Vous, qui soumettez les Dieux et les Mortels, Dieu du bonheur, âme de la nature, Amour, je n’offrirai des voeux qu’à vos autels ; C’est Hilas qui vous les assure. Hilas peut-il inspirer de l’amour ? Dès le moment de sa naissance Ses yeux furent fermés à la clarté du jour ; Comment de la beauté connaît-il la puissance ? Mes premiers sentiments sont nés de son malheur, Il déplorait son sort, je me plus à l’entendre ; D’un intérêt trop cher je ne pus me défendre ; La pitié séduisit mon coeur, Et le rendit sensible et tendre. De son supplice il vous devra la fin ; Il va tenir de vous l’éclat de la lumière. Hilas pourra jouir d’un jour pur et serein, Puisqu’en aimant il a su plaire. Pour ses yeux étonnés quel spectacle enchanteur ! Quoi, sa félicité deviendrait mon ouvrage ? Le plaisir de voir son bonheur M’en fera goûter le partage. Zélis, un don si précieux Peut-être de son coeur vous ravira l’hommage : Lorsque mille beautés paraîtront à ses yeux, S’il allait devenir volage ? Ce serait un malheur affreux ; Mais au moins j’aurai l’avantage De l’avoir rendu plus heureux. Évitez sa présence, Si vous perdiez son coeur, quand il verra le jour, Vous seriez sans retour Victime de son inconstance. J’espère tout de mon amour. Il verra donc les transports de mon âme, Et ses yeux animez exprimeront sa flamme. Témoins de nos premiers serments ; Paisibles lieux, riant boccage, Qu’Hilas trouve partout l’image Du bonheur des amants. Chantez oiseaux, que vos tendres ramages Soient la peinture de vos feux, Chantez vos plaisirs amoureux ; Mais cachez-lui que vous êtes volages. Dieux ! J’aperçois Hilas, Allons au devant de ses pas. Hilas, je dois parler sans feinte ; Nous nous aimons, je sens notre félicité ; Mais l’amour n’est jamais sans crainte ; Le temps peut amener votre légèreté. Pour rendre ma tendresse extrême Ai-je besoin d’admirer vos appas ? C’est un bonheur que je ne connais pas ; Mais vous parlez, et j’aime. Hilas, vos yeux vont être ouverts ; Vous allez admirer l’éclat de la nature : Puissiez-vous n’être pas parjure Au milieu des plaisirs qui vous seront offerts ! De ce vaste Univers je verrais le spectacle ? Peut-être c’est un vain espoir. Mais quel Dieu bienfaisant, quel souverain pouvoir De mes yeux entrouverts vient enlever l’obstacle ? Que d’objets variés s’offrent de toutes parts ! Quelle douce lumière Étonne mes esprits, et charme mes regards ! Son feu s’étend sur la nature entière. L’immensité des cieux, leur ordre, leur splendeur Porte le caractère De leur suprême Auteur. Quels sons font retentir ce séjour solitaire ? Pour être heureux, jouis de là clarté ; Vois tous ces objets, nés pour plaire : C’est le plaisir d’admirer la beauté Qui fait le prix du jour qui nous éclaire. Que tout ce que je vois me surprend et m’enchante ! Dieux, que de grâces, que d’appas ! Oui, cette Nymphe exprime dans ses pas Ce que je sens quand Zélis chante. Si c’était elle ?         Non, je ne m’y méprends pas ; J’éprouverais un trouble extrême, Je la reconnaîtrais : Tout décèle l’Amour, tout en porte les traits. Je vais chercher Zélis, je veux voir ce que j’aime : Grands Dieux ! Sans ce plaisir, reprenez vos bienfaits. Malgré moi-même, hélas ! J’allais paraître ; Je ne puis plus longtemps voir mon sort incertain. La constance d’Hilas fera votre destin. Montez sur cet autel, sans vous faire connaître. Dieux, pour trouver Zélis mes soins sont superflus. Il faut s’adresser à Vénus. Que vois-je ? Quel objet me séduit et m’engage? Soleil, voici l’instant où je te rends hommage ! Tu ne vois la clarté que pour être inconstant ; La lumière des Cieux pour toi va disparaître, Je vais t’en priver à l’instant. Arrête l’Amour !         Mon coeur n’a pu la méconnaître; C’est elle ! C’est Zélis ! Quel transport ! Quel moment ! Ah, quel bonheur pour un amant Quand le coeur et les yeux confondent leur hommage. Que ce trouble est flatteur ! Que Zélis le partage ! Goûtez une si tendre ardeur, Vivez dans ce séjour tranquille ; Je vous le donne pour asile, Et je choisis le mien dans votre cœur. Formons des chaînes éternelles : Règne, Amour, lance tous tes feux ! Tous nos moments seront heureux, Ton flambeau nous rendra fidèles. Que leurs transports animent vos désirs, Chantez, célébrez ma victoire ; Goûtez tous leurs plaisirs : Aimez ; c’est en aimant qu’on célèbre ma gloire. Que leurs transports animent nos désirs; Chantons, etc. Triomphe Amour, jouis de notre hommage : Tu lances dans ces lieux un trait toujours vainqueur. Les Dieux n’ont rien dans leur grandeur Du prix de ton esclavage ; L’Univers leur doit son bonheur ; Celui des Dieux est ton ouvrage. Triomphe Amour, jouis de notre hommage : Tu lances dans ces lieux un trait toujours vainqueur. Ne quitte plus, Amour, notre boccage ; On n’est heureux qu’en suivant tes lois. Daigne toujours, sous ce riant ombrage, De nos coeurs déterminer le choix. Un volage Te fait outrage ; Un tendre coeur Fait son bonheur De la constance. Dieu des amants, signale ta puissance. Bannis des coeurs Les soupirs trompeurs. Ne quitte plus, Amour, notre boccage ; On n’est heureux qu’en suivant tes lois. Daigne toujours, sous ce riant ombrage ; De nos coeurs déterminer le choix. Je fais gloire. De ta victoire : Toi seul remplis mes vœux. Lance, Amour, tes feux. Fais de ces beaux lieux Le séjour des ris et des jeux. Par tes bienfaits, Règne à jamais. Ne quitte plus, Amour, notre boccage ; On n’est heureux qu’en suivant tes lois. Daigne toujours, sous ce riant ombrage, De nos coeurs déterminer le choix.