Ô Sort ! Ô Devins ennemis ! Dans quel état m’avez-vous mis : J’ai voulu téter du commerce ; J’ai gagné du bien dans la Perse ; Mais la chance hélas ! a tourné ! Enfin, me voilé ruiné. Je reviens a regret, Ami, vous instruire De ce qu’en secret On m’est venu dire Vos créanciers en ce jour Veulent vous jouer d’un tour. Ouf ! Vous les connaissez Trompez leur envie. Seigneur, c’est assez. Je vous remercie. Adieu. Soyez assez fin Pour éluder leur dessein. Marchands, qui dans pareil cas, Êtes bien sortis d’affaire Pour vous tirer d’embarras, Comment avez-vous pu faire ? Depuis trois jours que je suis dans Surate, J’ai su, Seigneur, par quelques Commerçants Qu’on doit dans peu mettre sur vous la patte, Et vous jeter dans les fers pour longtemps. Hoïmé ! Si vous craignez pareille destinée, Dites-le moi ; parlez confidemment. Je puis, Seigneur, et dés cette journée, Vous dérober à l’emprisonnement. Non, non, cela n’est pas possible. Sans doute on me fait observer ; Et vous ne sauriez me sauver, Sans me rendre invisible. J’ai fait une machine Qu’on peut nommer divine, C’est un coffre volant. Avec cet équipage, Sans péril on voyage. L’ouvrage est excellent. Mais n’est il point magique ? Non, non, de Mécanique C’est un ouvrage pur. Entrez dans ma brouette, Et faites une traite, Pour en être plus sûr. Je vais vous apprendre Comme il faut monter, Comme il faut descendre, Ou vous arrêter, De quel cété prendre, Et voler comme un perdu. À la charmante brouette ! Je l’accepte volontiers. Je pourrai par ma retraite Payer tous mes créanciers. C’est une des sept Merveilles. J’en veux fournir de pareilles À tous les Banqueroutiers. Il en a donc des milliers. J’en ai fait provision Pour Paris et pour Lyon. Un si précieux coffre Vaut mieux que tout mon bien. Cependant, je vous l’offre, Si vous vouliez, pour rien. Allons, gai, D’un air gai, etc. Voici les Archers qui viennent, Vite sauvons-nous... Un petit moment trop tard La justice est venue... Reste-t-il quelque espoir, Après cette traverse ? Triste Prince de Perse, Meurs ; que ton désespoir T’enseigne ton devoir. Ciel ! Que viens-je d’apprendre ! Ah ! Quel nouveau malheur ! Ai-je bien pu l’entendre, Sans mourir de douleur ! épris de ma Princesse Un Kam la vient, dit-on Ravir à ma tendresse. C’est un fripon. Que de cet hyménée, Mon amour malheureux, Prévienne la journée Par un coup généreux. Qu’ici ce fer finisse En ce moment mes jours. Reçois ce sacrifice Objet de mes amours. Que votre Seigneurie Modère ses transports. Quittez la sotte envie De voir les sombres bords. Je prends votre tendresse Sous ma protection ; Et de votre Maîtresse Bientôt je vous fais don. Vous qui d’un espoir si doux Flattez ma mourante vie, Eh ! Sur quoi le fondez-vous ? Parbleu sur mon industrie. Un Kam que j’ai pour rival, Veut m’enlever ma maîtresse : Aurez-vous assez d’adresse Pour parer ce coup fatal ? Oui morbleu. Cette promesse Dissipe un peu mon effroi. Si je vous dois ma Princesse, Ami, disposez de moi. Ça, je vais de ce pas même... Mais par quelle invention ?... Suivez moi. Le stratagème Naîtra de l’occasion. Cent fois soit maudit l’Astrologue Qui, quand vous reçûtes le jour, Nous prédit d’un air pédagogue Que l’Amour vous jouait d’un tour. Selon lui, c’est dans cette année Qu’un homme doit vous attraper : Du moins jusqu’à cette journée, Nul encor n’a pu vous tromper. Cependant, le Roi mon père Craint ce que l’on a prédit ; Et, pour mettre son esprit En repos sur cette affaire Il prétend lier mon sort Au fort d’un sexagénaire, Que je hais plus que la mort. Le Roi votre père a tort. Le Ciel, ô Princesse adorable Vous devait un dessin plus doux Et le Prince le plus aimable Est à peine digne de vous. Quoi, faudra-t-il, malgré ma répugnance, Avec le Kam vivre jusqu’au trépas ! Ô Mahomet, de cette violence Daigne sauver cet objet plein d’appas. Oh le vieux Kam, ma foi, ne l’aura pas. Vous voyez que c’est Mahomet, Qui pour vous s’intéresse. C’est peut-être quelque follet, Qui trompe ma tendresse. Non, c’est Mahomet tout de bon ; La fandondaine, La faridondon. Le Kam fera votre mari, Biribi, À la façon de Barbari, Mon ami. Accordez-nous votre assistance, Grand Prophète des Musulmans ; Donnez-nous en une assurance, Qui rende le calme a nos sens ; Et daignez de votre présence Nous honorer dans ces moments. Allons, allons, accourez tous. Mahomet va descendre. Vous, Mahomet ! Quelle jeunesse ! Suivant les temps suivant les lieux J’ai l’air jeune, ou je parais vieux. Bientôt vous verrez, ma Princesse, Le grand Prophète Musulman Plus barbu que le Roi Priam. Je romprai votre mariage ; Je rouerai le vieux Kam de coups. Je veux plus faire : je m’engage é vous donner un autre époux. C’est le fils d’un grand Souverain Que vous recevez de ma main. Voyez les traits de ce compère. Laire-la, laire lan laire Laire la, Laire lan-la. Voilé d’un Prince joli Le portrait en miniature. Tudieu ! C’est un dégourdi, Turelure. On le voit é la peinture, Robin, turelure lure. Elle le trouve aimable Sans dire mot. C’est, je me donne au Diable : Son vrai ballot. Je prévois, aux grâces qu’il a, Que cet enfant-lé Voudra bien cela. Ô gué, lon-lé, Lan laire, Ô gué, lon-la. Expliquez-vous, belle brunette, Que dit le coeur pour ce grivois ? Puis-je mieux faire, grand Prophète, Que d’applaudir à votre choix ? Vous voulez-donc bien mignonne... Peste ! Quel friand minois ! Le Prophète sent, friponne, Qu’il s’échauffe en son harnois. Malgré toutes les voluptés, Et toutes les félicités De votre séjour délectable, Je crois, (mais je puis m’abuser) Qu’en ce monde une femme aimable Pourrait fort bien vous amuser. Ce grand air de Déesse, Et ce charmant souris, Me font, je le confesse, Oublier mes Houris. Allons, gay, D’un air gay, etc. Ont-elles plus d’appas ? Elles sont moins gentilles ; Mais, diable, j’en fais cas ; Elles sont toujours filles. Et zon, zon, zon, Lisette, Lisette, Et zon, zon, zon, Lisette, la Lison. Puisque Mahomet ici bas Vient pour y faire un hyménée, Il ne me refusera pas De joindre aussi ma destinée À celle de quelque garçon J’en veux un de votre façon. Un brunet toujours prêt à rire Dés demain sera ton époux. J’entends du bruit. Je me retire. Ne vous éloignez pas de nous. Non. Mais au Roi vous pouvez dire Que je yeux disposer de vous. Ma fille, recevez l’hommage D’un coeur qui vous est destiné. Oh ! Le gracieux personnage Que vous nous avez amené ! Que je prends de plaisir é vous voir si gentille ! Je sens un grand désir D’entrer dans la famille. Et zon, zon, zon, Lisette, la Lisette, Et zon, zon, zon, Lisette, la Lison. Vous ne pouviez choisir, Seigneur, Un gendre plus aimable ; Il est fait pour toucher un coeur. Qu’il est désagréable ! Mais le Prophète Mahomet, é cet hymen contraire, Vient de nous déclarer tout net Qu’il prétend le défaire. Que dites-vous, ma mie ? Parlez. Moi, je vous prie, Un peu plus clairement. Ce discours m’inquiète : Vous avez au Prophète Parlé ?...         Dans ce moment. Du Prince de Perse, dit il, Je fais l’époux de la Princesse C’est un Prince galant, gentil, Digne en un mot de ma maîtresse. Tout cela ne sent rien de bon : Ce Mahomet est un fripon. Quoi, malgré ma garde nombreuse, Malgré tous mes soins cette nuit Un fourbe ici s’est introduit ! Crains pour toi, malheureuse. Oui, vous avez raison Beau-père, Mahomet est un scélérat. Ah n’attirez point sur l’état Sa terrible colère ! Vous osez d’un suborneur Appuyer l’indolence ! Cherchons ce larron d’honneur. Cherchons ; tirons en Seigneur, Vengeance, vengeance vengeance. Vengeance, vengeance vengeance. Vengeance, vengeance, vengeance. Exterminons aujourd’hui Ce coquin qui nous outrage ? Exerçons sur lui Toute notre rage. Au lieu d’offenser Mahomet, Faites ce qu’il désire ; Vous verrez un bonheur parfait Régner dans votre Empire. Hé bien, j’y consens : C’en en fait. Il faut donc me dédire. Prince, notre résistance N’est qu’une vaine défense Et vous voyez qu’elle offense Le Patron des Musulmans. Allez. Croyez-moi, mon frère, N’irritons point sa colère Il faut, pour le satisfaire Rompre nos engagements. Tout franc, votre fille était bien mon fait ; Et j’étais un drille... Mais votre valet : Puisque le Prophète En agit ainsi, Je vais, sans trompette, Déloger d’ici. Mahomet, que ton courroux cesse, On a suivre tes volontés : Tu vois que notre Roi s’empresse À reconnaître tes bontés. Ma sacrilège résistance N’excitera plus ta vengeance. Par Médine j’en fais serment, Ville où les musulmans fidèles, Avec un saint empressement, Vont voir tes dépouilles mortelles. Vous me voyez à vos genoux. Bon Roi relevez-vous. Moi, qui vous ai tant offensé... Laissons-la le passé. Voici l’époux de votre fille. Du Roi de Perse unique fils. Pour recruter votre famille Il a le mérite requis. Ne l’acceptez-vous pas pour gendre ? Je le reçois de tout mon coeur. De votre main on doit tout prendre. Oui, foi de Prophète d’honneur. Héritier d’un célèbre Empire, Pour moi quelle félicité !... Grand Roi, que ne pouvez-vous lire, Dans le coeur d’un Prince enchanté. Avec plaisir tu dois souscrire Ma fille, à ce charmant traité. Oh ! Sans peine à cette affaire Son coeur se résout ! J’y consens pour satisfaire Le grand Prophète et mon père. Et vous itou. Que cette nuit on chante, on danse. Mahomet, dédaignerez-vous D’honorer de votre présence L’hymen de ces jeunes époux ? Non, vraiment ; et je veux, Poulette Être sur terre ton mari. Que dites-vous, ô grand Prophète ! Tu me serviras de Houri. Le grand Mahomet aime é rire. Tarelire, talaleri, talalerire.