MESSEIGNEURS, Ne Vous estonnez pas de l’hommage que le Gentil-homme de Beauce va rendre à vos ALTESSES SERENISSIMES, ce campagnart est tellement fier du bon-heur qu’il eu de paroistre aux yeux de nostre Grand Monarque, qu’il ne peut s’imaginer qu’il soit tout-à-fait indigne de paroistre aux vostres, quelque soin que je prenne à l’en détourner, je me vois contraint de l’abandonner à son opiniâtreté ; & quelque reflexion que je face sur ses défauts, je ne puis me dispenser de donner quelque chose à mon zele : Je me suis en vain efforcé de mettre devant ses yeux tout ce qui le devoit intimider, de luy dire qu’il alloit s’exposer aux yeux de trois Princes si éclairez, si galans & si accomplis, que l’ouvrage le plus parfait meriteroit à peine l’honneur de leur estre offert, & que si l’indulgence qu’on a eüe pour luy à Paris, l’a fait trouver supportable ; le juste discernement que vos ALTESSES SERENISSIMES sçavent faire de toutes choses, luy devoit faire perdre l’envie de sortir de son pays. Ces considerations l’auroient peut-estre fait rentrer en luy-mesme, si les merveilles que la renommée publie icy de vous chaque jour, ne luy avoient donné autant de curiosité que d’étonnement : Il a sceu par sa voix que l’Allemagne a produit en vos A.S. trois Princes aussi Illustres par leur merite que considerables par leur Rang, aussi redoutables par leur Valeur, que Glorieux par leurs Victoires, aussi admirables par leur Prudence, que étonnans par la vivacité de leur Esprit, & aussi remarquables par leur Magnificence qu’extraordinaires par leur generosité. Il a sceu que la bonté vous est aussi naturelle que la justice, & n’a pû s’imaginer que la facilité que vous avez à connoistre les défauts, détruise en vos A.S. le penchant qu’elles ont à les excuser. Voilà le digne sujet de son empressement, voilà ce qui peut justifier sa hardiesse ; & j’ose dire sans la vouloir authoriser, que la curiosité n’est pas tout-à-fait blâmable quand elle est aussi bien fondée. En effet, MESSEIGNEURS, ce n’est qu’en vostre seule Cour où la nature prodigue de Heros, fait voir en trois Illustres Freres, trois Princes dont l’union & les Vertus éclatantes donne de l’admiration à tout le reste du Monde ; ce n’est qu’en vos A.S. que le Ciel a doüé trois Freres de tout ce qui peut rendre trois Princes également parfaits, & ce n’est qu’à chacun de vous seuls en particulier, à qui le Ciel a donné deux Princes & deux Heros pour Freres. Je sçais bien que je me pouvois empécher d’avoir part à la temerité du Provincial que je vous offre, que je luy pouvois refuser mon aveu, & que si son bon-heur le conduisoit en Allemagne, je le pouvois laisser aller en vagabond, en une Cour où ses défauts ne peuvent avoir que vos bontez pour azile : Mais si la raison me le conseilloit, ma reconnoissance n’a pu s’y resoudre, & les biens-faits que vous avez tous si genereusement répandus sur une partie de nostre famille, vous ont tellement acquis l’autre, que j’ayme mieux vous faire un present si peu digne de vous, que de ne pas publier par tout la passion respectueuse avec laquelle je suis, DE VOS ALTESSES SERENISSIMES, MESSEIGNEURS, Le tres-humble & tres obeissant serviteur. MONT-FLEURY. Par Grace & Privilege du Roy, donné à Paris le 7. jour de Septembre 1670. Signé par le Roy en son Conseil, le Rouge : Il est permis au Sieur Mont-Fleury de faire imprimer, vendre & debiter une Piece de Theatre intitulée, Le Gentil-homme de Beauce, fait par ledit sieur de Mont-Fleury ; Et ce durant le temps de cinq ans, à commencer du jour qu’il fera achevé d’imprimer pour la premiere fois : Et deffenses sont faites à tous Libraires & Imprimeurs, d’imprimer, faire imprimer, vendre & debiter ladite Piece, sans le consentement de l’exposant, ou de ceux qui auront droit de luy, à peine de cinq cens livres d’amende, confiscation des Exemplaires contrefaits, & de tous despens, dommages & interests, ainsi qu’il est porté plus au long par ledit Privilege. Et ledit sieur de Mont-Fleury a cedé son droit de Privilege à Anne David Femme de Jean Ribou, suivant l’accord fait entr’eux. Registré sur le Livre de la Communauté, suivant l’Arrest de la Cour de Parlement, le 18. Septembre 1670. Signé, L. SEVESTRE, Syndic. Les Exemplaires ont esté fournis. Achevé d’imprimer pour la premiere fois le 18. jour de Septembre 1670. Quoy vous espouseriez ce cousin ? ce magot Supplanteroit Leandre & vous ne diriez mot ? Ce pied-plat qui se plaint habits, souliers & chausse, En un mot ce bouru Gentil homme de Beauce, Parce qu’il a du bien croit ce cœur destiné, Au Seigneur campagnard d’un hameau ruiné ? Qu’à le suivre en Province une fille s’engage ? Ma foy c’est pour son nez ; qu’il aille en son village, Conter ses poulets-d’inde & qu’il nous laisse en paix. Ma mere dans son bien a trouvé tant d’attraits, Qu’elle veut de mon cœur forcer la repugnance, Et luy pour m’épouzer n’attend qu’une dispense, Estant logé chez-nous…         Il est vray qu’il est bon, Il est icy venu debarquer sans façon, Et depuis empaumant nostre mere eternelle, Il fait dans la maison le maistre bien plus qu’elle ; Car souvent pour un rien, il nous menace tous, Ou de mettre dehors ou de donner cent coups, Lors que je me remets son burlesque visage, Sa monture, son train, & tout son equipage, Et l’air dont ce mâtin vous vint sauter au cou, Je ne puis m’empescher d’en rire tout mon sou. Il s’est fait habiller.         Ouy, mais ce lunatique Avec son habit neuf sent sa medaille antique, Son tailleur avec luy pensa perdre l’Esprit Quand il le fit venir, & touchant cet habit, Ce bouru mesprisant ses avis & les nostres, N’a pas voulu qu’en rien il fust semblable aux autres, Il dit que ses ayeuls estoient ainsi vestus, Et qu’il veut imiter leur mode & leurs vertus, A propos dites-moy, Madame je vous prie. Quoy ?         Quand pretendez-vous tirer la lotterie ? Vous disiez…     Pas si tost.     Et pourquoy ?         Pour raison. J’ay de voir mes billets grande demangeaison, Je le crois, mais apprens pour te voir satisfaite, Pourquoy je la differe, & pourquoy je l’ay faite, Depuis que pour mes maux ce cousin est chez-nous, Je n’osois voir personne, & sous ce nom d’époux, Il m’obsedoit par tout, & pour voir compagnie, J’ay comme tu le vois fait une lotterie. Tâche à trouver Leandre, anime son espoir, Sous pretexte d’y mettre il peut me venir voir, Qu’il mette un jour pour luy, le landemain pour d’autres, Et les soins de l’amour seconderont les nostres. Il est vray qu’à l’aspect du cousin, vos amis, Ont en fort peu de temps deserté le logis, Car vous aviez toûjours fort bonne compagnie, Cela vous tient au cœur, mais depuis leur sortie, N’avez-vous rien appris du pauvre Chevalier ? D’Alchante ? de Damon ? car pour le Maltostier, Il est mort.         Je souffrois ces gens par bien-seance, Et de Leandre seul je regrette l’absence. Si vous la regrettez, j’y perd beaucoup aussi, Le Basque son valet n’ose venir ici, Je l’aimois, & je sçais qu’il m’ayme avec tendresse. Dis luy si tu le vois qu’avec un peu d’adresse… J’y suis interessée & diray ce qu’il faut. Hola, quelqu’un, lacquais faut il monter en haut ? Personne ne respond.         J’entens quelqu’un qui crie. Que vous plaist-il, Monsieur ?         Et dont la lotterie, Je porte icy d’argent.         Pour combien de billets. Pour douze, mais ou sont vos gens ou vos valets, Qui donne ces billets ? seroit-ce quelque fame ? Non, c’est le Precepteur du frere de Madame. Il s’appelle ?     Martin.     Habille ?         Pas tant sot. Je voudrois qu’il m’apprit à gagner un gros lot, Je m’en suis desja fait pour cinquante pistoles, Dieu me damne, & je dis ceci sans hiperboles, J’avois trente billets chez Madame du Bois, Chez Monsieur du Buisson, j’en avois vingt & trois J’en avois douze, chez Madame la Fontaine, Chez Monsieur de la Vigne encor autre douzaine : J’ay pris tous billets blancs ; il faut voir jusqu’au bout. Vous estes mal-heureux en lotterie.         En tout, Si pour m’indamniser j’estois heureux en belles, Je m’en consolerois.         Vous sont-elles cruelles ? Il ne tiendra qu’à vous de m’apprendre que non, Vous riez. Vous voyez que je suis sans façon, Tous nous autres Gascons sommes francs.         Je l’advouë. Loin de nous en blâmer, un chacun nous en louë, Vos lots seront-ils gros ?         Quel est cet évelier ? Vostre fons est-il grand ?         Le drôle est familier. Ouy, jusques à present le fonds en est passable, Beaucoup de gens ont mis, & la somme est notable : Mais comme à la tirer on n’est pas encor prest, Il peut avec le temps estre plus grand qu’il n’est, Pour la fidelité…         Je connois bien Madame, Je suis vostre voisin, & j’y mettrois mon ame, Si son cœur me pouvoit venir pour un gros lot. Ils jaseront toûjours si je ne leur dis mot. Voicy vostre cousin & vous aurez aubade. Ah ! Monsieur.         Et mort-bleu d’où vient donc l’embrassade ? La peste vous estouffe avec vostre jargon. Monsieur de Coutreville…         Il est vray c’est mon nom. Vous ne connoissez plus vos amis.         Et de grace. Laissez-moy prendre haleine, & vous revoir en face, Voulez-vous m’estouffer, enfin je vous connois ? Sans doute.     Et depuis quant ?         Depuis plus de dix mois. Vous estes Beauceron volontiers,         Je le pense, C’est un galand qui cherche à faire connoissance. J’estois, & vous m’allez connoistre asseurement, Capitaine, & Major, dans certain Regiment, Qui passa l’an dernier dedans vostre village. Ah ! ouy, les grands fripons !         On fit quelque ravage, J’en demeure d’accord, mais je fus des premiers… Vous estes donc Monsieur de ces avanturiers ? De ces ames de feu ? de poudre ? & de salpestre ? De ces gens avec qui chez soy l’on n’est point maistre ? Qui ne suivez en tout que vostre passion ? Et qui voulez par tout estre à discretion ? Dont l’esprit emporté, comme vostre regarde, Du noble campagnard la femme campagnarde ? Qui vous apprivoisant des la seconde fois, Mettez effrontement un honneur aux abois ? N’employez tous vos soins qu’à gaster un ménage, Et n’estes point content que le mary n’enrage ? Espargnez vos amis.         Apprenez que je suis, Ennemy capital de semblables amis ; Mais enfin dites-nous quel motif vous amenne ? Je viens pour des billets, & rencontrant Climenne, J’ay pris occasion…         C’est donc assez jaser, Qui vient pour des billets ne vient pas pour causer, Mort-bleu j’ayme le sexe, & ma joye est extrême, Quand je trouve…     Tout doux.     Sçachez…         Sçachez vous-mesme, Si vous ne le sçavez, que vous voyez en nous, Le cousin de Climenne, & son futur Epoux ; Que je me dois dans peu marier avec elle, Et me voir gouverneur de cette citadelle ; Que je veux pour briser toute autre liaison, Y mettre mon honneur bien-tost en garnison. Qu’estant noble, & Seigneur d’une assez belle terre, Mon logement doit estre exempt de gens de guerre, Et qu’enfin je pretens en cette qualité, Que je puis faire nargue à la majorité. Suffit je vous entens.         C’est ce que je demande, Cherchez fortune ailleurs.         La faute n’est pas grande, Je le veux, c’est assez m’en dire sur le point ; Mais ce Monsieur Martin, il est là haut non point ? Je le crois.         Prés de luy je m’en vais donc me rendre. Et par l’autre escalier qu’on le face descendre. Enfin vous voulez donc en tous lieux & toûjours, De vostre humeur galante entretenir le cours ? Voir toûjours près de vous quelque face chocquante, Pour moy futur Espoux de femme trop galante ? Et que je trouve icy toûjours malgré ce rang, Quelque nouveau transi qui m’échaufe le sang ? Quelque diseur de rien, de qui l’ame cocquette, Sçache à brûle pour-point tirer une fleurette ? Qui vous serre les mains, & qui pour mes pechez, Vous parle incessamment à quatre doits du nez ? Comme je suis chez-moy, je crois par bien-seance, Ne pouvoir me parer de quelque complaisance, Et principalement, lors que je vois des gens, De qui la mine, & l’air, exigent…         Je pretens, Qu’on peut payer ces gens malgré la bien-seance, D’un adieu bien succint & d’une reverence. Mais je voy ce que c’est la belle, vous aymez Ces Messieurs à fracas, ces galans parfumez ; Vostre mondain esprit, aime avoir de ces hostes, Dont les bras chamarrez vous chamarent les costes, Et l’on est bien venu lors que l’on est paré, D’un point Venitien ou manufacturé, Moy qui ne suis pas fait sur de pareils modelles… Mais enfin…         Mais enfin je sçay de vos nouvelles. La lotterie attire icy beaucoup de gens, Et la porte doit estre ouverte à tous venans, Et vous voyez s’il est aisé qu’on s’en défende. Il est vray que jamais rage ne fut plus grande, Ouy, je croy qu’en effet le monde devient fou, On se bat pour donner jusques au dernier sou ; Je vois des gens tres-cours d’argent, & de resource, Qui viennent en fureur prostituer leur bourse, Et s’empressent si fort, qu’ils semblent en effet, Apporter à serrer un larcin qu’ils ont fait. J’en sçais qui ne sçauroient outre toutes ces peines, Payer un numero sans jeûner trois semaines, Qui depuis le matin dînant d’un peu d’espoir, Leur argent à la main, attendant jusqu’au soir : Pour pouvoir emporter, sans se lasser d’attendre, Un morceau de papier griffonné, qu’ils vont prendre, Chez des gens plus fins qu’eux qu’ils croyent assez sots, Pour les gratifier bonnement des gros lots, A-t-on jamais parlé d’une telle folie ? Vous avez cependant imité leur manie : Et pris quatre billets chez Oronte.         D’accord, Mais celle-là n’a point aux autres de rapport ; Et je m’en sçais bon gré, bien-loin que je m’en blâme, L’interest ne sçauroit toucher cette grande ame ; C’est pour un cœur si noble un sentiment trop bas, Tout s’y fera dans l’ordre & je n’en doute pas. On peut ailleurs aussi…         Vostre erreur est extrême. C’est vostre sentiment, pour mettre ailleurs de même ; Le peuple a ses raisons.         Le peuple a ses raisons ? Et mort-bleu que fait-on des petites maisons. C’est un lieu trop petit pour tous les foux de France. Ah ! si sur le public j’avois quelque puissance, Qui m’en fit ménager le bien, ou l’interest, Le peuple deviendroit plus ménager qu’il n’est, Ou du moins…         Que feroit vostre humeur prevoyante, Moy ? je mettrois l’argent de tous ces fous en rente ; Et je ferois donner au pere, ou bien au fils, De vingt ans, en vingt ans, autant qu’ils auroient mis. Cela seroit fort beau.         Mais dites-moy de grace. Cet embarras est grand, n’en estes-vous point lasse ? A chaque instant du jour un lacquais effaré, Monte le nez cassé, son habit déchiré : Un autre sans chapeau, peigné de bonne sorte, Nous vient dire en pleurant qu’on a forcé sa porte, Les gens qui l’ont forcée entrent comme des fous, Et l’on diroit enfin à les voir courir tous, Et faire chaque jour pareille violence, Qu’ils auroient aux talons tous les Prevosts de France. Mais j’y suis engagée, il faut voir jusqu’au bout, Laisser passer la foule, & se resoudre à tout, Pourrois-je l’empescher enfin, quoy que je fisse ? Le Beau doute.     Et comment ?         Il faut avoir un Suisse, Mettre en teste à ces gens un hardaut sans pitié, Qui dessus leur argent soit le premier payé. C’est un autre embarras, il seroit necessaire… Madame, j’en sçais un qui sera vostre affaire. Où le prendre ?         Il demeure à vingt pas du logis, Il est nouvellement venu de son païs ; On n’entend presque rien de tout ce qu’il veut dire, Il est si plaisamment vestu qu’il en fait rire, Madame, il est mutin, parle fort son jargon, Et n’entend à le voir ny rime ny raison, Il frape comme un sourd, ne cherche qu’à se battre, Il est fort comme deux, & méchant comme quatre, Avec sa mine froide il a le sang fort chaud. Bon, voilà justement le Suisse qu’il nous faut. Je vous le feray voir.         Au plûtost, sa presence… A propos le Gascon n’est pas sorty je pense. Il cherche à s’introduire ou j’en ay mal jugé ; Je vais s’il ne l’est pas luy donner son congé. De quoy t’es tu meslée ? est-ce pour mon supplice, Que tu veux t’ingerer de nous donner un Suisse ? Je ne puis voir Leandre, & n’est ce pas assez ?… Je me sers, & vous sers plus que vous ne pensez, Comment ? s’il est ainsi, fais-le moy donc connoistre. Si j’en veux au valet vous en voulez au Maistre, N’est-il pas vray ?     D’accort.         Et le Basque est celuy, Que je pretens pour Suisse introduire aujourd’huy. As-tu perdu l’esprit ? le grossier artifice, Crois-tu qu’il puisse prendre un Basque pour un Suisse ? En le faisant parler…         Il contre fait si bien Le Suisse, que jamais on n’y connoistra rien, Vous jugerez bien-tost de ce que j’en puis dire, Ce folastre ceans m’en a cent fois fait rire, Personne ne l’a veu qui ne s’y soit trompé, Et je ne doute pas qu’il n’y soit attrapé. Je m’en suis avisée à propos, & Leandre, Sans cela prés de vous eust eu peine à se rendre, Si le Cousin eust pris sans nous en advertir, Un Suisse, il eust falu se resoudre à pâtir. Pour avoir le valet tasche à trouver le Maistre, Tu luy diras.         J’y cours, mais je le vois paroistre. Je trouve en mon mal-heur quelque chose de doux, Puis qu’il permet encor que j’approche de vous, Ce moyen de vous voir que le hazard m’envoye, Suspend mon desespoir & fait place à ma joye, Mais qu’elle est imparfaite, & qu’un cœur alarmé, Sent de maux quand il pert ce qu’il a tant aimé. L’époux qu’on vous destine a peu dequoy vous plaire, Madame, pourrez vous l’espouser & vous taire ? Et sans faire éclater luy donnant vostre foy, Quelque reste des feux que vous sentiez pour moy. On veut que je l’épouse, & cet ordre me tuë, Mais la dispense enfin n’est pas encor venuë ; L’amour jusqu’à ce temps pourra faire pour nous… Mais s’il faut qu’elle vienne il sera vostre époux. Ne vous alarmez point, quoy que sa flame éclate, Et souffrez jusques là qu’un peu d’espoir nous flate De quel espoir helas ! flater ma passion ? Que de discours, voicy dont il est question, Pour empescher qu’ici la foule ne se glisse, Le cousin Beauceron, veut que l’on prenne un Suisse, Vous sçavez que le Basque est un original, Qui le contre-fait bien.         Il ne le fait pas mal, Mesme de ce jargon s’est fait une habitude, Le drôle a de l’esprit, & mesme un peu d’estude, Il est plaisant, pourveu qu’il ne s’enyvre point, Tout iray bien.         J’auray soin de luy sur ce point ; Trouvez-luy quelque habit de Suisse, & pour l’instruire, Qu’il me vienne trouver je le dois introduire. Mais…         Ne demandez point ny comment, ny pourquoy, Despechez, & de tout reposez-vous sur moy. Je t’entens, & je voy combien il nous importe, De rendre mon valet le maistre de la porte ; Je vais y donner ordre, & cet espoir m’est doux : Mais puis-je me flater en m’éloignant de vous ? Allez, & soyez seur que malgré l’advantage Qu’on veut me faire voir dedans ce mariage, Si l’amour, et le sort, secondent mes desirs, De l’espoir d’estre à vous je fais tous mes plaisirs ; Et que rien ne sçauroit esbranler ma constance. Que cet espoir m’est doux & que cette asseurance, Malgré ce que je crains rend mes desirs contens. Le Gascon est dehors, voicy l’autre dedans, Ils parlent d’action, peste quelle novice ! Mon cœur vous en respond.         Ah nous aurons un Suisse, Le deussay-je payer à mes dépens, je veux… Que ne vous dois-je point de souffrir que mes feux… Puis qu’à remercier son ardeur est si prompte ; On peut s’imaginer que le drôle a son compte. Voicy vostre cousin.         Ne vous alarmez point. Secondez seulement ma feinte sur ce point. Tous nos billets sont blancs, vous le voyez Leandre ; Mais enfin ce mal-heur ne nous doit pas surprendre, Il faut que quelqu’un perde, & le sort, aux despens : De mille mal-heureux, fait si peu de contens ; Que loin de s’en fascher il faut que l’on en rie. Elle deviendra folle avec sa lotterie. Ils sont blancs comme nege.         Il m’eust esté bien-doux, De pouvoir partager un lot avecque vous, Vous deviez avec vous associer quelqu’autre, Je crains que mon mal-heur n’ait fait naistre le vostre, Jamais l’évenement ne respond à mes veux. Peut estre une autre fois nous serons plus heureux, Je le souhaite au moins.         Madame, je l’espere, Et prens congé de vous.         La peste quel compere. Et deux cousine, & deux, parlons de bonne foy, Il vous remercioit, peut-on sçavoir de quoy ? De rien.         Mais chacun sçait par son experience, Que qui ne reçoit rien ne donne point quittance. Nous avions dix billets ensemble chez Damis, Leandre s’y trouvant ce matin, les a pris, Il m’apportoit ma boëtte, & nous l’avons ouverte Et nous nous consolions tous deux de nostre perte ; Quoy que dans mes billets il n’eust que peu de part. Combien avoit-il mis ?         Il n’estoit que d’un quart. Le detour est adroit, ah ma chere cousine ! D’un fleau de mary vous avez bien la mine, Dites que ce galand avoit pour mon mal-heur ; Un quart dans vostre boëtte, & trois dans vostre cœur ; Et que ce dernier quart que je ne puis surprendre, Venoit capituler à dessein de se rendre. Car enfin, je l’ay veu, prest à s’extasier, S’applaudir en secret, & vous remercier. J’ay veu que vos regards avec sa bonne étoile, Poussoient vers le blondin vostre cœur à plein voile, Que ses yeux, ne pouvant se lasser de vous voir, Marquoient d’un air mourant leur joye & leur espoir ; Et que sa bouche enfin entre chaque parole, Du vent de ses soûpirs encensoit vostre idole. Je l’ay veu…         Quoy, toûjours quelque soupçon nouveau ? Ah ! cousine m’amie il faut changer de peau, Peut estre esperez-vous si le Ciel ne m’exauce, Sçachant que les forests sont rares dans la Beauce ; Pourvoir à nos besoins pour une bonne fois, Et me faire à Paris provision de bois ; Mais enfin…         Ce courroux est assez legitime, Si vous n’avez pour moy qu’une si foible estime. Qu’entens-je ?     Vous devez…         Rentrez, j’entens du bruit. Je pretens…         Et mort-bleu faites ce qu’on vous dit. Où cours-tu ? que fais-tu ? quel couroux te transporte, Monsieur, on vient là bas de forcer nostre porte, Avec leur lotterie ils ont le diable au corps. Maudit soit l’embarras.         J’ay fait tous mes efforts, Avecque le cocher & la presse est si grande… Avant que jusqu’à nous cette foule s’estende, Prens avec toy la brie & courez promptement, Prés de Climenne, elle est dans son appartement, Deffendez-en l’entrée, & que pas un n’en sorte, Et taschez d’empescher qu’on ne force sa porte. O Beatrix !     Monsieur.         Va chercher de ce pas, Le Suisse que tu dis.     J’y vais.         Quel embarras ! Le peuple, & les Galans, tour à tour font ma peine, Ah ! je ne pretens plus quitter d’un pas Climenne, Rentrons, le bruit augmente, & le peuple est mutin ; Afin de l’appaiser envoyons luy martin. Lestre dans sty lochis que sty Monser dimeure ? Qu’il dir que je viendre moy ly servir tout à stheure ! Tréve de gravité personne ne nous voit. As-tu bien regardé ?     Ouy, nous sommes seuls.         Soit Ma chere Beatrix !         Ah laissons la sornette, Suisse fait à la haste.         Ah ! charmante Soubrette, Si tu voulois ; pour toy je souffre nuit & jour, Tes yeux m’ont fait pour toy galerien d’amour, Je ne suis mesme icy Suisse que pour te plaire, Ah ! si je puis un jour ramer dans ta galere, Ne m’aimerois tu plus !         Ne sçais-tu pas que si. Puis que tu m’aimes donc, & que je t’aime aussi, Pourquoy tant de façons ?         Il n’est pas temps de rire,  Tu vois ce qu’il faut faire & sçais ce qu’il faut dire, Songe à jouër icy ton roolle comme il faut, Je vais au Beauceron te conduire là haut, Il vient, prepare toy.         Monsieur, voilà le Suisse. Monser chil viendre icy ly rendre moy serfice, Si vous ly prendre moy je ly servir fort bien, Si vous nestry content moy ly dimandi rien. On ne peut mieux parler ; tu n’as rien fait qui vaille. Ce Suisse est vostre fait.         D’un Suisse a-t-il la taille ? Quoy celuy-cy, Monsieur, n’est pas à vostre gré ? Il en faloit prendre un gras, grand, joufflu, carré, Barbu de deux bons pieds, & qui fut fait de sorte, Que de son ventre seul, il peut boucher la porte. C’est un méchant ménage, & pour un tel logis, Il en faudroit un gros, ou du moins deux petits. Ces gros Suisses, Monsieur, avec leur barbe salle ; Et leur ventre de son, sont des Suisses de balle. Estant plus maigre qu’eux il sera plus dispos, Et je l’aymerois mieux comme il est, que plus gros. Escoutez, & voyez.         Matame Piatille Mafre dit que Monser voudre aver un bon drille, Per garder sty maison che ly garder pien moy. En avez-vous gardé quelqu’autre-part ?         Mon foy, Lautry chour un Monser tonner un Cometie, Tans son champre, il tient la dy fort bon companie. Dy fort pon fiolon, ly sthom afre moy pris, Per faire moy garder ly maison dy lochis, Ly voudrois pien pescher, car il afre in bel fame, Qu’un grand petit Monser parlit point à Montame, Il vient, chil pousser luy, cocquin, dir luy, party Chy lestre point cocquin, moy toy lafre menty ; Ly donne un cou di pié dan mon cu par derriere, Et dir qu’il donner moy bien de cou ditrifiere, Titrifiere, à moy tiche, avec stuy gros martiau, Dil porte en ly fermant chil casser son musiau. Fort-bien.         Entendez-vous toute cette Harangue ? Le beau doute, j’entens toute sorte de langue. Je ris de son recit, le drôle n’est point sot. Et moy Monsieur, j’en ris sans entendre un seul mot. Entra-t-il ?         Lentry don si lentry par firnaitre ; La Matame safre ça, & ly veut que mon maistre, Chasser moy, mais party mon Maistre y jur son foy, Que chestre pon quarson & qu’il chasser point moy. Y pour mon riconpans my tonne un grand pistole. Que ce Suisse pour nous estoit en bonne escole ? Et qu’il me fait bien voir par sa naïfveté, Qu’il a servy des gens tous pleins d’honesteté, Beatrix a raison, il est sans artifice ; Et ce n’est pas la taille enfin qui fait le Suisse. Comment vous nommez-vous ?     Torften.         De quel Canton ? Dy berne il estre bon sty Canton.         Ouy fort bon. Faisons luy sa leçon,         allez dire à Climenne, Que de descendre en bas elle prenne la peine, Et qu’elle vienne voir nostre officier nouveau. J’y vais, nostre cousin donne dans le panneau. Suisse.     Plaist-il Monser.         Il faut servir de zele. Estre exact, assidu, civil, hardy, fidelle. Ouy, Monser.         Gardez-vous d’estre l’introducteur, De ces certains Messieurs, comme ce grand Monsieur, Qu’on vouloit empescher de parler à Madame. Ouy, Monser, lafre fou dans sty maison son fame, Non pas, mais vous sçaurez pour ne point perdre temps, Que je dois épouser la fille de ceans ; Et que lors que je vois le galant qui l’approche, La coquette toûjours a sa défaite en poche, Je pretens l’empescher & veux que sur ce point, Vous soyez…         Mais Monser tir fou ly craindre point, Si lestre son mary…sty Matame dy France, Ayme avec ly Monser le ptit rechouissance. Nous y donnerons ordre.         Un camarate à moy, Qui lafre pris un fam dan sty Paris, mon foy, Lestre riche, aure ly dans son pitit minache, Dy pon pip, dy pon vin, pon tabac pon formache Sty carogne dy fame y sty Monser Calan, Fisant sty suis cournar manchy tout son larchan. Si nostre jeune oyson prenant l’affirmative, Pour quelque protestant fait quelque tentative, Il faudra m’advertir.         Moy lentendre point vous. Si la belle d’icy dont je dois estre époux, Pour voir quelqu’un de ceux que son bel œil attire ; Vous parloit pour l’un deux, il faudra me redire, Tout ce qu’elle aura dit, en quel temps, & comment. Ouy Monser, j’il tir fou moy tout caillardement, Bouche close ; il suffit, je voy venir Climenne. Venez, que dites-vous du Suisse qu’on m’ameine ? Je le trouve fort bien s’il est à vostre gré. Voyez.         Comme il est fait ? ce Suisse est fort paré. Vous riez, c’est ainsi que l’on voit dans les ruës, Ceux qui de leur païs viennent pour des recreües, L’innocence paroist dans cet habillement ; C’est celuy qu’ils devroient conserver cherement : Et ne jamais souffrir qu’un maistre trop fantasque, Pour les mettre chez-luy les habillast en masque, Peut on se dispenser des modes d’un païs, Les habits qu’on leur voit sont-ce leurs vrais habis, Non, & j’appelle enfin ces ames mercenaires, Des Suisses renegats des modes de leurs peres. Je veux croire avec vous qu’il est bien mieux ainsi, Et puis qu’il vous agrée, il me plaist fort aussi, A vostre jugement il faut que je me rende : Mais servira-t-il bien ?         Party li pel dimande. Chil voudre moy garder si pien ly porte à vous, Que mon Maistre estre pien content.         Il est à nous. Quand il sera content je seray satisfaite. Par-bleu voilà pour nous la premiere fleurette, Elle est prise, & voit-bien qu’il faut changer de ton : Le Suisse opere, il faut commencer tout de bon. Suisse, allez de ce pas vous poster à la porte, Le peuple est fort mutin ; mais il faut faire en sorte, Que sans confusion il donne son argent. O Monser, j’y n’y fair moy point dy manquement. Cette acquisition est fort bonne, & ce Suisse Est comme je le veux, naif sans artifice, Et nous allons avoir un peu plus de repos : Mais pour ne point avoir la populace à dos, Par un retardement dont déja chacun crie, Il faudroit promptement fermer la lotterie, En finir au plûtost les frais, & l’embarras ; Car enfin ainsi qu’eux, franchement, je suis las De tous les sots discours qu’on est forcé d’entendre Quant la tirerez-vous ? ne sçauroit-on l’apprendre ? Je ne sçais ; mais enfin estant sans interest, On peut rendre l’argent si cela vous déplaist ; Mesme des à present on peut le faire dire. Qu’on ne se presse point, je veux bien qu’on la tire ; Cet espoir a pour moy quelque chose de dous, Car enfin à parler franchement entre-nous ; Cela ne se fait point sans que l’on en profite, Et vous devez avoir du moins un tiers de quitte, Sur ce pied qu’on la tire, autrement marché nul, Nous sçavons supputer, & suivant mon calcul : Ce qu’on y peut gagner, doit payer le carosse, Les chevaux, les habits, & les frais de la nosse. Quoy volant le public avoir le peuple à dos ? Quoy pretendre employer tout cet argent en los ? Comment donc ?         Dites-moy quelle ceremonie, Pensez-vous observer tirant la lotterie ? Je pretens pour ne point faire de mécontens, Méler tous les billets.         Quoy les noirs & les blancs ? Sans doute, & que ce soit un lacquais qui les tire, Au hazard, & sans choix.         Ma foy je vous admire. Puis faire cacheter d’un cachet peu commun, Les boëttes où seront les billets d’un chacun : Eviter si l’on peut le bruit & la cohuë, Et que fidelement quelqu’un les distribuë. Sans les décacheter.         Je le pretens ainsi. Et sans en supposer ?         Je le pretens aussi, Si je sçay que quelqu’un ait une telle envie. Fy vous ne sçavez pas faire une lotterie, Et ne meritez pas, dans un employ si doux, La bonne opinion que le peuple a de vous. Je ne vous entens point.         Voyez-vous bien ce livre ? C’est luy qui vous devroit avoir appris à vivre, Le voilà le Docteur qu’il faloit consulter, Au Palais tout exprés je le viens d’acheter, Et vais vous en citer quelque petit chapitre. Qui l’a fait ?     Un Abbé plein d’esprit.         Sous quel titre. Le titre en est divin.     Montrez- le moy.         Tous doux, Il l’intitule, avis aux Thresoriers des foux : C’est comme on nomme ceux qui font des lotteries. Ce sont d’un esprit creux quelques plaisanteries. C’est un fort habille homme, & je vous en responds, Ecoutez vous verrez s’il en raisonne à fonds. Tout homme qui voudra faire une lotterie, Sçaura pour premiere leçon, Que de son fonds du moins la troisiéme partie, Doit demeurer dans la maison . Voilà le premier point qu’il faut qu’on établisse, Le fondement la baze…         Est-il quelque justice, A piller le public ? & n’est-ce pas voler. C’est ce qu’il faut sçavoir ou ne s’en pas méler, Voilà le premier point dont il faut qu’on se serve ; Et voicy le second qu’il faut que l’on observe. Quand le fonds grossit une fois; Il faut dire que de trois mois, On ne tire la lotterie ; Et cependant on doit sçavoir, Que quoyque telle ou tel en crie : Il ne faut s’appliquer qu’à le faire valoir, Qu’il faut & sans crainte & sans trouble, Fermer l’oreille aux cris du peuple qui s’émeut, Et faire profiter jusques au dernier double, Au denier quatre si l’on peut : Voilà mort-bleu, voilà raffiner sur la chose. Quelques expediens que cet autheur propose, C’est un dépost sacré que l’argent du Public, En feroit-on trafic.         Si l’on en fait trafic. C’est ce que j’ignorois & ne suis point capable… Vous l’ignoriez ?     Sans doute.         Et mort-bleu dequoy diable, Vous ingerez-vous donc si vous ne le sçavez ? Dequoy vous sert l’esprit qu’on dit que vous avez ? Il faloit donc avant que la chose fust faite D’un livre tout pareil faire une bonne emplette, Aprendre chaque article & n’en obmettre aucun. Mais j’en ferois scrupule & quand j’en aurois un : Je ne puis…         Et cela ne fait peine à personne, Escoutez sur ce point comme l’auteur raisonne. Le scrupulle en ce cas ne doit point s’écouter ; Et chacun doit sçavoir touchant les lotteries, Que comme il est des fous pour faire des folies : Il n’est des gens sensez que pour en profiter. Je ne puis me servir de cette Politique. Quand on la veut tirer voicy ce qu’on pratique : Le tiers des billets noirs qu’on doit mettre à couvert, Doit estre donné de concert, Avec ses gens faut s’entendre ; Et leur en faire échoir exprés : Le profit…         Quel profit en pourroit-on attendre ? C’est où je vous attens vous l’allez voir après. Il faut que de concert un lot considerable, Et non pas un lot tel que tel , Se délivre au Maistre d’Hostel : Qui pour trois mois du moins défraye vostre table Il faut faire profit des moindres petits lots, Les distribuer à propos ; Et pour fermer la bouche à la plainte secrette, Qui vient de ce qu’on n’a payé depuis quatre ans, Ny portier, ny cocher, ny valet ny Soubrette, Payer en billets noirs les gages à ses gens. Ah ! voilà bien d’un fait tirer la quintessence, Autres à qui l’auteur pretend qu’on en dispense. A l’égard du Marchand, du seillier, du tailleur, Du boulanger, du rotisseur, Il faut en sauvant l’apparence, Avec tous en secret estre d’inteligence : Conter doucement avec eux, Lors que l’on doit bien-tost tirer les lotteries, Et mettant dans leur boette un bon billet, ou deux, Acquitter ainsi leurs parties . Aussi bien le Proverbe dit, Que qui s’acquitte s’enrichit. Que cet homme a d’esprit !         Il n’est pas necessaire, Pour moy qui ne dois rien.         Ah ! voicy vostre affaire. Quand à ceux qui n’ont point de debtes à payer, Ny de gens mécontens, ils pourront employer ; Pour des lots dans leurs lotteries, Des meubles, des tableaux, quelques tapisseries Des montres, des points, des bijoux ; Quelques flambeaux d’argent, un bassin, une aiguere ;   Et mettre pour beaucoup ce qui ne vaudra guere : C’est pour s’en bien défaire un moyen assez doux. On peut mettre de plus dedans cette occurrence , Jusqu’à son lit, sans conséquence ; Et quoy qu’il soit de cinq ou six cens francs au plus, Le faire effrontement valoir six cens écus. D’accort mais sur ce point la semaine derniere, Tels eurent un procés sur semblable matiere : On vouloit le surplus le tour est délicat. Il est vray sur ce point qu’un Flandrin d’Advocat, De figure fort longue, & de courte éloquence, Tira par ses cheveux Cujax à l’Audiance ; Et vouloit qu’à le rendre ils fussent condamnez : Mais qu’en arriva-t-il ? il n’eut qu’un pied de nez. Je craindrois du public le reproche ou la plainte ; Et ne pourrois…         Chacun en use ainsi sans crainte, L’artisan fait ses lots d’un plat de son métier, Le bourgeois y met tout ce qu’il peut employer ; Sa vaisselle qui n’est que d’argent d’Allemagne : Le riche mal-aisé, sa maison de campagne, Le cuisinier y met des souppes de santé ; Le patissier chez-luy met pour lot un paté : La couturiere y met des manteaux & des cottes ; Le cordonnier chez-luy pour gros lot, met des bottes : Le marchand affamé, se montrant aussi fin, Fait chez-luy le gros lot d’un garde magazin ; Et mesme l’autre jour chez un Apoticaire, Pour un des moindres lots on mettoit un clistaire. Mais le peuple s’en mocque & l’on devroit tâcher… Tant mieux c’est un plaisir qui luy coûte assez cher ; On peut à ses dépens luy permettre d’en rire. Mais…         Contre cet Autheur vous n’avez rien à dire, Quoy d’une lotterie on aura l’embarras ; Et celuy qui la fait n’en profiteroit pas ? Sans cesse quelque fou qu’il faut que l’on écoute, Vous viendra sottement proposer quelque doute ? A chaque instant du jour il faudra pour un fat, Sur le nombre des lots subir enterrogat ? Et prest à la tirer dedans ce jour de chrise ; On peut avec dépens condamner sa sottise ; Se vanger à profit de son sot entretien, Se payer par ses mains, & l’on n’en feroit rien ; Il faudroit du bon sens avoir perdu l’usage, Allez de cet Autheur parcourir chaque page ; Et tandis qu’à loisir vous lirez ces advis, Je vais auprés de vous écrire à mon païs. Va porter mon billet.         Pendant que ce fantasque, Ecrit, allons parler à nostre Suisse Basque ; Il vient de debuter plaisamment, à ce fou, L’a pris pour duppe, & m’a fait rire tout mon sou, Mais je le vois venir, de me voir il petille, Si quelqu’un…         Pon chour fou Matame Piatille, Laisse-là ton jargon nous sommes seuls.         Ma foy J’en suis ravy, tant mieux ; mais que dis-tu de moy ? Que je crois que l’on peut dire à ton avantage, Que tu fais mieux le fou que tu ne fais le sage. J’en demeure d’accort, mais…     Quoy mais…         Je voudrois, T’apprendre à faire un peu la folle.         Une autre fois. Ah ! si tu me voulois faire sans consequence, Sur nostre Hymen futur quelque petite avance. Tu me prens pour une autre.         Ah ! point du tout ma foy, Si je te prens jamais, je te prendray pour moy. J’entens quelqu’un.         Party si toy l’est pien timeure, Ty lafre biau cogner, chy loufre d’un cartheure Si chil prent mon libarte ô party…quoy ?         Tais-toy, Ce n’est rien.         Comment donc te mocques-tu de moy ? On peut dans cette sale aisement nous surprendre. Viens dedans mon taudis.         Non, mais je veux t’apprendre, Que je voudrois parler à ton Maistre aujourd’huy. Quelqu’un heurte à la porte & je croy que c’est luy, Ouvre luy.         Qu’ay-je fait de la clef de la porte ? La voicy.     Va donc viste il attend.         Et qu’importe. Preparons le billet que ma Maistresse écrit, A Leandre, Il verra que le tout est d’esprit ; Mais je le voys.         Et bien ne puis-je voir Climenne ? Si vous vous en flattez vostre esperance est veine, Et si vous m’en croyez, retournez sur vos pas, Pourquoy ?         Nostre bouru ne l’abandonne pas, Et depuis que tantost avec vous il l’a veuë, A l’obseder ainsi son ame est resoluë, Ce maudit Beauceron, pour la mieux tourmenter, A fait mille sermens de ne la plus quitter, Il dit qu’on fait icy des tours de passe passe, Qu’il veut estre témoin de tout ce qu’il se passe, Qu’il pretend y mettre ordre, & qu’il veut empescher Que pas un soûpirant ne la puisse approcher ; Il vient de s’enfermer dans sa chambre avec elle. Ah, que pour mon Amour la fortune est cruelle ! Quoy donc m’estant flatté du plaisir de la voir ; Il faut perdre à la fois sa veuë & mon espoir ; Voir qu’à de si beaux nœuds on face violence ? Ah ! Beatrix ce coup accable ma constance. Avecque ce billet prenez un peu d’espoir, Et jugez si Climenne a dessein de vous voir, Et si son cœur pour vous de tendresse est capable. Je n’en sçaurois douter, le tour est admirable : Que ne te dois-je point, je n’y manqueray pas, Beatrix, dis luy bien que je vais de ce pas ; En suivant cet advis éloigner le fantasque ; Mais il me faut icy quelqu’un.         Prenez le Basque. Et s’il s’en apperçoit, & demande pourquoy Il est dehors ?         Allez je prens cela pour moy, Je l’excuseray bien, c’est à quoy je m’engage. Il faut faire pour nous un autre personnage, Basque.         Et jouër encor un tour aussi subtil. Et bien me voilà prest, mais dequoy s’agit-il ? Je t’instruiray de tout, j’engage ma parole, Qu’auprés du Beauceron il jouëra bien son roole, Et qu’il luy va donner à courre comme il faut : Adieu je sors.         Et moy je remonte là haut. Eh Suisse, Beatrix, eh Champagne la Brie, La peste soit des lots & de la lotterie, Quelle confusion !         Monsieur, que voulez-vous ? De grace dites-moy, d’où viennent tous ces fous, Dont auprés de Martin, la chambre est toute pleine ? A donner leur argent ils ont assez de peine. Quoy nostre nouveau Suisse au lieu de s’aguerir, Les laisse entrer ?         Le Suisse est allé voir mourir, Sa femme, qui dit-on est preste à rendre l’ame. Elle prend bien son temps pour mourir cette femme, Que Diable n’attend-elle au moins encor un jour, Qui prend garde à la porte ?         Attendant son retour, Champagne…         Ce maraut laisse entrer tout le monde ; Il est constant Monsieur, il faut que je l’en gronde ; Et j’y vais de ce pas.         C’est fort bien fait à toy, Quel sabat, quel fracas ! ah je suis hors de moy ; Ce desordre est enfin tout ce que j’apprehende. Avec empressement un homme vous demande. Que veut-il ?     Je ne sçay.         Mais comment est-il fait ? C’est un homme qui porte un fort petit colet, Avec un habit noir, enfin c’est ce me semble, Quelque façon d’Abbé, du moins il leur ressemble. Qu’il entre, ce sera quelque Abbé de bibus, Ah ! que ce nom d’Abbé, fait à Paris d’abus. Mille Abbez du faux coin en dérobent le titre, Qui ne sçauroient tenir qu’au moulin leur chapitre, Et comme c’est un vol qui n’est point corrigé, On voit multiplier ces friquets du Clergé, C’est une qualité qu’un chacun s’administre, Monsieur l’Abbé dit-on, il n’est pas jusqu’au cuistre, Qui pour estre honoré n’en usurpe le nom, On en trouve par tout trente faux, pour un bon, Qui vont en beaux esprits debiter leur science, On a mis au billon les faux Nobles en France, Ah ! si l’on y mettoit pour faire tout égal, Tous ces usurpateurs du titre Abbatial ; Le sort des vrais Abbez égaleroit le nostre, Ah cet avis enfin vaudroit je croy bien l’autre, Il vient je m’en doutois & c’est un cuistre aussi ; Que me veut-il ?         Joüons bien nostre roole icy, Monsieur puis qu’un hazart me donne la licence, De vous pouvoir icy faire la reverence… Monsieur sans compliment vostre civilité… Je sçais ce que je dois à vostre qualité… Tréve de reverence il suffit d’une couple, Monsieur en quatre mots j’ay le jaret peu souple, Finissons     Je dois trop…         Vous l’avez déja dit, Si vous me les devez je vous en fais credit ; Que voulez vous de moy ? que le Ciel vous confonde, Si vous ne répondez.         S’il faut que je réponde, Je vous diray Monsieur que je suis Beauceron. Que m’importe ?         Et cousin de vostre vigneron. Et que me fait cela.         J’ay mesme l’avantage, D’estre l’un des neveux du Curé du village ; J’ay sceu depuis huit jours que vous estiez icy. D’accort.     J’en suis fort aise.         Et moy fort aise aussi. Que vous vous portez bien !         Qui vous dit le contraire ? Vous vous mariez donc ?         Cela se pourra faire. Et vostre épouse est jeune et belle.         L’on le croit. Je m’appelle la roche.         Et bien la roche soit. Pour goûter sous l’Hymen les plaisirs de la vie, Vous irez au pays ?         Ouy, s’il m’en prend envie. Vous demeurez ceans ?         Toûjours si je n’en sors. Vous manque-t-on souvent ?         Tant que je suis dehors. Pour vous rendre mes soins mon ardeur est si forte. Eh mort-bleu voulez-vous finir de quelque sorte. Beauceron trop poly, parce que vous sçavez Faire vingt pieds de veau, de deux que vous avez, Voulez-vous m’insulter ? & venir par bravades, Me payer le respect qu’on me doit en gambades. Mais Monsieur…         Mais voilà la porte, & me voicy, Choisissez de conclure, ou de sortir d’icy, Toutes vos questions lassent ma patience. Et bien je vais Monsieur conclure en diligence ; Et rendre mon discours plus clair dessus cela Qu’un syllogisme n’est, fust-il en barbara. O le facheux pedant ! depeschez je vous prie, Chez Oronte on tira des hier la lotterie ; J’estois prés d’une table où l’on distribuoit La boëtte & les billets, de qui les demandoit, Chacun voulant les siens, plusieurs s’en approcherent Et la firent pencher ; quelques boëttes tomberent, J’en pris une, & voulus voir sa suscription : In capite libri ; J’apperceus vostre nom, Je la serray, de peur qu’elle ne fut perduë ; Et des hier sans la nuit je vous l’aurois renduë : Trop content de pouvoir quand je le croy le moins, Vous rendre ce service, & vous prouver mes soins. Que ne vous dois-je point ? dedans cette mélée, Sans vous ma boëtte estoit ou perduë ou volée : Que je vous sçais bon gré de n’estre point larron ? Ah ! je vous reconnois icy pour Beauceron ; Et je vous califie à ces marques insignes, Cousin du directeur general de mes vignes : Mais puis qu’enfin pour moy, vous avez pris ce soin, De ce qu’il en sera vous serez le témoin. Monsieur il me suffit…         Ah ! Monsieur de la roche, Demeurez.     J’obeys.         J’ay des cizeaux en poche, Voyons dans ce premier.         S’il pouvoit estre noir. Ah ! par-bleu, je commen…     Et bien.         A ne rien voir, Deux & trois tous pareils alors qu’on se propose, De gagner…Ah ! ma foy.     Quoy ?         Je voy quelque chose, C’est du noir ; Ouy c’en est : numero vingt-&-six. Si c’estoit le gros lot ?         Voyons, trois cent Louys. Mort-bleu trois cent Louys, n’ay-je point la berluë, Lisons trois cent Louys non j’ay fort bonne veuë, Ah ! Monsieur de la roche, honneur des Beaucerons, Vigneron plus heureux que tous les vignerons, D’avoir pour son cousin un homme si fidelle, Si remply d’équité, de bonne foy, de zelle. Civil, officieux, & des-interessé, Ah ! pourquoy des tantost ne vous ay-je embrassé ? Mais je pretens enfin reparer cette faute. Ah ! vous m’enfoncerez, Monsieur plus d’une coste. Et vous témoin muet de tant de probité, Digne certificat de son integrité. Si vous me soupçonniez cecy vous desabuse. Ah ! Monsieur mille fois je vous demande excuse ; Oublions le passé, je vous tiens à present, Pour un homme d’honneur & sur tout bien-faisant. Comme je n’aspirois qu’à vous rendre service, J’excuse le transport qui m’a fait injustice ; Et vous honore trop pour en dire un seul mot, Si vous voulez tantost vous aurez vostre lot : On les doit délivrer, & mesme l’heure approche ; Je prens congé de vous.         Ah ! Monsieur de la Roche. Je suis reconnoissant, & vous me faites tort, De me quitter ainsi, le present n’est pas fort ; Mais daignez accepter ces vingt Louys.         De grace, Croyez…         Dans vostre cœur je sçay ce qui se passe. L’interest…         Je le sçais mais enfin je pretens. C’est pour vous obliger, Monsieur que je les prens. Adieu venez me voir quelquesfois.         Je l’espere, Il en tient.     Serviteur.         Non je ne puis m’en taire ; Je ne sçaurois assez admirer mon bon-heur, Ce que c’est que d’avoir affaire aux gens d’honneur : Un amy fait tirer chez-luy sa lotterie, Pour avoir ses billets le peuple presse & crie, Ma boëtte tombe à bas, un inconnu present, Sans sçavoir à qui c’est la ramasse, la prent ; Voit mon nom, le connoist, la rapporte luy-mesme : J’ouvre trois billets blancs, & vois au quatriéme ; Numero vingt-&-six, c’est estre bien-heureux, Je m’en vais recevoir cet argent ; mais je veux En sortant que le Suisse en ait seul connoissance, Qu’on me croye ceans, de peur qu’en mon absence : Si quelqu’un la sçavoit on ne trouvast moyen, D’introduire quelqu’un sans que j’en sceusse rien : Allons voir si le Suisse est de retour ; son zelle… Mais Climenne paroist que Diable cherche-t-elle. Est-ce pour un galand que l’amour en argus, Vous poste en sentinelle ou vous met à l’affus ? Venez-vous voir quittant vostre chambre si viste, Si vous ne pourrez-point trouver un liévre au giste Ou si quelque portrait d’un métail peu commun, Sur le ventre du Suisse a fait passer quelqu’un, Qui puisse avecque vous lier un teste-à-teste ? Ouy, car je doute enfin vous connoissant peu beste : Voyant vos yeux si guais, si brillans & si beaux, Que vous vouliez tirer vostre poudre aux moineaux. Ce mouchoir bas & fait d’une dantelle claire, Ce sein plus découvert qu’il n’est à l’ordinaire, Ce bras qu’un gant trop court laisse voir à demy, Ce pied sur les talons trop hauts mal affermy. Ces petits moucherons mis en diverse place, Dont vous sçavez si-bien parqueter vostre face : Ces brocarts bigarez, & leur diversité, Ce tourne-broche d’or qui vous pend au costé ; Ce fatras de rubans chargez de nompareilles, Ces contre-poids brillans pendus à vos oreilles, Cette coëffure en l’air, ce tas de cheveux blons, Dont les coins empoulez sont lardez de poinçons, Et vos façons de plus en tout si peu communes, Font voir que tout cela n’est pas mis pour des prunes. Ne voulez-vous songer qu’à me persecuter ? Et n’estre ingenieux que pour me tourmenter ? La plus rare beauté veut que l’art la seconde, Il faut estre à la mode, ou renoncer au monde, Outre que je ne voy dans mon ajustement, Rien que de fort modeste, à parler franchement, Tout vous choque, & sur tout vous voulez me contraindre. Il est vray j’ay grand tort cousine de me plaindre. Je devois sans troubler tantost vostre entretien Avec ces deux Messieurs, passer sans dire rien Je devois avec eux pour flater vostre attente Laisser agoniser vostre pudeur mourante, Et voir d’un œil tranquille, & plus commode enfin Un reste de vertu qui tiroit à la fin, Je croy que sur ce pied j’aurois l’heur de vous plaire, Mais on en diroit trop si je pouvois m’en taire, Je suis sur ce sujet difficile à ferrer, Et ne fais pas façon de vous le declarer. Des discours si picquans ont un peu trop de suite ; Mais surquoy pouvez-vous censurer ma conduite ? Ay-je dans mes habits rien qu’on puisse blamer ? Non.         Rien dans mes discours qui vous doive alarmer ? Non.         Rien dans l’entretien contre la bien-seance ? Non.         Surquoy fondez-vous donc tant de défiance ? Voyez vous les habits, les discours, l’entretien ; Cela c’est quelque chose, & si cela n’est rien ; C’est vostre cœur qui donne entrée à la fleurette ; C’est entre cuir & chair que vous estes coquette ; Et je voudrois enfin pour voir mes feux contens, Avec moins du dehors avoir plus du dedans. Je vous entens toûjours plaindre de quelque chose. Je trouve auprés de vous toûjours quelqu’un qui cause. Puis-je estre auprés des gens & ne leur dire mot ? Et puis-je l’endurer sans passer pour un sot ? La civilité veut…         Afin que sans surprise, L’amour de nostre Hymen face un Hymen de mise, Qui n’ait pour compagnon jamais le repentir, De mes infirmitez je veux vous advertir : Et vous pourrez conter là-dessus ; je vous ayme, Trop & trop peu, deux mots expliquent cet emblême, Trop pour ne pas vouloir devenir vostre époux, Trop peu pour ne vouloir que la moitié de vous ; Et souffrir, me donnant lors que je vous achette, Qu’une moitié se donne, & que l’autre se prette : Cette premiere regle est sans exception, Je tiens un peu beaucoup à mon opinion ; Je ne me contrains guerre, & mesme je m’en picque. Je suis souvent chagrin, & quelquefois critique : Je suis vieux, ombrageux, d’assez méchante humeur ; Si je ne suis pas beau, je ne fais point de peur : Mais naturellement j’ay de la deffiance, Beaucoup de jalousie, & peu de complaisance ; Enfin mon plus beau trait c’est quinze mille francs, Que je mange ou je bois, s’il me plaist tous les ans. Cependant je pretens si l’Hymen en decide, Estre de vostre cœur seul pilote & seul guide : Que dans vostre entretien autre que moy n’ait part, Rendre vostre air cocquet un peu plus campagnart ; Et qu’en faveur des soins que j’ay pris à vous plaire, Vostre amour vagabond devienne cedentaire. Je veux vous tenir lieu de galand, de mary ; D’Adonis, de Phœbus, de cher, de favory ; Que ce cœur soit à nous, & jamais ne permette ; Que quelqu’autre Apollon conduise ma brouëtte. En peu de mots voilà matiere à decider, Vous verrez si cela vous peut accommoder, Et me direz tantost quelle est vostre pensée. Sans attendre…         Et cela n’est pas chose pressée ; Je n’ay pas le loisir.     Mais…         Mais c’en est assez, Vous me direz tantost ce que vous en pensez. M’en voila délivré, courons en diligence, Recevoir cet argent, mais cachons nostre absence, Je vais donner mon ordre, au Suisse sur ce point. Le voicy.         Chyl tir toy party qui lentry point, Toy ly veut voir Montam chi lestre point un peste. Qu’est-ce Canton de Berne.         Il my rompre mon teste, Un Gascon pour lentrer jil jeter son chapiau, D’un cou de mon libarte au mitan di russiau. Vous avez fort bien-fait…mais Suisse vostre fame, A ce que l’on m’a dit est preste à rendre l’ame. O point chi ly reviendre, un Monser Medeçain  Tir moy qu’il estre rien, qu’il moury que timain. Le repy n’est pas grand, son sens froit me fait rire, Ce n’est rien, un Monsieur Medecin vient de dire, Que ce n’est que demain que sa femme moura, Ah vous n’en estes pas plus emeu que cela ? O ly connestre pien Medicain.         Une affaire M’oblige de sortir, il sera necessaire, Si quelqu’un me demande, après m’avoir cherché, De dire que je suis dans ma chambre empesché, Mesme à ceux du logis, à moins que de me suivre. Chil tir quil tormi vou pien fort & quil estre yvre. J’aymerois mieux encor que l’on me creust dehors, Qu’yvre dans le logis, je crains bien si je sors, Que ce Suisse ingenu ne gaste le mystere, Je suis un peu pressé voicy ce qu’il faut faire, Je veux quoy que dehors, qu’on me croye ceans, Comme la lotterie attire bien des gens, Pour donner leur argent, il faut à tous leur dire, Que l’on n’en reçoit plus, que demain on la tire, Et pour les empescher de vous persecuter, Il faut ne point respondre & les laisser heurter. Ouy, Monser.         Et sur tout ne point ouvrir la porte, Jusques à mon retour à personne, il m’importe, Qu’on soit exact.         Sur fou party quil lentrera, Rien point d’aut que mon Maistre ou pien moy…         Bon cela, C’est assez & je sors aprés cette asseurance. Il en tient.         Mais sur tout cachez bien mon absence. A tous ceux du logis.         O fou me lafre dit. Qu’il est duppe.     Si…     Quoy Monser.         J’entens du bruit. Cela suffit je sors.         Chil louvre fou sty porte. Enfin il est dehors, que Belzebut l’emporte, Sans oublier quiconque en aura du soucy, Je suis depuis une heure en sentinelle icy, Pour voir s’il sortiroit, combien il a de peine, À sortir, mais allons avertir Climenne, Ne vois-je pas Leandre ?         Estiez- vous à l’affus ? Pour estre icy si-tost.         Depuis une heure & plus, J’attendois sur le pas d’une porte voisine, Qu’il sortit.         L’on n’a point éventé nostre mine. Mais quand reviendra-t-il, dis moy te l’a-t-il dit ? Quoy qu’il face, il ne peut revenir qu’à la nuit, Oronte loge loin d’icy, quoy qu’il se presse… Tant mieux, je vais donc voir ta charmante Maistresse. Venez.         Mais souviens toy qu’il faut bien achever. Vivez en repos.     Toy…         Je viens te retrouver. D’accort, & nous pourrons nous sentant de la Feste, Regler nostre entretien dessus leur teste à teste. À la fin j’ay trouvé moyen d’entrer ceans, La porte est à present ouverte à tous venans : Grace au Suisse qui dort & qui sans doute est yvre, C’est un fâcheux maraut dont le Ciel me delivre ; S’il n’estoit endormy j’aurois pû me venger, Ce cocquin m’a cent fois pensé faire enrager, Et des que je venois me montrer à la porte ; Me la fermoit au nez tres-rudement, n’importe ; Je la luy garde bonne, & devant qu’il soit peu, Nous conterons ensemble & nous verrons beau jeu ; Je sçay qu’il ne l’a fait que pour me faire niche : Mais de coups de baston le Ciel m’a fait peu chiche. Où se sont donc fourrez tous les gens du logis, Mais n’apperçois-je pas Monsieur Martin ?         Quid vis. Que vous parliez François dites franc je vous prie, Quand pretend-t-on ceans tirer la lotterie ? Cette affaire demande une uniformité, De candeur, de loisir & de sagacité. Un Auteur tres-sensé dit que l’exactitude, Se trouve rarement avec la promptitude. Le peuple cependant abordant à milliers, Et la foule causant des debats journaliers, Du contraste, du bruit, d’autres choses fâcheuses, Des altercations mesme contentieuses, Je suscrits aujourd’huy les boëttes de ma main, Et l’on pretend tirer les billets des demain. Dieu me damne j’en suis au comble de la joye, Pour me mettre en repos je n’ay que cette voye, Comment à chaque jour je creve dans ma peau, J’ay toûjours aux talons quelque fâcheux nouveau, Après moy sans quartier sans cesse quelqu’un crie, Et si l’on ne tiroit bien-tost la lotterie… Eh ! qu’importe à ces gens qu’on face cet effort ? Comment diable qu’importe, il importe tres-fort, Les gens que je vous dis qui m’obsedent sans cesse, Sont six creanciers miens ; comme chacun d’eux presse, Je me suis à la fin resolu d’assigner, Leurs debtes sur les lots que je m’en vais gagner, Brûlant d’estre payez jugez s’il leur importe. Quoy vous croyez payer vos debtes de la sorte ? Et vos creanciers foux au supresme degré, Prennent pour hypotecque un lot mal assuré ? C’est vouloir les berner, depuis quand l’esperance, Pour payer des debets a-t-elle cours en France ? Si vous avez dessein de payer ces Messieurs, Croyez-moy cherchez leur un autre fons ailleurs. Vous m’embarassez fort, à vostre lotterie, Feroit-on dites-moy quelque friponnerie ? Vous avez tort, Monsieur, d’avoir un tel soupçon. Veut-on favoriser quelqu’un des gros lots ?         Non. Comment donc tous ces lots que ceans on doit faire, N’est-ce pas de l’argent content ?         La chose est claire, Mais il faut pour avoir les gros lots de ceans, Les gagner.         Cadedy c’est comme je l’entens, Je pretens du gros lot acquitter quatre debtes, Et le gagner s’entend ; quelle mine vous faites. Je voy gagnant des lots que tout ira fort bien, Mais qui les payera si vous ne gagnez rien ? Cela ne se peut pas, que diable allez vous dire ? Je croy que vous n’aurez pas grand sujet d’en rire. Comment vous le croyez ?         Ouy je vous en repons. Je ne gagneray rien ? & bien nous le verrons : Je vous ay franchement dit toute mon affaire, Il me faut quatre lots tout au moins pour la faire, Si je ne gagne rien je pretens…Vous verrez. Ne m’en prendre qu’à vous & vous m’en respondrez. À moy Monsieur à moy cet homme n’est pas sage, A-t-on jamais tenu de semblable langage ; S’il n’a pas quatre lots il s’en va prendre à moy, Il a perdu l’esprit, mais quelqu’un vient je croy : De peur que ce n’estoit quelque fou comme l’autre ; Sortons de cette chambre & montons dans la nostre. Ouy je suis pris pour duppe & voy la fausseté La boëtte est supposée & le cuistre aposté ; C’est un tour qu’on m’a fait j’ay receu chez Oronte ; Ma veritable boëtte & j’en ay pour mon conte ; Et douze billets blancs me coûtent vingt Louys, J’en creve de despit ; numero vingt & six Est un enfant batart de cette lotterie, Que l’on y desavoüe & que chacun descrie, Pouvois-je humainement me parer de tels coups, Ah ! que Paris abonde en fripons, en filous ; En batteurs de pavé de qui la metairie, Le revenu, le fonds consiste en industrie, Et qui n’ont ny rubans ny plumes ny colet, Qu’au despens du tribut qu’ils doivent au gibet, Ce Monsieur de la Roche est un filou ; sans doute, Mais outre le chagrin de l’argent qui m’en couste, De peur d’estre berné je n’ose m’en vanter ; Ah ce qui doit encor icy m’inquieter, Plus que le déplaisir d’une semblable perte, C’est d’avoir en entrant trouvé la porte ouverte : Le Suisse de son long sur son lit endormy, Peut-estre que quelqu’un l’a fermée à demy, En sortant du logis, ou c’est quelque mistere, Il est nuit & je veux me cacher & me taire. Si l’on me croit dehors j’en puis estre éclaircy, Et voir sans estre veu ce qui se passe icy : Quelqu’un vient écoutons.         Il est nuit l’heure presse, Et je croy qu’il est temps d’avertir ma maistresse ; Et nostre Beauceron pourroit bien revenir, Climenne avec Leandre a pû s’entretenir, Depuis qu’il est dehors ils n’ont bougé d’ensemble. Quoy Leandre est ceans ?         Quand un hazart assemble, Deux Amans que l’amour unit en mesme temps, Il se passe ma foy des momens bien plaisans : On cajole on badine, on ne songe qu’à plaire, L’œil devient plus brillant qu’il n’est à l’ordinaire : Un certain rouge au teint donne un nouvel esclat, On a de l’enjouëment le sang boust le cœur bat. On s’entretient un temps puis on fait quelques pauses ; On se fait, on se dit mille sortes de choses : De mille plaisans mots on larde l’entretien ; Et sans le teste à teste enfin l’amour n’est rien. La peste qu’elle en sçait.         Je juge par moy-mesme, Du plaisir que l’on a d’estre avec ce qu’on aime ; Le Basque & moy voyïons tantost nos feux contens, Nous avons assez bien employé nostre temps. Enfin à sa maniere il me contoit sa peine, Il estoit mon Leandre & j’estois sa Climenne ; L’amour dans ce logis estoit pris au collet, Et je disois pour lors tel Maistre tel valet ; C’est un plaisant garçon & pas un n’en approche, Qu’il a plaisemment fait le Monsieur de la roche. Et pour faire sortir d’icy le Beauceron, Qu’il a bien contrefait son visage & son ton : Les vingt Louïs en sont une assez bonne marque. Ah ! masque c’est donc vous qui conduisez la barque. D’abort qu’il a trouvé numero vingt-&-six Il a crû bonnement que les trois cent Loüis, L’attendoient tous contez, il est sorty sur l’heure, Comme nous l’esperions, il est bon ou je meure ; On luy garde des lots par ma foy ce magot, Meriteroit d’avoir des cornes pour son lot. Advis au Lecteur.         Mais il doit sçavoir je pense, Que l’on l’a pris pour duppe & j’en ris par avance, Ce n’est qu’entre ses dents qu’on le verra pester, Il est trop glorieux pour s’en venir vanter ; Je voudrois bien avoir le plaisir de l’entendre, Mais je ne vois venir Climenne ny Leandre ; Allons les separer dedans cet entretien, Ils passeront la nuit si l’on ne leur dit rien. Ah ! ah ! chacun icy cajole à tour de roole, Leandre est seul auprés de Climene & le drôle, Avec ceux du logis estoit donc du complot, Pour me faire acheter l’apparence d’un lot, Ah ! megere : ah ! serpent: ouy cette fine mouche, De l’honneur de Climenne est la pierre de touche, Et ne se deffend pas de garder le menteau ; Pourveu que la traitresse ait sa part au gasteau, Maudite Beatrix peste d’une famille, Pernicieux brûlot de l’honneur d’une fille, Escüeil de sa pudeur c’est toy qui la seduis, Qui luy donne le jour un avant goust des nuits : Pour veiller dessus eux, je n’avois que le Suisse, Ils ont pour l’enyvrer employé l’artifice, Et ce pauvre garçon estendu sur son lit, A semblé me vouloir dire qu’on me trahit. Il sembloit exhalant une vineuse haleine, S’excuser de sa faute & condamner Climenne ; Et vouloir en ronflant me dire à mon retour, Que malgré luy Bachus a fait entrer l’amour : Ce Monsieur de la Roche est valet de Leandre, Il s’appelle le Basque & je le viens d’apprendre, Je ne le connois point mais je pretens ravoir… Quelqu’un vient écoutons sans qu’on nous puisse voir. Faut-il nous separer ? que cet ordre est severe. J’en demeure d’acort cela ne vous plaist guerre, Pour quitter ce qu’on ayme il n’est jamais trop tart, Cependant il est temps de faire bande à part. Je vois bien qu’il me faut esloigner de Climenne, Mais souffre en la quittant que je flate ma peine, Laisse agir mon respect & ma flame en ce lieu, Jusqu’au dernier moment de ce funeste adieu : Le mortel déplaisir où cet adieu me plonge, Me fait envisager mon bon-heur comme un songe, Un demy jour a veu sa naissance & sa fin, Madame, & cet effet de mon mauvais destin : Me fait apprehender de me voir plus à plaindre, Qu’un brutal dont l’ardeur s’éforce à vous contraindre, Et que je percerois plûtost de mille coups, Que de souffrir jamais qu’il devient vostre espoux. Ah ! le facheux rival.         Cette plainte m’offence, Et mon amour vous doit tenir lieu d’asseurance ; Ce cousin de nos coups n’a pû se garentir, Loin de s’en allarmer il faut s’en divertir, Flater en le joüant nostre ardeur mutuelle, Luy faire chaque jour quelque piece nouvelle, C’est un Provincial épais materiel, Qui duppe au dernier point se croit spirituel. De tous autres enfin son humeur le discerne, Et de pareils lourdeaux meritent qu’on les berne. C’est encor trop d’honneur, où m’estois-je fouré ? Si j’y puis quelque chose il doit estre asseuré ; Que nous le bernerons de la bonne maniere, Et qu’à m’en divertir je seray la premiere. Je me le tiens pour dit :         Et le Basque je croy, Ne negligera pas ses soins non plus que moy, De ce que nous ferons vous serez advertie. Vous faites pour le coup fort mal vostre partie. Je connois vostre amour vous connoissez le mien, Il faut que nostre adieu borne nostre entretien : C’est perdre en vains discours les momens qui se passent, Separons nous, la nuit & mon devoir vous chassent Quand nous reverrons-nous ?     Demain.     Où ?         Dans ce lieu. Vous le sçaurez du Basque.     Adieu Madame.         Adieu. J’en tiens, ils ont assez agité la matiere, Je suis pris pour un sot de plus d’une maniere, Je suis suffisamment esclaircy de leurs feux, Et je seray cocu des demain si je veux : Je n’ay qu’à l’espouser c’est une affaire faite, Cecy ne va pas mal, ah ! petite coquette, Vous me donnez d’advance & ce cœur empaumé, Coupe le nœud d’Hymen avant qu’il soit formé : Sans craindre ny prevoir ma juste reprimande, Vous laissez fourager le pré que je marchande ; Et me croyez d’humeur à vous donner la main, Quand pour moy vostre honneur n’aura que du reguain, Et mon amour pour vous tiendroit encor pied-ferme ; Allez de la vertu vous n’estes qu’un faux germe, Vous n’estes de l’honneur qu’un indigne avorton : Et vous n’en connoissez tout au plus que le nom, Leur adresse & leurs soins ont enyvré le Suisse, Mais en voulant me nuire ils m’ont rendu service, Leandre sans cela n’eust pu se rendre icy, Et mon cœur de leurs feux n’eust pû s’estre éclaircy ; C’est dans cette maison le seul qui m’est fidelle, De l’ingenuité c’est un parfait modelle ; Et pour ce Suisse enfin ma bonté se resout, Mais quelqu’un vient encor écoutons jusqu’au bout. Basque.         C’est Beatrix elle appelle le Basque, Examinons-le avant que de lever le masque. Que veux-tu.         Pour dormir prens tu pas bien ton temps ? Nostre bouru dans peu doit se rendre ceans, Il est dans ce moment prest à rentrer peut-estre. Qu’importe.         C’est le Suisse, ouy luy-mesme ! ah le traistre. Par ma foy finissant tantost nostre entretien, J’ay bû neuf ou dix coups qui m’ont fait bien du bien. Il parle bon François, ah ! ah Canton de Berne, Vous estes du complot aussi quand on me berne. Qu’on vend dans ce quartier d’admirable sirot, Mais veux-tu me brider le nez de ton falot. A trais frequens & longs j’ay vuidé trois bouteilles, Qui m’ont mort-bleu qui m’ont fait dormir à merveilles. Et si pendant ce temps le cousin fust venu, Ou qu’il fut mesme entré sans que tu l’eusses veu. C’est une occasion qui pourroit s’estre offerte, Et quelqu’un auroit pû laisser la porte ouverte. Ouy-da comme tu dis cela se pouvoit bien. Ta raison est fort bonne & mesme… Il n’en est rien. Laissons-là le passé dis moy donc.     Qu’est-ce ?         Escoute. Te voilà beau garçon.     N’est-il pas vray.         Sans doute. Que le cocquin est fou.         Faut-il encor long-temps, Faire soir & matin sentinelle ceans. Cela pourra cesser si le Ciel nous exauce. Ah ! le vilain Monsieur, que ce Monsieur de Beauce. Je me tromperois fort s’il n’estoit pas cornart. Vous en aurez menty Suisse de Vaugirart. C’est assez raisonner ne bois de la soirée, Et tasche à ratraper ta raison égarée. Si le Beauceron vient ne luy dis que deux mots, Il vaut mieux en moins dire & parler à propos ; Jusques à son retour prens bien garde à la porte. Adieu.         Quoy tu voudrois me quitter de la sorte ? Tes discours à present n’auront jamais de fin. Encor un petit mot :         Ah ! que tu sens le vin. Que j’ayme à t’embrasser.         Que je hais un yvrongne. Beatrix.     Laisse-moy.         Peste de la carogne. A l’entendre on croirait ma foy que je suis sou, Je l’aimerois encor je serois un grand fou ; Tu me quittes je vais te rendre la pareille, Et ne veux desormais aymer que ma bouteille : Mais en nous retirant gardons de nous heurter. Tous sont d’inteligence & je n’en puis douter, A traficquer d’amour chacun icy s’exerce, Par de differens soins on fait mesme commerce : J’allois en l’épousant me coëffer comme il faut, Ah mon honneur je pense alloit faire un beau saut ; Et vous Suisse à deux mains moule de plus d’un masque, Vous estes un fripon Monsieur l’Abbé le Basque : Qui diable eust jamais pu le voyant si naïf, Douter que ce maraut fut un Suisse effectif : Ou croire que Climenne auroit eu l’artifice, D’introduire un valet de son galant pour Suisse ; Et moy qui m’y fiois j’ettois en bonne main, Ah ! je vais…Non mettons la partie à demain : Il est tart je pretens en évitant sa veuë ; Laisser jusqu’à ce temps rassoir ma bille émeuë :  Et pour passer en paix le reste de la nuit, Je vais me retirer dans ma chambre sans bruit. Quoy, tu voudrois encor soûtenir le contraire ? L’effronterie est grande & je ne puis m’en taire. Ouy, je te le soûtiens, il a couché dehors, Il n’est point revenu, j’en respons corps pour corps. Quoy nostre Beauceron est dehors ?         Ouy, luy-mesme. Il n’est point rentré?     Non.         L’impudence est extréme. Je gage contre toy que depuis hier au soir… L’obstiné ! je te dis que je le viens de voir : Qu’il est dans le jardin tout seul qui se promene, Et qu’il m’a demandé ce que faisoit Climenne. Aujourd’huy ?         Ouy, depuis un cart-d’heure de temps. Tu l’as veu si tu veux ; mais il n’est pas ceans, Car icy depuis hier il n’est entré personne, Quoy que cette raison peut seule estre fort bonne : J’adjouste pour parler cathegoriquement, Que je n’ay pas quitté la porte d’un moment, Que j’en ay toûjours eu la clef dedans ma poche, Qu’on ne peut justement m’en faire de reproche, Que ce fou que tu viens dis tu de rencontrer, Ne s’est pas seulement presenté pour entrer, Que tu m’en fais icy des plaintes inutiles, Et que s’il est entré c’est par dessus les tuilles, Tu peux dire à present tout ce que tu voudras. Toûjours mesme chanson ? ma foy tu le verras, Ce n’est que par tes yeux que je veux te confondre : Le voicy qu’en dis tu.         Je n’ay rien à respondre ; Je voy qu’il est entré, mais je ne sçay par où, Sans doute ce sera pendant que j’estois sou. Allez voir si Climenne à present est visible, Et luy dites en cas qu’elle soit accessible : Que je veux luy parler, & voudrois bien sçavoir, S’il faut que je l’attende, ou si je l’iray voir ; Je parle à Beatrix laissez-la faire Suisse. Chi ly veut moy tout jour rendre à vou bon service. Eh je m’en doute bien, ah ! l’effronté cocquin ! Chil tir quen tiri point sty lotry que timain. Tout que vous ly tir moy je lafre fait tout comme ; Vous estes je le sçais un fort joly jeune-homme. Lentry point dy Monser mon foy dans sty maison, Chil servir pien mon Maistre.         Ouy, vous avez raison, Fort bien, fut-il jamais une telle insolence ! Chil servir tout jour vou di mesme.         Je le pense, Il n’est pas mal-aisé je vous croy sans prier. Chy li fair moy…         Mort-bleu c’en est trop endurer, S’il ne se taist…         Chil feut fair moy vou souvenance. Tiens de tant de babil voilà la recompense ? C’est sur mes vingt Louys toûjours en rabatant. O Monser.         Qu’on se taise ou j’en redonne autant, Mais je vois avancer Beatrix & Climenne. Je ne pretendois pas vous donner tant de peine : Mais puis que vous voilà, donnez nous deux fauteüils, Montrez-nous les talons.         Et vous laissez-nous seuls. Approchez-vous Climenne, & prenez vostre place, Je pretens vous parler, & vous voir face à face, De ce que je diray tâchez à profiter. Parlez, vous me voyez preste à vous écouter. Je ne sçay si mon air mon humeur ou ma mine, Vous forcent à vouloir n’estre que ma cousine ; Ou si nature enfin ne m’a pas honoré, De prendre pour me faire un moule à vostre gré ; Si trop laid à vos yeux, ou trop vieux quoy que riche, De tendresse pour nous vostre cœur est né chiche, Ny mesme si j’en dois estre bien-aise ou non. Vous sçavez…         Taupe à tout, mais vous trouverez bon, Sans m’échaufer le sang, que plus franc que les autres, Après mes veritez je vous dise les vostres ; Et que dans ce discours me servant de ce droit, Nous nous voyions tous deux par nostre bel endroit ; Estant vostre cousin, & presque à vous, je pense Pouvoir faire avec vous entiere confidence ; Et puis qu’enfin je puis ne vous déguiser rien, Vous estes une gueuse, & vous le sçavez bien, Quoy que dedans mon lit je veüille vous admettre, Vous n’avez pas vallant l’habit qu’on vous voit mettre, Et vous estes enfin mal-gré vostre cocquet, Aussi pauvre en bon sens comme riche en cacquet ; Vostre pere eust du bien, mais enfin vostre mere ; Pour payer ses galans ne se l’épargna guere, Car vous n’ignorez pas qu’elle écoutoit un peu, Et que sur ce chapitre elle a joüé beau jeu ; Que cent fois sur ce point il eut bruit avec elle, Qu’avant que de mourir il en avoit dans l’aîle, Et que ce cher cousin plein d’un juste soupçon, Doutoit que vous fussiez mesme de sa façon. Que plusieurs soûtenoient, & donnoient mesme preuve, Qu’encore qu’il fust mort elle n’estoit pas veuve : Que l’amour seul avoit l’un & l’autre enroolé, Et que jamais l’Hymen ne s’en estoit mélé. Je pourrois croire enfin qu’un cœur pour nous de glace, A l’exemple d’autruy pourroit chasser de race, Ou craindre avec raison que l’on ne le surprit : Ce scrupule pouvoit m’embarrasser l’esprit, Cependant, éblouy d’une lumiere fauce, Mon cœur pour se donner vient du fond de la Beauce ; J’abandonne pour vous sans me faire prier, Le soin de mes dindons, & de mon colombier : Pour me donner à vous, je renonce à l’hommage, Qu’un Paysan naïf me rend dans mon village ; Le desir de vous voir, sacrifie à l’amour, Mes vaches, mes moutons, toute ma basse-cour, Chery dans le païs, respecté comme un Prince, Et plus noble dix fois qu’aucun de la Province, Riche, propre, galand, bien-fait, adroit-à-tout ; À me voir vostre époux ma bonté se resout ; En vain pour l’empescher quelqu’un veut s’entremettre, Rien ne peut m’ébranler, & ma flame vient mettre, D’un noble Beauceron le cœur à vos genoux, C’estoit beaucoup pour moy, ce n’estoit rien pour vous : Vous sçavez bien de plus nostre chere cousine, Que depuis quatre mois la noblesse voisine, M’a mille fois parlé d’une rare beauté, Au diable l’un que j’ay seulement écouté ; Ce n’estoit rien encor, je sçavois par avance, Qu’à toute heure aux galands vous donniez audience ; Qu’avec eux vous estiez toûjours je ne sçais où, Que tantost à Boulogne, & tantost à saint Clou : Ou pour courir ailleurs vous estiez preste & prompte, Que vous en receviez des presens à bon compte, Qu’un certain Chevalier vous fit long-temps la cour, Qu’il vous rendoit visite au moins trois fois par jour : Qu’aprés vous aviez fait une nouvelle intrigue, Avec un Financier moins puissant que prodigue, A force de Louys dans vostre cœur placé, Qui depuis…Mais enfin laissons-là le passé ; C’estoient d’honnestes gens, ils estoient pleins de flâme, Le Financier est mort, Dieu veüille avoir son ame. Quoy que tant de raisons deussent me rebuter, Je me flattois toûjours de vous decocqueter : De rendre vostre humeur à mon humeur conforme, D’introduire chez-vous doucement la reforme, Pour en venir à bout je n’ay rien negligé, En argus prés de vous je me suis erigé, Pour vous plaire, & pouvoir vous détacher du reste, J’ay fait de la dépense & je me suis fait leste. J’ay voulu vous donner un espoux sans défaut, Acheter vostre cœur dix fois plus qu’il ne vaut : Vous rendre de mes soins le témoin oculaire, Voilà ce que j’ay fait, en voicy le salaire ; Esperant sous l’Hymen vous aymer but à but, Vous m’avez pretendu donner un substitut : Mittonner un galand, qui rendit par sa ligue, Nostre Hymen compatible avec un peu d’intrigue ; Et dont l’ardeur enfin secondant vos desirs, Peut doubler vostre espoux ainsi que vos plaisirs. Ma presence troublant vostre galanterie, Vous avez de concert fait une lotterie, Afin que vostre cœur pour l’amant adoucy, Peût avoir un pretexte à l’introduire icy. Puis poussant contre moy plus avant l’artifice, D’un Basque son valet, vous avez fait un Suisse, Vos pieges dans lesquels je suis presque tombé, L’ont mis de Basque en Suisse, & de Suisse en Abbé ; Et vous avez enfin employant toutes choses, Comme les Dieux deffunts fait des Metamorphoses. Par ce cuistre aposté me prenant pour un sot, Vous m’avez fait courir aprés l’ombre d’un lot, Cependant que tous deux ayans l’amour pour guide, Riez de ma sottise & preniez le solide : Vous m’avez de concert avec cet imposteur, Escroqué vingt Louys qui me tiennent au cœur : Par un fourbe qui n’a que vos feux pour resource, Vous avez fait porter cette botte à ma bource, Et m’avez fait enfin sans mesme balancer, Payer le violon qui vous faisoit dancer. A-t-on jamais parlé de trahisons si noires ! Parlez & dites-moy si j’ay de bons memoires, Et si je puis de vous m’estre informé sans fruit. Je ne sçais qui vous peut avoir si bien instruit : Mais vous deviez enfin donner moins de creance, Aux bruits que contre moy seme la médisance ; Et faire en ma faveur ce que j’ay fait pour vous, Sur tout si vous songez à vous voir mon époux : Quand de vos ennemis la langue médisante, M’a dit que vous estiez le fils d’une servante, Que vostre pere avoit depuis plus de quinze ans : Que vous en aviez dix pour le moins dans le temps, Qu’avec elle il voulut contracter mariage, Je ne vous en ay pas méprisé davantage. De ces traits, quoy que vrais je vous défendois bien, Et je disois par tout que je n’en croyois rien ; Je pouvois esperer de vous la mesme chose, Vous ne l’avez pas fait, mon mal-heur en est cause ; Passons au grand effort que vous faites pour moy, Vostre cœur dites-vous me destinant sa foy, Esblouy de l’éclat d’une lumiere fauce, Pour se rendre à Paris vient du fond de la Beauce : Abandonne pour moy sans se faire prier, Le soin de ses dindons & de son colombier, Certes l’effort est grand, & je suis une beste, Je me devois aller jetter à vostre teste : Chercher à travers champs un époux au hazart, Deterrer dans la Beauce un singe campagnart ; Et prendre pour épous errante à l’adventure, Quelque brute qui n’eust d’homme que la figure. J’en conviens, mais enfin les filles à Paris Ne sont pas à ce point avides de maris ; Je viens à ces grands biens que sans cesse on me vante, Les quinze mille francs que vous avez de rente, Sont-ils en font de terre, on sçait tout vostre bien, Pour six ou sept d’accort, pour quinze il n’en est rien ; Les huit ou neuf de plus ne sont qu’une chimere, Que pour vous faire honneur vostre esprit vous rend chere : Car comme sur ce point mille gens nous ont dit : Enquoy consistent-ils ? parlez ?         En fonds d’esprit, Le voilà le tresor portatif que personne Ne vous sçauroit oster, que le Ciel seul nous donne : Qu’on doit plus que ses biens priser avec raison ; Et qu’on peut…         En ce cas vostre conte est fort bon ; Vous vous plaigniez dequoy j’ay souffert compagnie : Sans la societé dequoy nous sert la vie ? Ce plaisir innocent m’a toûjours semblé doux ; Mais personne n’en a si mal jugé que vous ; Nostre sexe à mon sens deviendroit fort à plaindre, S’il falloit qu’un critique eust droit de nous contraindre ; Et qu’un nombre de sots dont il est en tout temps, Nous privast du plaisir de voir d’honnestes gens ; Ce seroit approuvant cette belle maxime, De l’orgeüil des censeurs se faire la victime ; Faire avec son repos un divorce ennuyeux, Et se sacrifier à la peur qu’on a d’eux. Aussi malgré l’effort qu’a fait la médisance, Ses traits n’ont eu sur vous qu’une foible puissance ; Et n’ont pû jusqu’icy dégageant vostre foy, Vous oster le desir de vous donner à moy ; Ce sont là tous vos soins ; à l’égard du salaire, Qu’ils ont eu, je pretens aussi vous satisfaire. Tandis que vostre amour cherche à se signaler, Leandre, car c’est luy dont vous voulez parler, Avec moy de concert, employe l’artifice, Pour me voir, je l’écoute à vostre prejudice, S’estonne-t-on aprés les soins qu’il m’a rendus, S’il le mérite mieux que je l’estime plus, Il est respectueux, vous estes brusque & sombre, Leandre a du bon sens, vous n’en avez que l’ombre ; Il est discret soûmis, vous estes fier chocquant, Il sent son noble, & vous vostre homme de neant : On le prend aux habits dont il pare sa taille, Pour un homme du temps, vous pour une anticaille, S’il n’a pas tant de bien ce n’est pas un défaut ; Qui détruise…         En voilà tout autant qu’il en faut, Treve de paralelle, ainsi nostre cousine Vous aymeriez donc mieux vostre idole blondine ? Il est vray je l’écoute, & j’approuve son feu, Je l’ayme, & je veux bien vous en faire l’aveu. Je vais puis qu’à ce point sa flame vous est chere, En dire sur le champ deux mots à vostre mere, Luy conter vos amours, luy vanter vostre choix, Et j’espere devant qu’il soit trois fois les Rois : Qu’il en sera parlé, donnez vous patience. On va tout exiger de mon obeyssance, Et l’on va me forcer…Ah Beatrix sçais-tu ?…. Je sçay tout comme vous car j’ay tout entendu. Enfin mon mal-heur veut que je perde Leandre, Au nom de mon époux il ne peut plus pretendre : Ma mere, & ce cousin, qui me veut malgré moy, Par de nouveaux sermens vont engager ma foy, Il y court, & tu viens d’entendre sa menace. Je me mocquerois bien d’eux deux en vostre place : Ouy, je me lasserois d’avoir les bras liez, Une fois c’est pour vous que vous vous mariez, Vostre mere le veut, on me la baille belle, S’il est tant à son gré que ne l’espouse-t-elle. Mais pour t’en dispenser qu’est-ce que tu ferois. En quatre mots voilà ce que je luy dirois, Qu’on me laisse en repos, je n’ayme que Leandre, Je hais le Beauceron, qu’il s’aille faire pendre. Mon Maistre…     Que veut-il ?         Me fait vous demander, S’il peut vous venir voir.         Dis luy qu’il peut entrer. En vain j’empescherois son amour de parestre, C’est la derniere fois qu’il me verra peut estre ; Le plus severe honneur peut permettre en ce jour, De donner ce dernier moment à nostre amour. Rien ne peut plus flater ma flame ny la vostre, Leandre, pour espoux on m’en destine un autre : Ce cousin pretent l’estre ; il sçait tout aujourd’huy, Ce que nous avons fait pour nous & contre luy, Ce sont des trahisons qu’il nomme sans exemples, Aprés m’en avoir fait des reproches fort amples, Et m’avoir de vos feux fait faire un libre aveu, Il est rentré disant que devant qu’il soit peu, Il en sera parlé, qu’il alloit voir ma mere, Vous sçavez ce qu’il faut helas ! que j’en espere. Quel revers si soudain que je n’ay pu prevoir, Peut en si peu de temps destruire tant d’espoir ? Mon mal-heur à mes feux incessamment s’oppose. J’ay bien veu des tantost qu’il sçavoit quelque chose. Et j’en aurois jurez.         Par qui l’as tu donc sceu ? Par un fort grand soufflet Monsieur que j’ay receu, J’ay bien veu qu’il cherchoit à me faire querelle. Si pour vous à ce point vostre mere est cruelle, Et s’obstine à vouloir vous donner cet espoux, Que ferez-vous Madame, helas vous tairez-vous ? Vous sçavez à quel point ma mere est absoluë, Il faudra l’espouser si la chose est concluë. Quoy jusqu’à cet effort vostre cœur peut aller ? On ose vous contraindre & vous n’osez parler ? Madame, & tout l’espoir qui flatoit ma constance, Doit se voir aujourd’huy détruit par ce silence ? Ah ! puique vostre amour est si foible pour moy, Faites ce Campagnart Maistre de vostre foy, Du nom de vostre espoux favorisez un autre, Mon amour aussi bien est trop grand pour le vostre. Adieu vous me voyez pour la derniere fois, Obeyssez Madame, & faites vostre choix. Leandre, revenez, parlons de vostre flame, Vous aymez ce Monsieur, vous vous aymez Madame, Il vous ayme beaucoup, vous en estes chery, Si le cœur vous en dit vous serez son mary ; Sa mere ayant appris vostre ardeur mutuelle, Veut bien que vous soyez l’espoux de cette belle ; Et pour moy qui m’estois chargé de ce soucy, De peur d’estre cocu je le veux bien aussi. Je ne me picque pas d’estre à ce point commode, Pour Monsieur qui pretent toûjours estre à la mode, Il peut tenter fortune, & je le tiens bien fin, S’il s’en sauve.     Je crains peu ce danger,         Enfin, Quoy que vous en disiez elle en est la Maistresse. Quel bon-heur aujourd’huy vous rend à ma tendresse ? Mais enfin quel motif vous fait changer d’habits. C’est Monsieur que je vais partir pour mon pays ; J’ay conceu pour Paris une haine mortelle, Et mon front vient icy de l’eschapper trop belle, Je fuis ce maudit lieu de cocquettes farcy, Et ne suis plus si sot que de rester icy : Les filles à Paris sont pour nous trop sçavantes, Il faut des gens galans, pour des filles galantes, Et je m’en tiens au nœud de consanguinité ; Je vais dire au pays comme l’on m’a traité ; Et je me trompe fort quoy qu’il sente de flame, Si jamais Beauceron vient icy prendre femme. Vostre cheval Monsieur, & vostre postillon, Sont là bas.     Serviteur.         Comment c’est tout de bon ? Quoy vous ne verriez pas ce qu’amour nous destine ? Non je vous en repons ; jusqu’au revoir cousine. Allons voir vostre mere.         Et le reste du jour, Puis qu’elle veut enfin approuver nostre amour, Nous pourrons, empeschant que le peuple ne crie, Par divertissement tirer la Lotterie. Et quand de nostre amour l’Hymen sera le prix, Il faudra marier le Basque & Beatrix.