Composons notre écriteau, Pour mettre à la porte, Dans la vie, un écriteau Très souvent importe. Que de gens, sans écriteau, Frappent à la porte, Qui, lorsqu’on voit l’écriteau, Sont mis à la porte, Ô gué ! Sont mis à la porte. Un rien, parfois, des grandeurs Vous place à la porte. On met, dans les grands malheurs, La clef sous la porte. Moi, le diable, dieu merci! N’est plus à ma porte; Car Roselte m’ouvre ici Son cœur et sa porte, Ô gué ! Son cœur et sa porte. Dubois ? Que me voulez-vous ? Fais l’écriteau. D’appartement à louer ? Sans doute. Comment faut-il le faire ? Eh ! Mais... comme tous les écriteaux. Le style laconique ? Chose rare, aujourd’hui !... Il serait bien à souhaiter que la mode de parler peu s’établit. Beaucoup de choses, peu de mots, Pour tous les bavards, quel martyre ! On n’entendrait plus tant de sots, Beaucoup parler pour ne rien dire : On raccourcirait maints journaux, On supprimerait bien des plumes : Nos faiseurs de romans nouveaux N’écriraient plus tant de volumes. Revenons à l’écriteau. Je le veux bien. Tiens : le voici. Des vers ? C’est une idée qui m’est venue tout-à-l’heure, et j’ai mis l’écriteau en couplet. Pourquoi pas ? Il y a si longtemps qu’on les fait en prose. Écoute : Au premier, maison fort jolie, Est un très bel appartement ; Papiers frais, glaces, boiserie ; Cinq pièces sont sur le devant ; Cave et caveau, grande écurie, Remise et superbe grenier : Louer le tout, ou bien partie : On peut s’adresser au portier. Au portier... C’est tout ce qu’il faut pour un impromptu. Ton écriture est-elle lisible ? Je vais faire copier cela en gros caractères, par Brouillon, l’écrivain du coin. Va vite... Ah ! Écoute : qu’on le fasse attacher promptement ; car tu sais qu’il peut me procurer la visite de ma chère Rosette et de son père. Oui : ils cherchent un appartement ; mais s’il vient d’autres personnes ? Nous les en dégoûterous. À propos, j’ai oublié.... Quoi ? Une lettre pour vous. De qui ? De la charmante Rosette. Donne. Où est-elle donc ?... Ah ! La voici. Elle est depuis hier dans ma poche. « J’ai déterminé mon père à voir votre appartement ; mais Dumont, votre rival, ayant appris que mon père veut quitter sa maison, l’importune pour lui faire accepter la sienne. »J’espère l’en empêcher... Nous serons chez vous, demain, de bonne heure. Ce coquin de Dumont !... Mais Rosette me secondera. Elle est si bonne! si sensible! Rosette fuit la médisance; Ainsi, je ne médis jamais: Elle aime la reconnoissance, Et je rends bienfaits pour bienfaits. Heureux qui, placant sa tendresse Sur le plus estimable objet, Pour devenir moins imparfait, Prend les vertus de sa maîtresse. Eh bien, l’écriteau ? Je l’ai suspendu à la fenêtre de la rue ; mais le vent... Eh ! Que fait le vent ? Le vent le tourne à tout moment, Par devant derrière : Quoiqu’il soit en vers, cependant L’étoffe est légère : Puis, sur un air vous l’avez fait; L’air est vif, et peut, en effet, Sans respect, parterre Jeter le couplet. Rattache-le solidement... Mais on frappe ; va voir qui c’est. Si c’était ma bonne amie et son père !... Si mon amour plaisait à celui-ci !... Espoir délicieux !... J’entends Rosette... Oh ! Oui, c’est bien elle. C’est la première fois que j’ai l’honneur de vous recevoir chez moi, et je ne saurais trop rendre grâce au hasard qui vous y a amené. Rien de plus honnête. C’est ma fille qui m’a engagé à venir voir votre appartement qui est, dit-on, à louer. De ce matin. Voulez-vous me permettre de vous le montrer? En entrant, j’en ai vu une partie... Il est assez bien. Merci, charmante Rosette. Paix, on pourrait nous entendre. Un mot... Mon père est disposé en votre faveur. Ah ! Ah ! Des tableaux ! C’est mon maître qui les a faits. Je ne lui connaissais pas ce talent-là. Il sait donc notre amour ? Il s’en doute. Ah ! En voici un qui me paraît sort agréable. Il représente deux amants. Scène familière... Eh ! Il est fait avec chaleur. La jeune fille a l’air tendre... Le jeune homme, satisfait. Comme ils ont l’air de s’entendre ! Ils s’entendent en effet. M’acceptera-t-il pour gendre ? Je dois craindre...         Point du tout. Il est vraiment de mon goût. Quel est celui-ci ? Que vois-je ? Le portrait de ma fille ! Quoi ! Théodore, vous avez fait mon portrait ? Jolie tête d’étude.... Je l’ai fait de mémoire. J’ai, sur la toile vivante, Voulu peindre la candeur, Et cette grâce décente Qu’autorise la pudeur. J’allais, faute de modèle, Abandonner mon sujet ; Mais j’ai vu mademoiselle, Et j’ai fini le portrait. Et il est fort ressemblant. Saviez-vous, ma fille, que votre portrait fût ici? Est-ce, mon père, une injure Que de tracer mon portrait ? J’ignorais, je vous le jure, Que ce tableau-là fût fait. J’avouerai que cet hommage, Sans m’étonner, m’est flatteur ; Je savais que mon image Était peinte dans son cœur. Je ne m’étonne plus que vous m’ayiez si fort pressé de venir voir cet appartement. Veuillez ne rien voir, dans cette démarche, qui mérite votre colère. Cette maison m’appartient, et je m’estimerai trop heureux, si vous daignez l’habiter. Ma fille a des secrets pour moi ! Indulgence, mon père. Ma chère amie, je ne veux que te rendre heureuse ; mais je méritais ta confiance. Vous l’aurez désormais toute entière. Laissons cela. Venez, avec moi, voir d’autres appartemens. Vous dédaignez donc celui-ci ? Non ; mais vous me permettrez le choix. J’ai promis à Dumont, d’aller voir sa maison... Si elle me convient moins que la vôtre, vous aurez la préférence... Je veux bien même vous promettre que, dans une heure, je viendrai... Nous viendrons vous donner répouse. Ah ! J’espère qu’elle me sera favorable. Je ne vous défends pas l’espérance. Eh bien, Dubois, que dis-tu du papa Vincent ? Brave homme. De sa fille ? Charmante. Et de mes affaires ? Excellentes. J’en rends grace à mon étoile. Et moi, à l’appartement à louer. Tu peux avoir raison. Cela m’arrive tous les jours. Je vais sortir : si, pendant mon absence, qui ne sera pas longue, l’écriteau t’amène des originaux, amuse-t-en, mais ne termine pas avec eux. Soyez tranquille. Allons, mon ami Dubois, vous voilà le maître de la maison. Peste ! Vous êtes un homme de conséquence !... Allons, plus d’air de valet... La démarche élégante... Le port noble... La métamorphose d’un enrichi. Tàchons d’avoir de l’aisance Et le maintien du bon ton; Représentons d’importance Le maître de la maison. Tel, qui maintenant est maître, Quoiqu’il servît autrefois, Ne le sera pas, peut-être, Bien plus longtemps que Dubois. J’entends du bruit... On vient... Examinons. C’est ici l’appartement à louer, et vous êtes... Serviteur. Je voudrais, avant de voir l’appartement, savoir s’il y a une piece où je puisse recevoir mes abonnés. Comment, vos abonnés ? Je m’appelle Sonore. Musicien. Vous l’avez deviné. J’ai composé une société d’artistes et d’amateurs, et nous donnons des concerts. Nous accompagnons les morceaux Que maints virtuoses nous chantent : Nous faisons quatuors fort beaux, Où quatre femmes nous enchantent. Plaire de nos soins est le fruit, Et, dans plus d’une symphonie, Quoiqu’on y fasse un peu de bruit, Il règne certaine harmonie. Ah ! Vous êtes toujours d’accord. Presque toujours. Eh bien ! Trouverai-je ici un local favorable ? Non, la voix y serait étouffée. C’est dommage. Pourquoi voulez-vous donc changer de local ? La nouveauté, mon cher, la nouveauté ! On a tant travaillé pour plaire au public, que les moyens sont à-peu-près épuisés ; on est forcé de lui offrir toujours les mêmes choses, mais sous des formes nouvelles. Le public, chez l’homme du jour, Sait, un moment, se plaire. Puis, d’autres auront, à leur tour, Sa faveur passagère : Volage en ses moindres désirs, L’un par l’autre il remplace, Et croyant changer de plaisirs, Ne change que de place. Il en est de même des modes. On vit employer, tour-à-tour, Les objets les plus rares ; On imagina, chaque jour, Mille modes bizarres. Comme l’on n’invente plus rien, Dans un cas si critique, On a pris le meilleur moyen ; On rajeunit l’antique. C’est cela même. Tout se renouvelle, tout change, tout se détruit. Par exemple, j’étais premier organiste de la paroisse de Surenne. Et la révolution vous a désorganisé ? Tout-à-fait. Mon orgue fut détruite, et il ne m’en est resté que le soufflet. Quand je vis qu’il n’y avait plus rien à faire de ce côté, je choisis un autre instrument. Choisir parmi les instruments N’était pas chose aisée : On ne voulait plus de serpents ; La vielle était usée. Le haut-bois si doux Était aux époux ; Il restait l’épinette... Enfin, aux abois, Je fixai mon choix, Et pris la serinette. En peu de temps, je devins d’une jolie force d’amateur... Mais on encourage si peu les arts ! On se moqua de ma serinette. Et quel parti prîtes-vous ? Je me jetai, à-corps-perdu, dans la carrière dramatique. Je voulus faire la musique d’un opéra... Je cherchai un poète, et fus longtemps à en trouver. Ils sont si rares ! On m’adressa enfin à Monsieur Barbaro, rue des Mauvaises Paroles, numéro cent-neuf. Il avait une vingtaine de poèmes tout faits, et j’en pris un au hasard. C’était peut-être le plus sûr. Je fis une musique délicieuse, étourdissante, et, après bien des peines, nous fûmes joués. Eh bien ? Le poème fit la culbute, Je l’avais prédit à l’auteur, Mais le poète, dans sa chute, Entraîna le compositeur. Las, avec ces moyens frivoles, De faire un opéra commun, Pour ne plus craindre les paroles, Sans paroles j’en vais faire un. Cela n’est pas nouveau. J’en conviens ; mais j’intéresserai par le charme de la pantomime, le jeu muet des acteurs, les gestes qui remplaceront les paroles : on y entendra des éclats de voix, des points d’orgue, des roulades... Je vois que ce sera tout chant. Et puis, que d’avantages m’offre mon procédé ! J’évite une froide harangue; J’évite des mots mal sonnants ; J’évite les fautes de langue, Rimes bâtardes, contresens. Rival, amant, père, oncle, nièce ; Tout, en chantant, s’arrangera. Nul ne parlera dans la pièce ; Mais de la pièce on parlera. Votre opéra ne dira pas grand chose ; cependant, à cause de l’originalité, il pourra avoir du succès. Grand merci de la prophétie. Allons, puisque je ne trouve pas ici un local favorable, je m’en vas. Il me vient une idée : je vais faire construire une salle de concert par un entrepreneur de mes amis : je suis sûr que ça réussira, parce que la musique est nécessaire à l’homme ; partout l’on chante, et chanter est une occupation universelle. Un amant chante sa victoire ; Un auteur chante ses succès : Nos guerriers, aux champs de la gloire, Vont en chantant des airs français. On chante dans la parodie, Et nos travers, et nos défauts : Plus d’un personnage au cœur faux Sait chanter la palinodie. En voilà déja un d’éconduit, et notre appartement est encore à nous... Mon maître ne va pas tarder. Ah ! Justement le voici. Mon cher Dubois, je suis enchanté ! Devinerais-tu d’où je viens? Si vous me le disiez. De chez Dumont, mon rival. Tu sais qu’il voulait, comme moi, donner son appartement au père Vincent pour épouser sa fille... Comme moi, il avait mis un écriteau. En vers ? Non, en assez mauvaise prose. Il ne me connait pas, je monte : il me fait voir chaque pièce... Tout me convient, tout est délicieux. Mon homme me propose alors son prix, prix exhorbitant... Je le trouve raisonnable ; j’arrête l’appartement, je donne des arrhes, et me sauve, de peur d’y rencontrer Rosette et son père. Et, quand ils iront chez Dumont, et qu’ils trouveront l’appartement loué, le père sera furieux... Et la fille me devinera... Et, de dépit, il viendra louer celui-ci. Et me donner la main de Rosette... C’est fort bien : mais, puisque vous avez loué chez Dumont, vous irez y loger ? Non pas que je sache. Au moins, vous lui paierez un terme ? Oh ! Bien volontiers. L’or, que d’une ardeur inquiète, On voit recherché parmi nous, Vaut-il un regard de Rosette, Et l’espoir d’être son époux ? Son époux !... Ce mot-là renferme Ce qui peut, seul, plaire à mon cœur ; Et je payerais plus d’un terme, Pour être au terme du bonheur. Dubois, laisse-moi seul un moment. Voici une visite. Cet appartement me convient assez... Il est fort bien... Je vous souhaite le bonjour... Vous dites donc qu’il y a cinq pièces ? Oui, tout autant. Toutes décorées, arrangées ? Pas de dépense à faire ? Chambre à coucher élégante ? Des glaces ? Ah ! Des glaces surtout. Vous en trouverez partout, et elles ne réfléchiront jamais un visage plus agréable. Il est galant. Et quel est le prix ?... Bien cher n’est-ce pas ?... À propos, y a-t-il un boudoir ?... Oh ! C’est une chose essentielle. Joli boudoir qu’avec l’amour A formé la main du mystère, Où l’on peut, parfois, dans le jour, Bouder, quand on n’a rien à faire ; Où, dans un discret demi-jour, En l’absence de ce qu’on aime, On peut penser à son retour, Et rêver sa présence même. Je crois qu’on peut s’en passer très souvent. Pourquoi désirer un boudoir ? Bouder est chose si commune ! On boude devant son miroir ; On boude contre la fortune. Lise boude un mari grondeur ; On boude une femme légère, Et le public, le moins boudeur, Boude un auteur, s’il ne sait plaire. D’ailleurs, je l’avoue à regret ; il n’y en a pas. Ô ciel ! Que me dites-vous ? Allons, il faut renoncer à l’appartement. Quoi ! Sitôt ? Point de boudoir ! Et puis, il faudroit que je pusse m’installer ici sur-le-champ.... Quand quitterez-vous ce logis ? Nous prendrions ensemble des arrangements : cependant je ne le quitterais pas tout-à-fait. Comment ? Je me ressouviendrais sans cesse Du lieu que j’aurais habité; Qui, de sa nouvelle maîtresse, Chaque jour verrait la beauté; Et de regrets l’âme oppressée, Pour jouir d’un bonheur si doux, J’y rentrerais par la pensée, Et l’habiterais avec vous. Il a de l’esprit. Sérieusement, vous reviendriez ici invisiblement ? Quoi ! Ce ne serait qu’en idée Que vous retourneriez céans ? Tant pis ! Car je suis excédée De voir toujours des revenants. Puis, jouer un tel personnage ! En vous voyant, sans contredit, Auprès d’une femme, je gage Que vous valez mieux qu’un esprit. J’en ai, cependant bien peu. Un calembour ? Grâce, grâce pour lui. J’aime assez un calembour, lorsqu’il est sans prétention, et qu’il se borne à accompagner ou à faire naître la gaîté. Fils du moment, né parmi les saillies, Dans son équivoque talent, On lui permet de dire des folies: Comment censurer un enfant ? Jouer est chose si commune ! Partout, on a joué les sots ; Beaucoup ont joué leur fortune : On peut bien jouer sur les mots. Mais il est bientôt midi, et je vais à la répétition. Jouez-vous la comédie ? Non, je chante daus l’opéra. Êtes-vous musicienne ? Un peu. Si je ne craignais pas d’abuser de vos moments, je vous prierais de chanter avec moi un duo de la Cosa rara, que j’aime infiniment. Je ne me fais jamais prier. Pour embellir la vie... Aimons, ma tendre amie. Jour de mélancolie Vaut-il jour de folie? Un jour, le bonheur...         Cesse : On voit fuir...         Sa jeunesse ; Dans L’ennui...         Qui nous presse, On regrette...         L’ivresse. Plus de retard frivole, Profitons des beaux jours; Hâtons-nous, car le tems vole, Vole avec nos amours. Sens mon cœur qui palpite ! Sens mon cœur qui palpite ! Sous ma main il s’agite ! Sous ma main il s’agite ! Au printemps de la...         Vie, Près de sa douce...         Amie, La volupté nous...         Crie, D’une voix...         Attendrie : Plus de retard frivole, Profitez des beaux jours : Hâtez-vous; car le temps vole, Vole avec vos amours. Dans la pièce où vous jouez ce soir, il y a des ariettes sans doute ? Et vous voulez que j’en chante une ? Vous me devinez toujours. Mais, au moins, ne jugez pas la pièce d’après une ariette détachée ; ce serait trop sévère. Je vous le promets. Allons, aussi bien, cela me vaudra une répétition. On ne peut chanter avec plus de goût. Comme ce sera une première représentation, je désire que le public soit aussi content que vous paraissez l’être. L’auteur serait sort heureux. Puisque vous jouez dans la pièce de ce soir, je ne manquerai pas d’aller vous entendre et de vous applaudir. Je vous en suis obligée ; mais n’oubliez pas l’auteur. Il faut qu’entre l’auteur et moi, Votre indulgence se partage : Il a besoin de nous, ma foi ! Pour le succès de son ouvrage. Puis, à la pièce de ce soir Ne mettez pas trop d’importance : Je vous le dis confidemment : Ce n’est qu’une pièce à tiroir, Qu’on doit juger sans conséquence. Elle est fort aimable ; mais ce n’est pas là ma Rosette. Voici le papa Vincent et sa fille. Que je vous sais bon gré d’être revenu ! Vous étiez attendu avec la plus vive impatience : mais vous m’aviez donné votre parole. Et je la tiens toujours. Je ne sais pas comme ce misérable Dumont, qui voulait épouser ma fille... Je sors de chez lui... Je suis d’une colère... Mon stratagême a réussi. On nous avait gagnés de vitesse. A-t-on jamais vu une pareille conduite ? Il m’offre son appartement ; Mais voyez combien il m’abuse : Je l’ai loué dans le moment, Ose-t-il dire pour excuse. Monsieur Dumont, jamais mon courroux N’admettra vos propos frivoles. Ma Rosette n’est pas pour vous ; Pour elle je veux un époux Qui ne manque pas (bis) de paroles. (bis). Ainsi, il ne sera jamais mon gendre : c’est un parti pris. Mon père ! Que vous me rendez contente ! Je puis donc me flatter... Que voulez-vous dire ? Que vous m’accepterez pour gendre, et que vous daignerez habiter cet appartement, avec ceux que vous aurez rendus si heureux. Nous verrons cela. Je réfléchirai... Je chercherai à savoir si vous êtes aimé de ma fille. Mon père, si vous voulez j’abrégerai vos recherches. Eh bien, tant mieux. Dans quelque temps... Dans quelque temps ? L’amour ne veut pas qu’on diffère L’instant qui doit nous rendre heureux. Si notre hymen vous plaît, mon père, Au plutôt, couronnez nos vœux. Oui, cette ardeur impatiente Est bien pardonnable à mon cœur : En amour une heure d’attente, Est un siècle pris au bonheur. Faut-il aller chercher le notaire ? Qui vient encore nous troubler ? Serbitur à touté la compagnie. Qui est lé maître dé cette maison. Le voici ; mais que voulez-vous ? Cé qué jé vux, sandis ! Velle démande ! N’é-jé pas lu sur la porte un pétit couplét annonçant un appartément à louer ?... Il a piqué ma curiosité, et jé vux lé louer. Sérieusement ? Eh donc ! Jé vous en paie lé prix, et m’installe dans ma noubelle démure. Je suis bien fâché de vous refuser ; mais cet appartement... Sandis! Jé lé prends. Il mé convient. Voilà ma chambre à coucher, mon sallon dé compagnie. Cependant... Amusons-nous en un moment. Est-cé dé l’argent qu’il bous saut ? Je vous en vaillerai d’abance. Boulez-bous dé l’on, des écus, des villets de la casse des comptes courants ?... Tout céla jé m’en vast l’œil. Je n’ai plus rien à dire. Cadédis ! Bous né mé connoissez pas. Refuser un homme dé mon importance ! Sabez bous qui jé suis ? Perruquier. Coifur, s’il bous plait. Coifur... Mais jé bais lâcher lé métier. Pourquoi ? Il n’y a plus rien à faire. Plus dé houcles, plus dé crochets, Dé papillotes, dé frisure : L’art, avondonnant ces apprêts, N’est plus ribel de la nature. Paubres perruquiers, mes amis, Descendez bîte votre enseigne ; Car ce n’est plus qu’aux ennemis Qu’on donne un coup de peigne. Vous m’avez l’air d’un fin matois, et je suis sûr que vous connaissez bien votre monde. Cap dé bious ! Si je le connois ! Jé puis, sans mé vanter, assurer qué personne n’a plus dé perspicacité qué moi. Au prémier coup-d’œil, jé débiné un particulier... J’ai lé tact : on se cacherait en bain de moi. Jé bois sous des airs d’opulencé, L’intrigué et la méchanceté, Sous lés haillons dé l’indigencé, Jé débiné la provité; Pour pénétrer plus d’un mystéré, Jé lis d’avord sans emvarras, Dans tous lés cœurs; mais comment fairé Abec lés gens qui n’en ont pas? C’est assez difficile. Vous avez une pénétration incroyable. Pénétration; c’est lé mot. Jé sais cé qué l’on pense, cé qué l’on est, cé qué l’on a été, et souvent, cé qué l’on séra. Jé connais la fortune dé chaqué particulier. Pourriez-vous nous dire quelle est la vôtre ? Rivés dé la Garonne ! Elle est si étendue qué jé né la connais pas. En ce cas, on ne peut vous louer cet appartement. Oui ; j’avoue qu’il est cher, et le prix... Fi donc, le prix !... Jamais jé né m’informe du prix. La velle vagatelle, pour mé rompre la tâte ! J’ai un magasin considéravle dé perruques, dé faux toupets, dé chignons, dé quoi achéter votré maison, et quatré autres abec. Mais si cet appartement était loué ? Impoussivle. C’est cepeudant la vérité, et vous me ferez plaisir... Bous n’abez pas ôté l’écriteau... Partant, il est à louer, et jé l’aurai. Mais... Bous n’abez pas ôté l’écriteau. Vous ne risquez rien... Je gage qu’il n’a pas un sou. Allons ; je me rends... Ainsi donnez-moi des arrhes. Comment des arrhes ! Oui, le denier-à-dieu. Cadédis ! C’est vous qui débez m’eu donner. C’est un peu fort. Allons, trèbe dé plaisantéries. On ne plaisante pas. Bous boulez rire ? Est-ce qu’à Vordeaux, quand jé loue un appartement ou une boiture, cé n’est pas lé propriétaire ou lé boiturier, qui mé donne les arrhes ? démandez plutôt. C’est pour céla qué jé suis monté. Il est jovial. Comment faire, jé n’ai pas lé sou. Mais, s’il né tient qu’à céla, jé né disputérai pas... Jé bais bous payer.... Qu’ést-cé qu’il bous saut ?.... Non, dités-lé moi franchément... Aih ! Moun Diou ! Qu’es à co ? Lé Diable mé rétape, j’ai ouvlié ma vourse... Faités-moi lé plaisir dé mé prêter un écu dé six francs, pour lui donner lé dénier-à-dieu. La demande est un peu leste. Jé né mé gêne jamais abec mes amis. J’en suis fâché ; mais je n’ai rien à vous prêter. Allons ; jé bois vien qué bous né boulez pas mé louer l’appartément, jé mé rétire; et, comme jé n’ai pas dé rancune, jé bous offre mon pétit ministère, s’il faut à madémoiselle un chignon à la grecque, uné perruque à la Titus, un flacon d’excellente huile antique qué j’ai fabriquée cé matin, bous poubez bous adresser à Chrisostôme Poudrac, au coin dé la rue Bide-Gousset. Vous faites donc des perruques ? Si j’en fais !... J’en sais à chacun sélon son goût, son état, son caractère et ses moyens, et jé bends..... Au jugé, perruque à vonet, Blonde ou brune à la june Hortense; Au parbénu, qui s’y connaît, Uné perruque à circonstance; Peruque dé chévux naissants À la bieille sans chébélure ; Perruque plate à vien des gens, Pour les coîffer à lur figure. Adioussias. Nous voici débarrassés de cet importun.... Dubois, pour ne plus craindre de fâcheux, tu vas détacher l’écriteau... C’est moi qui loue l’appartement. Que de bonté ! Mes enfants, nous y vivrons tous trois en famille... Théodore, je vous accepte pour gendre, et je crois que Rosette n’aura jamais à se repentir de son choix. Je m’efforcerai toujours de le justifier. Me chargerez-vous encore de recevoir les visites ? Oui, les visites de nôces. À ton hymen tu te prépares, Moi, je loue un appartement ; Tous deux nous te devons des arrhes, Le marché sera plus constant : En passant l’acte nécessaire, En emménageant en ce lieu, Je t’offre l’amitié d’un père, Et mes biens pour denier-à-dieu. Vos bienfaits passent votre dette, Et vous êtes quitte envers moi; Il reste à l’aimable Rosette.... J’entends, et vais parler pour toi. Je ne saurais, en conscience, De Rosette lui tenir lieu : Donne-lui, ma fille, en avance, Un baiser pour denier-à-dieu. Nous avons, désirant vous plaire, Pris un appartement nouveau ; S’il vous plaît, le propriétaire N’ôtera pas son écriteau. Approuvez, avec complaisance, Le marché conclu dans ce lien ; Par un petit bruit d’indulgence, Donnez-nous le denier-à-dieu.