SCÈNE I. §
INDUMAR.
Ô vous qui, dans ce temple, organes de nos Dieux,
Ratifiez les lois de la terre et des cieux,
1315 Pardonnez si ce jour a vu couler mes larmes ;
Je ne puis vous cacher mes secrètes alarmes
À ces apprêts de mort, à ce mystère affreux
Par qui ma fille en pleurs va contacter ses voeux.
Pardonnez. Éclairez ma raison confondue ;
1320 Rendez enfin le calme à mon âme éperdue
Prononcer. Est-il vrai que le Ciel ?...
CYNDONAX.
Prononcer. Est-il vrai que le Ciel ?... Non, Seigneur.
Ce ciel trop offensé s’explique en votre coeur.
Proscrivez ces forfaits dont on le rend complice,
Et vendez sa clémence ainsi que sa justice.
EMNON.
1325 Et quel droit avez-vous, Pontife audacieux,
De renverser un culte avoué par les Dieux ?
CYNDONAX.
Le droit de la raison ; ais vous, faibles druides,
Osez-vous consacrer la loi des homicides ?
Juges, législateurs, ministres des autels,
1330 Arbitres respectés de la foi des mortels
Qui croyez la contraindre et devez en répondre,
Plus instruits que le peuple, est-ce à vous de confondre,
Avec les lois du Ciel et de la vérité,
Ce culte, enfant impur de la férocité ?
EMNON.
1335 C’est la vérité même annoncée à nos pères
Qui, par eux, à leurs fils a transmis ces mystères
Que nous devons transmettre à nos derniers neveux.
J’en atteste ce temple et ces bois ténébreux,
Asile de la mort, où, du sein du tonnerre,
1340 Hésus, se dévoilant, épouvantant la terre,
Lorsque, scellant son pacte et pénétré d’effroi,
Pour nos aïeux, pour nous, Druïs reçut sa loi.
« Mon esprit, leur dit-il règne en ce sanctuaire.
Si vous portez jamais un regard téméraire
1345 Sur ces lois, sur ces rites que je vous ai tracés,
Si le sang le plus pur... malheureux, frémissez.
Vomis de mon saint temple et de la terre entière,
Aux pieds de vos tyrans vous mordrez la poussière.
Je verserai sur vous des torrents de fureur.
1350 Vous vivrez dans l’opprobre et, frappés de terreur,
Pénétrés de mes traits, poursuivis par mes flammes,
Vos prêtres, vos vieillards, vos enfants et vos flammes
Chercheront, contre moi, dans la nuit du trépas,
Un asile éternel qu’il ne trouveront pas. »
INDUMAR.
1355 Quoi ce Dieu dont la foudre épouvante les crimes,
Verrait tous les humains comme autant de victimes !
Il n’est, dans vos portraits, qu’un despote jaloux
Toujours ivre de rage et brûlant de courroux,
Qu’il nous faut apaiser par le sang et les larmes ;
1360 Et que sommes-nous donc ? Environnez d’alarmes,
Vils jouets d’un pouvoir qui nous frappe à son gré,
Nous ne levons au Ciel qu’un front mal assuré.
EMNON.
Oui, tremblez. Quel qu’il soit, qui le juge, l’offense.
Dieu puissant, comparée à ta sagesse immense,
1365 Qu’est donc celle de l’homme, objet de sa fierté,
Qu’il prétend opposer à ton autorité,
Qu’une clarté trompeuse, une faible lumière
Qu’on voit, aux traits du jour, s’éclipser toute entière ?
CYNDONAX.
Non, quoique vous disiez, et j’en crois ma raison,
1370 Plus il est tout puissant, plus il doit être bon.
Et comment distinguer sa justice suprême
Que par l’heureux flambeau qu’il nous donna lui-même ?
Ah ! Loin d’en faire encor, dans nos sombres erreurs,
Un tyran sanguinaire, aveugle en ses fureurs ;
1375 Sachons, pour le connaître, écouter la nature.
C’est par elle qu’il parle, et sa voix est plus sûre
Que ses décrets sanglants de farouches mortels,
Consacrés sous le nom de décrets éternels
Qui font l’effroi du faible et que le sage abhorre.
1380 Effaçons de la terre, il en est temps encore,
Ces préjugés cruels de nos tristes aïeux,
L’opprobre des humains et la honte des cieux.
Par un décret auguste et scellé de nos larmes,
De ce séjour de paix bannissons les alarmes.
Tous les druides font un mouvement d’indignation.
Après un court silence.
1385 Vous balancez ! Vos fronts, pâlissants de courroux,
M’annoncent que mes pleurs n’obtiennent rien de vous !
D’un zèle forcené votre âme dévorée,
Du pur sang des humains, et toujours altérée !
Mais non. Je le vois trop, vous ne la croyez pas
1390 Cette religion mère des attentats.
Vous n’abusez, cruels, de l’humaine ignorance
Que pour mieux affermir votre affreuse puissance,
Pour enchaîner le faible en l’enivrant d’erreurs,
Et, sous le nom des Dieux, consacrer vos fureurs.
1395 Mais craignez.
EMNON.
Mais craignez. C’en est trop et, puisque votre audace
Ose, à l’insulte encore ajouter la menace,
Traître, apprenez, qu’ici, pontife ainsi que vous,
Je peux, de tant d’affronts, venger les Dieux et nous.
CYNDONAX.
Eh bien, si vous l’osez, tranchez ma triste vie.
1400 Commencez, par mon sang, se sacrifice impie.
Ouvrez à ma douleur l’asile du trépas.
Contre l’humanité comblez vos attentats.
Du nom d’homme du moins remplissant l’étendue,
J’emporterai l’honneur de l’avoir défendue.
EMNON.
1405 Oui, frémissez du sort qui vous est destiné.
Déchu de votre sang lâchement profané,
Jeté dans l’univers, sans amis, sans défense,
Blasphémateur marqué du sceau de la vengeance,
Éloignez-vous, partez et sachez, qu’en ces lieux,
1410 Nous ne connaissons plus l’ennemi de nos Dieux.
À Indumar.
Et vous, malheureux roi, qui, dans ce temple même,
Recevant de nos mains le sacré diadème,
Avez juré, par nous, de venger nos autels,
Oubliez-vous ainsi vos serments solennels ?
1415 Quoi, tous nous abandonne et la fille et le père !
La fille, trahissant son sacré ministère,
À peine unie aux Dieux, ose braver nos lois,
Et de ces Dieux enfin nous dérober le choix.
EMNON.
Ma fille ! Oui, vainement à périr condamner,
1420 Dans son silence injuste elle est plus obstinée.
Ni la loi de ses voeux, ni l’effroi de la mort,
Rien ne peut le convaincre à révéler le sort.
INDUMAR.
C’est assez. Ô justice, ô vertu qui m’anime !
Ma fille ! Ah, sur toute autre victime
1425 La paix renaît enfin dans mes sens éperdus.
CYNDONAX.
Ciel ! Comment ?
INDUMAR.
Ciel ! Comment ? Non, Seigneur, je ne balance plus.
Erimène se tait ! Son silence m’éclaire.
Aux druides.
Oui. La victime, amis, n’est autre que son père.
Qu’on amène ma fille. Allez.
Deux druides sortent.
Qu’on amène ma fille. Allez. Rassurez-vous.
1430 Je me rends à vos lois.
CYNDONAX.
Je me rends à vos lois. Ô destins en courroux !
Dans quel abîme encor un faux zèle nous plonge !
Qui vous ! De votre sang consacrer le mensonge !
Ah, du mien, dans mon coeur, le cours est arrêté.
Vous, sceller les forfaits d’un culte détesté !
1435 Vous Roi, père !
INDUMAR.
Vous Roi, père ! Oui, moi-même. Et quel Roi, sur la terre,
Du monde qu’on opprime ayant banni la guerre,
N’envierait pas l’honneur de sceller aux autels
Le bonheur de on peuple et la paix des mortels ?
Les animaux courbés que la terre a vu naître
1440 Marchent, d’un cour égal, vers le terme de l’être ;
La nature, en tout temps, déployant ses ressorts,
S’anime, se dissout, renaît de corps en corps ;
Un flot, en un instant, sur l’océan du monde,
Les jette dans la vie ou dans une nuit profonde
1445 L’homme dont la pensée embrasse l’univers,
Législateur et roi de ses hôtes divers,
Voir, à ses grands destins, la mort même asservie.
En vain ce souffle actif, principe de a vie,
Étincelle échappée aux feux de l’éternel,
1450 Est esclave un instant d’un corps vil et mortel ;
Quand le bras de la mort semble arrêter sa course,
Il va, libre et vainqueur, se rejoindre à sa source.
CYNDONAX.
Quoi, jusqu’à la vertu tout s’arme contre moi !
Ah, c’en est trop, mon coeur n’espère plus qu’en toi,
1455 Humanité, lumière adorable, immortelle,
C’est ici le moment où ta gloire m’appelle ;
Conduis mes pas.
À Varsorix.
Conduis mes pas. Venez fortifiez ma voix.
Au secours de leur maître appelons les Gaulois.
Qu’ils viennent renverser ces autels homicides,
1460 Embraser ces forêts, confondre ces perfides,
Ces tyrans des esprits qui, dans les plus grands coeurs,
Trop souvent, du faux zèle, ont versé les fureurs.
EMNON, voulant les retenir.
Arrêtez.
SCÈNE III. Les mêmes, Erim_ne conduite par deux druides et suivie d’Axénoé et les druidesses qui se rangent tout autour du théâtre. §
INDUMAR, voyant entrer sa fille.
Ma fille, il n’est plus temps de cacher la victime.
Je sais, j’ai pénétré la volonté des Dieux.
INDUMAR.
Qui vous ? Et ta frayeur m’en assure encore mieux.
Viens, que du moins ma gloire élève ton courage.
1480 Viens, qu’Hésus, de tous deux, reçoive un peu hommage.
ÉMIRÈNE.
Quel hommage ! Quel crime !
INDUMAR.
Quel hommage ! Quel crime ! Ah, calme un vain effroi.
Je vois trop que le sort n’a condamné que moi.
Si ton père t’est cher, bénis ma destinée
Que, d’un bonheur si grand, le Ciel a couronnée.
1485 Prononce et frappe.
ÉMIRÈNE.
Prononce et frappe. Où suis-je ? En est-ce assez, ô Dieux !
INDUMAR.
Va, déjà l’univers se dérobe à mes yeux.
Mon esprit, élancé loin de mon existence,
S’empresse de se joindre à la première essence
Où tout va se confondre et dont tout est sorti.
ÉMIRÈNE.
1490 Ô mon père !
INDUMAR.
Ô mon père ! Mon coeur ne s’est pas démenti.
J’ai vécu ; j’ai régné ; j’ai rempli ma carrière ;
Je l’a due, aux Gaulois, consacrer toute entière ;
Victime de mon zèle et digne de mon sort,
Je dois, en ce beau jour, leur consacrer ma mort.
1495 Heureux qui, comme moi, par ce grand sacrifice,
Homme, Roi, Citoyen, remplit toute justice !
INDUMAR.
Ah ! Ranime ta force et, dégageant ta foi,
Ose enfin, sur tes sens, t’élever comme moi.
Songe que, de mes jours, la course est mesurée ;
1500 Que le temps, malgré moi, tranchera leur durée ;
Souviens-toi que ce temps, dont un ordre arrêté
Sépara du tombeau notre être limité,
N’est qu’un instant rapide, un point dans l’étendue,
Un vain éclair qui brille et qui fuit notre vue.
1505 Et je vais précéder, de ce rapide instant,
Le grand jour de ta gloire où, te manifestant,
Dans l’abîme infini de ton être suprême,
Grand Dieu, tout ce qui fut ne sera que toit-même !
ÉMIRÈNE.
Et je n’expire pas ! Ô père infortuné !
1510 Arrachez-moi ce jour que vous m’avez donné.
Ce jour affreux.
INDUMAR.
Ce jour affreux. Hésus, pardonne à sa faiblesse.
Ministres des autels respectez sa tendresse.
Si sa main refuse à ce coup douloureux,
Vous-même, en m’immolant, ratifiez ses voeux.
1515 Épargnez à nos coeurs ce combat effroyable.
Frappez.
ÉMIRÈNE.
Frappez. Ciel ! Arrêtez... Ah ! Tant d’horreur m’accable,
Ranimons mes esprits pour la dernière fois.
Le sort ne peut ici parler que par ma voix.
Je réclame le droit de mon saint ministère,
1520 La loi de nos autels, la loi du sanctuaire
Qu’avez tant de grandeur mon père ose trahir.
Je n’en peux dire plus. Vous voulez m’en punir,
Frappez ; mais admirez un maître qui vous aime,
Qui veut ici, pour vous, se dévouer lui-même.
1525 Tenez lui compte un jour d’un si sublime effort.
Je peux, à ce seul prix, vous pardonner ma mort.
SCÈNE IV. Les mêmes, Clodomir arrivant avec précipitation. §
CLODOMIR.
Sa mort : C’est à moi seul, c’est à moi qu’elle est dûe.
ÉMIRÈNE.
Que vois-je ? Où reposer mon âme confondue.
EMNON.
Qu’attendez-vous encore, guerrier audacieux ?
CLODOMIR.
1530 Ce que j’attente ! Ô ciel ! Égaré, furieux.
Cherchant à renverser votre affreuse puissance,
J’invoquais à grands cris la mort ou la vengeance ;
D’un profond désespoir la pontife agité,
Appelle tout-à-coup la peuple épouvanté ;
1535 Le foule autour de lui frémit de ses alarmes.
Il me voit, il s’avance et, m’arrosant de larmes,
« Courez, volez au temple, et, d’une horrible loi,
Défendez, me dit-il, la Princesses ou le Roi.
L’un cache du sort la fatale sentence,
1540 L’autre, contre lui-même, explique ce silence.
Je vais armer pour vous, ce peuple généreux. »
Quelle horreur m’a saisi ! Quel trait, quel jour affreux !
Ah !... Roi, Prêtres, Vieillard qu’un même zèle anime,
S’il est vrai qu’à vos Dieux on doive une victime,
1545 Frappez celle du sort qui se livre à vos coups ;
Frappez, dis-je, c’est moi.
ÉMIRÈNE.
Frappez, dis-je, c’est moi. Cruel, que dites-vous ?
INDUMAR.
Ah ! Cher Prince !...
CLODOMIR, à Indumar.
Ah ! Cher Prince !... Seigneur, apprenez un mystère
Dont le pontife seul était dépositaire.
J’adore votre fille, elle m’aime, et son coeur
1550 Pour me soustraire au sort en embrasse l’horreur.
Cet effort généreux...
ÉMIRÈNE.
Cet effort généreux... Ah ! Garder-vous de croire...
CLODOMIR, à Erimène.
Oui, vous m’aimez. Souffrez que j’ose en faire gloire.
Si vous n’en croyez pas son trouble et son effroi,
Gaulois, qu’elle prononce entre son père et moi.
ÉMIRÈNE.
1555 Malheureux, qu’as-tu fait ?
CLODOMIR.
Malheureux, qu’as-tu fait ? Ce qu’il fallait attendre
De l’amour le plus pur et du coeur le plus tendre,
Ce que chercha toujours mon désespoir affreux
DEpuis que, par la criante, on eut surpris tes voeux.
ÉMIRÈNE.
Ô terre, engloutis-moi !
INDUMAR.
Ô terre, engloutis-moi ! Puissance que j’adore
1560 Quels traits votre courroux peut-il lancer encore ?
Mes enfants, (car mon coeur, prêt à se déchirer,
En ce moment affreux ne peut vous séparer)
Vous vous aimiez... Seigneur... ma fille... leur visage
Porte du désespoir l’épouvantable image !
CLODOMIR, à Indumar avec force.
1565 Qui moi, plein du bonheur de mourir de sa main !...
INDUMAR, à Emirène.
Non, si le sort l’appelle à cet affreux destin,
Tranche plutôt mes jours. Ton père est trop coupable.
J’abjure encor les lois de ce culte exécrable.
ÉMIRÈNE.
Brabares, c’en est trop, arrachez moi ce coeur
1570 Ivre de désespoir et brisés de douleur.
Mon père, et vous, Seigneur, si vous m’avez aimée,
N’insultez point aux maux où je suis abîmée.
Cruels, que l’un ou l’autre expire dans mes bras,
Dans le nuit du tombeau ne le suivrai-je pas ?
1575 Voulez-vous que, des Dieux, épuisant la colère,
J’assassine, en mourant, mon amant ou on père ?
Elle se jette à genoux entre eux deux.
Ah, je suis à vos pieds ; terminez mes tourments.
N’augmentez point l’horreur des me derniers moments.
Laissez la loi du sort dans un e nuit profonde.
1580 Songez que votre vie est nécessaire au monde.
CLODOMIR.
Non je ne suis ici nécessaire qu’à vous.
Levez-vous, c’est à moi d’embrasser vos genoux.
ÉMIRÈNE.
Où me vois-je réduite ? Ô monstres ! Ô furie !
Aux druides.
Ministres des enfers qui, parce culte impie,
1585 Avez conduit mes pas dans ce piège sanglant,
Eh bien, c’est un des deux, mon père ou mon amant.
Avant de dévorer mon coeur prêt à s’éteindre,
Quel tigre, parmi vous, osera me contraindre
À frapper l’un ou l’autre et, d’un bras assuré
1590 Enfoncer un poignard dans un sein si sacré ?
INDUMAR, prêt à tirer son poignard.
Ah ! C’en est trop, ou frappe, ou...
ÉMIRÈNE, le retenant.
Ah ! C’en est trop, ou frappe, ou... Je n’y puis suffire.
CLODOMIR, tirant son poignard.
Parlez, ou je m’immole.
ÉMIRÈNE.
Parlez, ou je m’immole. Arrêtez ou j’expire.
INDUMAR, prêt à se frapper.
Dieux, recevez mon sang.
ÉMIRÈNE, se précipitant sur lui et le retenant.
Dieux, recevez mon sang. Cruel, ce n’est pas vous.
CLODOMIR, aussi prêt à sa frapper.
C’est donc moi ! Je triomphe.
SCÈNE DERNIÈRE. Les mêmes, hors Emnon et les druides. §
CYNDONAX, aux guerriers.
Ah ! Respectez son sang en plaisant ses erreurs ;
Il est homme, il suffit. Ne donnez pas l’exemple
Des forfaits dont lui-même a trop souillé ce temple.
Il est assez puni s’il connaît les remords.
1610 Qu’il vive et se repente.
INDUMAR.
Qu’il vive et se repente. Ô sublimes transports !
Où suis-je ?
CYNDONAX, au peuple.
Où suis-je ? C’est ainsi, qu’après tant de tempêtes,
Le sang de ces héros retombait sur vos têtes.
Ah, de la voix du ciel, distinguez désormais
La voix du fanatise, organe des forfaits.
1615 Avez-vous pu penser que l’autel de la vie,
Dieu qui se manifeste à la terre attendrie
Par son amour, ses soins, ses bienfaits renaissants,
Demandât en tribut le sang de ses enfants ?
Non. C’est lui qui vous parle : aimez-moi dans vos frères,
1620 Vous trouverez en moi le plus tendre des pères,
PAr un commerce heureux et bienfaits et de soins,
L’un de l’autre, à l’envi, prévenez les besoins.
Que le sort tende au faible une main protectrice.
Parents, amis, sujets, voilà pour ma loi,
1625 Et l’hommage, et l’encens qui monte jusqu’à moi.
À Indumar.
Roi, c’est à ce grand Dieu que ma voix vous rappelle,
Votre coeur, né pour lui, doit pardonner mon zèle.
INDUMAR.
Honteux de mes erreurs, je tombe à vos genoux.
Oui, c’est la voix d’un Dieu qui s’explique par vous.
1630 Il m’éclaire. Il m’enflamme... Ah ! Cher Prince, ah ! Ma fille.
Et vous peuple, à mon coeur, plus cher que a famille,
Tombez aux pieds d’un sage, instruit par la vertu,
Qui vous rend à ce Dieu trop longtemps combattu.
Tout le monde se prosterne aux pieds de Cyndonax qui fait signe de se relever.
ÉMIRÈNE.
Je crois le voir lui-même, écartant le tonnerre,
1635 Apporter le bonheur et la paix à la terre.
CLODOMIR, à Cyndonax.
Vous deviez ramener l’univers égaré.
L’exemple d’un grand homme est un flambeau sacré
Que le Ciel bienfaisant, en cette nuit profonde,
Allume quelquefois pour le bonheur du monde.
CYNDONAX.
1640 Mais quoi ? Souffrirons nous qu’il soit encore des coeurs
Abreuvez d’amertume et nourris de douleurs?
À Indumar.
Emnon qui, loin de nous, fuit un Dieu qui le presse,
De votre aveugle fille a surpris la faiblesse ;
Mais je n’ai point reçu ses téméraires voeux.
1645 Le Ciel les désavoue et ma main l’en dégage.
Il ôte le bandeau et le voile.
ÉMIRÈNE.
Ô mon père ! Ah ! Seigneur !
CYNDONAX.
Ô mon père ! Ah ! Seigneur ! Que ce jour soit le gage
Des beaux jours que le Ciel a promis aux Gaulois.
Grand Roi, si désormais vous distinguez sa voix,
Des pièges de l’erreur songez à vous défendre.
1650 Si Dieu parle à nos coeurs, c’est là qu’il faut l’entendre.
Que la Religion, sous votre auguste loi,
Soit le lien du monde et n’en soit plus l’effroi.