Introduction §
Boursault… Un nom qui sonne dans le vide dans nos esprits du XXIe siècle. Un nom qui n’a pas été retenu par les lumières de l’Histoire littéraire pour lesquelles il est passé inaperçu comme beaucoup d’autres. Faut-il cependant en déduire qu’ils ne méritent pas d’être lus et que notre regard ne doit pas s’y porter dessus. Loin du talent de Molière, loin des fastes de la cour du Roi Soleil, Boursault a tout de même fait son petit chemin. Homme que rien ne prédestinait à l’écriture mais pourtant à l’origine de nombreux écrits, homme prenant part à de nombreuses querelles littéraires de son temps mais en admiration pour tous ceux qui furent ces adversaires, toute la vie d’Edme Boursault est marquée par des oppositions et des paradoxes qui suivront les caprices de la fortune. Nous n’avons pas fait le choix de nous intéresser à ses œuvres les plus remarquables, celles qui ont été le plus appréciées par ses contemporains mais plutôt à ses œuvres de jeunesse, aussi maladroites soient-elles. Le Médecin volant, Le Mort vivant et Le Jaloux endormy, ses œuvres de jeunesse sont trois petites comédies burlesques caractéristiques de la tradition comique du XVIIe. Il y en a pour tous les goûts : déguisements plus osés les uns que les autres, barbons acariâtres, jaloux extravagants… Prenons donc le temps de nous replonger quelques instants dans le brouhaha des théâtres du XVIIe siècle à la lumière des bougies afin de découvrir cet auteur oublié.
Edme Boursault illustre inconnu du théâtre français §
Un écrivain fort médiocre, mais intéressant à consulter parce qu’il a recueilli la tradition des auteurs comiques immédiatement postérieurs à Molière […] si l’on suit de près l’histoire de la scène française dans cette période, on y rencontre un écrivain, très inégal sans doute, mais qui a ses heures d’inspiration, et qui, entre deux écoles dont nous venons de parler [les contemporains de Molière qui lui ont survécu et une nouvelle génération de poètes qui apparaît], eut le bonheur d’attirer l’attention et de mériter l’estime de l’Europe1.
Une vie chaotique §
Il y a deux époques bien marquées dans sa vie. La première nous le montre très-affairé, très-répandu, fort occupé de fêtes, de voyages, de petits vers et d’aventures galantes […] Dans la seconde époque, fixé à Montluçon, venant toujours plus rarement à Paris, plus recueilli, plus sédentaire, attentif à sa maison, préoccupé par l’avenir de ses enfants, plus que jamais attaché à la religion, tout son talent s’épure et ce qu’il écrit respire une sorte de gravité pieuse, qui va parfois jusqu’à la tristesse. Même il devient sermonneur, sans gronder pourtant, ni affecter des airs pédantesques, mais en homme convaincu, dont la sagesse est expansive et s’insinue doucement dans l’âme du voisin2.
Edme Boursault naquit au début d’octobre 1638 – nous n’avons pas la date précise – dans une grande famille de Mussy-l’Evêque, ville champenoise de laquelle les évêques de Langres étaient les seigneurs et où ils avaient restauré un château. Ludovic Jully dans son Étude sur Boursault rapporte les paroles de l’auteur : « Ma mère, dit-il, n’est jamais sortie de son pays. Mon père, qui, pour s’enrichir, fut longtemps guerrier, rôda partout et plus dans la Franche-Comté qu’ailleurs. ». Rien ne le prédestinait à l’écriture ; il ne reçut pas une éducation littéraire poussée, ne connaissait rien au latin et au grec et peinait à s’exprimer en français : « [son père] ne se mettoit gueres en peine que son fils fût mieux élevé, et devînt plus habile homme que lui : et quoiqu’il fût assez riche, il eût regretté un écu qu’il eût coûté à ses plaisirs, pour donner à ses enfans une éducation qui eût suppléé au tort qu’il leur faisoit d’ailleurs, et au peu de bien qu’ils avoient à esperer de son dérangement de conduite3 ». Il fut pourtant envoyé à Paris en 1651 par Sébastien Zamet, évêque de Langres et fut protégé par Des Barreaux4 auprès de qui il apprit à manier la langue française et qui s’occupa de lui comme un père. Sa petite-fille Hiacinthe Boursault ne tarit pas d’éloge quant à la grande capacité d’apprentissage de son aïeul : « Cependant en peu de mois ce jeune homme sçut de lui-même se tirer de cette barbarie ; et il parvint en moins de deux ans à pénétrer toutes les beautez et toutes les délicatesses d’une langue qu’il a possédée dans la plus exacte et la plus parfaite pureté5 ». Il se lia rapidement d’amitié avec les frères Corneille et entretint avec eux une correspondance, il resta lié avec eux toute sa vie et prit notamment la défense du « Grand Corneille » dès que l’occasion se présenta.
En 1660, il devint secrétaire des commandements de la duchesse d’Angoulême et commença sa vie littéraire : « dès cette époque, il se montra avant tout poète et homme de lettres, reçu dans les grands hôtels, bien accueilli de ce que la cour et la ville avaient de considérable ; tantôt à Chantilly, chez Condé, tantôt à Paris, chez le président Perrault6. ». Envoyé à Sens par la duchesse en 1661, il lui rapporta son voyage dans des lettres qu’elle jugea fines et amusantes au point de les faire lire à tous ceux qui l’entouraient. Tous les trouvèrent pleines d’esprit et voulurent entretenir une correspondance avec lui. À son retour, Boursault se lança donc dans l’écriture d’une gazette en vers burlesques qui ne parvint pas à s’imposer face à celle de Loret. Il se tourna alors vers le théâtre.
Ces débuts dans cet art remontaient à sa jeunesse, sa petite-fille en fait un fin rimeur dans son « Avertissement » du Théâtre de feu Monsieur Boursault. Là encore il se retrouva confronté à certaines disgrâces de ces contemporains à cause de ses actions irréfléchies envers Molière, Boileau, Racine ou encore Bossuet. En 1663, il participa à la querelle de L’École des femmes ; il choisit de se ranger du côté de l’Hôtel de Bourgogne, troupe rivale de celle de Molière, et probablement poussé par ses relations il rédigea Le Portrait du peintre ou la contre-critique de l’École de femmes ; Molière lui répondit par son Impromptu de Versailles. Si Boursault n’avait pas attaqué directement Molière dans sa comédie, celui-ci le fit ; à la scène 5 de L’Impromptu de Versailles, on avertit les dames que l’Hôtel de Bourgogne va jouer une nouvelle pièce et que « C’est un nommé Br … Brou … Brossaut qui l’a faite7 ». Du Croisy rectifie : « Monseigneur, elle est affichée sous le nom de Boursault […] et pour rendre sa défaite plus ignominieuse, nous avons voulu choisir tout exprès un auteur sans réputation8. ». Cela n’empêcha pas Boursault d’admirer le travail de Molière et de reconnaître sa qualité de grand dramaturge. Après cet épisode, Boursault apparut dans les Satires de Boileau :
Que vous ont fait Perrin, Bardin, Mauroy, BoursaultColletet, Pelletier, Titreville, QuinaultDont les noms en cent lieux, placés comme en leurs nichesVont de vos vers malins remplir les hémistiches ?Ce qu’ils font vous ennuie ? O le plaisant détour !Ils ont bien ennuyé le Roi, toute la cour9 !
Et aussi :
Puisque vous le voulez, je vais changer de style.Je le déclare donc : Quinault est un Virgile,Boursault comme un soleil en nos ans a paru10.
Il se maria en 1666 avec Michèle Milley avec laquelle il fonda une grande famille ; Boursault accorda une place importante à l’éducation de ses enfants, leur accordant la chance qu’il n’avait pas eu lui-même. Il rédigea une critique dramatique des Satires de Boileau, La Satire des satires, publiée en 1669 sans avoir jamais été représentée puisque Boileau la fit interdire par le Parlement dès que les affiches annonçant la représentation furent mises en place. Cette querelle demeura sans suite ; Boileau retira le nom de Boursault de ses Satires, allant même jusqu’à confesser à son ami Brosette « Monsieur Boursault est, à mon sens, de tous les auteurs que j’ai critiqués, celui qui a le plus de mérite11 ». Hiacinthe rapporte en outre une anecdote selon laquelle Boileau se serait retrouvé à cours d’argent lors d’une cure « dans les eaux de Bourbon 12» qui aurait duré plus longtemps que prévu et aurait été aidé par Boursault. À partir de cet épisode, une amitié naquit entre eux et Boileau fut touché par la « générosité » de cet homme qu’il avait attaqué : « il se réconcilia sincerement, et lia avec M. Boursault une étroite et tendre amitié, qui a duré toute leur vie, avec autant de fidélité, que de justice de part et d’autre. Ils s’en sont donnez dans leurs Ouvrages, de mutuelles preuves13 ».
De même il ouvrit le prologue de son roman Artémise et Poliante (1670) par le récit satirique de la première de Britannicus de Racine.
Il écrivit La Véritable Étude des souverains en 1671 destinée à l’éducation du dauphin. Selon Hiacinthe Boursault, l’ouvrage aurait été commandé par le Roi, mais rien n’est assuré. Ceci entraîna le fait que « Montausier et Louis XIV aient songé un instant à le nommer sous-précepteur du dauphin14 ». Jully pense que Boursault a refusé la proposition à cause de ses lacunes en langues anciennes, outils essentiels de l’éducation d’un futur roi au XVIIe. La place de sous-précepteur fut donc occupée par Pierre-Daniel Huet15.
D’après Bénédicte Louvat-Molozay Le Mercure galant fut donné en 1683 comme une œuvre de Poisson pour éviter les foudres de Donneau de Visé16. En effet, la pièce a lieu « dans la maison de l’Auteur du Mercure Galant17 » et est une succession de portraits plus comiques les uns que les autres inspirés par le journal Le Mercure galant ; la petite-fille de l’auteur définit la pièce ainsi « sans attaquer directement le Mercure, ni son Auteur, on se contente de produire quantité de sots et de ridicules, qui viennent y demander place ou apportent leurs Ouvrages. C’est d’un bout à l’autre, un badinage si vif et si divertissant, qu’on ne pouvait se lasser de le voir, et qu’elle fut joüée de suite plus de quatre-vingt fois au double18. ». La même année, la pièce fut publiée avec un « Avis au lecteur » expliquant la situation. Suite à une requête de Donneau de Visé la pièce fut renommée La Comédie sans titre. Poisson annexa la pièce à ses propres pièces dans le recueil de 1687 ; par la suite, les éditeurs reprirent le recueil tel quel.
« Nous ne savons pas au juste quand19 ni comment Boursault devint receveur des fermes de Montluçon. Ce qu’on peut affirmer, c’est qu’il fut un médiocre financier20» ; il éprouva de la pitié pour ceux qu’il devait taxer. Il fut révoqué en 1688 pour son manque d’obéissance envers son fermier général Lejariel.
Le XVIIe siècle fut tiraillé par les problèmes de morales que posait le théâtre à l’Église. Boursault en bon chrétien s’interrogea sur la portée de son écriture et s’en confessa auprès d’un prêtre qui lui conseilla de consulter un théologien sur la question. Il fit part de ces interrogations au père Caffaro, supérieur du couvent des Théatins dans lequel le fils de Boursault, Chrysostome était élève. L’homme n’était pas spécialiste de la question et connaissait peu les œuvres théâtrales de son temps. Boursault ouvre ainsi le premier volume de ses Pièces de théâtre en 1694 par la « Lettre d’un Theologien illustre par sa qualité et par son merite, consulté par l’auteur pour sçavoir si la Comédie peut estre permise, ou doit estre absolument deffendüe ». Cette lettre anonyme a été écrite par nul autre que le père Caffaro et est favorable au théâtre en s’appuyant sur les écrits de Saint-Thomas :
De ces paroles de Saint THOMAS, il vous est aisé de juger, Monsieur, que sous le nom de jeux il comprend aussi la Comédie, quand il dit : Que ce relâchement de l’esprit, qui est une vertu, se fait par des paroles et par des actions divertissantes. Qu’y a-t-il de plus propre et de plus particulier à la Comédie, qui ne consiste qu’en des paroles et dans des actions risibles et ingénieuses, qui font plaisir et qui délassent l’esprit21 ?
Cette lettre déclencha une nouvelle querelle sur la comédie et la moralité au théâtre. Bossuet, évêque de Meaux, répondit à cette lettre dans ses Maximes et réflexions sur la comédie qui montrent l’immoralité du théâtre et le danger des émotions qu’il suscite sans s’attaquer directement à Boursault. Le père Caffaro se rétracta et se soumit à la volonté de l’évêque de Meaux.
La même année, Boursault fit paraître La Comédie sans titre, revue et corrigée par son véritable auteur et affirma le but de son œuvre « Mon dessein, en faisant cette Piece de Theâtre, n’a pas esté de donner aucune atteinte à un Livre que son débit justifie assez ; mais seulement de satiriser un nombre de Gens de differens caracteres, qui prétendent estre en droit d’occuper dans le Mercure Galant la place qu’y pourroient legitimement tenir des personnes d’un veritable merite22 ».
Boursault connut encore quelques succès avec, entre autres, ses deux plus fameuses comédies : Les Fables d’Ésope et Ésope à la cour. Cette dernière ne fut représentée qu’après la mort de son auteur, en 1701.
Il tomba malade à 63 ans. Après avoir survécu une semaine à une opération il mourut le 15 septembre 1701 à Paris, probablement d’une colique. Il fut inhumé au cimetière des Théatins ; ordre auquel appartenait son fils Chrysostome.
Une œuvre tumultueuse §
Dans la littérature dramatique, il est allé de la farce burlesque à la comédie héroïque, de la pastorale précieuse et galante à la tragédie- Il a écrit des lettres en prose qui font parfois songer à Voiture avec plus de bonhomie ; d’autres mêlés de petits vers, qui rappellent le souvenir de Chapelle et de Bachaumont ou qui forment des véritables anas, des trésors de bons mots, des mines d’historiettes, de quatrains et de facéties-Il a été journaliste ; il a composé des nouvelles et des romans historiques ; des fables et des épigrammes ; il s’est posé en moraliste et a même affiché la prétention d’instruire les souverains ; il a fait des vers satiriques, burlesques et religieux23.
L’homme de théâtre §
Boursault a écrit seize pièces. Celles auxquelles nous allons nous intéresser sont des petites comédies en un acte, inspirées de sujets italiens et espagnols, souvent désignées comme des « œuvres de jeunesse » de l’auteur ; Le Médecin volant représenté en 1661 puis publié en 1664, Le Mort Vivant et Le Jaloux endormy publiés en 1662. Les trois pièces sont mises en relation et décrites ainsi par Taillandier : « des études de style, du style comique du temps. L’invention est confuse, la langue est un peu vulgaire ; çà et là cependant l’entrain, la bonne humeur, une certaine franchise de dialogue, annoncent des qualités aimables et un esprit bien doué24 ». Hiacinthe Boursault quant à elle y voit « les premieres saillies d’un esprit vif et enjoüé, et comme les coups-d’essai d’un génie heureux et facile, qui sans avoir eu dans son enfance aucune teinture de lettres produisoit de son propre fonds, et sembloit n’ignorer de rien, quoiqu’il n’eût jamais rien appris25 ». Le Portrait du peintre ou la contre-critique de l’École des femmes, rédigé lors de son implication dans la querelle de L’École des femmes en 1663 reproche à Molière son réalisme et son habitude au mélange des genres. La pièce se retournera contre son auteur en déclenchant l’écriture de L’impromptu de Versailles par Molière. Il écrivit sa première pièce en cinq actes en 1664 : Les Nicandres ou les menteurs qui ne mentent point26. Il la réécrivit finalement en une pièce en trois actes, « ôt[ant] tout ce qui lui parut de moins intéressant et de superflu27 ».
À partir de 1665, il composa une pastorale, La Métamorphose des Yeux de Philis changez en astres, inspirée d’un poème de l’Abbé de Cérisy28 très en vogue à l’époque. Sa petite-fille affirme dans son Avertissement au tome I du Théâtre de feu Monsieur Boursault que « L’Auteur pria M de Boursault de donner à son Ouvrage la forme et le jeu d’une Pastorale ». Ce détail est impossible dans la mesure où l’Abbé de Cérisy décède en 1654 ; Boursault n’était alors à Paris que depuis trois ans environ.
La même année, une dame lui demanda d’écrire en secret les paroles d’un opéra destiné au Roi sur le thème de Méléagre. Ce projet n’aboutit pas parce que la surprise fut dévoilée au grand jour et que la commanditaire refusa qu’on la mette en musique. Elle devint tout de même la tragédie lyrique Méléagre qui fut représentée. Sur le même modèle, en 1690, Boursault écrivit La Fête de la Seine pour une soirée donnée par la duchesse de Brunswich.
Les Fables d’Ésope, en 1690, insufflèrent un nouvel air dans l’œuvre de Boursault : il décida de transposer les fables d’Ésope sur scène en comédie héroïque. La pièce a lieu en Orient, à la Cour de Crésus, roi de Lydie mais elle fait allusion aux mœurs contemporaines des spectateurs. Ce nouveau genre fut un succès : la pièce fut jouée de nombreuses fois, on en fit plusieurs éditions en France mais aussi en Angleterre, en Allemagne, en Italie. Par la suite, la pièce fut rebaptisée Ésope à la ville. Ésope à la cour n’a pas pu être corrigé par Boursault mort prématurément. Elle ne fut représentée qu’après la mort de l’auteur le 16 décembre 1701, telle qu’il l’avait laissée et avec des suppressions faites lors de la représentation.
En 1691, Phaëton, une autre comédie héroïque en vers libres n’eut pas le succès espéré : Boursault en attendait un succès plus important que celui remporté par Les Fables d’Ésope, mais la promotion faite par les comédiens, le succès qu’ils en espéraient (ils auraient refusé de jouer toute autre pièce que celle-ci) a développé, selon Hiacinthe Boursault, une cabale d’auteur qui ont détruit la pièce aux yeux du public qui en fut déçu, y compris ceux qui ne l’avaient pas vu représentée. Fort heureusement, Les Mots à la mode, une petite pièce qui comme son titre l’indique porte sur les tournures et les expressions à la mode au XVIIe siècle, furent plutôt bien reçus en 1694, « avec beaucoup d’applaudissement et de plaisir29. ».
Boursault, écrivain en tout genre §
Boursault écrivit des nouvelles historiques : Le Marquis de Chavigny, Artémise et Poliante en 1670 et Le Prince de Condé en 1675. Ne pas croire ce qu’on voit publié en 1670 « sans nom d’auteur » à en croire Hiacinthe Boursault. Il s’agit d’un roman à l’espagnole « si divertissant et d’un stile si enjoüé, qu’on l’a souvent attribué à Scarron : c’est en faire un grand éloge30. » qui s’inspire de Calderón.
Il écrivit un seul essai en 1671, La Véritable Étude des souverains destiné à l’éducation du Dauphin. Boursault y démontre l’importance de l’éducation morale pour un prince.
Boursault écrivit très peu de poésie. Il s’agit de poésie de louange Ode au Roi ou encore Les Litanies de la Sainte Vierge publiées pour la première fois en 1661 puis en 1667. En1672, il publia un Sonnet aux hollandois qui célèbre la gloire du Roi Soleil duquel les Hollandais devraient se méfier, le craindre et le respecter.
Boursault rédigea un nombre considérable de lettres. Elles constituent la majorité de son œuvre. Ses lettres privées fournissent un témoignage de l’époque classique en rapportant les actualités de la Cour. Ses lettres sont d’autant plus intéressantes qu’elles contiennent des vers, des fables, des contes. Elles furent rassemblées dans Lettres nouvelles de Monsieur Boursault publiées en 1697.
Il réalisa aussi des romans épistolaires publiés à partir de 1666 : Lettres de respect, d’obligation et d’amour ou Lettres de Babet et Treize Lettres amoureuses d’une dame à un cavalier. Elles furent éditées en 1738 dans un recueil de lettres.
Cependant, ses gazettes n’ont jamais été éditées.
Lieux et conditions de représentation des pièces §
Le théâtre du Marais §
Le Jaloux endormy a été représenté au théâtre du Marais. Il se situe dans la rue Vieille-du-temple et est aménagé en théâtre par la troupe de Montdory et Le Noir en 1634. Ils occupent la salle jusqu’en 1673, date à laquelle le roi les oblige à fusionner avec la troupe de Molière. Par opposition aux comédiens de la troupe du Roi de l’Hôtel de Bourgogne, ils sont appelés les Petits Comédiens. Le Marais restera souvent dans l’ombre de l’Hôtel de Bourgogne qui tente à plusieurs reprises de le déstabiliser.
Il nous est possible de connaître l’état de la salle après l’incendie du 15 janvier 1644 grâce au Mémoire de ce qu’il fault faire au jeu de paume des Marets en date du 3 juin 1644. La scène est agrandie, un ciel est ajouté, permettant ainsi l’usage de machines.
La salle du Marais est considérée comme exemplaire, elle servira de modèle pour la restauration de l’Hôtel de Bourgogne en 1647.
L’Hôtel de Bourgogne §
Le Mort vivant et Le Médecin volant ont été représentés à l’Hôtel de Bourgogne. Ce théâtre a été construit en 1548 par la Confrérie de la Passion, société caritative composée de bourgeois et d’artisans de Paris qui a le monopole des représentations théâtrale depuis 1402. À partir de 1578, le lieu est loué pendant des périodes variables, puis de manière permanente à la troupe du Roi à partir de 1629. Ceux qu’on appelle les Grands Comédiens vont y jouer jusqu’en 1680. Ils sont alors remplacés par les comédiens italiens qui y restent jusqu’à ce que le Roi les chasse, en 1697, alors qu’il décide de fermer la salle.
Il est important de noter que jusqu’en 1634, le théâtre des Confrères de la Passion est l’unique salle de théâtre public ayant été conçue et bâtie uniquement pour accueillir des représentations théâtrales. Ce théâtre est en quelque sorte considéré comme la salle officielle parisienne et « le temple du genre sérieux31 ». Il compte parmi ses acteurs des grands noms comme Montfleury et Floridor sous la direction de Bellerose.
Grâce au Devis et marché des divers travaux à exécuter au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne établi le 17 avril 1647, nous connaissons l’état de la salle à l’époque où Le Mort vivant et Le Médecin volant ont été joués. Les dimensions et les équipements du lieu sont semblables à ceux du Théâtre du Marais qui a servi de modèle pour la restauration. Le Médecin volant nécessite l’emploi d’une machine pour faire « voler » Crispin. En outre, la salle de l’Hôtel de Bourgogne peut accueillir entre 1000 et 1100 personnes.
Les conditions de représentation §
Au XVIIe siècle, les conditions de représentations sont loin de celles que nous connaissons aujourd’hui. Les comédiens jouent dans des conditions plus que défavorables. L’éclairage est assuré par de simples chandelles situées à l’avant de la scène au niveau de la rampe ; ce qui contraint les comédiens à jouer sur le devant de la scène. En outre, les scènes sont plutôt petites, comme nous avons pu le constater avec les dimensions des théâtres du Marais et de l’Hôtel de Bourgogne et ne servent pas seulement à la représentation puisque le public le plus aisé peut assister à la représentation directement sur scène. Ces spectateurs sur scène perturbent les conditions de la représentation : l’illusion théâtrale ne peut être totale. À ce propos l’abbé de Pure rapporte une anecdote qui nous apporte différentes informations :
Combien de fois sur ces morceaux de vers : “mais le voici…mais je le vois…”, a-t-on pris pour un comédien et pour le personnage qu’on attendait des hommes bien faits et bien mis qui entraient alors sur le théâtre et qui cherchaient des places après même plusieurs scènes déjà exécutées32 ?
Ceci nous éclaire sur le réalisme des costumes ou plutôt la réalité qu’ils incarnent, au point de ne pas pouvoir distinguer le courtisan du personnage. Concernant nos trois pièces, nous disposons de peu d’informations. Les seuls costumes décrits sont ceux des déguisements. Ainsi, dans Le Médecin volant, Crispin-médecin est identifié grâce à sa soutane. Gusman, dans Le Mort vivant, porte une « roupille ». Malgré ces indications, la description des déguisements est assez sommaire. Les costumes des autres personnages n’étant pas décrits nous pouvons supposer qu’ils n’ont pas de particularité. Toutes ces contraintes réduisent considérablement l’espace de jeu des comédiens, sans compter qu’il faut prévoir sur scène un espace dédié aux coulisses : les mouvements des comédiens en sont donc réduits. Le parterre quant à lui est bruyant : comme il s’agit de la partie du théâtre où le prix de la place est le plus bas, le public y est populaire. À cette époque, on ne vient pas au théâtre uniquement pour voir la représentation : on vient aussi pour se faire voir dans le cas des plus grands ou tout simplement pour discuter comme on le ferait sur une place de village.
Quant au décor, les techniques évoluent de manière considérable au cours du XVIIe siècle. Tout comme pour les costumes, le spectateur du XVIIe siècle retrouve au théâtre les bâtiments qui lui sont familiers et ce, qu’importe le sujet de la pièce. Il s’agit d’un moyen de plaire au public en lui représentant sur scène des lieux qu’il connaît bien et qu’il aime revoir sur scène. Dans la seconde moitié du siècle, les décors multiples sont peu à peu abandonnés et laissent place à un décor unique, plus respectueux de l’unité de temps. Les trois pièces que nous étudions impliquent un décor unique sauf dans le cas particulier du Mort vivant. Il s’agit d’une pièce en trois actes ce qui autorise donc l’auteur à un changement de décors entre les différents actes. Nous pouvons supposer que les deux premiers actes nécessitent un décor avec un jardin à l’abri des regards et un lieu de passage comme une place par exemple. Pour le troisième acte, aucun doute possible dans la mesure où la scène de reconnaissance a lieu dans une auberge qui n’apparaissait pas précédemment. En outre, nous n’avons aucune indication précise qui nous permettrait de nous représenter précisément le décor des trois pièces.
Dramaturgie générale des trois pièces §
Particularité des personnages de comédie §
Les personnages comiques nous apparaissent souvent comme des fous ou des extravagants qu’on ne saurait inclure dans l’humanité33.
Les personnages de comédie impliquent une mise à distance qui n’est pas évidente concernant les personnages tragiques. La description que la pièce fait d’eux nous amène à établir une distance. La condamnation morale que nous faisons de leurs actes en est le plus souvent la cause. Ainsi, dans Le Jaloux endormy, la jalousie et la méchanceté hyperbolique de Spadarille nous invitent à le juger et à le condamner, aidé par le jugement des autres personnages à son égard. Un seul trait de caractère prend le pas sur tous les autres et nous fait oublier les bons côtés qu’il pourrait avoir ; ce n’est pas le but de la comédie. L’amplification du caractère fait faire au personnage des gestes répétitifs à l’image de Spadarille qui est obnubilé par ses cadenas, lui faisant même oublier les règles de politesse à l’égard des hôtes qui se présentent chez lui : à la scène 2 il coupe la parole de Cléandre venu se présenter devant lui pour partir à la recherche de verrous :
Mais Monsieur, mais Madame,J’ai des soins à donner autre part que vers vous,Avec mes cadenats j’ay besoin de verroux,Près de mon Serrurier il est temps de me rendre ;Pour pouvoir me parler il ne faut que m’attendre,Si je trouve mon fait, je reviens sur mes pas,Si je ne trouve rien, je ne reviendray pas.Bon jour. (v. 120-127)
Cette attitude ne fait que renforcer l’éloignement entre le spectateur et le personnage. Ce phénomène d’amplification conduit à la construction de caractères voire d’emplois à partir d’un trait de caractère amplifié. Cette absence de caractère et de personnalité propre permet le réemploi d’un personnage d’une pièce à une autre, mais aussi d’une langue à une autre ou d’une civilisation à une autre sans effectuer de changement. Le Médecin volant en est un bon exemple, il est le fruit d’une longue et prolixe tradition littéraire. En outre, la rupture qui existe entre le personnage de comédie et le spectateur est renforcée par la supériorité de ce dernier sur le personnage de théâtre. Dans les trois pièces ce phénomène est plus qu’évident : le spectateur est le complice de tous les trompeurs, il en sait autant qu’eux et ne peut voir que d’un œil ironique les agissements des personnages dupés.
Obéir aux règles de son temps §
Nous avons pu le voir précédemment, Le Médecin volant, Le Jaloux endormy et Le Mort vivant respectent l’unité de lieu. Intéressons-nous donc désormais à l’unité de lieu qui lui est intimement liée. En effet, l’unité de lieu apparaît tout d’abord comme une simple dépendance de l’unité de temps : si l’auteur veut respecter l’unité de temps il faut donc nécessairement que sa pièce ait lieu en une seule et même place ou tout au plus dans des endroits où les personnages peuvent se rendre en vingt-quatre heures. À première vue, nous pouvons supposer que l’unité de temps est respectée dans les trois pièces. Dans Le Médecin volant et Le Jaloux endormy il n’y a pas d’indices temporels particuliers qui marquent une avancée dans le temps. En ce qui concerne Le Mort vivant, le dernier acte se déroule de nuit comme peuvent en témoigner les allusions faites à la « nuict » (v. 696) ou encore à l’aurore qui n’est pas prête de revenir :
La courriereQui du flambeau du jour commence la carriere,N’est pas encore preste à faire son retour (v. 707-709).
Si nous nous intéressons à l’unité de lieu la conclusion est différente. Le Médecin volant donne une localisation précise, « devant la maison de Fernand », qui implique donc peu de changements de lieu possibles ; l’action est concentrée autour de la maison de Fernand. Le jaloux endormy et Le Mort vivant ont des localisations beaucoup plus vastes, le lieu donné pour référence est une ville entière, respectivement Toulon et Séville. Ceci implique des changements de lieu beaucoup plus souples. Pour la première des deux pièces, l’action semble concentrée autour d’un même lieu, la maison de Spadarille et d’Olimpie pour que le jeu d’enfermement puisse avoir lieu. Dans la seconde pièce, il n’est pas évident que l’action implique un seul lieu. Les deux premiers actes peuvent se dérouler dans un même lieu, un « jardin » comme le précise Gusman. Le dernier acte, quant à lui, a lieu dans une auberge.
En ce qui concerne l’unité d’action seul Le Jaloux endormy pose problème pour une raison très simple. Nous sommes face à une exposition problématique comme nous le verrons par la suite : le texte de la première édition ne précise pas le plan monté par Alcidor et Cléandre pour tromper le jaloux Spadarille et délivrer Olimpie ; tous les fils de l’action ne sont donc pas noués lors de l’exposition et défaits au dénouement. En ce qui concerne le troisième point, Scherer explique : « le développement de l’intrigue principale aussi bien que des intrigues accessoires dépend exclusivement des données de l’exposition, sans introduction tardive d’événements dus au hasard pur34 ». Cela sous-entend que toutes les actions s’enchaînent de manière nécessaire sans que le hasard ne soit convoqué. Ce point est difficile à satisfaire pour de nombreux dramaturges du XVIIe. Ils doivent effectivement lutter contre un goût du public pour les événements inattendus qui viennent entrainer un dénouement différent de celui pressenti lors de l’exposition. Nous pouvons donc nous interroger sur le fondement du deuxième déguisement de Crispin dans Le Médecin volant. Le valet est contraint d’inventer un nouveau stratagème parce qu’il croise Fernand dans la rue, comme par hasard, alors qu’il est en habit de valet. Ce déguisement ne semble pouvoir être justifié que pour mettre à nouveau en scène les talents du comédien qui joue Crispin et en faire un médecin volant au sens propre du terme. Il n’est nullement motivé par une contrainte de l’intrigue. Dans Le Mort vivant, le mariage entre Fabrice et Stéphanie qui semble être une cause totalement perdue tout au long de la pièce est permis par le dévoilement soudain de l’identité du père de la jeune femme qui est aussi celui du jeune homme qu’elle aime. C’est un coup de théâtre : aucun élément n’annonce cet événement et cause un revirement de l’action. Le personnage d’Henriquez de Galas n’intervient que pour le dénouement de la pièce, pour dévoiler la véritable identité de Stéphanie et rendre le dénouement possible. Nous pouvons le comparer à une sorte de deus ex machina. Intéressons-nous désormais au dernier point et non des moindres : « chaque intrigue accessoire exerce une influence sur le déroulement de l’intrigue principale35 ». Ce point est assez complexe à étudier. Scherer fournit donc des éléments qui nous permettent d’y voir plus clair. Pour que l’intrigue principale et les intrigues accessoires soient liées, il faut tout d’abord que l’intrigue principale influence les intrigues accessoires. Mais il faut aussi nécessairement que l’intrigue principale n’ait lieu que grâce à l’existence de l’intrigue accessoire. Celle-ci doit influencer l’intrigue principale qui, en quelque sorte, en est le résultat. La subordination qui existe entre l’intrigue principale et les intrigues accessoires se fait de l’accessoire vers la principale. Dans les trois pièces, les déguisements de Crispin en médecin, de Gusman en ambassadeur et d’Olimpie en Aspasie servent l’intrigue principale et permettent sa réalisation.
Les unités d’action et de lieu impliquent une donnée de la structure externe de la pièce : la liaison des scènes. Chaque scène, dans les trois pièces, correspond à l’entrée ou à la sortie d’un personnage, ce qui représente déjà un premier niveau d’enchaînement. Cependant, la nécessité de la liaison des scènes est plutôt motivée avant tout par des contraintes matérielles. Nous l’avons dit, seul l’avant de la scène est éclairé, il faut donc que le comédien arrive depuis les coulisses jusqu’à l’avant-scène. Pendant ce temps-là, le temps doit être meublé. Les auteurs préfèrent donc un monologue, fut-il, maladroit à un silence. Ce phénomène est clairement visible dans la structure du Médecin volant. Sur les vingt-cinq scènes que compte la pièce, huit sont des monologues. En outre, pour que les scènes soient liées il est nécessaire qu’il y ait une évolution dans l’action sans que la scène ne soit cependant vide à aucun instant. L’abbé d’Aubignac dans sa Pratique du théâtre, distingue quatre sortes de liaisons de scènes : de présence, de recherche, de bruit et de temps. La liaison de présence est la seule qui soit utilisée dans les trois pièces ; elle est la forme de liaison la plus couramment utilisée dans le théâtre du XVIIe. Elle a lieu lorsqu’un même personnage reste sur scène d’une scène à l’autre. Nous avons relevé le cas vingt-et-une fois dans Le Médecin volant (entre toutes les scènes de la scène 1 à la scène 20 puis de la scène 22 à la dernière scène), dix-sept fois dans Le Mort vivant (entre toutes les scènes de la scène 2 de l’acte I jusqu’à la fin de l’acte puis de la première scène de l’acte II à la scène 6 du même acte et enfin entre toutes les scènes de l’acte III) et quatorze fois dans Le Jaloux endormy (entre toutes les scènes de la pièce). La liaison entre les scènes 21 et 22 du Médecin volant se fait par le biais de la vision : Philipin est seul sur scène mais il dit voir Crispin sauter par la fenêtre au vers 427. Le lien entre ces scènes n’est pas très rigoureux ce qui est confirmé par les didascalies : à la scène 20 Fernand est « seul » sur scène puis à la scène 21 Crispin est « à la fenestre » et enfin à la scène 22 Philipin sort de scène alors que son maître était censé être seul deux scènes avant. Par cette analyse, nous avons pu remarquer que certaines scènes ne sont pas liées. Dans Le Médecin volant, c’est le cas entre les scènes 20 et 21 ; la scène 20 est un monologue de Fernand qui s’enchaîne avec un monologue de Crispin « à la fenestre ». Le cas du Mort vivant dépasse le simple souci de la liaison des scènes puisqu’il est aussi divisé en trois actes. Entre l’acte I et l’acte II, un même personnage, Fabrice, reparait. Cet usage n’est pas apprécié par les critiques et l’abbé d’Aubignac le précise clairement « le même acteur qui ferme un acte ne doit pas ouvrir celui qui suit36 ». Ceci s’explique aisément, il faut qu’il y ait une rupture entre les actes pour que le découpage en actes soit justifié, pour cela quoi de plus simple que de changer de personnages d’un acte à un autre. La rupture que marque l’entracte est l’occasion de s’occuper d’événements qui ne feraient pas progresser l’action ou qui seraient trop longs, trop ennuyeux à représenter sur scène. Cependant, dans le cas de Fabrice, il part à la fin de l’acte I en compagnie de Gusman pour préparer le déguisement de ce dernier comme il le dit aux vers 340 à 342 puis son ami Lazarille le rejoint au début de l’acte II pour lui montrer une lettre de son oncle. Une action a donc eu lieu hors-scène justifiant l’entracte : une action suffisamment courte pour que le passage d’un acte à l’autre ne soit pas invraisemblable. En outre, l’action du deuxième acte semble commencer dans un nouveau lieu puisque c’est Lazarille qui vient trouver son ami. Le passage de l’acte II à l’acte III est plus conventionnel, les personnages tout comme le lieu de l’action sont différents. Boursault respecte la tradition selon laquelle chaque acte doit développer une scène plus importante que les autres, un clou de l’intrigue. Dans l’acte I, le clou se trouve dans les scènes 5 et 6 qui mettent en place l’amour des deux jeunes hommes pour la même femme, pour l’acte II il s’agit naturellement de l’apparition de Gusman déguisé en Ambassadeur d’Afrique durant les scènes 2 et 3 et enfin concernant l’acte III, la scène finale qui modifie le dénouement attendu par le spectateur.
Nous ne nous intéresserons pas au couple vraisemblance et bienséance qui n’est pas important dans les petites comédies. Contrairement à la tragédie, le théâtre comique est indifférent à ces critères sauf dans la comédie sérieuse.
Relevons par exemple les principales invraisemblances de nos petites comédies qui ne sont cependant pas perçues comme telles puisqu’elles font partie de la construction de la pièce. Dans Le Médecin volant la scène de l’urine très développée peut certes choquer le public de l’époque mais ce surdéveloppement ne permet pas l’enrichissement comique de la scène ; cela n’apporte rien de plus pour l’évolution de la pièce. En outre, le fait qu’un vrai médecin ne reconnaisse pas l’imposture de Crispin le rend ridicule. Ceci s’inscrit dans la tradition comique contre la médecine très développée au XVIIe siècle. Dans Le Jaloux endormy, il est totalement invraisemblable que Spadarille ne cherche pas à mettre Olimpie et Aspasie en présence l’un de l’autre dès que naît son soupçon quant à l’identité de cette dernière. Sa première réaction en voyant arriver Olimpie déguisée est la bonne : il reconnaît la jeune femme de loin mais en la voyant de près il se laisse duper par les dires de Cléandre et d’Aspasie, ce qui est tout de même assez paradoxal. En ce qui concerne Le Mort vivant, l’arrivée d’Henriquez de Galas au troisième acte permet de dénouer toute l’intrigue. Il arrive comme un sauveur mettant fin au déguisement de Gusman en esprit mais aussi au conflit entre Fabrice et Lazarille pour la main de Stéphanie. Il est invraisemblable qu’un seul homme vienne permettre un tel dénouement d’autant plus qu’il n’apparaît qu’au dernier acte.
Une contrainte externe peut être relevée. Prenant en compte les conditions déplorables dans lesquelles nous avons vu que les comédiens jouaient, il est évident que l’entrée en scène et la tentative de capter l’attention des spectateurs n’est pas des plus aisées. Cette contrainte explique les longueurs que nous pouvons reprocher à nos trois expositions qui semblent nous placer dans une narration plutôt que dans un texte de théâtre.
L’héritage de la commedia dell’arte §
Les trois pièces que nous étudions sont des pièces courtes ; Le Médecin volant et Le Jaloux endormy sont des comédies en un acte et Le Mort vivant une comédie en trois actes. Elles relèvent donc de la tradition des petites comédies.
Claude Bourqui affirme concernant un spectacle de commedia dell’arte que :
L’intrigue d’un spectacle de commedia dell’arte sera donc négligée sur le plan de la construction, dans le sens où celle-ci ne résulte pas d’une savante architecture porteuse de sens et destinée à ménager des effets de suspens et de surprise ainsi qu’il en va dans le théâtre classique français37.
Il n’y a effectivement aucun suspens qui est ménagé dans nos trois pièces. Nous savons qu’inévitablement le dénouement conduira au mariage. Il n’est plus nécessaire que tous les personnages soient heureux à la fin de la pièce, le mariage est suffisant. La situation des barbons en est la preuve : dans Le Jaloux endormy Spadarille se retrouve sans femme et enfermé dans son propre piège par Alcidor, dans Le Mort vivant, Ferdinand qui espérait épouser Stéphanie en récompense de ses services se retrouve seul et gentiment remercié par Henriquez et dans Le Médecin volant, Fernand sera inconsciemment contraint par sa fille de faire ce qu’elle voulait ; sa maladie feinte et la découverte de la tromperie du jeune homme aboutit au mariage tant rêvé.
La fin vient simplement se greffer sur les péripéties accumulées. Elle n’est rien d’autre elle-même qu’une péripétie supplémentaire qui présente la particularité de fixer un état des rapports entre les personnages, état que le spectateur identifie comme un signal d’achèvement du spectacle. Son caractère artificiel ne pose pas de problème et se révèle, à un certain degré, souhaitable. En délivrant, pour mettre un terme à la pièce, une information qui avait été simplement retenue jusque-là, on confère une impression de dérisoire : toute cette agitation aurait été vaine si les personnages avaient su dès le début qu’ils étaient frère et sœur, père et fils38.
L’illustration la plus probante de ce phénomène est le dénouement du Mort vivant : Lazarille et Stéphanie apprennent qu’ils sont frère et sœur et qu’ils ne peuvent donc pas se marier. Le triangle amoureux qu’ils composaient avec Fabrice tombe et il n’y a plus de tensions entre les deux amis puisqu’un seul peut se marier avec la jeune femme. Toute la pièce reposait sur ce secret dévoilé uniquement au dénouement et détruit ainsi le couple incarné par Lazarille et Stéphanie que le spectateur s’attendait à voir unie à la fin de la pièce. Le dénouement n’est donc pas la suite naturelle des événements précédents.
Tout comme dans la tradition de la commedia dell’arte, les personnages n’évoluent pas au cours des trois pièces. Quoi qu’il advienne, leur comportement est constant, rien ne vient le perturber. Nous pouvons voir cela dans l’attitude de Lazarille à la scène 1 de l’acte II du Mort vivant : Fabrice a beau lui suggérer que la lettre est peut-être un faux, le jeune homme reste sur sa première pensée et permet ainsi à la ruse de Gusman d’être efficace.
L’amour des différents jeunes gens est un sentiment ressenti dès le début de la pièce, nous n’assistons pas à la naissance de celui-ci. Il est essentiel à la définition de leur personnage et ne changera pas comme le montre la réaction de Lazarille à la scène 7 de l’acte III lorsqu’il apprend que Stéphanie est sa sœur et qu’il ne peut donc pas l’épouser « Ô disgrace ! » (v. 919). Sans cet amour il n’a plus de raison d’exister, fort heureusement la pièce se termine.
Le style comique §
Le style comique s’appuie sur la rhétorique. Nous pouvons relever par exemple sa tendance à élargir une situation particulière à une tendance générale. Ceci se manifeste par l’emploi de l’article indéfini à la place d’un article possessif qui « gomme les aspects spécifiques de la scène pour en souligner la dimension archétypale39 ». Ainsi dans Le Jaloux endomy, dans la première scène Spadarille évoque « les femmes » (v. 19) avant de passer à « ma femme » (v. 24).
Pour renforcer ce phénomène, nous pouvons noter l’usage du présent gnomique qui contribue à élargir la portée de la situation jouée sur scène et de la rendre la plus objective possible. Dans Le Jaloux endormy, nous pouvons relever le discours prononcé par Spadarille lors de la première scène alors qu’il énonce à sa femme les raisons de son enfermement. Nous pouvons relever pour exemple les vers 41 et 42 qui se présentent comme des maximes : « Nous savons mieux que vous ce que ces autres font, / Et ne pretendons pas devenir ce qu’ils sont. ». L’emploi de la première personne du pluriel permet d’élargir la portée des paroles de Spadarille qui ne parle plus pour lui seul mais au nom de tous les hommes qui subissent les actions de leur femme infidèle. Il en va de même dans les vers 27 et 28 « Que si vostre Mary dans ce lieu vous enferme, / C’est qu’il croit votre honneur n’estre pas assez ferme, ». Spadarille parle de lui à la troisième personne du singulier se détachant de son discours en faisant donc une ligne de conduite à suivre, la parole d’un autre. Cette construction permet par exemple de pouvoir comparer les discours de Spadarille et d’Arnolphe sur la nécessité d’enfermer les femmes.
La comédie se fait donc le porte-parole d’une culture et d’un temps comme en témoignent les expressions conventionnelles que nous pouvons retrouver dans de nombreuses pièces du XVIIe siècle. À travers ces paroles « le personnage prend moins position à titre personnel que comme porte-parole d’une culture40. »
Depuis Corneille, le parler familier et les images du quotidien sont introduits dans le style de la comédie. Boursault ne se prive pas de cette nouveauté. Nous pouvons trouver dans ses pièces des allusions au jeu de cartes, dans Le Médecin volant « taupe à tout » (v. 426) dans Le Jaloux endormy l’allusion à la « prime » (v. 92 et 94) ou encore à la chasse au v. 171 de la même pièce « droit de chasse ». En outre, le grand dramaturge insuffle une autre caractéristique au langage comique, il introduit l’émotivité. Les personnages comiques ont ainsi accès à des sentiments qui leur donne un minimum de relief. Ceci peut apparaître dans le vocabulaire mais aussi dans les « diverses exclamations et appuis du discours, qui permettent aux comédiens de précieux effets d’intonation et d’inflexion41 ». Les trois pièces sont riches en ce genre d’expression, nous ne relèverons donc pas les nombreuses occurrences de « Ah » ou « Oh » qui les ponctuent.
Un dénouement caractéristique : le mariage §
Les trois pièces de notre corpus sont construites sur le même principe : union, obstacle puis réunion. Toute l’intrigue tend vers le dénouement qui est le mariage. Il constitue l’unité d’action des trois pièces malgré les ruptures qu’entraînent les différentes scènes de reconnaissances qui donnent à l’action une orientation nouvelle, comme c’est le cas par exemple dans Le Médecin volant lorsque Crispin est reconnu par Fernand en habit de valet, ce qui l’oblige à inventer un nouveau stratagème pour ne pas être reconnu comme le valet de son maître. Plus exactement la base de l’élaboration des comédies est le mariage, le reste de l’intrigue se construit autour de cela comme l’explique Georges Forestier dans un de ces articles :
Dans la comédie il existe un invariant structurel, le mariage final, qui constitue paradoxalement le point de départ de la composition de l’œuvre. Le nœud de l’intrigue repose donc inéluctablement sur l’inversion du dénouement ainsi posé, c’est-à-dire sur le développement d’obstacles au mariage – fourbe qui sépare les amants, autorité qui s’oppose à leurs vœux, etc42.
Dans Le Médecin volant, le déguisement du valet est motivé par l’union de Cléon et Lucresse à laquelle Fernand semble s’opposer pour une raison inconnue. Le dénouement conduit à la découverte du stratagème du jeune homme qui est « puni » par Fernand qui lui demande d’épouser sa fille pour réparer l’insulte qu’il lui a faite : le mariage était justement l’objectif des deux jeunes gens. La dernière réplique de Crispin annonce aussi son mariage avec la servante de Lucresse, Lise. Aucune intrigue amoureuse secondaire n’a cependant été développée au cours de la pièce, le spectateur se retrouve devant le fait accompli au dénouement, comme si le mariage du maître entraînait nécessairement le mariage du valet sans que celui-ci n’ait eu besoin de manifester un intérêt pour la servante.
Dans Le Mort vivant, Lazarille et Fabrice veulent tous les deux épouser Stéphanie, la fille de Ferdinand. Seulement, ce dernier n’étant que le père adoptif se révèle bientôt être un rival de plus pour Fabrice qui connaît la passion de son ami pour la jeune femme sans que celui-ci n’ait percé le sien au jour. Stéphanie a promis quant à elle sa main à Lazarille, son premier prétendant, il l’est déjà avant le début de la pièce, avant que Ferdinand puis Fabrice ne viennent lui déclarer à leur tour leur flamme. Fabrice déçu dans son amour fait tout pour que son ami parte de Séville et pouvoir ainsi être le seul prétendant : son valet Gusman rédige une fausse lettre indiquant la mort d’Henriquez de Galas et se déguise en ambassadeur d’Afrique soi-disant amoureux de Stéphanie et venu spécialement pour demander sa main. Le dénouement modifie l’attente du spectateur : le mariage a bien lieu, cependant, comme Henriquez de Galas le père de Lazarille se révèle être aussi celui de Stéphanie les deux jeunes gens ne peuvent donc se marier. Fabrice, pourtant auteur de deux stratagèmes contre Lazarille obtient la main de Stéphanie de la part d’Henriquez de Galas qui oublie les actions du jeune homme pour tenter de parvenir à ses fins. Comme dans toute comédie impliquant un barbon amoureux, les espoirs de Fernand sont déçus.
Dans Le Jaloux endormy, la seule femme qui apparaît sur scène est déjà mariée au début de la pièce : Olimpie est aux mains de Spadarille gouverneur de Toulon et jaloux qui la tient enfermée. L’intrigue consiste en la délivrance de la jeune femme par le premier prétendant de celle-ci, Cléandre à qui le père avait préféré Spadarille en raison de son rang social. Le père conscient de son erreur est le commanditaire des actions du jeune homme qui, s’il réussit, obtiendra la main d’Olimpie. Cependant, même si Cléandre et Olimpie parviennent à s’enfuir ensemble, l’annonce de leur mariage n’est pas directement formulée sur scène. La pièce se clôt sur les protestations de Spadarille qui s’est retrouvé pris à son propre piège et se retrouve sans femme.
L’écriture de Boursault §
Boursault est avant tout un auteur comique. Sa morale, il a réussi à la transmettre, non pas directement à travers les proverbes mais indirectement en ayant recours aux pointes, parfois féroces, des expressions proverbiales qui caractérisent un personnage et la situation dans laquelle il se trouve, et qui rendent son langage beaucoup plus vrai et naturel43.
Boursault, loin de pouvoir être comparé à Molière dans la virtuosité de l’écriture et l’ingéniosité du choix des mots, tente cependant d’avoir une originalité lexicale. L’étude de son lexique est importante dans l’œuvre d’un homme qui ne maitrisait pas le français en arrivant à Paris et qu’on dit être devenu un homme qui la manie adroitement et sait la dompter. D’après la thèse d’Hana Baalbaki, le lexique de Boursault est aussi riche que celui du grand dramaturge. Dans les trois comédies les mots les plus grossiers côtoient des mots poétiques. Certains usages témoignent de sa recherche lexicale. En effet, certains mots ne sont pas employés dans ses pièces dans leur usage ordinaire même s’ils restent compréhensibles grâce au sens impliqué par le contexte. Dans Le Jaloux endormy, le verbe « rechausser » (v. 259) est appliqué à un gant et non à une chausse ou « toute autre couverture de jambe » (Furetière) ; il en va de même pour l’expression « confondre sa rente » (v. 95) dont nous ne trouvons aucune allusion dans les dictionnaires de l’époque mais que nous pouvons aussi comprendre. Ces deux expressions sont prononcées par Spadarille. Nous pouvons faire le même constat dans Le Mort vivant. Boursault met l’expression « sirop de la vigne » (v. 438) dans la bouche du valet Gusman ; elle n’apparaît pas telle quelle dans les dictionnaires : chez Richelet, le mot « sirop » désigne à lui seul le vin dans un vocabulaire bas, chez Rabelais nous pouvons trouver l’expression « sirop vignolat44 ». L’expression « sirop de la vigne » semble être un condensé des deux expressions et être un témoignage de la condition sociale du personnage. En outre, Boursault utilise des mots hors d’usage comme « trépassant » (v. 6) dans Le Mort vivant ou dans Le Jaloux endormy « paraistre marry » (v. 293), expression au sujet de laquelle Callières remarque que :
Les mots de déplaisant et de marri […] n’ont plus gueres d’usage. Un homme du monde auroit dit ; j’ay bien du déplaisir de votre indisposition, au lieu de dire qu’il en est déplaisant ; et en la place du mot de marri, il se seroit servy de celuy de fâché, qui signifie precisément la même chose, et qui l’a presque entierement banny du commerce des gens qui parlent bien45.
ou encore des mots vieillis comme « huys » (v. 265) dans Le Jaloux endormy. Nous pouvons noter qu’il fait preuve de créativité en insérant dans ses pièces des mots non répertoriés dans les dictionnaires et construits par analogie. Le Mort vivant est la pièce qui contient le plus d’occurrences construites ainsi : « indupable » (v. 210), « des-Ambassade » (v. 506), « Ambassadant » (v. 504) ou encore « Ambassadrice » (v. 502), tous ces mots se retrouvent dans la bouche de Gusman qui se révèle être un valet très créatif mais ces originalités témoignent aussi de sa non-maîtrise du français correct. La langue poétique est aussi présente dans les trois comédies bien que cela se résume à quelques occurrences. Dans Le Mort vivant, nous pouvons relever le mot « couche » (v. 464) qui selon le dictionnaire de l’Académie de 1694 s’utilise rarement dans le vocabulaire ordinaire mais surtout en poésie et dans des formules consacrées telles que « la couche royale ». Il est employé paradoxalement par Gusman dans un contexte grivois qui détruit malheureusement toute la poésie du mot « Que l’honneur de ma couche est un bien sensitif. » (v. 464). Henriquez de Galas, étant l’honnête homme de la pièce, utilise le mot « courriere » (v. 707) à la scène 2 de l’acte II qui constitue une pause poétique dans l’avancée de l’action.
Les trois pièces qui nous intéressent ici sont trois comédies ; par conséquent, la visée du lexique employé par l’auteur est plus qu’évidente : il faut faire rire. Pour cela, Boursault est prêt à tout, y compris au mélange des registres qui lui sera notamment reproché par Fournel dans ses commentaires. Certains personnages des comédies et notamment les valets utilisent en effet un vocabulaire vulgaire mêlé de jurons, de mots familiers et de mots populaires et bas ; nous allons en relever quelques exemples. Peu importe le respect de la bienséance tant que les paroles de ses personnages amusent ceux qui ont payé pour venir le voir. Nous pouvons relever l’usage de jurons comme « vertu-bieu » (v. 254) dans Le Jaloux endormy, « malepeste » (v. 446) dans Le Médecin volant ou encore toutes une série impliquant le diable dans le Mort vivant « vas-t’en au Diable » (v. 636), « que le Diable te gratte » (v. 811) par exemple. Pour ce qui est des mots familiers nous pouvons citer « boire à regorge museau » (v. 676) dans Le Mort vivant ou encore « babillard maudit » (v. 31) dans Le Médecin volant. Concernant les mots populaires et bas, Gusman dans Le Mort vivant parle de « casse-poictrine » (v. 678) ou encore de « vin baptisé » (v. 679) ; mais l’exemple le plus significatif est le jeu de répétition, amplifié par rapport à la pièce de Molière, autour de l’urine et du champ lexical du verbe « pisser » aux scènes 9 et 10 du Le Médecin volant. Dans la même pièce, Philipin met en cause le « pucelage » (v. 80) d’Olympie comme explication de sa maladie. Ce mot considéré comme grossier n’apparaît plus à l’époque de l’écriture que dans les discours burlesques. Dans Le Mort vivant, la vulgarité dépasse les simples termes employés ; c’est plutôt le non respect des usages qui fait le discours vulgaire. Ainsi, à la scène 3 de l’acte II, Gusman-Ambassadeur d’Afrique décide de faire sa cour à Stéphanie lui-même, trouvant que Lazarille est trop soupirant. Seulement, il parle à la jeune femme de manière crue et pleine d’allusions grivoises « Et dès ce mesme jour l’un et l’autre conjoints, / A grossir nostre race appliquer tous nos soins. » (v. 539-540) tant et si bien que Stéphanie quitte la scène outrée :
Donc si vostre Excellence a pour moy quelque zele,Souffrez qu’elle m’en donne une marque plus belle,Et cachant ce qu’en vous je dois voir de suspect,Faites naistre un amour qui succede au respect. (v. 573-576)
Boursault continue de jouer sur l’impact d’un tel vocabulaire à la scène suivante. Cette allusion à la sexualité est contraire aux bienséances mais participe à rendre le personnage de l’Ambassadeur ridicule. Lazarille informe Fabrice qu’il veut tuer l’Ambassadeur à cause du manque de respect exprimé par ses paroles « Quoy donc cét homme à qui rien n’est égal, / A si peu de vertus et paroist si brutal ? » (v. 583-584). Ce que les critiques lui reprochent d’avoir inséré dans ses textes comme la faisant verser dans le vulgaire, l’écrivain s’en sert pour faire naître le comique. Cette stratégie n’est certes pas digne d’un auteur de comédie et participe à mélanger la farce grossière et populaire des siècles précédents à la comédie du XVIIe siècle qui se réinvente avec Molière.
Le déguisement ou l’illusion portée à son paroxysme §
L’illusion est une caractéristique fondamentale du théâtre. Les pièces ont pour objectif d’instaurer une reconstruction du « réel » sur scène pour bâtir ce que nous nommons communément l’illusion théâtrale. Au XVIIe siècle, la question de la rupture de l’illusion se pose peu, il s’agit plutôt de s’interroger sur les ressorts mis en œuvre pour que les spectateurs croient en l’illusion ou participent de l’illusion comme nous le verrons avec l’usage du déguisement dans les pièces qui nous intéressent. Il s’agit effectivement d’une création qui n’est pas toujours aisée dans les salles du XVIe siècle. L’illusion doit être construite dans un lieu où règne un certain brouhaha constant, où des spectateurs sont assis sur le lieu même de l’illusion, la scène. Ceci explique notamment les grands moyens employés par les dramaturges pour construire l’illusion et le goût pour le déguisement spectaculaire. Avant d’aller vers de plus amples considérations, intéressons nous au sens que revêt le mot illusion pour les hommes du XVIIe siècle. Richelet parle d’une « Tromperie des sens. Fausse représentation. », Furetière, quant à lui, le définit plus précisément en ces termes « Fausse apparence, artifice pour faire paroistre ce qui n’est pas, ou autrement qu’il n’est en effet. » et relève des utilisations particulières dans les domaines judiciaires, moraux et religieux puisque les illusions représentent les interventions du « Démon » pour tenter l’homme. Les deux dictionnaires mettent l’accent sur la notion d’erreur de jugement qu’impliquent nos sens, seuls outils de notre perception ; thème courant dans la pensée du XVIIe siècle et qui n’est pas sans nous rappeler la première des Méditations métaphysiques de Descartes. Ceci est l’objectif de l’illusion au théâtre : tout est fait pour donner à voir au spectateur des éléments qui lui sont familiers pour faire fonctionner la machine théâtrale.
Dans le cas de la comédie, l’illusion passe aussi par son énonciation. Gilles Revaz décrit le phénomène en ces termes :
Dans son énonciation interne, la comédie invalide les différents actes illocutoires ; cette caractéristique est l’application, au niveau de la parole, de l’utilisation du langage comme jeu dans la comédie. Les personnages jouent avec le pouvoir des mots et jouent de l’illusion référentielle créée par les performatifs. Faire croire à l’existence d’un référent dont le locuteur n’assume pas la réalité, c’est la fonction du mensonge. Les menteurs sont des personnages types de la comédie46.
Ce procédé permet aux différents « menteurs » des pièces de notre corpus de construire leur illusion : le seul fait de dire des réalités les fait exister aux yeux de tous. Ainsi, dans Le Jaloux endormy, bien qu’il soit persuadé de voir arriver Olimpie, Spadarille se laisse convaincre par Cléandre qu’il s’agit d’Aspasie, la fameuse « copie » que le jeune homme chérit sans aucune véritable preuve, sans mettre en présence les deux jeunes femmes, uniquement charmé par les mots. Il en va de même dans Le Mort vivant ; par ses seules paroles, Gusman parvient à faire douter Lazarille de la réalité de son père vivant qui se trouve devant lui. Le Médecin volant ne déroge pas au principe ; alors que Crispin déguisé en médecin s’entretient devant la fenêtre avec son frère pour lui pardonner sa méprise la parole est plus forte que les actes. En effet, Fernand s’appuie sur les paroles de Crispin plus que sur ce qu’il voit : lorsqu’il demande au médecin d’embrasser son frère devant la fenêtre comme le lui a demandé Philipin, il s’enthousiasme d’avoir montré à son valet qu’ils sont deux alors que Philipin précise qu’il n’a rien vu. Il est donc possible de nous interroger sur le pouvoir du mensonge de Crispin sur Fernand qui lui ferait uniquement voir les faits qui ne l’invalident pas. Tout ceci est possible en raison de l’avantage que les personnages de comédie ont sur leurs homologues tragiques : étant des personnes d’un rang moindre, le mensonge est possible sans risquer d’enfreindre les règles de bienséances. Les entreprises de nos héros sont donc permises y compris pour ceux qui ont un rang supérieur aux autres : dans Le Mort vivant, Fabrice n’étant qu’un « petit maître » il peut se permettre de mentir à son ami Lazarille en utilisant les talents de faussaire de son valet Gusman et en le faisant jouer l’Ambassadeur d’Afrique.
Le déguisement est un thème commun aux trois pièces qui constituent notre corpus et marque l’apogée de l’illusion. Ainsi, Boursault s’inscrit dans une tradition caractéristique de son temps : au XVIIe siècle de nombreuses pièces ont une intrigue qui s’appuie sur le déguisement. Nous allons ici nous appuyer essentiellement sur Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680). Le déguisement et ses avatars de Georges Forestier. Dans les années 1660, les pièces à déguisements sont en baisse en comparaison de l’apogée qu’elles ont connu dans les années 1650. Cependant les pièces de notre corpus s’inscrivent dans un autre phénomène ; les pièces courtes en un acte connaissent un essor dans ces années-là. Ainsi, dans la période 1660-1669 sur 168 pièces jouées, 63 impliquent un déguisement ce qui équivaut à 38 % des pièces. Toutefois, dans la même période pour 50 comédies en un acte jouées, 18 impliquent une dissimulation d’identité soit 36 des pièces en un acte.
Boursault, dans sa première période d’écriture, va s’appuyer sur le thème de la ressemblance jusqu’aux Nicandres ou les menteurs qui ne mentent point.
Tout d’abord, nous pouvons remarquer que le tour de force du déguisement réside dans le fait de faire passer un personnage pour ce qu’il n’est pas en ajoutant des éléments à son rôle premier. Nous sommes confrontés à différents types de déguisements. Ils sont tous « fondamentaux » compte tenu du fait que l’action ou une partie de l’action repose sur ces déguisements. Nous pouvons distinguer deux types de déguisements : les déguisements « conscients » qui constituent la majorité des déguisements présents dans nos pièces et un déguisement « inconscient » incarné par Stéphanie dans Le Mort vivant. Boursault exploite deux façons de déguiser un personnage : le changement d’identité, tel celui d’Olimpie dans Le Jaloux endormy ou encore le changement de condition, ce qui est le cas de Crispin dans Le Médecin volant et de Gusman dans Le Mort vivant. Il laisse de côté la possibilité de déguisement par changement de sexe. Tous les déguisements conscients impliquent un déguisement physique qui passe inévitablement par un changement de costume annoncé dans les didascalies comme dans Le Médecin volant où Crispin est décrit comme « en soutane » marque de l’habit du médecin au XVIIe ou tut dans les deux autres pièces mais inévitable dans la mesure où les rôles de déguisement n’ont rien à voir avec la condition initiale. Le déguisement introduit une nouvelle donne dans l’économie de la pièce : qu’il le veuille ou non, le personnage déguisé participe lui aussi de l’illusion. Son déguisement vient s’ajouter à son rôle de base. Georges Forestier analyse le déguisement comme un « signe » comparable à un signe linguistique, devenant donc « analysable en terme de signifiant et de signifié : on retrouve ainsi la description de l’ironie verbale, puisque un déguisement présente un signifiant unique et deux signifiés47 ». Etant déguisé, le personnage se met en scène devant un autre personnage qui devient le spectateur de ses faits et gestes et qui réagit devant ses talents de comédiens. S’instaure alors une différence entre les différents personnages de la pièce, entre ceux qui sont victimes de l’illusion et ceux qui en sont complices. Cette différence de savoir met en place l’ironie dramatique. Le personnage déguisé et ses adjuvants sont dans une position ironique vis-à-vis de celui qui est victime du déguisement. Cette ironie s’exerce pleinement dans les pièces de notre corpus d’autant que le public à connaissance de la supercherie et que le seul à ne pas être informé est la victime ; il jouit d’une supériorité permise par le fait qu’il voit toutes les scènes de la pièce. Georges Forestier reprend le modèle actantiel et l’applique au phénomène du déguisement :
L’on a trois actants, un destinateur qui émet son signe à l’intention d’un destinataire pour se moque d’un tiers, « la cible », c’est-à-dire, pour ce qui est du déguisement, l’auteur, le public, et le personnage qui ne peut déchiffrer le déguisement48.
En outre, le déguisement en tant qu’illusion permet de dévoiler la vérité de certain personnage. Nous pouvons reprendre pour les pièces qui nous intéressent la réflexion de John Lyons :
La fausse mort de Rodrigue, par exemple, et celle de Clindor ne préparent pas la découverte que ces personnages sont, en effet vivants ; l’illusion de leur mort permet à d’autres personnages de révéler leurs potentialités cachées. Que ce soit dans le sens d’un dénouement heureux, comme dans Le Cid, ou d’un dénouement funeste comme dans Phèdre, l’illusion aura facilité l’aveu de l’inavouable. C’est là un geste irrévocable49.
Le déguisement permet dans les trois pièces de révéler des sentiments qui n’apparaissaient pas au premier abord chez les personnages. Dans Le Médecin volant, Fernand, en colère, accorde la main de sa fille à Cléon suite au déguisement. Dans Le Mort vivant, le déguisement de Gusman en ambassadeur d’Afrique révèle la fureur qui peut s’emparer de Lazarille lorsqu’on ose manquer de respect à celle qu’il aime et dans Le Jaloux endormy, le déguisement permet d’abuser Spadarille qui semblait portant hors d’atteinte puisqu’il était si rusé et si prévoyant.
Dans le Médecin volant, le valet Crispin se déguise en médecin pour permettre à son maître Cléon de rentrer en contact avec sa maîtresse Lucresse et pouvoir ainsi l’épouser. L’avancée de l’intrigue le contraint à un nouveau déguisement, il se retrouve obligé de prétendre être le frère du personnage qu’il a créé lors de son déguisement. Il est sa propre victime ; le valet est victime de l’illusion qu’il crée pour duper et se jouer d’un autre personnage. Nous sommes donc dans un cas de multiplication des déguisements ; un même personnage est contraint de revêtir des déguisements successifs, ceci « peut marquer la recherche d’un effet comique de répétition50 ».
Le Mort vivant s’appuie sur deux types de déguisements différents. L’intrigue repose sur des confusions introduites par Fabrice auprès de son ami Lazarille pour que celui-ci renonce à Stéphanie, femme que les deux hommes aiment. Le valet de Fabrice, Gusman, est poussé par son maître à prétendre être l’ambassadeur d’Afrique déplacé jusqu’à Séville pour la beauté de Stéphanie et lui demander sa main. Ce stratagème est possible, d’après Fabrice, grâce à une ressemblance physique entre les deux hommes. Gusman-Ambassadeur d’Afrique doit séduire Stéphanie et évincer Lazarille aux yeux de Fernand et une fois le jeune homme écarté laisser la place à Fabrice ; « Or, à aucun moment, Fabrice, le héros, n’est impliqué dans le jeu de son valet : déjà présent au moment de l’entrée fracassante de Gusman, il se contente d’assister à l’action comme les autres personnages51. ». La mise en présence des deux hommes qui ont échangé leur condition, Gusman-Ambassadeur d’Afrique est d’une condition supérieure à celle de Fabrice qui devient son simple serviteur, n’apporte aucun effet supplémentaire à l’action et ne renforce pas le côté comique du déguisement de Gusman. L’action n’étant pas enrichie, cet effet devient inutile. Le déguisement est abandonné suite à une menace de Lazarille qui compte tuer l’Ambassadeur d’Afrique qui a manqué de courtoisie envers Stéphanie. Gusman apeuré refuse de renouveler le déguisement. Par la suite, Gusman fait l’esprit dans l’auberge où dorment Lazarille et Henriquez de Gallas ne sachant pas qu’ils sont en présence l’un de l’autre. Le valet feint d’être l’esprit du père mort venu pour que le jeune homme parte pour Tolède rembourser un vol qu’il aurait fait et qui l’empêche de pouvoir reposer en paix. Gusman-esprit du père mort se retrouve confronté au père vivant ce qui fait tomber le déguisement : le valet, peureux, renonce au déguisement et fait appel à son maître lorsque Lazarille se fait de plus en plus soupçonneux.
Un deuxième personnage est aussi déguisé : Stéphanie n’est pas la jeune femme qu’elle croit être. Effectivement, elle découvre au début de la pièce qu’elle n’est pas la fille de Ferdinand et à la fin de la pièce qu’elle est la fille d’Henriquez de Gallas et donc la sœur de l’homme à qui elle avait promis sa main. Habituellement, dans les pièces où le déguisement est inconscient, la cause de celui-ci est une disparition ou un enlèvement qui est antérieur au début de la pièce. Le cas de Stéphanie est un peu différent : sa mère est venue accoucher chez Fernand et la lui a confiée en attendant qu’on vienne la reprendre en lui montrant un demi-anneau qui complèterait celui que la mère lui a confié. Cependant, comme le souligne Georges Forestier : « Toutefois le plus grand nombre d’entre eux [les déguisements inconscients] ne méritent pas d’être pris au pied de la lettre. Ils sont de simples explications destinées à justifier la situation sur laquelle a reposé tout ou partie de l’intrigue, et ils sont de pure convention52 ». Le déguisement inconscient de Stéphanie permet effectivement de justifier la fin de la pièce et de permettre le dénouement heureux caractéristique de la comédie : tous les jeunes gens trouvent ainsi leur bonheur alors que la pièce n’offrait qu’une seule jeune femme à marier pour deux jeunes hommes et les plans du barbon se trouvent contrecarrés.
Le Médecin volant et Le Mort vivant peuvent être rapprochés sur plusieurs points. Dans ces deux pièces, le personnage déguisé est celui du valet qui se déguise pour obéir à son maître et agit indépendamment de celui-ci. Il s’agit donc d’un déguisement imposé. Ce fait est courant au XVIIe, période de l’essor du rôle du valet par rapport à celui de la suivante en matière de déguisement : « Contrairement à la servante, le valet se déguise rarement pour la simple raison que son maître se déguise ou pour se livrer à une courte apparition. Dans la grande majorité des cas (déguisements secondaires ajoutés aux déguisements fondamentaux), le personnage du valet jouit d’une autonomie certaine dans son déguisement, ce qui achève de le distinguer du personnage de la servante53. ». Le déguisement des valets est la forme de déguisement comique la plus employée et héritée des auteurs comiques latins Plaute et Térence. La difficulté du déguisement du valet réside dans le fait qu’il doit masquer aux autres personnages non pas son identité mais sa condition. Ainsi, dans Le Mort vivant, nous pouvons relever les vers suivants : « GUSMAN bas Diable, que j’ay bien fait de quitter la Roupille » (v. 614) et « GUSMAN Monsieur : ah ! » (v. 621) ; cette peur d’être reconnu est absurde, Gusman n’est qu’un valet donc ce n’est pas son identité et son visage qui doivent être dissimulés. Cet enjeu n’est pas toujours une réussite ; ceci apparaît notamment par la parole. Le physique est facile à dissimuler mais quel élément peut trahir une condition de valet mieux que le langage qu’il utilise lorsqu’il n’est pas approprié à la condition du personnage qu’il prétend être ? Le déguisement verbal est la première étape de tout déguisement et même la clef de la réussite, il pourrait même se suffire à lui-même mais ce n’est pas le cas dans nos pièces ; le déguisement vient ensuite. Nous pouvons relever dans nos pièces certaines répliques qui laissent transparaître la condition des valets aux oreilles attentives et introduisent « une distorsion entre le personnage et son rôle54. », le discours ne correspond plus à l’apparence sans cependant faire que la véritable identité du personnage soit mise à jour ; dans les trois pièces les déguisés ne sont pas découverts à cause de leur vocabulaire. Dans Le Mort vivant, Gusman-Ambassadeur d’Afrique fait preuve d’une grande grossièreté pour séduire Stéphanie qui quitte la scène outrée par les propos d’un tel personnage : « GUSMAN Et dès ce mesme jour l’un et l’autre conjoints, / A grossir nostre race appliquer tous nos soins » (v. 539-540) et
GUSMAN Esprit cruche,
Nourrisson d’un vieillard qui semble une guenuche,Apres que noblement j’ay dépeint mon ardeur,N’a-t-elle encore pû penetrer vostre cœur ? (v. 553-556).
En outre, dans ces deux pièces, le but du déguisement est le même : la tromperie. Crispin, dans Le Médecin volant, se fait passer pour un faux médecin et pour le frère de celui-ci pour tromper Fernand et Gusman, dans Le Mort vivant, se déguise en Ambassadeur d’Afrique et fait l’esprit pour confondre Lazarille. Il est important de noter que le déguisement des deux valets s’il ne les valorise pas dans l’intrigue puisque les amours du maître restent le principal enjeu, leur fait prendre une toute autre place que celle qui leur est normalement réservé dans l’action de la pièce. Leur fonction dans la pièce consiste en favoriser les amours de leur maître comme tout valet à l’italienne du XVIIe siècle. Cependant leur statut d’adjuvant ajouté à leur déguisement « peut prendre des proportions si envahissantes, qu’elles finissent quelquefois par faire de lui (dans certaines comédies en un acte notamment) le premier rôle de la pièce55. ». Les deux pièces sont marquées par le succès partiel et l’échec complet du déguisement. Le succès partiel se manifeste comme suit :
toute séquence qui fait succéder à une période d’aveuglement total de la victime du jeu la reconnaissance ou la découverte de l’identité du personnage déguisé. C’est qu’il y a succès d’un déguisement non point nécessairement lorsqu’il se traduit par le succès de l’action engagée à travers le déguisement mais tout simplement lorsque le jeu lui-même parvient à sa fin sans que le personnage déguisé soit percé au jour56.
En effet, dans Le Médecin volant, le déguisement de Crispin fonctionne partiellement puisqu’il parvient à confondre Fernand jusqu’à l’instant où le valet Philipin le démasque. Cependant, ce même déguisement est aussi un échec total ; le dénouement de la pièce, le mariage des deux jeunes gens, n’est pas permis par la ruse imaginée par Cléon. Fernand lui accorde la main de sa fille pour le « punir » de sa tromperie, en guise de réparation. Il en va de même dans Le Mort vivant. Le déguisement de Gusman en Ambassadeur est une réussite ; il n’est pas percé à jour lorsqu’il joue ce rôle-là. Cependant, lorsqu’il prétend faire l’esprit dans l’auberge où séjournent Lazarille et son père, il dévoile lui-même sa condition en prenant peur face aux suspicions de Lazarille et des autres personnages présents sur scène. Fabrice arrive alors pour avouer la supercherie mise en place. Supercherie qui a été inutile pour l’arrivée du dénouement ; Henriquez de Gallas, étant à la fois le père de Lazarille et celui de Stéphanie le mariage entre les deux n’est plus possible. C’est donc tout naturellement que la main de Stéphanie revient à Fabrice : toutes ses manigances pour y arriver ayant été inutiles.
Dans le Jaloux endormy, le déguisement est impliqué par une méprise de Cléandre qui se présente devant le soupçonneux et jaloux Spadarille avec au doigt une bague que lui a confié Olympie en guise de son amour. Afin d’expliquer à qui appartient ce bijou, Cléandre invente l’existence d’une maîtresse qui serait le sosie d’Olympie, pour qui il n’a plus aucun sentiment, sa passion ayant été effacée par les charmes de sa « copie ». Olympie vient donc sur scène sous le nom d’Aspasie, maîtresse de Cléandre. Ce déguisement permet à Cléandre et Olympie de pouvoir partir à Marseille et de se défaire de l’emprise de Spadarille qu’Alcidor enferme dans la chambre où il avait lui-même enfermé Olympie. Le déguisement de celle-ci consiste uniquement en un changement d’identité, d’Olympie elle devient Aspasie. Aucune didascalie n’implique un changement d’apparence ou de condition. Ceci est confirmé par la confusion dans laquelle se trouve Spadarille à sa vue « ALCIDOR Il amene Olimpie. SPADARILLE En effet, je le croy. » (v. 310) et « SPADARILLE Si vous ne l’estes pas pour le moins sa jumelle, » (v. 327). Dans cette pièce le but du déguisement est totalement différent des autres ; Olympie aspire à fuir avec Cléandre en feignant d’être Aspasie, ce qu’elle réussit à faire. Nous pouvons donc affirmer que le déguisement d’Olimpie est un déguisement réussi car il permet d’apporter à la pièce une issue différente de la situation initiale : grâce au déguisement Olimpie s’est faite chasser de sa maison par son époux Spadarille, retrouvant ainsi sa liberté et s’est enfuie avec Cléandre qui devrait l’épouser par la suite.
Le Jaloux endormy §
Création et représentation §
Le privilège pour le Jaloux endormy a été obtenu le même jour que celui du Mort vivant, le 11 mai 1662 ; pour Lancaster, il est donc difficile de savoir laquelle des deux pièces a été jouée la première, « Mais nous pouvons supposer que, comme Montfleury, Poisson et Chappuzeau, il commença par représenter la pièce la plus courte [qui est donc Le Jaloux endormy]57 ». À partir de ces informations, Lancaster suppose que la pièce a été jouée pour la première fois en 1660 au « Theatre Royal du Marais » comme cela est précisé sur la première page de notre édition contrairement aux dires de Fournel dans Les contemporains de Molière qui voit la première représentation le 18 décembre 1663. Par la suite, la pièce fait partie du répertoire de la troupe de Villeroy à Dijon en 1668. C’est probablement à cette époque-là qu’elle est appelée Les Cadenats ou Six cadenas comme le note Lancaster ; cependant le texte reste le même et l’on appellera désormais la pièce indifféremment par son titre original et par son titre de province. Le Jaloux endormy est réédité en 1725 puis en 1746 dans les recueils des pièces de l’auteur.
La source du Jaloux endormy est inconnue. Lancaster relève des comparaisons possibles avec le Miles gloriosus (le Soldat fanfaron) de Plaute. Dans cette pièce, Pyrgopolinice est un soldat fanfaron qui a enlevé Philocomasie. Comble de l’ironie, l’esclave de l’amoureux de cette jeune femme, Palestrion, est capturé et donné comme esclave au soldat. Boursault ne reprend pas le rôle de soldat fanfaron pour Spadarille qui est un simple gouverneur de Toulon. Cependant, le trou dans le mur qui permet aux deux amoureux de se voir est un héritage de la pièce latine même si chez Plaute nous savons qui est à l’origine de ce stratagème : le valet Palestrion. Il en va de même pour l’idée de déguiser la jeune femme pour réussir à lui faire quitter la ville ; seule différence, chez Plaute, les deux amants sont vus l’un dans les bras de l’autre par un des esclaves du soldat fanfaron et Philocomasie se fait passer pour sa sœur jumelle. Lancaster voit aussi une comparaison possible mais plus incertaine avec La Cocue imaginaire de Donneau de Visé :
Comme Spadarille apparaît dans un rôle assez similaire dans Les Cadenats de Boursault il y avait probablement un lien entre les deux pièces de théâtre, mais, comme la date de composition des Cadenats n’est pas établie avec certitude, il ne peut être déterminé quel travail a influencé l’autre58.
En outre, Spadarille peut être comparé avec le Sganarelle de L’École des maris et l’Arnolphe de L’École des femmes de Molière. Le sujet de la pièce et son intérêt sont justement relevés par Lancaster : « Alors que le comique est plutôt bas, le dialogue est souvent amusant, comme on peut en juger par la scène de la défaite finale de Spadarille (scène 15)59 ».
Résumé de la pièce §
Scène 1 : Spadarille, Olimpie §
Discussion des deux époux au sujet de la fidélité d’Olympie. Spadarille juge bon d’enfermer la jeune femme sans quoi elle ne serait pas fidèle, cédant à sa nature féminine. Pour renforcer les six cadenas déjà en place il a l’intention d’aller chercher des verrous. Il aperçoit un homme qui approche et enferme sa femme pour la tenir loin des regards.
Scène 2 : Cléandre, Spadarille, Cascaret §
Arrivée de Cléandre qui rappelle à Spadarille qu’il lui a ravi son amour grâce à son mérite supérieur. Spadarille met fin à la conversation avant d’avoir laissé le temps au jeune homme d’expliquer le motif de sa venue. Il part chercher des verrous.
Scène 3 : Cléandre, Cascaret §
Cléandre fait part à son valet de ses intentions d’enlever Olimpie et de l’amener à Marseille avec lui. Cascaret s’inquiète que le vieillard ne découvre le trou que les amants ont fait entre leur chambre respective pour pouvoir se voir à l’abri des regards. Cléandre montre à Cascaret l’anneau qu’Olimpie lui a confié pour marquer leur attachement secret.
Scène 4 : Spadarille, Cléandre, Cascaret §
Spadarille revient avec ses verrous et explique à Cléandre l’usage qu’il compte en faire. Il soupçonne le jeune homme de vouloir séduire Olimpie comme tous les hommes qui voudraient s’approcher d’elle mais celui-ci lui assure qu’il aime sa copie. Le vieillard voit l’anneau d’Olimpie au doigt de Cléandre et est persuadé que les deux jeunes gens sont amants. Pour lever ses craintes, il exige de voir la copie aimée par Cléandre sans quoi il ne lui donnera pas la Patente nécessaire pour qu’il puisse quitter la ville pour Marseille.
Scène 5 : Spadarille §
Il s’agit d’un court monologue. Le vieillard est persuadé de tenir des griefs contre son épouse, justifiant ainsi l’enfermement qu’il lui inflige.
Scène 6 : Spadarille, Olimpie §
Spadarille fait sortir sa femme pour l’informer de la présence de Cléandre dans la ville et lui exposer ses soupçons. Il lui demande d’ôter son gant pour lui montrer son anneau qui se trouve être à sa place, au doigt de la jeune femme. Un vieillard approche ; Spadarille enferme donc Olimpie.
Scène 7 : Alcidor, Spadarille §
Alcidor vient prendre des nouvelles de sa fille et apprend son mauvais comportement à l’égard de son nouvel époux et le traitement que celui-ci lui inflige. Spadarille lui fait part de ses soupçons au sujet de Cléandre. Les deux hommes croient voir Olimpie et Cléandre arriver vers eux.
Scène 8 : Spadarille, Cléandre, Olimpie sous le nom d’Aspasie §
Spadarille appelle sa femme à travers la porte fermée pour qu’elle se manifeste mais son entreprise est sans succès. Il explique alors sa confusion aux deux amants : il demande à Aspasie de bien vouloir aller parler à Olimpie. Pour ne pas compromettre son déguisement, Aspasie propose à Spadarille de commencer par faire part à sa femme de leur conversation afin de ne pas la choquer, pendant ce temps-là, Aspasie ira faire des adieux en ville. Aspasie part accompagnée de Cascaret.
Scène 9 : Spadarille, Cléandre, Alcidor §
Alcidor, pour gagner du temps et permettre à sa fille de retourner dans sa chambre, feint de soupçonner Cléandre de tomber de nouveau amoureux d’Olimpie à sa vue. Le jeune homme nie cela en vantant la puissance de son amour pour Aspasie.
Scène 10 : Alcidor, Cléandre §
Alcidor promet sa fille à Cléandre s’il respecte son honneur et parvient à la délivrer de son mari jaloux.
Scène 11 : Spadarille, Olimpie, Cléandre, Alcidor §
Lorsque son époux ouvre la porte, Olimpie feint de se réveiller pour justifier son silence à ses appels. Cléandre, en voyant Olimpie, imite l’attitude du vieillard jaloux. Spadarille s’en amuse mais Olimpie, outragée, demande à être de nouveau enfermée et refuse de voir Cléandre et Olimpie.
Scène 12 : Spadarille, Cléandre, Alcidor §
Spadarille fait remarquer à Cléandre qu’Olimpie ne l’aime plus mais le jeune homme n’est pas blessé puisqu’il est aimé d’Aspasie.
Scène 13 : Olimpie sous le nom d’Aspasie, Spadarille, Cléandre, Alcidor, Cascaret §
Aspasie est de retour, Spadarille lui fait part du refus d’Olimpie et congédie les deux amants en leur donnant la Patente permettant leur départ.
Scène 14 : Spadarille, Alcidor §
Spadarille se réjouit de la situation et veut annoncer le départ de Cléandre à Olimpie pour voir son bonheur. Celle-ci ne répond pas à ses appels. Spadarille, la croyant rendormie, ouvre la porte et demande à Alcidor de rentrer avant lui. Par respect pour son Gouverneur, celui-ci refuse. Spadarille entre et Alcidor l’enferme et lui explique qu’Olimpie est partie avec Cléandre. Il abandonne alors le gouverneur à ses malédictions.
Scène 15 : Spadarille §
Spadarille se morfond sur son sort et termine son discours par une mise en garde contre les femmes desquelles il vaut mieux se passer.
Analyse de la pièce §
Le Jaloux endormy est une pièce en 15 scènes. Contrairement aux deux autres pièces qui nous intéressent elle semble incomplète. Après comparaison avec l’édition de 1721, nous avons constaté l’ajout d’une première scène et de quelques vers à la scène suivante60. Dans l’édition originale, l’exposition n’est pas donnée dans son ensemble ; le spectateur ne sait pas qu’Alcidor et Cléandre ont décidé de s’allier pour délivrer Olimpie de la jalousie de Spadarille. Nous nous retrouvons devant le fait accompli lorsque les deux hommes se retrouvent seuls à la scène 10 et semblent avoir établi un stratagème en hors scène. Cette annonce retardée de la relation entre les deux hommes empêche le spectateur de comprendre qu’Alcidor sait qu’il a sa fille en face de lui à la scène 8 et qu’il infléchit Spadarille pour qu’il pense qu’il s’agit d’une autre femme et qu’il cherche à gagner du temps pour laisser sa fille revenir dans sa chambre à la scène 9. En bref, le spectateur ne sait pas qu’il est le complice de Cléandre en plus d’être son commanditaire comme nous pouvons le lire à la scène III des vers 151 à 154. Jusqu’à la scène 10, le spectateur est dans la même situation que Spadarille quant aux réelles intentions d’Alcidor, il est lui aussi dupé ce qui est inhabituel au théâtre. L’ajout de l’édition de 1721 palie ce manque.
La jalousie est un vilain défaut… §
Commençons par rechercher la définition la plus objective que nous puissions trouver du terme jalousie au XVIIe siècle. Quels ouvrages ont pour mot d’ordre de présenter la vision la plus nette et la moins subjective possible que les dictionnaires ? Nous avons donc choisi de relever et de comparer les définitions que le Richelet et le Furetière proposent. Richelet la définit de manière synthétique comme « Déplaisir causé par la crainte qu’on a de perdre ce qu’on aime. » et Furetière comme une « Passion de l’ame qui naist de l’envie qu’on a de la gloire du bonheur d’autruy, ou de l’amour propre, qui nous fait craindre de perdre ce que nous possedons, ou ce que nous desirons de posseder. Il se dit sur tout de l’amitié, et encore plus de l’amour. Un sujet qui devient trop puissant donne de la jalousie à son Prince. Une grande amour est d’ordinaire accompagnée de jalousie. La jalousie fait hair fortement les rivaux. ». Les deux définitions mettent l’accent sur le fait que la jalousie est liée à l’amour, puisqu’on ne peut être jaloux que si l’on aime. Paradoxalement, cela ne semble pas être le cas du jaloux de notre pièce. Spadarille ne manifeste au cours de la pièce aucun amour pour Olimpie que ce soit dans ses paroles ou dans ses actes. Il va même jusqu’à considérer la jeune femme comme un simple trophée qu’il expose aux yeux de Cléandre contre qui il l’a « gagnée ». Ceci s’illustre dans le vocabulaire de la chasse qu’utilise l’époux pour parler d’Olimpie « Oüy l’on ose, et ce sont des Madrez, / Qui voudroient sur ma terre usurper droit de chasse » (v. 170-171). En outre, au regard des définitions, nous pouvons constater l’évolution du mot, du simple « déplaisir » chez Richelet, la jalousie devient une « passion de l’ame » pour Furetière, introduisant ainsi une toute autre dimension. La passion est une « agitation de l’ame », un sentiment qui emporte et aveugle celui qui en est la victime. Ceci est renforcé par le sentiment de haine que développe le jaloux à l’égard de ses rivaux. La jalousie entraîne des réactions extrêmes. Ce sont ces réactions qui sont reprises dans Le Jaloux endormy et qui forgent le caractère comique de Spadarille. La paranoïa qui s’empare de lui quant à la fidélité de sa femme, n’ayant aucune certitude de sa faute est d’autant plus ridicule qu’elle est disproportionnée au vu de la situation. Olimpie est effectivement infidèle et voit Cléandre en secret grâce au trou qu’ils ont fait entre le mur de leur chambre. C’est donc les mœurs de ce personnage qui devraient être dénoncés dans la pièce. Seulement, Spadarille est un barbon et représente le conflit intergénérationnel traditionnel de la comédie. L’infidélité d’Olimpie est justifiée par le fait que Spadarille a profité de son avantage financier et son statut de gouverneur de Toulon pour séduire la bourse d’Alcidor qui a donc choisi le meilleur parti pour sa fille oubliant son amour pour Cléandre. La faute de la jeune fille se transforme en fidélité à son premier amant et à celui qui est un honnête homme, respectueux de la femme qu’il aime comme en témoigne ce vers : « L’interest d’Olimpie est plus fort que mes feux. » (v. 374). L’attitude d’Olimpie est justifiée par la méchanceté de Spadarille.
Plus qu’un simple mot, le thème de la jalousie est présent dans la littérature depuis ses débuts. Il est possible de le retrouver chez Plutarque par exemple dans certains chapitres de sa Morale61. À la Renaissance, c’est tout naturellement que nous pouvons la retrouver dans les Essais de Montaigne où elle apparaît comme « la plus vaine et la plus tempétueuse maladie qui affecte les âmes humaines62 ». Cependant, Le Jaloux endormy trouve plutôt ses sources dans la tradition née en Espagne durant le Siècle d’Or. Nous pouvons trouver des exemples d’œuvres ayant pour thème la jalousie chez Cervantès. Dans le Don Quijote de la Mancha, le héros trouve une valise contenant le manuscrit d’une nouvelle : El curioso impertinente. Elle met en scène deux amis, bien faits, à qui tout réussi. L’un d’eux, Anselmo, tombe amoureux de Camila avec qui il se marie. Très vite, il doute de la fidélité de sa femme et décide de la mettre à l’épreuve pour vérifier qu’elle ne faute pas. Il demande alors à son ami de mettre la fidélité de sa femme à l’épreuve en la séduisant. La femme et l’ami tombent amoureux, causant le désespoir d’Anselmo ; sa curiosité pathologique et sa jalousie non justifiée conduisent à son malheur. Un autre exemple dans les Novelas ejemplares qui comportent une nouvelle intitulée el celoso extremeño. Dans cette nouvelle, le jaloux a conscience de sa jalousie et a donc pris pour résolution de ne pas se marier pour ne pas avoir à éprouver ce sentiment. Cependant, il rencontre une belle jeune femme et tombe sous son charme. Ils se marient et le mari décide d’enfermer sa femme pour éviter de l’exposer aux convoitises. Il fait construire une tour dans laquelle il l’enferme avec des servantes et un eunuque. Seulement, un jeune homme parvient à s’introduire dans la maison en séduisant les valets et s’introduit auprès de la jeune fille. Le mari de retour les trouve ensemble et pardonne sa femme de son erreur ayant conscience qu’elle ne savait pas qu’elle lui portait préjudice en étant avec cet homme puisqu’elle avait toujours été enfermée. Boursault reprend le thème de l’enfermement de la femme qui ne permet pas d’éviter que la faute n’arrive, thème que nous retrouvons aussi chez Molière dans L’Ecole des femmes. Dans la tradition espagnole, puis par la suite chez Molière, le jeune amant cherche à tisser un lien avec le mari jaloux. Nous retrouvons cela dans la pièce de Boursault. À la scène 2, Cléandre se présente devant Spadarille pour venir lui parler : il commence par lui rappeler qu’il était l’amoureux d’Olimpie et que le gouverneur lui a pris son amour. Seulement, Spadarille ne laisse pas le temps au jeune homme de dévoiler le véritable sujet de sa venue, il le congédie de manière brutale, Mais Monsieur, mais Madame, / J’ai des soins à donner autre part que vers vous, » (v. 120-121). Il anéantit toute chance pour Cléandre de pouvoir se lier avec lui puisqu’il voit un danger dans tous les gens qui l’entourent allant jusqu’à refuser d’avoir des valets dans sa maison.
Au-delà d’être un simple thème littéraire, la jalousie est présente dans la vie de tous les jours et les Historiettes63 témoignent de nombreux cas de jalousie recensés. En voici un exemple :
Bien que la vicomtesse d’Auchy ne fût pas belle et qu’elle eût à la cour moins de « mourants » que de moqueurs, son mari craignit quelqu’infortune et retira la dame à la campagne où elle resta dix ans comme prisonnière64.
Le Jaloux endormy s’inscrit dans un héritage littéraire mais peut aussi être lu comme un témoignage de la réalité du XVIIe siècle.
Des personnages proches du caractère §
Spadarille, jaloux obsessionnel et hyperbolique §
Spadarille est présenté dans la liste des personnages comme le gouverneur de Toulon mais il n’est cependant pas vu dans ses fonctions au cours de la pièce. Seuls quelques détails rappellent sa fonction : il a réussi à avoir la main d’Olimpie grâce à cela et Cléandre a besoin de sa Patente pour pouvoir quitter la ville et partir pour Marseille. Nous avons remarqué qu’avant toute autre chose, le personnage de Spadarille correspond à l’image du personnage jaloux par excellence, caractéristique qui n’apparaît pourtant qu’à la fin de la description qui est faite de lui dans la liste des personnages. Il s’agit d’un personnage caricatural. Il est méchant et insultant avec Olimpie (v. 30 à 33) et ne veut pas être cocu (v. 41 à 46). Spadarille est un homme tellement jaloux qu’il est incapable de se faire aimer de celle qu’il a épousée. La jeune femme ne l’aime pas et ne lui cache pas ses sentiments, elle lui préfère son premier prétendant Cléandre comme nous pouvons le relever des vers 79 à 84. La jalousie de Spadarille n’est justifiée par aucune action de la jeune femme mais elle est pourtant cruelle. Elle crée un obstacle entre les deux époux sans aucune justification. Le discours qu’il tient à son épouse lors de la première scène rappelle celui d’Arnolphe à Chrysalde à la première scène de l’acte I de L’école des femmes. Il a tellement observé le monde qui l’entoure et les vices des femmes qu’il devient un jaloux extravagant. Jalousie qui l’empêche de voir autre chose que l’infidélité chez les femmes. Elle le fait même l’acteur de la duperie qui se fomente contre lui : il s’évertue à enfermer Olimpie mais il ne va pas vérifier qu’il n’y ait pas une issue qui ait été créée dans la chambre de la jeune femme. Il s’agit donc d’un personnage qui surestime ses capacités, qui a une opinion faussée de lui-même. Tout ceci participe à le rendre ridicule et hilarant. Face à un tel personnage le seul désir du spectateur est sa perte et sa chute ; fort heureusement, le caractère du jaloux ne peut faire partie des personnages heureux à la fin de la comédie sans compromettre le bonheur des autres parties.
La scène 10 représente un tournant dans la perception que nous avons de Spadarille. Dès cette scène comme nous l’avons vu, le spectateur en sait plus que le personnage concernant le complot qui s’organise contre lui et retrouve sa supériorité habituelle, ce qui contribue au renforcement de l’ironie dramatique. Jean-Claude Ranger perçoit cette révélation comme une humanisation du personnage qui permet de nous faire rire à ses dépens :
Mais ce souci de l’humanité des personnages de comédie est constamment présent, comme le montre bien le fait que nous sommes ravis de découvrir que le meneur de jeu n’a pas toutes les cartes en main et que nous pouvons rire à ses dépens à lui aussi, le rendent à son humanité, qui ne va pas sans impuissance65.
Spadarille se trouve confronté à l’action d’Alcidor qui est un père très actif contrairement à ce que nous avons l’habitude de voir dans les comédies du XVIIe siècle. Le père a en effet pris conscience de son erreur et cherche à la réparer en faisant appel à Cléandre pour délivrer sa fille, tout l’enjeu de la pièce est là. Nous pouvons retrouver cet affrontement dans l’organisation de la liste des personnages : Spadarille qui représente une autorité ouvre la liste tandis qu’Alcidor – et son valet Cascaret – qui est une autre autorité la referme, les deux amants héros de l’intrigue se retrouvant enlacés entre eux.
Cléandre et Olimpie, amoureux de comédie §
Dans Le Jaloux endormy, le personnage principal n’est pas le valet contrairement aux deux autres pièces auxquelles nous nous intéressons. Le valet de Cléandre, Cascaret, ne prononce que sept répliques dans toute la pièce soit 20 vers sur les 554 que compte la pièce. Il n’est qu’un personnage accessoire qui évite un monologue de Cléandre à la scène 3 pour décrire le caractère de Spadarille et exposer le stratagème mis en place par les deux amants pour pouvoir se voir. Les héros de la comédie sont les deux amoureux qui parviennent à faire évader Olimpie de chez Spadarille. Sur ce point là, les deux jeunes gens se rapprochent des amoureux de la commedia dell’arte. Ils prennent eux-mêmes leur destin en main en organisant le déguisement d’Olimpie en Aspasie. Le dénouement de l’histoire ne peut avoir lieu que grâce à leur seule intervention ; leur union est possible au moment où Spadarille leur demande de quitter la ville. Olimpie semble être un personnage fort lorsqu’elle tient tête à son époux dans la scène 1 mais elle est apeurée à l’idée qu’il puisse la reconnaître sous son déguisement à la scène 8. Cléandre est celui qui est le plus actif et le plus déterminé des deux jeunes gens, à aucun moment il ne renonce au projet qu’il a décidé même si son valet tente de l’en dissuader à la scène 3. Il est prêt à tout pour retrouver la jeune femme qu’il aime.
Molière, encore et toujours Molière… §
L’intertexte moliéresque est présent dans Le Jaloux endormy. Par certains aspects la pièce de Boursault peut se rapprocher de celle de La Jalousie du Barbouillé ou encore de celle de George Dandin notamment en ce qui concerne le sujet du mari jaloux. Cependant, dans le cas de notre pièce, la jalousie du mari s’exerce sans qu’aucun ne soit venu lui rapporter sur scène les infidélités de sa femme comme c’est le cas dans les deux pièces de Molière. Il s’appuie sur ses seules suspicions, ce qui contribue à le rendre d’autant plus ridicule aux yeux du public.
Boursault emprunte à Molière l’expression « de Gemini en Capricorne » qu’il détourne. Chez Molière l’image du Gemini représente l’accord et l’union par opposition avec l’image du Capricorne qui représente le mari cornu suite à l’infidélité commise par sa femme. Chez Boursault, cette compréhension de l’image du Gemini est difficile il s’agirait plutôt de désigner ainsi l’homme qui séduirait la femme infidèle.
Le Jaloux endormy, Boursault | La Jalousie du Barbouillé, Molière |
Ah friande ! Que si je m’empeschois de vous estre cruel, L’honneur dont vous parlez deviendroit casuel; Et que sachant les tours dont les femmes sont dignes, On nous prendroit bien-tost dans le Ciel pour des Signes, Puisque de vos plaisirs un bon Frere garny Produiroit Capricorne, et feroit Gemini! (scène 1, v. 16-22) |
ha! Madame la carogne, je vous trouve avec un homme, après toutes les défenses que je vous ai faites, et vous me voulez envoyer de Gemini en Capricorne ! (scène 4) |
Comme nous l’avons vu avec Lancaster, Spadarille peut être comparé à Arnolphe dans L’École des femmes. Prenons par exemple, cette plaisanterie au sujet d’un mari jaloux qui cherche à conserver impérativement l’exclusivité auprès de sa femme :
Le Jaloux endormy, Boursault | L’Ecole des femmes, Molière |
Sachez que de tout temps j’appréhende le blasme, Qu’au gré de mon désir je gouverne ma femme, Que sans en murmurer il faut suivre ma loy, Et que quand je vous pris ce ne fut que pour moy. (scène 1, v. 23-26) |
Celle qu’un lien honnête, Fait entrer au lit d’autrui: Doit se mettre dans la tête, Malgré le train d’aujourd’hui, Que l’homme qui la prend, ne la prend que pour lui. (Acte III, scène 2, v. 747-751) |
Un enjeu contemporain : l’éducation ou le rejet de l’enfermement des femmes §
La pièce peut se lire au delà d’une simple adaptation de la tradition du mari jaloux en comédie comme la représentation d’une réalité délicate du XVIIe siècle. Boursault s’attaque dans Le Jaloux endormy à un sujet brûlant qui court dans tous les salons mais aussi dans de nombreux romans : le problème de l’enfermement des femmes et la nécessité de leur éducation. Depuis la publication de l’ « Histoire de Sapho » dans Le Grand Cyrus de Scudéry en 1653, les milieux mondains s’intéressent effectivement à la question du mariage et à l’émancipation féminine face au pouvoir des hommes, qu’il s’agisse du père ou de l’époux. Ceci s’oppose à la conception patriarcale de la femme encore très courante au XVIIe qui s’appuie sur les écrits de Saint Paul66. Dans la littérature le premier à parler de l’inutilité de l’enfermement des femmes est Ovide dans ses Amours67. Au XVIIe siècle, Molière en est le grand héritier, le thème se retrouve dans un grand nombre de ses comédies.
Boursault exploite le modèle de la querelle conjugale qu’il détourne de manière comique pour ridiculiser le mari jaloux et brutal. Il rejoint ainsi le modèle traditionnel de la satire des cocus. Cependant, il ne pousse pas le thème jusqu’à son paroxysme. Contrairement à Molière, qui met en scène une Agnès sotte et enfermée dans L’École des femmes, Olimpie est loin de manquer d’imagination et son enfermement serait dû à ses charmes auprès des hommes. Ainsi, l’enfermement de la jeune femme est uniquement condamné dans le sens où il s’avère inutile puisqu’il n’empêche pas la tromperie d’avoir lieu. Spadarille enferme Olimpie pour éviter qu’elle ne soit tentée de le tromper, seulement quoi de mieux qu’essayer de prévenir un fait et de l’interdire pour que justement il se produise.
Le Mort vivant §
Création et représentation §
Le Mort vivant a été joué pour la première fois, selon Lancaster, en 1661à l’Hôtel de Bourgogne. En cela, il s’oppose à Fournel qui, dans Les contemporains de Molière, place la première représentation en avril 1662 à l’Hôtel de Bourgogne.
Les sources de la pièce sont incertaines. Fournel pense que le sujet pourrait venir de la pièce Morti vivi de Sforza Oddi ; théorie que Lancaster rejette puisqu’il s’agirait d’un titre courant pour les pièces de l’époque comme le montre l’existence des Muertos vivos de Lope (composée vers 1599-1602 et publiée en 1621) et du Muerto Vivo de Juan de Paredes. Lancaster relève de nombreuses ressemblances avec d’autres pièces de l’époque.
Une pièce qui inspire à son tour… §
L’acteur Du Perche réalise une copie en octosyllabes du Mort vivant publiée en 1666 et intitulée L’Ambassadeur d’Affrique. Pour Lancaster, cela témoigne d’une certaine popularité acquise par la pièce. Du Perche réutilise les première et dernière scènes de l’acte I, les deuxième et troisième de l’acte II et aucune de l’acte III selon Lancaster. Les noms des personnages sont changés, mais il conserve le héros, son valet, l’héroïne et son père qu’il ne fait pas apparaître sur scène tout comme les personnages en rapport avec l’auberge. Certains personnages sont ajoutés : la jeune femme a une servante, Béatris, son père un valet nommé l’Allemand et le faux Ambassadeur a un valet et une suite. Chez Du Perche, l’héroïne n’a pas été adoptée et son père n’a donc pas l’intention de l’épouser. Il a promis sa main à un Docteur. Les deux amoureux de la jeune femme ne sont pas des amis proches ; par conséquent, tous les moyens mis en œuvres par Fabrice pour que son ami quitte la ville ne sont pas réexploités, le valet complice ne rédige pas une fausse lettre, il se déguise seulement en ambassadeur d’Afrique. N’ayant plus lieu d’être, la scène de reconnaissance dans l’auberge est effacée. Du Perche invente une langue africaine qui renforce le côté comique du déguisement du valet en ambassadeur. Il effectue des modifications sur l’action notamment en imitant d’autres pièces que celle de Boursault :
Le changement dans la première scène entre le valet du héros et la servante de l’héroïne en tant que conseiller du jeune homme peut avoir été suggéré par le Mariage de Rien de Montfleury, l’utilisation d’un langage supposément africain, par Mary sans femme du même auteur, l’introduction d’un français germanisé par l’Etourdi de Molière ou l’Après Soupé de Poisson68.
Dans L’Ambassadeur d’Affrique, le dénouement n’est pas le même que celui de la pièce de Boursault. Ceci s’explique aisément par le fait que Du Perche a modifié l’action et n’a pas introduit de père adoptif. La pièce se termine par l’annonce de la mort du père par son valet l’allemand : la jeune femme est donc libérée de l’engagement que celui-ci avait pris auprès du Docteur et peut épouser son amoureux. Tout comme dans la pièce de Boursault, le déguisement du valet n’aura pas directement permis le mariage.
Résumé de la pièce §
Acte I §
Scène 1 : Fabrice, Gusman §
Gusman annonce à son maître Fabrice que Lazarille aime Stéphanie. Le jeune homme ne croit pas son valet ; son ami ne lui a rien confessé. Gusman donne rendez-vous à Fabrice dans le jardin où les amoureux doivent se retrouver pour lui permettre de vérifier la véracité de ses propos.
Scène 2 : Ferdinand, Stéphanie §
Ferdinand appelle Stéphanie et lui demande de le rejoindre pour pouvoir lui parler. Il lui annonce qu’il n’est pas son père et qu’il a l’intention de l’épouser. Stéphanie ne sait quoi lui répondre ; elle se laisse tomber à ses genoux, signe que Ferdinand interprète comme un élan d’émotion. Entendant quelqu’un arriver il renvoie Stéphanie à l’intérieur de la maison.
Scène 3 : Lazarille, Ferdinand §
Lazarille vient auprès de Ferdinand pour lui demander la main de sa fille. Le vieil homme lui annonce qu’il a lui-même l’intention de l’épouser. Pour calmer l’indignation de Lazarille, Ferdinand lui raconte l’histoire de Stéphanie : elle est la fille d’une femme venue accoucher chez Ferdinand. La mère lui a confié l’enfant et des bijoux pour subvenir à ses besoins. Ferdinand a reçu pour devoir de ne rendre la jeune fille qu’à celui qui viendrait rapporter la seconde moitié de l’anneau que la mère de Stéphanie lui a confié.
Scène 4 : Lazarille §
Il s’agit d’un court monologue. Lazarille exprime sa souffrance de savoir son amour déçu. Il voit Stéphanie arriver au loin.
Scène 5 : Stéphanie, Lazarille, (Fabrice et Gusman cachés) §
Lazarille annonce à Stéphanie que Ferdinand lui a tout expliqué. Fabrice et Gusman commentent l’échange des deux jeune gens. Stéphanie demande à Lazarille de ne pas dévoiler son amour à son père qui ne l’est plus et devient son futur mari. Le jeune homme ayant déjà révélé ses sentiments auprès de Ferdinand, Stéphanie lui conseille d’éviter sa présence pour ne pas éveiller la jalousie du vieil homme. Lazarille quitte donc la scène.
Scène 6 : Fabrice, Stéphanie, Gusman §
Fabrice profite du départ de son ami pour venir dévoiler à Stéphanie l’amour qu’il éprouve pour elle. Mais celle-ci refuse de répondre à ses avances étant déjà engagée auprès de Lazarille.
Scène 7 : Fabrice, Gusman §
Fabrice indigné décide de tuer Lazarille pour gagner le cœur de Stéphanie et demande à son valet de l’assister dans cette tâche. Celui-ci refuse. Fabrice entre dans des réflexions tragiques, il hésite à se tuer s’il ne peut avoir l’amour de Stéphanie. Pour remédier au désespoir de son maître sans nécessairement tuer Lazarille, Gusman propose de faire usage de ses talents de faussaire pour que Lazarille parte de Séville. Fabrice a une autre idée : il propose à Gusman de se déguiser en Ambassadeur d’Afrique et de faire croire qu’il est amoureux de Stéphanie et qu’il est spécialement venu pour l’épouser.
Acte II §
Scène 1 : Lazarille, Fabrice §
Lazarille vient montrer à son ami une lettre qu’il vient de recevoir de son oncle lui annonçant la mort de son père. Fabrice lui conseille de vérifier s’il ne s’agit pas d’un faux mais le jeune homme est formel, il s’agit bien de l’écriture de son oncle ; qu’il va devoir quitter Séville pour Tolède alors qu’il vient de trouver l’amour. Fabrice lui propose d’aller auprès de la belle pour lui vanter les mérites de son ami s’il veut bien lui dire de qui il s’agit. Lazarille dévoile le nom de Stéphanie et son compère lui annonce qu’il a l’Ambassadeur d’Afrique pour rival.
Scène 2 : Gusman, Fabrice, Lazarille, Suite §
Gusman en Ambassadeur arrive et déclare son amour pour Stéphanie à Lazarille. Le jeune homme aimerait se soumettre à l’Ambassadeur ; celui-ci lui demande d’aller faire la cour pour lui auprès de Stéphanie.
Scène 3 : Ferdinand, Gusman, Lazarille, Stéphanie, Fabrice, Suite §
Ferdinand tente de parler à Gusman-Ambassadeur de son amour pour Stéphanie mais celui-ci refuse de l’entendre et lui demande de se taire. Gusman-Ambassadeur demande à Lazarille de faire la cour à Stéphanie devant lui. Insatisfait des manières du jeune homme, il décide de s’en charger lui-même. Il s’adresse à Stéphanie de manière très grossière, choquant tous les autres personnages et provoquant le départ de la jeune femme.
Scène 4 : Lazarille, Fabrice §
Lazarille est outré qu’un homme ayant tant de pouvoir soit aussi grossier et que Fabrice accepte d’être le serviteur d’un tel personnage, lui qui aime tant la justice. Fabrice le met en garde contre sa crédulité ; l’Ambassadeur agit ainsi sous la pulsion de l’amour il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de la « chose publique ».
Scène 5 : Gusman, Lazarille, Fabrice §
Gusman en habit de valet rejoint les deux amis. Lazarille fait part à Fabrice de son désir de tuer l’Ambassadeur. Gusman prend peur et s’allarme que Lazarille puisse le reconnaître. Fabrice tente de raisonner en vain son ami qui part résigné en lui conseillant de plutôt faire changer d’avis l’Ambassadeur.
Scène 6 : Fabrice, Gusman §
Gusman ne veut plus jouer l’Ambassadeur. Fabrice décide donc de trouver un autre stratagème mais Gusman refuse d’être de nouveau impliqué. Le maître décide de se servir de la servante de Lazarille pour le faire partir pour Tolède. Il propose à Gusman de venir boire du bon vin avec lui.
Acte III §
Scène 1 : Henriquez, la servante §
Henriquez de Gallas arrive dans un hôtel où il ne reste plus qu’un lit de libre ; il partage la chambre d’un autre homme endormi. Il envoie la servante chez Ferdinand.
Scène 2 : Henriquez §
Il s’agit d’un court monologue. Henriquez va se coucher en faisant attention de ne pas réveiller l’homme qui dort près de lui.
Scène 3 : Lazarille, Henriquez, Gusman §
Gusman « fait l’esprit » pour tenter de faire partir Lazarille pour Tolède ; feignant d’être l’esprit de son père mort il lui explique qu’il faut que Lazarille parte pour rembourser 1000 écus volés avant sa mort pour que son âme puisse reposer en paix. Lazarille confus pense rêver et se rendort. Gusman se lamente alors sur la difficulté de son entreprise et reprend son discours auprès de Lazarille. Leur discussion réveille Henriquez qui reconnaît son fils. Gusman cherche à s’enfuir tout en jouant l’esprit. Henriquez croit que son fils a été gagné par la démence.
Scène 4 : L’hoste, Lazarille, Henriquez, Gusman §
L’hoste arrive et prend peur à la vue de l’esprit, il en laisse tomber sa chandelle. Il appelle d’autres hommes pour qu’ils viennent avec des chandelles.
Scène 5 : des garçons, l’hoste, Henriquez, Lazarille, Gusman §
Lazarille est confus et ne sait pas qui est son père, entre le fantôme joué par Gusman et Henriquez. Les deux hommes tentent de le convaincre que l’autre est un avatar. Lazarille a conscience que l’un des deux est un imposteur. Gusman fait appel à son maître.
Scène 6 : Fabrice, Gusman, Lazarille, Henriquez, l’hoste, ses garçons §
Fabrice arrive et dévoile le déguisement de Gusman et son amour pour Stéphanie. Lazarille déçu de l’attitude de son ami veut faire un serment que son père interrompt. Henriquez assure à Fabrice qu’il peut garder espoir quant à la satisfaction de son amour pour Stéphanie. Lazarille est désespéré : il est délaissé par son ami et par son père.
Scène 7 : Ferdinand, Stéphanie, Lazarille, Henriquez, Gusman, Fabrice §
Ferdinand arrive et croit reconnaître Henriquez qui lui montre la moitié d’anneau. Henriquez se dévoile comme père de Stéphanie. La scène devient une scène de reconnaissance ; Lazarille trouve un sœur en celle qui était sa maîtresse et Fabrice peut prétendre épouser Stéphanie. Ferdinand est mécontent puisqu’il espérer pouvoir épouser Stéphanie en remerciement de ses services. Il n’y aura donc pas de mariage pour lui.
Analyse de la pièce §
Le Mort vivant est une pièce en trois actes. Victor Fournel la qualifie de « pièce amusante et gaie, mais qui tombe souvent dans le burlesque le plus bas et dans la grossièreté même ; quant à la vraisemblance, c’est le moindre des soucis de l’auteur69 ».
Gusman et Fabrice, duo atypique de maître/valet §
Fabrice et son valet entretiennent une relation particulière, qui dépasse celle que nous avons l’habitude de rencontrer dans une comédie. La pièce s’ouvre sur un dialogue entre les deux hommes dans un jardin à l’abri des regards. Là, ils font état de l’action et construisent l’exposition de la pièce. Cette situation n’est pas sans rappeler le début de nombreuses tragédies et notamment toutes celles de Racine entre Andromaque et Phèdre. Au-delà d’être un simple valet, Gusman endosse aussi le rôle de confident du jeune homme d’autant plus qu’il est de précieux conseil pour son maître et son projet amoureux. En outre, un rapport de force existe entre les deux personnages70 : celui qui domine, Gusman, n’est pas celui qui a le rang social le plus élevé, celui qui habituellement est subordonné à son maître. La parole de Gusman lui permet d’acquérir une importance en dehors de la parole de son maître. Il est le confident de Fabrice et se permet même de le railler et de répondre à ses injures : au « Maraut insuportable » (v. 255) lancé par Fabrice il répond par « Et vous teste étourdie » (v. 255).
Le valet est le plus entreprenant des deux hommes ; il occupe le devant de la scène. Par cet aspect, la pièce de Boursault se rapproche de la tradition de la commedia dell’arte où le valet peut avoir une importance scénique supérieure à celle de son maître. Tandis que son maître désespère et s’apitoie sur son triste sort, Gusman lui propose ses talents de faussaire au vers 308 (Acte I scène 7). Le valet est donc plus ingénieux que son maître et l’a dépassé.
Fabrice, quant à lui, ne se définit que par l’obstacle qui se dresse entre lui et son amour : d’une part son ami Lazarille aime la même femme que lui mais celle-ci ne semble pas être prête à offrir son amour à un autre. Il aime donc sans être aimé ; ce ressort dramatique est le plus courant dans le théâtre classique.
Gusman, ambassadeur d’Afrique §
L’idée de déguiser un personnage en homme de pouvoir étranger pour pouvoir se jouer d’un père de famille et ainsi obtenir le mariage est commune à quelques pièces du XVIIe siècle. Dans la pièce de Boursault, Gusman est déguisé en ambassadeur d’Afrique. Cette idée est de Fabrice ; il la propose à Gusman au vers 315. Cependant, contrairement à la fausse lettre de Gusman ce stratagème ne fonctionnera pas au mieux. Lazarille est en effet outré de découvrir l’attitude grossière du pseudo-ambassadeur qui n’est rien d’autre qu’une distorsion du rôle premier de Gusman ; sa condition de valet et son vocabulaire ne sont pas adaptés pour faire la cour à une demoiselle. Ces écarts entraînent le désir de Lazarille de le tuer pour venger l’outrage verbal qu’il a porté à Stéphanie. Concernant la ruse imaginée par Gusman, Lazarille considère la lettre comme étant vraiment de la main de son oncle malgré les tentatives hypocrites de Fabrice de le faire douter de la véracité de l’information qu’il a reçue v. 361-362.
Nous pouvons comparer le déguisement de Gusman dans Le Mort vivant à celui de Filipin en Dom Pedro de Buffalos dans L’héritier ridicule de Scarron. En effet, le procédé mis en œuvre est le même : le valet se déguise en un homme étranger fortuné pour séduire une femme en présence de son maître. Dans le cas de L’héritier ridicule, le but de la supercherie n’est pas le même que chez Boursault : le déguisement a pour objectif de révéler que l’intérêt d’Hélène pour Dom Diègue est purement intéressé et que dès qu’un homme plus fortuné, en l’occurrence Dom Pedro de Buffalos, entre en scène elle n’a plus d’yeux que pour lui et oublie ses engagements.
Le déguisement de Gusman en ambassadeur d’Afrique nous montre une imitation de l’Afrique telle qu’elle est perçue au XVIIe siècle. D’après les informations qui nous sont données dans le texte nous pouvons dire que l’Africain inspire de la crainte mais aussi du respect (v. 395 à 401). Gusman prétend être un haut dignitaire et pourtant son franc parler de valet ressort, cela crée un décalage comique au sujet duquel Russell Goulbourne fait cette supposition : « il se peut aussi que Gusman fasse vivre l’image stéréotypique d’Africains féroces et cruels, d’où l’aparté de Lazarille : “Quel brutal !” (II, 3)71 ». À propos de la représentation physique d’un ambassadeur africain nous avons peu d’éléments : Gusman fait allusion dans une tournure familière et peu flatteuse à sa couleur de peau au vers 524 et à sa « roupille » au vers 614 : le reste du déguisement est laissé à la créativité de chaque troupe.
Le monologue de Gusman : parodie comique des stances du Cid §
Les vers 557 et 558 « Je vous ayme, vous dis-je, et mon ame abatuë, / Cede au cruel effort de l’amour qui me tuë » prononcés par Gusman déguisé en ambassadeur à la scène 3 de l’acte II sont une reprise comique des paroles de Rodrigue à la scène 6 de l’acte I du Cid vers 295 et 296 : « Je demeure immobile et mon ame abatuë / Cède au coup qui me tue ». Ces vers font partie de ce qu’on appelle les stances du Cid. Le public du XVIIe siècle remarque cette reprise que la bouche de Gusman rend comique. Nous pouvons définir ainsi ce procédé rhétorique :
Les stances correspondent au moment où le discours, au lieu d’être destiné à exercer une action sur le partenaire, est tout entier centré sur les pensées et les sentiments de l’émetteur même du discours : expression d’un moi souffrant, irrésolu, inquiet ou rêveur, les stances correspondent à ce que nous entendons au jour d’hui par « lyrisme »72.
Dans Le Mort vivant l’objectif des stances est détourné. Contrairement à Rodrigue qui est seul sur scène lorsqu’il réfléchi sur son amour, Gusman prononce les mêmes vers en présence d’Olympie pour la faire changer d’avis. Il n’est plus donc question d’une quelconque introspection. La visée d’un tel discours n’est plus la souffrance et l’inquiétude du personnage mais participe plutôt à le rendre ridicule et comique. En outre, les stances expriment dans le Cid, la douleur du personnage mais aussi son incapacité à agir ; ce n’est pas le cas de Gusman qui est très entreprenant avec Olimpie comme en témoignent les vers de la scène 3 de l’acte II. Mettre de tels vers dans la bouche d’un valet déguisé en ambassadeur amoureux permet à Boursault d’amplifier le caractère ridicule de son personnage mais aussi de faire un clin d’œil à son public familier du théâtre de son temps.
Lazarille, jeune premier désespéré §
À première vue, le suffixe « ille » qu’on retrouve dans de nombreux noms de personnages du XVIIe siècle73, rappelle les noms de personnages hispaniques et implique donc une référence au personnage du gracioso. Cependant, le personnage de Boursault n’est pas un valet, c’est un jeune premier. Il n’est donc pas question ici d’une allusion au personnage du gracioso et à son héritage. Nous pouvons supposer que l’auteur à utilisé ce suffixe simplement pour donner une touche hispanique à son personnage comme il l’a probablement fait aussi en nommant Gusman, même si ce nom est largement donné aux valets du XVIIe siècle français. Dans sa thèse Francesca Borello affirme que
Fabrice et Lazarille (Le Mort vivant) sont si semblables, ont un caractère si prononcé et possèdent une telle utilité pour l’action dramatique qu’il est presque impossible de déterminer réellement quel est celui qui occupe une fonction centrale74.
Nous pensons effectivement que les deux jeunes hommes ont la même importance du point de vue de l’intrigue seulement la manière qu’ils ont d’agir dans la pièce est différente. Fabrice, comme nous l’avons vu, n’agit vraiment que par l’intermédiaire de son valet ; Lazarille quant à lui n’a même pas de valet. Il est seul dans toutes ses entreprises. Après avoir appris la mort de son père il est désemparé, tout comme Fabrice lorsqu’il apprend que son ami est amoureux de la même femme que lui et qu’elle s’est promise à lui ; cependant, Lazarille fait le choix d’aller se confier à son ami et lui demande de l’aider plutôt que de passer par un autre intermédiaire. En outre, contrairement à Fabrice qui obtient ce qu’il désirait à la fin de la pièce, nous ne pouvons pas affirmer que le bonheur de Lazarille soit total après le dénouement : certes, Stéphanie se révèle être sa sœur ce qui l’autorise à lui porter un amour mais ceci signifie aussi qu’elle ne peut pas honorer sa promesse de mariage et que Lazarille se retrouve à la fin de la pièce sans promise alors qu’il était le seul a en avoir une à l’issue du premier acte. Il est le seul personnage à aller de mal en pis d’une scène à l’autre : on lui annonce la mort de son père, mais il apprend que ceci n’est qu’un coup monté pour l’éloigner de la bouche même de son ami qui n’est autre que l’instigateur et finalement son père se révèle être aussi le père de celle qui s’était promise à lui. Nous ne pouvons pas dire que le sort profite à ce personnage de comédie.
Ferdinand et Henriquez de Galas, pères de Stéphanie §
Ferdinand est le père de Stéphanie lorsque la pièce commence. À la scène 2, il s’entretient avec Stéphanie pour lui annoncer qu’il n’est que son père adoptif et qu’il compte donc l’épouser. De plus amples explications sur cette mystérieuse naissance sont données à Lazarille venu demander en vain la main de la jeune femme à la scène 3. Nous sommes là dans le schéma classique de la comédie selon lequel un barbon élève une jeune fille comme si c’était la sienne dans l’optique de pouvoir l’épouser le moment venu pour la plus grande déception d’un jeune prétendant. Ceci correspond au conflit qui motive toute comédie : l’opposition intergénérationnelle. Cette situation est la même que dans L’École des femmes de Molière : le barbon Arnolphe a élevé Agnès dans le but de l’épouser et refuse donc qu’Horace puisse l’épouser jusqu’à l’arrivée du vrai père de la jeune fille, Enrique à la scène 7 de l’acte V. Ce nom rappelle curieusement celui d’Henriquez de Galas ; cette ressemblance entre deux œuvres de la même année peut s’expliquer par le vivier représenté par le théâtre espagnol à cette période. Henriquez de Galas arrive au début du troisième acte comme un deus ex machina pour sauver son fils du stratagème inventé par Fabrice et pour amener un dénouement heureux. C’est lui qui a le mot de la fin en refusant la main de sa fille au vieux barbon qui se l’était attribuée. Il est un homme respectable et de bonne naissance ; dans la liste des personnages il est le seul dont le nom de famille soit précisé, même son fils est simplement désigné sous le nom de « Lazarille », cela lui donne donc un certain pouvoir sur les autres personnages, de la supériorité. Nous pouvons le comparer à un honnête homme : il sait bien parler comme en témoigne son monologue poétique à la scène 2 de l’acte III et permet d’amener le dénouement le plus juste qu’il soit. Seulement, un détail manque à son sujet : nous ne savons pas pourquoi il a mis tout ce temps pour venir récupérer sa fille et révéler son identité au grand jour. Ferdinand et Henriquez de Galas sont deux hommes que tout oppose : le premier est un vieux barbon aigri intéressé par le mariage avec une jeune femme magnifique et le second un honnête homme qui vient rétablir l’ordre.
Le Médecin volant §
Création et représentation §
Le privilège du Médecin volant date du 31 octobre 1664. Le texte est republié à Lyon en 1665 chez Charles Mathevet. Lancaster établit donc la première représentation la même année rejetant l’idée des frères Parfaict dans leur Dictionnaire des théâtres de Paris, idée selon laquelle la première représentation aurait eu lieu en 1661 à l’Hôtel de Bourgogne, information qu’on retrouve aussi chez Fournel dans Les Contemporains de Molière qui affirme que Le Médecin volant aurait été joué pour la première fois en novembre 1661 :
Ce dernier [Hoffmann], suivant les frères Parfaict, la Bibliothèque du théâtre français et Fournel, donne la date de la première représentation est 1661, mais il n’apporte aucune preuve. La date de l’impression fait qu’il est plus probable qu’elle ait été jouée pour la première fois en 1664, année au cours de laquelle la pièce du même titre attribué à Molière a été jouée quatre fois75.
Cependant, Lancaster laisse de côté les représentations de la pièce de Molière qui ont eu lieu avant 1664, selon le Registre de La Grange, le 14 juin 1661, le 25 octobre 1661, le 24 mars 1662, les 28 et 30 avril 1662, le 15 mai 1663 et effectivement quatre fois en 1664, le 29 juin, les 4, 6 et 8 juillet. Nous retrouvons la pièce de Boursault dans le répertoire d’une troupe de province en 1668.
La pièce est inspirée d’un sujet italien très en vogue à l’époque, celui du Medico volante. De nombreuses comparaisons peuvent être effectuées avec la pièce de Molière comme nous le verrons par la suite. Lancaster affirme que la déclaration de Boursault dans l’Avis au lecteur selon laquelle sa pièce est une adaptation d’un sujet italien et qui plus est le meilleur qui soit, est vraie :
ils ne sont pas suffisamment étayées par des preuves pour justifier le rejet de la déclaration de Boursault, toutes les ressemblances entre les deux pièces de théâtre français peuvent être expliquées par leur source commune […] comme l’autre Médecin volant n’avait pas encore été publié, Boursault a sans doute eu quelques difficultés à l’imiter76.
L’argument de la non publication de la pièce de Molière qui justifierait le fait que Boursault n’ait pas copié la pièce du grand dramaturge ne nous semble pas suffisante. Nous savons effectivement que les textes des éditions dites « pirates » sont réalisés par des personnes qui copient la pièce lors d’une représentation. Molière a été victime de ce phénomène. Une édition « pirate » des Précieuses ridicules l’a contraint d’imprimer lui-même sa petite comédie qu’il ne comptait pourtant pas publier. Cela se reproduit avec Sganarelle ou le Cocu imaginaire que le libraire Jean Ribou parvient à publier à son nom. En outre, Lancaster pense que pour son Médecin malgré lui, Molière a pu chercher son inspiration dans son propre Médecin volant mais aussi dans celui de Boursault. Seulement, l’analyse de Georges Forestier et de Claude Bourqui à ce sujet-là, dans la Notice du Médecin volant de l’édition des Œuvres complètes de Molière (2010) dans la collection de la Pléiade, nous semble plus pertinente.
Dans les faits, les nombreux points communs que présente son Médecin volant [celui de Boursault] avec le manuscrit que nous éditons, la reprise des mêmes séquences, organisées autour du même nombre de personnages, amènent à conclure nécessairement que l’un des deux textes a été composé à partir de l’autre. Or la version de Boursault se caractérise par un traitement malhabile de la matière, indice évident d’une intervention de seconde main77.
Autre lien obscur avec la pièce de Molière soulevé par Lancaster ; le fait que ce soit la pièce de Boursault et non celle de Molière qui ait été jouée quinze fois à la Comédie Française entre le 13 mai 1685 et 1687 à l’Hôtel Guénégaud et que ce soit aussi cette même pièce qui ait été traduite en néerlandais en 1666. Après vérification, c’est bien la pièce de Boursault qui a été représentée à la Comédie Française dans la mesure où la pièce de Molière entre au répertoire de la Comédie en 1833. Il en va de même pour la traduction en néerlandais : Claude Bourqui démontre dans Les Sources de Molière que le texte de base de la traduction est celui de Boursault publié en 1665, ce qu’il nous est possible de vérifier en allant consulter la traduction néerlandaise.
Résumé de la pièce §
Scène 1 : Lise, Cléon §
Lucresse, amoureuse de Cléon, feint d’être malade ayant peur de la réaction de son père quant à son amour. Sa servante Lise rencontre Cléon et l’incite à user d’une ruse pour voir celle qu’il aime.
Scène 2 : Cléon §
Il s’agit d’un court monologue. Le jeune homme s’interroge sur les moyens qu’il peut mettre en œuvre pour pouvoir voir Lucresse. Cette réflexion est interrompue par l’arrivée de son valet Crispin.
Scène 3 : Crispin, Cléon §
Le valet arrive pour annoncer une nouvelle que Cléon avait du lui demander d’aller chercher mais le jeune homme l’interrompt pour lui parler de sa belle. Nous ne saurons pas ce que Crispin avait été envoyé faire. Cléon exprime ses sentiments pour Lucresse qui est enfermée dans sa chambre. Il dévoile à Crispin ses intentions d’abuser le père de Lucresse. Pour cela il souhaite que Crispin se déguise en médecin ; le valet tente de raisonner son maître sur l’impossibilité de la feinte, il ne sait rien de ce que sait un médecin. L’arrivée de Fernand au loin interrompt la conversation des deux hommes qui se donnent rendez-vous chez le maître.
Scène 4 : Cléon, Fernand, Philipin, Cléon §
Cléon discute avec Fernand et lui montre son affection pour Lucresse et sa douleur de la savoir malade. Il affirme qu’il veut le bonheur de la jeune femme et qu’il est heureux si d’autres hommes que lui plaisent à Lucresse. Ceci est naturellement une feinte pour mieux préparer l’intervention de Crispin.
Scène 5 : Fernand, Philipin §
Fernand se lamente auprès de son valet Philipin que sa fille Lucresse soit mourante. Pour Philipin la cause de la maladie qui l’afflige et la fait mourir à petit feux est évidente : la jeune femme est vierge depuis trop longtemps, sa virginité la ronge. Le père inquiet envoie son valet chercher un Médecin qui mette fin à ses inquiétudes.
Scène 6 : Fernand §
Il s’agit d’un court monologue. Le vieil homme se lamente sur sa condition. Il se dit incapable de supporter tant de peine d’autant qu’il est âgé.
Scène 7 : Crispin, Fernand §
Fernand rencontre Crispin déguisé en médecin débitant un pseudo-discours médical ; ceci impressionne le vieillard qui l’invite à venir soigner sa fille. Le valet lui pose alors toute une série de questions plus extravagantes les unes que les autres.
Scène 8 : Lise, Fernand, Crispin §
Lise vient annoncer à Fernand l’aggravement de l’état de santé de Lucresse. Elle confond Crispin avec un gueux ce que Fernand lui reproche ardemment. Le valet désire établir un premier diagnostic et demande à avoir de l’urine de la malade.
Scène 9 : Crispin, Fernand, Lise §
Lise revient avec l’urine de la malade. Crispin analyse son aspect puis, contre toute attente, il boit l’urine et en fait quérir d’autre pour pouvoir réaliser son diagnostic.
Scène 10 : Lise, Crispin, Fernand §
Lise revient avec un peu d’urine que Crispin boit immédiatement mais il demande à nouveau et la renvoie auprès de la malade. Lise revient sans rien mais assure que sa maîtresse vient de boire de l’eau pour pouvoir répondre à sa demande. Lise annonce que pour ne pas rester seule à se morfondre sur son triste sort, Lucresse a décidé de venir rejoindre son père et le médecin.
Scène 11 : Lucresse, Fernand, Crispin, Lise §
Lucresse arrive sur scène. Crispin trouve qu’elle a fort mauvaise mine. Afin de continuer sa visite médicale il décide de prendre le poul de la jeune femme en lui tâtant le bras. Un jeu comique s’instaure puisqu’il ne tâte pas le bras de Lucresse mais celui de son père et annonce que sa patiente souffre d’un grand mal. Fernand panique se croyant lui aussi malade ; Crispin lui explique alors que les liens qui unissent père et fille sont tels que la maladie de l’un peut se lire dans le corps de l’autre. Pour illustrer ses dires, Crispin prend alors le bras de Lucresse et établit le même diagnostic que précédemment. Pour guérir la jeune femme, il donne alors une ordonnance préparée à l’avance permettant de soigner tous les maux et donc celui de Lucresse se trouve nécessairement parmi eux.
Scène 12 : Philipin, Fernand, Cantéas, Crispin §
Philipin revient avec Cantéas, un savant médecin. Cantéas s’excuse de son retard auprès de Fernand et expose sa science aux yeux de tous cherchant à éprouver celle de son homologue. Crispin mal à l’aise ne sait que répondre à ce savant homme et se trouve désemparé devant lui.
Scène 13 : Fernand, Crispin §
Fernand est surpris que Crispin n’ait pas parlé pendant leur échange avec Cantéas. Crispin lui répond que Cantéas est mauvais et qu’il ne l’a pas laissé parler. Il se définit comme faisant partie des médecins qui guérissent par la parole. Fernand veut payer Crispin qui refuse l’argent et qui promet à Fernand de toujours être son « serviteur ». Le faux médecin s’en va annonçant qu’il reviendra le soir même pour voir Lucresse.
Scène 14 : Fernand §
Il s’agit d’un court monologue. Fernand vante les qualités de Crispin ; il s’agit d’un grand médecin qui ne détrousse pas ses patients contrairement à d’autres qui ne recherchent que le gain.
Scène 15 : Fernand, Crispin §
Crispin en habit de valet est à la recherche de Cléon mais il rencontre Fernand qui le reconnaît. Pour expliquer son habit il prétend être le frère du médecin. Celui-ci l’a chassé à cause d’une mauvaise manipulation. Fernand décide alors d’être le médiateur entre les deux frères pour les réunir et les réconcilier. Il part donc en quête du médecin.
Scène 16 : Fernand §
Il s’agit d’un court monologue. Fernand pense au malheur de Crispin qu’il vient de croiser mais il ne sait pas où loge le médecin. Il décide d’attendre qu’il vienne le soir pour voir Lucresse.
Scène 17 : Crispin, Fernand §
Crispin médecin revient chez Fernand. Celui-ci lui demande une grâce : il veut qu’il fasse la paix avec son frère. Crispin ayant donné sa parole à Fernand lors de leur dernière entrevue, accepte de voir son frère et s’en va prétendant avoir un malade à voir.
Scène 18 : Fernand §
Il s’agit d’un court monologue. Fernand décide de faire accorder le pardon au frère du médecin devant ses yeux.
Scène 19 : Crispin, Fernand §
Crispin en valet se lamente et Fernand lui annonce que son frère accepte de faire la paix avec lui et de lui pardonner. Le valet est étonné de ce choix sachant que son frère était furieux contre lui mais Fernand lui assure qu’il ne craint rien qu’il a décidé d’être présent lors des retrouvailles. Paniqué, Crispin lui assure que la parole de son frère est sûre que la présence de Fernand lors de leur réconciliation n’est pas nécessaire. Mais celui-ci insiste et fait entrer Crispin chez lui, fermant à clef derrière lui.
Scène 20 : Fernand §
Il s’agit d’un court monologue. Fernand cherche à retrouver le médecin.
Scène 21 : Crispin §
Il s’agit d’un court monologue. Crispin se demande comment faire pour sortir de la maison et décide de sauter par la fenêtre.
Scène 22 : Philipin §
Il s’agit d’un court monologue. Philipin voit Crispin sauter de la fenêtre sans n’avoir rien volé et décide de l’épier.
Scène 23 : Crispin, Fernand, Philipin §
Crispin médecin est de retour. Il dit à Fernand qu’il prend trop de soins pour son frère. Fernand l’envoie à l’étage le retrouver. Crispin lui demande de le suivre pour voir l’échange entre son frère et lui puis se ravise et lui demande de les écouter en dessous de la fenêtre. Fernand sort et referme la porte à clef derrière lui.
Scène 24 : Philipin, Fernand, Crispin §
Philipin dehors avec Fernand lui révèle que Crispin est un traître mais son maître refuse de le croire et se moque de lui. Crispin feint une conversation avec son frère. Philipin demande à Fernand de demander à Crispin que son frère réponde. Crispin déguise alors sa voix pour faire croire à la présence d’un autre homme. Fernand soutenant à Philipin qu’ils sont deux, celui-ci demande à ce que Crispin embrasse son frère devant la fenêtre. Crispin met alors son chapeau sur son coude et l’embrasse. Fernand croit à la feinte mais Philipin estime qu’il n’a rien vu. Fernand fait sortir Crispin médecin qui après avoir abandonné sa soutane remonte par la fenêtre et sort habillé en valet. Seulement, Philipin trouve la soutane et vient le dévoiler à son maître. Crispin est démasqué et fait appel à Cléon qui arrive pour expliquer la situation.
Scène 25 : Fernand, Cléon, Lucresse, Crispin, Philipin, Lise §
Fernand reconnaît Cléon et Lucresse qui arrivent ensemble et jure que Cléon devra épouser la jeune femme puisqu’il l’a séduite. Par la même occasion, Crispin va épouser Lise.
Analyse de la pièce §
Le Médecin volant est une pièce en un acte qui se divise en vingt-deux scènes. Ce nombre est particulièrement important si nous le comparons avec celui du Médecin volant de Molière qui n’en compte que treize.
Cette différence qui n’est pas négligeable s’explique par le grand nombre de petites scènes que contient la pièce de Boursault. Nous pouvons en dénombrer huit : la scène 2, la scène 6, la scène 14, la scène 16, la scène 18 et les scènes 20 à 22. Ces scènes se révèlent finalement être de courts monologues qui ne font pas évoluer l’action et qui représentent des « pauses » dans l’intrigue : le personnage en scène se plonge par exemple dans ses pensées, réalise le bilan de la scène passée ou annonce la scène qui suit. Seulement, si elles ne jouent pas un rôle dans l’avancée de l’intrigue, l’existence de ces scènes peut s’expliquer si nous nous intéressons à la structure externe de la pièce. La nécessité de lier les différentes scènes entre elles peut justifier la présence de ces scènes courtes. Elles servent de lien entre les autres scènes. À partir de la scène 13, nous pouvons remarquer que Boursault alterne une scène de longueur moyenne et une scène courte ; plus précisément une scène réunissant Fernand et Crispin et une autre impliquant Fernand uniquement. Les scènes courtes permettent de mettre en scène la réussite du déguisement sur le personnage de Fernand. Les différents commentaires qu’il fait montrent que l’illusion créée par Crispin fonctionne et rend le personnage d’autant plus ridicule aux yeux du spectateur qui est lui aussi complice de la supercherie. Ceci est renforcé par le fait que le personnage se retrouve seul en scène ; il devient le sujet de tous les regards.
Les personnages §
Crispin et Fernand : dupeur et dupé §
Ces deux personnages sont les personnages principaux de la pièce : ils se partagent la parole. Sur les 507 vers que compte la pièce, Crispin en prononce plus de 200, monopolisant ainsi la parole et Fernand en prononce deux fois moins que lui mais dépasse largement le nombre moyen de vers prononcés par les autres personnages qui représente une quarantaine de vers pour chacun. Crispin incarne le valet dévoué à son maître et devient le véritable héros du Médecin volant, même si au début de la pièce il a été séduit par l’appas du gain plutôt que par son obéissance envers Cléon. Tout comme le valet de la commedia dell’arte il est rusé et inventif comme en témoigne le jeu du frère jumeau qu’il s’invente alors qu’il rencontre Fernand à visage découvert, en habit de valet à la scène 15. Il s’avère donc plus à l’aise qu’il ne l’avait pensé dans ce rôle de menteur.
Fernand est un simple barbon de comédie. Il se laisse berner par le discours de faux médecin de Crispin, allant même jusqu’à s’émerveiller devant son savoir si important et impressionnant. Il est incapable de faire la différence entre Crispin déguisé en médecin et Cantéas qui est pourtant décrit comme un vrai médecin. Tout ce qu’il espère c’est sauver sa fille du mal qui la ronge sans douter un seul instant de ce mal. Il est totalement crédule et donc ridicule.
Le valet de Fernand, Philipin n’a qu’un rôle d’adjuvant auprès de son maître jusqu’ à la scène 22 où il voit Crispin sauter par la fenêtre. À la scène 24, il fait part à son maître de ses doutes concernant la véritable identité de Crispin. Philipin est alors un personnage essentiel. C’est grâce au fait que Philipin découvre la soutane abandonné par le faux médecin à la fin de la scène 24 que Crispin peut être confondu et Fernand désabusé.
Cléon et Lucresse ou les principaux intéressés absents §
Les deux jeunes gens apparaissent peu sur scène : Cléon est présent dans les quatre premières scènes pour mettre en place le stratagème du déguisement avant de disparaître totalement et de revenir pour la scène finale, la scène 25, Lucresse quant à elle fait une apparition à la scène 11 et ne réapparaît qu’à la dernière scène. La comédie tend vers la réalisation du projet du couple mais ils ne sont pas acteurs de la réussite de leur entreprise. Le spectateur est amené à s’intéresser pour leur avenir sans toutefois les voir sur scène et agir. Ceci est laissé à la charge du valet rusé qui prend le dessus sur son maître en devenant plus important que lui. En cela, ils rappellent le couple d’amoureux de la commedia dell’arte :
Dans la comédie italienne le désir du héros étant relayé par les ruses de son valet destinées à permettre la réalisation de ce désir, ce sont les tentatives du valet qui constituent le moteur permanent de l’action78.
Le Médecin volant, une pièce héritière de la commedia dell’arte §
Le sujet du Médecin volant est un sujet caractéristique du théâtre du XVIIe siècle. Cette tradition a été apportée en France par les italiens chez qui nous pouvons trouver des pièces ayant pour sujet un Medico volante à partir du XVIe siècle. Ce phénomène peut s’expliquer par la présence des comédiens italiens qui sont très tôt sur les routes de France et qui s’implantent à Paris à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle ; ils partagent notamment le Palais du Petit Bourbon puis le Palais Royal avec Molière. Le public parisien est très friand de leurs petites pièces et admirent les prouesses de leur chef de file, Scaramouche.
Le Medico volante est la synthèse de deux éléments. Le premier est celui de la « fausse malade » qui implique une jeune fille qui feint la maladie pour pouvoir échapper à un mariage et son amant qui déguise son valet en médecin. Ceci est le résultat d’une longe tradition italo-espagnole dont l’origine est peu claire compte tenu des différences qu’a eu le théâtre espagnol sur l’italien et vice-versa. Le second élément nécessaire est une scène d’ubiquité fondée sur un jeu de scène avec des déplacements rapides et furtifs et des déguisements de la part du faux médecin qui a une double identité. Cette séquence se trouve dans le théâtre italien mais n’est pas aussi répandue que nous pourrions le croire. Nous retrouvons ces deux éléments chez Boursault : Lucresse feint d’être malade bien que nous ne sachions pas si elle tente d’échapper ou non à un mariage forcé, aucun développement n’est réalisé dans la pièce à ce sujet, Cléon prie son valet Crispin de se déguiser en médecin pour abuser le père de la jeune femme et Crispin est contraint d’assumer simultanément le rôle du faux-médecin et du frère de celui-ci.
Il nous reste deux manuscrits présentant des canevas de Medico volante, un florentin et un napolitain, ainsi qu’un Truffaldino medico volante anonyme et datant du troisième quart du XVIIe siècle. Le rôle du medico volante permet de mettre en valeur les performances de l’acteur : en effet, l’expression « medico volante » est à comprendre au sens propre, le personnage était amené à voler sur scène grâce à la machinerie, probablement attaché à un arceau relié à une poutre du théâtre. Il est laissé aux zanni, personnages propres à réaliser des prouesses sur scène. Ceci est une des caractéristiques qui fondent la commedia dell’arte :
Il [un spectacle de commedia] fournit de la matière à rire et à s’émouvoir. Il offre un spectacle. Il ne cherche pas à donner l’illusion d’un monde réel représenté au travers du prisme de la fiction. L’univers dépeint n’est emblème ni symbole de quoi que ce soit. Il est prétexte à jeu79.
Grâce aux Italiens le public français est un habitué des représentations impliquant un Medico volante. Au milieu des années 1640, Scaramouche joue un Medico volante repris de nombreuses fois comme le montre la réaction de Somaize qui accuse Molière en 1660 de l’avoir copié. Seulement, le grand dramaturge a adapté le sujet italien pour créer un Medecin volant français au comique renforcé. Ce nouveau scénario original est remarqué par ses contemporains et d’autres auteurs tentent à leur tour d’écrire un Médecin volant.
Sur les traces d’un plagiat non avoué §
Dans son Avis au lecteur, Boursault assume ne pas être le véritable auteur de sa pièce puisqu’il s’inscrit dans une tradition littéraire « ce n’est pas moy qui en suis l’Auteur ». Cependant, il déclare aussi que le sujet de sa pièce est traité de manière originale, « je crois qu’il est plus beau de ma façon que d’aucune autre, à cause qu’outre la Traduction qui en est fidele, il a encore la grace de la Poësie ». Il mentionne l’existence d’un autre Médecin volant au théâtre du Marais sans toutefois faire une quelconque allusion au Médecin volant de Molière avec lequel son texte présente de nombreuses ressemblances ce qui paraît assez étrange. À sa décharge, il existe une différence formelle entre les deux textes : Le Médecin volant de Molière est rédigé en prose alors que celui de Boursault est en vers.
Nous allons ici nous intéresser aux comparaisons qu’il est possible d’établir entre les deux Médecin volant mais aussi les références qui existent dans celui de Boursault à d’autres pièces de Molière. Pour établir cela, nous nous appuyons sur la Notice et les notes sur le Médecin volant faites par Georges Forestier et Claude Bourqui dans le tome II de l’édition des œuvres complètes de Molière chez la Pléiade, mais aussi sur les tableaux comparatifs qu’il est possible d’établir en comparant deux textes sur le site theatre-classique.fr réalisé par Paul Fièvre et les ressources proposées par le site moliere21.
Pour plus de lisibilité et une compréhension plus aisée, nous présenterons notre analyse sous la forme de tableaux comparatifs.
Comparaison entre Le Médecin volant de Molière et celui de Boursault §
Les deux pièces sont des pièces en un acte qui mettent en scène sept personnages. Chez Boursault, le médecin Cantéas remplace l’avocat de Molière. Georges Forestier remarque dans sa Notice du Médecin volant qu’il s’agit là d’une méprise de Boursault qui pensait sans doute offrir à son public un personnage plus vraisemblable que celui de Molière et qui témoigne de son manque de connaissance au sujet de la tradition esthétique de son temps :
C’était sans savoir que la présence d’un avocat y est inspirée d’un jeu de scène de la tradition italienne, où c’est le Dottore qui tient le rôle de l’importun : docteur ès lois (et non pas en médecine), mais néanmoins amateur éclairé de médecine, il effraie ou rassure tout à tour le faux médecin, selon ses compétences révélées par paliers80.
Dans son Médecin volant, Boursault semble laisser une grande partie des lazzi qui font de celui de Molière une pièce héritière de la commedia dell’arte remaniée à la française. Il abandonne le « Galimatias » de Gros-René à la scène 3 du Médecin volant de Molière et le remplace par une remarque de Philipin à la scène 5 quant au pucelage trop longtemps gardé de Lucresse. De même, tout un développement est fait à la fin de la scène 13 au sujet de l’argent que Fernand veut donner à Crispin et que celui-ci refuse tout simplement. Le lazzo de l’argent accepté en feignant le refus expérimenté par Molière à la scène 8 n’est pas repris81. Il en va de même pour celui du « Je ne prendrai pas la droite avec vous » à la scène 8 où Sganarelle affirme qu’il ne compte pas faire une joute verbale avec l’avocat ; cet épisode est remplacé par un jeu de déplacement entre Cantéas et Crispin à la scène 12 au cours duquel Crispin se retrouve toujours, sans le vouloir, au centre de la pièce, comme s’il avait l’intention de voler la vedette à Cantéas. L’héroïne de Boursault est aidée par une servante tandis que celle de Molière est aidée par une cousine. Celle-ci est envoyée chercher un médecin, ce dont elle fait part à l’amant en lui suggérant d’« envoyer quelqu’un qui fût de vos bons amis, et qui fût de notre Intelligence82» prétendant être médecin. Le frère jumeau du faux-médecin se nomme Narcisse chez Molière tandis qu’il n’a pas de prénom chez Boursault. La scène perd ainsi une partie de son comique qui réside dans le nom choisi : Narcisse étant dans la mythologie un personnage qui s’est noyé en tombant sous le charme de son propre reflet. L’idée de dualité et de gémellité impliquant pourtant une seule personne, révélant ainsi la tromperie du valet est contenue dans le seul nom choisi par Molière. Chez Boursault l’idée du déguisement du valet vient de l’amant lui-même. En outre, la scène de l’urine est beaucoup plus développée dans la pièce de Boursault bien qu’elle n’apporte rien de plus à l’action tout comme la dernière scène lorsque Fernand demande à Cléon d’épouser Lucresse.
Médecin volant de Molière | Médecin volant de Boursault |
Proposition de paiement de la part du maître pour convaincre son valet de se déguiser en médecin. | |
Si tu veux entreprendre cela, va, je te donnerai dix pistoles (scène 2) | Sans perdre icy d’inutiles paroles, Ce service rendu te vaudra six pistoles (scène 3) |
Tautologie dite par le faux-médecin présente dans toutes les versions du Médecin volant françaises ou italiennes. | |
Hippocrate dit et Galien par vives raisons persuade qu’une personne ne se porte pas bien quand elle est malade (scène 4) | Je say par le moyen du plus noble des Arts, Que qui meurt en Fevrier n’est plus malade en Mars Que de quatre saisons une année est pourveuë, Et que le mal des yeux est contraire à la veuë. (scène 7) |
Série de galimatias servant à montrer que le valet-médecin est un véritable médecin. | |
Salamalec, Salamalec, Rodrigue as-tu du cœur ? Signor, si Signor, non per omnia saecula saeculorum (scène 4) | Pythagore, Platon, Masche-à-vuide, Pancrace, Hesiode, Caton (scène 7) |
Scène de confusion entre le bras du père et de la fille ; le valet-médecin tâte le bras du père pour diagnostiquer la maladie de sa fille. | |
Mais encore voyons un peu. - Hé! ce n’est pas lui qui est malade, c’est sa fille. - Il n’importe: le sang du père et de la fille ne sont qu’une même chose; et par l’altération de celui du père, je puis connaître la maladie de la fille. (scène 4)83 | CRISPIN Votre bras, que je tâte Si pour vous il est vrai que la mort ait si hâte, Donnez, dis-je. Au lieu de prendre le bras de Lucresse, il prend celui de son père et dit : Tu Dieu ! comme il bat, votre pouls, J’aurais bien de la peine à répondre de vous, Et votre maladie est sans doute mortelle, Prenez-y garde. FERNAND O Dieux ! quelle triste nouvelle; Je suis donc bien malade, ô Monsieur ? CRISPIN Vous, pourquoi ? FERNAND Vous n’avez pris le bras à personne qu’à moi. CRISPIN Et cela vous étonne ! Une tendresse extrême Rend la fille le père, et le père elle-même. (scène 11) |
Importance de l’ordonnance d’un médecin pour pouvoir mourir. | |
Monsieur le médecin, j’ai grand’peur qu’elle ne meure. - Ah! qu’elle s’en garde bien! Il ne faut pas qu’elle s’amuse à se laisser mourir sans l’ordonnance du médecin. (scène 4)84 | Elle a donc quelque mauvais dessein, Puisqu’elle veut mourir sans aucune ordonnance ; De ces sortes de morts notre école s’offense : Quand un homme se trouve en état de périr Toujours un médecin doit l’aider à mourir. (scène 6)85 |
Cet épisode se retrouve dans toutes les versions italiennes et françaises de la pièce mais aussi dans des entremés 86 espagnols où il est précisé qu’il ne s’agit pas d’urine mais de vin blanc que la servante, complice, apporte au médecin. | |
Monsieur Gorgibus, y aurait-il moyen de voir de l’urine de l’égrotante ? - Oui-da; Sabine, vite allez quérir de l’urine de ma fille. Monsieur le médecin, j’ai grand’peur qu’elle ne meure. - Ah! qu’elle s’en garde bien! Il ne faut pas qu’elle s’amuse à se laisser mourir sans l’ordonnance du médecin. Voilà de l’urine qui marque grande chaleur, grande inflammation dans les intestins: elle n’est pas tant mauvaise pourtant. - Hé quoi? Monsieur, vous l’avalez ? (scène 4) | De la fille égrotante apportez de l’urine » (scène 8) LISE, avec de l’urine. En voilà. CRISPIN Voyez-vous, comme elle est enflammée ? Mauvais signe. FERNAND O bons Dieux, il en boit. CRISPIN, après avoir tout bu. Je crois bien; Mais qui boit pour si peu ne comprend jamais rien, Allez en quérir d’autre. […] CRISPIN Mon Prince, Assez d’autres Docteurs d’une estoffe plus mince Se seraient contentés du rapport de leurs yeux; Mais à croire sa langue on en juge bien mieux : BoisRobert nous enseigne en sa Belle Plaideuse Que le goût est solide, et la vue est trompeuse, Et qu’un grand Médecin quand il fait ce qu’il doit, Il sent mieux une chose à la langue qu’au doigt. (scène 11) |
Insistance sur le verbe « pisser » qui crée un effet comique. | |
Quoi? Monsieur Gorgibus, votre fille ne pisse que des gouttes? voilà une pauvre pisseuse que votre fille; je vois bien qu’il faudra que je lui ordonne une potion pissative. (scène 4) | LISE, avec encore un peu d’urine. A pisser comme il faut ma Maistresse s’aplique, Monsieur, et cependant je n’en ay qu’un filet, Voyez. CRISPIN Pauvre pisseuse ! Apres avoir encore beu, il dit : Allez au Robinet En tirer. LISE Mais Monsieur… CRISPIN Mais que cette pisseuse Fasse une ample pissée, et qui soit copieuse, Copieuse. LISE Ma foy, ma Maistresse ne peut, On n’a pas le pouvoir de pisser quand on veut. (scène 10) |
Effet comique produit par des réponses brèves telles que « tant pis » ou « tant mieux » chez Boursault. | |
Mademoiselle, vous êtes malade?- Oui, Monsieur.- Tant pis! c’est une marque que vous ne vous portez pas bien. (scène 5)87 | CRISPIN Elle n’est donc pas morte ? FERNAND Elle ? Nenni. CRISPIN Tant mieux, Je m’en réjouis fort. FERNAND Et de quoi ? Cette vie Avant la fin du jour lui peut être ravie. CRISPIN Tant pis, l’a-t-on fait voir à quelque médecin ? (scène 6) |
Citation du premier aphorisme d’Hippocrate par le savant présent sur scène : l’avocat chez Molière et le véritable médecin chez Boursault. | |
c’est fort à propos qu’Hippocrate dit dans son premier Aphorisme, Vita brevis, ars vero longa, occasio autem praeceps, expérimentum periculosum, Judicium difficile. (scène 888) | Medecine est, dit-il, une longue science, Tout à fait dangereuse en son experience, Car touchant nostre vie elle passe si tost Qu’on n’a pas le loisir d’en juger comme il faut. Vita brevis, ars vero longa, occasio autem praceps, Experimentum periculosum, Judicium difficile (scène 12) |
Molière reprend un « adage fréquemment invoqué dans les débats scientifiques de la seconde moitié du XVI e siècle 89 » qui oppose la médecine rationnelle et la médecine expérimentale 90 . Boursault crée quant à lui une citation latine. | |
Vous n’êtes pas de ces Médecins qui ne vous appliquez qu’à la Médecine qu’on appelle rationale ou dogmatique, et je crois que vous l’exercez tous les jours avec beaucoup de succès, Experientia Rerum. (scène 8) | Mortem medicamentis removet medicus expers. Je ne puis approuver l’importune metode… (scène 12) |
Jugement péjoratif de la part du valet-médecin quant au savoir du « savant » qui tend à le discréditer. | |
Que vous semble de cet homme-là? - Il sait quelque petite chose. (scène 8) | FERNAND He bien, ce Médecin, vous voyez comme il cause, Qu’en dites-vous ? CRISPIN Il sait quelque petite chose. (scène 13) |
Série de présentatifs pour désigner le frère du valet-médecin. | |
Monsieur, je viens de rencontrer Monsieur votre frère, qui est tout à fait fâché de…- C’est un coquin, Monsieur Gorgibus. - Je vous réponds qu’il est tellement contrit de vous avoir mis en colère… - C’est un ivrogne, Monsieur Gorgibus. (scène 12) | FERNAND Votre frère, il a tant de douleur, Que j’ai droit d’espérer… CRISPIN C’est un Coquin, Monsieur. FERNAND Il a tort, il l’avoue, il se nomme coupable; Mais, Monsieur, une faute est toujours pardonnable : Désormais, il en jure, il veut être meilleur, Vous aimer, vous servir. CRISPIN C’est un fripon, Monsieur. FERNAND Ne vous puis-je résoudre à la miséricorde ? CRISPIN C’est un Pendard, Monsieur, qui mérite la corde. (scène 17) |
Jeu de scène du dédoublement du valet qui joue à la fois le médecin et le frère de celui-ci. | |
Mais faites-moi la grâce de le faire paraître avec vous, et de l’embrasser devant moi à la fenêtre. […] - Hé bien! ne les voilà pas tous deux? (scène 15) | FERNAND à haute voix. Seras-tu trop honteux si ton frère t’embrasse, L’enfermé ? CRISPIN - C’est à lui … - Paix, Monsieur le Badaud, Paix fripon, paix belître, et venez ici haut : Crispin met son chapeau sur son coude, et puis l’embrasse si adroitement, qu’il semble que ce soit une autre personne. C’est moins par amitié que ce n’est par contrainte; Venez, dis-je. FERNAND à Philipin. Tu vois, ce n’est pas une feinte. (scène 15) |
Découverte de l’habit de médecin par le valet du père. | |
Je le tiens sous mon bras, voilà le Coquin qui faisait le Médecin, et qui vous trompe. » (scène 15) | PHILIPIN ramassant la soutane de Crispin Ah, je tiens votre guesne, Doctissime. […] PHILIPIN montrant Crispin et sa soutane. Voila l’un, voila l’autre. |
Comparaison avec d’autres pièces de Molière §
Boursault s’appuie aussi sur une intertextualité présente dans les œuvres de Molière. Ainsi, certains passages du Médecin volant rappellent un certain nombre des œuvres de Molière qui se font elles-mêmes écho et devenant un thème récurrent de l’œuvre de ce grand dramaturge. Ces éléments participent donc de la découverte de la source de Boursault malgré toutes les indications fournies par celui-ci dans son Avis au lecteur.
Sachant l’intertextualité qui existe dans l’œuvre même de Molière, nous avons fait le choix de faire en priorité la comparaison avec des pièces ayant pour sujet la médecine telles que L’Amour médecin, pièce ayant un rapport étroit avec Le Médecin volant de Molière. Pour les autres pièces, nos procèderons par ordre chronologique en prenant pour base la première œuvre écrite par Molière et en renvoyant aux références dans les autres œuvres en notes de bas de pages.
L’Amour médecin (1665) §
L’Amour médecin, Molière | Le Médecin volant, Boursault |
Importance de mourir dans les « formes » ; ces passages peuvent être mis en relation avec ceux que nous avons vu dans les deux Médecin volant qui vantent la présence nécessaire d’un médecin pour pouvoir mourir. | |
Vous aurez la consolation qu’elle sera morte dans les formes. - Il vaut mieux mourir selon les règles, que de réchapper contre les règles.91 (Acte II, scène 5) |
Quand un homme se trouve en estat de perir Tousjours un Medecin doit l’ayder à mourir, Et c’est faire éclater des malices enormes Que vouloir refuser de mourir dans les formes. (scène 7, v. 143-146) |
Épisode montrant que le pucelage trop longtemps gardé peut être une source de maladie chez une jeune femme. | |
C’est un mari qu’elle veut. - Je l’abandonne. - Un mari. - Je la déteste. - Un mari. - Et la renonce pour ma fille. - Un mari. - Non, ne m’en parlez point. - Un mari.- Ne m’en parlez point. - Un mari. - Ne m’en parlez point. - Un mari, un mari, un mari. (Acte I, scène 3) |
PHILIPIN C’est à vous que j’en donne le blasme, A la pourvoir d’un homme on a trop retardé, Un pucelage nuit quand il est trop gardé, C’est cela qui l’étouffe, et ces sortes de choses… (scène 5, v. 78-81) |
Épisode mettant en valeur l’agitation des deux jeunes filles | |
Votre fille toute saisie des paroles que vous lui avez dites, et de la colère effroyable où elle vous a vu contre elle, est montée vite dans sa chambre (Acte I, scène 6) |
LISE Ah, Monsieur, vostre fille est fort mal ! FERNAND Que fait-elle ? Je tremble. LISE Elle se plaint du ventre, Elle sort de son lict, puis apres elle y rentre, Se promene, se sied, veut dormir, veut veiller, Malgré-moy de ce pas je la viens d’habiller… FERNAND D’habiller ! LISE D’habiller ; sa boutade m’estonne, (scène 8, v. 152-157) |
Épisode marquant l’évanescence de la vie de la patiente. | |
Je l’ai fait revenir: mais cela lui reprend de moment en moment, et je crois qu’elle ne passera pas la journée (Acte I, scène 6) |
FERNAND Et dequoy ? Cette vie Avant la fin du jour luy peut être ravie. CRISPIN Tant pis, l’a-t-on fait voir à quelque Medecin ? (scène 7, v. 137-139) |
Amalgame médecine et astrologie courant au XVII e siècle. | |
Nous ne sommes pas les seuls, comme vous savez, qui tâchons à nous prévaloir de la faiblesse humaine. C’est là que va l’étude de la plupart du monde, et chacun s’efforce de prendre les hommes par leur faible, pour en tirer quelque profit. […] les diseurs d’horoscopes, par leurs prédictions trompeuses profitent de la vanité et de l’ambition des crédules esprits. (Acte III, scène 1) |
Or le mal dominant par d’occultes ressorts, Il corrompt la matiere, il ravage le corps, L’individu qui souffre au moment qu’il s’épure D’un peu d’Apoteose entretient sa nature, La vapeur de la terre opposée à ce mal, Dans l’humaine vessie establit un canal. Le Cancer froidureux, rend l’humeur taciturne, Le vaillant Zodiaque envisage Saturne92, (scène 7, v. 123-130) |
Sganarelle ou le Cocu imaginaire (1660) §
À la scène 1 de la pièce, Molière fait allusion aux quatrains de Pibrac pour condamner les mauvaises lectures qu’il faut éviter d’avoir :
Jetez-moi dans le feu tous ces méchants écrits,Qui gâtent tous les jours tant de jeunes esprits.Lisez-moi, comme il faut, au lieu de ces sornettes,Les Quatrains de Pibrac, et les doctes TablettesDu conseiller Matthieu, ouvrage de valeur. (scène 1, v. 31-35)
Boursault reprend l’allusion aux quatrains de Pibrac dans le discours que Crispin fait en réponse à Fernand qui lui reproche de s’être tu devant le médecin Cantéas93. La référence n’est pas plus avantageuse ; pour Crispin les quatrains permettent aux médecins de feindre l’érudition et de soigner les malades en se contentant de les réciter :
Allez, vous m’auriez veu diablement caquetter.A dessein d’empescher qu’un malade ne meure,J’allois debagouler du Latin tout à l’heure,Voir quel temps il fera dans un vieil Almanac,Reciter tout par cœur les Quatrains de Pybrac, (scène 13, v. 315-319)
Monsieur de Pourceaugnac (1669) §
Boursault reprend l’idée de l’ignorance du mal par le malade lui-même, ce qui est un très mauvais signe.
Médecin volant, Boursault | Monsieur de Pourceaugnac, Molière |
CRISPIN Avez-vous de la fievre ? LUCRESSE Je ne say. CRISPIN Non ? LUCRESSE Non. CRISPIN Fy. FERNAND Dequoy ? CRISPIN Mauvais régal, Par fois sans qu’on le sache on se porte fort mal, (scène 11) |
Parbleu ! je ne suis pas malade. - Mauvais signe, lorsqu’un malade ne sent pas son mal (Acte I, scène 8) |
Le Malade imaginaire (1673) §
Dans le troisième intermède de la comédie-ballet qui consiste en une « Cérémonie burlesque94 » qui parodie l’entrée en médecine d’un docteur, le président de l’assemblée d’intronisation prononce ces paroles en confiant son bonnet au nouveau venu :
Dono tibi et concedoVirtutem et puissanciam, Medicandi, […]Occidendiimpune per totam terram95 .
L’expression « tuer impunément », ici formulée en latin, apparaît de manière récurrente dans la littérature anti-médicale. Boursault n’est pas en reste. Il emploie la formule dans l’épître dédicatoire « à un Medecin de mon Païs » qui introduit son Médecin volant :
Je vous proteste que si l’on m’appelloit à la Police j’y donnerois si bon ordre, qu’il ne seroit plus possible d’assassiner impunément un homme ; et ces Messieurs qui ne sont Medecins que par la Soûtane, seroient obligez durant quelques années que je limiterois, de faire l’espreuve de leur Science sur les Animaux qui ne sont plus propres au travail.
Établissement des textes §
Nous avons apporté quelques modifications d’usage. Conformément à l’usage moderne, nous avons distingué les j et les v consonnes qui s’utilisaient au XVIIe siècle comme des i et des u. Nous avons rétabli les s lorsqu’ils étaient notés ƒ et ss lorsqu’ils étaient notés β (par exemple, « une forte paβion » dans l’épître dédicatoire au Comte de Saux du Jaloux endormy). Nous avons supprimé le tilde marquant la nasalisation d’une voyelle en rétablissant le groupe voyelle et consonne qu’il représente. Nous n’avons pas conservé l’esperluette (&) que nous avons systématiquement remplacé par et. En revanche, l’orthographe classique a été conservée : il peut donc exister des différences orthographiques d’une occurrence à l’autre, l’orthographe n’étant pas encore fixée au XVIIe siècle. En ce qui concerne l’accentuation, nous avons respecté celle du texte original sauf dans les cas où elle amenait à une compréhension fautive de l’occurrence ; nous avons donc rétabli l’accent diacritique permettant la distinction entre la conjonction de coordination ou et l’adverbe ou le pronom relatif où.
Le nombre de point de suspension a été ramené à trois conformément à l’usage moderne. Le tiret présent dans les formes inversées dans la graphie moderne n’a pas été ajouté.
Nous avons corrigé les coquilles orthographiques et grammaticales qui suivent. Nous nous sommes aussi permis de corriger certaines ponctuations qui nous paraissaient erronées.
Pour chacun des textes, nous avons reporté la pagination originale entre crochets à droite, ainsi que les signatures indiquant le début de chaque cahier. Nous n’en avons cependant pas fait de même pour la réclame : les imprimeurs avaient en effet pour habitude de reproduire à la fin de la page de chaque cahier, le premier mot du cahier qui devait suivre.
Dans Le Jaloux endormy §
Amande ([VI])
Laissee (v. 8)
Vôtre (v. 28)
Vous voudriez que je crois estre à luy ? (v. 81)
Piquè (v. 87)
?……. (v. 170)
Mitouche (v. 220)
Cleande (v. 255)
L’a (v. 306)
Plaine (v. 463)
Nous avons rétabli l’alinéa qu’il manquait au vers 127. Nous avons uniformisé l’orthographe du prénom « Aspasie » ; en effet à partir du carnet C, « Aspasie » devenait « Aspazie ». Nous avons remplacé l’abréviation « vo9 » au vers 455 par « vous ». Nous avons ajouté la rubrique de personnage « SPADARILLE » au vers 476.
Dans Le Mort vivant §
Ou ([III]) nous avons rétabli l’accent à demi effacé.
Nous avons ajouté la rubrique de personnage « FERDINAND » au vers 156. Nous avons ajouté la mention [SCENE V] au début de la p. 10 qui n’était pas mentionnée. À partir de là, nous avons modifié les mentions de scène qui étaient donc fautives.
Où (v. 405)
? (v. 450)
? (v. 466)
Qu’elle (v. 466)
? …. (v. 579, v. 581)
Encor (v. 565)
Chosepublique (v. 602)
Estephanie (v. 671)
Quelqués (v. 746)
Où (v. 789)
Où (v. 790)
Tâche (v. 835)
Peu (v. 824)
De la la clarté (v. 855)
Amande ([LII])
Nous avons relevé des différences entre les deux exemplaires que nous avons consultés ; dans l’exemplaire conservé à la Bibliothèque Nationale de France (site François Mitterrand) sous la cote YF-7482 la dernière phrase de la page 42 est à demi coupée ce qui n’est pas le cas pour l’exemplaire conservé à la Bibliothèque de Besançon sous la cote 282429. De même, dans le volume conservé à la Bibliothèque nationale de France, l’« extraict du privilege du Roy » n’est pas complet contrairement à celui du volume conservé à la Bibliothèque de Besançon.
Dans Le Médecin volant §
Sa voir (v. 16)
Enduroit. (v. 90)
Elle à raison. (v. 195)
Pardônés (v. 261)
En (v. 282)
Réculer (v. 294)
: (v. 299)
Vôtre mine (v. 344)
Qne (v. 353)
…. ? (v. 355)
Corde, (v. 381)
Vôtre bonté (v. 408)
? …. (v. 424)
Description des volumes §
Le Jaloux endormy §
Le Jaloux endormy. Par M. Edme Boursault, Comédie, in-12 de [X]-35 pages. Volume conservé à la Bibliothèque nationale de France (site de l’Arsenal), sous la cote GD-23433.
Le volume se présente comme suit :
[I] page de titre
[II] verso blanc
[III-VII] épitre dédicatoire à Monseigneur le Comte de Saux
[VIII-IX] extrait du privilège
[X] liste des personnages
Présentation de la page de titre §
LE JALOUX / ENDORMY / COMEDIE / Representée sur le Theatre Royal / du Marais. / Par le Sieur BOURSAULT, Secretaire de / Madame la Duchesse d’Angoulesme./ [fleuron de l’éditeur] / A PARIS, / Chez ESTIENNE LOYSON, au Palais / à l’entrée de la Gallerie des Prisonniers, / au Nom de Jesus. / [filet] / M. DC. LXII. / Avec Privilege du Roy.
Exemplaires §
Bibliothèque nationale de France site de l’Arsenal : GD-23433 [Loyson]
Versailles : F.A. in-12 E 511d [Pépingué]
Dublin : OLS B-6-478 (1) [Pépingué]
Le Mort vivant §
Le Mort vivant. Par M. Edme Boursault, Comédie, in-12 de [VIII]-51-[LII] pages. Nous avons utilisé le volume conservé à la Bibliothèque nationale de France (site François Mitterrand) sous la cote YF-7482 ainsi que celui conservé à la Bibliothèque municipale de Besançon sous la cote 282429.
Le volume se présente comme suit :
[I] page de titre
[II] verso blanc
[III-VII] épitre dédicatoire à Monseigneur le Duc de Guise
[VIII] liste des personnages
[LII] extrait du privilège
Présentation de la page de titre §
LE MORT / VIVANT, / COMEDIE. / DEDIEE A MONSEIGNEUR / LE DUC DE GUISE. / Representée par les Comediens / du Roy ; / Et composée par le Sieur BOURSAULT. / [fleuron du libraire] / A PARIS, / Chez NICOLAS PEPINGUE’, en la / grande Salle du Palais, vis à vis les / Consultations, au Soleil d’or. / [filet] / M. DC. LXII. / Avec privilege du Roy.
Exemplaires §
BNF, Site de l’Arsenal : GD-14643 [Pépingué]
BNF, Site Richelieu : 8-RF-5571 [Pépingué]
BNF, Site François Mitterrand : YF-7482 [Pépingué]
Bibliothèque municipale de Besançon : 282429 [Guignard]
Montpellier : V1837 [Pépingué]
Reims : Rés. Diancourt PP78 [Guignard]
Versailles : Bibliothèque de la Reine 932 [Pépingué]
Le Médecin volant §
Le Medecin volant. Par M. Edme Boursault, Comédie, in-12 de [X]-45 pages. Nous avons utilisé le volume conservé à la Bibliothèque nationale de France (site de l’Arsenal), sous la cote GD-13904 ainsi que celui conservé à la Bibliothèque municipale de Besançon sous la cote 282429.
Le volume se présente comme suit :
[I] page de titre
[II] verso blanc
[III-VI] épître dédicatoire à Monsieur C******** Medecin de mon Païs
[VII-VIII] avis au lecteur
[IX] extrait du privilège du Roy
[X] liste des personnages
1-45 texte de la pièce
Présentation de la page de titre §
LE / MEDECIN / VOLANT, / COMEDIE. / Par Mr BOURSAULT. / [fleuron du libraire] / A PARIS, / Chez N. PEPINGUE, à l’entrée de la ruë de la / Huchette. Et en la Boutique au premier Pilier / de la grande Salle du Palais, vis à vis les / Consultations, au Soleil d’or. / [filet] / M. DC. LXV. / AVEC PRIVILEGE DU ROY
Exemplaires §
BNF, site de l’Arsenal : GD-13904
BNF, site Richelieu : 8-RF-5574 et 8-RF-5575 [complet du premier feuillet blanc]
BNF, site François Mitterrand : YF-7417
Bibliothèque municipale de Besançon : 282429
Modène, Université : E 049 A 004 003
Boursault, Trois petites comédies §
Par le Sieur BOURSAULT, Secretaire de
Madame la Duchesse d’Angoulesme.
Chez ESTIENNE LOYSON, au Palais
à l’entrée de la Gallerie des Prisonniers,
au Nom de Jésus.
M.DC.LXII
Avec Privilege du Roy.
Édition critique établie par Charlotte Dias dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2014-2015)
A MONSEIGNEUR LE COMTE DE SAUX96. §
[p. I]MONSEIGNEUR,
Il y a si long-temps que j’ay une forte passion97 de vous rendre l’hommage que vostre Merite exige de tous ceux qui ont l’honneur, ou de vous voir, ou de avoir veu, [p. II] que je ne puis attendre que l’expérience m’ait rendu capable de vous offrir quelque chose de proportionné à une des plus illustres Naissances de l’Univers, et aux qualitez les plus sublimes qui se puissent rencontrer dans ce qu’il y a de plus achevé sur la Terre. Ne jugez pas, MONSEIGNEUR, de la grandeur de mon Zele par la mediocrité de mon Présent ; Vous n’avez pas besoin d’un Ouvrage pompeux pour immortaliser votre Nom, et j’ai besoin d’un Nom fameux pour éterniser mon Ouvrage. Mais, MONSEIGNEUR, quand* je n’aurais pas ces considerations : [p. III] quand*, dis-je, ma Plume auroit autant de délicatesse que vostre Esprit : Et quand* mes Œuvres seroient assez considerables pour égaler vostre Generosité, tous ces avantages n’auroient pas assez de force pour authoriser ma temerité, et je n’aurois pas plus de droict pour justifier la liberté que j’ose prendre, puis que vous seriez tousjours au dessus de tout ce que je pourrois vous presenter. Aussi, MONSEIGNEUR, loin de me reprocher la moindre foiblesse dans l’élection que j’ai faite d’un Protecteur pour un Poëme98 qui n’est recommandable que parce qu’il vous est offert ; On [p. IV] remarque tant d’inégalité entre ce que vous estes, et ce que je vous consacre, que pour me rendre justice, on ne peut condamner ma hardiesse, sans estre obligé d’approuver mon industrie, puis que je ne me prevaux que de la gloire de mon choix, et non pas de la beauté de mon offrande. Quel bon-heur pour moy, MONSEIGNEUR, de pouvoir apprendre à la Posterité, que le mesme Heros qui vient si fraischement de recevoir le Prix de son Courage de la Main La plus Auguste du Monde, n’a pas dedaigné un sacrifice de la mienne ! Si ce que je vous dédie égaloit ce que vous avez, si glorieusement [p. V] emporté, je n’attendrois pas que vous le disputassiez à la plus celebre de toutes les Cours ; Je vous l’immolerois avec d’autant plus d’ardeur, que je croirois vous donner de plus esclatantes marques des profonds respects que je veux avoir pour vous, et du desir inviolable que j’ai d’estre eternellement,
MONSEIGNEUR,
DE VOSTRE GRANDEUR,
Tres-humble, tres-obeissant,
et tres-passionné Serviteur99,
BOURSAULT.
Extraict du Privilege du Roy. §
[p. VI]Par grace et Privilege du Roy donne à Paris le unziesme jour de May 1662. Signé par le Roy en son Conseil, DUMOLEY ; Il est permis à Jean Guignard fils, Marchand Libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer une Piece de Theatre, intitulée Le Jaloux Endormi, par le Sieur Boursault et ce durant le temps de cinq années à compter du jour qu’elle sera achevée d’imprimer pour la premiere fois. Et deffenses sont faites à tous Imprimeurs, Libraires, et autres, de l’imprimer, ou faire imprimer, vendre, debiter ny contrefaire ledit Livre sans le consentement dudit Jean Guignard fils, à peine aux contrevenants de trois mil livres d’amende, confiscation des exemplaires, et de tout [p. VII] despens, dommages et interests, ainsi qu’il est plus amplement porté parle dit Privilege.
Et ledit Jean Guignard a associé au present privilege Nicolas Pepingué et Estienne Loison Marchands Libraires à paris, pour en jouir, signant l’accord fait entr’eux.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois
le treize Juin 1662.
Les exemplaires ont esté fournis.
PERSONNAGES §
[p. VIII]- SPADARILLE, Gouverneur* de Toulon, mari d’Olimpie, qui en est si jaloux qu’il l’enferme à six cadenats.
- CLEANDRE, Amoureux* d’Olimpie, à qui Alcidor l’osta pour la donner en mariage à Sparadille.
- OLIMPIE, femme de Spadarille, et fille d’Alcidor, autrefois promise à Cléandre.
- ALCIDOR, Père d’Olimpie.
- CASCARET, Valet de Cléandre.
SCENE PREMIERE §
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
Il me le semble, ô Madame la prude !OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
SCENE II §
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
Mais il vous souvient que je fusSPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
SCENE III §
CLEANDRE
CASCARET
CLEANDRE
CASCARET
CLEANDRE
SCENE IV §
SPADARILLE avec trois verroux en chaque main
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
SPADARILLE
CLEANDRE bas
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CASCARET bas à Cleandre
CLEANDRE
CLEANDRE
Où prend-on les bijoux ?SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
CASCARET bas à Cleandre
CLEANDRE
SCENE V §
SPADARILLE seul, ouvrant la porte de la chambre d’Olimpie
Je vous tiens, ô la double Traistresse,SCENE VI §
OLIMPIE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE, faisant la surprise
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
OLIMPIE
SPADARILLE luy montrant les verroux
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
SCENE VII §
SPADARILLE enfermant sa femme
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE, ayant achevé de fermer ses cadenats
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
SCENE VIII §
SPADARILLE appelle sa femme à travers de la porte
OLIMPIE bas à Cleandre
CLEANDRE
CASCARET
SPADARILLE continuë
ALCIDOR
CASCARET
CLEANDRE
SPADARILLE continuë
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
CLEANDRE
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
Entrez, vous dis-je, ou bien point deOLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE à Cleandre en s’en allant
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
CLEANDRE
SCENE IX §
SPADARILLE
ALCIDOR qui craint qu’Olimpie ne soit pas encores rentrée
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
CLEANDRE
SCENE X §
ALCIDOR
CLEANDRE
SCENE XI §
SPADARILLE
Mes cadenats sont ouverts. HolaOLIMPIE faisant exprés l’endormie
SPADARILLE
OLIMPIE faisant l’estonnée
ALCIDOR
SPADARILLE lui montrant Cléandre
OLIMPIE
CLEANDRE à Sparadille
SPADARILLE
CLEANDRE
OLIMPIE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE
CLEANDRE à Spadarille
SPADARILLE en riant
CLEANDRE à Olimpie
OLIMPIE
CLEANDRE
SPADARILLE à Alcidor
ALCIDOR
OLIMPIE à Cleandre
CLEANDRE
SPADARILLE
OLIMPIE
CLEANDRE
OLIMPIE dans une feinte colere
CLEANDRE
OLIMPIE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
SPADARILLE
OLIMPIE
ALCIDOR
OLIMPIE
SPADARILLE
SCENE XII §
SPADARILLE
CLEANDRE
SCENE XIII §
OLIMPIE sous le nom d’Aspasie
OLIMPIE sous le nom d’Apasie
SPADARILLE
OLIMPIE sous le nom d’Aspasie
[SPADARILLE]
Il pourra vous l’apprendre.CLEANDRE
SPADARILLE
OLIMPIE sous le nom d’Aspasie
SPADARILLE
CLEANDRE
CLEANDRE
CLEANDRE
SPADARILLE
CLEANDRE, bas à Olimpie
CASCARET
Le pauvre DiableALCIDOR bas
OLIMPIE à Cleandre
CLEANDRE
SCENE XIV §
SPADARILLE fort joyeux
SPADARILLE à haute voix
ALCIDOR bas
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE dedans la chambre
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
SPADARILLE
ALCIDOR
Pour mon plaisir.SPADARILLE
ALCIDOR
ALCIDOR
ALCIDOR
SPADARILLE
SCENE XV, ET DERNIERE §
SPADARILLE à sa fenestre
Le traistre est échapé,FIN
Lexique du Jaloux endormi §
LE DUC DE GUISE.
Representée par les Comédiens
du Roy ;
Et composée par le Sieur Boursault.
Chez N. PEPINGUE’, en la
grande Salle du Palais, vis à vis les
Consultations, au Soleil d’or.
M.DC.LXII.
Avec privilege du Roy
Édition critique établie par Charlotte Dias dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2014-2015)
A MONSEIGNEUR LE DUC DE GUISE210 §
[p. I]MONSEIGNEUR,
Permettez que je me serve icy de l’un des termes du Heros Ridicule que je vous presente, et que [p. II] je die que je tremble de peur de causer de la peur à VOSTRE ALTESSE, en luy consacrant une Piece qui n’est recommandable que par la gloire qu’elle a euë de ne pas déplaire à l’Esprit le plus sublime de nostre Siecle ; et qui mesmes ne mériteroit de porter que la moitié de son Titre, si vos genereux suffrages ne l’eussent developée de l’eternelle obscurité où elle estoit ensevelie. Aussi, MONSEIGNEUR, quelque dessein que j’aye de me rendre considerable par les profonds respects que je veux avoir pour VOSTRE ALTESSE, je n’eusse pû me resoudre à vous faire une offrande si peu digne de vous, si [p. III] dans l’indispensable obligation où je me trouve de conserver la reputation que je dois à vos applaudissemens, je ne me fusse imaginé que la temerité a quelque chose de moins honteux que l’ingratitude. C’est donc, MONSEIGNEUR, avec un zele respectueux que je fais éclatter une reconnoissance qui n’est pas moins juste que la liberté que j’ose prendre est condamnable ; et si VOSTRE ALTESSE ne s’offençait pas de la vaste estenduë d’une audace si judicieuse, je ne pourrois m’empescher de luy dire que je ne prens l’occasion de la remercier de ses graces passées que pour avoir sujet de m’en attirer de [p. IV] nouvelles. Oüy, Monseigneur, puis que ce MORT n’est VIVANT que par vostre moyen Et qu’il a besoin de vostre Protection pour se conserver la vie que vous luy avez redonnée ; je viens vous supplier d’employer vostre Generosité à la perfection de vostre Ouvrage : Mais quoy que je puisse esperer de VOSTRE ALTESSE, comme ce seroit me rendre indigne de ses faveurs, qu’aspirer à les meriter par la honte inévitable que je recevrois si je voulois essayer de faire vostre Eloge, daignez m’espargner cette confusion ; Et ne souffrez* pas, MONSEIGNEUR, que je dérobe cette illustre matiere à une Plume [p. V] plus delicate que la mienne, ny que je prive l’Histoire de l’Ornement le plus auguste qu’elle puisse procurer à la Posterité ; chez qui sans doute je ne seray pas à mépriser, si elle apprend que j’aye eu la gloire d’estre,
MONSEIGNEUR,
DE VOSTRE ALTESSE,
Tres-humble, tres-obeïssant,
Et tres-passionné Serviteur211,
BOURSAULT
PERSONNAGES §
[p. VI]ACTE PREMIER §
SCENE PREMIERE §
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
SCENE II §
STEPHANIE à une fenestre.
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
FERDINAND
STEPHANIE
SCENE III §
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
FERDINAND
LAZARILLE
[FERDINAND]
LAZARILLE
FERDINAND
SCENE IV §
LAZARILLE seul
[SCENE V] §
STEPHANIE
Quelque espoir qui vous flatte,LAZARILLE
STEPHANIE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
FABRICE
LAZARILLE
STEPHANIE
FABRICE
LAZARILLE
STEPHANIE
FABRICE
GUSMAN
LAZARILLE
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
STEPHANIE
FABRICE
STEPHANIE
LAZARILLE
STEPHANIE
SCENE V[I] §
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
Lazarille aura pû vous déplaire,STEPHANIE
GUSMAN, la tirant à l’écart
STEPHANIE
STEPHANIE
SCENE VI[I] §
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
Fin du premier Acte.
ACTE SECOND §
SCENE PREMIERE §
LAZARILLE
FABRICE lit.
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
SCENE II §
GUSMAN, en habit d’Ambassadeur.
FABRICE
FABRICE
GUSMAN
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
SCENE III §
FERDINAND
FERDINAND
FERDINAND
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
STEPHANIE
GUSMAN
STEPHANIE
GUSMAN
GUSMAN
LAZARILLE bas
FERDINAND
FERDINAND
GUSMAN
FERDINAND
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
STEPHANIE
GUSMAN
STEPHANIE
FERDINAND
GUSMAN
FERDINAND
GUSMAN
LAZARILLE
FERDINAND
SCENE IV §
LAZARILLE
FABRICE
SCENE V §
GUSMAN, en habit de Valet.
FABRICE
LAZARILLE
LAZARILLE
GUSMAN bas
FABRICE
LAZARILLE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
LAZARILLE
SCENE VI §
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
FABRICE
Répons mieux à mon sens,GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
FABRICE
GUSMAN
Fin du second Acte.
ACTE TROISIEME §
SCENE PREMIERE §
LA SERVANTE
HENRIQUEZ
LA SERVANTE
HENRIQUEZ
LA SERVANTE
HENRIQUEZ
Il n’importe,LA SERVANTE
HENRIQUEZ
LA SERVANTE
HENRIQUEZ
LA SERVANTE
SCENE II §
HENRIQUEZ seul
La courriereSCENE III §
GUSMAN faisant l’Esprit
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
HENRIQUEZ
GUSMAN
HENRIQUEZ
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
HENRIQUEZ
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
HENRIQUEZ
LAZARILLE
GUSMAN
HENRIQUEZ
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
HENRIQUEZ
LAZARILLE
GUSMAN
SCENE IV §
L’HÔTE, avec une chandelle.
GUSMAN
L’HÔTE se laissant tomber, et la chandelle s’éteint.
HENRIQUEZ
LAZARILLE
L’HÔTE
SCENE V §
L’HÔTE
HENRIQUEZ
LAZARILLE
HENRIQUEZ
LAZARILLE
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
GUSMAN
LAZARILLE
HENRIQUEZ
LAZARILLE
GUSMAN
HENRIQUEZ
GUSMAN bas
LAZARILLE
L’HÔTE
GUSMAN
LAZARILLE
GUSMAN
SCENE VI §
FABRICE
LAZARILLE
FABRICE
LAZARILLE
HENRIQUEZ
FABRICE
LAZARILLE
HENRIQUEZ
LAZARILLE
FABRICE
SCENE VII ET DERNIERE §
HENRIQUEZ
FERDINAND
HENRIQUEZ
FERDINAND
HENRIQUEZ
LAZARILLE
FERDINAND
FABRICE
LAZARILLE
STEPHANIE
FERDINAND
HENRIQUEZ
FERDINAND
STEPHANIE
LAZARILLE
HENRIQUEZ
FERDINAND
HENRIQUEZ
FERDINAND
HENRIQUEZ
FERDINAND
Et de plus vous sçaurez…HENRIQUEZ
FERDINAND
Extraict du Privilege du Roy §
[LII]Par grace et Privilege du Roy, donné à Paris le II May 1662 signé par le Roy en son Conseil, DUMOLEY ; il est permis à JEAN GUIGNARD fils, Marchand Libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer une Piece de Theatre, intitulée, Le Mort Vivant, par le Sieur Boursault, et ce durant le temps de cinq années, à compter du jour qu’il sera achevé d’imprimer pour la premiere fois. Et deffences sont faites à tous Imprimeurs, Libraires et autres, de l’imprimer, ou faire imprimer, vendre, debiter ny contrefaire ledit Livre sans le consentement du dit Exposant, à peine aux contrevenans de trois mil livres d’amende, confiscation des exemplaires, et de tous despens, dommages et interests, ainsi qu’il est plus amplement porté par ledit Privilege.
Et ledit Jean Guignard a associé au present Privilege Nicolas Pepingué et Estienne Loison Marchands Libraires à Paris, pour en joüir suivant l’accord fait entr’eux.
Achévé d’imprimer pour la premiere fois le premier Juin 1662.
Les exemplaires ont esté fournis.
Registré sur le Livre de la Communauté des Imprimeurs et Marchands Libraires de cette ville Paris.
Lexique du Mort vivant §
MEDECIN
VOLANT,
Par Mr BOURSAULT
Chez N. PEPINGUÉ, à l’entrée de la ruë de la
Huchette. Et en sa boutique au premier Pilier
de la grande Salle du Palais, vis à vis les
Consultations, au Soleil d’or.
M.DC.LXV.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Édition critique établie par Charlotte Dias dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2014-2015)
A MONSIEUR C*******325
Medecin de mon Païs. §
[p. I]
MONSIEUR,
Soit par coustume, ou soit par generosité326, je n’ay jusqu’icy dédié aucune Piece, que l’on ne m’ait fait quelque Present ; Et à dire vray l’on m’attraperoit327 bien, si on venoit à perdre une si bonne habitude. Cependant je vous dedie le MEDECIN VOLANT, qui assurément n’est pas le moindre de [p. II] mes Ouvrages, à condition seulement qui si jamais je vais au Païs, et que je sois assez heureux pour y devenir Malade, vous aurez assez de bonté pour moy pour ne me pas faire languir328 longtemps. Remarquez s’il vous plaist, MONSIEUR, que je ne veux pas dire que vous aurez la bonté de m’expedier le plustost qu’il vous sera possible: Et souffrez* que je vous avertisse de peur d’equivoque, que je n’estime la Medecine qu’en ce qu’elle peut estre utile à la conservation, ou au recouvrement de ma Santé, parce que je mourray bien sans le secours de personne, et particulierement de vostre Faculté, pour qui j’ay trop de veneration pour ne pas luy en épargner la peine. Il meurt plus de Monde en ces quartiers par la faute des Medecins, que vous n’en ressuscitez par vostre [p. III] Capacité ; et Paris est si miserable pour les Malades, que l’on prend plus de soin pour les faire mourir, que vous n’en prendriez pour le faire vivre. Je vous proteste que si l’on m’appelloit à la Police329 j’y donnerois si bon ordre, qu’il ne seroit plus possible d’assassiner impunément un homme ; et ces Messieurs qui ne sont Medecins que par la Soûtane, seroient obligez durant quelques années que je limiterois, de faire l’espreuve de leur Science sur les Animaux qui ne sont plus propres au travail. Si cela estoit, les habiles comme vous n’en seroient pas plus mal, et les malades en seroient beaucoup mieux ; vous en auriez plus de pratique, et ceux qui meurent avec tant de precipitation entre les mains de ces Ignorans, ne mourroient peut-estre pas si vite entre les vostres. Enfin, MONSIEUR, j’ay tant d’estime [p. IV] pour vostre Personne, et tant d’inclination pour le Païs, que si jamais il me prend envie de sortir du monde, j’ayme mieux mourir de vostre main que de par une autre ; quand ce ne seroit qu’à cause qu’il y a de mes parents qui en sont déja morts, et que par consequent je suis obligé d’estre,
MONSIEUR,
Vostre tres-humble, et
affectionné Serviteur,
BOURSAULT.
ADVIS AU LECTEUR §
[p. V]LE MEDECIN VOLANT que j’expose à ton jugement, mon cher LECTEUR, est l’une des plus aimables Pieces qui soit au Theatre, et j’en puis parler de la sorte sans choquer la bien-seance, puisque ce n’est pas moy qui en suis l’Auteur. Le sujet est Italien ; il a esté traduit en nostre langue ; representé de tous costez ; et je crois qu’il est plus beau de ma façon que d’aucune autre, à cause qu’outre la Traduction qui en est fidele, il a [p. VI] encore la grace de la Poësie. Il est vray qu’on le represente au Marais ; mais quoy qu’il soit en vers, on peut dire que la Poësie ne luy a point donné de grace : Veritablement les nouveaux Acteurs qui sont entrez dans cette Trouppe, l’ont apporté de Flandres330, et c’est pour cela que le langage de cette Piece est si corrompu. Je te fais juge de ce Medecin Volant-cy, et c’est tout ce que j’ay à te dire.
Extraict du Privilege du Roy §
[p. VII]Par Grace et Privilege du Roy, donné à Pari le dernier Octobre mil six cens soixante-quatre. Signé, Par le Roy en son Conseil, GUITONNEAU. Il est permis à NICOLAS PEPINGUE’, Imprimeur et Marchand Libraire à Paris, d’imprimer, faire imprimer, vendre et debiter une Piece de Theatre, intitulée, Le Medecin volant, Comedie, composée par le Sr Boursault, pendant le temps et l’espace de sept années, à commencer du jour que ladite Piece sera achevée d’imprimer pour la premiere fois ; Et deffenses sont faites à toutes personnes de quelque qualité et condition qu’elles soient, d’imprimer, ny faire imprimer, vendre et debiter ladite Piece sans le consentement de l’Exposant, ou de ceux qui auront droict de luy, à peine de trois mil livres d’amende, confiscation des exemplaires, despens, dommages et interests, ainsi que plus au long il est porté audit Privilege.
Registré sur le Livre de la Communauté.
Achevé d’imprimer pour la premiere fois le quatorziesme Janvier 1665.
Les Exemplaires ont esté fournis.
ACTEURS. §
[p. VIII]- CLEON, Amant* de Lucresse
- LISE, Servante de Lucresse
- LUCRESSE, Maistresse* de Cleon
- CRISPIN, Valet de Cleon, Medecin Volant
- FERNAND, Pere de Lucresse
- PHILIPIN, Valet de Fernand
- CANTEAS, habile Medecin
SCENE PREMIERE. §
LISE
CLEON
[p. 2]LISE
SCENE II §
CLEON seul.
SCENE III §
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
Je n’y puis que faire. En quel lieu du logis ?CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
C’est pour cause.CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
CRISPIN
CLEON
SCENE IV §
CLEON
SCENE V §
PHILIPIN
FERNAND
PHILIPIN
FERNAND
PHILIPIN
Peste soit de Lucresse,FERNAND
SCENE VI §
FERNAND seul.
SCENE VII §
FERNAND bas.
FERNAND bas.
CRISPIN
FERNAND bas.
CRISPIN
FERNAND
FERNAND à Crispin.
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN, bas.
FERNAND
SCENE VIII §
LISE
FERNAND
LISE
Elle se plaint du ventre,FERNAND
LISE
FERNAND
LISE
CRISPIN
FERNAND à Lise
CRISPIN
SCENE IX §
CRISPIN
FERNAND
LISE, avec de l’urine
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN, apres avoir tout beu
FERNAND à Lise.
CRISPIN
FERNAND
SCENE X §
LISE, avec encore un peu d’urine.
LISE
LISE
FERNAND à Lise.
LISE
CRISPIN
LISE
SCENE XI §
LUCRESSE
Ah mon pere !FERNAND
LISE
LUCRESSE
CRISPIN
LUCRECE
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
LUCRESSE
LUCRESSE
CRISPIN
LUCRESSE
CRISPIN
LUCRESSE
CRISPIN
FERNAND
FERNAND
CRISPIN
FERNAND à Lise.
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
LISE
SCENE XII §
PHILIPIN
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN bas.
CANTEAS
FERNAND
CANTEAS
FERNAND
CANTEAS
CRISPIN
CANTEAS
CRISPIN
CANTEAS
Sans ceremonie on vous doit le milieu,CRISPIN
CANTEAS
De plaisir on a l’ame ravieCRISPIN
CANTEAS
SCENE XIII §
CRISPIN
FERNAND
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
Ouy vraiment je dy vous.CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND luy veut bailler404 de l’argent.
CRISPIN
Ah !FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
SCENE XIV §
FERNAND seul.
SCENE XV §
CRISPIN en habit de valet
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
SCENE XVI §
SCENE XVII §
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
SCENE XVIII §
FERNAND seul.
SCENE XIX §
CRISPIN en pleurant, et en habit de valet.
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN bas.
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
SCENE XX §
FERNAND seul.
En ceci ma charité se monstre ;SCENE XXI §
CRISPIN à la fenestre.
SCENE XXII §
PHILIPIN qui sort.
A PresentSCENE XXIII §
CRISPIN en soutane dit à Fernand.
FERNAND
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
CRISPIN
FERNAND
SCENE XXIV §
PHILIPIN à Fernand.
Quoy, Monsieur, vous craignez qu’il ne sorte ?FERNAND
PHILIPIN
FERNAND
CRISPIN à la fenestre
FERNAND à Philipin.
CRISPIN continuant.
FERNAND à Philipin.
PHILIPIN
FERNAND
CRISPIN
PHILIPIN
FERNAND
PHILIPIN
FERNAND
CRISPIN
PHILIPIN
FERNAND
CRISPIN
PHILIPIN
FERNAND à haute voix.
CRISPIN
C’est à luy…Pay, Monsieur le BadautFERNAND à Philipin.
PHILIPIN
CRISPIN à Fernand.
FERNAND
PHILIPIN
CRISPIN descendu.
CRISPIN en habit de valet.
FERNAND
CRISPIN pleurant
FERNAND à Philipin
PHILIPIN
FERNAND
PHILIPIN montrant Crispin et sa soutane.
CRISPIN
FERNAND
PHILIPIN
FERNAND
CRISPIN
SCENE XXV et derniere. §
FERNAND
CLEON
FERNAND
LUCRESSE
FERNAND
CRISPIN
FIN
Lexique du Médecin volant §
Appendice 1 §
Nous avons relevé des différences entre le texte de l’édition originale du Jaloux endormy publiée en 1662 et l’édition publiée à Amsterdam sous le titre Le Jaloux prisonnier en 1721. L’édition de 1721 comporte plus de scènes que l’édition originale. Elle palie le manque de clarté de l’exposition que nous avons remarqué au cours de notre analyse. Les scènes ajoutées justifient l’action de Cléandre et fait état de la manigance organisé entre le jeune homme et le père Alcidor.
L’édition de 1721 introduit une première scène et ajoute une introduction à la première scène de l’édition originale qui devient donc la deuxième scène. Nous avons reproduit ci-après le texte ajouté en respectant l’orthographe de l’époque.
SCENE PREMIERE
CLEANDRE
ALCIDOR
CLEANDRE
ALCIDOR
CLEANDRE
SCENE II
SPADARILLE en sortant.
OLIMPIE
SPADARILLE
Après ce passage le texte de l’édition originale commence.
Appendice 2 : tableau indiquant le nombre de vers prononcés par Gusman et Fabrice par scène (tableau basé sur celui réalisé par Paul Fièvre sur son site theatre-classique.fr). §
Gusman | Fabrice | total | |
Acte I, scène 1 | 21, 42 | 6, 58 | 28 |
Scène 2 | absent | absent | 56 |
Scène 3 | absent | absent | 98, 17 |
Scène 4 | absent | absent | 4, 33 |
Scène 5 | 7, 5 (caché) | 4, 09 (caché) | 43, 5 |
Scène 6 | 4 | 7.25 | 21 |
Scène 7 | 43, 58 | 47, 42 | 91 |
Acte II, scène 1 | absent | 31, 83 | 61, 5 |
Scène 2 | 36, 58 | 2, 09 | 62, 5 |
Scène 3 | 69, 92 | présent mais muet | 116, 17 |
Scène 4 | absent | 7, 67 | 21, 83 |
Scène 5 | 3, 17 | 3, 58 | 31, 17 |
Scène 6 | 26, 58 | 26, 58 | 48, 83 |
Acte III, scène 1 | absent | absent | 22, 75 |
Scène 2 | absent | absent | 7, 25 |
Scène 3 | 72, 33 | absent | 145 |
Scène 4 | 0, 17 | absent | 5, 5 |
Scène 5 | 11, 92 | absent | 26, 5 |
Scène 6 | présent mais muet | 12 | 21, 5 |
Scène 7 | 1, 67 | 0, 25 | 21, 5 |
Total | 298, 84 | 149, 34 | 934 |
L’étude de ce tableau nous permet de voir que Gusman est le personnage dominant dans la pièce. À lui seul il prononce un peu plus de 298 vers sur les 934 que compte la pièce, soit le tiers de la pièce pour un seul et même personnage, qui plus est un personnage secondaire dans l’intrigue puisque le valet ne sert qu’à aider à la réalisation des projets de son maître. En outre, nous pouvons constater que sur les vingt scènes que compte la pièce au total, le valet est présent dans treize scènes mais seulement dans douze à visage découvert. Les deux hommes sont présents ensemble sur le théâtre dans dix scènes dont celle où ils sont cachés. Fabrice a peu d’indépendance par rapport à son valet, il n’est seul avec Lazarille que dans les scènes 1 et 4 de l’acte II. À l’acte III scène 6, le valet est présent mais se tait pour laisser la parole à son maître venu dévoiler le stratagème et lui éviter d’être totalement découvert par Lazarille. Il s’agit de la seule scène où Fabrice joue son rôle de maître vis-à-vis de Gusman.
Fabrice quant à lui ne prononce que 149 vers environ, trois fois moins que son valet. Il est pourtant présent dans douze scènes : Boursault respecte donc le précepte donné par Aubignac dans sa Pratique du Théâtre « les principaux personnages doivent paraître le plus souvent et demeurer le plus longtemps qu’il est possible sur le théâtre », ce n’est pas pour autant qu’il fait de Fabrice un personnage loquace. Son effort de mise en valeur par sa présence sur scène est effacé par le mutisme de celui qui est pourtant l’un des héros de la pièce.
Bibliographie §
Sources §
Œuvres de Boursault publiées de son vivant §
Éditions posthumes §
Œuvres antérieures et contemporaines de l’auteur §
Instruments de travail §
Dictionnaires §
Grammaires §
Bibliographie §
Sites web §
CESAR, Calendrier Electronique des Spectacles sous l’Ancien Régime : http://www.cesar.org.uk
GALLICA, Bibliothèque numérique de la Bnf : www.gallica.bnf.fr
MOLIERE 21 : www.moliere.paris-sorbonne.fr
THEÂTRE CLASSIQUE : www.theatre-classique.fr
Bibliothèque de Besançon : http://memoirevive.besancon.fr