Ah j’entends un bruit qui nous presse De nous rassembler tous, Le charme cesse Éveillons-nous. Le charme cesse... Éveillons-nous. Esprits, empressés à nous plaire, Vous, qui veillez ici pour notre sûreté, Votre soin n’est plus nécessaire, Vous pouvez désormais partir en liberté. Que le ciel annonce à la Terre La fin de cet enchantement, Brillants éclairs, bruyant tonnerre, Marqués avec éclat ce bienheureux moment. Que le ciel annonce à la Terre La fin de cet enchantement, Brillants éclairs, bruyant tonnerre, Marqués avec éclat ce bienheureux moment. Les plaisirs nous suivront désormais ; Nous allons voir nos désirs satisfaits. Vivons sans alarmes, Vivons tous en paix. Revenez, reprenez tous vos charmes, Jeux innocents, revenez pour jamais. Il est temps que l’aurore vermeille Cède au soleil, qui marche sur ses pas ; Tout brille ici-bas. Il est temps que chacun se réveille ; L’amour ne dort pas, Tout sent ses appas. L’aimable Zéphire Pour Flore soupire ; Dans un si beau jour, Tout parle d’amour. Lorsqu’Amadis périt, une douleur profonde Nous fit retirer dans ces lieux : Un charme assoupissant devait fermer nos yeux, Jusqu’au temps fortuné que le destin du monde Dépendrait d’un héros, encore plus glorieux. Ce héros triomphant veut que tout soit tranquille ; En vain, mille envieux s’arment de toutes parts ; D’un mot, d’un seul de ses regards Il sait rendre, à son gré, leur fureur inutile. C’est à lui d’enseigner Aux maîtres de la terre Le grand art de la guerre ; C’est à lui d’enseigner Le grand art de régner. C’est à lui d’enseigner Aux maîtres de la terre Le grand art de la guerre ; C’est à lui d’enseigner Le grand art de régner. Retirons Amadis de la nuit éternelle ; Le ciel nous le permet, un sort nouveau l’appelle Où son sang régnait autrefois. Nous ne saurions choisir de demeure plus belle. Allons être témoins de la gloire immortelle D’un roi, l’étonnement des rois, Et des plus grands héros le plus parfait modèle. Tout l’univers admire ses exploits ; Allons vivre heureux sous ses lois. Tout l’univers admire ses exploits ; Allons vivre heureux sous ses lois. Suivons l’amour, c’est lui qui nous mène ; Tout doit sentir son aimable ardeur. Un peu d’amour nous fait moins de peine Que l’embarras de garder notre coeur. Malgré nos soins, l’Amour nous enchaîne ; On ne peut fuir ce charmant vainqueur ; Un peu d’amour nous fait moins de peine Que l’embarras de garder notre coeur. Volez, tendres amours, Amadis va revivre. Son grand coeur est fait pour vous suivre. Volez, volez aimables jeux, Conduisez Amadis en des climats heureux. Volez, tendres amours, Amadis va revivre. Son grand coeur est fait pour vous suivre. Volez, volez aimables jeux, Conduisez Amadis en des climats heureux. Je reviens dans ces lieux pour y voir ce que j’aime ; Mais au sang qui nousjoint, je fais ce que je dois : Je ne puis vous laisser, sans une peine extrême, Dans la douleur où je vous vois. Le grand coeur d’Amadis doit être inébranlable ; Quel malheur peut troubler un héros indomptable, Vainqueur des fiers tyrans et des monstres affreux. J’aime, hélas ! c’est assez pour être malheureux. Sans cesse vous volez de victoire en victoire, Votre grand nom s’étend aussi loin que le jour : Si vous vous plaignez de l’amour, Consolez-vous avec la gloire. J’ai choisi la gloire pour guide, J’ai prétendu marcher sur les traces d’Alcide ; Heureux ! si j’avais évité Le charme trop fatal dont il fut enchanté ! Son coeur n’eut que trop de tendresse, Je suis tombé dans son malheur ; J’ai mal imité sa valeur, J’imite trop bien sa faiblesse. J’aime Oriane, hélas ! Je l’aime sans espoir. Elle dépend d’un père, elle suit son devoir. Oriane m’aimait, je l’aimais sans alarmes. Que vous peut-elle offrir, que d’inutiles larmes ? L’empereur des Romains sur son trône l’attend. Je pourrais l’obtenir par la force des armes, Si son amour était constant ; Et je croyais son coeur à l’épreuve des charmes Du trône le plus éclatant. Fût-il jamais amant plus fidèle et plus tendre, Fût-il jamais amant plus malheureux que moi ? La beauté dont je suis la loi Me bannit, pour jamais, sans me vouloir entendre ; Hélas ! Est-ce le prix que je devais attendre De mon amour et de ma foi ? Fût-il jamais amant plus fidèle et plus tendre, Fût-il jamais amant plus malheureux que moi ? Quand on est aimé comme on aime, C’est une trahison que de se dégager ; Mais c’est une faiblesse extrême D’aimer une inconstante, et de ne pas changer. Vous serez plus heureux dans une amour nouvelle. Oriane, ingrate et cruelle, M’accable de mortels ennuis. Mais j’ai juré de conserver pour elle Une amour éternelle ; Tout infortuné que je suis, J’aime mieux être encore malheureux, qu’infidèle. C’est trop vous arrêter, allez, suivez l’amour. Corisande en ces lieux attend votre retour. Vous puis-je abandonner à votre inquiétude ? Un amour malheureux cherche la solitude. Florestan !     Corisande !         Ô bienheureux moment Qui finit mon cruel tourment ! Après la rigueur extrême D’un fatal éloignement ; Que c’est un plaisir charmant De revoir ce que l’on aime ! Il faut unir votre coeur et le mien D’un éternel lien. Venez régner aux lieux où je commande. Aimons-nous, belle Corisande, Et comptons la grandeur pour rien. Vous êtes le seul bien Que mon amour demande. Au tendre amour, qui me tient sous sa loi, Si votre coeur eût été bine sensible Vous eût-il été possible De vous éloigner de moi ? Fils d’un roi, dont le nom partout s’est fait connaître, Et frère d’Amadis, le plus grand des héros, Pouvais-je demeurer dans un honteux repos ? Aurais-je démenti le sang qui m’a fait naître ? Pour mériter de plaire aux yeux qui m’ont charmé, J’ai cherché tout l’éclat que donne la victoire : Si j’avais moins aimé la gloire, Vous ne m’auriez pas tant aimé. Je revois Florestan, je le revois fidèle. Ah, qu’il est beau d’aimer d’une amour éternelle ! C’est en vain qu’Amadis vous aime constamment, Et vous l’avez banni, par une loi cruelle. Non, ne défendez point un si volage amant. Sa première amour est finie : Il adore Briolanie. Le confident de sa nouvelle ardeur N’a que trop bien su m’en instruire : Il n’est plus permis à mon coeur De se laisser séduire. Se peut-il qu’Amadis vous ait manqué de foi ! Ma rivale n’est que trop belle. Êtes-vous moins aimable qu’elle ? Elle a l’avantage sur moi D’être une conquête nouvelle. Amadis est saisi d’un mortel désespoir. Non, non, ce n’est qu’un artifice Dont il couvre son injustice, Il sera trop content de ne me jamais voir. L’injustice serait étrange De vouloir ajouter la feinte au changement : Du moins un grand coeur, quand il change, Doit changer sans déguisement. L’ingrat, un peu plus tard aurait changé son crime ! Je vais devenir la victime Du devoir, qui règle mon sort. L’inconstant n’a-t-il pu se faire un peu d’effort ? De lui-même bientôt son coeur allait dépendre : Eh ! Que n’attendait-il mon hymen, ou ma mort, Il ne devait plus guère attendre. Que j’ai de peine à cacher mes ennuis ? Deux partis vont ici disputer la victoire. Ces jeux guerriers se font à votre gloire. Ne m’abandonnez pas dans le trouble où je suis Que des plaisirs enchanteurs Vous s’empresser sur vos traces ! Vous triomphez, heureux vainqueurs. Quels hommages plus flatteurs ! À nos yeux la main des grâces Va joindre à vos lauriers les plus aimables fleurs. Belle Princesse, que vos charmes, Ont enchanté de coeurs ! Vous forcez les plus fiers vainqueurs A vous rendre les armes. Les plus grands rois de l’univers Font gloire de porter vos fers. Amour, que veux-tu de moi ? Mon coeur n’est pas fait pour toi. Non, ne t’oppose point au penchant qui m’entraîne, Je suis accoutumée à ressentir la haine, Je ne veux inspirer que l’horreur et l’effroi. Amour que veux-tu de moi ? Mon coeur aurait trop de peine A suivre une douce loi, C’est mon sort d’être inhumaine. Amour, que veux-tu de moi ? Mon coeur n’est pas fait pour toi. Ma soeur, qui peut causer votre sombre tristesse ? Le silence des bois sert à l’entretenir. Il faut avouer ma faiblesse. Pour commencer à m’en punir. Un héros, contre un monstre, un jour prit ma défense, J’étais morte sans son secours. Il ne voulut, pour récompense, Que le plaisir secret d’avoir sauvé mes jours. Je n’ai point su quel héros m’a servie ; Je m’informai de son nom vainement : Mais son casque tomba, je le vis un moment, Ce moment fut fatal au reste de ma vie. Cet inconnu, si généreux, Ne me parut que trop aimable ; Il m’en revient sans cesse une image agréable, Qui me plaît plus que je ne veux. J’ai honte de mon trouble extrême ; Je fuis partout l’amour, je sens partout ses traits ; Je cherche en vain les paisibles forêts ; Hélas ! Jusqu’au silence même, Tout me parle de ce que j’aime. L’amour n’est qu’une vaine erreur, On n’en est point surpris quand on veut s’en défendre. Est-ce à vous d’avoir un coeur tendre ? Votre coeur tout entier n’est dû qu’à la fureur. Non, je ne connais plus mon coeur. L’amour qu’il a bravé le réduit à se rendre : Tout barbare qu’il est, il se laisse surprendre D’une douce langueur. Non, je ne connais plus mon coeur. Délivrez-vous de l’esclavage Où l’amour vous engage. Vous qui savez commander aux enfers, Ne sauriez-vous briser vos fers ? Vous m’avez enseigné la science terrible Des noirs enchantements, qui font pâlir le jour ; Enseignez-moi, s’il est possible, Le secret d’éviter les charmes de l’Amour. Songez que notre sang nous demande vengeance. Amadis l’a versé ; sa valeur nous offense : Le superbe Amadis a terminé le sort Du redoutable Ardan, notre malheureux frère... Que le nom d’Amadis m’inspire de colère ! Quand pourrai-je goûter le plaisir de sa mort ? Que j’aime à voir en vous ce généreux transport ! Irritons notre barbarie : Écoutons notre sang qui crie : Périsse l’ennemi qui nous ose outrager. Ah, qu’il est doux de se venger ! L’espoir de la vengeance aujourd’hui me console, De tout ce que l’amour m’a causé de tourments. Hâtez-vous de livrer à mes ressentiments, L’ennemi qu’il faut que j’immole. Laissez-moi l’engager dans mes enchantements. Dans un piège fatal son mauvais sort l’amène. Esprits malheureux, et jaloux, Qui ne pouvez souffrir la vertu qu’avec peine ; Vous dont la fureur inhumaine, Dans les maux qu’elle fait trouve un plaisir si doux ; Démons, préparez-vous À seconder ma haine ; Démons, préparez-vous À servir mon courroux. Bois épais, redouble ton ombre : Tu ne saurais être assez sombre ; Tu ne peux trop cacher mon malheureux amour. Je sens un désespoir dont l’horreur est extrême, Je ne dois plus voir ce que j’aime, Je ne veux plus souffrir le jour. Ô Fortune cruelle !... Que vois-je Amadis ! Qui m’apppelle ? Par quel sort puis-je ici vous voir ? Vous voyez un amant fidèle, Réduit au dernier désespoir. Protégez la vertu, que l’injustice opprime. Secourez Florestan, même sang vous anime ; Il était, comme vous, l’appui des malheureux. Je n’ai pu retenir son coeur trop généreux ; Aux pleurs d’une inconnue il s’est laissé séduire. La perfide a su le conduire Dans des enchantements affreux. Pour l’aller secourir quel chemin faut-il prendre ? À d’horribles dangers vous devez vous attendre. J’ai vu le danger sans effroi Lorsque mes jours heureux étaient dignes d’envie ; Puis-je craindre la mort, dans un temps où la vie N’est plus qu’un supplice pour moi ? Florestan est tombé dans un triste esclavage En voulant passer dans ces lieux. Allons.         Arrête, audacieux ; Arrête, j’entreprends de garder ce passage. Vois ces marques de mes exploits, Vois combien de guerriers m’ont cédé la victoire. Joins un nouveau trophée à ceux que dans ces bois J’ai fait élever à ma gloire. Cesse de m’arrêter, ne force point mon bras À tourner sur toi ma vengeance. Si tu cherches ton frère, il est en ma puissance. Rendez-moi Florestan.         Allez, suivez ses pas, Suivez votre amant au trépas. Amadis ! Amadis ! Notre unique espérance, Ah ! Ne nous abandonnez pas. Perfide ! Il faut que je punisse Ta barbare injustice. Esprits infernaux, il est temps De me donner le secours que j’attends. Non, non, pour être invincible, On n’en est pas moins sensible, Quel vainqueur a résisté Au charme de la beauté. Vous ne devez plus attendre Rien qui trouble vos désirs. Cédez aux plaisirs Qui viennent vous surprendre. Cédez, il est temps de vous rendre Cédez, rendez-vous Aux charmes les plus doux. Est-ce vous, Oriane ! Ô ciel ! Est-il possible ! Votre coeur contre moi n’est-il plus irrité ? L’éclat de vos beaux yeux dans ce bois écarté Chasse ce que l’enfer a formé de terrible. Que vivre loin de vous est un supplice horrible ! Quel plaisir de vous voir ! que j’en suis enchanté ! Disposez de ma vie et de ma liberté. Non, non, pour être invincible On n’en est pas moins sensible : Quel vainqueur a résisté, Au charme de la beauté ? Ciel ! Finissez nos peines. Vos clameurs seront vaines. Ciel ! Ô ciel ! Quel supplice, hélas ! Le ciel ne vous écoute pas. Il est temps de finir votre plainte importune. Sortez, traînez ici vos fers. Contentez-vous des maux que nous avons soufferts ; Faites cesser notre infortune. Vous allez cesser de souffrir, Malheureux, vous allez mourir. Bientôt l’ennemi qui m’outrage Sera remis en mon pouvoir : Et plus je suis près de le voir, Plus je sens augmenter ma rage. Le sang, ou l’amitié vous unit avec lui, Vous périrez tous aujourd’hui. Toi qui dans ce tombeau n’est plus qu’un peu de cendre Et qui fut de la terre autrefois la terreur. Reçois le sang que ma fureur S’empresse de répandre. Qu’entend-je ! Quel gémissement Sort de ce monument ? Je vais répondre à votre impatience, Mânes plaintifs, cessez de murmurer. Je punirai qui nous offense Par la plus cruelle vengeance Que la rage puisse inspirer, Je vais répondre à votre impatience, Mânes plaintifs, cessez de murmurer. Ah ! Tu me trahis, malheureuse. J’ai juré d’achever une vengeance affreuse, Voyez quelle est l’ardeur de mes ressentiments. Ah ! Tu me trahis, malheureuse. Ah ! Tu vas trahir tes serments. Je retombe ; le jour me blesse. Tu me suivras dans peu de temps ; Pour te reprocher ta faiblesse, C’est aux enfers que je t’attends. Non, rien n’arrêtera la fureur qui m’anime On vient me livrer ma victime. Meurs !... Que mes sens sont interdits ! Ô Ciel ! Que vois-je ? Est-ce Amadis ! Je suis un malheureux, qui n’ai plus d’autre envie Que de trouver la fin de mon funeste sort. Quoi, l’ennemi dont j’ai juré la mort, Est le héros qui m’a sauvé la vie ? Qu’est-ce que j’entreprends ? un trépas inhumain De mon libérateur serait la récompense ? Non, une cruelle vengeance Contre vos jours m’a fait armer en vain : Une juste reconnaissance Me fait tomber les armes de la main. Vivez, quittez vos fers, ne craignez plus ma haine. Quel prix vous puis-je offrir pour ce que je vous dois ? D’innocents malheureux ont trop souffert pour moi ; Le seul prix que je veux, c’est de briser leur chaîne. Allez en liberté . goûtez un doux repos : Rendez grâces à ce héros. Sortons d’esclavage, Profitons de l’avantage. Qu’Amadis a remporté : Notre liberté Est le prix de son courage. Sortons d’esclavage. Amadis a surmonté L’envie et la rage ; Amadis a surmonté L’enfer irrité. Sortons d’esclavage, Profitons de l’avantage. Qu’Amadis a remporté : Notre liberté Est le prix de son courage. Sortons d’esclavage. Quel plaisir dans mon coeur succède au désespoir ! Aimons-nous, livrons-nous au bonheur de nous voir. L’amour et la victoire S’unissent, pour nous rendre heureux. De ce jour, par nos chants, consacrons le mémoire. Volez, plaisirs ; régnez, aimables jeux : L’amour vous appelle en ces lieux. Par mes enchantements Oriane est captive, Sa beauté causa nos malheurs : Dans ces lieux, sans pitié, j’entends sa voix plaintive, Et j’aime à voir couler ses pleurs. Notre ennemi l’aimait, il a tout fait pour elle ; Il combattait pour l’obtenir. Je viens de la voir, qu’elle est belle ! Vous ne la sauriez trop punir. Ne permettons pas qu’elle ignore La perte d’un amant, dont son coeur est charmé, Il faut qu’après la mort Amadis souffre encore Dans ce qu’il a le plus aimé. Aux regards d’Oriane, exposez la victime Qu’à nos ressentiments vous venez d’immoler. Un soupir vous échappe ; et vous n’osez parler ! Est-ce par des soupirs que la haine s’exprime ? Que vous êtes heureux de n’avoir à songer Qu’à haïr, et qu’à vous venger ! Hélas ! Dans notre ennemi même J’ai trouvé l’inconnu que j’aime. Vous aimez Amadis ! Il voit encore le jour ! Quoi ! Sur votre vengeance un lâche amour l’emporte ? La vengeance la plus forte Est faible contre l’amour. Quelle faiblesse est plus étrange ! Notre ennemi mortel devient votre vainqueur ? Malgré tant de serments, votre perfide coeur Du parti d’Amadis se range ! Parjure ! Ah, c’est de vous qu’il faut que je me venge ! Je l’aime, malgré moi, cet ennemi charmant ; Je n’en puis être aimée, une autre a su lui plaire : Je vous défie, avec votre colère, D’inventer pour mon châtiment Un plus cruel tourment. Pour augmenter votre supplice, Il faut vous faire voir ces deux amants heureux ; Avant que ma vengeance en fasse un sacrifice, Il faut que l’hymen les unisse... Ah ! Que plutôt cent fois ils périssent tous deux. Entre l’amour et la haine cruelle J’ai cru pouvoir me partager ; Mais dans mon coeur l’amour est étranger, Et la haine m’est naturelle. Ma rivale gémit : que ses maux me sont doux ! Pour punir ces amants, j’imagine une peine Digne de ma fureur, et de votre courroux ; C’est peu d’une mort inhumaine... Puis-je encore me fier à vous ? Fiez-vous à l’amour jaloux, Il est plus cruel que la haine. À qui pourrai-je avoir recours ? C’est de vous, juste Ciel ! Que j’attends du secours, Sur ces bords inconnus, un enchanteur barbare Dispose de mes tristes jours : L’enfer contre moi se déclare ; À qui pourrais-je avoir recours ? C’est de vous, juste Ciel ! que j’attends du secours. Autrefois Amadis aurait pris ma défense : Mais l’inconstant m’oublie, et suit une autre loi. Pourquoi m’en souvenir ? Pourquoi N’oublier pas de lui jusqu’à son inconstance ? Ici, loin de toute assistance, Je tremble d’un mortel effroi ; Eh ! Faut-il encore que je pense À qui ne pense plus à moi ? Je vous entends, cessez de feindre. Plaignez-vous d’Amadis ; je ne veux pas contraindre Un si juste courroux. J’ai tant de sujet de m’en plaindre, Que j’ai presque oublié de me plaindre de vous. Non, ce n’est point ici son secours que j’implore ; Il est allé chercher la beauté qu’il adore, Et je l’appellerais par des cris superflus. Lorsque vous le verrez, vous l’aimerez encore. Non, non, je ne le verrai plus. Je dois trop le haïr, pour renouer la chaîne Dont il a dégagé son coeur. Si vous le haïssez, j’ai servi votre haine ; À la fin j’ai vaincu ce superbe vainqueur. Vous, vainqueur d’Amadis ! Non, il n’est pas possible Qu’il ait cessé d’être invincible : Tout cède à sa valeur, et vous la connaissez... Eh ! C’est ainsi que vous le haïssez ? Je veux haïr toujours un amant si volage, Et je me le suis bien promis : Mais ses plus cruels ennemis Peuvent-ils s’empêcher d’admirer son courage. Non, rien ne peut être assez fort, Pour surmonter ce héros indomptable. Voyez si je me vante à tort, D’avoir vaincu ce vainqueur redoutable. Que vois-je ! Ô spectacle effroyable ? Ô trop funeste sort ! Ciel ! Ô Ciel ! Amadis est mort ! Ma colère lui fut fatale ; J’eus tort de l’accuser de suivre une autre amour. Que ne puis-je, en mourant, le rappeler au jour, Dû-t-il vivre pour ma rivale ! Ciel ! Qui nous donna ce héros, Que ne prenais-tu sa défense Contre l’infernale puissance ? L’univers a perdu l’auteur de son repos. Pleure, gémis, faible innocence, Pleure, hélas ! Tu n’as plus d’appui, Tu vois expirer aujourd’hui Ton unique espérance. Ô trop funeste sort ! Ciel ! Ô Ciel ! Amadis est mort ! Il m’appelle ; je le vais suivre Le sort qui nous rejoint m’est doux : Amadis, je vivais pour vous, Vous mourez, je ne puis plus vivre. Quel plaisir de voir Un si cruel désespoir ! Joignez votre fureur à ma rage inhumaine. Il faut que ces amants revivent tour à tour Pour souffrir une affreuse peine Il faut faire de leur amour Le ministre de notre haine. Quel plaisir de voir Un si cruel désespoir! Il faut qu’Amadis sorte Du profond assoupissement Où le tient notre enchantement, Et qu’il pleure Oriane morte.... Mais pour eux contre nous, quel pouvoir s’est armé ? Qui peut conduire ici ce rocher enflammé. Je soumets à mes lois l’enfer, la terre et l’onde. Sans qu’on sache où je suis, je parcours tout le monde ; Et je connais des secrets que les cieux N’ont jusqu’ici dévoilé qu’à mes yeux. Mais j’arme seulement ma fatale puissance Contre l’injuste violence ; J’ai soin de secourir le mérite abattu, Et je fais mon bonheur de servir la vertu. Tremblez, tremblez, reconnaissez Urgande ; Tout obéit, sitôt que je commande ; Barbares, laissez pour jamais Ces fidèles amants en paix. Tout mon effort est inutile, Je demeure immobile ; Je cède aux charmes trop puissants Qui saisissent mes sens. Coeurs, accablés de rigueurs inhumaines, Ne cessez point d’espérer en aimant : Il est fâcheux de porter des chaînes, C’est un cruel tourment ; Mais quand l’amour en veut payer les peines, C’est un plaisir charmant. Il faut que de vos sens je vous rende l’usage, Perfides ! Je vous livre à votre propre rage. Urgande rentre dans le vaisseau de la grande serpente, qui commence à s’éloigner et à se couvrir de flammes Démons, soumis à nos lois, Volez, venez nous défendre. N’osez-vous rien entreprendre ? Méprisez-vous notre voix ? Hâtez-vous, c’est trop attendre. Démons, soumis à nos lois, Volez, venez nous défendre. On brave notre vain pouvoir, Tout est contraire à notre envie : Nous perdons tout espoir, Renonçons à la vie ! Apollidon, par un pouvoir magique, Autrefois éleva ce palais magnifique ; Consolez-vous en des lieux si charmants ; Vous y devez trouver la fin de vos tourments. Je ne puis ressentir les charmes Du plus agréable séjour : Non, rien ne plaît à des yeux que l’Amour A condamnés à d’éternelles larmes. Oriane est ici, rappelez votre espoir. Oriane...         Vous l’allez voir. Je puis voir par vos soins la beauté que j’adore ! Voir Oriane !... Hélas ! C’est l’irriter encore. Ah, que mon coeur se sent troublé ! Je tremble...         Amadis peut trembler ! Je suis inébranlable Contre un ennemi redoutable, Dont il faut vaincre la fureur, Mais contre la colère De la beauté qui m’a su plaire, Rien n’est si faible que mon coeur. Dissipez une crainte vaine ; Empressez-vous de voir Oriane en ces lieux. Elle m’a défendu de paraître à ses yeux ; Je crains de mériter sa haine. Fermez-vous pour jamais, mes yeux, mes tristes yeux. Je perds ce que j’aime le mieux, La clarté doit m’être ravie. Hélas ! Quelle rigueur de me rendre la vie, Pour me faire sentir la perte que je fais ! Mes yeux, mes tristes yeux, fermez-vous pour jamais. Ô ciel ! Le puis-je croire ? Amadis ! Vous vivez !         Vous plaignez mes malheurs ! Vos beaux yeux m’ont donné des pleurs ! Vous vivez ?         Puis-je encore vivre en votre mémoire ? Ô Ciel ! Le puis-je croire ! Je vous aime constamment Malgré votre changement. Dans une amour nouvelle Vous pourrez trouver plus d’appas : Mais vous n’y trouverez pas Un coeur plus fidèle. Oriane, m’accusez-vous ? Briolanie a des charmes trop doux ; Je n’empêcherai pas que votre amour la suive... Ah ! Ne reprenez plus votre fatal courroux, Si vous souhaitez que je vive. Vous aurez peu de peine à me désabuser, Amadis, contre vous à regret je m’irrite ; Le dépit que l’amour excite Ne demande qu’à s’apaiser. Tout vous a dit que je vous aime : Mes larmes, ma douleur extrême, Mes larmes, ma douleur extrême, Et jusqu’à mon dépit Tout vous a dit Que je vous aime. Je vous promets De n’éteindre jamais Une flamme si belle Je vous promets Une amour éternelle. Digne sang de Lisvart, régnez votre naissance Vous élève aux plus grands honneurs. Vootre beauté sur tous les coeurs Vous donne encor de la puissance. D’un bonheur nouveau Goûtons tous les charmes ; Mars est sans armes, Et l’Amour sans bandeau. Volez, plaisirs ; régnez avec la gloire ; Ramenez les amours ; Enchaînez la victoire ; Donnez à jamais de beaux jours. D’un bonheur nouveau Goûtons tous les charmes ; Mars est sans armes, Et l’Amour sans bandeau. Aimable maître De nos désirs, Toi seul fais naître Les vrais plaisirs. Malgré tes peines, Un tendre coeur Trouve ne tes chaînes Le parfait bonheur. Aimable maître De nos désirs, Toi seul fais naître Les vrais plaisirs.