Seigneur, la Grange.     He bien ?         Regardez moy sans rire Parlez, je vous entends. Qu'avez-vous à me dire ? Quoy,         De nostre visite estes vous satisfait ? Pas trop à dire vray, mais vous ?         Pas tout à fait, J'en suis scandalisé, pour moy je le confesse Un procedé semblable, & me choque & me blesse, Deux Pecques de Province, ont-elles dites moy ? Jamais plus fierement, tenu leur quant à moy Et deux hommes jamais, en pareille occurrence Ont-ils esté receus avec plus d’arrogance ? Pendant que nous avons demeuré pour les voir A peine elles nous ont prié de nous assoir, Je suis encor surpris, d’une chose pareille, On n’a jamais tant veu, se parler à l’oreille, Tant se frotter les yeux, tant bâiller, tant moucher, Tant s’enquerir de l’heure, & si souvent cracher. Nous ont-elles jamais dit, quatre mots de suitte, Ouy, ou non, ont-ils pas payé nostre visitte, Et quand nous aurions mesme esté de vrais gredins Nous auroient-elles pû monstrer plus de desdains. A vous ouïr parler, de cet accueil farouche Il semble tout de bon, que la chose vous touche. Sans doute elle me touche, & de telle façon Que devant qu’il soit peu, j’en veux tirer raison ; Je connois ce que c’est, l’air Pretieux sans doute Dans la campagne aussi, vient de prendre sa route, Et de Paris enfin courant, de part en part Nos donzelles en ont, humé leur bonne part ; On connoist aisement, en voyant leur personne Que c’est la vérité que ce que j’en soubçonne, On y voit certain air Cocquet & Pretieux Et qui n’est en un mot, qu’un ambigu des deux : Pour en estre receu, je vois ce qu’il faut estre, Je vois ce qu’à leurs yeux, il faut enfin paroistre, Et si vous me croyez, nous leur devons joüer Un tour, pour leur apprendre à ne se plus loüer, La piece assurement, paroistra sans seconde Et leur montrera mieux, à connoistre leur monde. Comment ?         J'ay Mascarille, un certain grand Laquais Qui passe au sentiment d’esprits assez mal faits, Pour estre un bel esprit, car au siecle où nous sommes Il est à bon marché, chez la pluspart des hommes. C'est un extravagant, qui par ambition Tasche d’estre par tout crû de condition, Il se picque d’esprit, de vers, de raillerie, Croit fort bien reussir, dans la galenterie Fait le maistre par tout, dedaigne ses Egaux Jusques à les traitter, d’ignorans de Brutaux. He bien ! de ce valet que pretendez vous faire : Mon dessein n’a jamais esté de vous le taire Il nous faut.... mais sortons, car tout n’iroit pas bien Si Gorgibus, qui vient sçavoit nostre entretien. He bien ? Vous avez veu ma niepce avec ma fille Avez vous resolu d’entrer dans ma famille, D'une pareille affaire, encor que dites vous ? Vous le sçaurez Monsieur, mieux d’elles, que de nous, Tout ce que nous pouvons à present vous apprendre C'est, que nous avons trop de graces à vous rendre, De toutes vos bontez, de toutes vos faveurs Et que nous demeurons vos humbles serviteurs, Oüais ? Ils sont mal contens, que cela veut-il dire. Faisons venir quelqu’un qui nous en puisse instruire. Je veux m’en enquerir, & sçavoir promptement D'où leur pourroit venir, ce mescontentement : Ces coquines, tousjours me causent mille angoisses Hola ?     Plaist-il Monsieur ?         Où sont donc vos Maistresses ? Qu'on les face venir.         Je pense qu’elles sont Dedans leur Cabinet.         Qu'est-ce qu’elles y font ? Pour les levres Monsieur,     Et quoy ?         De la pommade Nous avons tous les jours une semblable aubade. Tout cela me desplaist, & c’est trop pommader Qu'on les face descendre, allez & sans tarder. Ces pendardes enfin, faut que je le confesse. Me veulent ruineren pommadant sans cesse. Mais je me facheray si l’on me pousse à bout ; Je ne vois que blancs-d’oeufs, laict virginal par tout, Par tout, dans le logis, je ne vois que paroistre Mille brinborions, que je ne puis connoistre : Elles ont employé, le lard de dix cochons Et je puis assurer que des pieds de moutons Dont icy chaque jour, elles font la despence Dix valets en auroient plus que leur suffisance. Cela n’est par ma foy du tout, ny bien ny beau Et c’est trop despencer, pour graisser son museau Dites ? Qu'ont ces Messieurs, qu’avez vous pû leur faire ? Ils sortent froidement, & me semblent colere Puisque je l’avois dit, que ne les traittiez vous, Comme gens destinez, pour estre vos espoux. Ah ! Que dites vous là, quelle estime, mon pere Pourions nous toutes deux, & devrions nous faire, (Quand bien vous nous l’auriez vous mesme commandé) De ces sortes de gens de qui le procedé Est irregulier.         Des filles raisonnables Ne peuvent accepter des personnes semblables. Mon oncle, quel moyen de s’en accommoder ? Que trouvez vous en eux ?         Qu'osez-vous demander Ils n’ont fait leur debut que par le mariage. Devoient-ils debutter par le concubinage ? Estoit-ce le moyen de gaigner vôtre cœur ? Ne devriez vous pas estimer leur ardeur, Quoy ? Pouvoient-ils tous deux, parler d’une maniere Qui fust plus obligeante, & deust plus satisfaire, Et ce lien sacré qu’ils pretendent tous deux Ne marque-t-il pas bien, la vertu de leurs vœux. Mon pere, songez mieux, à tout ce que vous dites, Ces fautes tout de bon, ne sont pas trop petites ; Mais faites vous de grace, instruire une autre fois, Ce que vous avez dit, est du dernier Bourgeois, Je ne vous puis ouïr, & la honte m’accable. Lors que je vous entends faire un discours semblable. J'en suis encore surprise & confuse. Bon Dieu ! Pour vous desabrutir, il vous faudroit un peu Apprendre ce que c’est, que le bel air des choses. Quel discours est-ce là ? quelles metamorphoses. Je n’ay que faire icy, ny d’air, ny de chanson Ce discours me desplaist, & paroist sans raison, Et je te dis encor, que c’est estre tres-sage Que de parler ainsi, puis que le mariage, De chacun aujourd’huy, doit estre reveré Et qu’il n’a rien du tout, que de sainct & sacré. Dieux ! si chacun estoit de vostre humeur mon pere, Que la fin d’un Roman, seroit facile à faire, Que cela seroit beau, si Cyrus dans l’abord Sans esprouver du tout, les caprices du sort Avoit Mandane, & si sans hazarder sa vie Aronce, de plein pied, espousoit sa Clélie. Qu'est-ce que celle-là me vient icy conter, A la fin je seray bien-tost las d’escouter. Si vous vouliez mon pere un moment nous entendre ? Et ma cousine & moy, nous pourions vous apprendre. Que jamais un hymen ne se doit accorder Qu'apres les accidens qui doivent preceder. Il faut que dans l’abord, un amant veritable Afin qu’à sa maistresse il se rende agreable, Exprime adroitement ses plus cruels tourmens, Il sçache debiter tous les beaux sentimens, Et que sans se lasser, pour pouvoir la surprendre, Il sçache bien pousser, & le doux & le tendre, Que pour monstrer combien son cœur est enchaisné Il fasse tout cela d’un air passionné, Et s’il pretend enfin, avancer ses affaires, Que la procedure ait les formes ordinaires. Il doit dedans le temple, ou dedans d’autres lieux. Voir l’aymable beauté, qui cause tous les vœux, Ou bien estre conduit, fatallement chez elle Par un des bons amis, ou parent de la belle. Il sort apres cela, tout chagrin tout resveur, A l’objet de ses vœux, cache un temps son ardeur, Cependant il luy rend de frequentes visites Et puis le plus souvent, apres bien des redites, On voit sur le tapis, mettre une question Qui fait adroitement sçavoir sa passion, Et qui quoy que la belle, en paroisse troublée Exerce les esprits de toute l’assemblée. De declarer son feu, le jour arrive enfin, Ce qui se fait souvent dedans quelque jardin Lors que par un bonheur, que le hazard ameine La compagnie quitte, ou plus loing se promeine, D'abord à cét adveu, succede un prompt couroux Qui banit quelque temps l’amant d’aupres de nous. Il trouve apres moyen, de rassurer nostre ame De nous accoustumer, aux discours de sa flamme, Et de tirer de nous, cet important aveu Qui nous fait tant de peine, & luy couste si peu. Viennent apres cela toutes les advantures Les jaloux desespoirs, les craintes les murmures, Les plaintes sans sujet, les cris & les rivaux Qui d’un parfait amour, sont les plus cruels maux Quand par une soudaine, & facheuse saillie Ils viennent traverser, une flame establie. On voit venir encor, les persecutions D'un pere, qui combat de fortes passions, Qui s’obstine à les vaincre. On voit la jalousie ; Qui sur de faux soubçons trouble la fantaisie, On voit enfin les pleurs & les emportemens, Les fureurs d’un Amant, & les enlevemens, Et tout ce qui s’ensuit. Dans les belles manieres, C'est ainsi que chacun doit traitter ses affaires, Ce sont regles enfin, dont il faut confesser Que quiconque est galand ne peut se dispenser ; Mais peut-on jamais voir recherche plus brutalle, Parler de but en blanc, d’union conjugalle, Venir rendre visite, & des le mesme jour Vouloir passer contract, pour monstrer leur amour Et prendre justement (sans voir ce qu’il faut faire) Le Roman par la queuë. Encore un coup mon pere, Vous pouriez bien-tost voir, si vous preniez conseil, Qu'il n’est rien plus marchand qu’un procedé pareil. Pour moy, j’ay mal au cœur, & me sens inquiette De la vision seule, où leur discours me jette. Voicy bien du haut stile : He ! que vient celle-cy Avecque son jargon, de me conter icy. Ah ! mon oncle en effet, je vous diray si j’ose Qu'elle vient de donner dans le vray de la chose ; Et quel moyen aussi de recevoir des gens, Qu'à faire leur devoir, on voit si negligens, Qui n’ont de dire un mot, pas mesme l’industrie, Et qui sont incongrus dans la galanterie, Pour moy sans croire icy, follement m’engager Contre qui le voudra, j’oseray bien gager Que leur esprit jamais ne fut né pour apprendre Ce que c’est que l’amour, & la carte de tendre, Qu'ils ont le jugement tout à fait de travers, Et que billets galands, petits soins, jolis vers, Billets doux, sont pour eux des terres inconnuës. Je puis vous dire encor, sans en demeurer là, Que tout leur procedé marque assez bien cela, Et qu’on ne trouve point dans toute leur personne Ce je ne sçay quel charme, & qui des l’abord donne Par un air attirant, & de condition De quantité de gens, fort bonne opinion. Vit on jamais encor, chose plus merveilleuse Oser venir tous deux en visite amoureuse Avecque des chappeaux de plumes desarmez, Ne paroistre tous deux nullement enflamez, Avoir avec cela, la jambe toute unie, La teste de cheveux, tout à fait dégarnie, Toute irreguliere, & des habits enfin, Qui ressemblent à ceux de quelque vray gredin, Et souffrent de rubans une extréme indigence. Ah ! mon Dieu, quels Amans, j’en rougis quand j’y pense, Quelle frugalité d’ajustement, bon Dieu Est-ce ainsi que l’on doit venir offrir ses vœux, Que d’indigence en tout, & quelle secheresse De conversation, ah ! tout cela me blesse, Tousjours on y languit, on n’y tient point Helas ! J'ay remarqué deplus encor, que leurs rabats Par l’excez surprenant d’une avarice honteuse, N'ont jamais esté faits, par la bonne faiseuse ; Qu'il s’en faut demy pied (je le dis sans erreur) Que leurs chausses enfin, n’ayent assez de largeur. Voila de grands discours que je ne puis entendre A tout ce baragouin, qui pourroit rien comprendre, Elles sont folles. Vous Cathos & Magdelon, Apprenez aujourd’huy que je veux tout de bon, Que vous vous prepariez.....         He ! de grace, mon pere, Des ces estranges noms, taschez de vous deffaire, Et si vous le pouvez, nommez-nous autrement. O Dieux ! qu’enten-je dire ? estranges noms, comment ? Et ne sont-ce pas là vos vrais noms de baptesme ? Vostre stupidité va jusques à l’extresme Que vous estes vulgaire, avec ces sentiments, Ah ! pour moy, le plus grand de mes estonnemens Est que vous ayez fait une fille si sage Et si pleine d’esprit. Dedans le beau langage, Oüy-t’on jamais nommer, Magdelon & Cathos ? Et n’advoüerez-vous pas, qu’enfin de noms si sots Pourroient par leur rudesse affreuse & sans seconde Descrier le Roman, le plus charmant du monde. Mon oncle, il est tres-vray, que ces sortes de noms Ont un je ne sçay quoy de bas dedans leurs sons, Qui n’a rien d’attirant, qui n’a rien qui ne blesse, Et pour peu qu’une oreille, ait de delicatesse, On voit qu’elle patit, tres-furieusement Entendant prononcer ces mots là seulement. D'Aminte le beau nom, celui de Polixene, Que ma cousine & moy nous avons pris sans peine, Ont des attraits en eux, dont vous devez d’abord Sans aucun contredit estre avec moy d’accord. Escoutez toutes deux, il n’est qu’un mot qui serve, Quand je dis une chose, il faut que l’on l’observe, Et je ne pretens pas tomber jamais d’accord, De ces noms, que je vois qui vous plaisent si fort ; Quittez les, car je veux que vous gardiez les vostres : Je ne sçaurois souffrir, que vous en ayez d’autres, Que ceux que vos parains vous ont jadis donnez. Pour ces Messieurs aussi, lesquels vous desdaignez : Je sçay quels sont leurs biens, je connois leurs familles, Et comme je suis las de tant garder deux filles, Je veux qu’absolument vous songiez toutes deux A recevoir bien-tost leur main avec leurs vœux. De deux filles la garde, est une rude charge, Et ne peine que trop un homme de mon aage. Ce que je vous puis dire icy, mon oncle helas ! C'est que le mariage est pour moy sans appas, Que je trouve que c’est une chose choquante, Et qu’enfin le penser, seulement m’epouvante D'estre couchée aupres d’un homme vrayement nû. Mon pere, nostre nom, sera bien-tost connu, C'est pourquoy vous devez, nous permettre sans peine, Qu'avec les beaux esprits, nous reprenions haleine Et comme dans Paris, nous venons d’arriver, Vous devez, s’il vous plaist, nous laisser achever De nostre beau Roman, le tissu sans exemple, Et n’en pas tant presser, par un pouvoir trop ample La conclusion.         Dieux ! qu’enten-je icy conter ? Leur folie est visible, il n’en faut plus douter. Encor un coup, sçachez, que je ne puis comprendre Ces balivernes cy, que je veux sans attendre, Et sans qu’on me responde, estre maistre absolu, Et que l’on fasse enfin, ce que j’ay resolu. C'est pourquoy ces Messieurs, seront dans ma famille, Ou chacune de vous restera tousjours fille, Ou sera par ma foy, mise doresnavant Puis que je l’ay juré, dedans un bon Couvent. Quelle stupidité, que vois-je ah ! Dieu ma chere ! Que ton pere a la forme avant dans la matiere Qu'il a l’intelligence espaisse, qu’il est dur, Et qu’il fait dans son ame, estrangement obscur. Ma chere que veux-tu ? pour luy j’en suis confuse, Rien ne m’estonne tant, que de le voir si buse ; Mais je me persuade, & fort mal-aisément Que je puisse estre aussi sa fille assurement, Et je crois qu’il viendra quelque journée heureuse, Qui par quelque adventure, & nouvelle, & fameuse Me developpera, sans doute avec raison Un pere plus illustre, & d’une autre maison. Je le croirois bien oüy ; car enfin sans médire J'y vois grande apparence, & je ne sçay qu’en dire Pour moy quand je me vois aussi....     Madame,         Quoy ? Qu'est-ce, que voulez-vous ? veut-on parler à moy ? Un laquais, que voila, souhaitte qu’on luy dise Si vous estes ceans, afin qu’il en instruise Son maistre, qui l’envoye icy, pour le sçavoir, Parce, dit-il, qu’il veut bien-tost vous venir voir. Et vous apprenez sotte, à moins parler vulgaire, Et dites pour vous mieux ennoncer d’ordinaire. Un necessaire est là, qui demande instamment Si vous ne pouriez pas estre presentement En commodité d’estre visibles.         Ah ! Dame ! Je n’entens point ma foy, tout ce Latin, Madame, Et l’on ne m’a jamais, enseigné comme à vous La filofie, dedans le grand Cyre.         A nous Tenir de tels propos, voyez l’impertinente Le moyen de souffrir, toujours cette insolente ; Mais encor quel est-il ? le Maistre à ce laquais. Il me l’a nommé, le.....le Marquis de de......ouais, Marquis de Mascarille.         Un Marquis, ah ! ma chere, Oüy, retournez luy dire, & ne demeurez guere Qu'on nous voit à present ; c’est quelque bel esprit, Que nostre renommée a jusqu’icy conduit. Assurement ma chere.         En cette salle basse Il faut le recevoir, nous aurons plus de grace Que dedans nostre chambre ; ajustons nos cheveux Au moins, & soutenons en ce jour bien heureux La reputation que nous avons acquise. La visite me plaist, bien que j’en sois surprise. Viste, venez nous tendre icy, le conseiller Des graces.         Que ce mot vient mal pour m’embrouïller ; Ma foy, je ne sçay point si c’est là quelque beste, Il faut parler Chrestien pour mettre dans ma teste Ce que vous voulez dire.         Apportez le miroir Pecore, & gardez bien en vous y faisant voir D'en obscurcir la glace, & de luy faire outrage En luy communiquant de trop pres vostre image. Là, là porteurs, hola, là, là, là, là, hola, Je crois que ces marauts, me veulent briser là A force de heurter, les pavez, la muraille. Dame, c’est que la porte est estroitte d’entraille. Vous avez commandé, que l’on entrast icy, Nous avons obey.         Je le crois bien aussi, Voudriez-vous faquins ? que pour vous j’exposasse Ou mes plumes à l’air, ou bien que je laissasse Perdre leur embonpoint ; & n’ai-je pas raison ? De les en garantir, durant cette saison Pluvieuse, incommode, ou bien que j’imprimasse Mes souliers en la bouë. Ah ! de vous je me lasse, Ostez moy vostre chaise.         Et bien donc, payez-nous ? Hem ?     Je vous dis, Monsieur ?     Que me dis-tu ?         Que vous Nous donniez de l’argent.         Quelle insolence ? Demander de l’argent, à ceux de ma naissance. N'avez-vous que cela, Monsieur, à nous donner ? Et vostre qualité, nous fait elle disner ? Ah ! je vous apprendray coquins, à vous connoistre, Vous osez vous marauts ? joüer à vostre Maistre. Ça viste, payez-nous ?     Quoy ?         Je dis que je veux De l’argent tout à l’heure.         On ne peut dire mieux, Il est tres-raisonnable.         Eh ! bien viste, vous dis-je ! Tu parles comme il faut, voyla comme on m’oblige Mais l’autre est un coquin qui ne sçait ce qu’il dit. Là tiens, es tu content ?         Nany, j’ay du despit Et ne sçaurois souffrir vostre rodemontade, Vous avez devant moy battu mon camarade, Et si......         Doucement, tiens, voyla pour le soufflet ; On obtient tout de moy, je suis comme un poulet, Et lors que l’on s’y prend, de la bonne manière Je me laisse fleschir, à la moindre priere. Allez viste sortez, & venez me chercher Tantost, pour aller au Louvre au petit coucher. Mes maistresses Monsieur, vont venir tout à l’heure. Je ne suis pas pressé, je vous jure ou je meure : Je suis dedans ce lieu, posté commodement Et je puis à loisir, les attendre aisement. Elles viennent Monsieur,         Mes Dames mon audace Poura vous estonner ; mais cette aymable grace Que l’on admire en vous, vous cause ce malheur : La reputation qui parle, à vostre honneur M’a forcé ce jourd’huy, de vous rendre visite Et pour moy je poursuis en tous lieux le merite. Si vous le poursuivez ce n’est pas en ces lieux Que vous devez chasser.         Pour le voir à nos yeux Il a falu Monsieur, qu’il vint sous vostre auspice. Ah ! je m’inscris en faux contre cette injustice. Le renom parle juste, en contant vos vertus Par là, les plus galands, seront bien-tost battus, Vous allez faire pic, repic, & capot mesme, Tout ce que dans Paris, l’on cherit & l’on aime. Nous n’attendions pas moins, d’un homme tel que vous ; Mais vostre complaisance est trop grande envers nous. Et vous poussez si loing vostre injuste loüange Que ma cousine, & moy, pour éviter le change, Nous ne donnerons pas, de nostre serieux Dedans un compliment, qu’on ne peut faire mieux ; Car enfin nous craignons de tomber dans le piege. Mais ma chere, il faudroit faire apporter un siege. Voiturez nous icy, viste, petit garçon, Les commoditez de la conversation. Mais auray-je du moins, sureté de personne ? Que craignez-vous de nous ? que rien ne vous estonne. J'ay tout à redouter, tout me doit faire peur ; Je crains premierement, quelque vol de mon cœur, Ou quelque assassinat, de ma pauvre franchise Je vois icy des yeux, dont mon ame est surprise Ils ont mine sur tout, d’estre mauvais garçons De faire insulte aux gens, & les oster d’arçons, Ravir les libertez, faire qu’on les adore Et mesme de traitter, un cœur de Turc à More. Comment diable ! d’abord que l’on s’approche d’eux Ils se mettent en garde, ah ! qu’ils sont dangereux ; Ma foy je m’en defie, & vais prendre la fuitte Ou je veux caution de leur bonne conduitte. Ma chere, ce qu’il dit est tout plain d’enjouëment. Il efface Amilcar, tant il y a d’agrement. Ne craignez rien, nos yeux sont exempts de malice, Leurs desseins innocens, & sans nul artifice ; Vostre cœur peut dormir en toute seureté Dessus leur prud’hommie, & dessus leur bonté. Mais de grace Monsieur rendez vous exorable. Aux yeux de ce fauteuil, dont le soing équitable Lui fait ouvrir les bras, contentez son dessein Depuis pres d’un quart-d’heure, il vous ouvre son sein, Souffrez qu’il vous embrasse. Eh bien dites mes Dames, Que vous semble Paris ? car c’est aux belles ames D'en porter jugement.         Qu'en dirions nous helas Tout le monde est d’accord, qu’il est remply d’appas, Que c’est le grand Bureau, de toutes les merveilles, Le centre du bon goust, le charme des oreilles, Le plaisir des esprits, le lieu des agrements, Et le refuge enfin, des plus nobles amants. Je tiens qu’hors de Paris, pour les hommes illustres, Il n’est point de salut, les campagnards sont rustres. On ne dispute point de cette verité. Ce qu’il a de fascheux, c’est qu’il y fait crotté ; Mais nous avons la chaise.         Il est vray que la chaise Est un retranchement, où l’on est à son aise, Un propice instrument, pour les honnestes gens, Un merveilleux abry, contre le mauvais temps. Vous recevez beaucoup, & de belles visites ? Car tous les beaux esprits, cherchent les grands merites ; Mais encor qui sont ceux qu’attirent vos appas, Dites ?         Helas ! Monsieur, l’on ne nous connoist pas ; Mais peut-estre bien tost qu’on nous poura connoistre, Nous sommes en estat, de nous faire paroistre, Nous avons une amie, & qui nous a promis Qu'elle nous feroit voir, des gens de ses amis, Qui sont dans les recueils des belles Poësies, Ces Messieurs, des Romans, & des pieces choisies. Et de certains encor, connus & renommez, Que comme gens sçavans (elle nous a nommez,) Qui decident aussi, de ces sortes de choses, Et qui sçavent l’Histoire, & les Metamorphoses. Je feray vostre affaire, ils me visitent tous Et je puis aisement, les amener chez vous J'en ay tous les matins, une demy-douzaine. Eh ! mon Dieu, voudriez-vous, vous donner cette peine ; Nous vous aurons, la derniere obligation, Si vous nous procurez leur conversation ; Car enfin vous sçavez, que sans leur connoissance, On n’est point du beau monde, & voila l’importance : D'eux despend dans Paris, la reputation, Ainsi l’on doit chercher leur frequentation ; Une femme par là, peut devenir heureuse, Et mesme s’acquerir, le bruit de connoisseuse : Et j’en connois beaucoup, qui l’ont acquis par là, Quoy que l’on n’y trouvât rien du tout que cela. Et principalement, ce que je considere, Ce qu’à tout autre bien, aisement je prefere, C’est que par ce moyen des choses l’on s’instruit, Qu’il faut qu’on sçache enfin pour estre bel esprit. Puis l’on sçait chaque jour, les petites nouvelles, Tout ce que les galands, escrivent à leurs belles. Les commerces de Prose, aussi bien que de Vers, Tout ce que l’on escrit, sur cent sujets divers. On sçait à point nommé, tel a fait une piece Jolie autant qu’on peut, unique en son espece, Tout le monde l’estime à cause du sujet Une telle personne a fait un beau portrait. Sur un tel air nouveau, telle a fait des parolles. L'Anagramme d’un tel est pleine d’hiperbolles. Un tel Autheur Gascon, a fait un Madrigal Sur une jouïssance. Un tel donne le bal. Cet autre a composé, des Sonnets & des Stances Sur des yeux, sur un teint & sur des inconstances. Un tel hier au soir, escrivit un sizain Pour une Damoiselle ; elle par un dixain Le lendemain matin, en envoya responce. On poursuit le Roman, de Clelie & d’Aronce. Tel Poëte fort illustre, a fait un tel dessein. La piece de cet autre, est un public larcin. Un tel fait un Roman, parce que l’on l’en presse. Les ouvrages d’un tel, se mettent sous la presse. C'est là sans contredit, ce que l’on doit sçavoir Pour se faire connoistre, & se faire valoir Dedans les lieux connus ; & j’ose dire encore Que quelque esprit qu’on ait, alors qu’on les ignore Il ne vaut pas un clou.         Je trouve qu’en effet, Sans cela l’on ne peut avoir l’esprit bien fait : Je l’avouëray pour moy, c’est là tout mon scrupule Je croy qu’on encherit dessus le ridicule De se picquer d’esprit, & de ne sçavoir pas Jus-qu’au moindre quatrain ; pour moy j’en fais amas, Et si l’on me venoit, demander quelque chose Que je n’aurois pas veu, soit de vers, soit de Prose J'en aurois de la honte.         On n’estime point ceux Qui n’ont pas des premiers, tous les vers amoureux Et mesme ce qu’on fait, d’une plus longue haleine ; Mais fiez vous sur moy, n’en soyez point en peine. J'assembleray chez vous, nombre de beaux esprits. Vos mains de leurs travaux, leur donneront le prix, Et je veux qu’à Paris, pas un vers ne se fasse Que dans vostre memoire, il n’occuppe une place Avant qu’aucun l’ait veu. Tel que vous me voyez Je m’en excrime un peu, je veux que vous sçachiez Que vous verrez courir, dans les belles ruelles Plus de deux cens chansons, presque toutes nouvelles, Des Sonnets tout autant, sur de divers sujets, Bien mille Madrigaux, pour differens objets, Et mesme sans compter plus de cent Elegies Faites, sur des desdains ; sans les Apologies, Enigmes, & Portraits.         Ah ! furieusement Je suis pour les portraits ; rien n’est de plus charmant, Ny rien de plus galand.         Ils sont bien difficiles, Et veulent des esprits profonds, sçavans, habiles. Vous en verrez de moy, qui ne desplaisent pas. Une Enigme a pour moy, terriblement d’appas. Par là l’esprit s’exerce, & j’en ay tracé quatre Encore ce matin, qu’afin de vous esbattre Vous pourez deviner.         J'aime les Madrigaux, Quand ils sont bien tournez, ils sont tout à fait beaux. Ah ! c’est là mon talent, & je donne mes peines A mettre en Madrigaux les annalles Romaines. Ce dessein est illustre, autant qu’il est nouveau, Cet ouvrage, Monsieur, sera du dernier beau, Et si vous l’imprimez, j’en veux un exemplaire. Je sçay trop mon devoir, pour n’y pas satisfaire, Et je vous en promets au moins à chacune un, Qui seront reliez mieux que ceux du commun, Pour ma condition, c’est un bas exercice Je le fais seulement pour rendre un bon office Au libraire importun, qui m’en vient accabler Et ce matin encor, m’en est venu parler. Le plaisir est bien grand d’estre mis sous la presse. Sans doute il est bien doux, que nostre nom paroisse Et les noms imprimez, ont une autre vertu ; Mais à propos, il faut vous dire un impromptu Que je fis avant-hier, chez certaine Duchesse Que je fus visiter, il est plein de tendresse, Tous les plus fiers esprits, s’en verroient combatus Car je suis diablement fort sur les impromptus L'impromptu justement, est la pierre de touche De l’esprit, il nous plaist, il nous charme, il nous touche. Escoutez ;         Ce sera, Monsieur, avec plaisir, Et vous pouvez parler avecque tout loisir, Dans le juste desir d’oüir tant de merveilles, Nous y sommes desja de toutes nos oreilles. Oh, oh, je n’y prenois pas garde, Tandis que sans songer à mal, je vous regarde. Vostre œil en tapinois, me dérobe mon cœur, Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur. Ah ! mon Dieu, que ces vers ont des attraits puissans, Par leur délicatesse, ils enchantent les sens ; Ces vers là sont poussez sans nulle flatterie Jusques au dernier point de la galanterie. Je ne fais rien du tout, qui n’ait l’air cavalier. Je n’ay rien de Pedant encor moins d’Escolier. Il en est esloigné, tout autant qu’on peut l’estre Et vous avez bien l’art, de vous faire paroistre. Avez vous remarqué ? dans ce commancement Oh, oh, ce n’est pas là parler vulgairement ; Oh, oh, en s’estonnant, un homme qui s’avise, Tout d’un coup, oh, oh, oh, voyez vous la surprise ? Oh, oh ;         Ouy ce oh, oh, ne peut pas estre mieux ! Cela ne semble rien.         Il est miraculeux Et ce sont là Monsieur, de ces choses si belles Qu'on ne les peut payer.         Sans doute elles sont telles Et j’aymerois bien mieux, avoir fait ce oh, oh, Que tout un Poëme Epique.         En effet il est beau, Vous avez le goust bon tu dieu, vous estes fine Je ne l’ay pas mauvais, & souvent je rafine. Je m’en aperçois bien. Mais n’admirez vous pas : Je n’y prenois pas garde. On ne voit rien de bas Dedans cette façon, je n’y prenois pas garde, Elle est fort naturelle, & de plus fort mignarde, Tandis que sans songer à mal qu’innocemment Comme un pauvre mouton, tandis que bonnement Je vous regarde, moy c’est justement à dire Que je vous considere, & que je vous admire Ou bien que je m’amuse, à contempler vos yeux. Votre œil en tapinois ; peut-on s’esnoncer mieux Tapinois ? de ce mot encor que vous en semble ? N'est-il pas bien choisi ?         Dieux ? qu’ils sont bien ensemble. Tapinois, en cachette, il semble qu’un bon chat Ait pris une souris, ou bien quelque gros rat : Tapinois         Il est vray cette pensée est forte. Me derobe mon cœur, me l’oste me l’emporte, Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur, N'est-ce pas peindre au vif, la perte de son coeur, Et ne diriez-vous pas ? qu’on crie à pleine teste Apres quelque voleur, arreste, arreste, arreste, Comme en le poursuivant, tout saisy de frayeur, Au voleur, au voleur, au voleur, au voleur. J’advoüeray que cela, sans qu’icy je vous flatte, Delecte, & plaist, au goust de la plus delicate. Tant le tour est galand, spirituel & beau. L'air que j’ay fait dessus, me semble assez nouveau, Faut que je vous le die.         A quoy bon ne pas dire, Que vous avez appris la Musique, Ah ! sans rire Vous ne faites pas bien.         Quoy moy, j’aurois appris La Musique, Ah ! jamais.         Mes sens, en sont surpris ; Car comment donc Monsieur, cela se peut-il faire ? Les gens de qualité, n’ont rien qui soit vulgaire, Sans avoir rien appris, ils sçavent tousjours tout. Ma chere, assurement.         Voyons si vostre goust En trouvera l’air bon, escoutez, je commence. Hem, hem, la, la, la, la. J'ay fort peu d’eslocance, Oüais, la brutalité, de la saison qu’il fait      Est furieusement contraire, à mon projet, Elle a gasté ma voix ; mais certes il n’importe, C'est à la cavalliere.     Oh, oh, je n’y prenois pas.....         Ah ! Dieux, cela m’emporte ; Que je trouve cet air pressent, passionné, Est-ce qu’on n’en meurt point ?         Il est assaisonné De la bonne façon ; mais dans cette musique L'on voit bien qu’on a mis, beaucoup de Cromatique. Cet air assurement est tout remply d’appas. Dites-moy donc un peu si vous ne trouvez pas La pensée assez bien dans le chant exprimée ? Au voleur. Et comme une personne animée, Qui pleine de transport, se mettant en chaleur Bien fort crie, au, au, au, au, au, au, au voleur, Et tout d’un coup apres tout comme une personne Essouflée, au voleur. Quoy cela vous estonne ? C'est là sçavoir le fin des choses, le grand fin, Le fin du fin, tout brille, & tout y charme enfin, Je vous promets, car j’ay de l’air & des paroles L'ame entousiasmée.         Et moy sans hiperboles Je n’ay jamais rien veu, de cette force-là Ah ! tout ce que je fais me vient comme cela Fort naturellement, & sans aucune estude. C'est pour ne pas avoir beaucoup d’inquietude, Et nous persuader que la nature aussi Vous a vrayement traitté, Monsieur, jusques icy, Comme une vraye mere, un peu passionnée, Et ce genie ardent, dont je suis estonnée, Vous fait bien remarquer, pour son enfant gasté. A quoy donc passez vous le temps ?         En vérité, Monsieur, à rien du tout.         Par un sort incroyable Nous avons demeuré dans un jeusne effroyable De divertissement.         Je m’offre à vous mener Le jour qu’il vous plaira, mes Dames, destiner, Voir quelque Comedie, on en doit joüer une, Dont je connois l’Autheur, & qui n’est pas commune, Que je seray bien aise, au moins que nous puissions S'il se peut voir ensemble.         Ah ! telles actions Ne sont pas de refus.         Aussi je vous demande Lors que nous serons là, que toute vostre bande Admire, approuve tout, applaudisse bien fort, Pour qu’on trouve tout beau, fasse tout son effort. Je veux vous engager, comme on m’y sollicite, De faire que la piece ait grande reüssite Car pour m’en conjurer, je vous jure ma foy, Que l’Autheur ce matin, m’est venu voir chez moy, Qu'à toute heure, en tous lieux il m’en prie et m’en presse, Et fait que mes amis me le disent sans cesse. C'est la coustume icy, qu’à des gens comme nous, Pour tous les vers qu’ils font, les Poëtes viennent tous Implorer nos bontez, & des pieces nouvelles Faire lecture, afin que nous les trouvions belles, Et qu’ils puissent aussi, par là nous engager A leur donner grand bruit. Je vous laisse à juger Si d’une piece enfin, quoy que nous puissions dire, Le parterre jamais, ose nous contredire. Pour moy j’y suis exact, & des que quelque Autheur M'est venu conjurer d’estre son Protecteur, Je crie avant qu’on ait allumé les chandelles, Que ses vers sont pompeux, sa piece des plus belles. Non, ne m’en parlez point, Paris, est bien charmant, Tous les jours il s’y passe, & fort evidemment, Cent choses que tousjours en Province on ignore, Quelque spirituelle, & quelque soin encore Que l’on puisse apporter......         C'est assez il suffit, Personne à tout cela, n’a jamais contredit ; Mais, Monsieur, puis qu’enfin nous en sommes instruittes Nous ferons seurement, tout ce que vous nous dites, Et nous nous rescrirons, aussi comme il faudra Sur tout ce que d’esprit, & de beau l’on dira Je ne vous diray pas du tout si je devine, Mais je me trompe fort, ou vous avez la mine, De quelque Comedie, avoir fait le tissu. Eh ! il pouroit bien estre, & sans que l’on l’ait sceu De cela quelque chose.         Eh ! bien si bon vous semble Ma foy, nous la verrons, quand vous voudrez ensemble ; Mais puis qu’il est ainsi, je veux sans differer, Un secret important icy vous declarer. Entre nous, j’en ay faite une, je vous l’avouë, Que je veux dedans peu, faire en sorte qu’on jouë. Et quels Comediens la representeront ? Ah ! la belle demande, & ma foy ce seront Les grands Comediens ; ils en sont seuls capables, Leur recit a tousjours, des graces admirables Dans leurs bouches les vers, sont beaucoup apparants ; Pour les autres on sçait, qu’ils sont des ignorants ; Tous leurs gestes n’ont rien qui ne soit du vulgaire, Et comme on parle enfin, recitent d’ordinaire ; Les vers ne ronflent point, qu’articule leur voix, Ils ne s’arrestent point, du tout, aux beaux endroits, Et quel moyen a t’on ? de les pouvoir connoistre, Si le Comedien, ne les fait pas paroistre S'il n’y fait une pose, & n’advertit par là A quels endroits, il faut faire le brouhaha. Il est une maniere en effet, qui fait mesme Sentir à ses Autheurs, tous les attraits d’un poësme, Et les choses souvent, ne valent du tout rien, S'ils ne sont dans leur jour, & ne se disent bien. Ma petite oye est elle à l’habit congruante ? Tout à fait.         Le ruban est d’une main sçavante, N'est-il pas bien choisy ?         Furieusement bien C'est Perdrijon tout pur.         Ne me direz vous rien Aussi de mes canons ? ont ils l’heur de vous plaire Dites, que vous en semble ?         Ah ! je ne m’en puis taire, Je confesse qu’ils ont un tout à fait bon air. Par ma foy je me plais, à vous ouïr parler. Je trouve que leur air, n’a rien que d’admirable, Et je puis me vanter, qu’il n’est rien de semblable, Qu'avec raison, j’en suis tout à fait satisfait, Puis qu’ils ont un quartier, plus que tous ceux qu’on fait. Je dois bien l’avouër ; car je n’ay que je pense Jamais d’ajustement veu porter l’elegance, Dedans un si haut point. Que vous donnez d’esclat A ce que vous avez.         Mais de vostre odorat Que la reflexion dessus ces gands s’attache. Je n’eus jamais d’odeur plus douce que je sçache, Et je puis confesser, sans doute avec raison, Qu'ils sentent en effet, & terriblement bon. Je n’ay point respiré, depuis que je suis née, D'odeur, qui me parût mieux conditionnée. Et celle-là ?         Je dis avecque verité Que je la trouve aussi de bonne qualité, Je sens qu’elle me plaist, & sens que je l’estime, A cause qu’elle est bonne, & qu’enfin le sublime En est certes, touché délicieusement. Vous ne me dites rien de mes plumes, comment Les trouvez-vous, enfin ?         On peut bien dire d’elles Qu'elles sont en effet, effroyablement belles. Vous vous y connoissez, je le vois ; mais encor Sçavez-vous que le brin me couste un Louis d’or ? Pour moy sans me vanter, il faut que je vous die, Que depuis bien long-temps, j’ay pris cette manie De donner par ma foy, trop generallement Sur tout ce que l’on voit, de rare & de charmant. Nous sympathisons fort ensemble, je vous jure, Et c’est sans vous mentir, qu’icy je vous assure Que je suis delicate, & furieusement Pour tout ce qui me sert, en mon habillement, Et jusqu’à des chossons, je n’en puis d’ordinaire Souffrir, s’ils ne sont faits, de la bonne ouvriere. Mes Dames, ahy, ahy, ahy, de grace doucement, Ce n’est pas Dieu me damne, en user prudammant, De vostre procedé, j’aurois lieu de me plaindre, Cela n’est pas honneste, & vous me faites craindre...... Qu'est-ce donc ? qu’avez vous ? qui vous trouble, Monsieur. Toutes deux à la fois, s’attaquer à mon cœur, Me prendre à droit, à gauche, ah certes la partie, N'est pas du tout esgale, & je veux garantie, Ou puis que vous allez, contre le droit des gens, Je vais crier au meurtre, & sortir de ceans. Il ne dit rien du tout qu’avec une maniere Tout à fait agreable, & qui n’est point vulgaire Il a dedans l’esprit un tour ; mais sans esgal. Vous avez bien, Monsieur, plus de peur que de mal, Et vostre cœur craintif, crie avant qu’on l’escorche. J'ay sujet toutefois, de faire ce reproche : Comment diable, je sens que quoy que vous disiez Il est depuis la teste escorché jusqu’aux pieds. On demande à vous voir.     Et qui ?         C'est le Vicomte, De Jodelet, qui veut......         Cette visite est prompte. Quoy ! le Vicomte de......         C'est luy, Monsieur, vray m’y. Et le connoissez vous ?         C'est mon meilleur amy. Viste, faites entrer.         Certes cette adventure Me charme, & me ravit ; car ma foy je vous jure Que depuis fort long temps, nous ne nous sommes veüs. Ah ! Vicomte,     Ah ! Marquis,         Que tous mes sens esmeus Marquent bien le plaisir, que j’ay de ta rencontre. Et la joye que j’ay, mon visage la monstre. Baise moy donc encor, Vicomte, baise moy, Je t’en conjure.         Il t’en faut de plus doux ma foy. Nous commançons ma bonne, enfin d’estre connuës, Du beau monde chez nous, nous allons estre veuës, Puis qu’il prend le chemin de nous y visiter. Mes Dames, s’il vous plaist, de ma part d’accepter Ce Gentilhomme cy ; sans que je le cajolle, Il est assurement, digne (sur ma parolle) D'estre connû de vous.         Il est juste, & de droit De vous venir chez vous, rendre ce qu’on vous doit ; Car enfin, vos attraits exigent sur les hommes Leurs droits seigneuriaux.         Nous sçavons qui nous sommes, Monsieur, & c’est pousser pour nos esprits peu fins Vostre civilité, jusqu’aux derniers confins De la galanterie.         Ah ! Dieux, cette journée Doit estre comme grande, ensemble & fortunée, Marquée dedans nostre almanach.         Petit garçon, Quoy vous faut-il tousjours, faire vostre leçon, Ne voyez-vous pas bien surcroist de compagnie, Et qu’il faut un fauteuil ?         C'est sans ceremonie. Ne vous estonnez pas, s’il est si desconfit, Il ne fait que sortir, d’un mal qui l’a boufit, Comme vous le voyez, c’est pourquoi son visage Est si maigre, & si pasle.         Et c’est tout l’adventage, Et les fruicts qu’on reçoit des veilles de la Cour, Des travaux de la guerre, & des soins de l’amour. Mais dites cependant, sçavez vous bien mes Dames ? Qu'on place le Vicomte, au rang des belles ames, Qu'il est de ces vaillans, à qui le fer sied bien, C'est un brave à trois poils.         Vous ne m’en devez rien, Marquis, & nous sçavons ce que vous sçavez faire. Ah ! ma foy, ma science, auprés vous doit se taire, Il est vray que tous deux, nous nous sommes souvent Veüs dans l’occasion.         Quelques fois trop avant Et mesme en des endroits, où l’on avoit sans doute Bien du chaud à souffrir.         Oüy ; mais Vicomte, escoute, Pas tant de chaud qu’icy, hay, hay, hay.         Nous avons Fait nostre connoissance à l’armée, & vivons Depuis en amitié. Le jour que nous nous vismes Pour la premiere fois, ma foy tous deux nous fismes Ce pacte d’estre amis. Il commandoit alors Un fort beau regiment de cavaliers tres-fors, Sur, si je m’en souviens, les galeres de Malthe. C'est vray ; mais Vicomte, icy trop l’on m’exalte. Vous estiez toutefois, dans l’employ devant moy, Et je me souviens bien à present sur ma foy, Que je n’avois encor qu’une charge assez basse, Que vous estiez desja dans une belle passe, Et que vous commandiez les deux mille chevaux. La guerre est belle ; mais on a trop de travaux, Et la Cour aujourd’huy pour des gens de services Nous recompense mal.         Ce ne sont qu’injustices : C'est pourquoy, je veux pendre aussi l’espée au croc, Et ne plus m’exposer du tout à pas un choc. J'ay pour les gens d’espée, un tres-furieux tendre, Ils me plaisent aussi ; mais il faut pour me prendre, Assaisonner d’Esprit, la bravoure & le cœur. Te souvient-il Vicomte, avec quelle vigueur Nous prismes, toutefois suivis de la fortune Dessus nos ennemis, dis, cette demy-lune, Estant devant Arras ?         Que veux tu dire toy ? Avec ta demy-lune, & tu resves, je croy Penses-y, c’estoit bien, toute une lune entierre Il a parbieu raison.         J'y crûs mon Cimetiere, Il m’en souvient ma foy, car j’y fus fort blessé D'un grand coup de grenade, à la jambe, & je sçay Que j’en porte la marque encore ; mais de grace Tastez vous sentirez le coup, voila la place. La cicatrice est grande.         Apportez donc aussi Vostre main, & tatez justement celuy-cy Là, là le trouvez vous ? là derrierre la teste. Ouy je sens quelque chose. Un tel coup vous appreste Aussi force lauriers.         Je receus ce coup-là Ma derniere campagne.         Ah ! tatez donc voila Encore un autre coup, je l’eus à Graveline Et depuis j’ay souffert d’une fievre maligne De fort aspres douleurs.         Moy je vais vous monstrer Une effroyable playe         Ah ! c’est trop folastrer, Sans y voir on vous croit, & vos faits admirables. Ce sont à dire vray, des marques honorables Qui font voir ce qu’on est.         Ah ! Monsieur, sans cela Nous vous connoissons bien.         Dis Vicomte, as-tu là Ton carosse ?     Pourquoy ?         Nous menerions ces Dames, Prendre hors des portes l’air, pour delecter leurs ames, Et puis leur donnerions, par apres un cadeau, Le temps nous y convie, il est tout à fait beau Nous ne sçaurions sortir d’aujourd’huy         Faut remettre A quelques jours d’icy la partie, & promettre Aussi que vous viendrez.         He ! bien nous le voulons. Ayons donc pour danser icy les violons. C'est fort bien advisé.         Pour cela, c’est sans peine Que nous y consentons ; mais faut qu’on nous ameine Surcroist de Compagnie.         Hola, ho Poitevin, Bourguignon, Provençal, Champagne, Langevin, La Verdure, Lorrain, Basque, la Violette, La Ramée, Picart, Cascaret, la Valette, Au Diable les laquais, pour moy je ne crois pas, Que je ne rompe à tous les jambes, & les bras, Non je ne trouve point, de Gentilhomme en France Plus mal servy que moy, de ces races je pence ; Car ces canailles là, ne m’entendent jamais. Allez viste, Almanzor, là bas dire aux laquais De Monsieur, qu’à present icy l’on nous ameine Des violons ;         & vous prenez aussi la peine  De nous faire venir ces Dames, & Messieurs D'icy pres, pour peupler avecque tous les leurs De nostre bal si prompt la triste solitude. Ces yeux n’auroient-ils point destruit ta quietude. Vicomte, qu’en dis-tu ?         Mais toy-mesme Marquis, Qu'en pourois-tu penser ?         Moy, par ma foy je dis Qu'icy nos libertez, sont à demy sujettes, Qu'à peine elles pouront sortir les brayes nettes, Au moins pour moy, je sens qu’en mon cœur je reçois Une estrange secousse, & mesme aussi je crois Qu'il n’est plus retenu, que par fort peu de chose ; Mais quand je le perdrois j’en cherirois la cause. Dieux que tout ce qu’il dit, est fort & naturel Qu'on voit bien qu’il n’a rien, qui soit materiel Et qu’il tourne à miracle une douceur ma chere. Il est vray qu’il est seul, je croy qui puisse faire Une telle despence, en esprit & sçavoir. Mesdames, toutefois pour vous mieux faire voir Que je ne vous ments point, je pretends ou je meure Vous faire un impromptu, là dessus tout à l’heure. Eh ! je vous en conjure, avec toute l’ardeur Et la devotion, ensemble de mon cœur Que nous ayons au moins quelque chose, qu’on sçache Que l’on ait fait pour nous.         Peste cela me fasche J'aurois envie aussi d’en faire tout autant ; Mais faut que vous sçachiez & teniez pour constant Que je suis aujourd’huy, s’il faut que je m’explique, Beaucoup incommodé de la veine Poëtique Pour luy trop avoir fait de seignées ma foy, Ces jours passez.         Monsieur, sans cela je vous croy Que diable est donc cela ? je fais tousjours sans peine, Fort bien le premier vers ; mais je suis à la gehenne Pour poursuivre. Ma foy cecy presse trop fort : A loisir, je feray pour vous sans nul effort En vers un impromptu, qui sans doute je gage Ne vous desplaira pas.         Il a pour son partage A mon sens, de l’esprit en demon.         Mais du grand, Du bien tourné, du fin, mesme du plus galand. Vicomte, depuis quand as-tu veu la Comtesse ? Elle auroit bien raison d’accuser ma paresse ; Car il s’est escoulé trois semaines & plus Depuis que je l’ay veuë.         Ah Dieu ! j’en suis confus, Quoy l’aller voir si peu ? mais faut que je te conte Que le Duc ce matin m’est venu voir Vicomte, Et m’a voulu mener courir avecque luy Le Cerf à la campagne.         Et tu l’as esconduy ? Quoy donc ?         Messieurs, voycy nos amies qui viennent. Nous sommes obligez aux peines qu’elles prennent. Mon Dieu, vous nous devez mes cheres pardonner, Ces Messieurs ayant eu dessein de nous donner Chez nous l’ame des pieds, nous vous avons choisies Pour pouvoir mieux respondre à telles fantaisies, Et pour remplir aussi les vuides incongrus, Qui sont dans nostre bal.         Ah ! ne nous tenez plus De semblables discours. Nous sommes obligées A vostre souvenir, & serions affligées Si vous ne vouliez pas tousjours agir ainsi. Ce n’est qu’un bal pressé que nous faisons icy ; Mais quelqu’un de ces jours nous avons bien envie De vous en donner un, au peril de la vie, Dans les formes : Mais quoy les violons enfin, Sont-ils là ?     Oüy, Monsieur.         C'est trop estre à la fin Sur ses pieds. Allons, mes cheres, prenez place. La la la la la la.         Dieux ! qu’il a bonne grace, Et la taille elegante.         Et la mine je croy De dancer proprement.         Ma franchise avec moy, Aussi bien que mes pieds va dancer la courante. Violons en cadence, ah ! cadence pesante. O ! qu’ils sont ignorans ? ma foy l’on ne peut pas Bien dancer avec eux, quel estrange fracas, L'on ne sçait ce qu’on fait. Le Diable vous emporte, Quoy donc, ne sçauriez vous jouër d’une autre sorte, Et de mesure la, la la la la la la. La ferme, ô violons de village.         Oh ! hola ? Messieurs, ne pressez pas si fort vostre cadence ? Je ne fais que sortir de maladie.         Et dance, Vicomte.         Ah, ah ! coquins, que faites-vous ceans ? Trois heures sont desja passées, faineans, Depuis que nous cherchons de tous costez. Ah ! lasche ? Ahy, ahy, ahy, je n’ay point ouy Monsieur, que je sçache Que les coups en seroient.     Ahy, ahy.         C'est bien à vous, Infame, à vouloir faire en ce lieu les yeux doux, Et l’homme d’importance.         Ah ! Vous voulez paroistre, Cela vous apprendra certes, à vous connoistre. Que vien-je donc de voir ?     Une gageure.         Non, Ou vous vous plaisez fort à sentir le baton. Vous laisser devant nous battre de cette sorte. Mon Dieu, facilement je sçay que je m’enporte, Et je n’ay pas voulu faire semblant de rien. Pour vostre honneur pourtant cela ne va pas bien. Quoy ? tous deux ? qui l’eust crû ? mesme en nostre presence Endurer un affront, & de cette importance. N'importe, toutefois achevons, ce n’est rien. Depuis long-temps desja nous nous connoissons bien : Vous sçavez qu’entre amis, quoy qu’on fasse & qu’on ose, On ne se picque pas pour si petite chose. Ma foy, c’est trop marauts, vous divertir de nous, Et vous n’en rirez plus, je vous jure entre vous. Quoy ? dans nostre logis vostre audace redouble. Et qui vous y fait donc ? venir mettre le trouble. He ! mes Dames, comment devons nous endurer Que nos laquais, icy se fassent reverer. Que par des laschetez que l’on peut dire extresmes, Ils soient icy de vous, mieux receus que nous-mesmes, Qu'à nos propres despens, par un trait sans esgal Ils vous monstrent leur flame ; & vous donnent le bal. Vos laquais ?         Nos laquais, ces tours sont malhonnestes, De nous les desbaucher de mesme que vous faites. Quelle haute insolence ? ô Ciel !         Ils n’auront pas Le bien que nos habits leur donnent des appas ! Pour vous pouvoir par eux donner dedans la veuë, Si vous aimez leur peau, ce sera toute nuë, Et quand vous les verrez sans vestemens, & gueux, Vous les estimerez ma foy, pour leurs beaux yeux. Viste ? qu’on se despouille, ou bien dans ma furie..... Je ne suis plus rien, adieu la braverie. Adieu, le Marquisat, adieu la Vicomté. Qu'est-ce ? qui vit jamais rien de plus effronté ? Vos victoires coquins, seront plus mal-aisées.. Et vous ne pourez plus aller sur nos brisées, Ou vous irez ma foy chercher en d’autres lieux De quoy paroistre beaux, & contenter les yeux De ces rares beautez, & je vous en asseure. Auroit-on pû prevoir une telle advanture, Et qui plus justement dût jamais s’enporter. Ah ! c’estoit trop faquins, que de nous supplanter Avecque nos habits ?         Ta fureur est extresme, O sort !         Que l’on leur oste, & jusque aux choses mesme Qui sont peu d’importance.     He....         sans raisonnement, Que tous ces habits là, soient ostez promptement. Dedans l’estat qu’ils sont, des à present, mes Dames, Vous pouvez avec eux continuer vos flames : Icy nous vous laissons en pleine liberté, Et nous vous protestons tous deux en vérité, Que nous n’aurons jamais aucune jalousie. Quelle confusion.         J'en suis toute saisie ! Donnez nous de l’argent, je n’entends point ce-cy, Lequel donc de vous deux nous doit payer icy ? Quand je vois ce revers, pour moy, je meurs de honte, Demandez si vous plaist à Monsieur le Vicomte. D'un semblable revers mes sens sont esbaïs. Demandez si vous plaist à Monsieur le Marquis. Coquines, qu’ay-je oüy ? vous nous venez de mettre Dedans de beaux draps blancs. On m’a sans rien obmetre Dit toute vostre affaire, & ces Messieurs aussy Me l’ont trop fait sçavoir, en s’en allant d’icy. Mon pere on nous a fait cette sanglante piece. Je sçais qu’elle est sanglante & marque leur adresse ; Mais vostre impertinence en est le fondement, Ils se sont ressentis du mauvais traittement Que vous leur avez fait, infames, que vous estes, Et leurs flames ont droit d’estre mal satisfaites : Il faut que cependant malheureux que je suis Je boive cet affront pour croistre mes ennuis. Ne nous dites plus rien, je vous donne assurance Que de ce procedé nous tirerons vengence, Que contre nous aucun ne les peut secourir, Ou qu’en la peine enfin, l’on nous verra perir. Et vous marauts, encor vous avez l’assurance De rester dans ces lieux, apres vostre insolence. Marquis ! comme moy se voir ainsi traitté, Certes, un tel affront ne peut estre gousté. Ah ! par cette froideur injuste & sans seconde Je ne connois que trop ce que c’est que le monde, A la moindre disgrace, on vous mesprise tous, Qui vous aymoit le plus, s’ose railler de vous. Puis donc qu’il est ainsi, souffrons cette injustice, D'un sort commun à tous, endurons le caprice, Allons cher camarade, allons nous-en ailleurs, La fortune pour nous aura plus de douceurs, La vertu sans grandeurs n’est point icy connuë Et l’on l’en fait sortir, quand elle est toute nuë. Nous atendons icy Monsieur, à leur defaut De recevoir enfin de vous, ce qu’il nous faut : Car puisque tout travail merite son salaire Il faut payer celuy que nous venons de faire Je m’en vais maintenant tous deux vous contenter Et c’est icy l’argent que je vous veux conter. Et vous qui tous les jours faites tant d’incartades. Qui consommez le temps à faire des pommades. Je ne sçay qui m’empesche & me retient icy Que dedans ma fureur je ne vous frotte aussi : Par tout nostre maison se verra mesprisée, Nous servirons par tout de fable & de risée, Chacun dira son mot pour nous deshonorer, Voila ce que sur nous vient enfin d’attirer Et vostre impertinence, & vos humeurs hautaines. Allez donc vous cacher, allez grandes vilaines, Et vous des gens oisifs, lasches amusemens , Vers, Sonnets & Chansons, Sonnetes & Romans, Livres pernicieux, folles & vaines fables Puissiez vous pour jamais aller à tous les diables. FIN.