Holà, Danseurs, Chanteurs de Vaudevilles. Peuples à mes ordres soumis, Histrions forains mes amis, Venez, tous ; Accourez, troupe comique, Vite assemblez-vous. De votre lyrique Rendez tous les théâtres jaloux. Quoi, personne n’accourt à ma voix !N’entendez-vous pas votre, maîtresse qui vous appelle ? Songez-vous ; que c’est aujourd’hui le premier jour de mes spectacles d’été ? Holà donc, Mezzetin, Olivette, Docteur , Polichinelle. Répondez donc à mon attente,• Mes enfants, venez, il est temps, Déjà le Marchand se tourmente, Sa voix appelle les chalands ; Et l’obligeant Massy présente Du tabac aux honnêtes gens. Ha, ha, ha, ha, ha ! Quel sujet avez-vous de rire ? Ha, ha, ha, ha, ha ! Pourquoi donc ces ris immodérés ? La Comédie Française et la Comédie Italienne... Ha, ha, ha, ha, ha ! •Encore ? Hé bien, la Comédie Française et la Comédie Italienne ?... Ces cieux Dames sont dans le préau. Elles veulent honorer de leur présence l’ouverture de notre théâtre. Elles viennent voir si la Foire sera bonne. Elles ont vu beaucoup de monde Venir en foule dans nos jeux. Je ris de la douleur profonde Que fait paraître une des deux. C’est la Française apparemment ? Vous l’avez dit. Elle se livre à sa tristesse, Qui déconcerte son maintien : L’autre de la sienne es tmaîtresse. Oh ! C’est l’esprit Italien ! Mais les voici. Qu’on ait soin de les bien placer. Ce sont mes supérieures, que ces Dames-là. Je ne suis que leur très humble servante. Je ne puis leur marquer trop de respect. N’allons pas plus avant, demeurons ma mignonne. Je ne me soutiens plus, la force m’abandonne, Mes yeux sont étonnés du monde que je vois : Pourquoi faut-il, hélas ! Qu’il ne soit pas chez moi ! Oh ! Tâchez de vous soutenir toute seule... J’aI assez de peine à me soutenir moi-même. Aidez-moi donc, vous, Monsieur Charitides. Je suis votre valet. Quand vous vous portiez bien, vous ne me regardiez pas : à présent que vous êtes malade, vous implorez mon secours : Serviteur. Madame,je suis ravie d’avoir l’honneur de vous voir. Permettez-moi de vous embrasser. Je me trouve mal. Et moi, tout de même. Des fauteuils à ces Dames. Hé vite des fauteuils. Je crois qu’elles vont tomber en faiblesse. Je n’en puis plus. Je me meurs. Je crois que je serai obligée d’aller prendre l’air natal, ou de faite ici corps-neuf. Voulez-vous de l’eau de la Reine de Hongrie. Retire-toi, profane. Public, qui connaissez le prix de mes ouvrages Pouvez-vous accorder à ceux-ci vos suffrages. Ah ! Je vois la cause de votre défaillance ! Vous êtes fâchée de voir ici bonne compagnie, n’est-ce pas ? Voilà l’enclouûre. Hé, ventrebleu ! Madame, que ne faites-vous comme nous ? Mettez-vous en quatre pour plaire au public. Il a raison. Il semble que vous preniez plaisir à vous laisser-mourir de faim. Donnez des nouveautés. La bonne drogue, que des nouveautés ! Ne fais-je pas mieux ? Je donne tous les chef-d’oeuvres de mon Théâtre, Mes pièces les plus excellentes, Tartuffe et les Femmes savantes , Amphitryon, le Grondeur, Et presque tous les jours l’Avare. Bon, l’on sait ces pièces par coeur. Non, non , le public est bizarre. Effectivement, on ne sait comment ; faire pour le contenter. Il est saoul des vieilles pièces, les nouvelles le rassasient dès la première représentation. Il est vrai que vos nouveautés passent comme des ombres. Que Paris est aujourd’hui de mauvais goût ! Vous le trouvez raisonnable, Lorsqu’il va s’amuser chez vous ; Mais vient-il s’amuser chez nous, Son goût vous paraît détestable, Mais vient-il s’amuser chez nous, Son goût vous paraît détestable. Sans doute. Il entend, chez nous des choses dignes de son attention : mais vos fariboles, vos fariboles... Qu’appelez-vous des fariboles ? N’apprécions point les paroles ; Qui veut sainement en juger, Madame, trouve que les vôtres, Malgré l’idiome étranger, Ne valent pas mieux que les nôtres. Monsieur votre cousin , Madame. Mon cousin ! Oui, votre cousin. C’est un grand Monsieur de bonne mine, qui chante à tort et à travers tout ce qui lui vient dans l’esprit. Ah ! C’est l’opéra : c’est ce fou-là. L’Opéra ? Le traître ? C’est l’auteur de nos malheurs. À ce nom, je sens redoubler ma colère. C’est lui, maudite Foire, qui t’a retiré du néant où je t’avais fait rentrer. Le voici. Je sois tentée de le mettre en pièces. Mettre en pièces l’Opéra ! Oh ! Laisse ce soin-là à ses poètes et à ses musiciens. Dans ce temps, Filles de quinze ans., Vous n’en savez pas moins que vos Mamans Dès qu’on a quitté la lisière , On voudrait déjà...„ Tati, tati, tari , tata. Dans ce temps Filles de quinze ans, Vous n’en savez pas moins que vos mamans. Eh ! Bonjour, Mesdames. Vous ici ! Je croyais qu’il n’était permis qu’à moi de faufiler avec la Foire. Il faut que je t’étrangle, Malheureux. Que je te dévisage. Point d’emportement, Mesdames. Croyez-moi, vivons dans la concorde. Non, ce n’est que pour la colère Que nos coeurs malheureux font faits ; La concorde ne peut nous plaire, Nous y renonçons pour jamais. Non > ce n’est que pour la colère Que nos coeurs malheureux font faits. Vous avez beau faire, Monsieur l’Opéra, je perdrai mon ennemie. J’y mettrai bon ordre. Nous vous détruirons. Prrr. Oui, nous vous abîmerons. Il ne faut pas pour cela me mettre le poing sous le nez. Vos airs ne me conviennent point du tout. Je puis les avoir avec une petite créature comme vous. Petite Créature ! Vous n’êtes qu’une insolente. Juste Ciel ! Vous perdez le respect, ma mie. Le respect ! Je veux que cinq cents diables m’emportent, si je ne vous applique à toutes deux mon respect sur le visage. Ah ! C’est trop en souffrir !... Allons, c’est à nous deux à nous rendre justice. Que de cris de douleur la Foire retentisse. Courons chercher main-forte et d’un air furieux, Revenons saccager, tout briser dans ces lieux ; Nous n’épargnerons rien dans le désordre extrême Tout nous sera Forain, fût-ce l’Opéra même. Ha, ha, ha, ha, ha! Oui, rira bien qui rira le dernier. Vederète, vederète, Razza maledetta. Quoi, chez nous on nous menace ! Souffrirons nous cette audace ? Quoi, chez nous on nous menace ! N’est-ce pas nous outrager ? . Au Public tâchez de plaire ; Et méprisez leur colère, Au Public tâchez de plaire ; Pouvez-vous mieux vous venger ? Au Public tâchez de plaire, Au Public tâchons de plaire, Et méprisez leur colère. Et méprisons leur colère. Au Public tâchez de plaire, Au Public tâchons de plaire, Pouvez-vous mieux vous venger. Pouvons-nous mieux nous venger. Hoçà, Cousine. J’ai une prière à vous faire : Avancez-moi, de grâce, un quartier de ma pension. En vérité, mou Cousin, vous êtes bien intéressé. Vous ne manquez pas d’argent. Pardonnez-moi. Je dépense, et je dois beaucoup. Je vous l’enverrai demain. Cela suffit. Adieu, petite Mère. Dès qu’on a quitté la lisière, On voudrait déjà... Tati, tati, tati, tata. Allons, Mezzetin. Avertissez tous vos camarades : Il est temps de commencer. Préparez-vous pour la fête nouvelle... Au feu ! Au feu ! Aux armes, Camarades, L’Ennemi vient à nous ; Préparons-nous tous, Aux armes, Camarades ; N’allons point ici filer doux. Qu’y a-t-il donc ? Nos deux fières Ennemies, De tous leurs Acteurs suivies, Viennent comme des Furies, Mes chers amis, fondre ici. Animons notre courage ; Ne cédons point l’avantage À leur envieuse rage. Défendons-nous. Les voici. Détruisons tous les Forains Auteurs de notre indigence ; De nos propres mains Tuons cette engeance. Rasons jusqu’aux fondements Ce Jeu qui nous outrage. Oui ? dans nos ressentiments, Laissons-y des monuments De rage, de rage, de rage. Ah ! Qu’il est doux pour notre rage De pouvoir faire ici tapage ! Heureuse la fureur Qui remplit ces lieux-ci d’horreur. Quel bruit se fait entendre ? Nos ennemis auraient-ils repris courage ? Ils reviennent à la charge, qans doute. Oui, vous revoyez les Forains. Défendez-vous,Romains. Voici notre ami l’Opéra, Qui pour nous combattra. Laissons la poursuite De nos ennemis ; Il suffit qu’en fuite, Nous les ayons mis. Pour célébrer notre victoire. Venez ici, mes favoris. Ô Alegria ! Amis, chantons : Vive la Foire. Ô Alegria ! Vive la Foire et l’Opéra. Ô Alegria ! Vive la Foire et l’Opéra.