D’un triste veuvage Je voudrais sortir : On peut, à mon âge, Recevoir l’hommage Qu’offre le plaisir. Colin en partage Prétend m’obtenir ; Mathurin fait rage, Et veut mettre ombrage À son désir D’un dur esclavage L’Amour dédommage. Qui des deux choisir ? Mais je présage Que le repentir Pourrait venir. Allons à ce sujet consulter ma cousine, et profitons de ses conseils. Oui, te dis je ; son penchant pour moi la détermine. Oh ! Je suis sûr que c’est moi qu’elle va couronner. N’y prétends pas. De ma richesse Elle fait cas N’y prétends pas. De ma richesse Elle fait cas. Tiens, crois-moi, cesse Ces vains débats ; N’y prétends pas. N’y prétends pas ; Car ma tendresse Vaut tes ducats. N’y prétends pas ; Car ma tendresse Vaut tes ducats. Je veux sans cesse Suivre ses pas; N’y prétends pas. Mais quel droit as-tu pour y prétendre ? Eh ! Quel droit as-tu, toi, de me la contester ? Moi ? J’étais l’ami du défunt ; elle m’aimait aussi dès ce temps-là : ainsi j’ai pour moi l’ancienneté. Oh ! Moi, c’est depuis son veuvage qu’elle m’aime ; ainsi j’ai pour moi la nouveauté. Arrange-toi comme tu voudras, mais je n’en démordrai pas. Ni moi non plus. Eh ! Mais ! Tu veux donc te faire frotter ? Par qui ? Par moi. Ah ! voyons donc ; C’est tout de bon : Pauvre garçon ! Tais-toi, poltron. Commence donc : C’est tout de bon. Pauvre garçon! Tais toi, poltron, Poltron, poltron. Tu le veux donc ? Oui, tout de bon : Pauvre garçon ! Tais-toi, poltron. Commence donc : Oui, tout de bon. Tais-toi, poltron ; Tais-toi, poltron, Poltron, poltron. Pourquoi donc tout ce bruit ? Pourquoi donc tout ce vacarme ? C’est lui qui veut me disputer ton coeur. C’est lui qui prétend l’emporter sur moi. Mais vraiment cela me fait honneur. C’est votre faute aussi. Pourquoi donc ? Sans doute, depuis six mois que vous nous bercez d’espérance. Ils ont raison ; pourquoi ne pas se déterminer ? Cela t’est bien aisé à dire ; mais je considère bien des choses. Quoi ? Ce n’est pas un marché d’un jour ; j’ai le bonheur d’être veuve : si j’étais sûre de l’être une seconde fois, je n’y regarderais pas de si près. Tu plaisantes, mais il faut une fin. Sans doute il faut une fin. Eh ! Faut-il tant barguigner ? Dites-nous vos sentiments une bonne fois. Te vais faire un heureux. Lequel des deux.... Aimes tu mieux ? Que mon ardeur Touche ton coeur. À mon amour Cède en ce jour. Je vais choisir. Ah ! Je le crois, Ce sera moi ? Ce sera moi ; J’aurai sa foi. Décide-toi, Décide-toi. Mais !         Quoi ! Mais !         Quoi ! Décide-toi. Oh ! Non, ma foi. Ce sera moi, J’aurai sa foi. Oh ! Je le crois, Ce sera moi ? Décide-toi. Oh ! non, ma foi. Il n’y a qu’un mot qui serve. Voyons. Que de façons ! Parlez. Oh ! Plus vous me pressez, moins je pourrai me décider. Donnez-moi du moins le temps de réfléchir. Votre caractère Est vif et sincère Votre amour constant Mérite assurément Que l’on vous préfère À tout autre Amant. Quel aveu charmant! Ah ! Dieux, Quel tourment! Ta flamme m’est chère ; Chut ! C’est un mystère : Ton amour constant Mérite assurément, Que l’on te préfère À tout autre amant. Quel retour charmant ! Ô Dieux ! Quel tourment ! Que pour me plaire Chacun persévère : Peut être un bon moment Finira le mystère. Un coeur qui diffère Agit prudemment. Ingrate ! Sur un tel caprice je vais réfléchir à mon tour. Quoi ! Toujours balancer ! Jarni, pourquoi faut-il que je sois amoureux ? Suson, conseille moi. Que voulez-vous qu’elle vous dise ? C’est votre coeur qui doit vous conseiller. C’est bien dit. Que ne prends-tu Colin ! J’aurais bien aimé Mathurin, mais, non ; il me semble que tu as raison : Colin est mieux mon fait. Va je te prends. Que je suis satisfait ! Oh ! Tatigoi, vous ne vous repentirez pas de la préférence que vous me donnez. Oui, c’est un parti sage : Alison sait choisir ; Car je puis en ménage Remplir tout son désir. Je suis homme à l’épreuve, Un vrai mari de veuve. Demandez au Canton Si je suis bon luron, Si je suis franc garçon ; On ne vous dira pas, non : Car je puis en ménage Remplir tout son désir. Déjà mon coeur nage Dans le plaisir Je suis homme à l’épreuve, Un vrai mari de veuve. Demandez au canton Si je suis bon luron, Si je suis franc garçon ; On ne vous dira pas, non ; Et tous à l’unisson Vous diront : Colin est bon, Bon, bon, bon, bon. Suson, ai-je bien fait ? Oui, j’approuve ton choix ? Mathurin va faire le diable. Il est riche et puissant dans le village. Il peut nous nuire, et je crains... Ne craignez rien. Je vais l’observer. Oui, oui, je serais mieux... À quoi rêves tu ? C’est que... Eh ! Bien ? C’est que... Tiens, il faut te le dire, Colin ne m’aura pas. Bon ! Autre caprice ! Et tu viens de le lui promettre. C’est vrai ; mais j’ai eu tort. Que peux-tu lui reprocher. Il est jeune, il t’aime.... Mais il n’a rien. Dans le Mariage À quoi sert le bien ? L’Epoux qui n’a rien Est beaucoup plus sage, Est bien moins volage. L’époux qui n’a rien Jamais ne partage. Un tendre langage, C’est de tout ménage Le plus doux lien. Toujours empressé. Jamais courroucé, Le mari demande ; La femme commande, Et voit les plaisirs Prévenir ses désirs. Tu as beau dire, je crois pourtant que Mathurin ferait mieux mon affaire. Quel esprit indécis ! Dis-lui que je veux lui parler. J’y cours de ce pas. Il est convenable Qu’une femme raisonnable, Quand il s’agit d’un choix, Regarde à deux fois. Colin est aimable, Je m’en aperçois ; Mais Mathurin est agréable Hélas ! Pour chacun ! Mon coeur est sensible. Des deux que n’est-il possible De n’en faire qu’un ? Colin gémira; Mais enfin n’importe: Mathurin l’emporte, Il m’épousera. Suson vient de me dire que vous vouliez me parler. Oui, cela est vrai. Et est-il vrai encore ce qu’elle m’a dit ? Quoi ? Que vous aviez, enfin, rendu justice à mon amour. Oui, cela est vrai. Ah ! Si tu savais à quel point ma flamme... Elle est entre nous mutuelle. Chère Alison, Mon coeur gémissait. Palpitait Dans le doute : Mais le plaisir devient bien plus flatteur Par les peines qu’il coûte. Ah ! Combien ce soir, Je vais en avoir À te posséder toute ! Je t’embrasserai, Te dorloterai ; Je te conterai, Je t’endormirai, Je te bercerai, Te réveillerai, Puis je te dirai, Tout ce qui te flatte : Ton oeil guilleret, Dont le feu me plaît, Autant m’en dira: Tout pour moi sera. Je vais tout disposer pour notre Mariage. Ne tarde pas.         Je reviendrai bientôt. Souffre que sur ta main mon amour prenne un gage, Volontiers.         Mon rival sera ma foi bien sot. Eh ! Bien, cousine, es-tu contente ? Oui. Ton choix est donc fait ? Oui. Quel effort ! Et c’est sans retour ? Oui, oui, ne crains rien. Au bout du compte, tu as fort bien fait. Eh ! pourquoi tant attendre, S’il faut passer par là ? Le soin de se défendre Ne sert pas de cela. C’est un meuble nécessaire Que d’avoir un époux. Au hasard pourvoyons-nous, Le choix n’avance guère. Volages et jaloux, Ils se ressemblent tous. Il nous faut au village Un mari jeune et dodu. À cela près, femme sage Prend le premier venu. Cousine, allons de la gaieté, pense à ton hymen. Je n’y pense que trop. Comment ! Je ne sais... mais... Tu ne voudrais pas te dédire, peut-être? Pourquoi non ? Mais, tu deviens donc folle ? Il y va de ma liberté. Tout comme il vous plaira. Je ne vous conçois plus. Qu’est-ce que cela te fait ? Tu peux t’engager, si tu veux. Mais enfin, pour qui penches-tu ? Je suis encore indécise. Mathurin m’aime, il est vrai. Il est riche, j’en conviens ; mais il est si délicat... Un mari comme celui-là ne durerait pas six mois. C’est donc pourquoi il faut s’en tenir à Colin. Mais je te l’ai dit, il n’a pas de bien. Si ces deux-là ne te conviennent pas, cherches en un troisième. Ne pense pas rire, chacun d’eux n’a que la moitié des qualités que je voudrais trouver dans un mari, et c’est ce qui cause mon embarras. Il faut te décider. J’attends que tu aies fait ton choix pour faire le mien, et je m’en ennuie à la fin. En ce cas, choisis toi-même qui tu voudras ; car je ne veux plus ni de l’un ni de l’autre. Un aveu mérité Pénètre, enchante, Quand il est dicté Par la sincérité. La grâce touchante De l’ingénuité, Toujours augmente La beauté ; Mais la plus charmante Qui suit la pente De l’inégalité, N’est jamais contente; Une flamme inconstante Sans cesse épouvante La volupté. Je te fais compliment. Oh ! Je te félicite. C’est bon ; chacun de son côté s’imagine avoir réussi. On se rend à tes voeux. Point du tout ; c’est à ton mérite. Il pense l’épouser. Il croit l’emporter sur moi. Parbleu ! Je veux m’en divertir. Je ne puis m’empêcher de rire. Oui, oui, le chose est fort plaisante. On la lui garde, Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ce minois là. L’épousera Tiens, tiens, regarde Vois-tu cela ? On t’en ratissera. C’est lui qui l’aura. Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ce bijou-là L’emportera. Tiens, tiens, regarde Vois-tu cela ? On t’en ratissera. Tiens, vois-tu : si Alison ne prononce pas en ma faveur, je perds cent écus. J’y consens. Hé bien ! Ils sont perdus. Pourquoi donc ? C’est qu’à vous deux ma cousine renonce. Ah ! La diablesse ! Pauvre Colin ! Notre tendresse A même sort, Et la tigresse Nous met d’accord. Elle a tort. Ah ! La tigresse ! Pauvre Mathurin ! Notre tendresse A même sort, Et la tigresse Nous met d’accord. Très tort. Morgué, v’là qu’est fini, je n’y pense plus. Eh ! Bien, tiens, si tu veux..... Si je veux... Oh ! Si tu veux toi-même : je ne demande pas mieux ; accepte ma main. Ma cousine fait une sottise ; je me garderai bien de l’imiter. Vous avez raison. Bon ! Mon rival me laisse le champ libre ; quand je serai tout seul, il faudra bien qu’Alison me choisisse. Mais la voici. Alison, viens donc vite. Pourquoi faut-il doubler le pas ? Mathurin. Mathurin. Épouse ta cousine. Bon ! Quel conte ! Eh ! Non, non, ce n’est point un conte. Plaît-il ? C’est en honneur. Ô Dieux ! Quelle insolence ! Quelle impudence ! Ah ! Peut-on voir Un trait plus noir. Tous trois d’intelligence Tramer mon désespoir ! Au mois d’avance Il fallait savoir Que votre inconstance Romprait l’alliance Qu’on me faisait prévoir. Dame, arrange-toi donc. Tu le veux, puis tu ne le veux plus. Après cela tu le regrettes ; on n’a jamais vu d’esprit comme le tien. Taisez-vous. La chose n’est pas faite ; si tu veux, je te céderai mes droits. Mais qu’est-ce que vous faites donc, vous, à votre tour ? Pourquoi donc cela ? Vous êtes si bien ensemble ; et pargué, tenez vous y. Ne crains rien ; c’est pour l’amener où nous voulons. Eh bien ! Le coeur t’en dit-il ? Fi donc, encore une fois. Moi, je prendrai Colin. Oui-dà. Non pas, ma mie, Gardez vos noeuds ; Celui qui vous lie Flatte trop vos voeux : Je suis ravie Qu’un tel amoureux Enfin justifie L’excès de vos feux. Mais moi, je veux N’aimer de ma vie; J’en jouirai mieux. Je suis ravie Qu’un tel amoureux Enfin justifie L’excès de vos feux. Vous avez raison ; aussi bien quand vous le voudriez, je ne le voudrais plus. Toi ? Non, et je vais de ce pas trouver Claudine. Tu l’aimes donc ? Oh ! Que cela ne vous inquiète pas. Perfide. À la bonne heure ; mais j’ai pris mon parti. Écoute moi donc. Non. Colin ? Adieu. Viens donc, j’ai quelque chose à te dire. Qu’est-ce que c’est ? Touche-là, je te donne la préférence. Je crois bien, parce que je suis tout seul. Non, c’est parce que je t’aime. Est-il bien vrai ? Oui. Puis-je compter sur toi ? J’en fais serment. Si tu lui donnes encore le temps de la réflexion, elle pourrait bine se dédire. Jarni ! Prends-là au mot. Tu as raison. Eh bien ! C’est fait ; allons vite chez le notaire. Ne faisons qu’une seule noce pour nous quatre, et vive le joie. Tu m’obtiens, Je t’obtiens. Mes plaisirs sont les tiens : Plus d’alarmes ; Tous les biens, Tous les charmes, Sont dans nos liens. Une fille à dix-huit ans A de la prudence, Sur le choix de ses amants Quand elle balance. Lorsqu’elle est sur le retour, Et qu’on lui parle d’amour, C’est une sottise Que d’être indécise. Pour l’hymen faut-il quitter Un amant sincère. Ce n’est pas sans hésiter Sur ce qu’on va faire. Mais si chez notre vainqueur Nous voyons quelque froideur, C’est une sottise Que d’être indécise. Si quelque riche barbon Près de nous soupire, Ne répondons oui ni non À ce qu’il désire. Mais si, par un bon contrat Il nous assure un état, C’est une sottise Que d’être indécise. Lorsqu’une Belle, en aimant, Cherche le mystère ; Qu’elle veut secrètement Voguer à Cythère, Entre nos petits collets Et tous ces fringants plumets, C’est une sottise Que d’être indécise. Balancez à m’épouser, J’y consens, ma chère, Si moudre, bluter, sasser Vous pouvez tout faire ; Mais puisque votre moulin Ne peut aller sans Colin, C’est une sottise Que d’être indécise. Voici le moment, Messieurs, D’une épreuve rude. Pour l’auteur et les acteurs Quelle incertitude ! Par un geste de la main Décidez notre destin. Frappez la reprise De la Veuve Indécise.