VERCINGENTORIXE
TRAGÉDIE.
OEUVRE POSTHUME du SIEUR DE BOIS FLOTTÉ, étudiant en droit-fil : suivie de NOTES HISTORIQUES de l’AUTEUR.

M. DCC. LXX.

[sans marque de privilège]
[sans marque d’achevé d’imprimé]

AVIS §

Le sieur de Bois-Flotté a couvert de fleurs le tombeau de l’Abbé Quille ; j’en ai jeté quelques uns sur le sien. Combine je dois me trouver heureux de voir ma destinée liée à celle de ces deux grand hommes ! Combien je dois m’applaudir du soin que j’ai pris de les rendre à la gloire : le succès inouï de l’ouvrage que j’ai mis au jour, assuré à son auteur le brevet d’immortalité que je n’avais point osé lui promettre. Ainsi, que l’on cesse dons de nous redire que les ressorts de l’esprit humains sont usés, que le bon goût se perd, que la raison s’affaiblit. Si ce feu que nous communique sa valeur vient à languir faute de nourriture, direz-vous que l’élément du feu a perdu de ses propriétés ? Au lieu de ce beau raisonnement, pendant lequel il pourrait s’éteindre tout-à-fait, vous lui fournirez des aliments faits pour se combiner avec sa substance, et dès lors il reprendra une nouvelle force et une nouvelle vie. Cette comparaison doit suffire pour prouver que le bon goût n’a jamais cessé d’exister et qu’il existera toujours tant qu’on saura lui fournir des objets dignes de l’entretenir et de le fixer. Mais ce succès, ces applaudissements, ces éloges, en assurant au public mon éternelle reconnaissance, me font un devoir de soumettre à ses lumières un ouvrage plus digne de lui être offert.

La Tragédie de Vercingentorixe est le fruit des veilles du sieur Bois-Flotté. Elle était sous presse, lorsque les Lettres ont eu le malheur de la perdre. Le manuscrit en est resté entre les mains de la comtesse Tation, qui a rassemblé avec l’exactitude la plus scrupuleuse les ouvrages de ce grand homme. Cette dame, qui s’est toujours fait un honneur de soutenir et d’encourager les Arts, ayant été témoin du succès de la pièce qu’elle m’avait confiée, a cru rendre un nouveau service au public, en m’envoyant cette tragédien qui avait recueilli plus d’un suffrage (j’ai joint ci-après la Lettre que cette Dame m’a fait l’honneur de m’écrire à ce sujet). Elle est précédée d’une préface et d’observations dramatiques de l’auteur. Il y a joint quelques notes historiques très instructives, et qui offriront au public plusieurs objets intéressants; Il avait aussi el projet de composer deux mémoires très importants : le premier sur l’Abbé Quille ; le second sur Silvie. Il voulait les remplir de découvertes nouvelles, et de recherches qui avaient échappé à tout le monde. Mais la tombe a tout enseveli avec lui. Sans cela on aurait pu avoir du reccueil de ses oeuvres un volume d’une certaine épaisseur. Malgré cela, on a cru devoir imprimer cette tragédie dans la même format que la première brochure dont on vient de donner une nouvelle édition, les autres ayant été épuisées par l’empressement prodigieux du public. On espère par ce moyen ne point déplaire à ceux qui n’attendent que le moment pour rassembles tous les ouvrages de l’auteur.

On a cru devoir écrire dans l’ancien style ce qui n’est accessoire à l’ouvrage, tel que l’avis, la préface, les observations dramatiques, les notes pour régler le jeu des acteurs, les notes historiques, etc, etc, etc. Il n’est pas indifférent aussi d’ajouter qu’on a suivi la méthode à laquelle de grands maîtres se sont assujettis. On a imprimé en lettres italiques, les mots qui indiquent le genre de style. C’est à dire, ces mots qui enrichissent et multiplient l’idée, en la présentant sous plusieurs formes différentes (Voyez la préface de la lettre à Madame la Comtesse Tation). On a employé les points... et les ,,,, pour l’usage ordinaire. C’est ainsi qu’on s’est fait une étude d’épargner au public tout le pénible de la lecture pour ne lui laisser que le plaisir : de même que l’amant passionné qui porte une rose à sa maîtresse n ôte avec soin les éipnes qui pourraient déchirer son sein.

LETTRE de MADAME LA COMTESSE TATION à l’EDITEUR en lui envoyant la tragédie du sieur de Bois-Flotté §

J’ai toujours le coeur gros [de tour], monsieur, depuis la mort du sieur de Bois-Flotté. Il n’est plus de fâte [de maison] pour moi : le moindre éclat [de rire] blesse mes oreilles [de soulier]. Pour peu que cela dure [comme du fer], il n’est point de voie [d’eau] que je n’emploie pour faire cesser l’humeur [froide] dont je suis. Si vous croyez avoir la faculté [de médecine] de me guérir, venez me tenir compagnie [de Houzards] ; mais c’est une cure [de village] au-dessus de vos forces. Tout me déplaît. Vous ne verrez plus sur mon visage, ni rouge[-gorge], ni mouches [cantarides]. Je ne quitte plus ma chambre [aux deniers], sous prétexte que j’ai envoyé mes chevaux au verd [de gris]; Si je peux me distraire avec des livres [de beurre], à peine mes yeux ont-ils parcouru deux pages [de la petite écurie], qu’ils ne voient plus, et je serais tentée de mettre sur mon nez une paire de lunettes [de commodité]. Enfin, l’autre jour, j’étais priée d’un bal paré [du demi-cercle] chez une belle blonde [reblanchie] de votre connaissance. Je m’y laissai entraîner par complaisance : comme je ne dansais point, on me proposa une partie [casuelle] que j’acceptai. À tout moment je jouais avant mon tour [de couvent]. Il y eut un coup [de poing] entre autres, où je crus mettre le roi de carreau [de vitre], et à peine avait-je lâché ma carte [sur les armes], que je vis que ce n’était que le neuf [du jour]. Mes distractions auront, je crois, été fort commodes [à dessus de marbre] pour ceux qui jouaient avec moi. Aussi ai-je perdu je ne sais combine de fiches [ton nez dans mon épaule]. C’était un piquet [de cavalerie]. Je ne jouais que trente fois [comme les gueux] la fiche [de la comédie], j’ai trouvé encore le moyen de perdre près de quatre-vingt francs[-maçons].

Cette malheureuse partie me rappelait à tout moment celle que je fis un jour avec l’Abbé Quille et ce pauvre Bois-Flotté. Il faisait une chaleur affreuse ce jour-kà, et comme je passais mon mouchoir sur mon cou, l’abbé qui m’avait déjà fait repic et capot plusieurs fois, me dit :cette fois-ci : Madame la Comtesse, vous ne direz point que vous essuyez [un vilain coup]. Quand ils étaient ensemble, ils étaient charmants. Un jour Bois-Flotté dinait chez moi. Après dîner, voulant écrire à une femme de mes amies je lui donnai la clef de mon secrétaire por aller ma chercher ce qu’il fallait. Il ne rapporta qu’une plume et du papier. Je lui dit : comment voulez-vous donc que j’écrive sans encre ? Madame, répondit-il en souriant : ne sais-je pas bien que vous avez [le cornet] ? Deux minutes après on annonça l’Abbé Quille qui venait le prendre pour aller, je ne ma rappelle plus où : comme il était en grand deuil, l’Abbé , qui ne s’attendait pas à le voir en pleureuse et en manchette de baptiste, commença par lui dire : il faut convenir, mon ami, que tu as bien l’air [d’un Saint-Jean-Baptiste]; Ils me comptèrent ensuite l’histoire d’un pauvre domestique qui étant à donner du cor le soir sur les boulevards, s’était pris de parole avec un soldat aux gardes, qui avait fini par lui plonger son épée [dans le corps], heureusement sans lui faire de mal. Mais ce qui me fit rire aux larmes, c’était Bois-Flotté en sortant qui voulait absolument se mettre sur le devant du carrosse de l’Abbé, parce qu’il prétendait que dès qu’on était assis dans une voiture on était toujours [sur le derrière]. Un autre jour, je les avais tous deux chez moi lorsqu’on vint annoncer Madame la Supérieure. Comme le carrosse était à moitié tourné pour entrer, passe un étourdi [en diable] qui nous accroche de manière que nous avons pensé être versé à plat. L’Abbé Quille se fâche et dit en propres mots au jeune homme : Monsieur, qui que vous soyez, sachez que Madame, est supérieure de ce Couvent : vous la prenez apparemment pour une soeur [converse] ?

C’était ainsi que nous passions la vie ; mais tous ces ressouvenirs ne font que redoubler mes regrets. Puisque les gens de lettres [majuscules] revivent dans leurs ouvrages, je vous envoie une tragédie du sieur de Bois-Flotté digne de l’état qu’il avait embrassé [sur le front]. Je vous prie de la faire imprimer. C’est une service [des morts] que vous lui rendrez, ainsi qu’à toute la famille, qui est composée d’honnêtes gens-[farine]. Il a un oncle pas bien loin de chez moi qui vit dans un petit château où il y a des tours de [Comus] et un colombier à pied [et à cheval] Il avait un cousin enseigne de vaisseau [capillaire] : un beau-frère qui fut tué dans une mine [de fèves] que l’on fit sauter et qui coûta la vie à presque tous les mineurs [émancipés]. J’espère, Monsieur, qu’il me sera permis de compter sur ous, et que je vous aurai à dîner un de ces jours, mais à condition que vous vous contenterez de la fortune du pot [de chambre]. J’ai quitté mon ancienne maison : je loge actuellement dans la rue [Barbe] , la seconde porte après la rue [Brique] tout vis-à-vis le cul-de-sac [et de corde]. Il y a un metteur en oeuvre [de chair] sur le devant.

On ne peut rien ajouter aux sentiments distingués avec lesquels je suis [à la piste], Monsieur, votre très humble et très obéissante servante,

La COMTESSE TATION.

PREFACE de L’AUTEUR. §

Si je pouvais être soupçonné de vanité, l’accueil sans exemple de la Nation, a honoré ma lettre à Madame le Comtesse Tation, me justifierait également aux yeux de mes amis et de mes ennemis. Quoi qu’il en soit, j’ai cru devoir consacrer à jamais les dons que j’ai reçus de la nature à la perfection d’un genre couronné par une prédilection si marquée. Je me suis attaché principalement à conserver partout la vrai style dramatique, et cette harmonie brillante de Racine, trop négligée de nos jours. Je m’imagine que le public voudra bine m’accorder ma grace, si je mets dans la bouche des mes héros des vers qui ne blessent pas les oreilles. Quelque soit mon goût pour la belle poédie, je lui en aurais encore fait le sacrifice, si content de travailler pour mon siècle, je n’aiavis pas cru devoir aussi mes soins à la postérités.

OBSERVATIONS NOUVELLES sur l’Art dramatique, et en particulier sur Vercingentorixe.

J’ai voulu être utile à ma patrie, et j’ai composé « Vencingentorixe ». J’ai pensé qu’elle venait avec plaisir sur la scène ces braves Gaulois de qui nous descendons. Mais je n’aurais pas rempli mon plan, si je n’avais pas su peindre que les égarement de l’amour et de la haine, les suites funestes de l’ambition et de la mollesse : et si je n’avais pas exposé aux yeux des spectateurs que le crime puni et la vertu triomphante, je serais resté loin du but avec Corneille, Racine, Crébillon, et Monsieur de Voltaire, je distinguerai cependant Crébillon, qui les devances de quelques pas dans cettte scène si tendre, ou Thyeste est près de boire le sang de son fils. Mais il s’arrête : il rend sa coupe. L’imagination du spectateur reçoit (si’l m’est permis de la dire) une saccade violente qui l’oblige à retourner sur ses pas, et le coup de théâtre est manqué. l’âme de Racine, mollement agitée par les peines, et les plaisirs de l’amour, ne connaissait pas ces élans sublimes ; mais son esprit plus sain l’éloignait toujours. Il le désigne évidemment par ces vers que Clytemnestre adresse à Agamamemnon.

Bourreau de votre fille, il vous reste enfin
Que d’en faire à sa mère un horrible festin.

Cependant le genre et le style de ces auteurs ont des partisans : l’habitude, les préjugés de l’éducation leur conserve encore des admirateurs. Je sens qu’il est temps de lever le bandeau qui couvre les yeux et de ramener l’esprit du public. Comme il y aurait bine des choses à dire là-dessus, je me propose d’employer quinze ou vingt ans à une poétique un peu meilleure que celle qu’on nous a données jusqu’à présent, et d’après laquelle il n’y aurait plus de question à faire.

SUITE des OBSEVATIONS DRAMATIQUES.

Le mot tragédie viet de deux mots gracs , bouc et chant, d’où on a fait le mot « Tragique » : c’est à dire « funeste » [Voyez le « Jardin des Racines grecques », page 19 de l’addition de plusieurs mots , etc. ]. Ainsi, plus une tragédie est funeste, plus elle a rempli son plan : et moins elle est terrible, moins elle approche de la perfection. Le sujet de ma pièce m’a paru se prêter à cette combinaison, et je l’ai choisi de préférence. Le titre seul de « Vencingentorixe », renferme je ne sais quoi d’effrayant et de sombre. Je ne cacherai point la source où j’ai puisé les beautés de ma pièce. Les « Commentaires de César » ont été très connus et les militaires les lisent avec plaisir. Les campagnes de ce grand capitaine y sont décrites avec une clarté et une vérité qui en impose. Vous croyez être à ses côtés dans ses marches et contremarches : vous le suivez aux attaques de villes, aux passages des rivières et des fleuves, vous l’entendez donner des ordres, vous voyez le signal de la retraite et du carnage. La réputation de cet ouvrage m’a déterminé à ne point choisir ailleurs le sujet de ma tragédie : et j’ai cru devoir le faire par les raisons suivantes.

Quant aux noms, ceux de Vercingentorixe, Catuat, Critognat, etc m’ont paru trop harmonieux pour entreprendre de les changer. Celui de Silvie demande quelque remarque à part. Ce personnage est entièrement de mon invention. Cependant, il es si bien lié au sujet, qu’on n’est point étonné de le voir. Je me flatte même que me lecteurs me sauront gré de l’avoir employé pour rendre la pièce plus intéressante, avec cela le nom de Silvie doux et flatteur à l’oreille, m’a paru contraster agréablement avec ceux de mes héros. Au reste, ceci n’est point une innovation ; Racine et nos grand maîtres ont quelquefois ajouté à des pièces tirées de l’Histoire des personnages de leur invention.

À l’égard du lieu de la scène, le public peut juger que je ne pouvais me dispenser de choisir Alexie, parce que voulant mettre dans ma pièce un conseil de guerre qui devait être troublé par l’arrivée de Silvie, il était plus naturel de la faire tenir dans le ville que dans un camp où je n’avais pu introduire une femme sans choquer la délicatesse de quelques personnes.

Quant aux événements, j’ai retranché ceux qui n’étaient point vraiment tragiques, pour en ajouter d’autres qui me l’ont paru davantage ; et je me flatte de ceux -ci de n’être pas resté au dessous de son modèle. Ce qui m’a fait recourir à cet artifice, c’est l’obligation que je me suis faite d’établir dans ma pièce un plan moral qui put offrir des instructions intéressantes à tous les ordres du militaire. Ainsi, j’ai cru devoir introduire sur la scène un simple soldat, pour que les sentinelles retirassent quelque profit de la représentation de ma tragédie. De même, si je faisais une comédie, je voudrais que toutes les chasses se la société civile y trouvassent des leçons, et j’aurais soin d’y faire paraître un moucheur de chandelles pour qu’elle ne fût point indifférente aux garçons de théâtre. D’ailleurs, un soldat n’est point un personnage épisodique : c’est lui qui détermine Vercingentorixe à s’éloigner de Silvie et voler sur les remparts.

L’amitié, l’amour et la tendresse fraternelle n’avaient point été représentés avant moi come ils pouvaient l’être, j’en ai fait le sujet de cette tragédie. Mais ce sujet, accompagné des circonstances dont j’ai cru devoir l’embellir, était peut-être difficile et plus dangereux qu’aucun de ceux qui sont au théâtre. Pour que ma pièce fit plus d’impression dans l’âme du spectateur, il fallait le surprendre ; ainsi les scènes les plus ordinaires devaient être traitées d’une manière toute nouvelle, et lorsque le fond était connu, il était indispensable qu’il fut neuf par les détails. Le récit même devait avoir une forme nouvelle. Comme tout se passe en action, s’il n’eut point fait partie de l’action, il l’aurait affaiblie. Il n’y avait donc qu’un parti à prendre. C’était de la mettre dans le bouche d’un des principaux personnages qui même serait prié de la faire. Ainsi c’est Critognat, qui à la prière de Vercingentorixe, l’instruit du sort d’Eporédorixe et de Convictolitan. Je ne sais si cet artifice paraîtra heureux.

Ce n’est pas tout : pour augmenter la surprise des spectateurs, Critognat qui doit faire le récit paraît tout ignorer. Il se met à table comme les autres. Il reçoit même dans son assiette un morceau du corps du malheureux Convictolitan son ami. Un calme profond paraît sur son visage et prêt à s’arracher la vie, il semble user avec les autres des tristes ressources qu’ils emploient pour ignorer la mort:

J’ai fait plus : j’ai voulu qu’il se frappât avec le couteau qui lui servirait à table,sans employer ni épée, ni poignard, afin que le spectateur le vît expirer sans se douter seulement du coup qui terminerait ses jours. C’est un moyen qui pourra ne pas plaire à tout le monde. Au reste, si des gens difficiles exigent absolument qu’il se tue avec un poignard, il est sensible qu’il en faudra pas de longs travaux pour parvenir à les satisfaire.

J’ai fait encore plus : j’ai feint que Vercingentorixe était frère de Convictolitan, ce qui n’est pas point dans l’histoire pour rendre plus horrible le moment où Critognat dévoilant tout cet affreux mystère, le roi s’écrie ; Ah ! Mon frère !

Enfin, voilà les ressources que j’ai cru devoir employer pour que ma tragédie fut vraiment terrible; La scène du repas où Silvie mange son amant, Vercingentorixe son frère, Catuat, Critognat, etc leur ami, le moment ou ces généreux gaulois sont étendus par terre mourants de leur propre main, celui où Silvie annonce qu’elle veut se laisser mourir de faim, me paraissent des moments de terreur tels que les athéniens les ont en vain désiré et tels que les français les désiraient avant ma pièce. C’est un article que je détaillerai d’une manière plus étendue dans la Poétique que je dois donner au public; mais que je serai peut-être forcé de lui faire désirer longtemps. Au reste, les auteurs tragiques pourront en attendant m’envoyer leurs ouvrages et je me ferai un vrai plaisir de les corriger selon les règles de mon art.

Pour être sûr de donner au public un bon ouvrage, je l’ai consulté lui-meêmn et par des lettres multipliées je suis venu à bout de la porter au point de perfection où il est aujourd’hui. J’ai remarqué que l’instant qui faisait couler le plus de larmes est celui où Silvie, inquiète du sort de Convictolitan, demande pourquoi on ne le voit point paraître. Pour calmer ses alarmes, Critognat dit ce mot terrible : « il va venir ». Le moment d’après on sert sur la table la corps du héros. J’avouerai que je regarde cet endroit de ma pièce comme le mieux fini et le plus pathétique ; Ainsi mes auditeurs étaient déchirés. Telle était l’impression qu’elle faisait à la lecture. Si mes lecteurs l’éprouvaient de même, ce qui n’est pas à présumer, tous mes voeux seraient comblés, m’étant toujours proposé de réunir dans ma pièce ce qu’on pourrait désirer de plus parfait sur tous les théâtres du monde.

La Mercure, le seul de tous les journaux qui ait le sens commun [j’en nommerais encore plusieurs autres], a parlé de mon style de la manière du monde la plus flatteuse et s’est cru forcé d’ajouter, que personne après moi ne pourrait aller aussi avant dans la « carrière brillante » que je commençais à parcourir. Un grand homme m’a comblé à ce sujet de tant de louanges, que je le soupçonnerais de s’être moqué de moi si j’étais moins sûr de mon mérite : les termes de sa lettre ne sont point faits pour être oubliés.

« J’ai lû votre ouvrage dans un joli cercle [de géométrie]... l’on comparait votre production [marine] à ces chefs d’oeuvres de l’art [jaune] qui ont fait l’admiration de nos pères [de l’église]. L’autre admirait le sel [de glaubert] répandu dans votre livre [de cerises] : un troisième louait [en chambre garnie] les graces [demi-nues] de votre diction et cette fuite de beauté [de la rue Saint Honoré], qui ravissent le lecteur à chaque pas [de Marcel].

Mais revenons à ma tragédie. Pour que toutes les situation de ma pièce fussent terribles, il fallait que la scène tendre entre Convictolitan et Silvie ne fut point éloignée de la catastrophe : ce contraste doit naturellement porter dans l’a^me du spectateur une horreur dont elle ne peut se défendre ; mais pour cela, le commencement de la pièce devait être sans amour ; rien n’était plus difficile ; le piquant de cette nouveauté m’a fait oublier les obstacles que j’avais à surmonter ; on verra si par-là j’ai ralenti la marche de ma pièce, et si les première scènes laissent quelque chose à désirer.

Je suis forcé de convenir que le personnage d’Eporedorixe est ce qui m’a coûté le plus ; il était de la plus grand difficulté à mettre au théâtre : si j’avais fait un personnage vertueux, l’ordre que donne Vercongentorixe de la faire périr, pour le manger ensuite, révolterait le bon sens et blesserait toutes les lois de l’humanité : si j’avais fait un personnage endurci dans le crime, on entendrait avec plaisir l’arrêt de sa condamnation, et cette situation ne serait point tragique. Pour me tirer de cet embarras lorsqu’il est accusé de trahison , il se contente de s’écrier : « Ah ! Seigneur ! ». On l’arrête; et il se laisse entraîner sans se plaindre de son sort, ni de l’inflexibilité de son général qui le condamne sans l’entendre : par là il laisse le spectateur incertain de son crime et son trépas fait même verser des larmes. Disons un mot de Cotus.

L’Histoire dit peu de chose de ce Corus ; tout ce qu’lle nous apprend de lui, c’est qu’il fut en rivalité avec Convictolitan pour la première place de sa république, et que ce dernier l’emporta sur l’ui. Dans une pièce où je me suis promis tant de fictions, j’ai cru devoir conserver à Cotus le caractère que l’Histoire lui donne, le public fera à portée de juger si ce caractère est soutenu comme il doit l’être et s’il se dément un instant.

Enfin, le but moral de cet ouvrage est de montrer jusqu’où peut aller la fidélité des sujets pour leur roi, des citoyens pour leur patrie, sentiments respectables que les Gaulois semblent avoir pour jamais transmis à leurs enfants. Si ce plan est rempli, je pourrais terminer ici une dissertation peut-être un peu longue, mais qui doit être justifiée par celle que nous lisons à la tête de quelques autres ouvrages immortels. Cependant, il faut prévenir les objections, répondre aux critiques, puisque c’est une nouvelle occasion de rectifier le goût que nos nouveaux docteurs ont trop égaré.

On me demandera peut-être pourquoi j’ai intitulé ma pièce Vercingentorixe, tandis qu’un autre de mes héros paraît avoir un rôle plus étendu ? Je leur dirai d’abord : vous avez lu ma pièce, ainsi vous avez du voir lequel des deux personnages est le plus considérable, si le rôle du roi est moins intéressant que celui du sujet ? Si cela est, je n’entreprends plus de me justifier : mais je croirai permis à mon tour de demander si dans « La Mort de Pompée », l’époux de Cornélie est le personnage le plus intéressant ? Si dans « L’Orphelin de la Chine », le héros qui donne le titre à la pièce s’y trouve dans les situations les plus touchantes ? D’ailleurs, si Vercingentorixe soutient jusqu’à la fin l’éclat de la majesté roayle, si les vers qui sont dans sa bouche peignent par leur noblesse et leur hamonie pompeuse, la grandeur de ce généreux prince, si le récit de critognat exprime par sa force et son énergie la courage et le zèle ardent d’un sujet, si l’on ne découvre nulle part aucun de ces défauts dont notre versification fourmille, le lecteur sans doute voudra bien ne pas me condamner.

Quant aux autres critiques, il faudrait pour y répondre renoncer à mes engagements. Je n’ai jamais vu l’envie de persécuter la mérite avec autant d’ignorance. Les uns disent que mon style n’est point le crai style tragique ; les autres, que le rôle de Cotus est d’un froid à glacer. Un de ces messieurs a osé dire que mes héros étaient trpo connus, pour qu’il ne fut permis de falsifier l’Histoire : mais c’est trop m’arrêtr à réfuter des platitudes ; il n(y a que des imbéciles qui puissent faire de pareilles critiques ; j’étais bien aise seulement de faire voir au public que je sais tout ce qu’il dit de moi. Finissons par un objet plus intéressant.

Malheureusement, de semblables discours font des progès dans l’esprit des auteurs. Dans le temps de ma lettre à Madame le Comtesse Tation, j’avais engagé les jeunes poètes à prendre mon style pour modèle et je me flattais d’être écouté : cependant tous les ouvrages qui ont paru depuis sont toujours dans l’ancien style : les arts vont tomber dans la barbarie, et lorsque je veux éclairer mon siècle, mes avis ont le sort des prédictions de Cassandre ; enfin, je crois ne pouvoir employer de ressources plus sûres pour détromper mes confrères, que d’exposer ici une lettre que j’ai reçu d’un caporal des gardes suisses qui m’écrit à ce sujet au nom de tous ses camarades. Puisqu’il y a quelques temps que je l’ai reçue, on ne dira pas que l’amour-propre me la fait publier. La voici.

« Le bruit de tambour de votre ouvrage [à corne] a retenti jusqu’à nos oreilles [d’âne], Monsieur. Jugeant par le rapport [d’expert], qu’il est sans prix [d’arquebuse], nous n’userons point de détour [de rue] et nous nous adresserons à vous pour l’avoir de la première main[-levée]. Au reste, [fils d’Agamemnon] votre jugement [dernier]vous fera voir que nous sommes [d’argent] de votre connaissance littéraire, puisque nous parlons votre même langue [de carpe]. Nous osons vous faire la demande de votre oeuvre [de Marguillier]. De ce service [damassé], nous vous aurons une obligation [ar devant Notaire] qui ne finira qu’avec la vie. »

Sans doute, il est difficile de ne pas se rendre à des témoignages aussi authentiques ; ainsi j’espère que nous allons voir nos jeunes auteurs s’empresser sur la route que je viens de frayer. Si j’ai pu créer le vrai style et le vrai genre tragique, pourquoi ne jouiraient-ils pas du fruit de mes travaux ? Puissé-je ne pas former un vain espoir ! Et puisse la tragédie s’élancer d’un vol rapide au-delà des bornes étroites où le mauvais goût la tient encore resserrée.

AVERTISSEMENT §

On trouvera dans cette préface quelques anachronismes. Le sieur de Bois-Flotté y parle de son ouvrage, comme s’il eut été donné de son vivant. La public sera peut-être étonné qu’il ait fait une faute aussi considérable : je me réserve le soin de la justifier dans une dissertation importante que je donnerai sur ce sujet.

NOTES HISTORIQUES §

Les commentaires de César vont encore me servir de guides dans les notes qui suivent. Ce héros, après avoir remporté plusieurs avantages sur l’armée gauloire, avait contraint Vercingentorixe à rassembler les débris de ses troupes dans Alexie, dont il vient à l’instant former la siège. La premier soin du général assiégé, fut de détacher sa cavalerie pour rassembler des secours. Telle est la situation d’Alexie dans ma tragédie : mais le moment où elle commence est ainsi décrit par César.

 »Il qui Alesias obsidebantur, practicura die quâ suarum auxilia expectaverunt, consumpto omni frumento, inscii quid in Acdius generetur, consilio coacto de exitu fortnarum fuarum consultabant ac variis dictis, sententiis, quarum pars, deditionem : pars, deum vires suppeterent, eruptionem censebant ; non practerunda videtur oratio Critognati propter ejus singularem ac nesarias crudelatarem.

Il rapporte ensuite la discours de Critognat, que j’ai traduit presque mot pour mot dans les endroits les plus énergiques. Les auteurs à qui le latin n’est pas familier, pourront également suivre le plan de ma tragédie dans l’admirable histoire du Père Catrou. Par-là, tout le monde sera à porté de connaître avec quelle adresse et quel ménagement un poète doit employer les fictions dans les sujets tirés de l’Histoire, et en même temps avec quelle hardiesse il peut les entendre et les prodiguer lorsqu’elles ne blessent point les règles du théâtre et qu’elles ne choquent point la vraisemblance.

Amis, vous dont l’esprit est plus mûr [mitoyen].

Vercingentorixe, à la fleur de l’âge, réunissait la qualités d’un roi, les vertus d’un citoyen et les talents d’un général. Né dans le sein d’un état libre, ses compatriotes l’avaient nommé leur roi et lui avaient confié le commandement général des troupe. Les soldats qui combattraient sous ses ordres, défendaient chacun leur cause particulières, leurs foyers et la liberté. Mais son mauvais destin lui avait donné César pour ennemi ; il fut vaincu, après avoir épuise toues les ressources de son courage et de son génie. J’ai pensé qu’un jeune prince , environné des officiers généraux qui l’ont porté sur le trône et occupé à rassembler leurs avis pour le soutien de la cause commune, offrirait un spectacle intéressant por tous le speuples de l’univers.

Non, tout n’est pas perdu, j’ai pour moi les Boyens, etc.

Cet endroit semble demander une explication : pour avoir une parfait idée de cette belle camapgne de César, il n’est pas inutile de jeter un coup d’oeil sur les précédentes.

Les Suessiones ayant nommé Galba leur génralissime, les Attribiates et les Ambianois vinrent se ranger sous ses enseignes à l’exemple des Moriniens et des Minapiens. Bientôt les Calétiens, les Vilocasses et les Veromanduens, vinrent grossir son armée ; et les Aduatiques, les Condrutiens et les Ebruons sachant que les Cérèses et les Pénans avaient suivi son parti, l’acocmpagnèrent au siège de Bribas, pendant que Divitiac ravageait la pays des Allobroges. Mais César victorieux vint assiéger Noriodun et Brantuspance se rendit à lui. Ses lieutenants en même temps soumettaient les Vénètes et les Unelles, trop mal défendus par les Osmiens et les Curiosolits, à qui les Surésiens, les Aulerques et les Rhédonois avaient promis de plus puissant secours. De son côté Crassus vainquit Tarbelles, les Bigerriens et les Préciens : et les Vocates, les Tarusates et les Elusates ne se défendirent pas mieux que les Garites, les Ausciens et les Garumnois ; ni ceux-ci mieux que les Sibuzates et les Cocozates. César eut le même succès sur les Tenctires et les Usipètes. Mais Ambiorixe et Cativulce, à la sollicitation du Trévirois Induciomare, se soulevèrent et vainquirent Cotta. César fut informé de cet échec par un esclave gaulois, nommé Vecticor.

L’année d’après, il ne se passa rien de remarquable que la révolte d’Accor. Mais la campagne suivante est à jamais mémorable par la belle défense de Vencingentorixe, assiégé à Alexie. On peut aisément concevoir actuellement avec quel empressement les Eduens, les Ambivaretes et les Brannoviens vinrent le secourir, aussi bine que les Cadurus, les Gabeles et les Vélaures ; ce qui décida les séquanes, les Bituriges et les Xantons, par conséquent les Ruthéniens, les Carnutes et les Andes, et surttout les Lémorices, les Pictons et les Turons, ainsi que les Suessions, les Médiomatrices et les Pretocoriens, de même que les Nerviens, les Nitiobriges, les Aulerques et les Cénomans, par les même raisons ques les Attrébates, les Bellorasses et les Ebutorices qui naturelllement devaient suivre l’exemple des Rautaques et des Boiens, qui en cela ne faisaient qu’imiter les Armorites et les Rhédons, à qui les Ambilares et les Calètes avaient dejà montré leur devoir.

Sur nos forts [de la Halle], et sur nos tours [de mains].

On ne sera peut-être pas fâché d’apprendre ici une particularité de ce siège, qui pensa sauver la ville. César ayant fait transporter un bélier pendant la nuit sur le haut de la montagne, entreprit de faire brèche à une tour de la citadelle, d’où les assiégés incommodaient considérablement ses troupes. Après de fréquentes secousses, la tour s’écroula dans un fracas épouvantable ; mais chaque pierre du bond qu’elle fit en tombant, vint se replacer à l’endroit où elle était auparavant de manière que la tour presque aussitôt rétablie qu’abattue.

Cet événement, quelque naturel qu’il soit, n’en fut pas moins regardé dans Alexie comme un prodige, et c’est peut-être ce qui inspira à ses défenseurs cette constance inébranlable qui les soutint dans les plus cruelles extrémités.

César fait dans le camp doubler les gardes [fous].

Ce grand capitaine ayant su les préparatifs de l’ennemi, prévoyant que lui-même allait être assiégé dans osn camp, mit tout en oeuvre pour le défendre. Voici comment le Père Catron décrit les soins et l’activité de César dans son excellent morceau d’Histoire de la République Romaine.

« Outre le double fossé dont il environna le terre-plein fraisé et palissadé dont il borda les fossés, et outre les tours qu’il y disposa par intervalles, il fit creuser en avant des trous remplis en dedans de pieux pointus et couverts d’un peu de gazon, pour servir de pièce à ceux qui voudraient approcher. »

Seigneur, je voudrais bien vous celer [et brider]
Que ...

Le personnage de ce soldat offre aux rois de grandes leçons : tels sont les hommes à qui la fortune confie quelquefois la destinée de leurs états. Quoique cette aventure ne soit pas au nombre de celles qui ont rendu ce siège si fameux, elle n’en est pas moins historique.

J’ai dit plus haut, que César deux ans auparavant ne sut la défaite de cotta que pas un esclave gaulois nommé Vertican qui était à son service. J’ai pensé qu’il me serait permis de prêter à mon soldat le même zèle et la même générosité qui avaient décidé Vertican. D’ailleurs, la morale que les sentinelles pourront en retirer, sera sans doute beaucoup plus pure. Vertican servait son maître et trahissait sa patrie, au lieu que mon soldat sert à la fois son prince et son pays.

Madame pardonnez, je souffre [d’allumettes] etc.

C’est aussi l’occasion de rendre justice encore à la mémoire de Vercingentorixe. On ne saurait trop admirer avec quelle générosité il sacrifie des instants agréables pour s’exposer à des dangers certains. Quoique cette circonstance ne soit pas historique, elle était cependant nécessaire pour peindre l’âme de mon héros. C’est mettre en action ses vertus. En effet, ce prince occupé entièrement du sort de sa patrie, ne consacrait aucun de ses moments au besoin des voluptés : il se méfiait même de l’enjouement du plaisir. On peut dire de lui, que c’était l’homme de son siècle le moins partisan de l’intérêt personnel.

Oh ! Cessez d’arrêter mes pas [de rigaudon].

Cette scène est d’un genre tout neuf, mais elle était de la plus grande délicatesse à manier. Aussi je ne l’aurais pas risquée, si elle n’avait été nécessaire à la marche de ma tragédie. Cependant elle n’est pas sans beauté : et le public jugera si je me suis tiré avec adresse d’un pas aussi embarrassant.

On a dit qu’il eut été plus beau que Convictolitan oubliant son amour, eut suivi son roi sur les remparts. Cette objection paraît juste ; mais en même-temps, il fallait considérer que Silvie aurait été seule longtemps, et qu’ainsi j’aurais été obligé d’étendre beaucoup ce monologue, ce qui aurait été déplacé parmi les coups bruyants de théâtre qui soutiennent l’intérêt de ma pièce, il fallait donc qu’elle fut quelque temps en scène avec un des personnages. Il était plus piquant de la faire rester avec son amant ; mais en même-temps il fallait sauver la gloire de Convictolitan : ce qui n’était pas aisé. Voyez les moyens que j’ai pris, lorsqu’il sort du Palais avec le Roi, Silvie le rappelle ; il cède à ses prières, il revient pour s’éloigner d’elle une seconde fois. Enfin, Silvie a recours à la colère, moyen plus puissant que les larmes. La crainte de perdre les femmes intéresse plus l’amour-propre des hommes que le bonheur de les attendrir. C’est ce qui lui fait dire à Convictolitan : « Pars [de gâteau], cruel ». Ce mot le retient et le spectateur conçoit qu’il puisse alors oublier ses devoirs. Mais, à l’arrivée imprévue de Critognat qui vient dévoiler sa faiblesse, comme un autre Renaud il brise les liens de fleurs qui l’enchaînent et vole au combat après avoir fait à Silvie ces adieux touchants qui justifient dans ce moment sa généreuse absence. J’avouerai malgré moi que je me trouve heureux, mais très heureux d’avoir pu filer cette scène avec autant de succès précisément le temps dont j’vais besoin, sans me rapporter à toutes ces objections ridicules qui naissent dans de faibles cerveaux et disparaissent devant le génie. D’ialleurs c’était un beau champ pour développer agréablement l’origine de la galanterie française.

Le même garde[-meuble] à côté du héros,
Met la tête [de clou] de l’auteur de nos maux.

Je me flatte que cette catastrophe paraîtra neuve à mes lecteurs, et que Sophocle, Eurirpide, etc ne leur offriront nulle part une semblable : je me suis bien gardé d’en parler dans ma préface, afin de leur laisser le plaisir de la surprise, mais c’est comme on dit reculer pour mieux sauter, et je vais prendre ma revanche dans cette note, qui d’ailleurs sera on ne peut plus dramatique.

On conçoit qu’il fallait employer des ressorts nouveaux pour le dénouement d’une tragédie qui servira de modèle aux auteurs de mon siècle, et même des siècles à venir, mais que de difficultés j’avais à surmonter ! J’ai désigné plus haut les ressources que j’ai mises en oeuvre, pour rendre plus tragique l’instant où Eporédrixe est condamné ; mais si l’arrêt de sa mort avait été exécuté à la lettre, cette catastropphe aurait été sans effet, parce qu’elle aurait été présentée par le spectateur dès le commencement de la pièce : il fallait donc pour la perfection du dénouement, que le héros de ma pièce le plus aimable et le plus aimé, subit le sort du personnage le plus odieux et le plus détesté ; mais le moyen de s’y méprendre ! Si j’avais voulu noircir sa vie et rendre l’honneur au traître Eporedorixe ; j’aurais attiré sur moi l’indignation du spectateur ; on conciendra que jamais poète tragique ne s’est trouvé dans une situation aussi délicate. Voici donc le parti que l’ai pris.

Je suppose que Convictolitan est tué dans une sortie, et que César ayant appris la mort d’Eporedorixe et le triste sort réservé à sa dépouille mortelle, veut en tirer une éclatante vengeance : pour cela il a recours à la ruse le plus insigne que l’esprit humain ait inventé ; il faut trancher la tête de Convictolitan et d’Eporedorixe, fait mettre le cadavre de l’un près de la tête de l’autre ; de manière que les gaulois en allant reconnaître leurs morts, trouvent la tête de Convictolitan près d’un corps qu’ils croient être le sien et qu’ils honorent par de magnifiques obsèques, tandis que le tronc du héros auprès duquel on a placé secrètement la tête d’Eporedorixe, est mis en pièces et dévoré ensuite par ceux dont il était l’ami, le frère, l’amant.

C’est ainsi que César est supposé se venger par les mains de ses ennemis même ; et c’est ainsi que je donne au dénouement de ma pièce un appareil théâtral et un intérêt qui doivent en imposer la postérité la plus reculée.

ERRATA §

Page 11, ligne 4, « un vilain coup », lisez « un vilain cou ».

Ibid. ligne 15, « la cornet », lisez le « corps net ».

Ibid. ligne 23, « d’un Saint-Jean-Baptiste » lisez, « d’un singe en baptiste ».

Ibid. ligne 27, « dans le corps », lisez « dans le cor ».

Page 12, ligne 3, « sur le derrière », lisez sur le derrière.

Ibid. ligne 12, « diable », lisez diable.

Ibid. Ligne 18, « soeur conserve », lisez « soeur qu’on serve ».

PERSONNAGES. §

  • VERCINGENTORIXE, généralissime des Gaulois, élu roi des Arvernes.
  • CATUAT, officier-général de l’armée Gauloise.
  • CONUTODUN, officier-général de l’armée Gauloise.
  • CRITOGNAT, officier-général de l’armée Gauloise.
  • CONVICTOLITAN, officier-général de l’armée Gauloise.
  • COTUS, officier-général de l’armée Gauloise.
  • ÉPORÉDORIXE, officier-général de l’armée Gauloise.
  • SYLVIE, princesse aimée de Convictolitan.
  • UN SOLDAT.
  • GARDES.
La scène est dans Alexie.
Le théâtre représente le palais de Vercingentorixe.

SCÈNE PREMIÈRE. Vercingentorixe, environné de ses officiers, tient un conseil de guerre, Conutodun, Catuat, Convictolitan sont assis à sa droite, Éporédorixe, Cotus et Critognat sont assis à sa gauche. §

VERCINGENTORIXE.

Dans ces lieux à l’anglaise, où ma voix vous amène,
1
Il faut de nos malheurs rompre le cours la reine.
Amis, vous dont l’esprit est plus mûr mitoyen,
Donnez-moi des conseils dignes d’un citoyen ;
2
5 Et surtout de droguet, dans nos vertus antiques,
Rétablissons le sort de mes sujets lyriques.
Non, tout n’est pas perdu, j’ai pour moi les Boyens,
Les Pictons, les Turons et les Prétocoriens;
Et j’ai su que bientôt, aidés des Lémovices,
10 Les Xantons s’uniraient aux Médiomatrices.
Avec moins de secours et de bras de fauteuil,
Des Romains autrefois je creusai le cercueil.
3
Je sues comme un cochon résister à leurs armes,
4
Et je pues comme un bouc dissiper vos alarmes,
15 Pensez-vous que César les voyant approcher,
Ose continuer le siège du cocher ?
Parlez, Conutodun ; vous Éporédorixe,
Vous répondrez ensuite à Vercingentorixe.

CONUTODUN.

C’est à mon chef Saint-Jean que ma bouche de four
20 Ose dévoiler tout de point en point du jour.
Je sais bien viager que le secours approche,
Mais nos remparts détruits, nos forts, nos tours de broche
Nous instruisent assez qu’après mille hasards,
L’ennemi de nos champs s’est rendu maître ès-arts.
25 D’où peut naître, Seigneur, l’espoir qui vous console ?
5
Nous mangeons des chevaux tous crus sur leur parole,
Des souris gracieux et des rats de Saint-Maur,
6
Secours vain de Bourgogne aux portes de la mort,
Avant que l’ennemi puisse monter en graine
30 Sur nos murs ébranlés qui subsistent à peine,
Sur nos forts de la halle et sur nos tours de main.
Il faut le prévenir par quelque effort de rein.
Usons du droit canon que le temps peut permettre;
Confondons cette nuit leur adresse de lettre,
35 Et ne leur faisons point de quartier de soulier,
Périssons ou vengeons les Gaules d’écuyer.

ÉPORÉDORIXE, avec embarras.

C’est mon avis, seigneur, et mon coeur de laitue...

VERCINGENTORIXE.

Vous, Catuat, parlez.

CATUAT.

Seigneur, ce point de vue
Mérite un examen plus clair de procureur;
40 Le secours ne vient point et César est vainqueur;
Le meilleur parti... peut-être est de se rendre.

CRITOGNAT, vivement.

Vous, Catuat, ô ciel ! seigneur, daignez m’entendre;
Non, je ne puis souffrir ni ce plan de maison,
Ni le noble dessein à la mine de plomb,
45 D’attaquer les Romains dans leur poste royale.
Ce dernier me plairait ; mais dans le fond de cale,
Si nous y périssons, c’est en vain frelaté
Que nous voulons sauver de la captivité
Et nos enfants trouvés, et nos femmes de chambre;
50 Et César parvenant à ses fins comme l’ambre,
À la patrie entière imposera ses lois.
Or moulu, quel sera le perfide Gaulois,
Dont l’âme de soufflet assez basse de viole
Recevra des Romains pour ses maîtres d’école ?
55 Attendons le secours, il n’est pas loin de nous :
César fait dans son camp doubler les gardes fous.
Loin de nous attaquer, il songe à se défendre;
À de grands coups de fouet il a l’air de s’attendre.
Si la faim nous assiège et trompant nos efforts,
60 De nos corps de logis affaiblit les ressorts,
De nos pères de bas imitons la constance,
Dévorons les soldats qui dans leur défaillance,
Ne sont que pour la montre à répétition.
Par là bémol, seigneur, du destin d’Ilion
65 Nous sauverons ces murs ; et des prêteurs sur gage
N’aurons pas de Calais le flatteur avantage
D’asservir sous leurs lois un peuple généreux,
Et sur le sol dièse où régnaient vos aïeux.

CONVICTOLITAN.

Oui, nous sommes, Seigneur, si bas de Ségovie,
70 Qu’un remède d’eau chaude utile à la patrie
Ne peut trop s’acheter.

VERCINGENTORIXE.

Eh bien ?

SCÈNE II. Les Précédents, Sylvie. §

SYLVIE, entrant précipitamment.

Ciel ! de mon lit,
Prenez garde malade, ô prince ! On vous trahit :
C’est Éporédorixe.

ÉPORÉDORIXE.

Ah ! Seigneur !

SYLVIE, avec véhémence.

Oui, barbare,
Tu croyais m’abuser par ton air de guitare;
75 Mais plus que toi, Sylvie est adroite en entrant.

VERCINGENTORIXE.

Qu’à nos corps épuisés il serve d’aliment :
Soldats, obéissez à mon ordre ionique;
Qu’on apporte en ces lieux ma table alphabétique.

SCÈNE III. Les précédents, un soldat. §

LE SOLDAT, à Vercingentorixe.

Seigneur, je voudrais bien vous celer et brider
80 Que...

VERCINGENTORIXE, lui parle à l’oreille, ensuite il dit :

Cours de botanique, et fais tout décider.
À Sylvie.
Madame, pardonnez, je souffre d’allumette,
En m’éloignant de vous, mais l’état de mes dettes
Dans sa chute de reins se repose sur moi ;
Il est bien temps d’arrêt de lui montrer son roi.
Il sort suivi de ses officiers et Convictolitan reste le dernier.

SCÈNE IV. Sylvie, Convictolitan. §

SYLVIE, rappelant Convictolitan prêt à sortir avec les autres.

85 Cher Convictolitan !

CONVICTOLITAN, se retournant.

Ô ma chère Sylvie !
Je vole dans la poche au secours d’Alexie.

SYLVIE.

Qu’avez-vous au plus fort ? Assuré d’être aimé,
Vos yeux, ces si beaux yeux, sont éteints rétamé;
Vous n’avez plus cet air serein de Canarie.
90 Quoi ! vous me préférez votre ingrate patrie ?
Ne peut-on vivre heureux sans elle de dindon ?

CONVICTOLITAN.

Ah ! Cessez d’arrêter mes pas de rigaudon;
Je vois trop de cheval ce qui cause vos peines;
Mais ce sang de marron qui circule en mes veines,
95 Doit couler pour la ville où je suis né morveux.

SYLVIE.

Va, nous savons de Naples où tu portes tes voeux ;
Pars de gâteau, cruel ! Laisse-moi.

CONVICTOLITAN.

Non, Sylvie ;
Votre coeur d’opéra fait toute mon envie :
Je méritais plutôt d’être plaint comme un oeuf :
100 Pourquoi ce ton salé ? prenez un air de boeuf.
Qui ne redouble point mes maux à double entente.

SYLVIE.

Pardonne au feu grégeois dont brûle ton amante :
Hélas ! je sens mauvais ce que tu fais pour moi.

CONVICTOLITAN.

Voulais-tu m’éprouver ?

SYLVIE.

Non propre.

CONVICTOLITAN.

Eh bien ! Pourquoi
105 Souiller nos noeuds coulants par une erreur cruelle ?
Notre chaîne de montre est si forte et si belle !
Tu me seras toujours chère de professeur :
Oui, toujours.

SYLVIE.

Je t’entends, j’admire ta valeur;
Ne soit point de côté dans la froideur stoïque,
110 Tout parti par le coche est toujours héroïque,
En épurant l’amour et son flambeau d’argent.
Dans la guerre le sort nous trompe d’éléphant,
Et nous joue avec presse : ainsi que notre flamme
Soit le coeur de ton coeur et l’âme de ton âme;
115 L’État peut employer d’autres mains de papier,
Et dans le sein des arts de ce siècle grossier,
Nous vivrons tous les deux à l’abri champenoise.

CONVICTOLITAN.

Je ne puis très profond vivre sans toi d’ardoise :
Mais ne dois-pas rendre un compte de Grécourt
120 De la place de fiacre on m’a nommé la cour ?
Sans ce triste devoir je sécherais tes larmes,
J’épargnerais mes jours, et par cent héros d’armes,
Il serait répété que Convictolitan,
Las d’amour de chercher un trépas éclatant,
125 Eut la force de corps de préférer la vie
Pour être de raison aussi grand que Sylvie.

SCÈNE V. Les précécent, Critognat. §

CRITOGNAT, l’épée à la main, et couvert de sang comme un homme qui sort du combat.

C’est trop livrer vos coeurs à ce combat naval;
L’amour dans ce héros est un vice-amiral,
Lorsqu’il doit de la main défendre sa patrie.
130 Viens, Convictolitan.

CONVICTOLITAN, à Sylvie.

Vous venez de l’entendre...
Je te suis, Critognat... Dieux !

SYLVIE.

Tu n’oublieras pas
Ta maîtresse à chanter dans l’horreur des combats ?

CONVICTOLITAN.

L’amour va m’y conduire, et par sa main divine,
Ton image en mon coeur sera peinte ou chopine.

SYLVIE, avec transport.

135 Je suis remise au mois par cet espoir charmant.
Adieu...

CONVICTOLITAN.

Je pars...

SYLVIE.

Eh bien !

CONVICTOLITAN, les larmes aux yeux.

Sylvie !...

SYLVIE.

Ah ! Quel moment !
Convictolitan sort entraîné par Critognat ; Sylvie reste seule.

SCÈNE VI. §

SYLVIE.

Pendant le monologue les gardes disposent la table du festin.
Ah ! Nous attendrissons les cieux de mon carrosse.
Quel serait l’avenir, si le présent de noce
Nous réduit solitaire à tant d’affreux tourments...
140 Jette un coup d’oeil de boeuf sur deux tendres amants !
Les mêmes traits de cuir, puissant maître du monde,
Ont ouvert de ton coeur la blessure profonde,
Lorsque tu vins d’Arbois sur ces bords de chapeau,
Déposer en justice un précieux fardeau,
145 Et que la belle Europe interdite, tremblante,
Mit le comble du toit à la ruse innocente...
Cher Convictolitan, tes derniers mots de rein
Ne sortiront jamais de mon esprit de vin.
"Ton image en mon coeur sera peinte ou chopine. "
150 Ah ! Crois de Saint-André, que cette ardeur divine
7
A dans mon sein patron nourri les mêmes feux...
Mais ces gardes mangers que font-ils en ces lieux ?
Je vois les apprêts tout de ce festin barbare.
Quel est le coup de pied que ce moment prépare ?
155 Une secrète horreur me glace au chocolat...

SCÈNE VII. Vercingentorixe, Critognat, Conutodun, Catuat, Cotus, Sylvie, Gardes. §

VERCINGENTORIXE, à Sylvie.

Princesse, il fut un temps où les grâces d’état,
Les ris de veau jouaient autour de ma couronne.
Les jeux de main alors embellissaient mon trône
Il plut à verse aux dieux de m’enlever ces biens...
160 Hélas ! Sans eux brouillés que peuvent les humains ?
Aux soldats.
Vous, soldats, avancez la table des matières.
On avance la table vers le milieu du théâtre.
C’est votre place aux veaux.
Tout le monde s’assied.
Oublions nos misères.

SYLVIE.

Mais Convictolitan ne paraît point fermé.
À part.
Je tremble.

CRITOGNAT.

Il va venir.
On sort.
À part.
Je reste inanimé !...

VERCINGENTORIXE.

165 Voici ce corps de chasse où logeaient tous les vices.
Consolons-nous, amis, reprenons nos sens suisses.
En servant Sylvie.
Vous, Madame, damée.

SYLVIE.

Ah ! Seigneur.

VERCINGENTORIXE, en servant Catuat et les autres.

Catuat...
Cotus... Conutodun...

CONUTODUN.

Ah ! Prince.

VERCINGENTORIXE, en servant Critognat.

Critognat...
Tout le monde mange, excepté Critognat.
Dieux ! Je sens fermenter la brûlante amertume...
170 L’amour dans ces plats pieds est-ce ton sang qui fume
Hélas ! Sous ces couteaux tranchants du grand seigneur
Si ces lambeaux épars... O soupçons pleins d’horreur !

VERCINGENTORIXE.

Eh quoi ! Je participe à vos vives alarmes,
Et ne puis souterrain commander à mes larmes...
175 Critognat ne dis rien...

CRITOGNAT.

Je pense mon cheval.

VERCINGENTORIXE.

Romps en visière, ami, ce silence fatal.

CRITOGNAT.

Je voulais vous cacher une action des fermes,
Qui pourrait accabler les âmes les plus fermes;
Vous l’ordonnez, seigneur, je me livre tournois :
180 Écoutez Critognat... pour la dernière fois.
L’ennemi déployait ses enseignes à bière,
Par bandes de billard couvrait la plaine entière.
Il semblait dédaigner ces lignes à pêcher :
En marchant de bijoux je le vois s’approcher.
185 Ah ! Pardonnez, seigneur, à ce soupir de croche,
Vous savez qu’il nous a menés battant de cloche :
Tous nos meilleurs soldats sont pris de version,
Ou taillés de la pierre en pièces de gazon.
Et Convictolitan, ce prince sage femme,
190 Dont mille vertus bleu décoraient la grande âme,
Ce héros qui parait votre cour à fumier,
Tombe percé d’un coup de lance du panier :
Je veux le secourir... vains efforts de poitrine,
À d’autres coups de vin son malheur le destine.
195 Dieux ! Son sang de piquet coule à gros bouillons blancs
Par terre d’opéra les chardons dégoûtants
En sont teints bourgeonnés... Un soldat dans sa rage,
De Mars, avril, mai, juin, vient consommer l’ouvrage;
Sans tête à tête, hélas ! ce prince infortuné
200 Expire... Le Romain, d’un revers galonné
La sépare du tronc pour les pauvres malades...
Retourne dans tes murs, retourne les salades,
Ajoute-t-il... Je crie : Arrête, lâche, un pet,
Ou je vais te percer de ce fer à toupet...
205 Un ordre de César commis à la barrière
Au zèle du soldat qui porte de derrière
La tête du héros près du corps de logis
Du traître dont par vous les jours furent proscrits.

VERCINGENTORIXE.

Ami, tout mon courage est à bout de chandelle.

SYLVIE, fondant en larmes.

210 Ah ! b, c, d...

CRITOGNAT.

Seigneur, la suite est plus cruelle.
Le même garde meuble à côté du héros,
Met la tête de clou de l’auteur de nos maux,
Pendant jusqu’aux talons cette scène sanglante,
On préparait déjà cette pompe aspirante
215 Que l’on croyait devoir à ses mânes d’osier.

SYLVIE, dans le dernier accablement.

Oh ! p, q...

CRITOGNAT.

J’avais bien juré comme un charretier
Mais c’était en vain points d’arrêter un échange,
Devant causer tout haut quelque méprise étrange,
Les Romains furieux m’ont empêché mortel,
220 De mettre fin canine à leur dessein cruel;
De façon de l’habit que le traître s’énivre
Des honneurs qu’en ces lieux on rend aux morts de cuivre.
Et que sa cendre chaude est couverte de pleurs...
Et dans ces plats pays... Ô comble des horreurs !

VERCINGENTORIXE, vivement.

225 Dieux ! Convictolitan !

CRITOGNAT.

Oui, Seigneur.
Il se tue avec le couteau qui lui servait à table.

VERCINGENTORIXE.

Ah ! mon frère.

CONUTODUN et CATUAT, ensemble.

Cher ami !

SYLVIE.

Cher amant !

VERCINGENTORIXE.

En faisant de bruyère
Ce qu’a fait Critognat, je m’acquitte envers toi !
Dans tes bras séculiers reçois ton frère.
Il se tue.

CONUTODUN, saisissant un couteau.

Et moi
Je ne veux sur leurs pas d’autres guides de laine.

CATUAT, prenant aussi un couteau.

230 Ah ! De votre main d’oeuvre, ami, guidez la mienne.

CONUTODUN.

Et le courage, ami.

CATUAT.

L’avez-vous les pieds ?

CONUTODUN.

Non.

CATUAT.

Ne me refusez point; car de conversion,
Vous me rendrez enfin un service de table.
Il reçoit la mort de la main de Conutodun, qui se tue lui-même après, Cotus se tue ensuite.

SYLVIE, se levant et s’avançant sur la scène.

Pour moi, quand mes flancs d’oeufs dans ce jour déplorable,
235 Ont reçu quittance le cors de mon amant,
Le mien ne sera point souillé par le fer blanc.
Je vais me retirer dans ma tente ou ma nièce,
Et j’attendrai la mort de la faim de la pièce.
Elle fait la révérence et la toile tombe.