Certainement amy je commence à connestre Que je suis moins aymé que je ne pensois l’estre, Puisque j’ignore encor ce qui vous trouble ainsi. Mais suis-je si troublé pour vous mettre en soucy, Je voy bien en effect quelque metamorphose De ma premiere humeur dont j’ignore la cause: Mais si vous n’estes pas plus resjoüy que moi, Me pouvez-vous blasmer?         Vous scavez bien pourquoi; Vous cognoissez assez l’excez de mes miseres, Je ne vous ay point teu l’estat de mes affaires, Vous en pouvez vous plaindre? et devez vous juger Qu’au trouble où je me voy j’ai tort de m’affliger? Si j’estois comme vous qui n’avez rien à craindre, J’aurois certainement quelque tort de me plaindre. Je l’advouë, il est vray, qu’estant logé chez vous. Aupres d’un tel Amy mon sort ne m’est que doux, Je n’aurois pas raison de regretter l’absence De mes plus chers parents: mais Dieux quelle aparence! De n’estre pas chagrin, lors que je ne voy pas L’objet de qui mon ame adore les appas? Cette rare beaute de qui je suis esclave? Vous ai-je pas comté que pour la mort d’Octave J’ai quitté ma maitresse, et mon pays aussi. Hé bien, qui vous oblige estant fort esclaircy, Comme vous m’avez dit, de cette jalousie Qui vous avoit à tort troublé la fantasie De vous plaindre du sort? vous scavez, de certain Que vous vous estes plaint de Dorotée en vain, D’aymer vostre rival, et vous scavez encore Qu’autant que vous l’aymez cet objet vous adore, Estant vray, cher Amy, vous estes trop heureux. Je suis autant aymé que je suis amoureux, Cher amy je l’advouë, il est tres-veritable Et qu’elle n’est en rien de cette mort coupable, Que ce fut un caprice, et qu’en effect j’eus tort En cette occasion de m’emporter si fort : Car puis qu’Octave avoit des yeux et des oreilles? Devois-je le blasmer d’aymer tant de merveilles? Mais la jalouse humeur d’un veritable Amant Ne se laisse pas vaincre à ce raisonnement, On est aveugle et sourd parmy de tels misteres. On vous escrit souvent.         Par tous les ordinaires, Et j’espere tantost d’en recevoir.         O Dieux! Comment! vous plaignez vous de la rigueur des Cieux? Ils vous obligent trop, que ne m’est-il posible D’estre heureux comme vous? Mais j’aime une insensible, Une vaine, une ingrate, une glace, un rocher Que mes pleurs ny mes soins n’ont jamais pû toucher. Comment la nommez-vous?         Elle s’appelle Flore, Plus elle me rebute, et plus mon Coeur l’adore, Vous scaurez cette histoire, et ma ferme amitié Qu’on paye avec mespris vous va faire pitié. Vous m’obligerez fort.         Apprenez donc que j’ayme Depuis un an entier Flore plus que moy-mesme. Elle parut d’abord avec tant de beauté Que vous excuseriez la dure extremité Où je suis à present reduit pour la cruelle, Si vous pouviez avoir jetté les yeux sur elle. Ce fut dans un Jardin que je peûs obtenir Le bon-heur de la voir et de l´entretenir, Et si l’on ne s’abuse en l’amour de soy-mesme, Mon abord pleust sans doute à la beauté que j’ayme. Voulant s’en retourner chez elle, je m’offris De la conduire enfin jusques à son logis, Ce qu’elle m’accorda, mais de fort bonne grace, Dans tout notre discours je n’eus jamais l’audace D’oser luy descouvrir l’excez de mon amour, Ce que six mois apres je fis un certain jour, Que j’eus l’heur de la voir en une promenade, Où je fus enhardy par une douce oeillade, Quand je parlay d’amour à cét objet charmant, Je vy qu’elle m’escoutoit fort attentivement. Mais sa response apres trompa mon esperance, Me prononçant soudain cette rude sentence, Cause de la tristesse où maintenant je vis. Arimant, me dit-elle avec un faux sousris, Adoucissant par là l’aigreur de sa response, Escoutez cét arrest qu’icy je vous prononce; Vous m’aymez dites vous, et certes en ce point, Vous m’obligez beaucoup, mais moy je n’ayme point. Voyant presque aujourd’hui tout mon sexe se plaindre Des hommes de ce temps, j’ay grand sujet de craindre. Ouy j’apprends en tous lieux que tout homme est leger, Et que le plus constant est sujet à changer. Il faut donc bien choisir quand on choisit un maistre, Aucun ne m’a trompée et je crain trop de l’estre; Mais pour ne monstrer pas que je veux rebuter Tout à fait cét amour qu’il vous plaist me porter, Et que je ne suis pas jusqu’à ce point ingrate, Loing de vouloir icy que ma colere esclate Je promets de souffrir vos visites chez moy Quand vous voudrez me voir, mais avec cette loy Tant je crains que l’amour ne se coule en mon ame, Que vous ne parlerez ny de fers ny de flame, Car on m’asseure au vray qu’outre qu’un serviteur Est tousjours inconstant, il est aussi menteur. Peut-estre qu’en ce point à faux je vous accuse, Mais cent que je connoy me serviront d’excuse, Enfin vous me perdrez dès le mesme moment Que vous me parlerez d’amour ou de tourment; Moy pour gagner du temps, ne pouvant autre chose J’accepte librement la loy qu’elle m’impose, Et depuis ce temps là, six mois se sont passez, Que mes plus chauds desirs ont paru tout glacez, Car puisque le discours jusqu’à ce point l’offence, Il me faut devant elle observer le silence, Devorer mes soupirs, brusler à petit feu, En fin souffrir beaucoup, et le tesmoigner peu, Si j’accuse à part moy sa rigueur sans pareille, Ma plainte n’ose aller jusques à son oreille, Je suis en sa presence interdit, et confus, Tant qu’il semble quasi que je ne l’ayme plus, Je parois pour tascher de plaire à l’inhumaine Ingrat à mon amour, et muet à ma peine, Je desments de tout point mon inclination, Combatant laschement ma propre passion. Lors que je veux parler, je suis comme une souche, Les mots demy fomez se meurent en ma bouche; J’en lasche quelques fois d’assez intelligents Qu’elle entend murmurer souvent entre mes dents, Mais de me declarer d’autre facon je n’ose Et fay tousjours semblant de parler d’autre chose. Si mon mal paroist tant qu’elle en puisse douter, Je le desguise alors de peur de l’irriter, Mais mes yeux clairement luy descouvrent ma flame, S’ils sont comme l’on dit les vrais miroirs de l’ame, Et puis que je l’estime une divinité, Elle lit dans mon coeur, connoit ma volonté, Sçait que tous mes desirs ne tendent qu’à luy plaire, Et que je puis pour elle et brûler, et me taire. Je croy qu’elle n’est née avec tant de rigueurs Que pour estre la gesne et le tourment des coeurs. Quelle Enigme est-ce icy? grands Dieux cette inhumaine Me met dedans le Ciel, et si je suis en peine. Car je voy quand je veux son visage charmant, Sans sortir pour cela de peine et de tourment, Cette fille sans doute est d’une humeure estrange. Je suis mort autant vaut si cette humeur ne change Mais voicy son logis, vous me permettrez bien De jouyr un moment de son doux entretien, Voyez avec quel charme elle sort de chez elle. Amy je vous pardonne, il est vray elle est belle. Je vay voir si le Ciel vaincra mes desplaisirs. Qu’il vueille de tout point seconder vos desirs. Il faut peu de suject pour vous mettre en colere. Qu’on ne m’en parle point, je ne le veux pas faire. Que sert de contester plus long-temps sur ce point? Jacinte absoluëment ne me servira point. Je ne veux point chez moy de servante amoureuse. Vous estes sans mentir un peu trop scrupuleuse,150 Autre-fois elle ayma, mais elle n’ayme plus Depuis qu’elle vous sert.         Non, non, c’est un abus, Si Jacinte a conceu quelque amoureuse flâme, Ne croy pas que le temps en guerisse son ame, Enfin qui se resout de vivre avecque moy Sans s’enquerir de rien doit subir cette loy, Et doit en m’imitant dans le siecle où nous sommes, Comme ennemis mortels regarder tous les hommes. Ouy ceux-là doivent estre en ennemis traittez Qui l’ont peu meriter par leurs legeretez: Mais tout homme n’est pas de ce crime coupable. Moy je les traitte tous d’une façon semblable, Et si tout ce maudit sexe estoit en mon pouvoir Je les chastierois tous, le meschant pour avoir Des-ja commis le mal, et je serois severe 165 Envers le bon aussi, par ce qu’il le peut faire. Est-ce vous Arimant?         Ouy Madame. (Hà j’entens Un rigoureux arrest qui trouble tous mes sens) Comment va vostre amour? Je veux dire, Madame, Vostre hayne, envers ceux qui vivent dans la flame, Lors qu’ils sont esclairez du feu de vos beaux yeux? Pour moy je suis toujours d’esgale humeur pour eux. Ainsi que mon desgoust, ma rigueur est extresme. Et pour vous mon amour en tout temps est le mesme. Encor pour quel sujet?         Est-il homme icy bas Qui nous puisse parler, et ne nous mentir pas? Vous concevez, Madame, à tort cette croyance. Si pas un en parlant ne nous dit ce qu’il pense, Cette preuve suffit: ces lettres en font foy, Regardez ces poulets qui s’adressent à moy, Que je viens de trouver par hazard sur ma table, Qui me parlent d’amour. Hà c’est chose admirable, Je les ay voulu voir par curiosité, Et n’ay pas leu dedans un mot de verité. Un mot de verité?         Voulez-vous pas me croire? Les voila, lisez lez.         Je veux avoir la gloire De la vaincre par là. Voyons quels sont icy Ces mensonges si grands: le premier dit ainsi. Depuis le premier jour que j’eu cét advantage, D’admirer les attraits d’un si parfait visage, J’ay senty les effets d’un violent trespas. Arrestez Arimant, toubeau, n’achevez pas. Cét Amant a menti, car auroit-il envie D’adorer mes beautez s’il n’estoit plus en vie? Fut-il jamais au monde un plus sot entretien? Pourroit-il estant mort sentir ny mal ny bien. On appelle une mort les peynes qu’on endure Pour un object charmant.         Une mort en peinture, S’il dit plus qu’il ne souffre, est-il pas vray qu’il ment? Il suffit, passez donc au second, Arimant. Je me senty brusler aussi-tost qu’à ma veuë Vous parustes hier de tant d’attraits pourveuë. Voyez l’impertinent! Dieux qu’il est sot et vain, Il ne luy reste rien à faire pour demain, Si dès le premier jour son coeur est tout de flâme. Pourquoi l’en blasmez vous? Sçavez vous pas Madame Que les astres reglants nos inclinations Agissent tout à coup sur nos elections, Nous portants à l’amour aussi bien qu’à la hayne? Ils nous inclinent bien, c’est chose tres-certaine Mais ils ne forcent point nostre choix en amour Pour nous piquer si fort, et dès le premier jour. La taille, la beauté, le teint, la bonne mine Nous peut plaire à l’abord, tout cela nous incline, Mais vous confesserez aussi que pour avoir Un amour tres-parfait, il faut bien plus que voir. La conversation, l’esprit, la gentillesse, Nous font avec le temps aymer une maitresse, Plus que la beauté mesme, et puis que cet Amant Ne m’a que fort peu veuë, il est certain qu’il ment. Puis que son amour est si fort precipitée, Et brusle mesme avant que de de m’avoir hantée. Quelle humeur! et qu’en puis-je esperer justes Dieux! Lisez l’autre, Arimant.         Le soleil de vos yeux. Que veut dire ce fat?         Hé quoy divine Flore ! Estimez-vous qu’il ment et qu’il s’esgare encore? Sont-ce pas des Soleils qui brillent dans vos yeux? Il ment, car le soleil est là haut dans les Cieux. Encor si le soleil n’est couvert d’une nuë, Le peut-on regarder sans s’ebloüir la veuë? Comment donc cét Amant pourroit-il concevoir Tant de feux dans son coeur comme il dit sans me voir? Ce discours seulement me choque quand j’y pense, A-t’on jamais parlé de telle extravagance? Mais de plus dites-moy quelle proportion D’une femme au soleil?         C’est que sa passion Vous donne par ce mot la plus grande loüange Qu’on vous puisse donner, quand vous seriez un Ange, Et si cela vous choque, ah! c’est un grand hazard Si toute chose n’est mensonge à votre esgard. Pourquoy donc voulez-vous que je croye une chose Que je tiens pour mensonge?         Il faut que je suppose Quelque lettre qui m’ayde et qui sans declarer Luy puisse adroittement mon amour declarer. Lisez l’autre, Arimant.         Sus donc prenons courage, Depuis un an entier Flore j’ay l’advantage D’adorer en vos yeux une divinité Avecque tant d’amour et de fidelité, Avec tant de secret et tant de retenuë, Que je n’ose aborder ce bel oeil qui me tuë, Ny vous dire, de peur de vous mettre en courroux, Les tourments excessifs que j’endure pour vous. J’estouffe dans mon coeur vos rigueurs et mes peynes, Je chery mon servage, et j’adore mes chaines. Je ne me suis pas plaint des rigueurs de mon sort, Je ne vous ay jamais tesmoigné d’estre mort, Encor que vous soyez de mille attraits pourveuë, Je ne vous ayme point dès la premiere veuë. Et bien que mon amour soit rare, et sans pareil, Je ne vous ay jamais comparée au soleil, Puis donc que je parois en tout si veritable, Jugez si quelque amour est au mien comparable? Si j’ay bonne memoire il ne me souvient pas D’avoir leu cét escrit: le nom est-il au bas? Ouy Madame.     Comment?     Arimant.         Temeraire! Ne vous avois-je pas commandé de vous taire? Comment osez-vous donc parler si librement? Si je meurs sans oser declarer mon tourment, S’il ne m’est pas permis de soûpirer, Madame, Celà doit-il causer des troubles en vostre ame? Celà doit-il si fort alterer vostre esprit? Suis-je si criminel d’avoir leu cét escrit, Quand vous avez ouy ceux que je viens de lire De trois de mes rivaux?         Est-il permis de dire Tout ce que l’on escrit Arimant? aprenez Que la parole offence, et que vous profanez Le respect qui m’est deu par cette hardiesse, Un Amant peut bien mieux escrire à sa maitresse Qu’il ne luy peut parler, le crime en est plus doux, Les autres ne sont pas si coupables que vous. Ils sont absents, et vous, vous avez l’asseurance De discourir d’amour estans en ma presence? De plus je ne l’ay pas aux autres deffendu, Mais voulant tout gagner vous avez tout perdu. Les fautes de ces trois ont attiré les vostres, Et vous mentez sans doute aussi bien que les autres. Moy, Madame, je ments?         Ouy certes vous mentez, Si vous ne tenez pas ce que vous prometez, Cognoissant mon humeur deviez vous temeraire Avoir dit à mes yeux ce qui me peut desplaire? Vous manquez au respect, vous manquez à la loy Que je vous ay prescrite, et pechez contre moy: Mais pour vous faire avoir une humeur plus craintive Afin qu’une autrefois telle chose n’arrive, Et pour vous empescher un si libre entretien, Je vous declare icy, quoi que je sçache bien Que vous ne m’avez point dès l’abord adorée, Que vous ne m’avez point au soleil comparée, Que vous avez pourtant excité mon couroux, Et pour vous le marquer je me bannis de vous. Hà! Madame arrestez, escoutez moy de grace, Et souffrez pour le moins que je vous satisface. Beatrix, je consents d’en estre chastié. O le pauvre jeune homme, ah! qu’il me fait pitié! Voy cruelle! Est-ce là toute la recompense Que je devois attendre, ô Dieux quelle arrogance! Acaste, cher amy, vous venez à propos Pour dissiper l’ennuy qui trouble mon repos. D’où vous vient depuis peu cette extresme tristesse? Je suis mort autant vaut; cette ingrate maitresse Me vient d’assassiner. Helas tout est perdu! Que vous a-t-elle fait?         Elle m’a deffendu De la voir de ma vie. Ah rigoureux martire! Encor, pour quel suject?         Je ne vous le puis dire, Triste et desesperé dans ce trouble d’ennuis Je ne sçaurois parler en l’estat où je suis Mais encor, cher amy, que pretendez-vous faire? Mourir, s’il faut mourir, ou souffrir, et me taire, Ne laissez pas d’aymer cette fière beauté, Toute ingrate qu’elle est à ma fidélité, Jusqu’à ce qu’à loisir elle se desabuse Et qu’elle advouë en fin qu’à tort elle m’accuse. Qu’un bon Demon l’inspire, et luy face sentir, De ses severitez un juste repentir. Qu’elle se mire un jour l’arrogante, et cognoisse Qu’elle est femme en effect, et non une Deesse Comme elle s’imagine, et sçache qu’Arimant Est de tous ses captifs, le plus fidèlle Amant. Qu’il ne merite point un traittement si rude, Ny qu’on le paye à tort de tant d’ingratitude, Ou pour vanger l’affront fait à ma passion, S’il faut faire contr’elle une imprecation, Je conjure l’amour quelque jour qu’il la face Brusler pour un qui soit pour elle tout de glace. Adieu fidelle Acaste, il nous faut separer, Pour me donner moyen de pouvoir respirer. Je vous suy.     Laissez moy.         Refusez vous mon aide? Mon mal est incapable à present de remede, Je n’en espere point, si ce n’est en la mort. Il le faut laisser seul, je deplore son sort, Mais je voy Philipin, d’où vien-tu qui t’ameine? Je viens expres icy pour vous tirer de peyne, Je viens presentement, Monsieur, de recevoir, Ce pacquet de Lion, mais je vous fay sçavoir, Qu’il est venu tantost par l’extraordinaire, Un autre arrivera dans ce soir, et j’espere Que vous aurez encor des nouvelles par luy. Pourrois-je recevoir tant de grace aujourd’huy? Hà! qui doute à present, ma chere Dorotée, Que tu ne sois des tiens assez persecutée, Qu’on veut forcer ton coeur, et pour l’amour de moy, Mais croy moy que je suis plus à plaindre que toy. Puis-je me contenir et m’empescher de rire? De ce plaisant discours?         Maraut, que veux-tu dire? Moins à plaindre que vous! que dites-vous Monsieur? Vous estes maintenant dans Paris en lieu seur Dans les plaisirs parfaits, mesme dans l’abondance, Où vostre Dorotée est dedans l’abstinence, Enfermée à Lion et dedans un Convent, On fait grand chere icy, là l’on jeusne souvent, Elle craint tout, icy vous n’avez rien à craindre, Dites qui de vous deux, Monsieur, est plus à plaindre? Mais quel contentement en ce lieu puis-je avoir? Ay-je d’autre plaisir icy qu’à recevoir Des lettres de sa part?         En peut-elle avoir d’autres Aux lieux où l’on la tient qu’y recevoir des vostres? Vous allez pour le moins par tout où vous voulez Où l’humeur vous en dit, vous hantez et parlez, Elle n’est pas de mesme, et vous logez encore, Chez un parfait amy, qui certes vous adore, Et qui ne pense à rien, qu’à vous bien resjouyr. Tu ne sçais que tu dis, je ne puis plus t’oüir, Comment me pourroit-il resjouyr, si luy mesme Est reduit à present dans un chagrin extresme? Qui luy fera je croy bouleverser l’esprit. Allons le consoler, et lire cét escrit Qui me vient de la part de celle que j’adore Pleust au Ciel qu’Arimant en eust autant de Flore. Fin du premier Acte. Et bien, qu’en dites-vous? lors que pour un Amy Je me veux employer, m’y portè-je à demy? Vous m’avez, cher amy, remis dedans la gloire, Vous avez beaucoup fait, et j’eusse eu peine à croire Qu’aucun mortel eust eu le pouvoir de toucher Par aucun compliment cette ame de rocher, Je vous suis sans mentir obligé de la vie. Je suis ravy d’avoir contenté vostre envie, Mais que vous semble encor de mon invention, Ne l’ay-je pas conduite à sa perfection? Croyez que je la trouve extremement civile. Elle n’est pas à tous si douce et si facile, Envers vous elle l’est, il le faut advoüer, Mais pour moy je n’ai pas sujet de m’en loüer, Vous estes trop heureux, cher Acaste, je meure. Elle a voulu sçavoir mon nom, et ma demeure, Et sur le champ elle a moderé son courroux, Ayant appris de moy que je logeois chez vous. Elle n’a fait paraistre aversion aucune De ce que vous m’ayez conté vostre infortune, Elle s’est plainte à moy qu’avecque liberté, Vous aviez abusé tantost de sa bonté. Je voy, quoy qu’elle feigne estre fort courroucée, Que cette liberté ne l’a point offencée. En faut-il davantage? avez-vous pas bien veu Tantost de quel visage elle vous a receu? Mais je ne tenois rien sans vous je vous proteste Laissons ces compliments, vous estes trop modeste, Ce n’estoit qu’un pretexte, et tenez pour certain, Si vous avez eu peur que c’estoit bien en vain. S’il vous plaist de tout point que je me satisface, Si vous aimez ma vie obligez-moy de grace Que nous passions chez elle encor une heure ou deux. Si vous le desirez, cher amy, je le veux. Vous la retournez voir? bien soyez en cervelle, Je crains que vous n’ayez un peu d’amour pour elle. Je vais accompagner mon Amy seulement, Serois-je son rival?         Je croy asseurément Que Dorotée, au moins j’y voy grande apparence, Se sentira bien-tost de cette connoissance. Madame excusez moy, je ne puis nullement Comprendre le suject de ce déguisement, Certes je concoy moins, plus j’y resve, et j’y pense, Qui vous peut obliger à si grande licence. Est-ce pour ce subject que vous avez ainsi Quitté votre pays et vos parens aussi? Que diront-ils, Madame, en sçachant cette histoire? Je la voy de mes yeux, et j’ay peine à la croire. A quoy bon ce discours? mon amy que veux-tu? Que cette action soit ou folie ou vertu, Le sort en est jetté, je ne m’en puis desdire. C’est de moy seulement que chacun se doit rire, D’avoir esté si fol en l’aage où je me voy, De vous accompagner sans m’informer pourquoy, Une fille d’honneur, et d’illustre naissance Se desguiser ainsi? Dieux! quelle extravagance, Que dira-t-on de vous?         Tout ce que l’on voudra. Laissons causer le monde, apres il se taira, Mais ne t’estonne point de cecy je te prie, Croy que cette action m’importe de la vie. Tu n’as point de raison de te plaindre de moy, Je t’ay pris comme sage, et je me fie à toy. Tout mon mal-heur provient de cette confiance. Tu juges de l’effet par la seule apparence, Mais lors que tu sçauras le tout de poinct en point, Tu ne me blasmeras, ny ne te plaindras point. Cognoissant le mal-heur où je me voy reduite Mon peu de prevoyance, et mon peu de conduite. Et pour ce que tu dis que mes parens un jour Me pourront reprocher l’effet de mon Amour. Pamphile tu sçauras qu’il n’est en la puissance D’aucun de mes parens d’avoir la cognoissance Du pays où je suis, ny mesme de sçavoir Si j’ay jamais rien fait qui choque mon devoir. Parle que dirois-tu si cet Amant que j’ayme, Si mes proches parents, et si mon oncle mesme Par une tres-subtile et rare invention, Croyoient tous que je fusse encore dans Lyon? Croy que par ce moyen l’ame la plus rusee Indubitablement y seroit abusee. Cela ne se peut pas, Madame asseurément. Va je te le veux dire, escoute seulement, Et tu verras comment une fille amoureuse Est dans ses interests assez industrieuse. Apren que mon Amant est un homme accomply, Qu’il est autant d’honneur que de grace remply, Et quoy que je confesse estre d’amour esprise, Ne croy pas que jamais il fasse une sottise. Il suit asseurement ce que je suy tousjours, L’honneur jusqu’à la mort reglera mes amours. Madame, au nom des Dieux faites que je le sçache Ne t’imagine pas que de toy je me cache, Escoute, et tu sçauras le tout de point en point, Tu sçais bien que j’aymois, mais qui ne le sçait point? Car cette affection estoit si bien cogneuë Que tous à haute voix en parloient dans la ruë, Que je commence bien à conter mes malheurs, Si l’amour est la fin de toutes les douleurs, Et qu’en lui tous les maux comme au centre s’unissent, J’ay droict de commencer par où d’autres finissent. Tu sçais qu’Acaste estoit l’objet de mon Amour, Et qu’Octave pour lors qui me faisoit la cour, Par cette liberté troubla sa fantasie. Ouy je le sçay, Madame, et que la jalousie L’obligea de le voir les armes à la main, Il tua son rival en duel, et soudain Il sortit de Lyon et vint en cette ville, Croyant y rencontrer un favorable asile; Vous l’y venez chercher mais encor dites moy Quel est vostre dessein? et dites-moy pourquoy Vous déguisant ainsi vous pensez le surprendre? C’est chose en verité que je ne puis comprendre. Donne-toy patience, et m’escoute à loisir, Et je contenteray sur ce point ton desir, Estant de ce mal-heur extrémement touchée, Craignant que cette mort ne me fust reprochée, Car chacun cognoissant mon inclination, Jugeoit bien que c’estoit à mon occasion: Je sortis du logis redoutant l’infamie, Et me refugié chez une mienne amie: Là je fus quelques jours sans qu’on s’en apperceust, Car j’apprehendois fort que mon oncle le sceust, Qui picqué de colere en ses impatiences, Faisoit pour me trouver toutes ses diligences, Moy ne sçachant que faire en cette extremité, Et me voyant reduite à la necessïté: Le meilleur eust esté, quand je le considere, De me refugier dans quelque Monastere: Mais sçachant que Paris est un lieu si charmant, Et remply de beautez, j’eus peur que mon Amant, Quoy qu’il se picque d’estre et constant et fidelle, Ne s’esprit en ce lieu de quelque Amour nouvelle Se voyant loing de moy ; cette apprehension A changé tout à coup ma resolution, Pour venir apres luy, j’entreprends ce voyage, Mais afin qu’il n’ait pas sur moy cet advantage De se vanter partout, d’avoir eu le pouvoir De me faire courir apres luy pour le voir; Outre qu’il se pourroit refroidir en luy mesme, Sçachant jusqu’à tel point une Maitresse l’ayme. Je n’ay point eu dessein en aucune façon Que de mon arrivée il peust prendre soupçon, Je veux faire un effort afin de le surprendre, Voilà ce qu’en effect tu ne pouvois comprendre. Il m’escrit fort souvent, je reçoy chaque jour Des lettres de sa part qui marquent son amour, Et Lise sous mon nom dans un Convent receué Et qui se tient au lit pour ne pas estre veuë, Trompant par son adresse Acaste et mes parens Fait croire absolument que je suis là dedans. J’ay voulu pour guerir la crainte qui me tuë Voir Acaste à Paris, mais sans en estre veuë, Et sans qu’en mon pays en aucune façon De ce voyage icy l’on puisse avoir soupçon, Qui semblent en effect choses incompatibles, Et pour dire le vray qui sont presque impossibles. Pour y parvenir donc, Pauline a dans Lion Une cadette à qui j’ay fait prendre mon nom, Sous ce nom supposé j’ay fait qu’on l’a receuë Dedans un Monastere, apres l’avoir vestuë. D’un de mes beaux habits chacun croit en effect Que c’est moy dont Acaste est bien fort satisfait. A qui j’ay fait sçavoir par un escrit sur l’heure Que ce Couvent estoit le lieu de ma demeure, Où je m’estois expres retirée à dessein De me mettre à couvert des faux bruits, et soudain J’en advertis mon oncle en toute diligence, Luy mandant que j’estois en un lieu d’asseurance Pour le mettre en repos, mesme pour l’empescher, De faire aucun effort pour me faire chercher, Et de peur que quelqu’un dedans ce Monastere, Me demandant ne vint descouvrir ce mistere. Cette soeur de Pauline, ainsi tenant ma place, M’advertit en ce lieu de tout ce qui se passe. J’y respons par la Poste, et le Facteur soudain Suborné par argent met les lettres en main De celuy que je veux ; usant de cette adresse, Acaste ne peut pas sçavoir que sa Maitresse Soit ailleurs qu’à Lion, que s’il est arresté Esclave sous les loix de quelque autre beauté, Je puis en peu de jours descouvrir la Geoliere. Parlant à Leonor, fameuse perruquiere, Qui hante en mille lieux, que je vis l’autre jour, Et qui coiffe par tout les Dames de la Cour. Elle m’a conseillé d’user de cette ruse, Pour surprendre l’ingrat s’il est vray qu’il m’abuse, Et qu’il en ayme une autre, et de me desguiser Dessous ce feint habit qui pourra l’abuser. Elle me doit mener en tous lieux avec elle, Je diray que je Coiffe à la Mode nouvelle. Ainsi je pourray bien descouvrir aisement, Si quelque Dame icy recelle mon Amant. Elle me nommera par tout son alliée, Chez moy je passeray pour femme mariée Sous le nom d’Angelique, et j’ay nom à present La Coifeuse à la Mode, Isabelle autrement. Considere Pamphile à present je te prie, Par cet exemple icy que c’est que jalousie. Mais vous ne m’ostez pas mon apprehension, Par la subtilité de vostre invention. Pensez y meurement, vous vous flatez peut-estre. En cet habit icy qui me pourroit connoistre? Và ne redoute rien. Pauline va sçavoir Si Leonor est là, si je la pourray voir? Mais la voicy qui sort, arreste-toy Pauline. Et bien que vous en semble? ay-je pas bonne mine? Suis-je bien desguisêe?         Ouy tres-excellemment, Vous ne pourriez jamais estre plus proprement, Vous avez sans mentir encor meilleure grace Qu’avec vostre autre habit.         Que faut-il que je face? Il vous faudra fournir de cordons et de noeuds, De coiffes, de rubans, de tresses de cheveux, Les ayant ajustez dedans une cassette Vous les debiterez d’une facon adrette, Je pourray vous conduire en cent endroits divers Dans les bonnes maisons des Dames que je sers, Il vous faudra choisir l’heure la plus commode, Je vous feray passer pour Coifeuse à la Mode. Je vanteray par tout vostre dexterité, Vostre adresse à Coifer, et vostre propreté. Pour vos nippes il faut que je vous fasse entendre, Le prix au dernier mot que vous les devrez vendre, Je vous diray les mots, et les termes de l’art, Et si de quelque Dame il faut que par hazard Vostre Amant soit espris, il est bien difficile Que vous ne le trouviez s’il est en cette Ville. S’il est en cette Ville? il n’en faut point douter, Et ne manquera pas sans doute de hanter Où se rencontrera quelque beauté notable. J’en cognois une icy parfaitement aymable Chez qui j’ay ce matin rencontré deux Amants De fort bonne façon, tous couverts de galands, Et je croy que l’un d’eux, ou je me l’imagine, N’est pas de ce pays: car il en a la mine. Ce sera luy sans doute, allons y promptement Leonor, je vous prie. Ah! le perfide Amant, Sans doute il me trahit.         N’entrez point en cervelle De cette Dame là, car je vous respons d’elle, Si c’est pour cét objet qu’il a quelque dessein, Croyez-moi qu’il s’abuse, et qu’il travaille en vain, Je ne cognu jamais fille plus orgueilleuse, Plus vaine, plus revesche, et plus capricieuse; Qui hait plus que la mort qu’on luy face la cour, Que de prez ou de loing on luy parle d’amour. Elle a jusqu’à tel point la cervelle blessée Qu’elle s’offenceroit de la seule pensée, A cause qu’elle croit (sotte credulité) Qu’il n’est homme qui die un mot de verité. Puis qu’elle les hait tous, ainsi comme vous dites, Pourquoy les recevoir, et souffrir leurs visites? Par curiosité, Madame, seulement: Mais si vous y trouvez par hazard vostre aman. Je crois asseurement, quoy que bien desguisée, Qu’il vous reconnoistroit.         Je suis assez rusée Pour surprendre ses sens par mes subtilitez Et pour venir à bout d’autres difficultez, Je ne veux seulement que le mettre en cervelle, Et le rendre amoureux d’une beauté nouvelle En despit qu’il en aye, et tascher aujourd’hui D’avoir quelque advantage en ce point-là sur luy. Il n’est rien impossible à mon amour extresme, Une femme peut tout, si tost qu’elle dit j’ayme. Vostre esprit seul Madame est capable de tout Il n’est rien icy bas dont il ne vienne à bout, Mais il ne laisse pas, pardonnez moy Madame, De me rester encor quelque scrupule en l’ame, Que tout n’arrive pas comme vous l’esperez. Pamphile en ce point-là tes sens sont esgarez Va je ne manque point ny d’esprit ny d’adresse. Flore m’a commandé d’aporter une tresse Nous l’irons voir tanstot, allons montons là-haut. Nous trouverons chez moy les hardes qu’il nous faut. Va, retourne au logis, et me laisse Pauline, Il n’est pas à propos comme je m’imagine Que tu sois avec moy, si Philipin te voit Il est tres-asseuré qu’il te recognoistroit, Acaste me voyant sans suitte et desguisée, Si bien comme je suis, ce sera chose aisée De luy persuader qu’une autre dans ces lieux Dessous ma ressemblance ait peu tromper ses yeux. Persistant à luy dire, il croira qu’il s’abuse. Mais Madame je croy quelque subtile ruse, Dont vous puissiez user qu’il n’est pas fort aisé, De decevoir Acaste, il est par trop rusé. Laisse-m’en le souci ; pour toy tu peux, Pamphile, M’accompagner par tout allant par cette Ville, Tu ne cours point de risque il ne te cognoit pas. Mais pour qui passerais-je?         Escoute, tu diras, A qui t’en enquerra, que tu seras mon pere, Et pour encore mieux couvrir nostre mistere, Qu’estant necessiteux, avec passion Tu cherches pour ta fille une condition Chez quelque honneste Dame, où dessous sa conduite De mille cajoleurs esvitant la poursuite Je vive avec honneur ; va, va, tu m’entens bien, J’ay tort sur ce sujet de te prescrire rien. Mais pourquoy voulez-vous aussi que je m’engage? Ah! c’est trop raisonner, fay bien ton personage, Et je feray le mien. C’est bien à des valets. Madame il faudra donc envoyer au Palais Pour avoir ce qu’il faut dans cette matinée. Ouy, la commission en est desja donnée. Fin du second Acte. Quel changement mon Coeur? et quelle frenaisie Me vient presentement troubler la fantasie? D’où vous vient ce caprice, et cette nouveauté? Quoy vous aymez mon coeur? dites la verité Pourquoy pour ce sujet vous voulez vous contraindre? Parlez-moy franchement, et l’advoüez sans craindre. Mais ne le faites pas, non gardez-vous en bien, Ne me faites jamais un si sot entretien, Ne me l’advoüez point: car si depuis que j’ayme J’ay pris un nouvel estre, et ne suis plus la mesme Que j’estois cy-devant ainsi que je cognoy, Comme si je parlois à quelque autre qu’à moy En discourant d’amour s’il faut que je m’escoute, De honte que j’auray, je rougiray sans doute. J’auray peur de moy-mesme advoüant que mon Coeur S’asservit sous les loix de ce nouveau vainqueur. Je vy dans la tempeste où j’estois dans le calme, Dessus ce Coeur altier vous remportez la palme Amour, et je confesse à present devant tous Que tous plaisirs sont morts en ce monde sans vous: En vivant sans amour on vit dans l’innocence, Si c’est une vertu ce n’est qu’en apparence, Mais ce n’est en effet que folie, et je croy Qu’un qui peut s’exempter d’une si douce loy Vit à l’abry des maux que le Ciel nous envoye, Mais comme un qui n’est plus, il est mort pour la joye Et pour tout passe-temps, comme pour le tourment Et renonce des-lors à tout contentement. Mais Dieux jusqu’à quel point montré-je ma foiblesse? J’ayme un amant qui meurt pour une autre maistresse, J’ayme Acaste, et je sçay qu’Acaste a dans Lyon Pour objet de sa flame et de sa passion, La belle Dorotée, et qu’en effet il l’ayme D’un coeur ferme et constant et d’une ardeur extréme, Et j’apprens par son zele et sa sincerité Qu’il se trouve icy bas de la fidelité Qu’un homme en est capable et que ma repugnance A l’amour provenait d’une fausse croyance Que j’avois, qu’il n’estoit aucun homme icy bas En nous parlant d’amour qui ne nous mentist pas. Mais helas! je voy bien à present le contraire, Je me relasche aussi de cette humeur sevère Et confesse que j’ayme aujourd’hui ce qu’à tort Je haïssois hier à l’esgal de la mort. Je m’admire moy-mesme en ma metamorphose, Car bien que j’eusse peu croire la mesme chose Qu’Arimant qui m’adore, et depuis si long-temps, L’amour la plus parfaite est entre les absens. Acaste est dans Paris, il voit et considere Mille rares beautez capables de luy plaire, Et son coeur toutefois n’a point encore esté Accusé d’inconstance et d’infidélité : Mais dans mon nouveau mal il se trouve un obstacle Que je ne puis lever si ce n’est par miracle, Mais un obstacle grand; car dans ma passion Il se rencontre trop de contradiction. J’ayme Acaste, et s’il faut qu’Acaste se declare En ma faveur il perd cette constance rare Qui m’oblige à l’aymer, et par cette action Il deviendra l’objet de mon adversion. Mais d’un autre costé, quoy! pourroy-je luy dire Qu’il est cause à present de mon nouveau martyre? Non, je ne le dois pas estant ce que je suis, Quel est donc, justes Dieux! l’amour que je poursuis? Où tendent vos desseins? car il est infaillible, Que j’ayme, et d’estre aymée il ne m’est pas possible J’ayme sans esperance, il faut qu’un mesme jour Ensemble voye et naistre, et mourir mon amour. Chassons ce fol desir qui ma raison emporte. Que veux-tu?         Vostre Amant est là bas à la porte, Madame, entrera-t’il?         Que dis-tu? quel Amant? Moy je n’en cognois qu’un, je parle d’Arimant. Quelle peine grands Dieux est pareille à la mienne? Il ne peut à present, va dy luy qu’il revienne Une autrefois icy, cet abord m’est fatal. Dy luy que je ne puis, que je me trouve mal, Il viendra seul icy me parler de sa flame, Et me rompra la teste.         Il n’est pas seul Madame, Acaste est avec luy.         Va descend promptement, Beatrix, et luy dy qu’il entre librement, Que je me porte bien, qu’il a toute puissance. Si je n’avais Madame une ample connoissance De vostre humeur Modeste, et de vostre vertu, Je dirois.     Et quoy?     Rien.         Encor que dirois-tu? Que ce contentement que vous faites paroistre Proviendroit.     Quoy d’amour?         Ne pourroit-il pas estre? Vois-tu pas que ce n’est qu’un simple compliment? Et que je ne puis pas refuser justement Que par galanterie un homme me frequente. Autre chose est d’aimer ou d’estre complaisante. Entrez, Messieurs, entrez.         Madame, nous venons En ce lieu.         Soyons-nous, et puis nous parlerons. De quels divers combats mon ame est assaillie. Vous nous obligez trop.         Et moy je vous supplie De m’excuser si j’entre icy si librement. Vous me faites honneur. Sçachons adroitement Ce que ces deux amans ont dans le fonds de l’ame. Comme vous portez-vous Arimant?         Moy Madame? Je suis icy en vous voyant au bout de mes souhaits. Vous Acaste?         Ignorant ainsi comme je fais En quel estat se trouve à present Dorotée, Ayant les sens troublez et l’ame inquietée De cent divers pensers, Madame je ne puis Vous dire asseurement en quel estat je suis: Car puis que Dorotée est l’ame de mon ame, Et qu’en elle je vy, puis-je savoir, Madame, Si je suis vif ou mort? si malade ou bien sain? Estant de sa santé doncques si peu certain, Vous puis-je de la mienne apprendre la nouvelle? Je ne sçay rien de moy, si je sçay si peu d’elle. Un homme dans Paris qui voit tant de beautez Qui peuvent à chacun ravir les libertez, Ne peut-il rien trouver capable de luy plaire? Nulle jusqu’à present ne m’a peu satisfaire. Il est vray que je voy des beautez chaque jour Capables de charmer, de donner de l’amour. Mais quoy qu’un autre objet puisse plaire à ma veuë, La seule Dorotée est celuy qui me tuë. Cét obligeant discours flate ma vanité, Et je dois esperer beaucoup de ma beauté, Vous vous trompez, Monsieur, car il pourroit bien estre Qu’à Lyon quelque objet vous aura peu paroistre Avec ces qualitez; mais avez vous raison D’en vouloir à Paris faire comparaison? Paris cét abregé des merveilles du monde, Où l’Art, où la Nature en miracles abonde, Où l’on void des beautez dignes de plaire aux Dieux, Dont l’éclat obscurcit tous les Astres des Cieux. Vous avez bien raison, Madame, je confesse Que je puis avoir tort disant que ma maistresse L’emporte par dessus les beautez de Paris, On sçait que sous ce nom tout sans doute est compris, Dans cette erreur pourtant il faut que je persiste, S’il est vray, comme on dit, que la beauté consiste Dans un je ne sçay quoy, qu’on appelle agréement, Ce qui nous plaist nous semble estre beau seulement. Aussi quoy que Ma dame en effet fust moins belle Que celles de la Cour, rien ne me plaist comme elle, Car quand il seroit vray que parmy ses appas Elle eust quelques defauts, je ne les verrois pas. Dieux! quel impertinent.         Flore n’est pas contente A ce que je puis voir d’entendre que l’on vante, De Dorotée ainsi la grace et la beauté: Mais cela ne provient que de la vanité De vouloir plus qu’aucune estre considerée, Et de vouloir de plus par tout estre adorée; Ce n’est point par amour sans doute je le croy Connoissant son humeur comme je la connoy. Que me donnerez-vous pour la bonne nouvelle? As-tu des lettres?     Ouy.     De Dorotée?         Ouy d’elle. Donne-les promptement. Vous m’excuserez bien Madame, si je quitte un si doux entretien. Pardonnez s’il vous plaist à mon impatience. Justes Dieux! c’est bien pis, je perds toute esperance. Je ne sçaurois mon coeur vivre un moment sans toy. Dieux! qu’est-ce que j’entends? Dieux! qu’est-ce que je voy? Ne suffisoit-il point d’avoir l’ame saisie De ce nouvel amour, sans que la jalousie Me vint livrer encor ce furieux combat? Acaste sans mentir n’est nullement ingrat A l’amour qu’on luy porte, il le fait bien paroistre. Et moy je suis pour vous bien éloigné de l’estre En l’estat où pour vous m’a mis ma passion. Pourquoy?         Ne vous ayant nulle obligation, Madame usant vers moy d’un traitement si rude Pourriez-vous m’accuser jamais d’ingratitude? Vous vous emancipez un peu trop, Arimant. Je peche, si l’on peut pecher en vous aymant. Arimant, osez-vous me parler de la sorte? Madame pardonnez.         Voy qui frape à la porte. Va viste Beatrix.         Bien Madame j’y cours. Ne me tenez jamais de semblables discours. Si vous n’avez dessein de me mettre en colere. Madame excusez-moy.         C’est cette Perruquiere Qui vient pour vous coiffer.         Ah! Beatrix, dy luy, Que je ne sçaurois pas me coiffer aujourd’hui. Est-ce pas Leonor?         Ouy, Madame, c’est elle. Madame vous plaist-il d’une façon nouvelle Voir des coiffes, des noeuds, des tresses, des rubans, Des bracelets brodez, et de forts beaux galands? Je le veux bien, voyons, approche toy ma fille. J’en ay de toute sorte.         O Dieux qu’elle est gentille, Vostre nom.     Isabelle.         Elle cherche à servir, Madame, et vous sçavez qu’elle coiffe à ravir. Emmenez la demain Leonor, je vous prie. Je n’y manqueray pas.         Je ne vis en ma vie Une plus agreable et plus rare beauté. Vous excuserez bien mon incivilité, Madame, s’il vous plaist.         Dieux! j’aperçoy ce traistre. Ah Leonor! c’est luy.         Ne faites pas paroistre Que vous le connoissez.         Leonor, je ne puis Contenir mon esprit dans le trouble où je suis. Ne vous emportez pas.         Que je suis agitée! Cette lettre, Monsieur, vient donc de Dorotée? Ouy, Madame, excusez j’ai desiré la voir. Que voye-je? justes Dieux! je suis au desespoir. Et vous avez raison de m’en faire un reproche. Pour quel sujet, Monsieur?         Tiens, Philipin approche. Je vous entends fort bien.         Escoute, parle à moy. N’est-ce pas Dorotée à present que je voy. Ce ne l’est pas, Monsieur, mais ce la devroit estre. Je perds l’esprit grands Dieux! voyez un peu le traistre, Le tour que m’a joüé cét insigne affronteur, Maudit soit le mestier, je le dy de bon cœur, Si jamais je m’en mesle.         Ah Dieux! estes-vous fole ? Que faites-vous mamie?         Ah ! je perds la parole. Qui ne la seroit pas voyant ce que je voy. Etes-vous en colere.     Ouy j’y suis.         Mais pourquoi ? J’en ay trop de sujet.         Dites-le, je vous prie. Il faut dissimuler. Voyez l’effronterie, Et si je n’ay pas lieu de me deseperer. En certaine maison où je n’ay fait qu’entrer, Madame, l’on m’a pris une piece à ma veüe, Et tout presentement je m’en suis apperceuë, Et c’est celle en effect que j’estimois le plus. O Dieux vit-on jamais un homme plus confus! Si je ne connoissois fort bien cette escriture, Mais que dis-je, c’est elle ?     Elle ?         Ouy, je te le jure. Ne jurez point, Monsieur, pourquoy vous obstiner ? Vous pechez seulement de vous l’imaginer. Je ne sçaurois du tout comprendre ce mystere, Je sçais que Dorotée est dans un Monastere Que sert de contester plus long-temps sur ce point ? Je veux r’avoir mon bien, je ne le perdray point. Vous estes sans mentir un peu trop violente. Ah! Madame, c’estoit une piece excellente, Si vous la connoissiez comme je la connois. Regarde, Philipin, jusqu’au ton de la voix N’est-ce pas elle-mesme ? ah! c’est chose admirable. Il est vray qu’on ne peut rien voir de plus semblable. Je feray pour l’avoir tout ce que je pourray Quand je devrois perir.         Je vous la payeray Dites ce qu’elle vaut la belle, je vous prie. Je me plains seulement de la fripponnerie, Et non pas de l’argent, je n’en fay point de cas : Mais deussé-je mourir, je ne m’en tairay pas. Le voleur n’est pas loing, au moins je le soubçonne Je me vangeray bien de certaine personne Que j’ay pris jusqu’icy pour un homme d’honneur, Quoy qu’il paroisse tel, ce n’est qu’un affronteur, Il estoit dans la chambre aupres de moy, ce traistre, Qui m’a joüé ce tour, je luy feray paroistre, Quelle femme je suis, il n’en doit pas douter, Et si je luy pardonne il s’en pourra vanter. Voyant qu’elle est si fort semblable à ma maistresse Comme elle sans mentir je ressens la tristesse, Pour si peu de sujet faut-il crier si fort ? Si c’est tout mon vaillant, Monsieur, ai-je grand tort De sentir cette perte.         Ah! la pierre est jettée, Si cette fille icy ressemble à Dorotée Quelle qu’elle puisse estre il faut absolument Quoy qu’il puisse arriver, que je sois son amant. Vous mocquez-vous, Monsieur, estes-vous en vous-mesme ? Il faut absolument, Philipin, que je l’ayme Il n’est rien icy bas qui m’en puisse empescher. Adieu, Madame, adieu, je m’en vay le chercher. Suivons-la, Philipin, et courons apres elle, Pardonnez moy, Madame, une affaire m’appelle, Qui m’importe beaucoup, je prens congé de vous. Adieu, Monsieur.     Adieu.         Pour moi je me resous De vous accompagner.         Demeurez je vous prie, Il faut que je sois seul, je vous en remercie. Comment, vous le laissez aller seul Arimant ? Vous ne le devez pas, je croy qu’asseurement Il a quelque querelle, et vous auriez du blasme De le quitter ainsi.         Je croy qu’il va, Madame, Respondre à ce pacquet qu’il vient de recevoir, Vous n’avez pas sujet d’ainsi vous esmouvoir, Sur une foible peur peut-estre mal fondée. Moy si pour ce sujet je suis intimidée, Et si vous m’en voyez le visage blemy C’est parce que je sçay qu’Acaste est vostre amy. Mais à quoy bon, Madame, envers moy cette excuse ? Celuy qui satisfait avant que l’on l’accuse Donne lieu de douter, et d’entrer en soubçon. Ah ! vous vous emportez d’une estrange façon, Quel sujet avez vous d’entrer en frenaisie ? Vous donnez lieu vous-mesme à cette jalousie, Par ces soins superflus, et ces precautions, Je ne me repais point d’imaginations. Mais puis que le mal-heur d’Acaste vous afflige, Sçachez que desormais, Madame, je m’oblige Pour ne pas exciter à ce point vostre ennuy, De ne venir jamais vous visiter sans luy. Afin de recevoir de vous meilleur visage. Osez-vous, Arimant, me tenir ce langage ? N’avez-vous pas esté de moy fort bien receu, Devant qu’il m’eust connuë, et que je l’eusse veu ? Je tasche à le cacher, mais il est impossible Dans mes yeux seulement mon amour est visible, Arimant le cognoist, il s’en apperçoit bien. Je vay vous delivrer d’un fascheux entretien. Je prends congé de vous.         Je suis vostre servante. Elle brusle d’amour la chose est evidente, Je cognois bien qu’Acaste est maistre de son cœur, Mais il est mon amy je n’en ay point de peur Et puis il ayme trop sa chere Dorotée. Je l’ay toujours suivie, et ne l’ay point quittée C’est dans ce logis-là que je l’ay veuë entrer. Il est certain, Monsieur, qu’on ne peut rencontrer Dans l’univers entier un object si semblable. Il est vray, je le jure, et c’est chose admirable. Et je croy peu s’en faut, en un fait si douteux. Qu’en effet ce ne soit qu’une seule des deux. Mais que voulez-vous faire ?         Attendre à cette porte, Car enfin tost ou tard il faudra qu’elle sorte. Mais je croy qu’il vaut mieux entrer dans la maison Pour obliger cét homme à luy faire raison Du larcin qu’il a fait, car c’est chose certaine, Voyant de la façon qu’elle en estoit en peine, Que c’est-là son logis, je crains les accidents, Car on luy pourroit faire un affront là-dedans. Quel est vostre dessein, je ne le puis comprendre. De force ou d’amitié je lui veut faire rendre Ce qu’elle veut ravoir, ne perdons point de temps, Va frappe.         Vous avez je croy perdu le sens. Parlez vous tout de bon, Monsieur ?         Frappe, te dis-je. Je parle tout de bon.         Encor qui vous oblige A cette extravagance ? Ah Monsieur avons-nous Le moyen de pouvoir resister à leurs coups ? Quelle force avons-nous pour oser l’entreprendre ? Si vous les attaquez ils se voudront deffendre, Et nous assommeront, Monsieur, pensez-y bien. Va tu n’es qu’un maraut, je ne redoute rien. Que voulez-vous, Monsieur ?         Tout à l’heure mon pere Vient d’entrer là dedans certaine perruquiere Qui va coiffer en ville, et qui vend que je croy Quelques hardes d’atour, de grace obligez moy De me la faire voir, et de luy faire rendre Des hardes que tanstot elle m’a fait entendre Qu’on luy retient ceans. Autrement         Autrement Nous nous retirerons Monsieur asseurément. Celle dont vous parlez n’est point icy venuê. Je ne me trompe point mon amy, je l’ay veuë. Mes yeux ne peuvent pas s’abuser que je croy. Mais vous me devez croire et vous fier à moy, S’il est vray toutesfois que cette perruquiere Soit entrée au logis, la porte de derriere Aura peu luy donner moyen de s’eschaper. Monsieur ne voudroit pas que je croy vous tromper, Et ne le diroit pas s’il n’estoit veritable. Ah ! c’est icy Monsieur un logis honorable, Où l’on ne commet point une telle action, La Dame qui l’habite est de condition, Femme depuis trois ans d’un brave et galand homme Maistre d’hostel du Roy.         Comment est-ce qu’on la nomme ? Son nom est Angelique.         Ah ! j’ay les sens confus. Et je suis interdit si jamais je le fus. Il est tres-vray, Monsieur,         Encor que je vous croye, Je sçais qu’elle est ceans, faites que je la voye Mon amy je vous prie, ou bien je me resous. Ne me croyez-vous point ?         Pourquoy contestez-vous ? Monsieur le voudroit-il soustenir de la sorte. Entrons et visitons un peu cette autre porte. Fin du troisième Acte Quel est vostre dessein ? pourquoy revenez-vous Encor de ce bon homme exciter le couroux ? Je crains plus que la mort que ce Vieillard ne sorte, Il ne viendra point seul, il aura de l’escorte, Ils nous pourront frotter asseurément, Monsieur, Il est fort résolu.         Quoy maraut, as-tu peur ? Non je n’ay point de peur, mais cette diligence Me paroist inutile, encor quelle apparence, Que cette fille icy soit encor là dedans. C’est perdre icy, Monsieur, et sa peine et son temps. Leonor vous a dit maintenant qu’Isabelle N’estoit plus en ces lieux, et qu’elle estoit chez elle, Elle vous a promis de faire son pouvoir Dans deux heures au plus de vous la faire voir. C’est une invention peut-estre dont elle use Pour s’eschaper de moy, je croy qu’elle m’abuse, Et qu’elle ne veut pas que je la trouve icy, Mais tout presentement j’en veux estre éclaircy, Sçachons si Leonor est en cecy coupable. Si mon soubçon est faux, ou s’il est veritable. Va frappe à cette porte.         Ah Monsieur tout de bon ? Gardons-nous, ce Vieillard est un mauvais garçon, Il nous lorgnoit tanstot d’une estrange posture, Et nous mangeoit des yeux, c’est une chose seure, Qu’il bande son fuzil, et s’arme là dedans Que voulez-vous, Monsieur ? que cherchez-vous ceans ? Madame je cherchois. Ah Philipin regarde, Que voi-je que vois-tu ? justes Dieux pren bien garde Si cette Dame icy te paroist comme à moy ? Nous sommes fols tous deux, ouy Monsieur je le croy, Que diable voi-je icy ce miracle m’effroye. Me trompez-vous mes yeux ? que faut-il que je voye ? Nous avons la berluë, et nous n’avons rien veu. Vous ne respondez point ?         Ce Cavalier a creu Qu’il est entré chez vous une certaine fille Qui coiffe proprement, et qu’il trouve gentille. Il faudroit bien nous mettre au rang des innocens, Si l’on trompoit ainsi le plus clair de nos sens. J’ay dit la verité, mais Madame il s’en pique. Madame est-il bien vray qu’on vous nomme Angelique, Et que depuis trois ans vous avez pour espoux Un officier du Roy ?         De quoy vous meslez-vous ? Et qui vous fait, Monsieur, informer de ma vie ? D’où vous vient cette humeur ? d’où vous naist cette envie ? Ha ! je perdrois icy cent fois le jugement. N’en doütez point Monsieur, c’est un enchantement. Si je vous croy, madame, il faut croire un miracle, Je vous croy toutesfois, quoy qu’un puissant obstacle S’oppose à ma croyance, et par là je voy bien Que je ne dois apres jamais douter de rien. Pour ne pas dementir une bouche si belle, Je croy ce qu’elle dit, et je me fie en elle, Plus qu’à mes propres yeux ; Ouy, madame je croy Que mes yeux m’ont trompé, qu’ils se mocquent de moy, Que sans les consulter cette maison est vostre, Et que je prens sans doute un logis pour un autre. Je vous entends, je voy vostre cœur dans vos yeux, Le mien m’en dit assez, mais il vaudroit bien mieux Que dans ces actions qu’on doit tenir secrettes, Je vous visse autrement agir que vous ne faites, Car s’il est vray, Monsieur, ainsi que je le croy, Que vous ayez du zele et de l’amour pour moy, Si comme il est certain vous estes celuy mesme Qui depuis quelque jours fait paroistre qu’il m’ayme, Qui par mille concerts me resveille la nuict, Qu’est-il besoin, monsieur, de faire tant de bruit ? Vous pouvez autrement tesmoigner vostre flame, Que par ces actions publiques.         Moy, Madame ? C’est à ce coup grands Dieux que je perds tous les sens. Vous devez mieux, monsieur, employer vostre temps, Quoy que je vous en sois en effet obligée, Ma reputation y peut estre engagée, Cette galanterie est bien hors de saison, N’y revenez donc plus, vous n’avez pas raison. Jugez que mon mary, comme il est homme d’aage, De bien moindres subjets peut prendre de l’ombrage. Il est homme d’honneur qui hait les vanitez, Et qui ne souffre point toutes ces libertez. Pourquoy desirez-vous vous mettre je vous prie A chaque heure du jour au peril de la vie ? Il est d’autres moyens, on gaigne des valets On peut secrettement envoyer des poulets, Sans faire tant de bruits, et sans se mettre en peine, Je ne suis point, monsieur, tout à fait inhumaine, Declarez-vous de jour, sans emprunter les nuicts, Car j’ayme autant l’honneur que je hay les sots bruits. Si vous estes discret vous pouvez bien m’entendre, Ce que je dis n’est pas difficile à comprendre, Adieu, je suis troublée, et je crains mesme aussi Que mon mary ne vienne, et ne vous trouve icy. Cecy vous doit suffire.         Hé quoy ! ma chere Dame, Elle part, et me laisse un grand trouble dans l’ame, Je l’embarrace bien, qu’il doit estre confus. Je suis tout hors de moy si jamais je le fus, Quelle confusion à la mienne est pareille ? Respons moy Philipin, est-il vray que je veille ? O la belle demande, il faut certainement Que nous dormions tous deux par quelque enchantement, Quelque démon sans doute, ou bien quelque sorciere Qui revient du sabat, nous trouble la visiere. Je ne puis que juger en cette occasion, Je sçais que Dorotée est sans doute à Lyon, Elle est dans un couvent mes amis me l’escrivent, Je n’en sçaurois douter, et mes lettres arrivent Tous les jours en ses mains, elle reçoit aussi Celles que je luy mande : Ah ! Philipin, icy Je perds le jugement et l’esprit tout ensemble, Car cette Dame icy tellement luy ressemble, Que tout autre en ma place y seroit attrapé, Mais voy comme d’ailleurs je suis encor trompé. La Coiffeuse de Cour, la petite Isabelle, Luy ressemble si fort qu’on la prendrait pour elle, Et je suis tres-certain qu’aucune toutesfois De ces deux là ne l’est.         Ainsi c’en sont donc trois Pour une Dorotée.         Ouy Philipin, et semble Que pour troubler mes sens le destin les assemble. Que pretendez-vous faire en cette occasion ? Je ne sçay Philipin, la forte passion Que j’ay pour Dorotée, a fait pour l’amour d’elle, Que j’ay tantost suivy la petite Isabelle, A cause du rapport de son visage au sien, Si cette Dame icy, comme je le voy bien Avecque Dorotée est une mesme chose, Pour elle à tout peril desormais je m’expose, Ouy, je la veux servir ayant sceu d’aujourd’huy, Qu’un galand la courtise, et qu’on me prend pour luy. Que dira Leonor, qui vous a fait promesse De vous faire parler à vostre autre maistresse, J’entens à la Coifeuse ? elle vous descrira Aupres d’elle sans doute, et s’imaginera, Mesme elle aura raison que vous vous mocquez d’elle. Ah ! j’adore Angelique , aussi bien qu’Isabelle, Toutes deux sur mes sens ont un esgal pouvoir, Car j’ayme Dorotée, et je la pense voir Comme dans une glace en ces deux beaux visages, Ouy, le Ciel a formé ces trois parfaits ouvrages, Dessus un mesme moule, et je croy qu’en effet Des trois l’une de l’autre est le vivant portrait Leonor m’a parlé je croy par raillerie, Isabelle me fuit, Angelique me prie, Oüi c’est bien me prier m’indiquant la façon Dont je la doy servir, et m’en faisant leçon, Et quand bien ma poursuite en ce cas seroit vaine, Du moins durant ce temps j’entretiendray ma peine : Et j’auray le plaisir de flater mon tourment Tandis que je vivray dans cét enchantement Le Ciel vueille à bon port conduire cette affaire, Et vous inspire bien ce que vous devez faire. M’en blasme qui voudra le sort en est jetté, Adorons cette rare et charmante beauté. Tu l’as veu, Leonor ?         Je ne vous sçaurois dire Combien pour vos beautez ce pauvre amant souspire, J’ay veu dedans ses yeux plus à clair que le jour, Que pour vostre sujet il brusle et meurt d’amour, Et pour vous faire voir que cette ressemblance L’a picqué jusqu’au vif, sur la seule esperance Qu’il a que je vous dois parler en sa faveur, J’ay veu qu’il reprenoit sa belle et gaye humeur, Et m’a mis dans la main malgré moy dix pistoles, Disant qu’il ne vouloit qu’autant de mes paroles, Pour marquer ses transports et sa ferme amitié, Certes cette franchise a touché ma pitié, Mais en voyant d’abord son ame inquietée, Doutant que vous fussiez la mesme Dorotée, J’ay sceu luy déguiser la chose de façon Que j’ay facilement effacé ce soubçon. Il vous prend pour une autre, et pour luy faire croire, J’ay commençé sur l’heure à luy faire une histoire : Tellement intriguée, et pleine d’embarras Qu’il vous croit en effet ce que vous n’estes pas. Et bien qu’en dites-vous ? ô folles que nous sommes, De nous vouloir fier aux paroles des hommes. Ah ! Madame, il est vray, ce sont tous affronteurs, Infidelles, legers, perfides, imposteurs, Qui pourroit se fier jamais à leur parole, Je veux gager aussi que Philipin cajole La servante de Flore, il n’en faut point douter. Il fait comme son maistre, il le doit imiter. De façon donc qu’Acaste en tient pour Isabelle ? Madame il est certain, il meurt d’amour pour elle. Dieux ! je croyois plutost que le Ciel deust changer, Que de croire qu’Acaste eust esté si leger, Cét Acaste, grands Dieux ! que mon cœur idolatre, Sans celles que j’ignore est amoureux de quatre, Et puis faictes estat de son affection. Il ayme Dorotée, il la croit à Lyon, Et dans un mesme temps cét inconstant se pique D’Isabelle à Paris, de Flore, et d’Angelique. Il faut bien qu’il adore Isabelle en son cœur Puis qu’il vous a prié d’agir en sa faveur, Et de luy tesmoigner l’amour qu’il a pour elle, Pour Flore tout de mesme, il se met en cervelle. Durant que nous estions tanstot dans sa maison, Il m’a fait assez voir sa lasche trahison. Dois-je douter de plus d’Angelique ? il l’adore Autant il est certain, qu’Isabelle, et que Flore : Car si vous eussiez veu, Leonor, à quel point Il estoit interdit vous n’en douteriez point. Il me faisoit chez moi de l’œil mille carresses, Ainsi sans Dorotée Acaste a trois maistresses, Si donc le plus fidelle et le plus constant d’eux Est tel, que dirons-nous des autres amoureux ? Mais, madame, je suis bien plus que vous à plaindre, Vous n’avez ce me semble aucun sujet de craindre, Rien ne doit aujourd’huy troubler vostre repos. Vous vous embarracez l’esprit mal à propos, Il ayme en mesme temps ses objets adorables, Parce qu’ils sont de vous les vivantes images, Mais Philipin voit-il en Beatrix un traict Qu’on puisse de Pauline apeller le portrait. Ainsi dans ce mal-heur que vous nommez extresme, Vous estes seulement jalouse de vous mesme, Et n’avez pas raison de vous plaindre si fort. Croy moy si je me plains que ce n’est point à tort, Cette Flore qu’il ayme, et qui m’a supplantée Est-elle donc semblable encor à Dorotée ? Mais cét amour n’est pas encor bien averé, Peut-estre avez-vous tort tout bien consideré. Pour l’avoir rencontré dans la maison de Flore. Madame est-ce un sujet pour dire qu’il l’adore ? Je le sçaurais bien-tost, je n’espargneray rien, Quand je devrois perir, j’esclairciray fort bien Ce soubçon aujourd’hui.         Que pretendez-vous faire ? Ma fille, absolument je me veux satisfaire, Je veux si je le puis garder mes interests, Ouy je luy rogneray les ongles de si pres Que je l’empescheray desormais qu’il ne puisse Entreprendre en amour rien à mon prejudice, Et si de m’offenser il a quelque dessein Je pareray le coup, et je le rendray vain. Je veux aller voir Flore, et je veux sçavoir d’elle S’ils bruslent d’une flame égale et mutuelle Quelques subtils qu’ils soient, ils auront que je croy Tous deux bien de la peineà se cacher de moy. Leonor me l’a peint d’une humeur dédaigneuse, Si farouche, si sotte, et si capricieuse, Qu’il n’est homme icy bas qui ne luy fasse peur, A cause qu’elle croit que tout homme est trompeur. Ce remede est certain.         Pour croistre son ombrage, Je luy veux peindre Acaste et menteur et volage. Je connoistray par là s’il est vray qu’elle en tient, Et verray si l’on butte à ce qui m’appartient. Je me veux déguiser sous le feint nom d’Helene, J’yray visiter Flore, et c’est chose certaine, Que je donneray droit au but où je pretens, Cependant Leonor, ne perdons point de temps, Taschons de mesnager adroittement l’affaire. Il faut que vous alliez promptement contrefaire Un escrit d’Isabelle, et dedans ce moment Vous la mettrez aux mains de ce volage amant : Ce billet contiendra qu’Isabelle l’adore, Qu’elle se meurt d’amour, et faut qu’il dise encore Qu’elle brusle d’envie aujourd’hui de le voir, Et vous me menerez en son logis ce soir. On attend de Lyon un extraordinaire Qui doit venir tantost, je veux du Monastere Qu’il reçoive par luy de ma part un escrit, Qui luy va plus que tout encor troubler l’esprit : Car je luy manderay que j’ay sujet de craindre Que mon oncle à la fin ne me vueille contraindre D’espouser un rival dont il me presse fort, Et que pour l’empescher il fasse son effort, Et qu’il vienne à Lyon en toute diligence, Lucille par delà qui passe en la croyance De tous pour Dorotée ayant sceu mon dessein A donné cét advis par un mot de ma main, A Clite, à qui sur tous mon Acaste se fie. Or je n’ay pas de peur qu’un confident oublie A luy faire sçavoir cét advis important, Acaste recevra mes lettres en mesme instant, Pamphile ira le voir de la part d’Angelique, Luy portant un billet nous verrons s’il s’en picque, Ce billet chantera que son mary soudain Part pour aller aux champs, et que s’il a dessein De la voir librement, il peut aller chez elle, Je cognoitray par là son amitié nouvelle, Et s’il preferera cette inclination Qu’il a dedans Paris à celle de Lyon. Par cette invention que je trouve admirable, Je verray si sa flame est feinte ou veritable, Et je me vangeray par là de tout l’ennuy, Et de tous les tourmens que j’endure pour luy. Dans la confusion de cét amour extresme, Il en aymera trois sans sçavoir ce qu’il ayme : Et puis que par moy-mesme il m’offense aujourd’huy, J’en pretens faire autant, et me vanger par luy. Cette subtilité me semble une merveille, A-t-on jamais parlé d’une fourbe pareille ? Quel autre esprit pourroit en telle occasion Trouver une plus belle et rare invention ? Des finesses l’Amour est le pere et le maistre. Vous le faictes, Madame, aujourd’hui bien paroistre. Tu le verras tanstot, et c’est ce que l’Amour M’a depuis que j’y suis apris en cette Cour. Quelle confusion est pareille à la mienne ? Cette femme est je croy quelque magicienne, Ou plutost quelque Diable. Ah ! monsieur, il faut bien Que cét enchantement où je ne comprens rien Vienne d’un rare esprit, voicy des coups de maistre. Car dites-moy comment un seul objet peut estre Angelique, Isabelle, et Dorotée encor, Mais vous attendez-vous, Monsieur, que Leonor Vous revienne trouver ? Ce ne sont que frivoles, Croyez qu’apres avoir attrapé vos pistoles Elle se mocquera de vous asseurément. Nous le verrons.     Que trop.         Mais je vois Arimant. Quoy si pres du logis je vous trouve en la ruë ? Sans entrer ?         J’attendois icy vostre venuë. Pourquoi ?         Je ne doy pas, et n’aurois pas raison D’entrer seul et sans vous dedans cette maison, Car cette liberté vous feroit prejudice, Croyez que si j’y viens c’est pour vostre service. Tresve de compliments je vous prie entre nous, Vous pouvez plus icy sans moi, que moy sans vous. Je ne vous entends point, cette enigme m’estonne. Je ne veux, cher Acaste, estre obscur à personne, Je me veux expliquer, sçachez donc que je croy Que Flore a de l’amour pour vous, et peu pour moy. Je vous quitte Arimant, vous me faittes outrage, Et je ne puis souffrir ce discours davantage. Ne vous offensez point, je vous tiens innocent, Celuy seul est coupable en amour qui consent. Cher Acaste on vous ayme, il est indubitable, Mais vostre cœur n’est point de trahison capable, Je le sçay, je le voy sans en estre jaloux, Enfin je ne crains rien d’un tel amy que vous. Voyons ensemblement cette belle orgueilleuse Qui mesprisoit l’amour, et qu’on voit amoureuse. Souffrez puisque son cœur de vos yeux est espris Que par vous je me vange en fin de ses mespris, Puis que vous le voulez, je n’ose contredire, Entrons, je le veux bien, mais je voudrois escrire Un mot auparavant, le courrier va partir Dans une heure au plus tard, on m’en vient d’avertir. Puis donc que ma presence en ce lieu vous console, Entrez je vous rejoins, j’en donne ma parole. Je n’ose, allez escrire, Acaste, et cependant Je me promeneray seul en vous attendant. Je n’ay jamais ouy parler de cette femme. Helene, me dis-tu de Peralte ?         Ouy, Madame, A ce que dit son homme elle s’appelle ainsi. Je ne la cognoy point, et je suis en soucy Beatrix, quelle elle est.         Madame elle est tres-belle. Enfin, dy luy qu’elle entre, allons au devant d’elle. Madame excusez-moy, ma curiosité M’a fait venir icy pour voir vostre beauté, Ce n’est point sans sujet que par tout on l’estime. La loüange pour vous seroit plus legitime, N’ayant rien qui ne charme, et l’on doit advoüer, Madame, qu’apres elle il ne faut rien loüer. Quoy cette belle bouche a de la flatterie, Mais que regardez-vous Madame je vous prie. Ou mon œil m’a trompée, ou sans mentir je croy Vous avoir veüe ailleurs.         Madame excusez-moy, Cela ne peut pas estre. Il faut que je vous die Le sujet qui me fait paroistre si hardie, D’oser si librement venir vous visiter, Je viens pour vous servir, et pour vous réciter Un estrange discours, et sçay que ma venuë (Encor que je n’ay pas l’honneur d’estre conneuë D’un objet si charmant) ne vous déplaira pas. Je hay les innocens, j’abhorre les ingrats, Et je ne puis souffrir qu’un traistre et qu’un volage Ait la gloire d’avoir sur vous quelque advantage, Comme il l’ose par tout vainement publier. Vous devez donc sçavoir qu’un brave Cavalier Bien fait, vaillant, et noble autant qu’on le peut estre, Mais volage, inconstant, vanteur perfide et traistre, Abuse tout le monde, et fait profession D’avoir en mille lieux de l’inclination. A certaine beauté cét Hylas par caprice A fait depuis un an offre de son service, Et la pauvre abusee aymant ce suborneur, Enfin abandonna jusques à son honneur. Un peu de temps apres sans faire nul cas d’elle Ce volage brusla pour une Amour nouvelle, Et ce nouvel amour l’emporta de façon Qu’il luy troubla les sens, car pour certain soubçon D’un rival qui d’abord troubla sa fantasie, L’appelant en duël, il le priva de vie. Il fut soudain forcé pour ce meurtre commis Pour se mettre à couvert de quitter son pays. Icy je meurs de honte, et le courroux m’emporte, Madame escoutez moy, ce discours vous importe Plus que vous ne pensez : Cét inconstant Hylas Depuis qu’il est en Cour adore les apas D’une rare beauté, d’une humeur dédaigneuse, Mais d’un merite extresme, et si fort scrupuleuse En matiere d’honneur, qu’elle avoit fait serment De n’accepter jamais les vœux d’aucun amant : Mais cette modestie et cette retenuë, A ce que l’on m’a dit, à present est vaincuë, Je ne sçay s’il a pû d’elle venir à bout, Mais je sçay bien au moins qu’il s’en vante partout. Or tout presentement quelqu’un m’a fait entendre Que depuis ce matin son cœur s’est laissé prendre Aux attraits amoureux d’une jeune beauté, D’un petit chaperon, d’un visage affetté Qui hante en mille lieux, et qui sçait la metode De coiffer proprement les Dames à la mode. Ce n’est pas tout, Madame, il est dedans Paris Depuis une heure ou deux, esperduëment espris D’une femme d’honneur qu’on appelle Angelique, Ce discours est obscur, il faut que je m’explique, Et que presentement je vous declare icy Le nom de ce Galand, et des Dames aussi. Cèt Hylas est Acaste, et la premiere Dame Pour qui son cœur conceut une si prompte flame, C’est moy qui ne crains point de dire franchement Que j’ay donné mon cœur à ce perfide Amant, Que je l’ay dés Lyon suivi dans cette ville, Et que chez Arimant, comme dans un asile, Il me tient enfermée, et n’ay pû jusqu’icy Me faire voir d’aucun, ny voir aucun aussi. L’autre apres qu’il ayma s’appelle Dorotée Qui se tient à Lyon, fille qu’il a quittée Pour cét objet charmant que je vous ay conté, Qui hait tous les Amans pour leur legereté. S’il est vray que c’est vous estant ce que vous estes, Voudrez vous d’un tel homme augmenter les conquestes ? Ce discours me surprend, et je ne sçay pourquoy Vous osez faire icy tel jugement de moy. Madame, si je n’ay l’honneur de vous connoistre Par ce libre discours, vous faites bien paroistre Ne me cognoistre point en aucune façon, Et pour vous effacer de l’esprit ce soubçon, Tenez pour asseuré que celui que vous dites, Et dont injustement vous vantez les merites M’a veuë, et me cognoist seulement d’aujourd’huy, S’il n’a pas plus d’amour pour moy, que moy pour luy. Vous l’accusez à tort, et m’accusez moy-mesme, Aussi mal à propos en disant que je l’ayme. Madame excusez-moy d’avoir si mal jugé Ah ! le lasche.         Je sors et prens de vous congé, Je pensois vous servir, et je vous mescontente. Madame excusez-moy je suis vostre servante. Fin du quatriesme acte. Resvez-je point icy ? suis-je bien éveillée ? Ma paupiere, grands Dieux ! est-elle dessillée ? Quoy respiray-je encor ? quels charmes si puissans M’empeschent de joüir de l’usage des sens ? Quelle confusion à la mienne est pareille ? Vous abusez-vous point en cecy mon aureille ? Avez-vous entendu ce discours clairement ? Est-ce une chose vraye, ou quelque enchantement ? Acaste est infidelle, et j’en ay tenu conte ? Je l’aymois, justes Dieux ! Ah j’aurois trop de honte Que cét indigne amour peust m’estre reproché, J’ay fait ce que j’ay pû pour le tenir caché. Mais mes yeux ont trahy les secrets de ma flame, Sors de mon cœur perfide, abandonne mon ame. Acaste est infidelle, ah Dieux ils le sont tous ! Le meilleur ne vaut rien, enfin je me resous De n’en croire pas un, mais je le voy paroistre Le volage, l’ingrat, le perfide, le traistre, Dissimulons mon cœur, mais non je ne le puis, Faisons voir quel il est, et montrons qui je suis. Acaste est-il bien vray ce que je viens d’entendre ? Quoy, Madame ?         Je viens presentement d’apprendre Vos rares qualitez, s’il est vray ce qu’on dit Vous avez pres de moy perdu vostre credit. Ne vous montrez jamais à mes yeux je vous prie. Encor pour quel sujet ?         Dieux quelle effronterie Le diray-je en un mot, il pretend vous oster Tout sujet desormais de vous pouvoir vanter, Comme vous avez fait publiquement que Flore Ne voit que par vos yeux et qu’elle vous adore. Dieux qui peut exciter ainsi vostre courroux ! Que dites-vous Madame ?         Acaste taisez-vous, Ce que je dis est vray j’en suis bien informée, Et c’est avec raison que je suis animée. Encor qui vous a fait de moy ce faux rapport ? Ce rapport n’est point faux, non, non vous auriez tort De vouloir démentir l’objet de vostre flame, Dites, cognoissez-vous une certaine Dame Qui se nomme : mais quoy, je sçay qu’asseurément Vous direz qu’il est faux, Acaste, et qu’elle ment, Et mesme vous feindrez de ne la pas cognoistre. Nommez-la s’il vous plaist, qui pourroit-ce bien estre ? Helene de Peralte, elle s’appelle ainsi, La cognoissez-vous pas ?         Ah Dieux ! qu’entens-je icy ? Madame asseurez-vous que c’est une imposture, Et que je ne cognois.         Amy je vous conjure D’admirer franchement tout ce que Flore dit, Que vous importe-t’il de perdre tout credit, Si vous ne l’aymez point ? que vous importe encore D’estre d’oresnavant bien ou mal avec Flore, Vous me donnez la vie, advoüant en ce point Que vous la cognoissez, et qu’elle ne ment point. Quoy pour l’amour de vous, faut-il que je confesse, Que j’ay le cœur si bas.         Ce n’est que gentillesse. Je ferois plus pour vous et n’espargnerois rien. Il est confus de voir que je la cognoy bien. Que dit-il Arimant ? Car je suis asseurée Par la fidelité que vous m’avez jurée Que vous me direz vray.         Craignez-vous de parler Que vous sert, cher amy, je me voulois contraindre, Mais si vous sçavez tout, que serviroit de feindre ? Quoy qu’en le confessant je demeure interdit. Il n’est rien de plus vray que ce qu’on vous a dit. Vous confessez d’aimer la petite Isabelle, La Coifeuse à la Mode ?         Ouy je brusle pour elle. Elle a tant de beauté, tant de grace, et d’appas, Que je ne sçaurois vivre, et ne l’adorer pas. Vous aymez Angelique aussi.         Je le confesse Mais quel cas faites-vous de cette autre maistresse Qui se tient à Lyon, qu’on nomme, que je croy, La belle Dorotée ?         Autant que je le doy. J’estime Dorotée.         Et bien, que vous en semble ? Vous me confessez donc d’en aymer trois ensemble ? Ouy, Madame, il est vray.         J’admire en verité Ces marques de confiance et de fidelité. Vous aymez l’autre aussi que je vous ay nommée Helene De Peralte ; ah ! c’est la mieux aymée, Je n’en sçaurois douter, puis que secretement Vous la tenez cachée au logis d’Arimant. Ce point là n’est pas vray, Madame, je proteste Que je vous l’advoürois aussi bien que le reste. Pourquoy le celez vous, puis qu’elle me l’a dit ? Voyez un peu l’ingrat comme il est interdit, Ce sont des procedez estranges que les vostres, Acaste est inconstant aussi bien que les autres. Mon cœur ouvre la porte et laisse desormais Sortir cét inconstant sans qu’il rentre jamais. Je me treuve un peu mal, messieurs soufrez de grace Que je vous quitte, adieu, je vous cede la place. Nous n’avons pas dessein de vous incommoder. Mais encore sur quoy se veut-elle fonder ? Je jure que jamais je ne fus tant en peine ! Que me veut-elle dire, et quelle est cette Helene, Qui cognoist tellement mes inclinations, Et qui glose si fort dessus mes actions ? Ce qu’elle vient de dire est-il bien veritable ? Il n’est rien de plus vray, ce n’est point une fable, Et je croy sans mentir que je suis enchanté, Sçachez qu’elle m’a dit la pure verité En tout fors en un point, mais je suis bien en peine Qui luy fait ces rapports, et quelle est cette Helene Qui s’informe de moy, qui sçait tous mes secrets, Qui lit dedans mon cœur, et sçait ce que je fais. Je croy que Dorotée, ouy si je ne m’abuse, Pour decevoir mes sens employe icy sa ruse, Paroissant à mes yeux en habit déguisé, Et qu’elle parle à moy sous un nom supposé Je croy que Dorotée est la mesme sans doute Qui s’appelle Angelique, ou bien je ne voy goutte ; Et la Coiffeuse mesme Arimant en effet Est de ma Dorotée un si vivant portrait, Qu’il me semble la voir elle-mesme, et soubçonne Que toutes trois ne sont qu’une mesme personne. Ouy les trois ne sont qu’une, ou j’ay perdu l’esprit. J’ay des lettres, Monsieur,         Quoy Dorotée escrit ? Ouy voilà deux pacquets.         Ah ! l’heureuse nouvelle, Je me trompe Arimant, non, non, ce n’est point elle. Dieux ! quelle vision avois-je !         Encor pourquoi ? Il n’est rien de plus clair Arimant, car je voy Que je reçoy souvent lettres de Dorotée, Celle-cy de trois jours seulement est dattée, Que punctuellement respond à mes escrits, Estant dedans Lyon peut-elle estre à Paris ? Cette raison sans doute est pressante et bien claire. Et de plus sa lettre est escrite au Monastere. Cette lettre est de Clite, ou je la mescognois. De Clite ? ah justes Dieux ! comme je m’abusois. LETTRE. Vous apprendrez deux nouvelles par cette lettre ;la premiere que le pere d’Octave à la solicitation de vos proches, remet sa vengeance entre les mains de ses amis, et se veut accomoder avec vous. Ayant apris que vous avez tué son fils en homme d’honneur. La seconde que l’oncle de Dorotée traitte de la faire espou ser avec un sien parent qui depuis peu est venu de la Rochelle, afin que le bien ne sorte point hors de sa fa- mille, Dorotée m’en a donné advis, et vous le fait sça- voir, voyez maintenant ce que vous avez à resoudre là-dessus ; et vous asseurez que vous me trouverez prompt à tout ce que vous desirerez de mon service. Vostre tres-humble et fidelle serviteur, CLITE. Et bien qu’en dites-vous ?         Amy je le confesse, J’ay creu bien follement d’avoir veu ma maistresse. Voyez comme on se trompe en son opinion, Si son oncle la veut marier dans Lion, Où vous sçavez qu’elle est et dans un monastere Si Clite vous l’escrit, comment se peut-il faire Comme vous sousteniez, qu’elle soit dans Paris, Sous des noms desguisez.         Ah ! Monsieur, je m’en ris. On ne peut sans avoir la cervelle blessée, Loger dans son esprit cette sale pensée Qu’une fille d’honneur, et de condition Voulust jamais commettre une telle action. Car quoy que par effet il soit bien veritable Que nostre Dorotée à ces deux fort semblable, Ce penser n’a jamais tombé dans mon esprit. Tay toy, n’en parlons plus, et lisons son escrit. LETTRE. Mon malheur augmente tous les jours, Cher Aca- ste, car outre le mauvais traittement que je re- çoy de mon Oncle, comme vous sçavez, pour comble de mes disgraces, il me veut forcer d’espouzer un hom- me que je ne cognoy point, et me contraindre à rompre la foy que je vous ay donnée. C’est pourquoy si vous avez soing de ma vie, et si vous m’aymez au point que vous me le voulez persuader ne manquez pas si tost que vous aurez reçeu cette lettre de partir de Paris et venir icy en diligence, puis que sans risque vous le pouvez à faire present, afin de nous marier prompte- ment avant que la force me contraigne de mettre les choses en un estat desesperé, qui ne soufriroit plus aucun remede. Dieu vous vueille preserver, et vous rame- ner en santé. Vostre tres-humble et fidelle servante. DOROTEE. Du Couvent de S.Pierre, et c. Et bien apres cela puis-je estre plus en doute ? Il n’en faut plus parler, toy Philipin escoute Va t’en droit à la poste, et retien pour demain Trois Cheveaux entens-tu ?         Vous avez donc dessein De nous quitter si tost ?         Cher amy je vous prie Ne me retenez pas, il y va de ma vie, Puisque l’on veut ainsi destruire mon amour. Vois-tu je veux partir dés la pointe du jour, Bien j’y cours de ce pas.         Monsieur bonne nouvelle, Leonor est icy.         Que dit mon Isabelle, Leonor respons-moy.         Je vous l’ameine icy. Tiens-je pas ma parole ?         Ouy, Monsieur, la voicy. Je vous suis obligé d’une faveur si grande. Je donne encore plus que l’on ne me demande, Vous voyez bien, Monsieur, que je ne ments jamais, Tiens-je pas en effet plus que je ne promets ? Ouy, chere Leonor, j’en suis ton redevable. Mais dites-moy, Monsieur, seroit-il vray-semblable Qu’un homme si bien né sentit son cœur espris D’une fille si simple et de si peu de pris. Va, tu vaux un thresor ; ma fille je t’estime, Et t’ayme beaucoup mieux que l’on ne te l’exprime. Arimant peut-on voir un visage plus doux ? Ce cœur que vous m’offrez, Monsieur, est il à vous ? En pouvez-vous ainsi disposer ? Ah je gage Que vous estes espris de quelque autre visage, Vous ne songez à rien qu’à passer vostre temps, Monsieur vous voulez rire, et rire à mes despens Si vous voulez railler cherchez je vous en prie Avec qui pratiquer ailleurs la raillerie, Les hommes d’aujourd’huy sont de vrais cajolleurs Et mesme on ne doit pas se fier aux meilleurs. Arimant, cette fille est de l’humeur de Flore. Pleust au Ciel qu’il fust vray.         Ma fille je t’adore, Je meurs d’amour pour toy, n’en doute nullement. Leonor qu’en est-il ? je gageray qu’il ment. Je sçay que vous avez en main une pratique D’une Dame de Cour, qu’on appelle Angelique Femme depuis trois ans d’un officier du Roy. N’est-il pas vray, Monsieur ?         Que je suis hors de moy. Qui t’a fait ce discours ?         La chose est tres certaine Je le sçay d’une Dame.         Et qui s’appelle Helene De Peralte sans doute.         Ouy, l’on la nomme ainsi. Quoy justes Dieux, faut-il que l’on me jouë icy, Mais quelle est cette Helene, et d’où luy naist l’envie D’aller en chaque lieu s’informer de ma vie ? Si je la cognoissois je luy ferois sentir,         Quoy ? Que qui me jourra s’en pourra repentir. En fin c’est un peu trop la colere m’emporte. Vrayment elle a grand tort d’en user de la sorte. Les cheveaux seront prests, et vous pourrez sortir Dès la pointe du jour.         Qui veut doncques partir ? Sit tost de cette ville ?     Acaste.         Ah je vous prie Espargnez-moy Monsieur, tresve de raillerie ; Cela ne peut pas estre.         Ah ma fille, il est vray, Je ne puis exprimer le regret que j’en ay, Croy que j’y suis forcé, la chose est importante, Vostre amitié pour moy paroist trop obligeante Et quoy vous me quittez, ah certes je veux voir Si j’ay sur vostre esprit quelque peu de pouvoir, Ne quittez point Paris, enfin je vous en prie, Ou bien n’esperez plus me voir de vostre vie. Ma belle il te faut dire la verité, Je suis en mon pays espris d’une beauté, Que je perds pour jamais s’il faut que je differe D’un moment à partir, c’est un mal necessaire, Je reviendray bien tost, va croy moy qu’en effet, Que la beauté que j’ayme est ton vivant pourtraict, Ce n’est pas sans regret enfin que je te quitte. Je ne sçaurois souffrir ce discours hypocrite, Quel regret, allant voir ainsi que je le voy, Celle que vous aymez mille fois mieux que moy. Je l’ayme il est certain, mais croy moy qu’il me semble La perdre en te perdant, tant elle te ressemble. Courage, tout va bien.         Un certain homme en bas Vous demande.     Son nom.         Je ne le cognoy pas, Mais je pense pourtant avoir veu son visage, Il vient à ce qu’il dit vous porter un message D’une Dame qu’il sert.         Qu’il entre promptement. Monsieur, je viens icy par le commandement De Madame Angelique.         Achevez, que dit-elle ? Que son mary s’en va demain à la Rochelle. Que nous importe-t’il ?         Et vous pourrez avoir, Monsieur, n’y estant plus le moyen de la voir, Si vous le desirez,         Dites-luy je vous prie Qu’estant avecque moy, c’est une raillerie De penser qu’il me quitte, et luy dites aussi, Que demain au matin Acaste part d’icy Pour aller à Lyon voir un certain visage Dont il est amoureux.         Je feray le message, Adieu Monsieur.         Atten Isabelle croy moy Que cette Angelique est toute telle que toy : Et que ma Dorotée.         Oh la plaisante histoire, Vous imaginez-vous que je vous aille croire ? Flore entre, Monsieur,     Flore ?         Ouy Flore asseurément. Encor une autre ?         Elle est maistresse d’Arimant. Flore icy, justes Dieux! cela ne peut pas estre. La coiffeuse est icy ? voyez un peu le traistre, Cette Helene sans doute a dit la verité. Je me sens tout esmeu quand je voy sa beauté. Escoutez Arimant le sujet qui m’emmeine, Injuste en mon estime aussi bien qu’en ma hayne. Je viens vous descouvrir un cœur desabusé, Qui vous croyant leger vous avoit mesprisé, Et qui jugeant Acaste un miroir de constance, Avoit conceu pour luy beaucoup de bienveillance : Mais enfin j’ay connu cét infidelle amant, Et la fidelité que conserve Arimant, Ainsi que sa vertu sa flame estant extresme Je ne rougiray point de dire que je l’ayme, Et confesser aussi que je prefere à tous, Ce veritable Amant pour estre mon espoux. Ah Madame ! s’il faut que ce bon-heur m’advienne Est-il felicité comparable à la mienne ? Quel homme assez heureux me pourroit égaler. Permettez-moy, Madame, à present de parler, La vengeance sans doute est juste, et legitime : Mais encor que je sois si mal dans vostre estime, Croyez que j’ayme bien puis qu’un billet d’amour, Dès demain au matin me chasse de la Cour. Encor, pour quel sujet ?         Une Dame fort belle M’attend dedans Lyon.         Comment se nomme-t-elle ? Son nom est Dorotée.         Encor pour quel suject ? Pour aller espouzer ce ravissant object. Ce n’est pas le moyen d’appaiser vostre flame, Que de partir.     Pourquoy ?         Parce que cette Dame N’est plus dans le Convent, ny mesme dans Lyon. Encor qui te l’a dit ?         Que vostre passion Vous aveugle l’esprit, comment se peut-il faire Que vous ne puissiez pas comprendre ce mistere ? Ouvrez les yeux Acaste, et voyez qui je suis. Vous desabusez-vous ?         Helas je ne le puis. Quoy voyant Dorotée ?         Ah ! je crains ta malice ! Si tu crois m’arrester avec cét artifice, Tu n’y feras que perdre, et ta peine, et ton temps, Penses-tu m’ébloüir et surprendre mes sens ? Je sçay bien qu’en effet cela ne sçauroit estre, Car je viens maintenant de recevoir sa lettre Escrite du Convent où je puis m’asseurer Qu’elle demeure encor.         En voudriez vous jurer? Pour vous desabuser en faut-il davantage  Que de vous faire voir les traits de mon visage ? Ce visage me charme, et trouble mes esprits, Et si ce n’est assez lisez tous ces escrits, Et dans cette action admirez mon adresse, J’ay sçeu tromper vos yeux, et par cette finesse Je me suis déguisée en cét habit icy. Pour venir apres vous, et pour sçavoir aussi Si vous estiez espris des yeux de quelque belle, J’ay feint en mesme temps que j’estois Isabelle, Que j’estois Angelique, et mesme que j’estois, Helene de Peralte aussi tout à la fois, Mais afin d’asseurer vostre ame inquietée Je vous dy franchement que je suis Dorotée. Pour moy je n’eu jamais l’esprit plus interdit. En doutiez-vous Monsieur ? cent fois je vous l’ay dit, Mais que sert de jurer à qui ne veut pas croire, Dieux pouvois-je jamais esperer cette gloire ? Ah l’heur des bien-heureux n’est point égal au mien. Escoutez Arimant, quittez vostre entretien, Venez participer à l’excez de la joye, Que l’Amour me procure, et que le Ciel m’envoye, Amy je suis ravy.         Encor pour quel suject ? Cher Amy, vous voyez, en ce charmant object, Où toute la beauté de la terre s’assemble, Isabelle, Angelique, et Dorotée ensemble. Voilà le beau sujet dont mon cœur est espris. Et pourquoy je voulois m’absenter de Paris. En un mot, cher Amy, voilà ma Dorothée. Est-il possible ô Dieux !         J’ay l’ame transportée D’un plaisir si parfait, et d’un heur si charmant Que je crains de mourir dans ce ravissement. Cet heur inesperé surpassoit notre attente. Madame excusez-moy.         Je suis vostre servante. Tresve de compliments puis que je reconnoy Que vous estes contente aussi bien comme moy. Madame mettons fin à ce double Hymenée. C’est ce que je souhaite.         Ah ! l’heureuse journée. Et moy m’oublie-t’on ?         Non, Pauline est à toy, Je la feray venir tanstot, elle est chez moy, Qui te garde la foy qu’elle t’avoit promise. Est-il possible, ô Dieux ! le Ciel te favorise, Tout rit à tes desseins, trop heureux Philipin. Je m’en vay de bon cœur donner ordre au festin. FIN.