Un jour je m’en souviens, les Dieux à leur malheur Choquèrent ma valeur, Ce céleste troupeau, cette engeance suprême, Ces Divins avortons voulaient me maltraiter, Je surmontai l’effort de leur audace extrême, Et les mis en état de ne me plus heurter, Je les frottai si bien, que la plupart encore Sont bossus et mal faits des coups de Matamore. Le grand Hercule en fut le premier assaillant, Comme le plus vaillant, À l’abord il est vrai j’eus du désavantage, De ses coups il me fit le visage tout bleu : Mais la fureur m’ayant plongé dedans la rage, Tout mon corps échauffé se convertit en feu. De sorte qu’à mes feux sa force fut soumise, Et je le fis brûler dans sa propre chemise. Après ce grand combat le Ciel vint à son tour, Pour me priver du jour : Mais dès qu’il aperçut cette face guerrière, Plus effroyable à voir que le moine bourru, Il se mit à courir d’une telle manière, Que depuis ce moment il a toujours couru : Et cette peur encor si vivement le presse, Qu’on le voit fuir de crainte et tournoyer sans cesse. Ce cornard de Vulcain, cet infâme maraud Vint encore à l’assaut, Ce Forgeron pensait me priver de lumière, Et me précipiter d’un seul coup au tombeau Sans que j’y prisse garde, il venait par derrière Pour me casser la tête avecque son marteau : Mais l’esquivai le coup, et puis pour ma revanche, Je le pris par le corps, et lui casser la hanche. L’Amour voulut aussi par un excès d’orgueil M’envoyer au cercueil. Ce souverain des coeurs qui triomphe des âmes, À me faire périr déploya ses efforts, Il lança contre moi tous ses traits pleins de flammes, Pour m’envoyer brûlant au royaume des morts : Mais d’une âme tranquille et nullement émue, D’une fourche d’acier je lui crevai la vue. Jupiter me voyant toujours victorieux, En devint furieux ; Il vint pour me heurter, moi je courus de même : Mais pensant l’outrager, je lui fis un grand bien. En ce temps il souffrait une douleur extrême, Ne pouvant accoucher du divin Bromien, Mais lui fendant la cuisse : ô l’étrange merveille ! Je le fis accoucher du Dieu de la bouteille. La Mort ensuite vint pour m’ôter la vigueur, Et me crever le coeur : Mais, ventre, j’écorchai cette engeance cruelle, J’arrachai ses poumons, ses tripes, ses boyaux, Son diaphragme, ses nerfs, ses cheveux, sa cervelle, Ses veines, ses sourcils, ses lèvres, ses naseaux, Ses membranes, son fiel, sa rate, ses viscères, Sa langue, son larynx, ses fibres, ses artères. Ses maudits ligaments, son coeur pernicieux, Ses oreilles, ses yeux, Son foie et ses tendons, ses reins, ses ventricules, Ses glandes, son nombril, ses organes vitaux, Ses muscles, ses boudins, sa chair, ses pannicules : Bref, je ne lui laissai parbleu que les os, Et je la mis enfin en si pauvre posture, Que je la fis alors comme on nous la figure. Je suis l’effroi des Capitans, Et la terreur des indomptables. Mes bras nerveux et redoutables Sont plus forts que ceux des tyrans : Mais ventrebleu, quelle disgrâce, La gueuserie me pourchasse. Parbleu le Destin a grand tort, Ce maraud qui me porte envie, M’oblige à demander ma vie, Moi qui donne toujours la mort. Cet infâme et cruel Destin, Ce souverain des noires parques Me donne d’infaillibles marques, Qu’il est quelque fils de putain : Car depuis l’heure que les choses De leurs Chaos furent écloses, Il n’a rien fait qui ne soit mal ; Il a mis Mercure à la bière, César dans le cimetière, Et Matamore à l’hôpital. Ah, sort par trop injurieux, Peux-tu bien avoir le courage De déplier toute ta rage Sur un sujet si glorieux ! Un Capitan si plein de gloire, Plus vaillant qu’on ne saurait croire, Qui massacre de ses accents Digne de régir la Guinée, Est réduit par la Destinée De tendre la main aux passants. Astres malins et dangereux, Qui sans raison m’êtes contraires ; Ne provoquez pas mes colères, Je vous ferais tous malheureux, La faim que j’ai, fait que j’enrage, Faites qu’un repas me soulage, Sinon pour me désaffamer, Malgré votre faible tonnerre Je mangerai toute la terre, Et je boirai toute mer. Mon boyau crie incessamment Après cette faim qui me tue, Ma constance en est abattue, Et j’en perds le raisonnement. Il faudra dans ma peine extrême Que je me dérobe à moi-même Si je veux bien me soulager, Ou que dans l’excès de ma rage Pour me venger de cet outrage Je me prépare à la manger. Je t’apprends que la mort est toujours avec moi, Que j’ai pour compagnons le carnage et l’effroi, Et que de quelque part que je tourne la vue, Je charme, j’éblouis, j’épouvante et je tue. Si d’un de mes regards je donne le trépas, Les lieux par où je vais, tremblent dessous mes pas. On dirait que les vents enclos dans leurs entrailles, Pour en sortir plutôt, s’y livrent des batailles, Ou pour mieux en parler qu’un soudain mouvement Aille de l’Univers saper le fondement. Aussi Pluton qui craint que par mon assistance, Jusques dans ses cachots le Soleil ne s’avance, Délivre qui me plaît de ses horribles fers, Sans qu’il me soit besoin de descendre aux Enfers. Alors que je me trouve au milieu des alarmes Je pourfends d’un seul coup casques, chevaux, gens d’armes, Je renverse à la fois des bataillons entiers, Sans être secondé, j’enlève de quartiers. Que te dirai-je plus d’une seule menace Des superbes Géants à mes pieds je terrasse, Et fais fuir devant moi les Rois et les Césars Aussi facilement que leurs moindres soldats. Quand je suis obligé d’assiéger une ville, Le canon me tient lieu d’une chose inutile ; J’estime les travaux ridicules et vains, Car pour y faire brèche il suffit de mes mains, Avec elles j’abats tours, boulevards, murailles, Fausses brayes, remparts, escarpes, flancs, tenailles, Demi-lunes, dehors, cavaliers, terre-pleins, Courtines, bastions, parapets, ravelins, Et quelques grands efforts que la Garnison fasse, Je gagne le dessus, j’entre dedans la place. Pour exterminer tout je ne veux qu’un moment, Et de chaque logis je fais un monument. Quand je suis irrité, les plus hautes montagnes S’abaissent aussitôt à l’égal des campagnes. La Nature en conçoit une extrême terreur, La Lune et le Soleil en pâlissent d’horreur, Le sang fait inonder les plus basses rivières, Les champs sont convertis en d’affreux cimetières ; Je change en des déserts les Palais habités, Et plus bas que l’Enfer j’abîme des Cités ; Pour ouvrir un passage à la mer Atlantique, Je divisai jadis l’Europe de l’Afrique, Contre mille Titans j’ai défendu les Dieux ; Atlas étant lassé j’ai soutenu les Cieux ; Et lorsque je perdrai la célèbre lumière, Ce tout retournera dans sa masse première : Car c’est moi qui conduis les merveilleux ressorts, Par qui sont remués les membres de ce corps. J’empêche que le feu ne brûle les nuages, Je contiens l’Océan dans ses moites rivages, Je balance la terre et ne lui permets pas Ni de monter plus haut, ni de tomber plus bas. Mais c’est mal à propos que je crains que la parque Ait jamais le dessein de me mettre en sa barque, Mes volontés lui sont une éternelle loi, C’est de moi seulement qu’elle tient son emploi, Et je fais dévaler plus d’esprits sous la terre, Que la contagion, la famine et la guerre. Je suis le fléau des Pervers, Et le foudre de la Vaillance De qui la fatale influence Dispense les pris et les fers : C’est moi que tout chacun adore Depuis les climats de l’Aurore. Jusqu’aux lieux où s’éteint l’Astre qui fait les jours, Bref, c’est moi qui suis l’effroyable, Le dompteur, comme l’indomptable, Moi qui fus et qui suis, et qui serai toujours. Tout palpite par où je passe, Tout tremblote dessous mes pas, Tout court de vitesse au trépas, Et tout crève quand je menace. Les Dieux endurent mille maux, Ils trépassent comme marauds. En regardant ma contenance, Et si l’Amour d’entre les Dieux Ne peut mourir en ma présence, C’est à cause qu’il n’a point d’yeux. L’action la plus orageuse, J’effort le plus audacieux, Et le coup le plus furieux Dépend de cette main nerveuse. Tout se rend docile à mes voeux, J’accomplis tout ce que je veux, Je fais le calme et la tempête ; Et parmi l’horreur des hasards Quand je viens à couvrir ma tête, Je mets à l’ombre le Dieu Mars. Mes gestes brûlent les campagnes, Mes soupirs suffoquent le vent ; Quand je chemine arrogamment L’on voit les plus hautes montagnes Dévaler aux lieux les plus creux, Afin de rendre hommage aux feux Que font mes démarches terribles ; Et celles qui ne le font pas Je les perce comme des cribles, Et les avale à mes repas. Les fleuves arrêtent leurs courses Quand je les regarde courir, D’un seul maintien je fais mourir Les dromadaires et les ourses ; Toute la furie et l’horreur Que je possède en ma fureur Ne saurait pas être conçue ; Et si je voulais enflammer Un seul des regards de ma vue Je mettrais le feu dans la mer. Les Déités sont offensées En me faisant voir aux mortels, Elles m’élèvent des autels Dedans le fonds de leurs pensées ; Les Astres me rendent honneur, Les Éléments me font faveur ; Bref, tout ce que le Ciel enserre, Redoute mes efforts divers, Et si je crachais sur la terre, Je noierais tout l’Univers. Chacun me doit des avantages Selon son ordre et son pouvoir, Tous les hommes font leur devoir, Quand ils me rendent des hommages : La terre me doit de ses fruits, La guerre des feux et des bruits, Le Printemps des lys et des roses, La mer me doit des Alcyons, Et les Dieux comme toutes choses Me doivent des soumissions. Que si le Destin s’abandonne De me vouloir faire la loi, Je lui montrerai comme quoi Je peux châtier sa personne : Car en bravant tous ses efforts, Je mettrai son horrible corps En butte devant le tonnerre, Et prenant le monde au collet, Je ferai de toute la terre Une balle d’arc à jalet. Quand mon âme en serait à jamais désolée, Je ne saurais celer que j’aime Amarillée ; Son esprit admirable, et qui n’ignore rien, Peut savoir aisément le désordre du mien. Mes respects, mon silence, et ma flamme si pure, Sont des indices clairs du tourment que j’endure : Et combien que l’Amour ait mon coeur embrasé, Il est chaste et divin puisqu’elle l’a causé. Mais ce n’est pas assez qu’elle sache ma flamme, L’empire qu’à présent elle a dessus mon âme, Force ma volonté de dire hautement, Que mon coeur la respecte et l’aime infiniment, Que mon affection est sans tache et sans crime, Que le feu dont je brûle, est un feu légitime, Et que les chastes voeux que j’offre à ses autels, Ne sont point animés de transports criminels. Dès le premier moment que je vis cette aimable, Je sentis en moi-même un trouble inconcevable : Son geste me charma, son visage me prit, Et sa rare vertu captiva mon esprit ; Je devins tout ému, mon âme fut surprise, Tant de divinités m’ôtèrent la franchise. Je fus frappé d’un mal sans espoir d’en guérir, Et fus contraint d’aimer ce qui me fit mourir : Mon âme me quitta dedans cette aventure, Dedans le même instant je changeai de nature, Je suis si peu, celui que j’étais paravant, Que je ne me saurais connaître maintenant, J’ai bien la même taille, et le même visage, Mais je n’ai pas les sens ni le même courage, Je n’ai ni les pensers, ni les mêmes souhaits, Enfin je suis celui que je ne fus jamais. Mon corps n’est animé que par des traits de flamme, Qui le font subsister au défaut de mon âme, Et ces traits merveilleux sont des traits que l’Amour Par les yeux m’élança, pour me rendre le jour ; Il eut pitié de voir mon âme ainsi ravie, Il voulut par ses yeux me redonner la vie. Ainsi par un effet qui ne peut s’exprimer, Ce qui me fit mourir, servit pour m’animer. Depuis les souvenirs de ses aimables charmes, M’ont agité les sens, m’ont fait verser des larmes, M’ont privé de plaisir, m’ont ôté le repos, M’ont fait en un moment jeter mille sanglots, Et n’ai jamais osé, ni n’oserais encore Dire à ce bel objet le mal de Matamore. Quand je pense aux grandeurs de ces perfections, Je me laisse emporter aux admirations ; Mon jugement s’égare, et mon âme est confuse, Voyant sur le Parnasse une nouvelle Muse, Qui par un art nouveau, d’un nouvel Apollon Fait sortir de Pégase un nouvel Hélicon : Les Muses ne sont plus ni charmantes, ni belles, Son mérite ternit l’éclat des neufs Pucelles ; Leur vieux maître a cédé sa place à son savoir, Et s’est soumis lui-même aux lois de son pouvoir : Si bien que cette belle étouffera la gloire Et l’estime, et l’honneur des Filles de Mémoire. Elle va dominer en ce céleste lieu Sur ce sacré troupeau comme faisait leur Dieu, Et l’on n’y verra plus de Victime immolée Que la divinité de mon Amarillée. Ô Déesse adorable et Reine des vertus ! Vous de qui le mérite a mes sens confondus, Je veux tout le premier vous faire un sacrifice, Vous présenter mon coeur, vous offrir mon service, Vous immoler mon âme, et m’estimer heureux De me sacrifier aux moindres de vos voeux. Je suis le seul Auteur de toute la Nature, Les Dieux sont mes sujets, l’Homme ma Créature, L’Enfer est mon esclave, et les esprits damnés, Aux tourments éternels sont par moi condamnés : Je suis le seul principe, et le moteur des causes, C’est par moi seulement qu’agit l’ordre des choses : J’ai tiré du néant tout ce vaste Univers, Dans leurs centres j’ai mis l’air, la terre et les mers, J’ai fait voir aux mortels la céleste lumière, Et sans moi tout serait en sa masse première. De ce chaos confus le mélange odieux Arrêterait encor le mouvement des cieux, La flamme avec les eaux ferait aussi la guerre, Les airs ne seraient pas d’accord avec la terre, Et la nuit et le jour pêle-mêle assemblés, Comme les Éléments seraient encore troublés, Les Saisons en désordre iraient à l’aventure, Le Printemps n’aurait point de fleurs ni de verdure, Cérès dedans l’Été n’aurait point de moissons, L’Automne point de fruits, l’Hiver point de glaçons ; Les ans, les mois, les jours, les heures, les minutes N’auraient jamais sans moi terminé leurs disputes. Pour donner à ce Tout un éternel repos, D’un clin d’oeil à l’instant je rompis le Chaos ; Je fis placer le feu quand il fut manifeste Dans le cercle dernier de la voûte céleste ; L’air presque aussi subtil que le chaud élément, Se mit un peu plus bas par mon commandement : Sous l’air je mis la terre, et l’entourai de l’onde, Pour affermir plus fort les fondements du Monde : Les Éléments étant en bon ordre rangés, Et selon leur nature en leurs centres logés, Je fis en même temps la terre toute ronde, Et son égalité n’a rien qui la seconde ; Par elle je donnai l’éternel mouvement À l’immobile corps de ce lourd élément, Et malgré les rigueurs des vents et des orages, La mer ne peut sortir de ses moites rivages : J’ai seulement tiré des sources de ces eaux, Pour faire serpenter la terre de ruisseaux ; De ces ruisseaux j’en fis les fleuves, les rivières, Qui tombent en grondant dans leurs sources premières. Après l’heureux succès de ce grand changement, Pour donner à la terre un superbe ornement, Je séparai les bois d’avecque les campagnes, Puis en divers climats j’élevai des montagnes ; Je fis naître partout des plantes et des fleurs, Que la Nature peint de diverses couleurs ; Je montai les rochers jusqu’auprès du tonnerre, Je mis leurs fondements au centre de la terre : Enfin pour achever ce labeur glorieux, Je voulus séparer en cinq Zones les Cieux, Et diviser en cinq ces épaisses matières De la masse qui fait le grand centre des Sphères, Des cinq Zones je mis la Torride au milieu ; Le milieu de la terre est posé sous ce lieu ; Le Soleil par un chaud qui n’est pas concevable, Rend dedans ce milieu la terre inhabitable. Les deux Zones qui sont aux deux extrémités, De ce Globe d’azur où règnent les clartés, Répandent sous ces lieux une extrême froidure, Et la neige en tous temps y blanchit la Nature. La froideur qui détruit l’ardeur de son amour, Fait qu’à peine toujours l’homme y reçoit le jour. Les deux autres qui sont plus près de la lumière, Sans froid et sans chaleur achève leur carrière ; Ces contraires toujours sont unis sous ces lieux, Où l’on respire à l’aise un air délicieux. Sitôt que j’eus rangé les Zones en leurs places, Entourer les Cieux, et pour suivre leurs traces, Dans cette région où j’ai posé les airs, Des vapeurs d’ici bas j’y formai les éclairs, Les nues, les brouillards et la grêle, et la foudre : Pour faire de l’impie une masse de poudre. Les vents avec les airs furent aussi placés, Par mon ordre en ces lieux ils furent ramassés ; Et de peur que les vents en se faisant la guerre, Ne fissent joindre encor la flamme avec la terre, Que leurs divisions en troublant leur repos, Ne remissent le tout en son premier chaos, J’envoyai le plus chaud du côté de l’Aurore, Où le grand oeil du Monde est adoré du More, Et malgré sa fureur je retins ce mutin, Où le Père du jour se lève le matin. J’arrêtai du second la course vagabonde, Aux lieux où le Soleil se va plonger dans l’onde : Vers le Septentrion je mis les Aquilons, Qui glacent les pays des barbares Gélons ; Et cet humide vent qui grossit les nuages, Qui les réduit en eaux pour faire les orages, S’empara du Midi par mes commandements, Je mis le Ciel plus haut que tous les éléments ; Ce corps qui fut formé sans mélange de boues, Tournoie incessamment sur de puissantes roues ; Les Pôles l’appuyant ne lui permettent pas De s’élever plus haut, ni descendre plus bas ; Sur sa face mes mains posèrent les étoiles, Qui brillent dans la nuit malgré ses sombres voiles. Enfin pour achever tous ces divins travaux, Pour chaque région je fis des animaux. Je mis dedans le Ciel les Dieux avec les Astres, Qui font par l’Astrologue annoncer les désastres ; Je fis battre les airs par le vol des oiseaux, Et nager les poissons dans l’abîme des eaux, D’autres bêtes encor la terre fut couverte, Pour leur faire habiter cette masse déserte, Après je créai l’homme et l’en fis gouverneur, Afin de le combler de gloire et de bonheur ; Sue le portrait des Dieux je formai sa figure, Je lui donnai pouvoir sur chaque Créature ; Je le fis Souverain de ces terrestres lieux, Par mon commandement il contemple les Cieux, Et regardant sans cesse une telle merveille, Sa joie est infinie, et n’a point de pareille. Par le seul bruit de mes combats, Tout est vaincu, tout est à bas, La terre et les rochers en sont réduits en poudre, L’Enfer en tremble encor d’effroi, Et ce Dieu qui lance la foudre N’a jamais redouté d’autre foudre que moi. Oui ce grand Roi des immortels, Qui fait encenser ses Autels, Est contraint de me rendre un éternel hommage ; Hercule et Mars ces grands Guerriers, Doivent céder à mon courage Tout ce qu’ils ont acquis de gloire et de lauriers. Tout au seul bruit de ma valeur Pâlit et change de couleur, Et la mer n’a jamais dans toute sa colère Fait trembloter tant de Nochers, Comme le vent de mon derrière A brisé de Châteaux, de Forts et de rochers. Mes bras de leurs moindres efforts, Font choir dans l’Enfer plus de morts, Que Cérès en Été n’a de javelles blondes, Et d’un clin d’oeil en un moment, Je puis détruire plus de monde, Que le monde n’a vu de feux au Firmament. Bref, tous les habitants des Cieux, Ceux qui respirent en ces lieux, Ceux qui volent en l’air, ceux qui nagent en l’onde, Sont tous rangés dessous mes lois ; Je suis maître de tout le monde, Et le Roi souverain de tous les autres Rois. Mais un Enfant audacieux, Un petit Dieu qui n’a point d’yeux Triomphe sans combat de mon humeur guerrière, Il a d’un coup de son brandon Mis tant de feux à mon derrière, Que l’on l’entend péter comme un coup de canon. Mon coeur en est tout enflammé, J’en ai le corps tout consumé, Déjà tous mes boyaux en sont réduits en cendre, Et je crains par ces feux divers Si le culier vint à se fendre, Qu’un vent de mon ponant ne brûle l’Univers. Allons donc trouver ce Docteur, Ce vieux Singe, ce Radoteur, S’il ne vient à mes yeux accorder angélique, Quand il serait plus fort que Mars, Je percerais à coups de pique Malgré tous ses efforts, sa fille en toutes parts. Je suis proche de la maison De ce vieux Reître sans raison, Oui voilà le logis de ma belle inhumaine : Mais, ô Dieux ! N’en approche pas : Car le seul vent de ton haleine, Sans doute jetterait tout l’édifice à bas. Hé bien, Messieurs, depuis longtemps Vous n’avez point vu ce visage : Mais prenez garde, pauvres gens De le voir à votre dommage : Car si d’aventure l’horreur Met la flamme en mes yeux, m’agite et me travaille, Et que je vous élance un regard de fureur, Je vous brûlerai comme paille. Mon oeil de l’élément du feu Est l’ascendant et l’influence, Et sans se peiner que fort peu Il le maintient en sa puissance : Il ne subsiste maintenant Que par l’ardent brasier dont ma vue est remplie, Et l’élément du feu périrait à l’instant, Si mes yeux n’avaient plus de vie. Un jour en cherchant les combats Au bout de cent belles campagnes, Je rencontrai dessous mes pas D’âpres et rudes montagnes, Que fis-je en cette extrémité ? Je changeai par mes yeux ces montagnes en plaines, Et d’un regard de feu qu’à l’instant je jetai, J’en brûlai quatorze douzaines. Me promenant près de la mer, D’un rayon brûlant de ma vue Je fis tous ces flots enflammer, Et rendis Thétis toute émue. Jetant qui çà qui là mes yeux, Neptune, les Tritons et toutes les Naïades ; Bref, sans exception tous les liquides Dieux, Furent grillés de mes oeillades. Hier d’un trait de feu de mon oeil, Qui pénétra toute la terre, Je mis au règne du cercueil Une étrange et cruelle guerre : Car ce trait d’oeil si furieux, De qui les facultés font des coups effroyables, Saccagea, dévora tous ces nocturnes lieux, Et brûla quasi tous les Diables. Mais, ventre, quel bouleversement, Mes yeux quasi sur toutes choses Agissent monstrueusement, Et font mille métamorphoses : Mais dessus les corps féminins Toutes leurs facultés ont perdu leur science, Et mes regards leur sont si sots et si badins, Que toutes fuient ma présence. Hé bien, que dites-vous de cet oeil sourcilleux ? Ne suis-je pas merveilleux, Bien composé, bien fait, bien beau, bien estimable, Bien touillant, bien gentil, bien poupin, bien charmant, Bien rude, bien cruel, bien fort, bien assommant, Bien meurtrier, bien sanguin, et bien épouvantable ? Ô quand je fais agir mes yeux, ou mes revers, Tout tombe, tout s’abat, tout penche à sa ruine : Et si je n’arrêtais l’ardeur qui me domine, Je vous avalerais ainsi que des pois verts. Un jour dans un esquif navigant sur la mer, Neptune voulut m’abîmer : Mais en le regardant j’anéantis ses rages, Je l’effrayai si bien des traits de mes flambeaux, Que du haut et du bas il vomissait des eaux, Qui dedans peu de temps couvrirent les rivages. Enfin la peur qu’il eut de mon oeil enflammé, Lâchant tous ses conduits, lui fit enfler son onde, Et de telle façon qu’il noya tout le monde, Et fit ce grand déluge où tout fut abîmé. Une autre fois aussi le Ciel me fit savoir, Que dans deux jours il voulait choir Dessus tous les humains, afin de les détruire ; Je lui dit, cher ami, ne sois pas si maraud, Mais parbieu mon courroux n’émeut pas ce rustaud, Au contraire je vis qu’il n’en faisait que rire, Connaissant donc par là qu’il voulait regimber, Je dressai seulement mes plumes de la sorte, À l’instant il s’émeut, la frayeur le transporte, Et la peur qu’il en eut, fit qu’il n’osa tomber. Lorsque les animaux s’amusaient à parler, Le Dieu Phébus voulut brûler Tous les peuples d’Afrique et consommer leurs terres, Et ces peuples encor en sont noirs comme il faut ; Moi pour l’en empêcher je m’élevai fort haut, Mais si haut que j’étais au-dessus des tonnerres. Étant donc là puissant à punir son orgueil, Je lui crevai l’oeil gauche avecque ma rapière : Si bien que du depuis ce Dieu de la lumière, Ce beau Soleil est borgne, et n’a plus rien qu’un oeil. Enfin mes actions, mes regards, ou ma voix, Font que tout plie sous mes lois ; Étant donc satisfait du renom de mes armes, Je ne veux désormais songer qu’aux passe-temps, Je ne veux plus remplir les villes ni les champs De désolations, de plaintes, ni de larmes : Ô ! Je ne serai plus brutal ni furieux, La terreur m’abandonne et l’effroi se retire, Et rien que le penser de chanter et de rire N’occupe les esprits de ce prodigieux. Ah ! Ventre, que je suis joyeux ! De voir de si divins visages, Tant de beautés charment mes yeux, Et me font haïr les ravages : Ce prompt et subit changement, Est bien digne d’étonnement ; Je n’ai jamais aimé que choses meurtrières, Que le désordre et la rumeur : Toutefois, cher ami, tant de belles lumières, Changent ma sanguinaire humeur. Vit-on jamais rien de si beau ? Tant de doux Astres joints ensemble, Font par un effet tout nouveau, Que je palpite et que je tremble. Devant le plus fier ennemi, Matamore n’a point frémi, Et devant des objets dont l’âme est toute bonne, Et qui n’ont rien que des douceurs, Je perds l’esprit, le sens, la force m’abandonne, Et parbieu quasi je me meurs. Ah ! Ventre, je veux désormais, Quitter le bruit et les querelles, Et je proteste que jamais Je n’aimerai que les femelles. Je trouve des félicités À soupirer pour les beautés ; Ô Dieux ! Si dans ces maux on trouve de la joie Et beaucoup de contentement, En quel aise faut-il qu’un amoureux se noie Lorsqu’il a du soulagement. Je te le dis encor, je suis l’honneur du monde, Le Soleil qui voit tout en cette masse ronde, Peut bien dire au mépris des hommes et des Dieux, Que je suis l’ornement de la terre et des Cieux : Mais, ventre, je vois bien que ton âme est déçue, Par la débilité de ta mauvaise vue. Petit rat de montagne assoupi du sommeil, Aigle bâtard, tes yeux s’aveuglent au Soleil, Tu n’as pu concevoir les merveilles étranges, Qui me dressent un trône au-dessus des louanges ; Et par qui tout le monde est contraint d’avouer, Qu’il n’appartient qu’à moi de me savoir louer. Achille eut un Homère, Énée eut un Virgile, Auguste eut un Ovide, et moi j’en ai cent mille : Mais par tant de hauts faits mon nom s’est élevé, Que de quatre mille ans ils n’auront achevé. Toutefois cependant qu’ils tracent mon Histoire, Je travaille moi-même au récit de ma gloire, Et par le moindre effet que j’en vais décrivant, Je serai la terreur du siècle survivant. Le Ciel parlant de moi s’explique en des Oracles, La terre et tout son peuple admire mes miracles. J’ai vu des Quinze-Vingts qui ne me voyaient point, Exalter ma beauté jusques au dernier point : Et tel était le son de leurs justes louanges. Cet homme est aussi beau que deux millions d’Anges. D’autres sourds et muets ont dit fort hautement, N’avoir jamais oui d’Orateur plus charmant, Et qu’il faut s’assurer que la même Éloquence A pris de moi la grâce et la vive élégance. D’autres que le Soleil n’a point encore vus, Disent que je suis fils de la belle Vénus, Que Mars m’engendra d’elle, et que ce Dieu des armes Sachant quel je serais aux martiaux alarmes, Redouta ma naissance, et voulut qu’en ses flancs La mère des beautés me portât deux mille ans : Mais je me suis vengé d’une telle aventure, Bien que pour me détruire il forçât la Nature : Par mes propres efforts je me fis mettre au jour, Et lors pour me venger de ce malheureux tour, J’étranglai Mars, Vénus et Cupidon mon Frère. Cette belle action ne te saurait déplaire, Puisque dans ma beauté, mes bras et mes regards, Tu vois encor l’Amour, Vénus et le Dieu Mars. Dieux ! Que je suis épouvantable, Que mon aspect est dangereux ! Ah ! Que ceux-là sont bien heureux, Qui sont amis du Redoutable ! Ce qu’on se peut imaginer, Qui soit capable d’étonner, N’est rien au pris d’un de mes gestes : Je suis plus craint dans l’Univers, Que toutes les choses funestes Ne le sont pas dans les enfers. Esprits lutins, ombres, démons Qui tourmentez les Créatures : Diables damnés, dont les figures Donnent de la peur aux poltrons, Rendez-vous palpables aux mains Du plus terrible des humains, Venez à moi, troupes maudites : Mais, ventrebleu, vous n’osez pas, Vos puissances sont trop petites, Et votre courage est trop bas. Que je suis bien incomparable ! Je possède Mars et l’Amour ; Ces Déités font leur séjour En ce microcosme adorable ; L’un de ces Dieux violemment Me porte à l’assassinement, Et l’autre en brûlant les plus belles Du feu de son brasier ardent, Fait que les pauvres Damoiselles Trépassent en me regardant. Les Déesses toutes perdues De l’amour qu’elles ont pour moi, Ont tant de peine sous ma loi, Qu’elles voudraient être pendues, Parbleu vous diriez quelquefois, Qu’elles vont rendre les abois, En me voulant montrer leurs braises : Mais je leur use de rigueurs, Car je trouve toutes mes aises Dedans les ruisseaux de leurs pleurs. Pauvres femmes que l’on adore, Que vous êtes à déplorer, Que vous sert-il de soupirer Pour les vertus de Matamore ? Vous n’aurez point d’allégement, Je ne me plais incessamment Qu’à distribuer des supplices Et si l’on n’avait qu’aux travaux Des extases et des délices, Je ne ferais jamais de maux. Toutes les horreurs de Bellone, Les soins, les troubles, les malheurs, Et les plus terribles douleurs Ne sont que les biens que je donne ; Aussi tout frémit à me voir, Tout tremble dessous mon pouvoir, Et tous ceux qui ne soupirent En voyant mon regard altier : Mes rudes mains vous les déchirent, Comme des feuilles de papier. Hé bien, chers auditeurs, que vous êtes surpris De voir ce merveilleux dedans un tel débris ! Vous croyez me voyant dans un tel équipage, Que je sois sans vigueur, sans force et sans courage, Sachez que j’ai toujours cette même valeur, Qui fit craindre les Dieux, qui dompta le malheur ; Matamore est toujours l’inhumain, l’indomptable, L’horrible, l’étonnant, le fort, le redoutable, Le phénix des vaillants dont la maudite humeur, Et la brutalité n’aime que la rumeur. L’assommeur de géants, le destructeur des hommes, La terreur et la mort de ce siècle où nous sommes. Tout est sous mon pouvoir, l’on ne le peut nier, L’Enfer me sert de cave, et le Ciel de grenier, Ma chambre est l’Univers, et mon flambeau la lune, Je ne m’ajuste pas à la façon commune, La terre c’est mon lit, l’herbe mon matelas, Les rochers mes chevets, et les feuilles mes draps, Les rideaux de mon lit sont les voiles nocturnes, Que la nuit fait sortir de ces demeures brunes ; Le Ciel de ce beau lit est ce Globe azuré, Que nous voyons le soir de tant d’astres paré ; Les piliers de ce lit sont les Pôles du monde, Et mon pot à pisser les abîmes de l’onde ; Quand je me vais coucher, le triste chat-huant, L’orfraie et le hibou d’un ton assoupissant, D’un air tel que celui qu’on chante aux cimetières, Ferment aimablement mes funestes paupières, Et me laissant ravir aux douceurs du sommeil, Je dors incessamment jusques à mon réveil. La rosée au matin me lave le visage, Mille petits oiseaux assemblant leur ramage, D’un concert merveilleux et tout à fait charmant, Gazouillent à l’envi pour mon contentement : Pour montrer à quel point le firmament m’honore, Je suis tout le premier que regarde l’aurore, Et le premier rayon de la clarté des Cieux, Fait le premier honneur à ce prodigieux : Mon baignoir est le vase où Neptune préside, Mon étuve est l’enclos de la Zone torride ; Vous croyez que je sois sans aucuns serviteurs, Mais j’en ai pour moi seul plus que douze Empereurs ; J’en ai des quantités que l’on ne saurait dire, Mais, ventre, quand mon train commence de me nuire, Je le vais retranchant d’une étrange façon, Car en me dépouillant contre quelque buisson, Doucement et sans bruit ne faisant que m’ébattre, Je le vais retranchant deux à deux, quatre à quatre. Ah, ventre, un estafier me picote la peau, Je le sens, je le tiens, ô petit vermisseau, Vous me sucez le sang, vous l’osez entreprendre ? Parbleu vous en mourez, rien ne vous peut défendre, Vous serez de mes pieds écrasé tout soudain : Mais l’appétit me vient, allons chercher du pain, Depuis sept ou huit jours aliment ni substance, Par mon large gosier n’est entré dans ma panse ; Aussi tous mes boyaux se fâchent contre moi, Allons-en demander à celui que je vois, Je le volerais bien sans qu’il s’en pût défendre, Mais j’aime mieux trucher que de me faire pendre. Lorsque par divertissement J’entrepris de faire la guerre Pour subjuguer toute la terre Et tout le liquide élément, Je fis Pallas mon estafière, La Fortune ma chambrière, Le Sort Laquais de mes vassaux ; Je m’assujettis la Victoire, Et les neufs Filles de Mémoire, Servirent de litière à tous mes grands chevaux. Lors je domptai branlant le doigt D’une façon toute héroïque L’Europe, l’Asie et l’Afrique Avec les Îles qu’on y voit. Phébus de sa grosse prunelle Voyant une action si belle, À l’heure même se résout D’achever promptement sa ronde Pour aller dire à l’autre monde Qu’en remuant le doigt, je triomphais de tout. Les Antipodes pleins d’effroi, Au seul récit de ces nouvelles Enrageaient de n’avoir point d’ailes Pour se venir soumettre à moi : Ils craignirent tant ma vaillance, Que n’ayant pas la patience Que le Soleil revint ici, Ils donnèrent charge à l’Aurore De voir de leur part Matamore, Et de me conjurer de les prendre à merci. Je pris plaisir à voir la peur De ces marauds de l’autre monde, Leur soumission si profonde Me mit la piété dans le coeur, J’épargne ces pauvres canailles De pleurs, de sang, de funérailles : Mais pourtant à condition, Que pour montrer le grand courage Qu’ils avaient de me rendre hommage, Ils me viennent ici baiser le croupion. En attendant ces malotrus, Je vais visiter une aimable, Dont le maintien émerveillable Me rend amoureux et confus, Je lui vais parler sans demeure L’entretenir tout à cette heure, Je vais parbleu la suborner, La cajoler et la séduire Par le charme de mon bien dire, Afin de m’efforcer de l’enjobeliner. Oui, je m’en souviens, que depuis quelque temps Pour rendre absolument tous mes désirs contents, J’ai mis dessus le gril de même que des huîtres Les détestables coeurs de quatorze bélîtres, J’ajustai cent coquins, comme on fait des anchois, Je fis bouillir des sots ainsi qu’on fait des pois, Je fis des cervelas de tous les frénétiques, Puis je mis à la broche onze cent Républiques ; Je fis un hochepot de dix mille goujats, Je fis un consommé de quinze boulevards ; Je fis un court bouillon d’une terre affligée Puis je fis un pâté d’une ville assiégée, Je fis un saupiquet de plusieurs forcenés. Je fricassai moi seul la plupart des damnés, Je pris les volontés des cervelles malfaites, Et je les embrochai comme des alouettes ; Je mis tout l’Océan dedans un pot de fer, Puis je mis le grand pot sur le brasier d’Enfer ; Je mis dedans le pot en guise de volaille, L’épouvantable bruit d’une horrible bataille ; J’y mis pour le salé tous les charivaris, J’y mis pour du mouton, les Filous de Paris, Pour des jarrets de veau, les fureurs de Bellone, Et pour du boeuf tremblant, la tour de Babylone : Enfin pour achever j’y mis tous les malheurs, Et tous les hurlements en guise de choux-fleurs. Quand j’eus fait ce potage aimable et magnifique, Soudain je fis encor une excellente bisque, J’y mis premièrement en guise de bouillon, L’humide radical du corps d’un bataillon ; Pour bien l’assaisonner en guise de morille, J’y mis abondamment des langues de chenille ; J’y mis pour champignons des yeux de basilic, Pour muscade et pour sel vingt quintaux d’arsenic ; J’y mis force clochers ainsi que des asperges, Et pour des artichauts, j’y mis trente ramberges ; Pour des cardes j’y mis la tresse d’Alecton, Les larmes de Vénus pour du jus de mouton ; Pour des mirabolans j’y mis un grand gavache, Et les rognons d’Hercule en guise de pistache : Lorsque j’eus achevé ce superbe festin, J’envoyai promptement mon valet le Destin, Pour aller supplier Pluton et Proserpine, De venir m’assister à manger ma cuisine : Mais voyant qu’ils faisaient un peu trop les glorieux, Parbleu je leur jetai tout mon festin aux yeux ; De là je suis venu pour faire encor la guerre, Et comme auparavant troubler toute la terre : Mais premier que d’aller visiter les combats, Je vais me marier à d’aimables appas. Qui saurait dire le courage, Dont je me trouve revêtu ? Pour bien parler de ma vertu, L’on n’a point d’assez beau langage. J’ai tant avalé d’espadons, De flèches, d’arcs et de guidons, De couleuvrines et bombardes, Que si, parbleu, je vomissais, Je vomirais des hallebardes, Des morions et des pavois. L’on ne saurait jamais comprendre Le nombre infini des humains Que j’ai par l’effort de mes mains Écartelés et mis en cendre. Su de ceux que j’ai massacrés Dans les rues et dans les prés, J’avais un seul poil de leurs têtes, J’en ferais fort facilement Des montagnes de qui les crêtes Traverseraient le firmament. J’appréhende un jour que ma gloire Ne soit cause de mon malheur, Et que par ma rare valeur, Elle n’éteigne la mémoire : Pour être par trop foudroyant, Trop martial et trop vaillant, Mes vertus seront étouffées ; Et par un malheureux Destin La pesanteur de mes trophées M’écrasera quelque matin. Mais, Dieux, le fils de Cythérée Par sa frauduleuse douceur, Me force à quitter la noirceur De mon humeur désespérée ; Ce petit maudit Guéridon, Ce détestable Cupidon Me fait tomber dedans sa trappe Pour me plonger dans les regrets : Mais par la mort, si je l’attrape Je lui couperais les jarrets. Enfin quand ce discours me coûterait la vie, Il est temps de parler, je vous aime Livie, Vous voyez bien qu’Amour a causé mon ennui, Puisque vous n’êtes pas aveugle comme lui ; Vos beaux yeux sont si clairs et si remplis de flamme, Qu’ils ne peuvent douter de celle de mon âme ; Ils connaissent le feu dont je suis consommé, Il est pur et divin puisqu’ils l’ont allumé. Le voeu que l’on vous offre, est toujours légitime, On n’a pour vos appas que des désirs sans crime, Et mêmes les esprits esclaves de leurs sens, Pour un si chaste objet deviennent innocents. Prenez pitié du mal que vos yeux ont fait naître, C’est l’augmenter beaucoup que de le méconnaître ; Vous yeux qui m’ont donné de si doux entretiens, Peuvent-ils ignorer le langage des miens ? S’ils vous ont mal conté le tourment qui me touche, Après qu’ils ont parlé, laissez parler ma bouche, Elle va découvrir les langages d’un coeur, Qui tout prêt de mourir adore son vainqueur. Au temps que je vous vis une flamme cruelle, Ne brûlait plus mon coeur, j’oubliais Isabelle. Mon esprit dégagé d’une telle prison, Ayant perdu l’espoir, recouvrait la raison. Et comme un Matelot assis sur le rivage, Je regardais la mer où j’avais fait naufrage : Mais sitôt que vos yeux éclairèrent les miens, Je me vis arrêté par de puissants liens. Mon coeur en fut ému, mon âme en fut surprise, Et tous deux à l’instant présagèrent leur prise ; Ma liberté céda, je n’eus plus de pouvoir, Et fus contraint d’aimer, ayant osé vous voir. Car quelque fermeté que l’esprit se propose, Vous voir et vous aimer n’est qu’une même chose ; Et bien que vos rigueurs promettent le trépas, Ceux que vous captivez, ne les redoutent pas. On ne peut résister à l’effort de vos charmes, La franchise contre eux n’a que de faibles armes, Un glaçon près de vous se verrait enflammer, Enfin vous pouvez tout, et ne pouvez aimer. Celui dont la puissance est au-dessus du foudre, Qui forma l’Univers et le peut mettre en poudre ; Ce Dieu qui régit tout, et qui fait que l’aimant, Par des secrets cachés attire son amant, Parmi tous les trésors que sa main libérale, Pour prouver sa grandeur incessamment étale. Quoi que l’on veuille dire à la gloire des Cieux, N’a rien fait voir encor de si beau que vos yeux. Cet ordre merveilleux qu’on voit en la Nature, Ce bel émail des champs, cette vive peinture, La mer, les éléments, le change des saisons, La course du Soleil par ses douze maisons, Le tonnerre grondant qui brise tous obstacles, Les feux du firmament, et tant d’autres miracles, Ne prouvent pas si bien une Divinité, Aux esprits de ce temps, comme votre beauté. Et les plus libertins voyant votre visage, Jugent qu’il faut un Dieu pour faire un tel ouvrage, Mais tout cet ornement doit céder aux vertus, Qui rendent sous vos pieds les vices abattus ; Votre esprit adorable, à qui le sait connaître, N’en peut trouver aucun dont il ne soit le maître ; Et qui possède un coeur, en saurait mal user, S’il savait le dessein de vous le refuser. Je vous aime Livie, et mon amour extrême, Afin de s’exprimer, a recours à vous-même. Considérez-vous bien, et ce que vous pouvez, Et puis juger d’un coeur quand vous les captivez ; Je vous aime Livie, et jamais autre flamme, Que celle de vos yeux me brûlera mon âme ; Méprisez-moi toujours, vivez dans un orgueil, Dont l’excès inhumain me conduise au cercueil ; Moquez-vous en tous lieux de ma persévérance, Perdez votre douceur, ôtez-moi l’espérance ; Fuyez-moi, cachez-vous, augmentez mon tourment, Et ne m’honorez pas d’un regard seulement, Rien ne peut empêcher que mon âme asservie, N’aime jusqu’au trépas les beautés de Livie. Quoi qu’il puisse avenir, je la veux adorer, Ce que ma bouche a dit, mon coeur le veut jurer ; Et si, comme l’on dit, notre âme est immortelle, L’oubli n’éteindra pas une flamme si belle, La parque qui peut tout en coupant aux Enfers, La trame de mes jours, ne rompra point mes fers. Après ces vérités n’êtes-vous point sensible, Trouverai-je toujours votre coeur inflexible ? Oui, je sens que le mal dont le mien est touché, Vous déplaît beaucoup plus que s’il était caché. Pleurez, pleurez mes yeux, servez-vous de vos armes, Ma bouche a mal parlé, faites parler vos larmes, Mais, hélas ! Le discours a de faibles appas, L’ingrate le méprise, ou bien ne l’entend pas ; Il vous faut donc fermer, l’excès de mon martyre, Sera cru, si la mort n’empêche de le dire ; Ma plainte est inutile, et vos pleurs superflus, On verra mon amour, quand vous ne verrez plus. À genoux, ou n’arrête pas, Ici gît le grand Matamore, La mort qui fut de ses soldats, Prend au collet qui ne l’adore. Aussitôt qu’il fut abattu, La majesté de la Vertu L’affubla d’une robe noire ; Mars traita le Sort en faquin, Et lui rompant son casaquin, Lui brisa toute la mâchoire. Aussitôt qu’il fut enfermé, Et que sa tombe fut couverte, Trois Dieux qui l’ont toujours aimé, Vengèrent puissamment sa perte. Phébus sur le dos de Pluton, Des rudes noeuds d’un gros bâton, Imprima vivement les marques, Vénus avecque son patin, Souffleta Monsieur le Destin, Et Minerve berna les parques. Mais lorsqu’aux infernaux palus Il eut traversé l’onde noire, Les vêtements furent rompus Aux neufs fille de la Mémoire ; La Vertu n’eut ni feu, ni lieu, Autre part que dans l’hôtel-Dieu ; La raison devint insensée, Le mérite fut bâtonné, Et l’honneur fut couronné D’un bassin de chaise percée. Dès lors que ce Capitan Fut dans la demeure infernale, Il arracha l’oeil à Satan, Et l’avala comme une balle ; Tous les diables épouvantés, De peur d’en être maltraités, Tâchaient d’éviter son atteinte, De manière que tout plia, L’épouvante s’humilia, Et la terreur mourut de crainte. Sa présence dans les Enfers, Pleine de rage et de colère, Mit d’abord tout à l’envers, Et donna la fièvre à Cerbère, Le dominateur de ces lieux Fut pris par son bras furieux, Et l’étouffa dedans ses flammes, Si bien que dedans ce débris, Il se fît Prince des esprits, Et le Roi de toutes les Âmes. Ainsi par le cruel effort De son extrême violence, Il s’est fait Souverain du Sort Et du royaume du silence : Il fait gémir dessous ses mains Les fatalités des humains ; Elles pleurent comme Niobe, Et Lachese, Atrope et Cloton, Minos, Radamante et Pluton Sont ses valets de garde-robe. Je confesse bien que la vie Des guerriers qui sont aux tombeaux ; Laissent des exemples si beaux Qu’ils peuvent donner de l’envie. On en aime le souvenir Et l’on ne se saurait tenir De parler de leur mémoire : Qui vivraient une infinité, Dans l’éternité de la gloire, Si je n’avais jamais été. Je suis plus rude qu’un tonnerre, Beaucoup plus fort que les destins, Plus dangereux que des lutins, Et plus à craindre que la guerre. Ceux qui me viennent ravauder, Je leur arrache sans tarder, Peaux, nerfs, poumons, cervelles, tripe ; Nez, langues, yeux, coeur et boyaux : Et puis à l’instant je les grippe, Et les croque comme noyaux. D’un petit trait de ma vaillance, J’ai cent fois dompté le malheur : Mais si j’ai bien de la valeur, J’ai bien aussi de la science. Je parle fort élégamment De la Terre, du Firmament, Et des neufs filles du Parnasse, Je suis plus sage que Solon, Et lorsque je frotte ma face, Je torche le nez d’Apollon. Je suis l’effroi des redoutables, Je ne respire que le sang, L’honneur, les qualités, le rang, Ne me sont point considérables. Toujours partout la mort me suit, Aussi tout s’esquive, et me fuit : Rien ne m’ose faire la guerre, Et le Ciel tout tremblant d’effroi, Ne s’éloigne point de la terre, Que pour la peur qu’il a de moi. Toutes choses hideuses, hâves, Laides, horribles, sans beautés, Et qui n’ont que des cruautés, Sont mes valets et mes esclaves. L’effroi me sert de cuisinier, Et la rage de palefrenier, La mort me sert lorsque j’étrangle : Et le diable que j’ai vaincu, De coups d’éperon et de sangle, Ne me sert qu’à torcher le cul. Rien n’est égal à mes ravages, Mes cruautés n’ont point de bout : J’assujettis et dompte tout, Hormis les Laquais et les Pages. Parbleu mes sens découragés, À l’aspect de ces enragés, Font que quasi toujours je tremble : Je n’ai ni force ni vertu, Aussi quand je les vois ensemble, Je fuis de peur d’être battu. Dieux ! Qu’on serait bien étonnant, Si l’on mettait dedans un livre, La terrible façon de vivre, Que je pratique maintenant ! À mon lever pour mes bouillons, Je prends neuf quintaux de fumée, Douze barils de renommée, Et trois tonneaux de postillons. Puis pour remplir mes intestins, Comme des huîtres à l’escale, J’avale vingt Prévôts de salle, Et cent mille petits lutins. L’un de ces jours, sans dire mot, Je mangerai cent hallebardes, Et tout le Régiment des Gardes Me servira de hochepot. Quand je dîne tant soit peu tard, Et que l’appétit me domine, J’engoule un fut de couleuvrine, Comme un petit morceau de lard. Alors que j’ai quasi dîner, J’avale en guise de fromage, Toute l’écume de la rage, Et la cervelle d’un damné. Toujours dans mes collations, Je demande pour mes salades, Quarante, ou cinquante grenades, Et dix, ou douze bastions. Pour faire qu’après mes repas, Mes humeurs se trouvent contentes, Je dévore quelques courantes, Et quinze, ou vingt bons entrechats. Pour mes soupers je fais chercher, La cervelle des crocodiles : Les coeurs des plus fameuses villes, Et les entrailles d’un rocher. Le soir premier que fermer l’oeil, J’avale force jeux de paume, Puis je gruge quelque Royaume, Pour me provoquer au sommeil. Bref je pense qu’un jour ma faim, Qui n’aura jamais de seconde, Me fera manger tout le monde, Comme un petit morceau de pain. Dieux ! Que je suis à redouter, Ma rage tous les jours s’empire, À moins que de perdre un Empire, L’on ne m’oserait irriter. Je détruis tout des rudes traits De mon oeillade martiale, Et si la Lune est toujours pâle C’est de la peur que je lui fais. J’ai d’un seul coup d’estramaçon, Livrant aux Enfers une guerre, Fendu la mer avec la terre, Pour couper le nez à Pluton. À l’heure même les damnés, Firent révolte en cet Empire, Et leur prétexte fut de dire Que leur Roi n’avait point de nez. Aussitôt que je fus là-bas, Je trouvai des plaisirs sensibles, Car c’est dedans les lieux horribles Où se rencontrent des appas. J’aime ce qui fait effrayer, Je trouve l’Enfer agréable, C’est le jeu de paume admirable, Où je vais souvent m’égayer. Les balles de quoi je me sers, Dans ces demeures effroyables, Ne sont que les têtes des diables, Que je massacre d’un revers. Mes admirables raquetons, Ne sont que des gris et des flammes, Sur lesquels on rôtit les âmes, Des gavaches et des poltrons. Tous les barreaux de ces manoirs, Sont les cordons de mes raquettes, Les grandes queues des Comètes, Sont les manches de mes battoirs. La jouant avec des lutins, Et poussant toujours de furie, Des coups dedans la galerie, J’éborgnai tous les diablotins. Étrange et furieux effet De mon naturel effroyable ! Les autres méchants font le diable, Et Matamore le défait. Mais je ne veux plus m’efforcer À faire de si grands ravages, Je veux aimer les beaux visages Et drôlement les caresser. Je vais sans cesse soupirer, Devant les féminines faces, Pour posséder leurs bonnes grâces, Et les contraindre à m’adorer. Ne trouvez pas mauvais visages magnifiques, Si je ne parle plus qu’en beaux vers héroïques. Puisque enfin les vers sont le langage des Dieux, Moi qui suis tout Divin, je veux parler comme eux. Comme ce grand Moteur qui lance le tonnerre, Est Roi de tous les Dieux, je suis Dieu de la Terre. Nul mortel ne saurait, sans choquer la raison, Avecques ma valeur faire comparaison. Qu’on cherche avecques soin, tous les plus braves hommes, Tant des Siècles passés, que du Siècle où nous sommes. Tous les plus grands esprits et les plus grands guerriers, Qui par de grands travaux ont acquis des lauriers. Et si l’esprit humain en un seul les assemble, On trouvera pour lors celui qui me ressemble. Mon esprit admirable est au-delà des sens, Et ce seul bras fait honte, aux bras des plus puissants ! Je frappe les projets des orgueilleux Monarques, Je suis le nourricier, le giboyeur des Parques. Tout ce grand Univers que je remplis d’effroi, Subsiste par ma force et n’agit que par moi. Je respire les vents, qui ronflent sur la terre, Ma salive est la pluie, et ma voix le tonnerre. Je suis le Roi du monde et le visible Atlas, Qui peut tout soutenir par l’effort de ses bras. Mon trône c’est la terre, et ce qui l’environne, Les Astres sont ma suite, et le Ciel ma Couronne. Mon sceptre le voici, ce fardeau précieux, Tourne à mon gré la Terre, et la Mer, et les Cieux. Mais tout ce grand pouvoir ne me saurait défendre, D’un petit avorton qui me réduit en cendre. Ô Dieux en le disant ! Quels feux ai-je sentis, Je fume, je suis chaud, je rougis, je rôtis : Je grille, je rissole ? Ah je suis cuit, je brûle, N’aurais-je point mangé la chemise d’Hercule ? Holà hauts estafiers, apportez promptement Pour éteindre mon feu, le liquide élément. Mais l’eau m’est inutile au feu qui me dévore, Afin de l’apaiser, allons voir mon Aurore. Un seul de ses regards alentira mes feux, Et me pourra donner la gloire que je veux. Holà.     Qui frappe-là ?         Qui ventre ? L’effroyable, C’est l’enfant du Déluge, et le cousin du diable. Que voulez-vous ?         Comment, vous ne frémissez pas ?, Voyant l’horrible port de ce grand Fier-à-bras ? Frémir en vous voyant, j’aurais peu de courage ! Ah viens nez d’esturgeon, tête bleu, ce visage Est plus à redouter que le foudre des Cieux : Je me moque du Sort, et je nargue les Dieux. Tout succombe à l’effort de ce bras redoutable, Je suis plus que la mort, aux mortels redoutable, Il n’est point de Guerriers, d’Empereurs, ni de Roi. Qui puisse justement se comparer à moi. Auprès de mes regards, et de ma contenance, Les plus déterminés perdent leur assurance. En ma comparaison, ce sont poltrons parfaits, Et tous les Amadis ne sont que des baudets. Vous de qui les habits sont chamarrés d’oreilles, Crieur de mort aux rats, saccageur de bouteilles. Avaleur de pois gris, écraseur d’escargots Dont le dos est si propre à porter des fagots. Vous qui ne voudriez pas, vous égaler un homme De l’Histoire de Grèce, où de celle de Rome. Je gage d’en nommer, en présence de tous, Deux mille plus vaillants, et plus sages que vous. Qui sont-ils ?         Attendez je vais quérir le livre. Ha ventrebleu ! Je crois que ce bonhomme est ivre : Il a perdu l’esprit, son jugement se perd, Le voici qui revient : hé bien vieux ladre vert, Vous avez donc bientôt trouvé votre science ? Oui, voici mon Plutarque.     Ah ventre !         Patience. Nomme, nomme-les-moi, ces illustres Héros, Et je te ferai voir qu’ils avaient des défauts. Des imperfections, des vices en grand nombre, Et que je suis un corps dont ils n’étaient que l’ombre. Vous vous moquez, allez vous êtes insensé : Thésée.         Ah tête-bleu, qu’il a bien commencé Thésée malheureux, ce rapineur d’élite, Que tu crois si parfait, et rempli de mérite, Ne fut qu’un vagabond, un batteur de pavé. Romule.         Un fils de louve, un pauvre enfant trouvé. Licurgue.         Fabriqua de la fausse monnaie. Numa.         Prenait avis d’une fille de joie. Solon.         Sa marchandise offusqua son renom. Publicolle.         En un jour abolit sa maison. Thémistocles.         À son dam aima trop son Image. Camille.         À ses soldats ravissait le pillage. Périclès.         Son gros chef s’est toujours fait moquer. Fabie.         Était trop doux et trop long à choquer. Alcibiade.         Un prodigue orné de menterie. Coriolan.         Sa mère apaisa sa furie. Paul-Émile.         Un maraud, un gouverneur d’enfants. Timoléon.         Ce fou courut vingt ans les champs. Pélopidas.         Sa mort l’accuse d’imprudence. Marcellus.         Manqua d’heur comme d’expérience. Aristides.         Ce fat ne fut trouvé qu’un gueux. Marc Caton.         Ce rousseau faisait trop le hargneux. Philopemen.         Périt par son humeur hautaine. Quintus.         Fit une tache à la Grandeur Romaine. Pyrrhus.         Un coup de pierre abattit ce guerrier. Caïus.         Fit la grenouille au milieu d’un bourbier. Lisander.         Ce trompeur périt par tromperie. Silla.         Fut plein de rage et de forcenerie. Simon.         À ses plaisirs fut trop adonné. Lucule.         Des Soldats se vit abandonné. Nicé.         Ce Capitaine avait le coeur de tremble. Crassus.         Était avare, et poltron tout ensemble. Sertorius.         Ce borgne a passé pour sorcier. Euménès.         Était fils d’un noble carrossier Agésilas.         Fort bien avec sa jambe courte. Pompée.         Il perdit coeur après une déroute. Alexandre.         Alexandre, il aimait trop le vin. Jules.         Il fut vaillant, mais non pas assez fin. Phocion.         Cet oiseau se laissa mettre en cage. Caton.         Se fit mourir à force de courage. Cléoménes, Agis.         Ils n’ont rien fait de beau. Les Gracques.         Ces mutins avaient trop de cerveau. Démosthènes.         Mourut en suçant une plume. Cicéron.         Se parait de la peau d’un volume. Démétrie.         Un gourmand, de vices revêtu. Antoine.         En Cléopâtre étouffa sa vertu. Artaxerce.         Un inceste, un fratricide infâme. Dion.         De son vivant on lui gardait sa femme. Brute.         Fut un perfide, et l’horreur des humains. Aratus.         Mit sa garde en de mauvaises mains. Galba.         Monta bien haut, lorsqu’il fallait descendre. Othon.         Cet Empereur ne valait pas le pendre. Annibal.         Négligea l’excès de son bonheur. Scipion.         De Guerrier devint un laboureur. Épaminondas.         Pauvre, et de naissance oblique. Philippe.         Un tracasseur de Liberté publique. Denis.         Faisait sa barbe avec des tisons. César Auguste.         Ah ventre, arrête là tes noms ! Ne te travaille plus, finis cette remarque, Je sais que tu m’allais encor nommer Plutarque. Miltiades, Sénèque avec Pausanias : Trasibule, Conon, Datames, Cabrias. Amilcar, Thimothée, Iphicrates, tant d’autres, Dont les rares exploits n’égalent point les nôtres. Mais sais-tu vieux surgeon de malédictions, Pour terminer le cours de ces narrations, Si tu n’accordes point ta fille à mes prières, Je m’en vais de ce pas t’arracher les paupières, Te percer l’estomac, te déchirer le flanc, Et faire de ton corps un déluge de sang. Et toi, si tu ne prends la fuite à mes prières, Je te vais de ce pas donner les étrivières. De mille coup de fouets te déchirer le flanc, Et faire de ton corps un déluge de sang. Ah ventre !         Ah par la mort, il faut que je te tue ! Comme le drôle fuit : je l’ai perdu de vue. Et ce vaillant guerrier si redouté de Mars, Ne peut souffrir sans peur, un seul de mes regards. Je l’avoue, il est vrai, perpétuellement Je suis dans une humeur de rage et de furie, Je songe incessamment à quelque diablerie, Pourfendre un escadron, ou rompre un régiment. Dans les viles mes coups de revers et de taille Font quelques balafres : Mais dans une bataille, Je fauche les soldats, comme on fauche les prés. L’un de ces mois passés, malgré tout mon pouvoir, Ces faibles Déités qui donnent la Lumière, Retenaient dans ce Ciel la clarté prisonnière, Pour priver l’Univers du bonheur de me voir. Fâché de la noirceur de cette nuit si brune, Sans prendre autre conseil J’allai fouetter la Lune, Chiquenauder l’Aurore, et berner le Soleil. Hier au matin piqué de mon ambition, Je fus dans les Enfers pour y faire ravage, À l’abord, de mes yeux j’assassinai la rage, Je remplis tout de meurtre et de confusion. Toutefois à la fin, d’une façon divine J’adoucis mes regards, Et baisant Proserpine Je fis le Roi des Morts, le Prince des Cornards. Un jour, mille marauds qui me voulaient frotter. Résolurent ensemble à m’user de surprise, Moi rempli de fureur sachant leur entreprise, Je les trouvai bientôt, afin de les heurter. Mais, ventre, j’abordai ces malheureux pagnotes, D’une telle vigueur Que le vent de mes bottes Leur brisa la cervelle, et leur creva le coeur. Je me souviens qu’un jour, tous les Dieux de là-haut, Me traitèrent le corps de discours, de paroles, De chimères, de vents, d’idées, d’hyperboles, Mais quoi, je n’en fus point satisfait comme il faut. Et craignant justement de devenir malade, D’un semblable festin, Je fis une grillade Des oreilles du Sort et du nez du Destin. Aujourd’hui des Laquais me trouvant à l’écart, M’ont donné quantité de bonnes bastonnades, Mais cet affront m’a mis en de telles boutades, Que j’en ai dévoré les murs d’un boulevard. Enfin tout boursouflé, de dépit, de rancune, De rage, et de fureur J’ai roué la Fortune, Écorché le Hasard, et pendu le Malheur. Je suis exempt de passion, Pour les trésors, et les richesses, Le seul objet de mes prouesses, Satisfait mon ambition. Rompre tous les jours des murailles, Donner et gagner des batailles, Faire des montagnes de Corps, Être toujours dans la Victoire : Et ne manquer jamais de Gloire, N’est-ce pas avoir des trésors ? Hé bien vous voilà trop payés, De votre injuste impatience, Vous jouissez de ma présence, Je souffre que vous me voyez. Ce grand Démon de Matamore, Vous veut du bien, et vous honore : Tenez-vous-en tout assurés, Je vous chéris jusqu’à l’extrême, Et pour montrer que je vous aime, Je vous assommerai, si vous le désirez. Vous savez bien, comme je crois, Ce que Pythagore propose, Concernant la Métempsychose, Et tous les points de cette Loi. Aujourd’hui chacun s’imagine, Que cette créance est badine : Mais quant à moi, j’en fais du cas, Je sais que Mars avait mon Âme, Et cette Âme toute de flamme, Animait autrefois le Démon des Combats. Pour vous montrer qu’assurément, C’est une chose véritable, Que l’Âme de ce redoutable, Est celle qui va m’animant : Après que la Parque meurtrière, Eût ôté Mars de la Lumière, Sa belle Âme anima Ninus : Et quand ce premier Roi du Monde, Fut plongé dans la Nuit profonde, Elle entra dans Arbacte, et d’Arbacte en Cyrus. De Cyrus dans un Léopard, D’un Léopard, dedans Hercule, D’Hercule elle entra dans Romule, De Romule, dedans César : De César, dedans un Vipère, D’un Vipère, dedans Tibère, De Tibère dans un Héron : Quand ce Héron n’eut plus de vie, Cette Âme brûlante d’envie D’animer un cruel, entra dedans Néron. De Néron, dedans un Merlan, D’un Merlan, dans une Grenouille, D’une Grenouille en la Gargouille, De la Gargouille en Tamerlan : De Tamerlan, dans une Anguille, D’une Anguille, en un Crocodile. D’un crocodile, dans l’Effroi : De l’Effroi, dans un Dromadaire, Puis d’une sorte extraordinaire, Elle est venue enfin, parbleu, jusques à moi. Il est bien vrai, que comparant Mars avec ma grande prouesse, Je le trouve, je le confesse, De moi-même fort différent. Ce n’est pas que dessus la Terre, Mars n’ait fait quelque exploit de Guerre, Digne d’être exalté fort haut : Mars fut la merveille du Monde, Sa Vaillance fut sans seconde, Mais ventre, auprès de moi, ce n’était qu’un maraud. Je suis au monde sans pareil, Digne quasi que l’on m’adore, La Terre n’a qu’un Matamore, Comme le Ciel n’a qu’un Soleil. Mais le Soleil, comme il me semble, N’a rien encore qui me ressemble, Car le Soleil fait son effort De donner sans cesse la vie, Et moi contraire à son envie, Je donne incessamment la mort. Enfin les beautés de la Terre, Rendent honneur à mes beaux yeux, Leur naturel si glorieux Fléchit aux traits que je desserre. Je tiens ces humaines beautés, J’ai dessous mes autorités, Les coeurs des claires et des brunes, Et si mes regards doux et beaux N’empêchaient par pitié la mort de quelques-unes, On les verrait crever et mourir par monceaux. Tout fléchit sous ma destinée, Et les traits d’Amour et de Mars, Font tant de Morts par mes regards, Que la Parque en est étonnée. Un jour pour troubler mon repos, Fortune me tourna le dos, Mais, ventrebleu, par mes adresses, Cette inconstante comme vent : Reçut un coup de pied si rude dans les fesses, Qu’elle n’ose plus tourner que le devant. Si ma face est blême et périe, N’en recevez pas moins d’effroi, À cause du sang que je bois J’ai toujours la dysenterie. Je mange en grillade les coeurs, Des Reines que dans mes fureurs Mes caresses ont étouffées, Si bien que ces coeurs si Royaux : Qui me devraient servir à faire des trophées Ne me servent sinon qu’à remplir mes boyaux. Toute la Terre fait hommage, À mes hautes perfections, Les vapeurs de ses passions, En couvrent le Ciel de nuages, Le Soleil même en me voyant, Va presque toujours larmoyant : L’Air pour moi se distille en larmes, Et Thétis à force d’aimer, Gémissant sous les maux que lui causent mes charmes, Des pleurs qu’elle répand, fait l’ambre de la Mer. De vrai, quelles âmes de roche, Si peu sensibles aux appas, Ne souffrirait mille trépas Pour les regards que je décoche ? Si toutes ces Dames osaient, Dieux ! Comme elles soupireraient, Oeilladant un si beau visage : L’eau qui tomberaient de leurs yeux, Vous mouilleraient, parbleu, mille fois davantage, Que ne ferait l’Orage, et la Pluie des Cieux. Il ne faut donc pas que je craigne, Ni que je pense nullement, Que le solide jugement De ma maîtresse me dédaigne. Mais je n’oserais l’aller voir, Ainsi que le veut mon devoir : J’appréhende les étrivières, Je redoute que son époux, Sachant que je retiens ses beautés prisonnières, Ne me brise les os de mille horribles coups. Ah, ventre, que je suis joyeux ! De voir de si divins visages, Tant de beautés charment mes yeux, Et me font haïr les ravages, Ce prompt et subit changement Est bien digne d’étonnement, Je n’ai jamais aimé que les choses meurtrières : Que le désordre et la rumeur, Toutefois, cher ami, tant de belles lumières, Changent ma sanguinaire humeur. Vit-on jamais rien de si beau, Tant de doux Astres joints ensemble Font par un effet tout nouveau Que je palpite et que je tremble. Devant le plus fier ennemi, Matamore n’a point frémi, Et devant des objets dont l’Âme est toute bonne, Et qui n’ont rien que des douceurs : Je pers le sens, l’esprit, la force m’abandonne. Et parbleu, quasi je me meurs. Ah ventre, je veux désormais, Quitter le bruit et les querelles, Et je proteste que jamais, Je n’aimerai que les femelles. Je trouve des félicités À soupirer pour les beautés, Ô Dieux ! Si dans les maux on trouve de la joie, Et des plaisirs en quantité : En quel aise faut-il qu’un amoureux se noie, Lorsqu’il embrasse sa beauté ? Hé bien, il y a fort longtemps Que vous n’avez vu ce visage, Mais prenez garde, pauvres gens, De le voir à votre dommage. Ce front où loge la terreur, Et ces yeux redoutés à l’égal du Tonnerre ; Sans dessein, à l’instant d’un regard de fureur, Peuvent brûler toute la Terre. Mon oeil, à l’Élément du Feu, Est l’ascendant et l’influence : Et sans se peiner que fort peu, Il le maintient en sa puissance. Il ne subsiste maintenant, Que par l’ardent brasier dont ma vue est remplie. Et l’Élément du Feu périrait à l’instant, Si mes yeux n’avaient plus de vie. Un jour en cherchant les combats, Au bout de cent belles Campagnes : Je rencontrai dessous mes pas, D’âpres et de rudes Montagnes. Que fis-je en cette extrémité, Je changeai par mes yeux, les montagnes en plaines, Et d’un regard de Feu, qu’à l’instant je jetai, J’en brûlai cent mille douzaines. Me promenant près de la Mer, D’un rayon brûlant de ma vue, Je fis tous les flots enflammer, Et rendis Thétis toute émue. Jetant, qui çà, qui là, mes yeux, Neptune, les Tritons, et toutes les Naïades, Bref, sans exception, tous les liquides Dieux, Furent griller de mes oeillades. Hier d’un trait de feu de mon oeil, Qui pénétra toute la Terre, Je mis au règne du dercueil, Une étrange et cruelle guerre Car ce trait d’oeil si furieux, De qui les facultés font des coups effroyables, En cendre réduisit tous les nocturnes Lieux. Et brûla tous les mille diables. Mais, ventre, quel boulversement ! Mes yeux quasi sur toutes choses Agissent monstrueusement, Et font mille Métamorphoses. Mais dessus les corps féminins, Toutes leurs facultés ont perdu leur science : Et mes regards leur sont si sots et si badins, Que toutes fuient ma présence. Oui, c’est trop frénétiquement, Fuir abominablement : Tout ce qui spécifiquement, Nous ravit coutumièrement, Je veux ressentir en aimant, Le plaisir que charnellement : L’on savoure parfaitement, Dans l’aimable entrelacement Que l’on fait corporellement. Ô je me rends absolument ! J’ai de l’amour infiniment Pour un bel oeil qui puissamment Me trouble impérieusement. Il demeure en ce logement, Je m’en vais sans dilayement Lui dire sans familièrement Mais fort affectueusement Que je l’aime incroyablement. Marchons-y délicatement, Holà, sortez hâtivement, Sinon, parbleu, robustement J’écraserai le bâtiment. Hé, qui frappe si rudement ? C’est un faiseur d’égorgement, Ô Dieux ! Le beau commencement, Voilà celle que chastement, J’estime vertueusement. Beau Soleil qui divinement, Me subjuguez occultement, Beauté de qui l’agréement M’a comme imperceptiblement Assassiné l’entendement. Dorlotez favorablement Celui qui veut incessamment Vous rendre hommage constamment. Recevez agréablement Mon coeur, mon âme et mon serment, Et jurez réciproquement De m’aimer furieusement Jusqu’à votre trépassement. J’estime votre compliment, Mais, Monsieur, véritablement Vous me voulez trop promptement, Jeter dans un engagement, Duquel on ne peut aisément Se défaire qu’au monument. Ce front, ces yeux, ce mouvement, Ce ventre et cet accoutrement Me captivent superbement. Mais de crainte d’achoppement Je veux tout faire mûrement : Attendez un peu seulement : Vous en allez-vous ?         Non vraiment, Je retourne subitement. Chère Alison.     Quoi ?         Prestement. Que voulez-vous ?         Viens vitement. Hé bien.         Que tu vas lentement ! Hé qui pourrait plus diablement Vous aborder diligemment, Qu’avez-vous donc ? Tout bellement, Écoute un mot secrètement. Regarde un peu ce garnement, Vois comme sérieusement, Il se promène gravement. Il va majestueusement Il se moque Royalement, Il vient Seigneurialement, Et ses yeux meurtrièrement Donnant de l’épouvantement, Me charment insensiblement. Ah, quelle trogne de gourmand, Je crois, qu’indubitablement Il mangerait un Régiment De même qu’un grain de froment. Tu parle irrégulièrement, Il m’a miraculeusement Soumise à son commandement. Ventre, elle en tient, mais fermement, Je le connais évidemment. Je lui vais dire ingénument Que je l’aime violemment. Arrêtez-vous, effrénément Vous en aller absurdement Prostituer enragement, À celui qui bizarrement N’a pour tout divertissement Qu’à faire du saccagement. Je le connais parfaitement, C’est un assommeur de jument, Qui met sempiternellement Quelques puces au monument, Ô vieille garce d’Allemand ! Dis, parle à moi sincèrement, Déclare-moi naïvement, Ce qui t’oblige insolemment De troubler mon contentement. Pardonnez-lui, soyez clément. Si j’entrais plus profondément, Dans le séjour du troublement, Le feu de mes yeux brusquement, Par un étrange embrasement La brûlerait en un moment. Voilà mentir impudemment, Ô qu’il abuse excellemment De tous ceux qui crédulement Croient à son cajolement ! J’enrage de forcènement, D’ouïr mentir si puamment, Ô détestable parement De gibet. Quel aveuglement Te fait si désordonnément Parler hyperboliquement, Ô qu’il est sot certainement ! Ah, ventrebleu, ce grognement Me tarabuste tellement, Que si présomptueusement Tu n’apportes du changement À ce fâcheux rechignement, Je te mettrai bourellement Dedans l’anéantissement. Je crois avec étonnement Que quelque horrible enchantement, Me contraint incivilement À parler impertinemment : Va-t’en, mais bien agilement. Vous me frappez injustement, Je vous le dis succinctement. Et je te dis prolixement Que tu t’en aille habilement Ô j’aurai du ressentiment ! De ce que si cruellement Vous me battez iniquement. Fuis donc ?     Hé bien.         Indignement, Oser licencieusement Donner du mécontentement À cet aimable : ô galamment Je te forcerai dextrement De te comporter droitement. Mon coeur, faites modestement Apportez du tempérament À ce fâcheux déportement Il vous faut coléreusement Crier épouvantablement. Quoi ? Monsieur, si visiblement Vous offenser déplaisamment : Comme irrespectueusement Elle m’a détestablement Mise trop indiscrètement Dedans un tel criaillement. Je sais que généreusement Quand bien elle eût en vous blâmant Fait encore plus pirement, Qu’à cause de l’habillement Et de son sexe assurément Vous eussiez glorieusement Supporté son jargonnement. Vous parlez prophétiquement, Mais, changeons de raisonnement. Quand voulez-vous que sûrement Je vienne ici joyeusement Pour matrimonialement Nous assembler allègrement ? Pour ce point-là modestement Il faudrait sans délayement Aller parler éloquemment À celui qu’équitablement J’estime émerveillablement. À votre père ?         Justement. Bien, attendez patiemment ; Je reviendrai soudainement, Pour lui parler facondement, Et pour presser l’avancement De notre bel accouplement. Que j’en suis aise. Adieu, charmant. Adieu sujet de mon tourment. Que je ferai friponnement Un grotesque frétillement, Quand par un doux embrassement Nous nous baiserons vivement. Finissez donc résolument Ce frénétique brouillement, Allez-vous en fort gentiment L’entretenir accortement, Tous deux incomparablement, Vous l’aimez excessivement ; Mais je vous conjure instamment De vouloir pacifiquement Vous accorder gaillardement. Je le veux, l’accommodement N’est pas trop mal adroitement Formé pour notre appointement, Pourvu que préalablement Il proteste inviolablement De s’arrêter au jugement Qu’elle fera : car autrement Nous nous frotterions vaillamment. C’est parler équitablement, Répondez-lui donc franchement. Voulez-vous pas tout chaudement Donner votre consentement, Pour faire que paisiblement Vous viviez fraternellement. Je ne l’entends pas clairement, Et je ne l’ai qu’obscurément Compris intérieurement, Redis-le donc nettement Et plus intelligiblement. C’est qu’il faut nécessairement Que tous deux unanimement, Vous vous en alliez proprement Voir le visage qu’ardemment Vous chérissez également. Vous lui direz élégamment De vous ôter bénignement D’un bruit, duquel sinistrement Ne peut sortir apertement Sinon qu’un embarrassement, Qui, peut-être, mortellement Vous priverait de sentiment. Que pour finir brièvement, À qui tumultueusement Vous force ambitieusement À vous quereller follement : Qu’elle choisisse joliment Celui qui plus poupinement Lui touche l’âme doucement. Ô que je ferais sciemment : Un effroyable manquement Si je voulais obstinément M’opposer à ce règlement, Allons donc tout recentement, La voir en son appartement. Mais Alison chagrinement Nous aborde fâcheusement. Qu’as-tu, tu vas si tristement Qu’on juge indubitablement, Que quelque étrange changement Te persécute horriblement. Ô je suis dévergondement Dans un cruel pétillement, Et je voudrais éperdument Que l’on me pendît faussement, Ou, que l’on m’allât abîmant Jusqu’au fond du Firmament. Quel étrange dévoiement Te fait démoniaquement Soupirer si péniblement ? Quoi, donc acariâtrement Vous désirez maussadement L’aimer inviolablement, Mais nous saurons pertinemment Boucher assez subtilement La porte à cet amusement. Ô bons Dieux ! Quel frissonnement Me saisit inopinément. Ces mots inconcevablement Me tourmentent amèrement. Sans nous tenir perplexement Dans un si grand effrayement. Chère Alison, dis-moi nuement, Et sans aucun déguisement À qui veut désespérément Se marier si bassement, Celle qui si felonnement Nous assujettit roquement. À qui, bons Dieux ! Vous le nommant, Ce serait un rengrégement De ce mal, qu’insensiblement Vous ressentez grièvement. Rage, fureur, trépignement Troublez-moi frénétiquement, Afin que volontairement Je presse mon enterrement. Démons qui belliqueusement Rompez le col ravissamment À celui-là qui lâchement Se donne à vous prodiguement. Troublez-moi désordonnément ; Afin que précipitamment Je m’assomme inhumainement. Non, sans nous aller si crûment Faire mourir déplaisamment, Faut assassiner nuitamment Le traître qui témérairement Nous vient malicieusement Ôter notre soulagement. Tout beau, Messieurs, malaisément, Vous ne sauriez facilement Sortir que fort honteusement De ce que déterminément Vous résolvez brutalement. Ce coup indubitablement Vous ferait pendre bravement, Et puis celui que cautement Vous voulez frauduleusement Priver de vie et mouvement, Est redouté terriblement. Les muets admirablement En parlent éternellement. Mais pour mettre un empêchement À son dessein vigilamment, Et délibérativement Allez-vous-en aimablement Parler au père hardiment, Plaignez-vous à lui sagement, Et pleurez exorbitamment En lui disant qu’ingratement Sa fille impitoyablement Vous fait un cruel traitement. Le voici sans retardement, Allez-vous-en discrètement Le saluer honnêtement. Ha, Monsieur, que commodément Vous venez opportunément, Tous deux épris étroitement De rechercher pudiquement Votre fille très humblement, Nous vous prions verbalement De faire qu’exorablement Elle accepte amoureusement L’un, ou l’autre, pour son amant. Ah, foi d’homme, révéremment Vous venez gracieusement Me mettre en un ravissement Que j’aime merveilleusement. Oui, je vous promets sainement De m’employer activement Pour votre seul contentement : Ma fille, mon ébattement, Mon coeur, mon tout que tendrement Je conserve si chèrement, Si tu veux être richement Mariée discrètement, Prends l’un de ces deux gaiement, Tous deux trépassent en t’aimant. Beauté que journalièrement J’affectionne vainement ! Lourdaud, que nompareillement Je fuis inexprimablement. Belle Nymphe loyalement Je vous estime extrêmement. Beau maraud naturellement Je vous déteste étrangement. Ô Tigresse, impiteusement Vous m’assassinez méchamment. Ô baudet bestialement Vous m’importunez grandement ! Mon petit coeur sévèrement Vous me traitez indignement. Mon petit veau malignement, Vous me parlez vilainement. Traitez-les plus civilement, Qui vous fait dédaigneusement, Rejeter orgueilleusement Leurs services que noblement Ils vous offrent mignardement ? Oui, chair bleu, valeureusement Je fais continuellement Quelque étrange remuement, Je tue désespérément Tous les coquins qui traîtrement Ne font rien courageusement En doutez-vous aucunement ? Quel est celui qui fièrement Parle si fanfaronnement ? Ô c’est celui qu’imprudemment Votre fille aime ignoramment ! Venez ici, vieil excrément, Si vous voulez coquinement Me refuser barbarement Un bien qui me va consommant, Je vous tuerai, mais drôlement. Ah que je hais l’abaissement, Où me plonge débordement Mon amoureux forcènement, Ventre, si martialement Il me fallut robustement Forcer quelque retranchement, Briser un mur de diamant, Anéantir un Élément, Couvrir la Terre d’ossement, Manger les tripes d’un Flamand, Ou bien prodigieusement Faire quelque fracassement. Je le ferais plus librement Que de venir poltronnement Vous supplier niaisement De me donner présentement Un trésor qu’hasardeusement Pour un charnel goupillement, Vous avez fait pour l’ornement Du Ciel, et pour furtivement Tenir perpétuellement Mon âme audacieusement Dans un fâcheux accrochement. Comment donc, extravagamment Me demander arrogamment Avec mort et reniement Ce que j’estime uniquement ! Retirez-vous diligemment. Ah, ventre, malheureusement Vous me choquez bien lourdement, Parbleu, je vais sauvagement Vous crevez misérablement. Hé mes gendres, virilement Venez à moi légèrement. Tes gendres, Dieux, exactement Tu les as choisis savamment : Ces mugueteaux. Hé bien, comment Pouvez-vous sans frémissement Me regarder effrontément. Les aimez-vous, là hautement Parlez et sans déguisement. Non, mon coeur.         Quoi donc sottement, Et sans ratiocinement. Vous voulez tyranniquement La violenter aigrement. Par la tête, exemplairement Je vais impétueusement Vous assommer fort plaisamment. Ah, Monsieur, pitoyablement Pardonnez-nous humainement. Ah, Pagnotes, rustiquement Vous venez clandestinement Marcher pusillanimement ! Dessus mes pas, ah vertement Je châtierai pertinemment. Nous ignorions l’engagement Où vous plongeait gloutonnement Cet amoureux élancement. Vous l’ignoriez grossièrement, Vous rechercher sordidement Une excuse pour finement Vous esquiver impunément. Beau-Lieu, et Beau Château. Pardonnez-nous courtoisement, Non, non, pour votre châtiment Tous deux alternativement, Abordez-moi cagnardement Et me baiser le fondement, Sinon religieusement, Et fort dévotieusement Réclamez le Ciel saintement Et faites votre testament. Ah, monsieur, un amendement À ce fâcheux commandement ! Levez-vous.         Ah quel tremblement ! Je me meurs.         Favorablement. Je vous pardonne entièrement Allez au diable ensemblement, À cette heure l’opposement Que vous mettiez ineptement À votre désir véhément Ne peut qu’insupportablement Y mettre de l’empêchement. Non, je veux, débonnairement Vous donner mon consentement, Allez, jouissez pleinement Du bien, que légitimement Vous aimez passionnément. Beauté que je vais estimant C’est à ce coup qu’heureusement Nous jouirons mignonnement Du bien qu’opiniâtrement Nous recherchions soigneusement. Allons donc honorablement Nous baiser vigoureusement. Allons mon coeur, loustiquement Nous caresser grotesquement, Allons-nous en turbulement Nous embrasser bouffonnement, Pour faire ridiculement Par un divin chatouillement Un amoureux culbutement. Hé bien.         Je ne sais bonnement, Si c’est en veillant, en dormant Que je vois cet événement. Va, ne te fâche nullement, Et pour mettre un achèvement À ce qui se termine en ment, Allons-nous en semblablement Nous marier pareillement. Je le veux bien résolument, Allons-nous en tout froidement Nous unir conjugalement, Et sans tarder plus longuement Baisons-nous amiablement.