SCÈNE II. La Maraine, Cendrillon. §
LA MARAINE.
Air: Le moyen de faire autrement. Du Peintre amoureux, N° 3.
Ah ! Dans quel état je vous vois !
Ne cherchez point d’excuse ;
20 Je devine aisément pourquoi
Vous n’avez point suivi ma loi.
CENDRILLON.
Il est vrai, j’en suis confuse,
J’en suis confuse.
LA MARAINE.
Ah ! vraiment, je le crois :
25 Mais pourquoi ce manque de foi,
Ce manque de foi ?
Fillette toujours raisonne,
Et n’écoute personne,
Quand on s’oppose à son penchant.
CENDRILLON,
30 Non, non, c’est que, ma Bonne,
Bis.
Je n’ai pas pu faire autrement.
LA MARAINE.
Il fallait n’en croire que moi ;
Il fallait mieux suivre ma loi.
CENDRILLON.
Il est vrai, mais ma folie
35 Est bien punie ;
Un moment !...
LA MARAINE,
Un moment
Fait effet :
On s’y plaît,
40 On s’en fait
Un amusement.
CENDRILLON.
Pardon, ma Bonne,
Pardon, ma Bonne,
Je n’ai pas pu faire autrement.
LA MARAINE.
45 Oui ! Oui !
CENDRILLON.
Pardon, ma Bonne,
Je n’ai pas pu faire autrement.
Bis.
LA MARAINE,
Air : Si Diogène était réputé sage.
Par un effet de mon pouvoir magique,
Pour relever l’éclat de vos appas,
50 Je vous ai mis un habit magnifique,
Nombreux cortège accompagnait vos pas,
Je n’exigeais de votre obéissance
Que de sortir du bal avant minuit ;
Faute d’avoir observé ma défense,
55 De mes bontés vous perdez tout le fruit.
CENDRILLON.
Air : de Monsieur La Ruette. N° 4.
Je le sais bien,
J’ai tout perdu ;
En moins de rien,
Tout a disparu :
60 Que le sort me traite,
S’il veut, sans pitié ;
Non, je ne regrette
Que votre amitié,
LA MARAINE.
Air : De tout temps le jardinage.
Vous me serez toujours chère ;
65 Ne craignez plus ma colère.
CENDRILLON,
Ah ! Que mon cour est content !
LA MARAINE,
Mais par un aveu sincère,
Je veux savoir le mystère
De ce long retardement.
CENDRILLON.
Air : La Fustemberg.
70 Vous m’allez gronder encore.
LA MARAINE.
Non, vous dis-je, ne craignez rien ;
Il faut bien
M’apprendre ce que j’ignore ;
Croyez-moi, c’est pour votre bien.
CENDRILLON.
75 Je n’en doute pas, Madame,
Il faut donc vous ouvrir mon âme.
Qui m’eût dit qu’un bal...
LA MARAINE.
Hé bien ! Ce bal ?
CENDRILLON.
Dut m’être si fatal !
LA MARAINE.
80 Que vous me causez d’alarmes !
Mais, comment donc ?
Quelle raison,
Bis.
Vous fait verser des larmes ?
CENDRILLON.
J’en ai bien sujet.
LA MARAINE.
85 Quel est ce secret ?
Qu’est-ce qu’on vous a fait ?
CENDRILLON.
Air : D’m’avoir instruit de mon bien.
J’arrivai dans le Palais
D’aise transportée ;
De tout ce que je voyais,
90 J’étais enchantée,
Un Prince...
LA MARAINE.
Un Prince... Ah ! Nous y voilà.
CENDRILLON.
Un Prince s’est trouvé là.
LA MARAINE.
Vous a-t-il fâchée ?
Ô gué !
95 Vous a-t-il fâchée ?
CENDRILLON.
Air : L’honneur dans un jeune Tendron.
Le connaissez-vous ?
LA MARAINE.
Le connaissez-vous ? Oui, vraiment.
CENDRILLON.
N’est-il pas vrai qu’il est charmant ?
LA MARAINE.
Si vous voulez même adorable ;
Laissez-là son mérite à part ;
100 Voyons en quoi ce Prince aimable
Aurait pu vous manquer d’égard.
CENDRILLON.
Air : Les yeux baissés par modestie. N° 5.
Les yeux vers moi tournés sans cesse,
Tendrement il me regardait,
De ses regards la douceur et l’ivresse.
105 M’inspiraient ce qu’il ressentait.
Bis.
À mes côtés est une place,
Il s’en saisit ;
Il s’enhardit,
Je m’attendris ;
110 Je veux le fuir, et je ne puis,
Je veux fuir et ne puis,
Bis.
Je veux le fuir, et je ne puis.
Déjà mon trouble augmentait son audace,
Quand minuit sonna,
115 Et tout finit là.
Air : Plus inconstant.
Comme un éclair, soudain je prends la fuite ;
En entendant l’heure qui me chassait ;
On se met à ma poursuite,
Mais en vain on me cherchait...
Air : Folies d’Espagne.
120 Je n’étais plus ce qu’ils me croyaient être,
Ils me voyaient sans suite et sans éclat ;
Comment, hélas ! M’auraient-ils pu connaître !
Je m’ignorais moi-même en cet état.
LA MARAINE.
Air : Le Pont d’Avignon.
Ce changement n’a rien qui doive vous surprendre ;
125 Je crains plutôt pour vous un sentiment trop tendre.
CENDRILLON.
Air : Dondaine.
Je ne saurais vous le cacher,
Je ne saurais vous le cacher,
Ce Prince a trop su me toucher ;
Je l’aime, je l’aime :
130 Le croyez-vous épris pour moi de même ?
LA MARAINE.
Air : De Joconde.
Si vous l’aviez trop rebuté...
LA MARAINE.
Oh ! non. Je dois le croire ;
Si vous n’avez rien accordé,
Qui blesse votre gloire.
CENDRILLON.
135 Je sais trop ce que je me dois ;
Pour me laisser surprendre ;
Il n’a rien obtenu de moi,
Que ce qu’il m’a su prendre.
LA MARAINE.
Air : Des Francs-Maçons.
Et que vous a-t-il pris ?
CENDRILLON.
Et que vous a-t-il pris ? Ma Bonne...
140 Que dire, hélas !
LA MARAINE.
Répondez-moi, je vous l’ordonne ?
CENDRILLON.
Quel embarras !
LA MARAINE.
Et pourquoi donc ces sots scrupules ?
Surcoût craignez de me tromper.
CENDRILLON.
145 Il m’a pris une de mes mules ;
Qu’en fuyant j’ai laissé tomber.
Air : Entre l’Amour et la Raison.
Je n’en ai plus qu’une à présent;
LA MARAINE.
Consolez-vous, ma chère enfant,
On peut réparer ce dommage
150 Au fond je n’y vois pas grand mal.
Que de Beautés sortant du Bal
Ont souvent perdu davantage !
Air : Quand je tiens de ce jus d’Octobre.
Vos sours en reviennent sans doute,
Ce bruit annonce leur retour ;
155 Rentrez, et quoi qu’il vous en coûte ;
Tâchez de vaincre votre amour.
Elles sortent.
SCÈNE III. Les Deux Soeurs. §
L’AÎNÉE.
Air : Non, je n’aimerai jamais que vous.
Rien, en vérité n’est si plaisant ;
Nos appas ont fait fortune assurément :
Rien, en vérité, n’est si plaisant,
160 À chaque moment,
C’était nouveau Galant.
Ce gros caissier qui croyait me connaître,
M’a-t-il tenu des propos assez doux ?
LA CADETTE.
Ce Sénateur, en léger Petit-Maître,
165 M’a-t-il assez étalé ses bijoux ?
Rien, en vérité, n’est si plaisant ;
Nos appas ont fait fortune assurément :
Rien, en vérité, n’est si plaisant,
À chaque moment,
170 C’était nouveau Galant.
Air : Tout roule aujourd’hui dans le monde.
Mais cela ne me touche guère ;
Je dédaigne de tels objets.
L’AÎNÉE.
Sans crainte de passer pour fière,
Je porte plus haut mes projets.
175 Le destin qui pour moi s’apprête
Flatte mon cour ambitieux.
LA CADETTE.
Une plus illustre conquête
Peut seule contenter mes voeux.
L’AÎNÉE.
Air : Avec un air de mystère.
Un Amant pour moi soupire,
180 Dont je dois taire le nom.
LA CADETTE.
Quelqu’un, que je n’ose dire,
De son cour m’a fait le don.
L’AÎNÉE.
Mais à t’en faire un mystère,
Mon amitié souffrirait.
LA CADETTE.
185 Pour une sour aussi chère,
Puis-je avoir quelque secret ?
L’AÎNÉE.
Air : Tout consiste dans la manière.
Si j’obtiens ce que je désire ,
Vous en sentirez les effets.
LA CADETTE.
Si j’atteins le but où j’aspire,
190 C’est pour combler tous vos souhaits.
L’AÎNÉE.
Oui, disputons cet avantage
Entre nous deux ;
Le bonheur qu’ainsi l’on partage
Se goûte mieux.
LA CADETTE.
Air : Tomber dedans.
195 Quel est ce captif glorieux ,
Qu’Amour met en votre puissance ?
L’AÎNÉE.
Quel est cet amant dont les feux
Enflent si fort votre espérance ?
L’AÎNÉE.
Devinez. Non, dites-le moi.
LA CADETTE.
200 Ma chère, c’est le fils du Roi.
L’AÎNÉE.
Le fils du Roi !
Le fils du Roi !
LA CADETTE.
Et oui vraiment, le fils du Roi.
L’AÎNÉE.
Air : Mon petit doigt me l’a dit.
La conquête est glorieuse !
LA CADETTE.
205 Ne suis-je pas bien heureuse ?
Il veut me donner sa foi.
C’est votre tour à me dire,
Quel amant suit votre empire.
L’AÎNÉE.
C’est, ma sour, le fils du Roi.
LA CADETTE.
Air : Dieu des Amants.
210 Le fils du Roi !
Vous raillez, je crois !
L’AÎNÉE.
Non, vraiment ; rien n’est plus véritables.
LA CADETTE.
Je n’en crois rien.
L’AÎNÉE.
Moi, je le crois bien ;
215 Votre avis ne détruit pas le mien.
Vous êtes fort aimable,
J’en conviendrai ; mais,
Malgré tous vos attraits,
Croyez qu’on est capable,
220 Quand on le voudra,
D’effacer ces traits là.
LA CADETTE.
Ce n’est pas vous.
L’AÎNÉE.
Ce n’est pas vous. Ce sera moi.
LA CADETTE.
Mais il faut être de bonne foi :
Jusqu’à présent votre beauté,
225 En vérité,
N’a point trop éclaté.
L’AÎNÉE.
Petite impertinente !
LA CADETTE.
Eh ! Bien, j’avouerai,
Partout je publierai,
230 Que vous êtes charmante ;
Sûre qu’en ce point,
On ne me croira point.
L’AÎNÉE.
Air : Jupin dès le matin.
Vous me poussez à bout,
Vous cherchez, en tout,
235 À combattre mon goût ;
Votre humeur
Montre tant d’aigreur,
Qu’à nous séparer,
Il faut vous préparer :
240 Un excès de fierté,
De vanité,
Sans rime ni raison,
Vous donne un ton ;
Il semble qu’en ces lieux,
245 Jeunes et vieux
Viennent se brûler aux feux
De vos yeux :
Vous voyez cependant,
Le plus souvent,
250 Qu’on vous laisse à l’écart ;
C’est un hasard,
Quand quelque freluquet
Daigne sourire à votre air coquet.
LA CADETTE.
Air : Plus les amants vivront.
Criez tout à loisir :
255 Un jour à venir,
Je saurai répondre ;
Je vais, pour vous confondre,
Monter au rang
Qui m’attend.
L’AÎNÉE.
260 À ce rang désiré ,
On peut me conduire ;
Je vous y préviendrai.
LA CADETTE.
Vous me faites rire !
L’AÎNÉE.
Cendrillon, que je vois là,
265 En jugera.
SCÈNE VI. Cendrillon, La Maraine. §
CENDRILLON.
Air : Au bord d’un ruisseau je file.
360 Voyez une infortunée.
LA MARAINE.
Quels nouveaux malheurs ;
Font naître vos douleurs f
CENDRILLON.
Ne suis-je donc condamnée ;
Qu’à vivre toujours dans les pleurs ?
365 Vous avez assez vu, Madame,
Quel objet a touché mon âme.
CENDRILLON.
Hé ! Bien. Ce funeste vainqueur,
Que j’adore au fond de mon cour,
Peut-être n’est qu’un imposteur ;
370 Mes sours se disputent l’amant
Qui cause aujourd’hui mon tourment.
LA MARAINE.
Air : Grand Saint-Martin, ou la Sarabande d’Issé.
Vos sours ne sont que des ambitieuses :
D’un seul regard
Par hasard
375 Échappé,
Leur esprit s’est frappé.
Sur tous les cours ces Orgueilleuses
Croient avoir
Un pouvoir.
380 Quand leur Beauté surpasserait la vôtre,
II est un art qui manque à l’une et l’autre,
Qui seul pent allumer une constante ardeur ;
Cet art, c’est la douceur.
Air : Du Précepteur d’Amour...
C’est la première des vertus
385 Dont se doit parer une Belle ;
C’est la ceinture dont Vénus
Retient les Amours auprès d’elle.
CENDRILLON.
Air : Reçois dans ton galetas.
À juger par leurs discours,
Mes sours ont raison de croire
390 Qu’on les aime.
LA MARAINE.
Qu’on les aime. Vains détours
De sottes qui s’en font accroire.
D’un Prince qui veut s’amuser,
Un mot a pu les abuser.
CENDRILLON.
Air : Pourvu que Colin, ah ! voyez-vous.
Mais cependant...
LA MARAINE.
Mais cependant... Mais s’il avait
395 Une telle manie, ,
Un jour il se repentirait
D’avoir fait la folie.
CENDRILLON.
Bon ! Si d’un autre il est l’époux,
Qu’il s’en repente ou non, voyez-vous,
400 Je n’en serais, ne vous déplaise,
Guère plus à mon aise.
LA MARAINE.
Air : Avec moi vous faites comparaison.
Mais comment donc l’Amour en peu de temps ;
A fait chez vous des progrès surprenants !
On entend derrière le Théâtre un bruit de tambour.
CENDRILLON.
Air : Je m’sentais là-dedans.
Qu’est-ce donc que j’entends ?
LA MARAINE.
405 Je vous en rendrai compte ;
Demeurez un instant >
Je reviens sur le champ.
CENDRILLON.
D’un amoureux penchant,
Ma Bonne me fait honte ;
410 Et veux que je surmonte
Ce qui me fait plaisir
Encore à ressentir.
SCÈNE VIII. Cendrillon, Les deux sours, Un Officier du roi, accompagné d’un tambour. §
L’AÎNÉE.
Air : L’Allemande Suisse.
420 Est-il bien vrai ?
L’OFFICIER.
Oui, sans délai,
Il faut, Mesdames, que chacune vienne.
LA CADETTE.
Et savez-vous
Ce que de nous
425 Le Roi demande aujourd’hui ?
L’OFFICIER.
Oui.
Le Prince Azor
Fait à la fin un effort ;
Lui qui d’Amour a toujours fui la chaîne,
430 Il veut avoir,
Une épouse dès ce soir,
Parmi les Belles du canton.
L’AÎNÉE.
Déjà je vois,
435 Je prévois
Où ce choix
Peut tomber.
LA CADETTE.
Vous pourriez bien vous tromper,
Ma Reine.
L’AÎNÉE.
440 Je ne suis pas,
En ce cas,
Seule ici,
Qui pourrait en avoir le démenti.
L’AÎNÉE.
445 À cet Hymen glorieux,
Vous pouvez bien toutes les deux
Prétendre ;
Certaine épreuve on fera,
Qui sur ce point décidera.
LA CADETTE.
Quelle est cette épreuve-là ?
L’OFFICIER.
Vous ne pouvez en ce moment l’apprendre ;
Adieu. Ce soir on saura
Pour qui fera
455 Ce prix-là.
LES DEUX SOEURS.
Ce prix-là. Ah !
L’AÎNÉE.
Air : Faut-il qu’une fi faible plante.
À l’insu de ma sour cadette,
Monsieur, dites-moi franchement
Si, dans l’hymen qui se projette,
On parle de moi.
L’OFFICIER.
On parle de moi. Non, vraiment.
L’AÎNÉE.
460 Vous badinez ?
L’OFFICIER, à part.
Vous badinez ? Sur ma parole,
La pauvre Demoiselle est folle.
LA CADETTE.
Même air.
Sans en rien dire à mon aînée,
Avouez moi, mon cher Monsieur,
Que le Prince ; en cette journée,
465 Va s’expliquer en ma faveur ?
LA CADETTE.
Nenni. Vous n’êtes pas sincère.
L’OFFICIER.
Oh ! parbleu, les deux-font la paire.
Air : Ces Filles sont si sottes.
Eh ! Quel est ce joli minois,
1
Qui nous écouté en tapinois ?
L’AÎNÉE.
470 C’est une pauvre fille.
LA CADETTE.
Qui nous visite quelquefois.
L’OFFICIER.
Elle est, ma foi, gentille !
Bis.
CENDRILLON, à part.
Air : On n’aime point dans nos forêts.
Eh quoi ! Mes sours, en ce moment,
Rougissent de me reconnaître !
L’OFFICIER.
475 Approchez donc, la belle enfant ;
On ne risque rien de paraître,
Quand on posséde tant d’appas.
L’AÎNÉE, à Cendrillon.
Voulez-vous bien aller là-bas ?
Air : Du manchon.
À l’officier.
Pour peu que le cour vous en dise,
480 Soyez avec nous moins discret :
Comme à nos soins elle est commise,
Votre hymen serait bientôt fait.
L’OFFICIER.
J’accepterais des offres si flatteuses,
Si vous étiez moins curieuses ;
485 Mais là-dessus,
Tous vos efforts sont superflus ;
Attendez à ce soir,
Pour tout savoir,
Attendez à ce soir.
Il sort.
SCÈNE IX. L’aînée, La Cadette, Cendrillon. §
L’AÎNÉE.
Air : Mariez, mariez-moi.
490 Enfin voici le moment,
Où mon triomphe s’apprête ;
La main d’un Prince charmant
Va devenir ma conquête ;
Préparons, préparons, préparons tout,
495 Pour briller à cette fête ;
Préparons, préparons, préparons tout,
Pour l’affermir dans son goût.
LA CADETTE.
Air : Pour t’avoir, le grivois te guette.
Par le secours de la toilette,
Rendons ma beauté si parfaite,
500 Qu’Azor puisse en mes yeux
Retrouver encor de nouveaux feux.
Dieux ! S’il répond à ma tendresse,
Quelle fera mon allégresse !
Cendrillon, dépêchons ; tôt, tôt,
505 Apportez ce qu’il faut,
Je veux partir bientôt.
L’AÎNÉE.
Air : T’as pied dans le margouillis.
Oh ! Faites comme il vous plaira ;
Sa seule affaire
Est de me plaire ;
510 Oh ! Faites comme il vous plaira ;
Je retiens Cendrillon pour cela.
Air : Comme un Coucou.
Qu’on apporte ici ma toilette.
LA CADETTE.
Qu’on apporte la mienne aussi.
L’AÎNÉE.
Je céderais à ma cadette !
LA CADETTE.
515 Oh ! L’âge ne fait rien ici.
CENDRILLON.
Air : À l’envers.
Par qui faut-il que je commence ?
LA CADETTE.
C’est par moi.
L’AÎNÉE.
Oh ! Vous voulez prendre l’avance,
Je le vois.
520 Mais quittez ce fol espoir.
LA CADETTE.
Il faut voir.
On apporte deux toilettes toutes dressées.
L’AÎNÉE.
Air : On prend femme, c’est l’usage. Noté dans L’Heureux déguisement.
Allons vite qu’on m’arrange.
Bis.
LA CADETTE.
Je vous trouve fort étrange.
Bis.
Cendrillon, venez m’aider,
525 Laissez-la s’accommoder.
L’AÎNÉE.
Vous parlez bien à votre aise :
Attendez, ne vous déplaise,
Qu’elle ait posé mes rubans :
Cendrillon n’a pas le temps.
Bis.
LA CADETTE.
530 Ah ! Si vous êtes la maîtresse,
Il est juste qu’on se presse.
L’AÎNÉE.
C’est vous qui faites la Princesse ;
Tout vous choque, tout vous blesse.
ENSEMBLE.
Quatre fois.
Madame fait la Princesse,
535 Madame fait la maîtresse.
CENDRILLON.
Trois fois.
Si vous parlez toutes les deux,
Comment répondre à vos voeux.
L’AÎNÉE.
Raisonneuse !
Bis.
LA CADETTE.
Paresseuse !
Bis.
L’AÎNÉE.
540 Faut-il, quand on dit un mot,
Que vous soyez de l’écot ?
CENDRILLON.
Me gronderez-vous sans cesse,
Quoique je n’aie aucun tort ?
LA CADETTE.
545 Aurez-vous bientôt fini ?
Songez-vous que l’heure presse ?
Bis.
L’AÎNÉE.
Si je le sais ? Vraiment oui ;
Eh ! vraiment oui.
Mais quel démon vous transporte,
550 De la presser de la sorte ?
Pour finir plus promptement,
Elle m’assomme la tête,
La maladroite, la bête !
Elle m’assomme la tête :
À Cendrillon.
555 Allez donc plus doucement,
Bis.
Plus doucement.
CENDRILLON.
Je ne puis mieux faire,
Mieux faire.
L’AÎNÉE, la repoussant.
Ôte-toi de là.
LA CADETTE, la repoussant aussi.
560 Ôte-toi de là.
Va-t-en, va-t-en, va-t-en ma chère,
De tes soins on se passera ;
Ôte-toi de là, ma chère ;
Et pour ma sour garde ce soin,
565 Je n’en ai plus aucun besoin.
Bis.
La Maraine entre ; les deux sours sortent en lui faisant une grande révérence et en chantant.
Suivons l’Amour, c’est lui qui nous mène.
SCÈNE X. Cendrillon, La Maraine. §
LA MARAINE.
Air : Où s’en vont ces gais bergers.
Où vont-elles si gaiement ?
CENDRILLON.
Ce n’est point un mystère ;
Vous savez l’événement,
570 À mon amour contraire.
Azor les mande au Palais.
Quelle triste nouvelle !
Pourra-t-il, en voyant tant d’attraits,
Ne pas m’être infidèle ?
LA MARAINE.
Air : Je suis un bon soldat.
575 L’espoir qui les conduit,
Les séduit ;
Soyez moins alarmée ;
Vous verrez leurs projets
Sans effets
580 SanS aller en fumée.
Air : Pour voir un peu comment ça f’ra.
Ce sont autant de pas perdus ;
Elles sont bien loin de leur compte ;
J’en sais plus qu’elles là-dessus,
Elles n’en auront que la honte. .
585 L’épreuve qu’on doit exiger,
Va les confondre et vous venger.
CENDRILLON.
Air : Vous voulez me faire chante[r].
De quelle épreuve parle-t-on ?
LA MARAINE.
Je ne puis vous le dire .
Suffit qu’en cette occasions
590 Rien ne saurait vous nuire ;
Vous en aurez tout l’agrément,
C’est moi qui vous l’assure.
Allez au Palais seulement,
Et tentez l’aventure,
Air : Préparons-nous pour la fête nouvelle.
595 II faut aller disputer la victoire :
Ce jour est celui de la gloire ;
La Fortune et l’Amour veulent vous couronner.
CENDRILLON.
À cet espoir flatteur dois-je m’abandonner ?
LA MARAINE.
Air : Alarmez vous.
Partez vous dis-je, allez en assurance
CENDRILLON.
600 Très volontiers. Mais...
LA MARAINE.
Très volontiers. Mais... Quoi ?
CENDRILLON.
Très volontiers. Mais... Quoi ? Ma bonne.
LA MARAINE.
Très volontiers. Mais... Quoi ? Ma bonne. Eh bien ?
CENDRILLON.
Air : Non, je ne ferai pas.
Peut me montrer avec plus de décence,
Ne faut-il pas ?...
LA MARAINE.
Ne faut-il pas ?... Non, non, il ne faut rien.
CENDRILLON.
Air : Non ; je ne ferai pas.
Eh ! Quoi ! Vous prétendez que parmi tant de Belles,
Dont l’art relève encor les grâces naturelles,
605 Dans l’état où je suis j’irai me présenter !
Azor m’oserait-il seulement regarder ?
LA MARAINE.
Air : Les petits riens.
Votre beauté,
Cet heureux don de la Nature,
Votre beauté,
610 Vous dédommage avec usure.
N’altérez point par l’imposture
Cette aimable simplicité ;
La plus élégante parure,
C’est la beauté.
CENDRILLON.
Air : Ne v’là-t-il pas que j’aime ?
615 Je souscris à vos volontés :
Guidez mon ignorance ;
Je dois répondre à vos bontés
Par mon obéissance.
Elles sortent.
Le théâtre change, et représente l’appartement du Prince.
SCÈNE XII. Azor, Pierrot. §
PIERROT.
Air : Vous me l’avez dit, souvenez-vous en.
Vous qui faisiez l’esprit fort ;
Vous sentez donc votre tort ;
Vous parliez différemment ;
Je vous l’ai prédit, souvenez-vous en,
630 Je vous ai prédit qu’Amour
Vous jouerait un mauvais tour.
AZOR.
Air : Je ne sais pas écrire.
Mon ordre a-t-il été suivi ?
PIERROT.
Seigneur, vous ferez obéi ;
On vient de me l’apprendre.
635 Quel sabbat nous aurons ici !
Toutes nos Dames à l’envi
Ont promis de s’y rendre.
AZOR, vivement.
Air : Je ne verrai plus ce que j’aime.
Je rêverai donc ma Déesse :
Un Dieu propice à ma tendresse,
640 À mes désirs pressants va la rendre aujourd’hui...
PIERROT.
Air : Ici sont venus en personne.
Par ma foi, vous aurez beau faire ;
Cet objet qui vous a su plaire
Ne vous sera jamais rendu.
PIERROT.
Pourquoi donc ? C’est quelque chimère,
645 Une ombre, un être imaginaire ;
Hier, quand elle a disparu,
On a cherché tant qu’on a pu,
Elle s’est trouvée... introuvable ;
Pour moi je crois que c’est le Diable
650 Qui sous ce minois simple et doux,
S’est voulu divertir de vous.
Air : De l’horoscope accompli.
Laissez-donc là cette chaussure ;
À quoi peut être vous servir ?
Croyez vous y voir la figure
655 Du tendron qui vous fait souffrir ?
AZOR, tenant le mule.
Vois, Pierrot, quelle gentillesse !
PIERROT.
Je vois plutôt votre faiblesse.
AZOR.
Le joli pied ! Ah ! Qu’il me plaît !
PIERROT.
Oui, mais tient-il ce qu’il promet ?
Air : Boire à son tour.
660 Par cet échantillon,
Vous jugez d’une Belle ;
Vous perdez la raison ;
Pardonnez à mon zèle ;
Mais, en honneur,
665 C’est une erreur ;
Souvent le pied le plus mignon
Sert à porter, une laid’ron,
Une laid’ron.
AZOR.
Air : Que ne suis-je la jonquille ! ou l’Amant frivole.
Je me fuis fait à moi-même
670 Les reproches les plus forts ;
Du destin la loi suprême,
Triomphe de mes efforts.
Loin de blâmer ma tendresse,
Sers plutôt, sers, mon ardeur ;
675 Et respecte une faiblesse,
Où j’attache mon bonheur.
PIERROT.
Air : Lassi, lasson, la son bredondaine.
J’y ferai diligence,
Comptez, comptez sur ma vigilance :
J’y ferai diligence.
On entend un bruit confus de plusieurs femmes derrière le Théâtre.
SCÈNE XIV. La Choeur des femmes, Azor, Pierrot. §
PIERROT.
Air : Lassi, Lasson, la sonbredondaine.
Voici nos aspirantes ;
705 Voyez, voyez ; qu’elles sont charmantes !
Voici nos Aspirantes ;
Défendez bien, Seigneur,
Votre cour,
Votre cour.
Air : Sexe charmant dont le partage.
710 Aimez-vous la blonde ou la brune ?
Ici l’on a de quoi choisir...
Ne les faites donc pas languir.
À part.
Pourquoi faut-il n’en prendre qu’une ?
J’en vois beaucoup qui dès ce soir,
715 Accepteraient bien le mouchoir.
LA SOEUR AÎNÉE, à Azor.
Air : Je donnerais les revenus.
Je viens, Seigneur...
LA CADETTE.
Avec grande impatience....
L’AÎNÉE.
Jouir d’un honneur....
LA CADETTE.
J’ai couru, Seigneur...
L’AÎNÉE.
720 Pour moi bien flatteur.
LA CADETTE.
Sitôt votre ordre venu...
L’AÎNÉE.
L’aurais-je jamais cru ?
LA CADETTE.
J’ai fait diligence.
L’AÎNÉE.
Ce jour précieux...
LA CADETTE.
725 Moment trop heureux !
L’AÎNÉE.
Comble tous mes voeux.
LA CADETTE.
Quel doux espoir...
L’AÎNÉE.
Pour moi quelle gloire...
LA CADETTE.
J’ose concevoir !
L’AÎNÉE.
730 D’être en votre mémoire !
LA CADETTE.
Tant de Belles à la cour...
L’AÎNÉE.
Aussi ma reconnaissance...
LA CADETTE.
Peuvent briguer votre amour...
L’AÎNÉE.
Vous assure du retour.
LA CADETTE.
735 Que je n’osais me flatter...
L’AÎNÉE.
Excusez mon imprudence.
LA CADETTE.
D’avoir su le mériter.
L’AÎNÉE.
Le zèle a su m’emporter.
AZOR, à Pierrot.
Air : Morgué, la femme qui m’aura.
Je n’entends rien à ce jargon.
PIERROT.
740 Ni moi non plus, je vous répond ;
Ce sont deux sours qui, cette nuit,
Au bal ont fait du bruit ;
Qui, d’abord qu’on les regardait,
Croyait que l’on leur en contait ;
745 Qui toujours minaudant ;
Toujours vous minaudant ;
Semblaient vous dire ; allons, Seigneur,
Humanisez donc votre cour.
Bis.
AZOR, aux sours.
Air : Paris est en grand deuil.
Un tel empressement
750 Me flatte infiniment...
À Pierrot.
Tâche de m’en défaire.
PIERROT, aux Soeurs.
Le Prince, en vérité...
Se trouve... très flatté...
À part.
Je ne sais comment faire.
Air : La Carmagnole.
Au Prince.
755 Nous ne sommes pas
Hors d’embarras ;
Toutes vont venir,
Et vous tenir
Même langage ;
760 Nous ne sommes pas,
Hors d’embarras ;
Toutes vont bientôt vous tomber sur les bras.
Air : Du Précepteur d’amour.
Il faut pour vous débarrasser
De cette foule ridicule,
765 Il faut, vous dis-je, commencer
À faire l’essai de la mule.
SCÈNE XV. Les Acteurs Précédents, Cendrillon, Sa Maraine. §
LA MARAINE.
Air : La voici, tôt décampons.
Entrez donc.
CENDRILLON.
Entrez donc. Non, j’ai trop peur ;
Je sens palpiter mon cour.
LA MARAINE.
Qui peut vous causer un tel effroi ?
CENDRILLON.
770 C’est que l’on va se moquer de moi.
LA MARAINE.
Point tant de discours,
Avancez toujours.
CENDRILLON.
Guidez donc mes pas ;
Ne me quittez pas.
LA MARAINE.
775 Ah ! Que de façon !
CENDRILLON.
Ma Bonne, venez donc.
LE CHOEUR DES FEMMES.
Air : Oh, oh, tourelouribo !
Quelle Nymphe se présente !
Oh, oh, tourelouribo !
Voyez donc qu’elle est charmante !
780 Oh, oh, tourelouribo !
En honneur, elle m’enchante.
Oh, oh ,oh, tourelouribo !
L’AÎNÉE, à Cendrillon.
Air : Tarare ponpon.
Que venez-vous chercher, petite téméraire ?
Osez-vous vous montrer avec ces haillons-là ?
LA CADETTE, à Cendrillon.
785 Sors, ou crains ma colère.
LA MARAINE.
Non, elle restera.
AZOR, a Pierrot.
Pierrot, fais-les donc taire.
AZOR, à Cendrillon.
Air : Des Proverbes.
Venez,venez.
À part.
Venez,venez. Que d’appas ! Qu’elle est belle !
À Cendrillon.
790 Venez, venez ; bannissez la frayeur.
À part.
Quel feu nouveau vient m’enflammer pour elle !
Quel nouveau trait perce mon cour !
LA MARAINE, à Azor.
Air : Dans un Couvent bienheureux.
À notre témérité
Daignerez-vous faire grâce ?
795 Et n’est-ce point trop d’audace ?
AZOR.
Ah ! J’en suis trop enchanté.
Si quelqu’objet peut s’attendre,
À m’enchaîner sous ses lois ;
Vous seule y pouvez prétendre,
800 Vous seule fixez mon choix.
PIERROT, à Azor.
Air : Belle Brune.
Et la mule ?
Et la mule ?
Seigneur,
Un peu moins d’ardeur,
805 Qui trop avance, recule ;
Et la mule ?
Bis.
À Cendrillon et aux autres.
Air : Le Corbillon.
Ce n’est pas assez pour lui plaire,
D’avoir beaux yeux, belle bouche, beaux bras ;
Jambe fine et taille légère,
810 Sont des beautés qui ne le flattent pas.
Il faut pour gagner son amitié,
Un joli petit,
Montrant la mule.
Un petit joli,
Un joli gentil petit pied.
AZOR.
Air : Non, je ne crois pas.
815 Non, je ne saurais
Risquer à perdre tant d’attraits ;
Non, non, non, je ne saurais
Remettre au sort de si chers intérêts.
Je ne veux devoir qu’à l’Amour,
820 Le prix que j’attends en ce jour.
Ce Dieu lui-même,
Dans l’objet que j’aime,
M’assure un bien suprême.
Non, je ne saurais
825 Risquer à perdre tant d’attraits ;
Non, non, non, je ne saurais
Remettre au sort de si chers intérêts.
À Cendrillon.
Air : D’Églé. Que je vous aime !
Oui, je vous aime ;
Mais quel fera le prix de cette ardeur extrême ?
830 Vous pouvez d’un seul mot dissiper mes ennuis.
AZOR.
Seigneur... Vous balancez... parlez...
CENDRILLON.
Seigneur... Vous balancez... parlez... Non, je ne puis.
CENDRILLON.
Eh ! Bien, oui, je vous aime.
PIERROT.
Air : Tout est dit.
Voilà, ma foi, ce qui s’appelle,
835 Mener l’Amour tambour battant ;
Sans en faire à deux fois, la Belle,
D’un plein faut, court au dénouement ;
Mais laissons-les s’assurer de leurs flammes,
En pareil cas, un témoin toujours nuit ;
840 Adieu, Mesdames,
Tout est dit.
L’AÎNÉE.
Air : Comment donc as-tu réussi ?
Cette petite Cendrillon !
LA CADETTE.
Cette petite Cendrillon !
LA MARAINE.
De deux sours est-ce là le ton ?
845 Apprenez l’une et l’autre
À respecter son rang et son nom ;
Ils valent bien le vôtre.
Air : Bouchez, Naïades.
Mais vous l’avez trop outragée ;
Il est temps qu’elle soit vengée,
850 Demeurez encor un instant,
Je vais vous la faire connaître.
Pour le sort le plus éclatant,
Sachez que les Dieux l’ont fait naître.
Air : J’ai, sans y penser.
Si le Prince Azor,
855 Voyait encor
Son inconnue ?...
Dans ce jeune objet,
S’il la retrouvait trait pour trait ?...
Un charme secret
860 La dérobait à votre vue ;
Mais à votre amour,
Je la rends en ce jour.
AZOR.
Air : C’est chez vous.
Quoi ! C’est vous
Qui m’inspiriez les transports les plus doux ?
865 Quoi ! C’est vous ?...
LA MARAINE.
Air : Vraiment ma Commère, oui.
Reconnaissez-vous ceci ?
Montrant l’autre mule.
PIERROT.
Vraiment, ma Commère, oui :
Tenez, voilà la pareille.
Quelle est donc cette merveille !
870 Je me perds dans tout ceci.
CHOEUR de M. La Ruette.
AZOR, CENDRILLON, LA MARAINE.
Aux plus tendres ardeurs,
Livrons, livrons nos cours
Livrons, livrons nos cours
Livrez, livrez vos cours
875 L’amour nous engage,
L’amour vous engage,
L’Hymen va nous unir,
L’Hymen va vous unir,
Quel plaisir ! Quel plaisir J
880 Toujours plus amoureux,
Serrons, serrons, les noeuds,
Serrez, serrez, les noeuds,
Qui vont nous rendre heureux !
Qui vont vous rendre heureux !
LES DEUX SOEURS.
885 Aux plus noires fureurs ;
Livrons, livrons nos cours ;
La honte, la rage,
Est notre partage ;
Ah ! C’est trop en souffrir !
890 Fuyons, fuyons ces lieux,
Et délivrons nos yeux,
D’un spectacle odieux.
CENDRILLON.
RÉCITATIF, par MONSIEUR LA RUETTE. N°1
Des rigueurs d’un cruel destin
Aurai-je toujours à ma plaindre ?
895 Des rigueurs d’un cruel destin,
Aurai-je toujours à me plaindre ?
Un faible espoir me luit ne vain,
Je n’en ai pas moins tout à craindre.
N°2
J’ai joui cette nuit du spectacle enchanteur,
900 Qu’étale aux yeux le cour la plus brillante.
Un prince à mes genoux exprimait son ardeur.
Il ne me reste hélas ! De toute ma grandeur
Qu’un souvenir qui me tourmente.
LA MARAINE.
N°3.
Ah ! Dans quel état je vous vois !
905 Ne cherchez point d’excuse.
Je devine aisément pourquoi
Vous n’avez point suivi ma loi.
Il est vrai ; j’en suis confuse.
Oh ! Vraiment je le crois, je le crois,
910 Mais pourquoi, mais pourquoi
Ce manque de foi, ce manque de foi ?
Fillette toujours raisonne,
Et n’écoute personne,
Quand on s’oppose à son penchant.
CENDRILLON.
915 Non, non ; c’est que, ma Bonne,
C’est que, ma Bonne,
Je n’ai pas pu faire autrement,
Je n’ai pas pu faire autrement.
LA MARAINE.
N°3.
Il fallait n’en croire que moi,
920 Il fallait mieux suivre ma loi.
CENDRILLON.
Il est vrai : mais ma folie
Est bien punie : un moment...
LA MARAINE. N°3.
Un moment fait effet ; on s’y plaît,
On s’en fait un amusement.
CENDRILLON.
925 Pardon, ma Bonne, Pardon, ma Bonne,
Je n’ai pas pu faire autrement.
Oui, oui. Pardon, ma bonne,
Je n’ai pas pu faire autrement,
Pardon, ma Bonne, Pardon, ma Bonne
930 Je n’ai pas pu faire autrement.
Air, par Mr de la Ruette. n°4
Je le sais bien,
J’ai tout perdu.
En moins de rien
tout a disparu :
935 Que le sort me traite,
S’il veut, sans pitié,
Non, non, je ne regrette
Que votre amitié,
Non, non, je ne regrette
940 Que votre amitié.
Air, par Mr de la Ruette. n°5
Les yeux vers moi tournés sans cesse,
Tendrement il me regardait,
Il me regardait ;
De ses regards la douceur et l’ivresse,
945 Et l’ivresse,
M’inspiraient ce qu’il ressentait,
M’inspiraient ce qu’il ressentait,
À mes côtés est une place,
Il s’en saisit ; Il s’enhardit,
950 Je m’attendrit, Je m’attendris,
Je veux le fuit, et je ne puis,
Je ne veux finir, et ne puis,
Je veux fuir et ne puis,
Je veux le fuit, et je ne puis.
955 Déjà mon trouble augmentait son audace,
Quand minuit sonna, Et tout finit là :
Déjà mon trouble augmentait son audace,
Quand minuit sonna,
Et tout finit là, tout finit là, tout finit là.
Air, par Mr de la Ruette. n°6
960 Amour, dont je ressens la flamme,
Épargne un faible cour qui se livre à tes coups,
Épargne un faible cour qui se livre à tes coups,
Les traits dont tu blesses mon âme
Sont-ils l’effet de ton courroux,
965 Sont-ils l’effet de ton courroux ?
Fais briller à mes yeux un rayon d’espérance,
Ou rends moi mon indifférence,
Mon sort me paraître plus doux.