Eh bien , tout est-il prêt pour la cérémonie Oui, Maître, vous pouvez compter sur mon génie ; À suivre vos désirs les Francs-Maçons zélés, Sont déjà, par mes soins, en ces lieux rassemblés. Je craignais, par quelque obstacle, Qu’ils ne soient tous arrêtés, Ou qu’ils ne soient au spectacle Conduits par les nouveautés ; J’aurais remis notre affaire À demain, sans nul détour ; Car je sais qu’à présent, Frère , Les nouveautés n’ont qu’un jour. Cependant j’ai l’âme ravie Que tous mes projets soient suivis Commençons la cérémonie ; Dans l’instant nous serons servis. Aurons-nous un bon repas ? Oui, je t’en assure. J’ai vu des ragoûts là-bas D’assez bon augure. Nous recevons l’héritier D’un vieux marchand usurier : La bonne aventure. Oh gué : la bonne aventure. Mais savez-vous, mon Vénérable, Qu’une cohorte redoutable Veut nous jouer un méchant tour : Je viens, en surveillant habile, D’apprendre en parcourant la ville, Que trente femmes en ce jour Doivent forcer notre séjour. Des femmes savoir nos mystères ! Et quelles sont ces téméraires ? Ce font celles qui dans Paris Font la ressource des maris ; Qui savent à force d’adresse, Dégourdir la belle jeunesse ; Mais qui sur les pas du plaisir Guident souvent le repentir. En ces lieux qui conduit leurs pas. C’est cet objet si plein d’appas, Cette Hortense, que l’on admire Beaucoup moins que ses diamants Et qui, crainte de la satire, Se contente de six amants. Hortense ! Oh Ciel ! Que me dis-tu ? Cette Hortense !     Eh bien !         Qu’elle est belle ! Quoi, votre coeur est abattu ! Vous aimez cette Péronelle. Non, je la hais. Qu’elle a d’attraits ! Vous l’aimez : allons, Frère, Je vois que de votre argent frais Vous voulez vous défaire. Mais quoi, ce minois trompeur Toucherait-il votre coeur ? Si vous pouviez voir Quel est le savoir De toutes ces coquettes ; Allez, leurs appas chaque soir Restent sur leurs toilettes, lon la. Hortense ne mérite pas Cette cruelle injure ; Rien à ses yeux n’a plus d’appas Que la simple nature. Par ses petits talents Surtout elle m’enchante ; Toujours ses vêtements Sont riches et galants : Elle fait des noeuds, Chante au mieux, Sait jouer des yeux ; Pour persister les gens Elle est toute excellente. Son goût est exquis ; Nos Marquis sont par elle instruits, Ce qui fait qu’à Paris Sa conquête est de prix. Eh bien, soyez-en amoureux ; Mais si jamais, mon Frère, Elle ose conduire en ces lieux Sa troupe téméraire, Nous n’entendrons point de raison, La faridondaine, la faridondon ; Nous les arrangerons ici, biribi, À la façon de Barbari mon ami. Garde-toi de leur faire injure. Je veux les rendre à la nature. Je veux que d’un fard spécieux Leurs figures soient dépouillées; Combien de femmes en ces lieux Craindraient d être débarbouillées ! Mais pourquoi les bannir De nos secrets Mystères ? Pensez vous qu’au plaisir Elles soient nécessaires ? Ce sexe né pour plaire Mérite quelque soin. Moi, je n’en ai que faire. Moi, j’en ai grand besoin. Dans les beaux yeux d’Hortense L’amour plaça ses traits ; Son aimable présence Enchaîne pour jamais. Si tu la voyais, Tu céderais à sa puissance ; Si tu la voyais, Tu céderais, et tu dirais : Dans les beaux yeux d’Hortense L’amour plaça ses traits ; Son aimable présence M’enchaîne pour jamais. Ce sexe n’aspire Qu’à nous asservir. Mais sous son Empire Règne le plaisir. Que dites-vous ? Ce sont les fous Qui vantent sa tendresse. Par ses travers, Par ses grands airs ll sait nous émouvoir : C’est notre faiblesse Qui fait son pouvoir. Le jeune enfant de Cythère N’a pas toujours un bandeau ; La vertu souvent l’éclaire Et lui prête son flambeau ; En adorant une femme On peut honorer son coeur, Dès lors qu’il élève l’âme, L’amour n’est plus une erreur. Vas donner l’ordre nécessaire Pour prévenir tout incident, Et qu’en ces lieux, la loge entière Se réunisse dans l’instant. Qu’ai-je appris ? Se peut-il qu’Hortense Veuille pénétrer en ces lieux ? Des Frères je crains la vengeance ; Pour la voir que n’ont ils mes yeux ! Mais j’aperçois déjà nos Frères Pensons à notre dignité, Et pour commencer nos mystères, Reprenons notre gravité. C’est ce jour Que vous aurez votre tour ; Mais avant de vous recevoir, Il faut savoir Quel sera votre devoir. Avançons, Commençons Loin d’ici tout profane : Nos secrets Veulent des gens discrets. Votre coeur Doit redoubler sa ferveur. Sachez donc comme il faut marcher, Parler, Toucher ; Et puis nous vous apprendrons Comment nous reconnaissons Les fidèles Maçons. Mon frère, je vais à vos yeux Découvrir ce secret fameux ; Ce secret, ce profond mystère, Respecté de toute la terre : C’est... Poussons, poussons fort, Jetons la porte à terre ; Poussons, poussons, poussons fort. Ciel ! Qui peut causer de tels transports ! Faisons tout céder à nos efforts. Quoi, des femmes entrer ! Quel démon ! Allons vite, sortez, sortez donc.         Non. Frères, venez tous, Défendons-nous. Ah, nous entrerons. Nous le verrons. Nous entrerons. Arrêtez, Messieurs, y pensez-vous ? Ayez un peu plus d’égard pour nous. On ne m’a jamais reçue ainsi : Nous ne sortirons point d’ici.         Si. Que craignez- vous, mon vénérable, On ne fuit point l’amour quand on est beau garçon. Sortez vite de ces lieux, Ne troublez plus nos mystères. Que sert d’être furieux ? Elle ose nous braver, mes Frères ! Allons : de leur témérités, Il faut les punir. Arrêtez. Il faut les punir. Arrêtez. De grâce sortez de ces lieux, Croyez-m’en, belle Hortense. Pourquoi ce ton mystérieux ? Craignez-vous ma présence ? Je vois que votre amusement N’est pas décent. Oui, c’est cela, là,là. Oh, oh, ah, ah, ah, ah ! Vous cacheriez-vous sans cela la, là. Un tel soupçon N’est pas dicté par la raison ; Oui c’est un affront, Mais tout de bon Sortez donc. Non. Je veux d’abord savoir Quel devoir. Je suis au désespoir; La seule liberté Fait ici notre félicité, Et dans ces lieux Nous goûtons loin de tous fâcheux Des moments heureux Que troubleraient vos beaux yeux.         Dieux ! Eh pourquoi nous éloignez-vous, Pourquoi montrer tant de courroux ; Eh pourquoi nous éloignez-vous, D’un plaisir qui nous paraît si doux. Les ris et les jeux Suivent nos traces : Est-on heureux En chassant les grâces ; Sans nous, en ces lieux Tout est ennuyeux. Il n’est point de plaisirs Pour qui vit sans désirs. Eh pourquoi nous éloignez-vous, etc. Nous avons des mystères, Il faut garder un secret : Votre sexe, mes chères, Par goût n’est pas fort discret : Mille soins sous votre empire Empoisonnent nos beaux jours. De nous vous pouvez médire, Vous y reviendrez toujours. Les Femmes, mon cher grand maître Même en vous donnant des fers Sont des sieurs qu’Amour fit naître Pour embellir l’Univers. Là discorde, ou la tristesse Sans nous, occupent vos jours ; Nous apportons l’allégresse, Nous réveillons les amours. Les Femmes, etc. Quelquefois, sous notre chaîne Il en coûte des soupirs, Mais quand on connaît la peine. On sent bien mieux les plaisirs. Les femmes, etc. Cessez ces propos ennuyeux. Oui, sortons, nous ferons bien mieux. Marine, voulez-vous vous taire. Ne point parler, mais on rira. Mais vous savez qu’à l’Opéra Osiris fait seul son affaire. Tant en cabriolets qu’en diables, J’ai fait voiturer en ces lieux Bon nombre de Nymphes aimables ; Vous pouvez leur offrir vos voeux. Rien n’est si beau que leur conduite : Aimez-les, vous ne risquez rien ; Je vous ai fait choisir l’élite Des Princesses du magasin. Mais pourquoi ce silence ? Révérez-vous toujours ? Comment chacun balance À suivre les Amours : Allons gai, Toujours gai, D’un air gai. Oui, morbleu de ce silence ; J’ai tout lieu d’être en courroux, Comment frère, leur présence Vous a-t-elle troublez tous ? Pense-t-il par sa grimace Nous inspirer de l’effroi, Sa voix dure et sa disgrâce Me font rire malgré moi. Braves Francs-Maçons, Suivez mes leçons; Par de cruels affronts Vengeons notre injure, Sans aucun égard Ôtons leur ce fard, Qui sait avec tant d’art Voiler la nature. Cruels, arrêtez, Si jamais vous m’irrítez De tant de témérités... Menace vaine, Suivez tous mes pas, Perdons ces trompeurs appas. Je tremble pour vous, ma Reine. Je ne les crains pas. Oui, bientôt par ma prudence Leur fureur s’apaisera : Suivons dans cette occurrence Les leçons de l’Opéra. Ses ressources sont fort bonnes ; C’est par de petits présents Qu’Osiris des Amazones Fait changer les sentiments. Apportez-moi, mes Demoiselles, Des noeuds d’épée, et des dentelles ; N’oubliez pas les grands chapeaux, Les redingotes en chenille, Pour courir le matin la Ville : Les fouets, les petits couteaux, Les cocardes pour les chevaux, Les grandes cannes en usage ; Car tous cela sied au visage, Surtout apportez des liqueurs, Des fleurs, Des bouteilles d’odeurs, Des canapés, de longues chaises Pour leur procurer tous leurs aises, Enfin, il faut de leur prison, Faire une petite maison. À nos lois, malgré mon courroux Vous me rendez parjure. Comment, je suis seul avec vous ? Quelle heureuse aventure ? Nous serons plus en liberté : Allons découvrez-moi votre âme. Qui ? Moi Madame, Eh, mais en vérité, Vous avez bien de la bonté. Pourquoi nous faites-vous l’injure De nous bannir ? Ce sont nos lois. Vos lois outragent la nature, N’en croyez jamais que sa voix. Elle a formé les doux noeuds Qui nous joignent l’un à l’autre. Votre sexe n’est heureux, Qu’alors qu’il s’unit au nôtre. Il en conte à vos coeurs, Quelque soin pour nous plaire ; Mais on n’obtient des fleurs Qu’en arrosant la terre. Votre adresse séduisante Ressemble sexe imposteur, Aux feux que la terre enfante Pour tromper le voyageur, Il se perd suivant ces guides ; L’espoir aide à son erreur : Ainsi, vos faveurs perfides Nous éloignent du bonheur. Nous jouissons en ces lieux D’une paix tranquille et pure : Sans vous, nous sommes heureux. Turelurre. J’en doute à votre encolure, Robin turelurre, turelurre. Loin d’un sexe né pour plaire, Quel est donc votre plaisir ? La paix qui vous est si chère Vaut-elle un tendre désir ? Un Amant près de sa belle Méprise la liberté, La douceur d’être aimée d’elle Le mène à la volupté. Plus un tendre amour l’engage, Plus l’ivresse de son coeur Lui dit qu’un doux esclavage, Est l’image Du bonheur. Oui, mon coeur pourrait se rendre Au jeune enfant de Cypris, Si de l’ardeur la plus tendre, Le bonheur était le prix, Mais d’abord, c’est l’artifice Qui fait naître nos désirs, Et bientôt un vain caprice Empoisonne nos plaisirs. Pour deux coeurs qu’un tendre amour enflamme, Un caprice est un moment heureux, Ils se quittent, mais au fond de l’âme Ils brûlent de resserrer leurs noeuds : À leurs transports, le calme succède, La Maîtresse cède, Et de son amour L’amant prend bientôt un nouveau gage, C’est après l’orage L’éclat d’un beau jour. Je veux en vain me défendre, Il faut me rendre À vos accents : Ils ont enchanté mes sens ; Vous voyez l’Amant le plus tendre ; Oui, mon coeur, dans ce beau jour Connaît l’Amour, Cède à l’Amour. Par un aveu flatteur, Répondez à ma flamme ; Non, jamais tant d’ardeur N’a régné dans mon âme, Je n’aime que vous. Que ce mot est doux ! Que ma joye est extrême ! Votre coeur vient de s’enflammer. Quoi ! Mes yeux ont pu vous charmer Ah ! puissiez-vous toujours m’aimer. M’aimer. Toujours de même. J’entends du bruit. Ah ! Chère Hortense, Rassurez-vous sur ma puissance ; En vain, les frères contre vous... Ne craignons rien, c’est mon escorte. Nous apaiserons leurs courroux, Par les présents qu’on leur apporte. Avez-vous rempli mes demandes ? Oui, belle Hortense, les voilà, Mais nous n’avons pas de guirlandes, On a tout pris à l’Opéra, Pour enchanter les Amazones : Osiris en vainqueur malin En emploie quinze mille aulnes, Dont on forme un grand baldaquin. Ciel on vient en ces lieux ! Je vois, furieux Votre projet affreux. Avançons braves Compagnons, Suivons les leçons De nos anciens Maçons Rappellez vos serments, Qu’en ces instants. Quoi vous oseriez téméraires ? Je vais appaiser leurs fureurs. Vous, que l’on porte à tous les frères, Nos petits présents et nos fleurs, Qu’un noeud de rubans les enchaîne, Remplissons d’ambre la maison. Ma foi pour calmer notre haîne, Vous prenez la bonne façon : Oh que ça sent bon. Oh que ça sent bon. Oui, sous votre heureux empire, Malgré nous tout nous attire, L’Amour dicte vos accents, Vos yeux brillent de ses flammes, Et pour enchanter nos âmes, Vous savez charmer nos sens. Quoi, de pareilles misères Pourraient tous vous arrêter. Eh bien ! Je vais seul mes frères. C’est trop enfin m’insulter, Je vais bientôt punir, traître, Ton impertinent fracas, En qualité de grand maître, Je te bannis du repas. Quel arrêt ! Le repentir À mon courroux succède ; Vous savez trop bien punir : Oui, Maître, à votre désir, Je cède, je cède, je cède. Enfin, vous l’emportez, Hortense, Formons une heureuse alliance, Que votre suite pour jamais Vienne s’unir avec nos frères, Et que les femmes désormais Soient admises à nos mystères.