publié par Paul FIEVRE, janvier 2015.
Holà, Danseurs, Chanteurs de Vaudevilles.
Quoi, personne n’accourt à ma voix !
N’entendez-vous pas votre, maîtresse qui vous appelle ?
Songez-vous ; que c’est aujourd’hui le premier jour de mes spectacles d’été ?
Holà donc, Mezzetin, Olivette, Docteur , Polichinelle.
Ha, ha, ha, ha, ha !
Quel sujet avez-vous de rire ?
Ha, ha, ha, ha, ha !
Pourquoi donc ces ris immodérés ?
La Comédie Française et la Comédie Italienne...
Ha, ha, ha, ha, ha !
Encore ?
Hé bien, la Comédie Française et la Comédie Italienne ?...
Ces cieux Dames sont dans le préau.
Elles veulent honorer de leur présence l’ouverture de notre théâtre.
Elles viennent voir si la Foire sera bonne.
C’est la Française apparemment ?
Vous l’avez dit.
Oh !
C’est l’esprit Italien !
Mais les voici.
Qu’on ait soin de les bien placer.
Ce sont mes supérieures, que ces Dames-là.
Je ne suis que leur très humble servante.
Je ne puis leur marquer trop de respect.
Oh !
Tâchez de vous soutenir toute seule...
J’aI assez de peine à me soutenir moi-même.
Aidez-moi donc, vous, Monsieur Charitides.
Je suis votre valet.
Quand vous vous portiez bien, vous ne me regardiez pas : à présent que vous êtes malade, vous implorez mon secours : Serviteur.
Madame,je suis ravie d’avoir l’honneur de vous voir.
Permettez-moi de vous embrasser.
Je me trouve mal.
Et moi, tout de même.
Des fauteuils à ces Dames.
Hé vite des fauteuils.
Je crois qu’elles vont tomber en faiblesse.
Je n’en puis plus.
Je me meurs.
Je crois que je serai obligée d’aller prendre l’air natal, ou de faite ici corps-neuf.
Voulez-vous de l’eau de la Reine de Hongrie.
Retire-toi, profane.
Ah !
Je vois la cause de votre défaillance !
Vous êtes fâchée de voir ici bonne compagnie, n’est-ce pas ?
Voilà l’enclouûre.
Hé, ventrebleu !
Madame, que ne faites-vous comme nous ?
Mettez-vous en quatre pour plaire au public.
Il a raison.
Il semble que vous preniez plaisir à vous laisser-mourir de faim.
Donnez des nouveautés.
La bonne drogue, que des nouveautés !
Ne fais-je pas mieux ?
Je donne tous les chef-d’oeuvres de mon Théâtre,
Bon, l’on sait ces pièces par coeur.
Non, non , le public est bizarre.
Effectivement, on ne sait comment ; faire pour le contenter.
Il est saoul des vieilles pièces, les nouvelles le rassasient dès la première représentation.
Il est vrai que vos nouveautés passent comme des ombres.
Que Paris est aujourd’hui de mauvais goût !
Sans doute.
Il entend, chez nous des choses dignes de son attention : mais vos
fariboles, vos fariboles...
Monsieur votre cousin , Madame.
Mon cousin !
Oui, votre cousin.
C’est un grand Monsieur de bonne mine, qui chante à tort et à travers tout ce qui lui vient dans l’esprit.
Ah !
C’est l’opéra : c’est ce fou-là.
L’Opéra ?
Le traître ?
C’est l’auteur de nos malheurs.
À ce nom, je sens redoubler ma colère.
C’est lui, maudite Foire, qui t’a retiré du néant où je t’avais fait rentrer.
Le voici.
Je sois tentée de le mettre en pièces.
Mettre en pièces l’Opéra !
Oh !
Laisse ce soin-là à ses poètes et à ses musiciens.
Eh !
Bonjour, Mesdames.
Vous ici !
Je croyais qu’il n’était permis qu’à moi de faufiler avec la Foire.
Il faut que je t’étrangle, Malheureux.
Que je te dévisage.
Point d’emportement, Mesdames.
Croyez-moi, vivons dans la concorde.
Vous avez beau faire, Monsieur l’Opéra, je perdrai mon ennemie.
J’y mettrai bon ordre.
Nous vous détruirons.
Prrr.
Oui, nous vous abîmerons.
Il ne faut pas pour cela me mettre le poing sous le nez.
Vos airs ne me conviennent point du tout.
Je puis les avoir avec une petite créature comme vous.
Petite Créature !
Vous n’êtes qu’une insolente.
Juste Ciel !
Vous perdez le respect, ma mie.
Le respect !
Je veux que cinq cents diables m’emportent, si je ne vous applique à toutes deux mon respect sur le visage.
Ah !
C’est trop en souffrir !...
Ha, ha, ha, ha, ha!
Oui, rira bien qui rira le dernier.
Vederète, vederète, Razza maledetta.
Hoçà, Cousine.
J’ai une prière à vous faire :
Avancez-moi, de grâce, un quartier de ma pension.
En vérité, mou Cousin, vous êtes bien intéressé.
Vous ne manquez pas d’argent.
Pardonnez-moi.
Je dépense, et je dois beaucoup.
Je vous l’enverrai demain.
Cela suffit.
Adieu, petite Mère.
Allons, Mezzetin. Avertissez tous vos camarades : Il est temps de commencer.
Au feu !
Au feu !
Qu’y a-t-il donc ?
Défendons-nous.
Les voici.
Quel bruit se fait entendre ?
Nos ennemis auraient-ils repris courage ?
Ils reviennent à la charge, qans doute.
Amis, chantons : Vive la Foire.
Vive la Foire et l’Opéra.
Vive la Foire et l’Opéra.