À moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi Monsieur, Un livre, s’il vous plaît, à votre serviteur. Monsieur, distinguez nous parmi les gens qui crient, Quelques livres ici, les Dames vous en prient. Hola, Monsieur, Monsieur, ayez la charité D’en jeter de nôtre côté. Mon Dieu ! Qu’aux personnes bien faites On sait peu rendre honeur céans ? Ils n’ont des livres et des bancs Que pour Mesdames les Grisettes. Aho ! L’homme aux libres, qu’on m’en baille, J’ai déjà le poumon usé, Bous boyez que chacun mé raille, Et je fuis escandalisé De boir és mains de la canaille Ce qui m’est par bous refusé. Eh, cadedis, Monseu, boyez qui l’on peut être, Un livret, je bous prie, au Baron Dasbarat ; Je pense, mordi, que le fat N’a pas l’honneur dé mé connaître. Monsieur le donneur de papieir, Que veul dir sty façon de fifre ? Moi l’écorchair tout mon gozieir A crieir, Sans que je pouvre afoir ein lifre: Pardi, mon foi, Monsieur, je pense sous l’être ifre. De tout ceci franc et net, Je suis mal satisfait, Et cela sans doute est laid. Que notre fille Si bien faite et si gentille De tant d’amoureux l’objet, N’ait pas à son souhait Un livre de Ballet Pour lire le sujet Du divertissement qu’on fait, Et que toute notre famille Si proprement s’habille, Pour être placée au sommet De la Salle, où l’on met Les gens de l’entriguet. De tout ceci franc et net Je suis mal satisfait, Et cela sans doute est laid. Il est vrai que c’est une honte, Le sang au visage me monte. Et ce jetteur de vers qui manquent au capital L’entends fort mal, C’est un brutal. Un vrai cheval, Franc animal, De faire si peu de Comte D’une fille qui fait l’ornement principal Du quartier du Palais-Royal, Et que ces jours passés un Comte Fut prendre la première au bal. Il l’entend mal, C’est un brutal, Un vrai cheval Franc animal. Ah quel bruit ! Quel fracas ! Que cahos ! Quel mélange ! Quelle confusion ! Quelle cohue étrange ! Quel désordre ! Quel embarras ! On y sèche, L’on y tient pas. Bentre, je fuis à bout.         J’enrage, Dieu me damne. Ah que lui faire foif dans sty fal de cians. Je murs. Je perds la tramontane. Mon foi, moi le foudrais être hors de dedans. Allons, ma vie, Suivez mes pas, Je vous en prie, Et ne me quittez pas ; On fait de nous trop peu de cas, Et je fuis las De ce tracas; Tout ce fatras, Cet embarras, Me pèse pas trop sur les bras ; S’il me prend jamais envie De retourner de ma vie À Ballet ni Comédie, Je veux bien qu’on m’estropie. Allons, ma mie, Suivez mes pas, Je vous en prie, Et ne me quittez pas, On fait de nous trop peu de cas. Allons, mon Mignon, mon fils, Regagnons notre logis, Et sortons de ce taudis Où l’on ne peut être assis ; Ils seront bien ébaubis? Quand ils nous verront partis / Trop de confusion règne dans cette salle, Et j’aimerais mieux être au milieu de la Halle : Si jamais je reviens à semblable régale, Je veux bien recevoir des soufflets plus de six. Allons, mon mignon, mon fils, Regagnons notre logis, Et sortons de ce taudis, Où l’on ne peut être assis. À moi, Monsieur, à moi de grâce, à moi, Monsieur, Un livre, s’il vous plaît à votre serviteur. Élevez vos concerts Au dessus du chant ordinaire ; Songez que vous avez à plaire Au plus grand ROI de l’Univers. Le grand titre de Roi n’est que sa moindre gloire, Il est encor plus grand par les travaux guerriers ; Et sa propre valeur a cueilli les lauriers Dont il est couronné des mains de la Victoire. Suivez la noble ardeur Qu’il vous inspire ; Tout ce qu’on voit dans son Empire Se doit sentir de sa grandeur. Joignez à mes chants magnifiques, La pompe de vos ornements. Joignez à mes concerts rustiques, Vos agréments Les plus charmants. Votre secours m’est nécessaire, Je cherche à divertir le plus Auguste Roi Qui méritât jamais de tenir sous sa loi Tout ce que le Soleil éclaire. C’est à moi, c’est à moi, De prétendre à lui plaire, C’est moi dont la voix éclatante A droit de célébrer les exploits les plus grands, Les nobles récits que je chante Sont les plus dignes jeux des fameux conquérants. C’est un doux amusement Que d’aimables chansonnettes ; Les douceurs n’en sont pas faites Pour les bergers seulement. Les tendres chansonnettes Que l’on chante à l’ombre des bois Sur les Musettes, Ne sont pas quelques fois Des jeux indignes des grands Rois. Il faut entre mes soeurs que mon soin se partage : Préparez tour à tour vos plus aimables jeux ; Pour vous accorder, je m’engage À vous seconder toutes deux. Commencez de répondre à mon impatience. Vos premiers soins sont dûs à ce que j’entreprends. Terminez tous vos différents. Souffrez qu’en sa faveur aujourd’hui je commence, Je réserve pour vous mes travaux les plus grands. Que notre accord est doux ! Que tout ce qui nous fuit s’accorde comme nous. Joignons nos soins et nos voix Pour plaire au plus grand des Rois. Joignons nos soins et nos voix Pour plaire au plus grand des Rois. Chantons la gloire de ses armes. Chantons la gloire de ses armes. Chantons la douceur de ses lois. Chantons la douceur de ses lois. Faisons tout retentir du bruit de ses exploits. Chantons la gloire de ses armes. Formons des concerts pleins de charmes. Faisons entendre nos hautbois. Faisons tout retentir du bruit de ses exploits. Préparons des fêtes nouvelles Que nos chansons soient immortelles. Que nos airs soient doux et touchants. Mêlons aux plus aimables chants Les danses les plus belles. Joignons nos soins et nos voix. Pour plaire au plus grand des rois. Vous chantez sous ces feuillages, Doux rossignols pleins d’amour, Et de nos tendres ramages, Vous réveillez tour à tour Les échos de ces boccages : Hélas ! Petits oiseaux, hélas ! Si vous aviez mes maux vous ne chanteriez pas. Hé quoi, toujours languissant, sombre et triste ? Hé quoi, toujours aux pleurs abandonné ? Toujours adorant Caliste, Et toujours infortuné. Dompte, dompte, Berger, l’ennui qui te possède. Et le moyen, hélas !         Fais, Fais-toi quelque effort. Eh le moyen, hélas ! Quand le mal est si fort ? Ce mal trouvera son remède. Je ne guérirai qu’à ma mort. Ah, Tircis ! Ah, Bergers !         Prends sur toi plus d’empire. Rien ne me peut plus secourir; C’est trop, c’est trop céder.         C’est trop, c’est trop souffrir. Quelle faiblesse !         Quel martyre ! Il faut prendre courage. Il faut plutôt mourir Il n’est point de bergère Si froide et si sévère, Dont la pressante ardeur D’un coeur qui persévère, Ne vainque la froideur. Il est dans les affaires Des amoureux mystères, Certains petits moments Qui changent les plus fières, Et font d’heureux amants. Je le vois, la cruelle, Qui porte ici ses pas, Gardons d’être vu d’elle, L’ingrate, hélas! N’y viendrait pas. Viens dans notre village : Voici le jour Qu’on doit célébrer la fête de L’Amour, Que cherches-tu dans ce boccage ? Je cherche le repos, le silence, et l’ombrage. Tu devrais bien plutôt songer À t’engager. Eh Que peut faire Une bergère Sans un berger ? Ton malheur doit me rendre sage : Tu n’as choisi qu’un inconstant. Si mon berger devient volage, Il m’est permis d’en faire autant. On goûte la douceur d’une amour éternelle, Quand on fait l’heureux choix d’un fidèle berger, Et quand on aime un infidèle, L’on a le plaisir de changer. Quoi ! L’amour de Tircis ne t’a point attendrie ? Lorsqu’on en veut parler, tu n’écoutes jamais ? Ne rêve plus où je m’en vais. Laisse-moi dans la rêverie. Ah ! Que sous ce feuillage épais Il est doux de rêver en paix ! Je n’entre point dans un mystère Que tu veux réserver : Mais un coeur sans affaire Ne donne point tant à rêver. Ah ! Que sur notre coeur La sévère loi de l’honneur Prend un cruel empire ! Je ne fais voir que rigueurs pour Tircis, Et cependant sensible à ses cuisants soucis. De sa langueur en secret je soupire, Et voudrais bien soulager son martyre ; C’est à vous seuls que je le dis, Arbres, n’allez pas le redire. Puisque le Ciel a voulu nous former Avec un coeur qu’Amour peut enflammer, Quelle rigueur impitoyable Contre des traits si doux nous force à nous armer ? Et pourquoi sans être blâmable Ne peut-on pas aimer Ce que l’on trouve aimable ? Hélas ! Petits oiseaux, que vous êtes heureux De ne sentir nulle contrainte, Et de pouvoir suivre sans crainte Les doux emportements de vos coeurs amoureux ! Mais le sommeil sur ma paupière Verse de ses pavots l’agréable fraîcheur, Donnons-nous à lui toute entière, Nous n’ayons point de loi sévère Qui défende à nos sens d’en goûter la douceur. Vers ma belle ennemie Portons sans bruit nos pas, Et nous réveillons pas Sa rigueur endormie. Dormez, Dormez beaux yeux adorables vainqueurs, Et goûtez le repos que vous vous ôtez aux coeurs. Silence, petits oiseaux, Vents n’agitez nulle chose . Coulez doucement ruisseaux, C’est Caliste qui repose. Dormez, Dormez beaux yeux adorables vainqueurs, Et goûtez le repos que vous vous ôtez aux coeurs. Ah ! Quelle peine extrême ! Suivre partout mes pas ? Que vouslez-vous qu’on suive, hélas! Que ce qu’on aime. Berger, que voulez-vous ? Mourir belle bergère, Mourir à vos genoux, Et finir ma misère, Puisqu’en vain à vos pieds, on me voit soupirer, Il y faut expirer. Ah! Tircis, ôtez-vous, j’ai peur que dans de jour, La pitié dans mon coeur n’introduise l’amour. Soit amour, soit pitié, Il sied bien d’être tendre ; C’est pas trop vous défendre, Bergers, il faut le rendre À la longue amitié. Soit amour, soit pitié, Il sied bien d’être tendre ; C’est trop, c’est trop de rigueur, J’ai mal traité votre ardeur Crucifiant votre personne, Vengez-vous de mon coeur, Tircis, je vous le donne. Ô ciel ! Bergers ! Caliste ! Ah je suis hors de moi ! Si l’on meurt de plaisir je dois perdre la vie. Digne prix de ta foi ! Ô ! Sort digne d’envie ! Quoi ! Tu me fuis, Ingrate, et je te vois ici De ce berger à moi faire une préférence ? Quoi, mes soins n’ont rien pu sur ton indifférence, Et pour ce langoureux ton coeur s’est adouci ? Le destin le veut ainsi, Prenez tous deux patience. Aux amants qu’on pousse à bout, L’amour fait verser des larmes ; Mais ce n’est pas notre goût, Et la bouteille a des charmes Qui nous consolent de tout. Notre amour n’a pas toujours Tout le bonheur qu’il désire. Mais nous avons un secours, Et le bon vin nous fait rire Quand on rit de nos amours. Champêtres Divinités, Faunes, Driades, sortez De vos paisibles retraites ; Mêlez vos pas à nos sons. Et tracez sur les herbettes. L’image de nos chansons. Je ne puis souffrir l’outrage Que Caliste fait à ma foi : Dans le fonds de mon coeur j’enrage Qu’elle aime un autre que moi. Deux enchanteurs m’ont fait entendre Qu’ils ont le secret de me rendre Tel qu’il faut être pour charmer ; Caliste aura beau se défendre, Je la contraindrai de m’aimer. Déesse des appas, Ne nous refuse pas La grace qu’implorent nos bouches : Nous t’en prions par tes rubans, Par tes boucles de diamants, Ton rouge, ta poudre, tes mouches, Ton masque, ta coiffe et tes gants. Ô toi ? Qui peux rendre agréables Les villages les plus mal faits, Répand, Vénus, de tes attraits Deux ou trois doses charitables Sur ce museau tondu tout frais. Ah qu’il est beau Le jouvenceau, Ah qu’il est beau. Qu’il va faire mourir de belles : Auprès de lui les plus cruelles Ne pourront tenir dans leur peau. Ah qu’il est beau Le jouvenceau, Ah qu’il est beau ! Ho, ho, ho, ho, ho, ho... Qu’il est joli ! Gentil, poli ! Qu’il est joli ! Est-il des yeux qu’il ne ravisse ! Il passe en beauté feu Narcisse Qui fut un blondin accompli. Qu’il est joli ! Gentil, poli ! Qu’il est joli ! Hi, hi, hi, hi, hi, hi... Qu’un beau visage A d’avantage ! Tout lui rit, Tout lui fait la cour : Que l’on verra dans ce boccage De bergères mourir d’amour Et de bergers crever de rage ! Forestan, Forestan, es-tu là ? Beau comme je dois être Il va me voir sans me connaitre. Ô ! Forestan ? Ah ! Te voilà. Pourquoi t’amuser de la sorte ? Qu’importe, qu’importe ! Hé quoi ! Ne veux-tu pas aller Où nous devons nous assembler ? Ton impatience est peu forte. Qu’importe, qu’importe ! Veux-tu souffrir en ce jour Que le faible dieu d’amour Sur le Dieu du vin l’emporte ? Qu’importe, qu’importe ! Allons ; c’est trop railler. À qui crois-tu parler ? Quel badinage ! Tu n’es pas sage ; La fête de Bacchus commencera bientôt. Allons, sans tarder davantage, Allons-y boire comme il faut. Il est bien doux de boire ; On peut en faire gloire. Quand on n’a pas de quoi charmer : Bacchus sait consoler un amant misérable ; Mais quand on est aimable, Il n’est rien si doux que d’aimer. Que veux-tu dire ? D’où vient ce caprice nouveau ? Regarde, considère, admire. Ah qu’il est beau ! Ho, ho, ho, ho, ho, ho... Ah qu’il est beau. Dis-moi donc je te prie De quelle folle rêverie Ton cerveau s’est rempli ? Qu’il est joli ! Hi, hi, hi, hi, hi, hi... Consulte la Fontaine La plus prochaine, Mire-toi dans son eau. Ah qu’il est beau ! Ho, ho, ho, ho, ho, ho... Je suis digne de railleries ; On m’a fait une fourberie : Mais, si je la mets en oubli... Non, non, les imposteurs n’auront pas lieu de rire. Regarde, considère, admire. Ah ! Je vais vous payer de m’avoir embelli. Qu’il est joli ! Hi, hi, hi, hi... C’est un tour es Lutins errants dans ce boccage Dont il faut que je sois vengé. Hé, hé, hé, hé, hé, hé... Tu ris quand je suis outragé ? Hé, hé, hé, hé, hé, hé... Ne m’insulte point davantage ; Va rire ailleurs ; Je suis dans une rage Qui pourrait bien tourner sur les méchants railleurs. Ami, me veux-tu croire, Ne songeons plus qu’à boire ; Fuyons l’amour, et le chagrin, Suivons Bacchus, courons au vin. Au vin, au vin, au vin, au vin, Fuyons l’amour et le chagrin, Suivons Bacchus, courons au vin. Au vin, au vin, au vin, au vin, Ma bergère a changé, je veux changer comme elle. Suis les lois de Bacchus, tu t’en trouveras bien. Heureux qui peut aimer une beauté fidèle ! Plus heureux qui peut n’aimer rien. Viens avec nous goûter la vie ; Quitte une volage beauté, Comme elle t’a quitté: Profite de sa perfidie, Viens jouir de la liberté. C’est pour servir Cloris que je quitte Climène, Et mon coeur sans aimer ne saurait vivre un jour , Qui s’engage une fois peut bien changer de chaine ; Mais, il est mal aisé d’échapper à l’Amour. Sous l’amoureux empire, On n’est point sans tourment ; Je te plains pauvre amant, Langui, gémi, soupire ; Nous allons rire, Fuyons l’amour et le chagrin, Suivons Bacchus, courons au vin. Au vin, au vin, au vin, au vin, Ma volage s’avance. Voici mon infidèle amant. Vengeons-nous de son inconstance. Ô ! La douce vengeance Qu’un heureux changement ! Quand je plaisais à tes yeux J’étais content de ma vie, Et ne voyais Rois ni Dieux Dont le sort me fit envie. Lorsqu’à toute autre personne Me préférait ton ardeur. J’aurais quitté la couronne Pour régner dessus ton coeur. Une autre a guéri mon âme, Des feux que j’avais pour toi. Une autre a vengé ma flamme Des faiblesses de ta foi. Cloris qu’on vante si fort M’aime d’une ardeur fidèle, Si ses yeux voulaient ma mort, Je mourrais content pour elle. Mirtil si digne d’envie, Me chérit plus que le jour, Et moi je perdrais la vie Pour lui montrer mon amour. Mais si d’une douce ardeur Quelque renaissance trace Chassait Cloris de mon coeur Pour te remettre en sa place ? Bien qu’avec pleine tendresse Mirtil me puisse chérir, Avec toi, je le confesse, Je voudrais vivre et mourir. Ah ! Plus que jamais aimons-nous, Et vivons et mourons en des liens si doux. Amants, que vos querelles Sont aimables et belles ; Qu’on y voit succéder De plaisirs, de tendresse ! Querellez-vous sans cesse, Pour vous racommoder. Venez, que rien ne vous arrête, Ne perdez point d’heureux moments ; Venez tous voir la fête Que l’on apprête À l’honneur du Dieu des Amants : Les plaisirs où l’Amour convie Sont les plus charmants de la vie, Il en faut jouir tant qu’on peut, On ne les a pas quand on veut. Ici l’ombre des ormeaux Donne un teint frais aux herbettes, Et les bords de ces ruisseaux. Brillent de mille fleurettes Qui se mirent dans les eaux. Prenez bergers, vos musettes. Ajustez vos chalumeaux, Et mêlons nos chansonnettes Aux chants de petits oiseaux. Le zéphire entre ces eaux, Fait mille courses secrètes, Et les rossignols nouveaux, De leur douces amourettes, Parlent aux tendres rameaux. Prenez Bergers, vos musettes, Ajustez vos chalumeaux, Et mêlons nos chansonnettes Aux chants de petits oiseaux. Ah ! Qu’il est doux, belle Silvie, Ah ! Qu’il est doux de s’enflammer ! Il faut retrancher de la vie, Ce qu’on en passe sans aimer. Ah ! Qu’il est doux, belle Silvie, Ah ! Qu’il est doux de s’enflammer ! Ah ! Les beaux jours qu’Amour nous donne Lorsque sa flamme unit les coeurs ! Est-il ni gloire, ni couronne Qui vaille ses moindres douceurs ? Ah ! Qu’il est doux, belle Silvie, Ah ! Qu’il est doux de s’enflammer ! Qu’avec peu de raison on se palint d’un martyre Que suivent de si doux plaisirs ! Un moment de bonheur dans l’amoureux empire, Répare dix ans de soupirs. Chantons tous de l’Amour le pouvoir adorable, Chantons dans ces lieux, Ses attraits glorieux, Il est le plus aimable, Et le plus grand des Dieux. Arrêtez, arrêtez, c’est trop entreprendre, Un autre Dieu dont nous suivons les lois, S’oppose à cet honneur qu’à l’Amour osent rendre, Vos musettes et vos voix ; À des titres si beaux Bacchus seul peut prétendre, Et nous sommes ici pour défendre ses droits. Nous suivons de Bacchus le pouvoir adorable Nous suivons en tous lieux, Ses attraits précieux ; Il est le plus aimable Et le plus grand des Dieux. C’est le printemps qui rend l’âme À nos champs semés de fleurs : Et c’est l’Amour et la flamme Qui font revivre nos coeurs. Le soleil chasse les ombres, Dont le ciel est obscurci, Et des âmes les plus sombres, Bacchus chasse le souci. Bacchus est révéré sur la terre et sur l’onde. Et l’Amour est un Dieu qu’on révère en tous lieux. Bacchus à son pouvoir a soumis tout le Monde. Et l’Amour a dompté les hommes et les Dieux. Rien peut-il égaler sa douceur sans seconde ? Rien peut-il égaler ses charmes précieux ? Fi, fi, de l’Amour et de ses feux. Ah ! Quel plaisir d’aimer !         Ah ! Quel plaisir de boire ! À qui vit sans amour la vie est sans appas. C’est mourir que de vivre et de ne boire pas. Aimables fers !         Douce victoire ! Ah ! Quel plaisir d’aimer !         Ah ! Quel plaisir de boire ! Non, non, c’est un abus. Le plus grand Dieu de tous     C’est l’Amour.         C’est Bacchus. C’est trop, c’est trop, bergers, hé pourquoi ces débats ? Souffrons qu’en un parti la Raison nous assemble : L’Amour a des douceurs ; Bacchus a des appas, Ce sont deux Déïtés qui sont fort bien ensemble; Ne les séparons pas. Mêlons donc leurs douceurs aimables, Mêlons nos voix dans ces lieux agréables, Et faisons répéter aux Échos d’alentour, Qu’il n’est rien de plus doux que Bacchus et l’Amour.