Enfin voici le jour où tout me favorise ; Nos pères vont ici terminer tout procès : L’Objet dont mon âme est éprise, Antoinette est le sceau d’une si douce paix. Cette paix flatte autant mon âme Que la vôtre y trouve d’appas. Je vous dirai bien plus: une secrète flamme Pour vous.... Mais ma pudeur...         Quel est cet embarras ? Si j’eus le bonheur de te plaire, Pourquoi, belle Antoinette, en ferais-tu mystère ? Pour moi, toujours sous ta loi Je serai plus sinc7re : Je fais serment de ma foi, Et veux sans cesse avec toi Le faire, le faire, le faire. Oui, ma petite femme, avec toi chaque jour je veux augmenter de tendresse, Et je compte sur du retour. Mais tu ne réponds rien au transport qui me presse? Je serais fâché qu’il te blesse. Dans le silence de l’amour Il s’explique mieux qu’on ne pense; Ce qu’on prend pour indifférence N’est souvent qu’un adroit détour : Mais un tendre coeur lit d’avance. Dans le silence de l’amour. Ah ! Trop heureux Michau ! Que cet aveu me touche ! Malgré tant de procès nourris, Antoinette et Michau vont donc se voir unis ! Oui, mon coeur aujourd’hui cesse d’être farouche. La forte délicatesse D’examiner pour choisir, Et de voir si la tendresse Répond à notre désir ! Pour moi bien moins difficile, Je te prends sans réfléchir : Un époux nous est utile, Et j’y prends bien du plaisir. Oui, je te le répète encore, Depuis ce matin je t’adore : Car si je te disais que c’est depuis longtemps, Je mentirais : sans nos parents sévères, Tu m’aurais fait plutôt le destin le plus doux. Enfin me voilà ton époux : Nous verrons désormais s’accorder nos deux pères. Tout va dans notre maison Venir comme un champignon ; Nos biens se joindront, Et profiteront En vivant de ménage. Tu verras des miens, tels qu’ils sont : Si j’en fais bon usage, Lon là, Si j’en fais bon usage. Que j’aime à te voir satisfait Du choix que nos parents ont fait ! Pour finir toute procédure, Ils nous ordonnent de l’amour ; Le mien dans cette conjoncture Ne demande qu’à voir le jour. Vive, vive l’allégresse; Entre nous plus de procès. Mon coeur va payer les frais. Le mien tiendra sa promesse. Vive, vive l’allégresse ; Entre nous plus de procès. Trop de peine, Trop de haine Conduit la chicane au port : Les Plaideurs ont toujours tort . Les Procureurs les secondent, Les avocats y répondent: Et le succès tardif Est à l’infinitif. Vive, vive l’allégresse; Entre nous plus de procès. Oui, mon coeur en est charmé, Un tel parti m’honore, Et mon esprit désarmé N’a plus rien qu’il abhorre. Où est-il mon gendre bien aimé ? Que je l’embrasse encore. (bis) Eh bien, qu’est-ce, mes chers enfants ? Vos coeurs ne sont-ils pas contents ? Avez-vous à présent à vous plaindre d’un père ? Moi, je ne pense qu’au contraire. Moi j’ai les mêmes sentiments. Bon, tant mieux, je m’en félicite. Vos soeurs et vos frères sont tous Sur le même article que vous, Et chacun au mieux s’en acquitte. Obéir à son père est une loi prescrite ; C’est toujours un devoir pour nous : Mais lorsqu’on le remplit avec un tendre époux, Le devoir a bien du mérite. Cependant pour notre dessein Je craignais de te voir débattre. Mon cher Michau s’y prit trop bien Pour que je puisse le combattre. L’objet qu’on aime, En nous parlant, Prend sur nous-même Trop d’ascendant, Pour qu’on refuse Ce qu’il nous dit. L’Amour qui muse Perd son crédit. Quel plaisir quand notre coeur Aime avec usure ! L’intérêt de notre ardeur N’altère point sa valeur. La bonne aventure, Ô gai, La bonne aventure. Mais j’étais en peine de vous. On vient de commencer la danse: Chacun vous demande, et l’on pense A faire sauter les époux. Rendez-vous au salon; un peu de complaisance. C’est de bon coeur Que j’y vais faire entrée; Je suis d’humeur À danser la bourrée : J’aime les violons; Allons, allons, Allons nous en servir, allons. Oui, oui, dansez, chantez, je battrai la mesure. J’attendais leur sortie : or sus, la plume en main. Il faut, mon cher Patau, prendre une route sûre, Pour assigner Michau demain de grand matin. Suffit ; comptez sur mon adresse. Je suis connu dans le canton ; Mais quand j’aurais moins de renom, Un fabriqueur d’exploits méconnaît la paresse. Dix ans, vingt ans, si l’on veut Je fais plaider sans conclure; Le reste va comme il peut, Turelure : Entre mes mains, je vous jure, Procès dure, dure, dure. Si le mien peut se gagner, Comme je l’espère, Je ne veux rien épargner Pour te satisfaire : Je te ferai pour tes soins Cent écus de rente au moins, Pour que tu gra gra, pour que tu pi pi, Que tu gra, que tu pi, Pour que tu grapille En huissier qui brille. Oh ! Vous vous moquez tout-à-fait. Je n’aspire qu’à votre estime. Qui moi, vous parler d’intérêt ? C’est votre bien seul qui m’anime. Le plus petit exploit Toujours me plaît : Pour le porter, fusse en Turquie, Fusse au fin fond de l’Arabie, J’irais tout droit, Sans me plaindre de la partie. Le plus périt exploit Toujours me plaît. Je n’ai jamais douté de ton intelligence; Tu sais qu’il nous en saur dans cette circonstance. Laissez faire à Patau, il n’en manquera pas. Ce que je crains en pareil cas, C’est ma fille, c’est sa tendresse: Elle est folle de son Michau. Voyez-vous ça ! La bonne pièce ! Vraiment c’est un petit coeur chaud: Tant mieux, nouvelle procédure; Nous devons soutenir les lois. Des époux s’aimer ! Quelle injure ! Oh ! nous en produirons bons et loyaux exploits. Je suis sûr de Catau, de Suson, de Nannette ; Charlotte, Madelon, toutes m’ont bien promis De me livrer mes ennemis: Mais je m’alarme d’Antoinette. Elle n’a pas répondu À ce que j’ai résolu ; Et je me suis aperçu, À travers son murmure, Qu’elle aimait son prétendu, Le tout par nature. Je puis punir Michau dans l’aîné de ses fils. Il a certains contrats qui pourraient bien me nuire, Et dont je connais seul le prix : S’il allait s’aviser de lire, Comme un sot je me verrais pris. Contre ce souvenir je n’ai point le coeur fermé ; Je connais trop par quel moyen J’ai su m’adjuger cette ferme. Laissons-là le scrupule, il n’est utile à rien. Bien ou mal acquis, il n’importe; Défendez-vous pour votre honneur. Heureux celui qui se comporte En pareil cas avec valeur. Bannissez votre inquiétude; C’est réfléchir hors de saison. En dépit de la multitude, Quand on est riche, on a raison. Assignons, chicanons ; mais quelqu’un va paraître, Car j’entends murmurer au loin. Afin de voir qui ce peut être, Allons nous cacher dans ce coin. Pourquoi quitter la Compagnie. Tout ce tintamarre m’ennuie: Le grand Monde n’est pas ici L’amusement où je m’arrête, Et mon tendre coeur aujourd’hui Aimerait mieux le tête-à-tête. Quand on est tous amis, qu’est-il donc tant besoin D’en agir avec la contrainte. Je n’ai point de plaisir sans crainte, Quand je le prends devant témoin. Au coeur né sensible L’éclat est nuisible. Il veut soupirer loin du bruit. L’amour invisible D’un réduit paisible Sait tirer le fruit. L’Amour a des charmes, sans doute : Vous en parlez d’un ton qui fait que je le goûte. Votre époux vous aimera bien. Jusqu’à présent je n’en sais rien. Il est vrai qu’il me considère : Tantôt il vint me le jurer; Mais je voudrais m’en assurer. Comment faire ? Ce soir, avant qu’il soit plus tard, Il faudrait le prendre à l’écart, Lon, lan, là, derirette. S’il refusait....         Oh ! que nenni, Lon, lan, là, deriri. Le croyez-vous donc si novice ? Ah ! Tu lui ferais injustice, De le soupçonner un moment D’imprudence ou de stratagème. Tâchez qu’il vous prouve souvent Si c’est de la sorte qu’il aime. Mon cher Papa, me cherchez-vous Disposez d’Antoinette. Ma fille, il s’agit entre nous D’une affaire secrète ; Mais je veux la cacher à tous: Toi seule as dans cette occurrence Ma confiance. Mon père, en vérité Vous avez bien de la bonté. Notre Maître vient à sa fille Donner encor quelque leçon. Laissons-les ; je veux au salon Aller choisir quelque bon drille, Pour faire avec lui rigaudon. Nous sommes seuls ici; c’est un point nécessaire. Je ne t’ai rien caché sur différents sujets; Mais voici le plus beau, le plus grand des secrets Que te puisse apprendre ton père. Te sens-tu disposée à servir mes projets ? Me voilà prête à vous entendre, Vous avez tout pouvoir sur moi ; Après vous je n’en laisse prendre Qu’à l’époux dont je suis la lois. Tu dois savoir ma haine extrême Pour le père et les fils, pour ton époux lui-même. En s’unissant à moi, je connais leurs desseins: A mes intentions ils n’ont donné les mains Que pour augmenter leur fortune. Sers-nous dans la cause commune. Ton époux dans son Cabinet A des contrats et des quittances Qui font toutes mes espérances; C’est à toi d’accomplir l’ambitieux projet. Cette nuit saisis-toi des pièces: Au bas de la fenêtre où ton père attendra, Jettes le porte-feuille et toutes ses richesses ; Ton contrat d’hyménée à coup sûr y sera : D’abord on vous le cassera, Et par raison ou par finesse, Ensuite on vous séparera. Ah ! Je succombe de faiblesse. Dans mon esprit Quel soudain changement agit! Il n’est plus à moi; Et mon coeur est plein d’effroi, Froid. Quoi! mon père, en ces lieux Vous voulez que ma main... Ah ! Grands Dieux Moi priver un époux Des effets qui serviraient chez nous ! Songez-vous bien Que c’est lui ravir tout son bien. Après cet effort, Tout de chez nous par ce tort Sort. C’est justement l’espoir qui me lutine, Depuis long-temps il m’occupe en ces lieux Je me doutais bien, coquine, Que tu combattrais mes voeux ; Mais sois mutine, Si tu le veux, Je saurai bien ici Dans ma colère Me satisfaire: Un autre va me servir aujourd’hui. Ah ! mon père, arrêtez.         Je vais de ce pas même Charger un autre du projet. Toi, si tu trahis mon secret, Crains tout de mon courroux extrême: Toi seule a combattu contre mes intérêts, Et pour toi seule aussi je cours à la vengeance. Tes soeurs avec mes voeux bien plus d’intelligence, M’assurent déjà du succès. Quoi, mes soeurs vont trahir l’amour et la nature ? Dès ce soir meme; qu’en dis-tu? Je dis qu’elles n’ont pas une bonne teinture De l’hymen ni de sa vertu. Je pardonne encor l’injure, Pourvu que tu dise ici, Oui, oui, oui, oui, Oui, oui, oui, oui. Je le voudrais, je vous jure ; Mais mon coeur dit tout de bon, Non, non, non, non, Non, non, non, non. Cela suffit ; ma mignonne, Vous verrez lorsque j’ordonne, Si je veux être obéi ; Vous verrez lorsque j’ordonne, Si je veux être obéi. Peut-on voir paraître Plus de cruauté ? Il me faut en vérité, Pour me, pour me, pour me remettre ; Il me faut en vérité, Un peu plus d’humanité. A cette extrémité me verrais-je forçée ! Que faire dans cet embarras ? Cependant le temps presse : hélas ! Une nuit est sitôt passée ; Je comptais l’employer... Il n’en démordra pas. Je ne connais que trop mon père ; Mais je me meurs, si j’obéis. Tâchons de m’introduire en secret au logis De mon nouvel époux. J’espère... Quand je devrais cacher les effets... Ciel ! Que faire ? Mais je m’amuse aux fariboles ; Laissons d’inutiles paroles, Pour ne penser qu’à non devoir. Cher époux, on veut ta ruine ! Mais prévenons un trait si noir ; Car autrement je l’assassine, Sans le savoir. Que mon inquiétude augmente, Quand je vois que chacun y prend si peu de part ! Tous se sont réunis pour prendre leur départ. Antoinette seule est absente, Cela me passe: en pareil cas Une épouse est impatiente. Ma foi, notre moitié, je ne vous comprends pas. Mais voyons encor par là-bas. Jamais la nuit ne fut si sombre! De son obscurité naissent mes déplaisirs. Voudrait-on m’enlever l’objet de mes désirs? A ce triste tableau, je suis froid comme un ombre. Je voudrais te prouver ma foi; Accours, accours, mon aimable Antoinette: Faudra-t-il donc passer la nuit sans toi ? Que de moments perdus ! (bis.) Ah ! que je les regrette ! Où dois-je porter mes pas ? Cet embarras me déroute. Ah! que dans un pareil cas A mon amour il en coûte ! Tantôt haut et tantôt bas, Hélas ! Je n’y vois goutte ; Tantôt haut et tantôt bas, Hélas ! Je n’y vois pas. De quel côté faut-il que j’aille ? Je crains encor qu’on ne me raille. Dois-je donc, Dieu des Amours, Chercher jusqu’a l’aurore ? J’ai fait mes quatorze tours Pour l’objet que j’adore ; Faisons le quin, faisons le quin, Faisons le quinze encore. Pour moi des bons Maris les chagrins sont précoces. Serais-je fait cocu dès le jour de mes Noces ? Ah ! Quelle supercherie Pour Maître Michau ! N’entends-je pas que l’on crie ? Mais ce n’est point raillerie : Je vois Thibaut... (bis.) Qu’as-tu ? quel est donc ce désordre ? Antoinette est-elle avec toi ? Qui votre femme ? Oh ! Par ma foi, Elle vous donne ici bien du fil à retordre. Quoi ! Vous ignorez le panneau ? Oui.         Je tremble pour votre peau. Explique toi: que veux tu dire ? À minuit chacun se retire, La Musique ivre allait ronfler : Moi bien fâché que l’on m’en prive, Tout aussitôt chez un convive, Je l’emmène pour faire aller Ceux qui voudront cabrioler. L’assemblée au mieux se comporte, Lorsque tout d’un coup à la porte Nous entendons nommer Michau : Plus loin, votre frère Jacot, Redoublant le bruit, fait que j’ouvre ; Avec un flambeau je découvre Votre beau-père, qui sortait De chez votre frère Cadet, Et qui courait à toutes jambes. Vos autres frères plus ingambes, Étaient bien prêts de l’attraper ; Mais Furibon sut échapper, En se sauvant par la ruelle. Pour moi tout rempli d’un vrai zèle, J’aurais fort bien pu l’arrêter ; Mais je voulais tout vous conter. Que veut dire cette aventure ? Je ne sais; mais dans le murmure J’entends parler de trahison. Votre beau-père en veut, dit-on, A tous les Papiers de vos frères, Pour chicaner après sur le bien de vos pères. N’auriez-vous pas chez vous aussi ?... Je connais Furibon et mon erreur ensemble ; Mais j’entends quelque bruit. Ne craignez rien ici. Oh! je n’ai pas peur... Mais je tremble. Ah! grands Dieux ! Quoi! c’est elle ! La cruelle ! L’infidèle ! Ah ! grands Dieux ! Quoi ! c’est elle ! La cruelle ! L’infidèle ! Dans ces lieux Qui pourrait l’y conduire, Si ce n’est pour me nuire ? Mais, hélas! j’en suis certain : Mon Porte-feuille à sa main Prouve ici Ma défaite. Antoinette ? Qui me guette? Est-ce ainsi Qu’on en use ? Par la ruse.... On t’abuse : Prends ceci. Quoi ! Lorsque pour servir un chicaneur insigne Tu vas jusqu’à la trahison, Ne crois-tu pas avoir raison ? Je permets ton courroux; mais je n’en suis pas digne, Et tu me gronde hors de saison. Ne crois pas que je ressemble À mes Soeurs sur ce point-là : Même en ce moment je tremble Qu’on ne m’empêche cela, L’un par ici, l’autre par là, Là, là, là, là, là, là, là, là, là, là. On nous trahissait ensemble, Mais j’ai paré ce coup-là. Quoi ! Mes frères trompés par tes soeurs elles-mêmes ! Que diras-tu de ce beau coup ? Et je ne saurais pas punir ce stratagème !... J’aimerais mieux être... coucou, Ou quelqu’autre chose de même : Déja le nom d’époux lui ressemble beaucoup. N’accuse donc que la chicane. Mon père, il est vrai, se dément : Je consens que tu le condamne ; Mais moi j’agis ouvertement. En faveur d’un coeur sincère Qui pour toi sut tout risquer, Songe bien que c’est mon père Que tu prétends attaquer. Malgré son tort que je blâme. Que je puisse t’arrêter : Et par-là prouve à ta femme Que tu sais la contenter. Voilà ton porte-feuille ; et grâce à mon courage, Il ne manque rien à Michau. Tu ne me connais pas, j’ai le sang bien plus chaud ; Je prétends venger cet outrage. Il ne te manque rien; à quoi bon cet éclat ? Si tu ne m’en crois pas, tu peux le voir encore. Tiens, prends, fouille avec moi; tout est en bon état. Vois ce parchemin que j’adore : Cher époux, c’est notre contrat. Oui, j’y vois Furibon ; c’est un nom que j’abhorre. Contre un lien si charmant Montre moins d’emportement. Te repens-tu, cher Amant, De notre signature ? Toi qui le demandait tant ; Le tout par nature. Oui, oui, je veux bien Calmer la tempête; C’est par ta requête Que mon coeur s’apprête À servir le tien. Ton contrat m’arrête, Je ne dis plus rien : Mon amour se prête, Dans ce tête-à-tête, À ton chagrin. Ton âme inquiète Sera satisfaite : J’y tiendrai la main, Pourvu qu’Antoinette Mette à ce moyen Un peu du sien. Mais j’entends la voix de quelque homme ; Retire-toi, mon cher Michau : J’irai te retrouver chez la tante à Thibaut. Je m’en vais y dormir un somme. Mais je ne vois personne. Hélas ! Auraient-ils rencontré mon père ? Ils vont se faire quelque affaire, Si l’on ne les sépare pas. Mais pour se peigner à la turque, Je crois voir chacun empressé, Mon époux a le nez cassé ! Mon père a perdu sa perruque! De qui part le coup que j’entends? Et qui vient de casser les dents De mon époux ou de mon père ? Ils sont tombés... Ah ! Quel Sabbat ! Ô Ciel ! Je n’ai plus de lumière ! Comment voir la fin du combat ? Reposons-nous un peu.         Ah ! Le sommeil me ronge. Je crains, si je m’endors, de faire encore un songe. Que dirai-je à mon père en cette extrémité ? Antoinette ? Antoinette ? En ce lieu sans clarté ? Dis-moi : que fais-tu là pendarde ? En t’amusant à la moutarde, Fais-tu ce que je t’ai dicté ? J’ai tout fait pour le mieux: on aurait vu mon zèle, Si le destin jaloux n’eût soufflé la chandelle. Ne crois pas par ce beau discours Me jouer ainsi de tes tours : Je te connais sans doute. Tu vois bien clair pour ton plaisir ; Mais c’est lorsqu’il faut m’obéir, Que ton coeur n’y vois goutte. Le moyen d’être satisfait? Vous voulez ce qu’on ne peut faire. Désobliger n’est pas mon fait; J’ai toujours aimé le contraire. Voilà donc le crédit Que ton père a sur ton esprit ; Au lieu de m’approuver, C’est toi qui prétends me braver : Quelle trahison ! Moi qui suis si bon. Plus on fait de bruit, Moins on réussit. Qu’on est à plaindre, hélas ! Quand on a des enfants ingrats ! Et qu’on est malheureux, Quand on n’a pas plus d’esprit qu’eux ! Jamais nuit ne fut plus obscure : Ma foi, sans vous je m’égarais. Voici notre chemin. Mais qu’est-ce que je vois ? Ciel ! Où m’amène-t-on ? Oui, voilà l’enclouure. Je vous devais, ma foi, ce tour de ma façon. Tiens, je m’acquitte aussi vis-à-vis d’un fripon. Ah ! Cher époux !         Il faut les suivre : Mais, Patau, ne nous quittons pas. Ils ont pris le flambeau que portait Nicolas. Je voudrais bien aussi que quelqu’un me délivre D’un soufflet qui ne me plaît pas. Un soufflet ? Bon, tant mieux: voilà de quoi poursuivre. Cher ami, ce soufflet-là Va nous rendre un fort bon office ; Je suis charmé de cela, Pour les attaquer en Justice. Je consens ici de bon cour Que l’on t’en donne un meilleur, Afin de les mieux excéder... J’aime mieux ne pas plaider. (bis.) Serais-tu fâché de la chose? Tâchons de gagner notre cause, Sans qu’il m’en coûte quelque dent: J’ai déjà la fièvre à la joue. Pour un soufflet faire la moue! Tu fais l’enfant. (bis.) Compagnons, montrez tous du courage: Cherchons bien, il doit être en ces lieux. C’est Michau ; bonsoir, je déménage. Ne crains rien, nous serons bons pour eux: De valeur donnons un témoignage. Serviteur; ils sont trop contre deux. Compagnons, montrez tous du courage : Cherchons bien, il doit être en ces lieux. Ah ! Que votre fureur s’apaise : Vous m’allez voir expirer sous vos coups. Ne pourrai-je éteindre la braise Qui rallume un si funeste courroux ? Laissez-moi l’étouffer ici, Mon joli petit, Mon petit joli, Mon joli petit cher mari. Je songe à venger mon injure, Mon père, vous-même, en un mot : On prend votre époux pour un sot : Le souffrirez-vous sans murmure ? Il faudrait nous cacher par-là, Afin de les mieux reconnaître. C’est bien dit, j’approuve cela. Retirez-vous, amis: quand Thibaut sifflera, Soyez d’abord prêts à paraître. Je ne puis donc pas Calmer, hélas ! Votre colère ? Voulez-vous percer Un cour qui vient vous embrasser ? Pouvez-vous y penser et vous taire ? Répondez, ma chère. Je ne pense à rien, Et voudrais bien Vous voir le faire. Entrez, cher époux, Dans des sentiments un peu doux. Tantôt plein de tendresse, Ton cour ici jura De m’obéir sans cesse En faveur du Contrat. Ce serment de ta bouche Est tout ce qu’il me faut; Pourquoi veux-tu, farouche, Le retirer si-tôt? C’est trop vous pousser la fleurette. Avancez, Lubin, Nicolas. Ô Ciel ! Malheureuse Antoinette! Accourez, gros Guillot, Mathurin, grand Thomas. Nous verrons qui des deux aura sujet de rire. Eh bien, oui, oui, nous le verrons. Je tiens votre contrat : trembles, je le déchire, Si tu ne chasses tes mitrons. Voulez-vous ?... Un moment, n’allons pas en jeune homme. Donnez-moi ce fléau,que je vous les assomme Arrêtez !...     Je déchire...         Ô funeste transport ! Ah! c’est trop barguiner, exploitons.         Je suis mort. Ciel !...         Prends notre Contrat. Allons, chère Antoinette, Je suis content ; il a son fait. Mon père, ah ! Juste Ciel ! Quelle bosse à la tête ! Au secours ! Au secours ! Mais que veut donc Furet? Qu’as-tu donc tant à crier? Aisément on le devine. Quelqu’un vient de m’étriller, Mais d’une façon divine... Ahi, ahi, ahi, Ahi, ahi, ahi, l’échine, L’échine, ahi, ahi, ahi. C’est Furet que j’entends! qu’as-tu donc, mon garçon ? Chez certain Procureur, j’ai selon ma coutume Pris un paquet à votre nom. De Paris jusqu’ici le chemin fut très bon, Mais j’ai mal fini mon volume : Tout auprès de notre maison On a frappé sur moi comme sur une enclume, Ensuite on m’a chassé tout net, En me retenant mon paquet. Ah ! La tête ! Ah ! La tête ! On m’a pris Deux chapons cuits Dans un pâté de requête. Ah ! La tête! Ah ! La tête! Cher Furet, avec Nicolas, Conduis-moi jusqu’à notre Ferme. Toi, Michau, dans peu tu verras... Va, va, je t’attends de pied ferme. Cher époux, n’aigrissons plus rien ; Le temps calmera cette affaire : Mais je veux que le chirurgien Aille du moins saigner mon père. On ne saurait blâmer ton désir, Et la nature y prend du plaisir : Fille bien née à son Papa Doit toujours ce soin-là. Notre cour bien souvent Ment, Paraissant affligé : J’ai La preuve que le tien Tient Le naturel du mien. Messieurs, si notre pièce aujourd’hui N’a pas l’honneur d’avoir votre appui, Attendez à demain au soir, Et revenez nous voir : Ce n’est pas trop d’un jour Pour Vous rendre satisfaits ; Mais Notre zèle assidu, Dû, Espère être reçu.