Vous soupirez, Madame ?     Ah Marton !         Je devine, Vous aimez.     Que dis-tu ?         Plus je vous examine, Plus j’ai lieu de penser que l’Amour...         Oui Marton, Mon cour est à Damis.         Votre cour a raison. Comment, Damis, Madame ? Aimable, jeune, riche, Vous vouliez le cacher ? Un pareil goût s’affiche. Je l’aime ; mais je crains, Marton, qu’un si beau feu, De mes cruels tuteurs n’obtienne pas l’aveu. La crainte par malheur n’est que trop bien fondée ; Et même plus j’y rêve... aussi par quelle idée Feu Monsieur votre père, à qui dieu faste paix, S’avisa-t’il, Madame, au jour de son décès, De vous assujettir aux volontés bizarres De trois originaux, dans leur espèce rares : Tous trois divers d’humeur, de goût, de sentiments, Et qui n’ont en commun qu’un défaut de bon sens ? Dites-moi, s’il vous plaît, par quel autre caprice, Voulant apparemment que sa race finisse, Il vous défend d’aimer, et d’oser faire un choix, Qu’autant qu’il pourrait être approuvé de tous trois ; Mais c’est précisément le moyen infaillible De vous rendre à jamais tout hymen impossible. Trois Argus divisés du matin jusqu’au soir, L’un fait, l’autre défait, l’un veut blanc, l’autre noir ; Les accorder entre eux, ce serait un prodige. Ce maudit testament m’inquiète, et m’afflige. Quel supplice , Marton ! Mais ne pourrais-tu pas M’aider par ton esprit à sortir d’embarras, Inventer... Tu m’entends... là... quelque stratagème ? Non, j’y perdrais mes soins.         Ma douleur est extrême. Ah ! ma chère Marton.         Madame, y pensez-vous, Je pourrais essayer de guérir un jaloux, De corriger un fat, de fixer un volage, De polir un savant, de rendre un abbé sage, De bannir loin d’un cour un étourdi qui plaît, De rendre un Petit-Maître, amoureux et discret, De trouver deux époux brûlants des mêmes flammes, De contraindre un moment l’amour propre des femmes, Plutôt que d’accorder les esprits et les cours De ceux que le défunt vous donna pour tuteurs. Ils ont pour eux l’aveu de toute ma famille. Oh ! vous courez danger de rester longtemps fille. Monsieur vous réservait ce trait pour le dernier ; C’était peu jour et nuit de l’entendre crier, Pester, jurer , gronder, dans ses accès farouches, Contrôler nos rubans, nos pompons et nos mouches ; Industrieux dans l’art d’épargner un écu, Nous contredire en tout, tandis qu’il a vécu ; Il fallait que sa fin répondit a sa vie, Que Monsieur jusqu’au bout contentât sa manie, Que par un ridicule il achevât son sort, Nous désolât vivant, et nous désolât mort. Si tu me promettais de seconder ma flamme... Oh ! Je vous le promets, et de toute mon âme ; Mais quand (je vous l’accorde) un stratagème heureux Nous mettrait en état d’en gagner jusqu’à deux, Le troisième toujours maître de son suffrage, Par caprice et par goût détruirait notre ouvrage. Je ne sais... mais enfin j’espère un sort plus doux, Je vois tous les écueils, mais l’amour est pour nous. Oui, Madame, l’amour se plaît dans les obstacles : Si l’on en fit un dieu, c’est qu’il fait des miracles ; Il brave les tuteurs, les maris et le sort ; Le danger le réveille, et le calme l’endort. Que je t’aime, Marton ! Tu me rends l’espérance. Monsieur Damis, sans doute, est dans la confidence ? Il sait notre embarras.         Et de chaque tuteur, Il connaît les travers, le caprice, l’humeur ? Pas encore.         Il le faut, et je commence à croire Qu’il pourrait... oui... fort bien... en sortir à sa gloire. Damis a de l’esprit ?         Ah ! S’il en a, Marton ! Oui, puisque vous l’aimez il doit en avoir.         Non L’Amour en sa faveur ne m’a point prévenue, Et je n’ai pas été séduite par la vue. Ah ! Si tu l’entendais, Marton, quel sentiment ! Que son ardeur pour moi s’exprime éloquemment ! Oui... là... de ce ton vrai qu’inspire la nature ? Son caractère encore ajoute à sa figure ; C’est par-là que surtout il a su m’enflammer, Le cour seul, quand on pense, a droit de nous charmer. Je conçois tout cela, mais le voici.         Madame, Dissipez d’un regard le trouble de mon âme ; En vain j’ai réfléchi, j’ai formé cent projets, Je ne puis sur aucun m’assurer du succès ; Je ne vois pour nos feux qu’un avenir funeste. Un affreux désespoir est tout ce qui nous reste. Son chagrin... me chagrine, et j’ai le cour si bon Que si je ne comptais sur l’esprit de Marton, Cet esprit si fertile en intrigues secrètes, Cet esprit qui la rend la perle des soubrettes ; J’irais, je crois, me pendre... au risque d’en mourir. Oui, ma chère Marton, si tu veux nous servir, Tu peux tout espérer de ma reconnaissance. Tiens, regarde, Crispin sera ta récompense. Le beau présent !         Marton, je n espère qu’en toi. « Marton, chère Marton... » l’on a besoin de moi. Ma foi, que les amants sont une sotte espèce ! Mais à quoi vous sert donc ce grand fonds de tendresse, Si, contents de gémir et de vanter vos feux, Vous n’avez le secret de devenir heureux ; Si le moindre embarras qui vous paraît à craindre, Ne vous laisse d esprit que celui de vous plaindre ? Vous me disiez si bien, « j’espère un sort plus doux, Je vois tous les écueils, mais l’amour est pour nous. » Et qu’il vous serve donc, qu’il agisse ; j’enrage, Lorsque j’entends tenir ce doucereux langage. Ce dieu si réclamé, quand on le prend au mot, A besoin de Marton, et l’Amour n’est qu’un sot. Elle a raison, l’Amour est un fort mauvais guide ; Plus le mien est ardent, plus il me rend timide. Un sentiment moins vif permet de réfléchir, Nous laisse le sang-froid qu’il nous faut pour agir. Plus un objet nous plaît, plus il nous intéresse ; Souvent pour l’acquérir moins nous montrons d’adresse. Un coeur indifférent prend bien mieux son parti ; Peut-être en pareil cas servirais-je un ami ; Mais qu’on peut rarement se conseiller soi-même ! Plus j’aime, plus je crains de perdre ce que j’aime. Cette image m’accable, et quand je veux songer À former des projets pour sortir de danger, Malgré moi, cette crainte est tout ce qui m’occupe. Mais avec tout cela vous en seriez la dupe. Ce que vous avez dit, au fonds, est très bien dit ; Mais si j’aimais, je sens que j’aurais plus d’esprit, J’aurais pour l’intérêt de Madame, et le vôtre, Gagné les trois tuteurs.     Oui.         Mais l’un après l’autre. L’un, grand admirateur de toute antiquité, Croit que depuis mille ans le monde a radoté, Cent manuscrits rongés sont sa bibliothèque, Souvent même, par goût, il s’habille à la Grecque. Il n’admet au logis que de vieux médaillons, Des urnes, des trépieds, ou tels autres chiffons ; Encor dans la maison n’ont-ils pas leur entrée, Que leur antiquité ne soit bien avérée ; Mais comme il n’est doué que d’un discernement Très mince, à ce qu’on dit, on le trompe aisément. Aussi sur tout cela, dieu sait comme on l’attrape ! Il croit avoir chez lui la barbe d’Esculape, Et je le vis hier payer, au poids de l’or, Le marteau d’un Cyclope, et la pique d’Hector. Quand Madame chez lui veut être bien reçue, Il faut que, dans la peur de lui choquer la vue, Elle aille en arrivant dans un vaste salon Tapissé des portraits d’Ajax, d’Agamemnon, Et de tous ces débris qu’avec soin il conserve, Avant de lui parler, s’habiller en Minerve. Voilà, je l’avouerai, le fou le plus complet... Oh ! Monsieur, demandez, je l’ai peint tel qu’il est. L’autre est une autre fou que la mode gouverne. Rien ne lui paraît beau qu’autant qu’il est moderne ; Nouvelliste d’ailleurs par état et par goût ; Il faut flatter son choix, et l’admirer en tout, Appuyer fortement ses moindres conjectures, Louer sa politique, être de ses gageures ; Ne l’aborder jamais qu’une lettre à la main , En date d’Edimbourg, de Rome ou de Pékin. La gazette surtout l’enchante par le style. C’est là qu’il a puisé sa politique habile. Il a pour la gazette un respect scrupuleux, Par jour il la médite au moins une heure ou deux, Pour elle son estime est enfin si complète, Que lorsqu’il est à table on lui lit la gazette. Cet homme assurément n’a pas tout-à-fait tort, La gazette est très belle, et je l’estime fort. De plus, certain fripon , docteur en fourberie , Assez gueux, m’a-t-on dit, mais riche en industrie , Dans l’esprit du bon homme a fait de tels progrès, Que sans l’avoir encore observé de trop près, Je ne risquerais rien à gager, que dans l’âme, Il en veut sourdement à la main de Madame. Et d’où sais-tu cela ?         Du valet du vieillard Qui m’a tout dit ; d’ailleurs par un heureux hasard Il connaît l’intriguant, il sait à fonds sa vie, Et s’il est amoureux, c’est du bien du Julie. Et quel est-il, Marton ?         De ces aventuriers Qui se font appeler Marquis, ou Chevaliers ; Prôneurs d’un mauvais ton dont ils sont les apôtres, Fripons autorisés pour découvrir les autres, Fiers avec leurs égaux, et valets près des grands, En imposant aux sots par des airs importants ; Envieux par état, contents pourvu qu’ils choquent, Beaux esprits s’il leur plaît, il n’est rien qu’ils n’escroquent ; Orateurs des cafés, où se forma leur goût, Qui partout rejetés, reparaissent partout, Intrépides d’ailleurs à déchirer les femmes, Et laissant à leur dos payer leurs épigrammes. Et comment, ce valet, dont il est si connu, Ne le démasque pas ?         Son Maître est prévenu, Et quand il l’est, Monsieur, il l’est bien.         Quelle adresse A-t-il pu mettre en ouvre ?         Il ment, il le caresse. Le flatte à tout propos, le prévient.         Je t’entends. Un tel homme ne peut en imposer longtemps. Mais le dernier Tuteur ?...         Encor plus ridicule ; Aussitôt dans son genre, et tout aussi crédule. Un vieillard singulier qui s’occupe aujourd’hui À regretter les jours qu’il a passés chez lui ; Qui plein des voyageurs, sa lecture ordinaire, Dont il est fort avide, et qu’il ne comprend guère, Ne parle avec respect que des peuples lointains, Chinois, Cochinchinois, Japonais, Africains, Voudrait avoir couru, les trois quarts de sa vie, D’Amérique en Europe, ou d’Afrique en Asie ; Qui croit un voyageur un homme vraiment grand Et qui porte, je pense, envie au Juif errant : D’ailleurs fort curieux des productions rares, Que la nature étale en ces climats barbares ; Ne louant que les moeurs de l’Inde ou du Japon, Et grand admirateur du fameux Robinson. Hé bien de tout cela que prétends-tu conclure ? Que Monsieur tour-à-tour doit prendre leur figure, Copier leurs travers, leur goût, leurs sentiments, Et s’assurer par-là de leurs consentements. À merveille, Marton.         Marton, que je t’embrasse ! Permettez-moi tous deux d’avoir la même audace. À tromper ces vieillards, j’ai bien quelque remord, Mais ma vie en dépend, l’Amour est le plus fort ; Adieu, belle Julie.         Allez, mais au plus vite ; Car nos trois surveillants vont rentrer dans leur gîte : Il vous est important qu’aucun ne vous ait vu. Va, ne crains rien, Marton, je leur suis inconnu. Quoi ! Damis sort à peine, et vous êtes rêveuse ! Voilà donc comme on est quand on est amoureuse ? Mais c’est aimer cela comme l’on n’aime plus, Ma foi vous irez loin après de tels débuts... Mais je vois nos tuteurs.     Ah ! Fuyons-les.         Julie ? Que vous plaît-il, Monsieur ?         Le célibat t’ennuie, Cela doit être au moins, et nous venons exprès Délibérer ici sur tes vrais intérêts. À ton âge, un époux est un mal nécessaire, Il faut t’en donner un, mais digne de te plaire, Un homme essentiel. J’en connais un vraiment... Que vous avais-je dit ? C’est ce bel intriguant. À vous parler sans fard, ses biens sont assez minces, Mais c’est un homme instruit des intérêts des Princes ; Un homme ! Qui, je crois, est de tous leurs secrets, Qui sait quand nous aurons ou la guerre ou la paix, Qui prédit nos traités, nos marches, nos mesures, Et ne donne jamais que des nouvelles sûres. Un homme ! Qui pourrait au besoin avec moi, Composer par avance une histoire du Roi : Un homme ! Qui s’occupe à fouiller nos chroniques, Et qui m’a démontré, par des faits authentiques, Que depuis Pharamond, et deux siècles avant, Quoiqu’on en ait écrit jusqu’aux jours d’à présent, Les français n’ont jamais été battus ?         La peste, Quel homme !         Outre cela, c’est qu’il est si modeste Qu’il ne songe pas même avec tous ses talents, À paraître à la Cour, à percer chez les grands : Rien ne l’occupe moins que sa propre fortune ; Mais il a ce qu’il faut du moins pour en faire une, Et ce serait toujours un des meilleurs partis, N’eût-il que le secret de faire des paris. Qu’en dis-tu ?         Vous m’allez trouver extravagante ; Mais je ne suis, Monsieur, que son humble servante, Et je ne lui serai, s’il se peut, rien de plus. Comment ?         Elle a raison ; j’approuve son refus. Le bel époux vraiment à donner à Julie, Qu’un ridicule, assez dépourvu de génie, Pour s’occuper toujours de semblables débats. Quoi donc ! Les intérêts des plus grands potentats ! Les guerres ! Les combats ! Les traités !...         Bagatelle, Qui ne mérite pas de troubler la cervelle. Parlez-moi de quelqu’un dont les vastes talents Percent quand il leur plaît dans l’abîme des temps ; Pour qui l’antiquité n’offre point de ténèbres ; Qui connaît ses débris , ses monuments célèbres ; Qui peut, à la faveur de ses nobles travaux, Dérober à l’oubli le portrait d’un héros ; Qui traite avec respect les savants les plus brusques, Enrichit sa maison de beaux vases étrusques ; Qui distingue au coup d’oil leur usage et leur prix, Déchiffre habilement les plus vieux manuscrits ; Qui possède un trépied ! Des couteaux victimaires ! Des urnes...         Le vieux fou qui vante ses chimères ! Peste de la gazette et du sot qui la lit ! Peste soit des trépieds et du sot qui les fit ! L’extravagant !         Le fat !... La fureur me transporte ; Je n’y peux plus tenir... Il vaut mieux que je sorte. La Gazette, morbleu !         Les trépieds ! Le cheval, Le butor !         Le débat est très original. Va, ne l’écoute point, Julie ; il faut qu’un homme Connaisse les beautés de la Grèce et de Rome, Qu’il sache distinguer un Galba d’un Othon ; Qu’on respire l’antique en toute sa maison ; Qu’il ait au moins chez lui quelque peu d’eau lustrale, Quelque petit morceau de lampe sépulcrale. Conviens qu’un tel mari serait plus de ton goût, Que tu l’adorerais.         Moi, Monsieur ? Point du tout. Elle a ma foi raison, non pas que je n’estime Autant, ou plus que vous, l’antiquité sublime ; J’ai pour elle, (il faut bien applaudir le brutal) Et pour ses monuments un respect sans égal ; Mais je crois qu’un savant amuse peu les femmes. Je pense que le ciel a versé dans leurs âmes Beaucoup d’affinité pour des plaisirs plus doux, Que ceux que peut donner la science. Entre nous, Pensez-vous qu’en effet dans les moments nocturnes, Elles feraient grand cas des trépieds et des urnes ? Il faudrait à Julie un époux moins savant ; Mais d’une humeur égale ; attentif, amusant, Qui fît tout son bonheur de l’aimer, de lui plaire ; Un honnête-homme enfin , tel qu’on n’en trouve guère, Sur tout dans ces climats. Je voudrais pour son bien Pouvoir la marier à quelque brave Indien, Quelque honnête Chinois, quelque petit Bramine. Ah ! c’est-là, c’est chez eux que la vertu domine : Mais du moins au défaut d’un aussi bon parti, Je veux , ma chère enfant, te donner pour mari Un voyageur instruit des mours et des usages De ces peuples qu’à tort on a nommé sauvages. Quel agrément pour toi d’entendre ces récits, De voir les raretés de ces charmants pays ? Des serpents ! Des oiseaux ! Des poissons ! des reptiles ! Des fleurs ! Des calumets ! De petits crocodiles ! Des insectes !... Cela t’amuserait du moins : Conviens qu’un tel parti te plairait ?         Encor moins. Point du tout, encor moins...         Elle tranche un peu vite. Un petit crocodile a pourtant son mérite. Une urne en a bien plus, du moins aux yeux des fous. Mon petit voyageur...         Messieurs, y pensez-vous ? Allez-vous pour cela vous quereller encore ? Avez-vous oublié que c’est une Pécore ? Ce n’est qu’un animal, un imbécile, un sot. Messieurs, faut-il ainsi se brouiller pour un mot, Ne suivre, n’écouter que son premier caprice ? Je vois qu’au fond du cour vous vous rendez justice. S’offensa-t-on jamais des propos d’un oison ? Il radote.     Il est vrai.         Cette fille a raison. Pourquoi donc vous fâcher ? Et quant à ma maîtresse, Dont il paraît aussi que le refus vous blesse , Peut-elle, malgré vous, se donner un mari ? Il lui faut votre aveu pour choisir un parti. Un voyageur la choque à la mettre en colère. Elle prendrait la mort plutôt qu’un antiquaire. Ainsi vous avez tort de vous mettre en courroux, Et c’est de votre choix qu’elle attend un époux. Oui fans doute, c’est moi qui dois disposer d’elle, Autrement point d’époux.         Songez, Mademoiselle, Qu’il faudra m’obéir, ou rester fille : Adieu. Fort bien, Messieurs , fort bien ; vous allez voir beau jeu. Les voilà donc partis : grâce au Ciel je respire. Vit-on jamais, Marton, un semblable délire ? Il nous servira bien, si j’en crois mon projet. Mais allons y rêver ; nous en verrons l’effet. Vous avons fait, Marton, d’excellentes affaires. Oui ?         Ma foi ! Tes conseils nous étaient nécessaires ; Nous en avons aussi parbleu bien profité. Je suis dans une joie...         Ah ! Je suis enchanté. Va, tu peux de ma part assurer ta maîtresse Que tout me réussit au gré de ma tendresse : Je suis déjà muni d’un des consentements. Mais vous avez fort bien employé votre temps. Et quel est le vieillard qui dans le stratagème... Le Nouvelliste.     Quoi ! Bavardin ?         Oui, lui-même. À quatre pas d’ici, guidé par le hasard, J’ai rencontré mon sot qui rêvait à l’écart, Qui parlait, se taisait, et reparlait encore, Traitait quelqu’un de fat, d’insensé, de pécore. « Ignorant, disait-il, le Mogol est en paix ! Morbleu, j’irais plutôt au Mogol à mes frais, „Que de venir ainsi débiter des sornettes, „Et d’oser jusques-là démentir les gazettes. » J’avais deviné l’homme à cet emportement. Lui, toujours sans me voir, ajoute au même instant : « Corbleu ! Que j’avais fait une étrange folie „De songer à ce fat pour l’hymen de Julie ? » À ce dernier propos qui me donnait beau jeu, Je m’écrie : „« Oui Crispin, le Mogol est en feu. » À ce nom de Mogol qui frappe son oreille, Le vieillard étonné me regarde et s’éveille. „« Vous savez donc, Monsieur, dit-il, d’un ton plus doux, „Les troubles du Mogol ? » Comment ? En doutez-vous ? Ai-je dit aussitôt. Puis tirant une lettre Que Crispin au hasard venait de me remettre : „« Lisez, lui dis-je, elle est du grand eunuque noir. » Le bonhomme ravi n’a plus voulu rien voir. Enfin pour t’abréger, juge quel imbécile ! Il m’embrasse Marton, il m’offre sa pupille ; Moi je le prends au mot, et suis débarrassé De ce maudit rival dont j’étais menacé. Continuez, Monsieur, payez d’effronterie, Jouez bien votre rôle, et vous avez Julie. Allons vite, Crispin, votre déguisement. J’ai tout apporté.         Bon, car voici le moment, Où quand notre antiquaire a fini quelque emplette, Il rentre à la maison.         Voilà votre toilette. Voici la mienne aussi.         Cette lanterne-là Est-elle aussi du compte ?         Elle nous servira. Ha, ha, ha, ha, ha, ha, le bizarre équipage ! Il s’accorde fort bien avec mon personnage. Ha, ha ,ha, ha, ha, ha.         Hi, hi,hi,hi, hi, hi. Mais devant nos tuteurs ne vas pas rire ainsi. Oh ! Je sais trop. Monsieur, qu’il ne faudra pas rire. Hi, hi...     Comment bourreau !         Souffrez que je respire. Hi, hi... Je ris, Monsieur, pour la dernière fois. Qui vous reconnaîtrait sous ces habits ? Je crois Que ma Maîtresse même aurait peine à le faire ; Mais je sors, à sa toux j’entends notre antiquaire. Va, le bonhomme en tient, incontestablement. C’est bien cher. Mais n’importe : un si beau monument Ne peut trop s’acheter. Mais que vois-je ? Deux hommes À ma porte.         Monsieur ne sait pas qui nous sommes. Ni ne veux le savoir. Cet habit singulier N’annonce rien de bon.         Il est particulier, Mais il en a, Monsieur, d’autant plus de mérite ; Et nous venons tous deux vous rendre une visite. Une visite à moi ?     Sans doute, à vous.         On dit, Et c’est faire en deux mots connaître votre esprit, Que vous avez, Monsieur, pour ce qu’on nomme antique Une amitié qu’on peut appeler sympathique ; Que l’un de vos plaisirs , et même le plus doux, Est de vous occuper à rassembler chez vous Le peu d’antiquités que vous pouvez connaître. Mais j’en connais beaucoup.         Monsieur, cela peut-être ; Mais comme de tout temps je m’en occupe aussi , Et que jusqu’à présent j’ai toujours réussi, Je crois, sans me vanter, en avoir quelques unes Qui pourraient vous manquer, et ne sont pas communes. Et Monsieur les vendrait apparemment ?         Non pas. J’en connais trop le prix et j’en fais trop de cas. L’antiquité, Monsieur, fut ma première étude. Moi, sans trop me flatter , j’en ai quelque habitude. Et comme en arrivant j’apprends que notre goût Est le même à peu près, ou pour mieux dire en tout, Je venais admirer ces monuments...         De grâce, Souffrez qu’auparavant, Monsieur, je vous embrasse : Quoique de vos trésors je fois un peu jaloux, Je suis heureux de voir un homme tel que vous, Et vous êtes vous-même un trésor. À votre âge, Aimer l’antiquité ! C’est être vraiment sage ; Mais dites-moi, Monsieur, d’où vous vient cet habit ? C’est sans doute une antique !         On vous le garantit ; Mais d’une antiquité, Monsieur, si fort.... antique , Là... d’une antiquité... d’autant plus authentique.. Qu’on voit assurément que rien n’est moins nouveau. Hé bien, malgré cela, convenez qu’il est beau. Ah ! S’il est beau !         D’ailleurs, c’est qu’il est si commode ! Vraiment il fut un temps qu’il était à la mode ; Mais il faut remonter à deux mille ans au moins. Deux mille ans !         Oui, Monsieur, j’en aurais des témoins. En fait d’antiquité mon Maître est un bon juge, Demandez....         Cet habit vient du temps du Déluge. Du Déluge !         Comptez, je vous l’avais bien dit. Comment ! c’est un bonheur d’avoir un tel habit. Du Déluge morbleu !         Les preuves sont complètes, Et Noé le portait le Dimanche et les Fêtes. Du Déluge ! Monsieur, peut-on vous demander, Comment, par quel secret il a pu se garder ? Les étoffes d’alors valaient mieux que les nôtres. Sans doute ; et pour juger de ces temps-là par d’autres, Ne voyons-nous pas bien que tout a dépéri ? Tout semble n’exister aujourd’hui qu’à demi. On On voit que par degrés le monde dégénère ; Notre siècle extravague à me mettre en colère : Tous nos petits auteurs, si fiers de leurs succès, Sont pour les gens sensés de vrais colifichets. Une métaphysique où le jargon domine, Souvent imperceptible, à force d’être fine, Du clinquant, honoré du nom de bel esprit : Voilà ce qui décide en faveur d’un écrit. Il est vrai.         Croiriez-vous que nous venons d’Athènes. Sur un simple rapport qu’autrefois Diogène, (Monsieur, vous connaissez sans doute un si grand nom) Ce Philosophe Grec...         Si je le connais ? Bon ! J’ai lu plus de cent fois tout ce qui le concerne. Hé bien, que Diogène ?...         Y laissa sa lanterne, Et qu’on pourrait encor la retrouver. Je pars, Je m’embarque et, Monsieur, après mille hasards, La voilà.     La voilà !         Lanterne respectable, Que tu nous a coûté ?         C’est un homme admirable... Monsieur, si vous vouliez... il ne voudra jamais Après tant de périls et les pas qu’il a faits. Si, dis-je, vous vouliez m’abandonner, me vendre Ce trésor... Je sens bien que j’ai tort d’y prétendre ; Mais ce serait, Monsieur, me faire un grand cadeau ; Jugez, Messieurs, j’allais acheter son tonneau ; Je le trouvais trop cher, mais j’allais m’y résoudre. Quoi ! Monsieur...         Puissai-je être écrasé de la foudre ; Malheureux que je suis ! Je l’avais bien prévu. Concevez-vous, Monsieur, quel plaisir j’aurais eu De pouvoir réunir deux morceaux aussi rares ? Vraiment, je le crois bien.         Si vous n’êtes barbares.... La lanterne, Crispin, perd un peu de son prix, Si le tonneau nous manque.     Il est vrai.         Des amis M’avaient fait espérer de le trouver à Rome. C’est à Rome en effet que mourut ce grand homme. J’étais prêt à partir pour l’acheter. De là, Comme il ne me manquait justement que cela, J’avais fait le projet de repasser en France, D’y jouir en repos d’un cabinet immense, Et de m’y marier.         Il faut faire une fin. De vous y marier ?         Oui c’était mon dessein. Se marier ! Qu’entends-je ? Il me vient une idée Heureuse, et qui d’ailleurs me parait bien fondée. Avec le peu de bien dont je jouis encor , Je ne pourrais jamais acheter ce trésor. L’argent coûte si cher ; le jeter, c’est folie ! Si j’osais me flatter qu’il acceptât Julie ! Monsieur, je crois avoir votre fait.         Hé ! comment ? O Ciel ! fais qu’il se prête à cet arrangement ! J ai sous mes lois, Monsieur, une jeune pupille, Aimable, belle, riche, et d’une humeur docile. Jeune, me dites-vous ?     Oui, Monsieur.         Mais tant pis. Oui, nous l’aimerions mieux avec des cheveux gris, Cela serait plus beau plus antique.         Ah ! Je tremble. Il a parbleu raison ; mais , Monsieur, il me semble Que vous pourriez un peu sur cet article-là... Sans doute avec le temps ce défaut passera. Je veux à soixante ans lui voir un port de Reine. Ah ! Si c’était encore une beauté Romaine. Vous l’en aimeriez mieux ? Hé bien, j’en suis ravi, Elle en a tous les traits.     Oui-da ?         Si ce parti Pouvait vous convenir...         Vraiment, c’est quelque chose. Oui... mais l’Hymen ..         Je sais quand je vous la propose, Que si vous l’acceptez, vous lui faites honneur, Et je vous le demande à titre de faveur. C’est faiblement, Monsieur, vous payer la lanterne ; Ma Pupille est pour elle un prix bien subalterne ; Mais, vous ne m’en cédez au fond que l’usufruit, Vous la retrouverez à ma mort.         C’est bien dit. Et nous aurions, Monsieur, le plaisir d’être ensemble. Le goût, les sentiments, l’humeur, tout nous rassemble, Et d’ailleurs l’amitié...         C’en est fait, j’y consens : L’amitié sur mon cour a des droits si puissants... Le mien ne peut suffire aux transports de ma joie : Béni soit à jamais le Ciel qui vous envoie ; Mais si par un dédit... Excusez-moi, Monsieur, Si je parais encor douter de mon bonheur, Nous confirmions tous deux ce charmant hyménée. Soit, j’y consens encor.         Voyez la destinée. Vous allez à présent acheter le tonneau. Je ne veux pas manquer ce précieux morceau. Entrez, Monsieur, entrez et nous allons conclure. Attends-moi, je reviens après la signature. Bon, déjà l’antiquaire est pris dans nos filets ; Ma foi, vive Crispin pour les brillants projets ! Lanterne, que jadis alluma Diogène Pour chercher vainement un sage dans Athènes, Sage qu’il n’eût pas mieux découvert dans Paris, Il le faut avouer, tu nous a bien servis. Diogène avec toi n’en fut pas plus habile, Et Crispin a trouvé l’art de te rendre utile. Le dédit est signé, Crispin ; je suis ravi. Allons, vite, quittons ce déguisement-ci. Voici le dernier choc ; encore une victoire, La pupille est à nous.         Du moins j’ose le croire ; Il n’est pas naturel de perdre à si beau jeu. Mais, Monsieur, quelqu’un vient, éloignons-nous un peu. Maudits soient les fâcheux et leurs tristes visages ; À peine dans une heure ai-je encor lu deux pages. Je prétends jusqu’au soir demeurer seul ici. J’en étais... à Congo...         Mais qui sont ces gens-ci ? De fameux voyageurs, et comme en n’en voit guère, Monsieur.     Et vous venez ?...         Pour vous parler d’affaires. Une jeune beauté dont vous êtes tuteur, Julie a pour jamais su captiver mon cour. Vous savez à quel point, Monsieur, elle est aimable ! Je viens vous conjurer de m’être favorable. Le nom de voyageur a pour moi tant d’appas, Que sur ce titre seul je n’hésiterais pas ; Mais dites-moi comment vous connaissez Julie ? Pour le dire en deux mots... Je revenais d’Asie ; Car autant que j’ai pu... J’ai toujours voyagé. Voyagé ! Quel bonheur ! Vous êtes affligé D’avoir fini si tôt...         Fini, moi ! Dieu m’en garde ; Et n’était la saison, Monsieur, qui nous retarde, Je serais déjà loin. À mon gré c’est mourir Que de rester chez soi. Quoi, vivre sans courir ! J’espère bien encor, si le vent nous seconde, Avoir fait en deux ans trois fois le tour du monde, Et retourner encore au Monomotapa. Je mourrais aujourd’hui sans cette attente-là. Au Monomotapa ? Je ne me sens pas d’aise. C’est donc un beau pays ?         Il est, ne vous déplaise, Plus beau que celui-ci.         Va, j’en suis convaincu. S’il est beau ! Mais sans lui c’est que l’on n’a rien vu. C’est là, Monsieur, c’est là qu’on trouve des génies ; On y fait comme ici des vers, des comédies, Des chansons, des ballets....         Au Monomotapa ? Oui, Monsieur, on y fait jusqu’à des opéra. Des opéra !         Sans doute, et bien meilleurs qu’en France. La Musique surtout est charmante.         Et la danse ! Et l’orchestre ?         L’Orchestre est admirable aussi. Les Spectacles d’ailleurs font plus décents qu’ici ; On n’y voit ni rumeurs, ni reflux , ni cabales, Les danseuses surtout sont autant de vestales. Pouvez-vous maintenant aller à l’opéra ? Moi ? Je n’y vais jamais.         Hé que fais-tu donc là ? Je répétais un pas d’une danse huronne. Comment ?         C’est qu’il la danse aussi bien que personne : Il pourrait au besoin en donner des leçons. Ah, les honnêtes-gens que messieurs les Hurons ! Sans doute. Leurs vertus sont encor dans leur force , Au lieu que parmi nous on n’en a que l’écorce. Voilà pourquoi le Ciel moins prodigue envers nous, Leur a donné des biens dont nous serions jaloux ; Des secrets surprenants, des raretés uniques. Des remèdes certains... mais doux et pacifiques. De ces remèdes...là, qui guérissent. Enfin, On y meurt de son mal, jamais du médecin. Ce n’est pas comme ici ; nous sommes les sauvages. Ce garçon parle d’or.         J’ai vu certains breuvages Opérer des effets que vous ne croiriez pas. Moi ?         Vous ! J’ai rapporté de ces heureux climats Un élixir divin. Ah ! quel plaisir extrême Si je pouvais, Monsieur, l’essayer sur vous-même : Près de cet élixir, l’eau de goudron n’est rien ; Mais, malheureusement, vous vous portez si bien ! Mais pas si bien.         Tant mieux. Comptez sur mon service ; Deux flacons de mon eau vous rendraient un novice, Un jeune adolescent ; vous pourriez au besoin Vous faire un héritier... en m’en donnant le soin. La Sultane d’Agra, quoique laide et caduque, Dans le temps qu’au sérail je lui servais... d’eunuque, Avec cet élixir aurait eu des enfants, Et je l’aurais fait vivre encor plus de cent ans. Encor plus de cent ans !         Moins quelques mois peut-être. Je ne suis cependant qu’un sot près de mon maître ; Il ne doit qu’à lui seul cet excès de santé. Voyez ce coloris.         Ah je suis enchanté. Quel homme ! Et que le Ciel à propos me l’adresse Moi qui touche aux glaçons de la triste vieillesse. Je suis sûr avec lui de l’immortalité. Monsieur, votre entretien, ma curiosité Nous ont jusqu’à présent écartés de Julie : Hé bien, vous disiez donc qu’au retour de l’Asie... L’amour guida mes pas, j’arrivai dans ces lieux ; Pouvais-je me soustraire au pouvoir de ses yeux ? Elle a cet enjouement qui plaît en Italie ; Ce port majestueux qui charme en Circassie ; Ces traits fins, délicats, ce brillant coloris. Cet oil vif, animé qu’on recherche à Paris ; Cet air de liberté, l’ornement des Françaises ; Cet éclat de blancheur naturel aux Anglaises ; Un pied qui dans Pékin n’aurait pas de rival, L’esprit... Oh ! Pour l’esprit je n’ai rien vu d’égal : Enfin tout l’univers soupirerait pour elle ; Il n’est pas de climat qui ne la trouvât belle. Ah ! Que je vais l’aimer !         Vous connaissez mes feux, C’est de vous que dépend le succès de mes voux, Tout mon espoir enfin.         Vraiment, j’en suis fort aise. Je me tiens honoré, Monsieur, qu’elle vous plaise, Et vous méritez bien de captiver son cour. Si je pouvais moi seul faire votre bonheur , Vous seriez dès ce soir le mari de Julie ; Mais malheureusement elle est assujettie À deux autres tuteurs quinteux, extravagants, Et je ne réponds pas de leurs consentements. Mais vous pourriez toujours en m’assurant du vôtre... Empêcher que leur choix ne tombât sur un autre ; Ou... s’ils lui proposaient de choisir un époux, Elle rejetterait son désaveu sur vous ; Ce prétexte du moins... lui servirait d’excuse. Oui... vous avez raison.         Cette innocente ruse Pourrait l’aider, je crois, à s’en débarrasser. Je suis de cet avis.         Mais c’est fort bien penser. N’êtes-vous pas son Maître aussi bien qu’eux ?         Sans doute. Ma foi, pour réussir il n’est pas d’autre route. Et d’ailleurs je me venge en les bravant.         Fort bien. L’avis de ces Messieurs ne fut jamais le mien, Quel dépit ils auront !         Ils s’en pendront peut-être. Enfin j’ai mes raisons pour obliger ton maître. Voici précisément ce qu’il faut. Écrivons. Il me semble déjà que j’entends nos oisons. Je veux qu’il mette au jour ses différents voyages. Je me charge. Monsieur, du détail des naufrages, C’est mon genre.         Comment se nomme-t-il ? Damis.         Bon ! j’ai connu son père, et nous étions amis. Votre nom suffisait pour fonder mon suffrage, Tenez Monsieur, lisez.         Cet écrit m’encourage. Nos Tuteurs vont gronder : Hé bien, tant pis pour eux. C’est un plaisir de plus de les choquer tous deux. Mais attendez... Fort bien... Je réponds de la chose ; Malgré les préjugés, le mérite en impose : Jamais ils ne pourront vous refuser leur choix, Et vous allez, Monsieur, nous réunir tous trois. Que j’aurais de plaisir à finir cette affaire Dès ce soir !         Mais vraiment, cela se pourra faire. Bon. Je vais les chercher, il ne faut qu’un moment. Attendez-moi tous deux dans mon appartement : Quand il en sera temps je vous ferai paraître. Je rends grâce au hasard qui me l’a fait connaître. Que je vais avec lui... quelqu’un vient.         Mon enfant 1 Je veux sur ton bonheur te faire un compliment. Hé quel bonheur, Monsieur ?         Que tu seras contente ! Je te donne un époux, un homme qui m’enchante. Un époux ?         Oui, ma fille ; un fameux voyageur, Et qui te fera voir bien du pays.         Monsieur, Comment le nomme-t-on, s’il vous plaît ?         La future Va l’apprendre à l’instant, car nous allons conclure. C’est un homme accompli, qui l’aime, et qui d’ailleurs La charmera d’abord, ainsi que nos tuteurs. Je vais... mais les voici.         Marton, que vais-je apprendre ? Vous pouvez l’assurer qu’il a tort d’y prétendre ; Il ne l’obtiendra pas.         Je soutiendrai mon choix. J’en ai fait un qui va nous accorder tous trois. Vous ?     Moi.     Chansons.     Messieurs...         Pourquoi tant de redites ? Mais encore une fois...         Le bien que vous m’en dites Ne m’obligera pas à changer de projet ; Je me suis engagé par écrit, qui plus est. Et moi par un dédit.         J’ai fait la même chose, Et si vous connaissez celui que je propose... Non, ce sera le mien.         Je n’en démordrai pas. Parbleu, ni moi non plus.     Nous verrons.         Quel fracas ! La dispute entre nous devient fort inutile. Vous n’auriez pu, morbleu, mieux choisir entre mille ; Du moins, vous l’allez voir... Venez, venez, Monsieur. Que vois-je ?     Ah ! Marton.         Quel bonheur ! Mais, c’est un nouvelliste.         Ah ! C’est mon antiquaire. Non, c’est mon voyageur, messieurs, sans vous déplaire. Non, Messieurs. Puisqu’il faut vous parler franchement, Mon rôle est achevé, je ne suis qu’un amant. J’ai pour vous accorder eu recours à la ruse ; Mais j’étais amoureux, et voilà mon excuse. Ah, Ciel !         Après ce tour à qui donc se fier ? M’avoir ainsi joué ! Le trait est singulier. Venez, que votre main comble mon espérance. Ah ! Vous êtes bien sûr de ma reconnaissance. Je l’avais bien prédit, l’amour est le plus fort ; Quand il conduit la barque, elle arrive à bon port.