MASCARADE DE LA FOIRE SAINT-GERMAIN
concert d’instruments, récit grotesque.
BAPTISTE et DU MOUTIER
ACTEURS §
- LA FOIRE SAINT-GERMAIN.
- UN BALAYEUR.
- UN BADAUD.
- UNE NOURRICE.
- UNE SERVANTE.
- TROIS RAMONEURS.
- LA CRIEUR DE RATONS.
- QUATRE PAGES.
- UN DANSEUR DE CORDES.
- DEUX MAURES.
- DEUX FILOUS.
RÉCIT DE LA FOIRE SAINT-GERMAIN. §
LE RÉCITANT.
1 2Beautés qui m’avez fait la cour
Dont je me tiens fort honorée,
Je viens vous la faire à mon tour
De mes plus beaux habits parée.
5 Je suis la Foire Saint-Germain,
Où vos beaux yeux avec leurs charmes ?
Et les filous avec leur main
Ont fait souvent de beaux faits d’armes.
Parmi mes plus hardis pipeurs
10 Il n’en est point qui ne vous craigne,
Tant vous avez pipé de coeurs
Dans le temps qu’a duré mon règne.
Je vous amène ici des gens
De qui les coeurs se laissent prendre?
15 Et qui font métier de marchands
Quand ils trouvent des coeurs à vendre.
Ceux que vos beaux yeux ont volés
Ne touchent pas leur convoitise,
Pour les vôtres, si vous voulez,
20 Ils mettront jusques à leur chemise.
PREMIÈRE ENTRÉE. Un Balayeur, représenté par Monsieur Séguier. §
UN BALAYEUR, aux dames.
Ô malheur du temps où nous sommes,
Je suis le plus adroit des hommes,
Et suis réduit à balayer :
Mais si vous voulez m’employer
25 Au charmant métier de vous plaire,
Vous verrez ce que je sais faire.
Si je n’en sors à mon honneur,
Ne vous fiez jamais au balayeur.
Un valet est de bon usage
30 À qui veut être proprement,
Je ne sache point d’instrument
Qui nettoie mieux un ménage ;
Si vous voulez avoir le vôtre toujours net,
3
Belles, prenez le mien pour votre cabinet.
DEUXIÈME ENTRÉE. Un badaud, une nourrice et une servante, représentés par Messieurs de Fercour, de Bourneuf et de Signieris. §
UN BADAUD, UNE NOURRICE et UNE SERVNTE, aux Dames.
35 Ne vous étonnez pas de voir notre ignorance,
Et nous voir éblouis parmi tant de beautés ;
Faut-il pas s’abaisser avecques révérence,
Et porter le respect à des Divinités.
TROISIÈME ENTRÉE. Trois ramoneurs, Deux orfèvres, représentés par Monsieur de Morfontaine et le sieur Verbec. §
Le signalement de la troisième entrée n’est pas faite dans l’original.
TROIS RAMONEURS, aux dames.
Bourges, cette ville frontière,
40 Que le Prince aime comme choux.
À des orfèvres tels que nous,
Qui chôment, faute de matière.
Belles Dames, qui nous voyez
Bien adroits et mal employés.
5
45 Fournissez, s’il vous plaît, de fournaise et l’enclume,
Mais surtout de riches métaux ;
Et nous vous fournirons, selon notre coutume,
Notre travail et nos marteaux.
QUATRIÈME ENTRÉE. Trois ramoneurs, représentés par les Sieurs Cormis, le Vacher et de Lorge. §
TROIS RAMONEURS, aux dames.
Beautés, qui triomphez et mettez tout à bas,
50 Laissez-nous ramoner toujours de haut en bas.
CINQUIÈME ENTRÉE. Une Mercière et un Crieur de Raton, représentés par les sieurs Du Moutier et Baptiste. §
LE CRIEUR DE RATONS, aux Dames.
Je suis illustre en mon métier,
Et l’on me tient dans mon quartier
Pour un faiseur de tartelette ;
Belles, si vous voulez en acheter de moi,
55 Ma marchandise est belle et nette,
Et vous y trouverez de quoi.
SIXIÈME ENTRÉE. De quatre Pages, représentés par Messieurs Séguier, Fercour, de Bourneuf et le Sieur Desers. §
QUATRE PAGES, aux dames.
Belles, dont le doux visage
Cache une extrême rigueur,
Qui gagnerait votre coeur,
60 Ferait un bon tour de page.
SEPTIÈME ENTRÉE. Un danseur de corde, représenté par le sieur Cormis. §
UN DANSEUR DE CORDE, aux dames.
Je n’aime que la paix, l’amour et la concorde,
Je danse bien dessus, et fais danser la corde.
HUITIÈME ENTRÉE. §
DEUX FILOUS, représentés par Monsieur de Mortefontaine et le sieur Verbec.
Objets si charmants et si doux,
Et vous, braves et galants hommes
65 Qui nous prenez pour des filous,
Savez-vous quels filous nous sommes ?
Nous n’attrapons pas seulement
L’argent des simples et des dupes,
Mais nous faisons également
70 Trembler les manteaux et les jupes ;
Prenez garde au sortir d’ici
Que la chose n’arrive aussi.
NEUVIÈME ENTRÉE. Deux Maures, représentés par Monsieur Séguier et le sieur Desers; et deux Égyptiens représentés par les Sieurs le Vacher et de Lorge. §
DEUX MAURES, aux Dames.
Beautés pleines d’appas,
Qui brûlez qui vous adore !
75 Au nom de Dieu n’allez pas
Nous traiter de Turc à Maure.