendre peut estre Non plus qu’à mes parens où me tiendroit ce traistre. Il n’en est plus le temps on s’en douteroit bien. Mais le desguisement du Docteur…         Ce n’est rien. Il est fait à joüer de pareils personnages. Tout est prest pour punir de si cruels outrages Sur tout un peu de cœur pour en venir à bout. Je connois vostre zele & me resous à tout. Madame, je voudrois que vous peussiez comprendre Quels seroient les devoirs que je voudrois vous rendre, Et qu’en fin vostre esprit en peut estre informé, Au moment que mon cœur se sent tout consommé, Mais c’est vouloir tenter une chose impossible, Que de rendre d’amour le bel excez visible, Puisque celuy qui sçait parfaictement aimer, Le ressent beaucoup mieux qu’il ne peut l’exprimer, Oüy, lors que d’un beau feu nostre ame est enflâmée Le respect seul en parle à la personne aimée, Et des brûlans soûpirs la forte expression Est le seul truchement de nostre passion, Ainsi je ne sçaurois que par un long silence Exprimer de mes feux la forte violence, Et mes tristes regards à travers de mes fers Ont droict seuls de parler des maux que j’ay soufferts. Un si profond respect est certes admirable. On n’en peut trop avoir pour un objet aimable : Et de quelques ardeurs que nous soyons pressez Quand on peut dire j’ayme, on dit toûjours assez. Ces concertations en un cœur tout de flâme, Ne peuvent compatir qu’avec une belle ame. Et les beaux sentimens que vous nous inspirez, Ne peuvent allumer que des feux espurez. Un cœur si genereux sensiblement me touche. Que la loüange plaist dans une belle bouche ! Et que le plus modeste en le desavoüant Paye mal les bontez qu’on monstre en le loüant. Qu’il est doux de loüer, ce qu’on juge loüable ! Qu’il est aisé d’aymer ce que l’on treuve aimable ! C’est offenser l’honneur que ne vous aimer pas ! C’est suivre la vertu que marcher sur vos pas. Que Climante m’oblige alors qu’il vous envoye ! Elle parle de moy, je vay mourir de joye. Puisque par son moyen j’ay le bien de vous voir, Il m’oblige en un poinct qu’on ne peut concevoir. Tu ne sçais pas le nœud de nostre stratageme. Dites-luy que cent fois j’ay dit que je vous ayme ! Je te rends grace, amour !         Que je suis satisfait ! Il se croit obligé du bien qu’elle me fait. Dites luy que j’ay dit que je m’impatiente. Quand je ne vous voy pas.         O bien-heureux Climante ! Qu’il me fera plaisir, s’il treuve le moyen De me faire souvent avoir vostre entretien. Plus elle le verra, plus son adresse extreme, M’apprendra par Ariste à quel poinct elle m’aime. Je treuve en vous voyant un trop puissant secours Pour ne le prier pas de m’envoyer tousjours. Et j’ay trop de plaisir d’un si plaisant message Pour ne te faire pas joüer ce personnage. Que je sens de plaisirs alors que je vous voy ! Le fat ne connoist pas qu’il fait l’amour pour moy. En luy parlant, sur tout gardez de vous confondre. La raillerie est fine, il n’y pourra respondre. Et ne hazardez pas sa perte & mon appuy. Comment ne voit-il pas qu’elle se rit de luy ? Je sçauray mesnager cet amant miserable. Ce nom d’amant me choque, & n’est point agreable. Vous n’avez plus long-temps à souffrir ce rival. Peut-estre avant demain je perdray ce brutal. Tout cecy me déplaist, & j’ay peur de sa suite. Vous ne pouvez manquer d’esprit & de conduite. Au moins tant qu’il ira de prendre loy de vous. Quelque important mistere est caché là dessous. Il parle avec chaleur, elle respond de mesme, L’aimeroit-elle ?         Au moins songez que je vous aime. Dessus ces belles mains je puis vous le jurer ; Helas ! ce seul baiser me doit desesperer ! Le traistre…     L’insolent.     Le fourbe.         L’infidelle Il n’en faut plus douter, il est adoré d’elle. Ah Dieux ! en quel mal-heur je suis embarassé ? Il se repentira de m’avoir offensé. Ne vous exposez point quoy que le traistre face ! Je ne puis plus souffrir l’excez de leur audace, Sortons vistes d’icy de peur d’estre surpris, Et sans leur tesmoigner que j’aye rien appris Escoutoit-il ?         Treuvons quelque adresse nouvelle, Pour descouvrir leur fourbe ou pour me vanger d’elle. Mais j’apperçois Oronthe.     Ah !     Qu’estre.         Promptement, Viste, l’exempt, Monsieur.         Parle distinctement, Mais escoute on nous suit.         Feignons avec adresse. Hé bien !     Ils sont là bas.         Joüons leur quelque piece. Mais quelle ? je me treuve au bout de mes leçons ! D’effet l’on l’a joüé de toutes les façons. En fin…         Si vous feigniez de voir d’un œil d’envie Qu’il passe avecque nous trop doucement sa vie, Et qu’Olimpe l’aimant, & mesmes plus que vous, Quel amy qu’il vous soit vous en estes jaloux. Mais…         Cela produiroit trois effects agreables, L’un de le voir penser qu’il est des plus aimables, Et qu’Olimpe pour luy souspire tous les jours, L’autre de me croire homme à souffrir ces amours, Et le troisiesme en fin de penser que vostre ame Brûle indiscrettement d’une pareille flâme. Ainsi je puis tout haut me vanger d’un rival. Si prest de mon depart je ne l’entens pas mal. La piece est assez bonne.         Et sera bien menée, Pourveu qu’Olimpe essaye à faire l’estonnée, Et feigne adroitement de vous croire jaloux Pendant que vous feindrez de vous mettre en couroux. Et vous ?         Du ton de voix & de l’air du visage Vous me verrez si bien joüer mon personnage, Qu’en fin vous advoûrez que le plus delicat S’y pourroit laisser prendre aussi bien que ce fat. Mais il faudroit qu’Olimpe en peust estre advertie. Un clin-d’œil la pourra mettre de la partie : Et la correspondance est telle entre nous deux Qu’un regard la dispose à tout ce que je veux. Allons vers ces jardins, c’est là qu’ils s’entretiennent. Ne sortons point d’icy, je les revoy qui viennent. Cajoller ce qu’on aime & ne le point quitter, C’est n’avoir à mon gré plus rien à souhaiter. Aussi je ne veux plus souffrir tout ce mistere. Ny moy passer pour sot à force de me taire, Puisque de la façon que l’on vous voit agir, Vous mal-traittez Oronthe, & me faictes rougir. De quoy l’accusez-vous ? d’où vient vostre colere ? En quoy sans y penser ay-je pû vous desplaire ? Sans doute que tantost il m’avoit escouté. De nous priver du bien de voir cette beauté, Que vous voulez contraindre à trop de violence. Vous en faictes bien plus en rompant le silence, Mais sans vous informer s’il m’importe ou non, Apprenez seulement que je le treuve bon ; Et n’embarassez pas vostre esprit de chimeres, Qui n’ont pas le secret d’avancer vos affaires. Il m’oblige, Madame, en vous parlant ainsi. Vous me ferez plaisir en vous taisant aussi. Car quoy que vous disiez afin de le destruire Je tiens pour ennemy quiconque luy veut nuire, Et tel que vous soyez ne croyez pas jamais, Me contraindre à changer, l’aimant comme je fais. Il croit ce qu’elle dit.         Elle entend mal la feinte, Et dévroit tesmoigner davantage de crainte, Il seroit deferé si chacun le quittoit. Ce coup d’œil la va rendre autre qu’elle n’estoit. Vous me faictes en vain signe de la prunelle ; Vous n’avez pas affaire à quelque ame infidelle. Qui change à tout moment, & brûle de tout feu.     Elle n’a pas compris quel estoit vostre jeu, Et croit le bien joüer par cette complaisance. Des souspçons qu’il avoit il veut prendre vengeance, Et sous ces mots couverts il veut m’embarasser, Mais en termes adroits il faut les repousser. Feignez, il n’est pas temps…         N’en parlez plus ensemble Oronthe, il n’en sera que ce que bon vous semble. Et sans vous amuser de discours superflus, Lors que vous le voudrez je ne la verray plus. Mais je ne puis comprendre à quel propos Climante, Estant le protecteur de ma flâme innocente, Pour la rendre suspecte a fait tout ce qu’il peut ! Les choses vont souvent plus loin que l’on ne veut ; Et quand je reconnois quelles sont vos pensées, Je voudrois rappeller mes actions passees. Apres tant d’amitié, cher Climante, je croy Que l’amour seulement vous fait rompre avec moy, Et qu’Olimpe estant belle & disposant d’Oronthe Vous vous persuadez d’y treuver vostre compte. Tout au moins il agist plus franchement que vous ! Oronthe, il parle ainsi par ce qu’il est jaloux, En se servant de vous dedans ce stratageme, Il croit m’espouventer.         Je veux bien qu’il vous aime Estant sage & discret.         Il y perdra ses pas. J’aurois juste sujet de ne vous aymer pas. Et vous devez rougir du feu qui vous consomme, Et d’escouter en fin les souspirs d’un jeune homme Dont l’indiscretion me fait son confident ; Ayant rendu par tout son amour évident : Je vous aime, il est vray, mais vostre ingratitude Combat ma passion d’un traittement si rude, Que vous me reduisez en l’estat où je suis De recourir en fin à tout ce que je puis, D’esventer les secrets qu’une aimable contrainte Retenoit dans mon cœur en sa plus vive atteinte Et qu’un profond respect m’eust forcé de celer Si vous ne m’eussiez pas obligé d’en parler. Qu’il feint bien !         Vous devez mourir icy de honte, D’enfler d’orgueil Ariste, en l’aimant plus qu’Oronthe, Et de voir qu’un amy ne m’est pas assez cher Pour laisser faire un mal que je puis empescher. Le lasche.         Vous joüez trop bien ce personnage, Gardez de la fascher.         Ce n’est qu’une volage. Elle ne comprend pas quel est notre dessein. Espargnez-les.         Il est trop avant dans son sein. A la fin je me treuve au bout de ma finesse. Puis qu’Oronthe le sçait, ce n’est qu’un tour d’adresse, Et puis qu’il est d’accord qu’il vous parle d’amour, C’est pour faire piece, & vous joüer d’un tour. Je vous suis obligé, mais demeurez.         L’ingrate ! C’en est assez.         Il faut que ma colere esclatte. Qu’il a bien pris son temps pour se plaindre de vous ! Mais nostre tour viendra pour nous mettre en courroux. Je ne puis l’arrester, il est trop en colere. Laissez le aller chercher les moyens de me plaire ! Il sçait que son absence en est le seul moyen, Et qu’autant qu’un jaloux je hay son entretien ; Quoy ! Climante est bouru quand je cheris Ariste ? Le reste de ses jours il peut donc estre triste, Et pendant que je veuille en dire les raisons S’asseurer d’une place aux petites maisons. Allez beau bilieux, amant trop colerique Moderer ce chagrin qui vous rendroit ethique, Soyez de belle humeur, reprenez l’embon poinct, Dormez, riez, chantez, & sur tout n’aimez point : L’amour eschauffe trop nostre sang dans les veines, Et puis à dire vray vous y perdrez vos peines, Vous avez des deffauts, Ariste a des appas, Je ne vous aime point, & je ne le hay pas : Du feu que j’ay pour luy loing de rougir de honte, Si je fais bien ou mal laissez agir Oronthe. Arrestés…         Je luy veux monstrer ce que je puis. Dans deux heures d’icy tu sçauras qui je suis. Adieu.         Je ne puis plus en fin, c’en est trop dire. Je feray vostre paix, ce n’estoit que pour rire. Ce jeu quoy qu’il ait dit ne m’estoit point caché. N’a t il pas tout de bon fort bien fait le fâché ? Fort bien, & vous voyez qu’Ariste en réve encore. Que faictes vous ?         Je songe à tout ce que j’abhorre. A quoy donc ?         A sortir promptement de ces lieux N’y pouvant plus souffrir d’y voir des envieux. Estoit-ce le sujet de vostre inquietude ? C’est à quoy je révois dedans ma solitude. Qui croiroit que je songe à m’esloigner d’icy ? Reposez-vous sur moy, n’ayez aucun soucy : C’estoit pour divertir une melancolique, Que cet amy feignoit de faire le critique ; De grace, appaisez le ce pendant que j’iray Courir aprés Climante, & le rameneray. Il croit adroittement vous avoir offensée. Mon apprehension n’est pas encore passée. Je crains tout d’un secret qui peut estre esventé. Je vous avois bien dit, il avoit escouté. Sans doute que le traistre y treuveroit son compte, Si de sa jalousie il informoit Oronthe, Ah ! que le temps est long.         Ah ! qu’il me dure aussy. Mais dans une heure au plus mes gens seront icy, Le rendez-vous est pris, l’heure mesme est donnée ; Les Archers dispersez, la Requeste signée, Et Leonce a laissé vos parens en chemin     Qui pour nous appuyer seront icy demain ; Et ne faut seulement que se saisir du traistre. Climante a du credit, & ce lasche peut-estre Presentant le malheur qui luy doit arriver Destournera le coup qui me doit conserver. Il ne faut qu’un moment pour destruire l’affaire. Il peut icy beaucoup.         Helas ! j’en desespere. S’il sçait nostre dessein, tout est perdu pour nous. Mais…         Oronthe revient, & paroist en courroux. Non, je n’en doute plus, leur flâme est toute claire, Cachez vous, & voyez l’effet de ma colere Feignez bien !         Qu’avez-vous ? vous semblez esperdu ! J’ay regret à l’honneur que je vous ay rendu. Et moy qui tiens de vous les respects pour injure, Je ne puis concevoir comment je vous endure. Si vous vous offencez de l’excez de ma foy, Vous n’aurez pas long-temps à vous plaindre de moy. Et pourveu que l’effet suive cette menace, Ce coup de desespoir me doit estre une grace. Pour un fâcheux objet qu’il faut abandonner La grace qui l’éloigne est facile à donner. Vous vous repentirez d’avoir esté trop sage. Je me suis repenty d’aimer une volage, Dont l’ame trop sensible aux feux d’un insensé. Monsieur …         Retirez-vous, vostre temps est passé. Si c’est le seul subjet de l’ennuy qui vous touche, Vous pourrez bien mourir le reproche à la bouche. Et si vous ne vivez avecque plus d’honneur, Je vous verray mourir sans gloire & sans bon heur. J’en auray tousjours trop pourveu qu’Ariste m’aime. Feignez jusqu’à la fin.         Ah ! ma crainte est extréme. Oüy, c’est trop abuser de ma facilité. Il ne faut donc jamais dire la verité ? Cherir un innocent !         En suis-je condamnable ? Et ne m’est-il permis que d’aimer un coupable ?     Pour railler avec moy prenez mieux vostre temps ! Et vous ne taschez point de rire à mes despens. Je ne ris point, Madame, & n’en ay point d’envie. Vous me voulez joüer, mais je vous en deffie. Croit-elle que je fais semblant d’estre en courroux ? Et que pour l’attrapper je feins d’estre jaloux. Mais…         Vous n’entendez rien à vous mettre en furie. Le despit où je suis passe la raillerie, Et mon ressentiment va jusqu’au dernier poinct. Ne vous contraignez plus vous ne m’y prendrez point. Bon…         Vous le prenez mal, & vostre esprit s’abuse. Que vous seriez ravy si j’en restois confuse, Et que me faisant craindre un desordre nouveau ; Vous me fissiez en fin donner dans le paneau. Il suffit, reprenez vostre humeur ordinaire. Ah ! c’est trop.         Tout de bon, estes vous en colere ? J’y suis avec raison !         Ce souspir est adroit ! Et tout autre que moy sans doute s’y prendroit. Tréve de raillerie à la fin je m’en lasse. Vous me bernez pourtant avec assez de grace. Sur de pareils discours Climante asseurément A pû prendre d’Olimpe un mauvais sentiment. Cet esprit trop leger se duppe par l’oreille. En fin n’y pensez plus, vous avez fait merveille. Si je vous ay monstré que je ne craignois rien, Ce n’est pas qu’en effet vous ne feignez fort bien, Et que vostre courroux n’ait beaucoup de finesse. Climante n’a pas veu que c’est un tour d’adresse, Et croyant me venger en troublant mon repos, Il s’est joüé luy-mesme assez mal à propos. Confessez moy la debte, & m’aimez davantage ! Il faudroit estre fol pour la croire volage ! Vous faschez vous encor ?         Climante n’est qu’un sot. Jaloux ?         Il eust mieux fait de ne m’en dire mot. Estre cruel alors que l’on vous prie. Certes il entend mal la belle raillerie. Vous avés veu Climante, & l’avés bien joüé. Feignons avec esprit… vous l’a-t-il avoüé. Il m’est venu treuver tout réveur & tout triste, Pour me donner advis que vous aimiés Ariste, Et qu’en le caressant il vous avoit surpris. Hé bien ! sçay-je en donner, mesme aux plus fins esprits ? Si je le voy tanstot, je luy donneray bonne. Au moins conseillés-luy de ne joüer personne. Voicy quelque nouvelle !         Ha Monsieur, escoutés !     Il s’espouvente !         Ah ! Dieux mes chevaux arrestez. Le temps vient.     Qu’avez vous ?         Mes pistolets, quel trouble ! Monsieur la foule croit, & le bruit se redouble ! Ariste sauvez la, je vay descendre en bas. Allez je vous responds qu’elle n’en mourra pas. Dans ces anxietez il faut que la prudence… C’est trop…         Faire le brave & se mettre en defence. Obeit-on ainsi dans les ordres du Roy ? Je vous fais prisonnier.     Qui ?     Vous Oronthe.         Moy ? Ouy, rendez vostre espée.         Ah ! je la veux defendre. Ariste sans bransler me la laissez vous prendre ? Comment peux-tu pretendre aucun secours de moy ? Ayant tant de sujet de me plaindre de toy. Dis lasche, n’es-tu pas ce ravisseur infame, Qui contraignit Olimpe à se dire ta fâme, Elle qui s’abaissa jusques à te flatter, Dans les extremitez que tu voulois tenter : Dedans la ville d’Aix ne l’as-tu pas ravie ? Mais vous m’avez promis de luy sauver la vie. Madame, vos parens seront icy demain ! S’il obtient un pardon ce sera de leur main. Pour luy nostre bonté seroit trop criminelle. Ah Dieux !         Mais vous pourquoy prendre ces soins pour elle ? Pour la tirer des bras qui luy faisoient horreur, Et la mettre en estat de braver ta fureur. Ah ! lasche si j’estois en estat.         Hé bien traistre. Que ferois-tu ?     Climante…         Apprens à me connoistre. Tu ne parleras pas tousjours si hardiment. Tu ne jouras plus au moins impunement, Si j’ay passé pour sot en fin j’ay l’avantage, De te voir aujourd’huy joüer mon personnage, Et le voir d’autant mieux que ton esprit rusé, Ne peut plus m’empescher d’estre desniaisé, Si j’ay voulu manquer d’esprit & de courage, J’en vay faire paroistre à ton des-avantage ; Va dedans les prisons querir ton chastiment, Toy va chercher du cœur dans ton ressentiment Pour soustraire à mes veux cette rare merveille, Ne le retenez point.         Ah ! douleur sans pareille. Quelle vicissitude !         A ne vous rien celer. Ah ! ne leur faictes point l’honneur de leur parler. Tu te repentiras de ce que tu hasardes. Madame, je leur vay faire donner des gardes. Messieurs, il me faut suivre, allons, sortons d’icy. Faut-il donc que d’Olimpe il soit le maistre ainsi. Jusqu’à demain matin par un respect extreme, Je ne la verray point encore que je l’ayme ; C’est devant ses parens que j’attens…         Qu’en dis-tu ? Cet esclaircissement se doit à sa vertu, Non à vous.         Il touchoit son an climaterique. Ah ! trop cruelle Olimpe.         Ah ! destin Tyrannique. Je respons de nos jours.     Ah !         Je vous le promets. Dieux !         Je pars sans espoir de la revoir jamais. Adieu, suivons mon maistre, & dans son sort funeste Imitons le destin de Pilade° & d’Oreste°. A la fin nos mal-heurs…         Sans le prendre si haut Donnez nous nostre faict, ayant ce qu’il vous faut. Lisette…     Je t’entens.     Ah ! Monsieur.         Pauvre Amante ! Va nous te le donnons & cent escus de rente. Et les frais de la nopce.     Oüy.         Ce mot n’est pas fat. En estes vous d’accord ?     Ainsi soit-il.         Vivat. FIN.