Urbain Chevreau
Chez Toussaint Quinet, au Palais, dans la petite salle, sous la montée de la Cour des Aydes
M. DC. XXXVII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Édition critique établie par Audrey Maratra dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2010-2011)
Introduction §
« Comédie : Poëme dramatique, piece de theatre representant quelques actions de la vie humaine qui se passe entre des personnes privés. » .
Dictionnaire de l’Académie Française, 1re édition, 1694.
Quiproquos et imbroglios : duper un avocat n’est pas de tout repos. Mais duper un amant est divertissant sachant que celui-ci se comporte comme un pédant. Déguisements et travestissement sont autant de prises de risque pour faire fléchir ce fameux avocat qui se retrouve, malgré lui, prit dans un jeu galant et comique. Chevreau imagine une pièce plaisante autour d’un avocat qui se place en parfaite antithèse face à la duperie qu’il est sensé maîtriser. L’ironie, c’est qu’il se verra confier, dix ans plus tard, la charge d’avocat après avoir reçu sa licence en 1647. Par la suite, il n’hésitera pas à dénigrer son théâtre comme une erreur de jeunesse, mais cette comédie plaisante peut être rapportée à son humeur libre et enjouée que ses contemporains lui connaissaient.
L’auteur §
Sa jeunesse §
Urbain Chevreau, fils d’Antoine Chevreau, peintre et vitrier, et de Suzanne Delarue ou Rue, est né à Loudun. Les avis divergent sur le jour de sa naissance, mais grâce au médaillon qui orne le Chevreana, où il est lui-même représenté avec sa date de naissance inscrite en latin, Gustave Boissière a démontré que par rapport au calendrier latin, qui a jusque-là été mal interprété, Chevreau est né en avril, le 201. Cette date est également la référence de Lancaster2. Les chercheurs ont toujours cru qu’il était natif du mois de mai sans prendre en compte la façon des anciens de compter les jours. De plus, son acte de baptême est daté du lendemain par le prêtre René Lemousnier.
Ses parents étaient de condition modeste sans être pauvre. Son père gagnait correctement sa vie : le métier de peintre-vitrier était un métier qui garantissait suffisamment de ressources pour vivre, depuis que Louis xi fit de ce métier une corporation par une lettre patente, en 1361.
Chevreau était issu d’une fratrie de sept enfants : Auguste né en 1603, Pierre né un an après, Suzanne née en 1607, Jean en 1609, notre auteur Urbain, puis Marie en 1616 et enfin Philippe née l’année suivante. Nous n’avons guère d’autres informations quant à la vie de ses parents et de ses frères et sœurs si ce n’est des actes de mariages.
Chevreau fît une partie de ses études à Poitiers. Il fut bachelier et licencié en droit le 30 septembre 1647, à l’âge de 34 ans. Il est d’ailleurs curieux que Chevreau ait été dans un âge aussi avancé quand il reçut sa licence de droit : Gustave Boissière émet deux hypothèses sur ce sujet. En effet, Chevreau se destinait peut-être à une carrière ecclésiastique et aurait finalement changé de voie. Mais Gustave Boissière émet également la possibilité qu’il ait été obligé de fuir Loudun, à cause d’une épidémie de peste en avril 16323. Il serait alors allé à Paris où il aurait fait des progrès dans le domaine des Belles-Lettres et aurait finalement choisi de passer le baccalauréat et la licence en droit comme aboutissement de ses études passées. On peut d’ailleurs mettre en évidence ce séjour à Paris et ses pièces de théâtre qui ont toutes été montées au théâtre de Bourgogne entre 1637 et 1641 (excepté L’Innocent exilé qui fût probablement joué au théâtre du Marais) . En reconnaissance de ses talents littéraires, il se vit offrir un canonicat, placement très avantageux puisqu’il se voyait recevoir une portion des droits ecclésiastiques, mais Chevreau le refusa. Il refusa également le mariage revendiquant son célibat :
[…] j’ai regardé avec beaucoup de réflexion les incommodités inséparables du mariage et, n’ayant pu m’en accommoder, j’ai pris ce parti, dont je me trouve parfaitement bien4.
Les pérégrinations de Chevreau §
Chevreau a beaucoup voyagé au cours de sa vie et particulièrement de 1653 à 1675. Sa correspondance est un outil précieux pour savoir où il se trouvait et à quel moment ; ainsi, nous pouvons en déduire un itinéraire.
En 1652, Chevreau fit un séjour à Paris en février avant de partir pour la Hollande le mois suivant puis revint à Paris en décembre. Gustave Boissière rapporte également, que Chevreau assiste au combat du faubourg Saint-Antoine en juillet de la même année, qui opposait Turenne au prince de Condé, au moment de la Fronde5.
Début 1653, Chevreau était à Stockholm : il rentra au service de la reine Christine de Suède (1632-1654) , qui le nomma ordonnateur de ses fêtes, puis secrétaire des commandements. Chevreau mit alors ses talents littéraires et artistiques au service de cette reine, en rédigeant des vers galants et des ballets qui firent danser la Cour. Le 16 juin 1652, la reine Christine abdiqua en faveur de son cousin, Charles Gustave, qui nomma Chevreau, secrétaire de son cabinet, mais ce dernier qui s’ennuyait en Suède, retourna à Loudun, où il séjourna jusqu’en 1656. Cette même année, il fit paraître le recueil de ses poésies. De plus, il faisait de temps à autres de courts séjours dans la capitale.
En 1661, Chevreau se trouvait à Constance. Le 3 mai 1662, il était à Thouars. Revenu à Loudun entre temps, il repartit en 1663, en Italie en passant par Cassel. En février 1664, il se rendit à Copenhague où Frédéric III voulait lui offrir l’archevêché de son pays, s’il voulait changer de religion ; mais Chevreau refusa et retourna à Cassel six mois après. En août 1664, il fit un court séjour à Venise, après être allé à Iburg en janvier.
En 1665, Chevreau traversa l’Allemagne en allant à Celle, puis dans le Hanovre puis à Brunswick en passant par Heidelberg. Pendant son passage dans le Hanovre, le duc Frédéric le nomma gentilhomme de sa cour avec un traitement de cinq cents écus, ainsi qu’un logement et un valet. Chevreau qui ne pouvait refuser, resta en Allemagne. Par la suite, il est rapidement sollicité par la princesse palatine douairière, pour convertir au catholicisme la princesse palatine Élisabeth Charlotte de Bavière, en vue de son mariage avec le duc d’Orléans, appelé Monsieur, frère de Louis xiv. On peut noter l’implication de Chevreau dans le devoir religieux, ce qui expliquerait l’hypothèse de Gustave Boissière au sujet de sa volonté d’entrer dans les ordres. La conversion attestée par le père Jésuite Jourdan, Chevreau accompagna la future Madame jusqu’à Metz, puis retourna à Heidelberg pour un compte-rendu à l’Électeur palatin, qui ne voulait pas avoir à faire aux religieux. À la cour de l’Électeur Palatin, Chevreau côtoyait et estimait Spinoza, mais quand ce dernier refusa le poste de précepteur au service de l’Électeur, Chevreau proposa son ami, Le Fèvre de Saumur. Cependant celui-ci mourut d’une forte fièvre avant même d’avoir eut le temps de rejoindre l’Allemagne. Nous pouvons retenir le fait qu’il entretenait avec son ami le plus cher, une correspondance qui nous est restée.
Cependant, Chevreau qui s’ennuyait encore à Heidelberg, décida de revenir à Paris en passant par Munich, à la fin de l’année 1675. L’incendie du Palatinat par Turenne en 1674, avait dû précipiter son départ. Chevreau déclara lui-même être resté treize ans en Allemagne. À la suite de ses longues années passées à l’étranger ou à voyager, Chevreau revient dans sa ville natale, pour y goûter un repos bien mérité.
Sa retraire à Loudun §
Il revint en 1676, en France et à Loudun, où il restera jusqu’à sa mort le 15 février 1701, à l’âge de quatre-vingts ans.
En 1678, Chevreau fut nommé précepteur du duc du Maine, Louis-Auguste de Bourbon, fils légitimé en 1673, de Louis xiv et de Madame de Montespan. Il refusa d’abord, doutant de ses capacités puis accepta finalement. Il dédira d’ailleurs à son élève, en 1686, son Histoire du monde. De plus, ce fameux élève le nommera secrétaire de S. A. Mgr. Le duc du Maine, le 11 décembre 1700, peu de temps avant sa mort.
Chevreau ressentit de plus en plus le besoin de consacrer le temps qu’il lui restait à ses devoirs chrétiens : il entreprit donc la construction d’un couvent, qu’il nomma l’Union Chrétienne. Il avait également acquis le 4 décembre 1661, la maison de Jeanne Fauton, à Loudun, veuve de l’avocat au Parlement, Pierre Aubin ; et en 1672, il acheta la maison contigüe à la précédente qui appartenait à Modeste Thibault, veuve de Vincent Henry, sieur de la Croix Blanche : ces maisons seront léguées aux dames de son couvent à sa mort.
À Loudun, Chevreau passait beaucoup de temps dans sa bibliothèque, qui était selon La République des Lettres « une des plus belles qu’on puisse voir par la rareté des livres, le choix des auteurs, le papier, l’impression et la reliure. » . C’était sa passion, sans oublier les fleurs, auxquelles il accordait autant d’importance qu’à ses livres comme il l’écrit dans ses Œuvres Mêlées :
Je fais plus d’état de six anémones et de six tulipes bien panachées que de toutes les fleurs de rhétorique6.
Cependant, le « bourgeois du monde » devenu « l’ermite de Loudun » ne se lassait pas de la société, et continuait à entretenir des liens avec ses amis. À sa mort, le Mercure galant écrira que Chevreau était « l’un des plus doctes et des plus profonds hommes qui aient paru dans le xviie siècle, quoiqu’il ait été fécond en grands personnages » .
Ses œuvres §
Chevreau est un auteur complet dans le sens où il touche à toute la littérature : traductions, poésies, romans, théâtre, observations, il se mêle de tout et démontre ainsi son caractère enthousiaste vanté par La République des Lettres.
Ses œuvres majeures sont en rapport avec des traductions comme la traduction de Joseph Hall (docteur anglais) , Considérations Fortuites ou encore une imitation d’un ouvrage de ce même auteur, L’École du sage, ou le caractère des vertus et des vices en 1664, dédié à la comtesse de Suze.
Chevreau écrivit également le Tableau de la fortune en trois livres : le premier relatant les décadences des Empires et des Royaumes à cause des éléments naturels, le deuxième sur les malheurs arrivés aux Rois et aux grands par les guerres, et le troisième, les malheurs des Grands arrivés au cours de duels ou de tournois. Il se mêle également de poésie, en publiant en 1660, ses Observations sur les Vers de Malherbe, vers dit « obscènes » . Il fait paraître aussi ses Observations sur les remarques que Vaugelas a faites sur la Langue Française. Son œuvre la plus connue à ce jour est son Histoire du Monde, parut pour la première fois à Paris en 1686, en deux volumes et dédié à son élève, le duc du Maine : Chevreau met en évidence la difficulté à dater les événements historiques ; il débute son œuvre par la Création du monde, et la termine à la fin de la Monarchie des Perses. Il y aura deux autres publications de cette œuvre corrigée, une en 1689 et l’autre en 1698.
Chevreau publia deux romans : Scanderbeg en 1644, et Hermiogene en 1648 qui ont reçu un accueil favorable mais il avait choisi de les faire paraître anonymement. Scanderbeg est tiré d’un fait relativement récent pour l’époque : Chevreau relate la bataille des Albanais contre les Turcs pour le maintien de leur indépendance ; au contraire, l’action d’Hermiogene se place dans l’Antiquité lors de la dictature de César.
Nous citerons également deux œuvres importantes : Œuvres mêlées en 1697 (recueil de billets, correspondance, etc.) ainsi que Chevraeana en 1697 et 1700 qui sont des contes pour rire.
Quant à ses pièces de théâtre, il les rédiga dans sa jeunesse, probablement quand il monte à Paris. Il écrivit donc trois tragédies, quatre tragicomédies et une comédie : La Lucrèce Romaine, Coriolan, Hydaspe, La Suite et le mariage du Cid, Les Deux amis, Les Véritables frères rivaux ainsi que L’Innocent exilé et bien sur L’Avocat dupé. Ses trois tragédies sont empruntées à l’Antiquité et notamment à l’Histoire de Tite-Live pour ce qui est de l’épisode du viol de Lucrèce par un des Tarquin. Gustave Boissière signale qu’il n’a pu retrouver le texte de la tragédie, Hydaspe7. La Suite et le mariage du Cid est un écho au triomphe de Corneille, Le Cid publié en 1637 : Chevreau ne perdit pas de temps pour écrire une suite et ainsi marcher sur les traces de Corneille. La tragi-comédie de L’Innocent exilé a été publiée sous le nom de Provais, mais elle fut rapidement attribuée à Chevreau excepté par Lancaster8. Chevreau s’essaya à tous les genres dramatiques ainsi qu’à la comédie, qui était peu répandue dans les années 1630. Cependant, Chevreau a renié cette jeunesse, qu’il consacrait à l’écriture dans l’imitation du poète italien, Marino ; il écrit ainsi dans ses Œuvres Mêlées :
Graces au Seigneur, il y a longtemps que je ne suis plus entêté de l’amour propre, qui dans ma jeunesse m’a fait passer d’assez bonnes heures quand je me prenois pour un autre : et j’en fus gueri quand je commençai à me connoître et à me servir de ma raison9.
La comédie au xviie siècle §
Le genre de la Comédie entre les années 1632 et 1642 est négligé dans le sens où le public ne se lasse pas des traditions latines et de la farce. De plus, la Comédie est assimilée à l’idée des types traditionnels que sont les personnages de pédants, de valets, de soldats fanfarons ou encore de nourrices et d’entremetteuses : « lorsqu’il assistait à une scène d’observation plaisante et délicate, il ne comprenait pas que la comédie c’était précisément cela »10. Néanmoins, la pastorale et la tragicomédie n’hésitent pas à mettre des éléments comiques qui poussent la comédie à se renouveler. La comédie d’intrigue et celle de mœurs essaient peu à peu de se dégager de la tragicomédie romanesque. Chevreau se place du coté de la comédie d’intrigue de part les quiproquos entre les personnages. Cette pièce semble avoir été jouée à l’Hôtel de Bourgogne en 163711. Elle semble avoir eu un succès suffisant pour être réimprimée l’année suivante, en 1638. Néanmoins les critiques du xviiie siècle ont contribué à faire oublier cette pièce ; le commentaire des frères Parfaict va dans ce sens :
[…] voici cependant une comédie plus pitoyable encore que sa tragédie La Suite du Cid […] le sujet composeroit tout au plus une mauvaise farce, par le bas qui y règne. Mais l’auteur a jugé à propos de la traiter comme une comédie héroïque. […] ce faible sujet est traité très maussadement et encore plus mal versifié12.
Son titre, pourtant, attire la curiosité du spectateur dans le fait qu’on se demande dans quelle mesure un avocat pourrait se faire duper : c’est en effet, une de leurs caractéristiques, de duper les jurés et la Cour, mais ils se font rarement duper à leur tour. La première scène de l’acte I met en évidence, avec la tirade d’Atalante sur les avocats, le fait qu’ils savent duper tout le monde (vers 64 à 93) . Dans sa tirade, Atalante met en relief les faits détestables des avocats : leur pédanterie dans leurs explications savantes, dans lesquelles ils emploient des termes, plus techniques les uns que les autres, pour montrer leur savoir, ou encore dans leur manière d’être, qui requiert une exigence qui découle de leur pédanterie. Rien n’est suffisant pour eux, et leurs charges les mettent en position de décideur et de maître, dans le sens qu’ils symbolisent une nouvelle classe, celle de la bourgeoisie mise en avant par le pouvoir : les avocats symbolisent une réussite, par l’étude et le savoir, qu’il n’hésite pas à mettre en avant. Cependant, Chevreau ne choisit pas un avocat comme dupe, mais le jeune-homme vaniteux et sot qui incarne la charge d’avocat : c’est dans cette configuration, que notre auteur met en place l’intrigue de sa comédie, même si la comédie des années 1630 reste en retrait par rapport à la tragi-comédie, qui inclue des éléments comiques au sein de ses intrigues.
La peur du rire §
Un phénomène mécanique et un égarement psychologique §
Au xviie siècle, la question du rire est importante pour l’insertion de la comédie au théâtre : elle ne peut acquérir la reconnaissance des « honnêtes gens » puisqu’elle est d’un point de vue aristotélicien, une partie du laid :
La comédie est, comme nous l’avons dit, l’imitation d’hommes inférieurs ; il ne s’agit cependant pas de n’importe quelle bassesse, mais de ce qui est comique et qui n’est qu’une partie du laid13.
Les contemporains de Chevreau ont donc retenu, par la relecture de La Poétique d’Aristote, que la comédie fait partie du laid, mais ils ont occulté le fait qu’elle ne doit être ni basse ni vulgaire : la méfiance contre la comédie et le rire est donc à son comble. Cette laideur est d’ailleurs expliquée par le fait que ce phénomène mécanique déforme le visage par des torsions et des grimaces, qui rendent le corps laid : les honnêtes gens se caractérisent alors par opposition à ce rire débridé, ils sont dans ce qui est de l’ordre et de la retenue, du bien et de la morale. Ce corps, qui se déforme et qu’on ne peut maîtriser, fait peur à cette société qui tente d’être une élite sans défauts :
En effet, le comique est un défaut et une laideur qui ne suppose ni douleur ni destruction ; le masque comique en est un bon exemple : il est laid et difforme sans exprimer la douleur14.
En effet, l’importance accordée à l’étude du rire par le xviie siècle, est passée de l’étude des causes, à celle de l’effet produit : les classiques s’expliquent mal ces convulsions irrépressibles, qui déforment le visage, et qui inspirent les masques des théâtres antiques, ainsi que l’imaginaire admis de la difformité du corps comique. Le rire apparait comme une mécanique d’horlogerie et même d’automate :
L’union intime de l’âme et du corps semble l’ultime point de fuite des analyses mécanistes qui ont besoin, pour être opératoires, de privilégier l’hypothèse dualiste d’un corps-machine, fermé sur lui-même15.
Le comique selon Henri Bergson, devient le résultat « de la réduction du personnage à une mécanique qui l’exclut des vivants »16, ce thème du corps-machine se retrouve donc dans son analyse. De plus, le personnage comique est comique non en tant que personnage, mais à cause de son inadaptation aux codes sociaux : son comique réside dans le fait qu’il soit en décalage entre ce qu’il fait, et le monde dans lequel il évolue. Bergson démontre également, qu’un procédé comme celui de la répétition peut être considéré comme un élément mécanique, dans le sens qu’il fait joué deux sentiments, qui fonctionnent comme deux forces contraires, l’une tend, l’autre comprime :
Dans une répétition comique de mots il y a généralement deux termes en présence, un sentiment comprimé qui se détend comme un ressort, et une idée qui s’amuse à comprimer de nouveau le sentiment17.
Mais outre ces études sur un rire mécanique lié à l’esprit, c’est le rire incontrôlable qui laisse planer au dessus de lui « le spectre de la folie »18. En effet, les éclats de rire sont d’autant de signes d’un égarement psychologique, qui ne peut donc plus contrôler le corps qui se déchaîne. Le corps est possédé dans le sens où l’esprit n’a plus de prise sur lui. Ainsi le rire peut être pris pour une marque de folie, quand celui-ci n’est pas assez motivé. De plus, si l’on considère le théâtre comme un miroir du monde, on peut mettre en évidence le fait que le rire va à l’encontre des principes religieux, puisque le chrétien ne doit pas se détourner de ses prières, d’autant plus s’il regarde une pâle parodie de la réalité, en tant que Création.
Le rire est la jonction entre la mécanique du corps et de l’âme : la jonction entre la bassesse corporelle et la hauteur de l’esprit ; la comédie doit se placer dans ce même système du rire, à l’intervalle entre la farce basse et la noble tragédie.
Distinction de goût §
Ainsi le goût des honnêtes gens se définit par un rejet catégorique de ce qui fait rire aux éclats, pour un rire modéré et réglé, par la retenue ainsi que la discrétion; on rejette donc le rire populaire, jugé trop débridé et sauvage. Comment la comédie est-elle perçue par cette société à « deux vitesses » , l’une populaire habituée aux débordements de la farce, l’autre voulant adhérer à une nouvelle comédie joyeuse purgée d’un rire débridé et vulgaire ?
le grand ennemi (de la comédie) est la farce dont il faut à toute force que le comédie se distingue en refusant tout « bas comique » et en se définissant par complémentarité –non par opposition– avec la tragédie19.
Le goût des honnêtes gens se manifeste par le fait d’exclure tout ce qui plaît au peuple. En effet, le rire qui devrait normalement rassembler les différences, et lier les Hommes entre eux, exclut sans vergogne le bas peuple. Tout ce qui fait rire le bas peuple est donc un repoussoir aux bonnes mœurs et aux gens de goût : le rire excessif est un attribut populaire, et se place en contradiction avec une sorte de « savoir-rire » , directement mis en rapport avec la dialectique théâtrale de plaire et instruire. Le rire des honnêtes gens est un rire raisonnable, considéré comme un signe de distinction et de décence : le xviie siècle des doctes et des hommes de goût, se détache totalement de l’héritage médiéval, en matière de comédie, qui mettait en relief le corps, ainsi que les déstructurations du langage. Tout ce qui fait rire le peuple devient indigne d’être littérature : la comédie du début du siècle est considérée comme un divertissement et se résume le plus souvent au théâtre à une représentation d’une farce, après la représentation d’une tragédie, par exemple. Si la comédie veut faire œuvre littéraire, elle doit s’affranchir de toute familiarité avec le genre comique du peuple.
Dans cette exclusion, les femmes sont également mises en retrait, puisqu’elles ne peuvent rire que dans une mesure définie : le rire féminin doit être encore plus « édulcoré » que celui des honnêtes gens. Cette distinction entre les sexes se manifeste de plus en plus au théâtre, et en particulier dans la comédie : la femme doit faire preuve d’une plus grande retenue, dans le sens où elle ne doit pas rire de sujet en relation avec le « bas-corporel » , mais qu’elle doit au contraire s’en indigner, ou encore désapprouver un sujet trop romanesque qui pourrait lui donner des idées indignes de sa condition. La morale touche donc le rire féminin, encore plus que le rire masculin. La tragédie devient plus commode à la femme, puisqu’elle montre des passions nobles, et qu’elle est morale au contraire de la farce, qui domine encore le début du siècle. D’ailleurs, les classiques ont tendance à distinguer le rire et la joie, qui est une passion réputée noble, à l’inverse du rire, qui se qualifie comme une « passion joyeuse pervertie »20.
La comédie doit donc se définir par rapport à son intrigue qui doit être enjouée dans une certaine mesure : il ne doit pas y avoir d’éléments farcesques, ni de bouffonneries, et elle ne doit pas non plus relever d’éléments appartenant à l’univers de la pastorale et de la tragicomédie. Mais dans la pratique, le public ne peut se détacher des types de personnages comme le soldat fanfaron ou encore le pédant hérités de la comédie italienne : la comédie montrant des personnages de la vie dans un salon aux prises dans une intrigue galante, a plus de difficultés à se faire admettre comme divertissement que comme littérature. Quelques réglementations officielles tentent d’ailleurs de réprimer voire d’interdire le rire excessif, au profit d’un enjouement honnête, qui fait naître l’esthétique galante de ce siècle. Mais le plaisir de rire est un principe de convivialité, qui, même si la théorie repousse le rire populaire, est important au xviie siècle.
La nouvelle comédie fait sourire, tout en se démarquant des autres genres. Néanmoins, elle ne peut s’empêcher de reprendre l’univers amoureux dépeint dans l’univers tragi-comique, avec le principe de la chaîne amoureuse : sur ce point Chevreau s’en détache. Mais elle s’en éloigne dans le choix de son sujet : en effet, la tragicomédie et la pastorale tirent leurs intrigues de sujets romanesques avec de nombreuses péripéties, la comédie doit tirer son sujet de l’invention de son auteur, et ne doit faire l’objet d’aucun récit romanesque, ni hérité de l’Histoire et notamment de l’Antiquité. La comédie peut ainsi se définir de la façon suivante :
Une intrigue entre personnages de petite condition, finissant heureusement, entièrement inventée et soumise strictement à la vraisemblance, voilà ce qui caractérise la Comédie d’après les théoriciens des xvi et xviièmes siècles. Pour le reste elle se soumet aux règles de la tragédie21.
La comédie doit également faire face aux deux tentations qui sont celle du « naturel » et celle de la « gratuité irréaliste et de la fantaisie sans frein » . La première se caractérise par le rapport au « bas-corporel » et se manifeste dans des éléments de types farcesques : c’est ce qui déplait aux contemporains, qui juge que les mœurs au théâtre doivent être « décentes et instructives » , comme le dit La Bruyère, qui remet en cause le familier des pièces de théâtre. Quand à la « gratuité irréaliste et la fantaisie sans frein » , il s’agit de critiquer la débauche d’événements romanesques au théâtre, et notamment, ceux inspirés des tragicomédies, dont la comédie veut se distinguer. L’idéal de la comédie se situe entre ces deux tentations : des éléments farcesques sans trop tirer sur le vulgaire, et une intrigue sans trop de détails romanesques. La comédie devient par toutes ces restrictions « un art du comportement »22 : elle se rapporte alors au principe aristotélicien de l’imitation, puisqu’il s’agit d’observer les mœurs pour les rendre sur scène d’une façon la plus comique possible, c’est-à-dire en privilégiant les manies d’une manière risible, par l’intermédiaire de type, qui mettent d’autant plus en relief ces agissements comiques. La comédie doit se placer sur le même point que la tragédie : elle doit être sujette à un rire noble.
Chevreau et la comédie §
Une codification du rire §
La dramaturgie classique se codifie petit à petit. Dans un premier temps, chaque genre va devenir spécifique et va respecter un nombre de règles prédéfinies. Dans un deuxième temps, c’est le théâtre qui va se réglementer : les pièces devront être régies selon des unités, les trois unités connues aujourd’hui (unités de lieu, de temps, et d’action) . Ces règles se placent dans un système fondé sur le plaisir : pour certains doctes, c’est la régularité du théâtre et son entrée dans une forme donnée qui amènent le plaisir du spectateur. Au contraire, d’autres mettent en avant le fait que les règles sont des obstacles au plaisir. Mais elles finissent par s’imposer au spectacle au nom du plaisir. La comédie ne va pas y échapper et au début du siècle, les dramaturges essaient de s’y résoudre. Chevreau également va tenter d’y faire correspondre sa comédie.
L’intrigue de L’Avocat dupé se déroule approximativement en vingt-quatre heures : les didascalies ne peuvent nous aiguiller sur le commencement de la pièce, mais on peut supposer que c’est en journée. L’acte IV se déroule la nuit, dans le jardin où tous les personnages enchaînent les quiproquos : au début du dernier acte, Polydas sort du jardin où il s’était endormi, et l’intrigue reprend pour le duper encore davantage. On peut donc supposer que la pièce commence le matin, et se termine le lendemain au petit matin également. L’unité de temps, qui se définit par rapport au temps du spectacle, est relativement bien respectée. Chevreau inscrit sa pièce dans son siècle, avec les différents enjeux qui font évoluer la dramaturgie. En revanche, l’unité de lieu n’est pas respectée : dans un même acte, les personnages enchaînent les entrées et les sorties d’un bout à l’autre de la scène, d’un décor à l’autre. Le décor est d’ailleurs composé de deux maisons, une rue et un jardin ; il y a également un bureau sur lequel est posée une feuille, où est écrit le sonnet de Polydas, pour louer la beauté et la cruauté en amour d’Atalante, ainsi qu’une chaise et trois épées. Le Mémoire de Mahelot ne répertorie pas le décor de la pièce, mais nous pouvons aisément affirmer, qu’il s’agissait d’un décor à compartiments, représentant deux façades de maisons ainsi qu’un jardin. D’après les dessins que nous avons pu voir, les jardins étaient souvent placés côté jardin (gauche vu de la salle) , et les habitations du type maisons se trouvaient côté cour (droite vu de la salle) . Dans cette pièce, le jardin devait être placé du côté auquel il donne son nom, la maison d’Atalante pouvait se trouver côté cour ; quant à la maison de Polydas, elle devait sûrement se trouver au centre de la scène. À l’Hôtel de Bourgogne, dans les années où s’est jouée notre pièce, 1636/1637, l’usage était un décor à cinq compartiments, disposés de la façon suivante : deux de chaque côté et un central devant lequel l’intrigue se dénouait, en présence de la plupart des personnages ; en effet, le compartiment du milieu pouvait être visible de la totalité, ou presque, des spectateurs qui n’avaient pas tous la chance de voir correctement et entièrement tous les personnages selon leur position sur la scène. C’est pour cette raison que nous pouvons supposer, que la maison de l’avocat était placée au milieu de la scène, puisque c’est chez Polydas que se clôture l’intrigue.
En ce qui concerne les chambres, il existait au xviie siècle des tapisseries qui étaient des éléments de décor, qui permettaient de dissimuler une chambre. Ces tapisseries, appelées également « rideau » (le rideau d’avant-scène prenant le nom de « toile de devant » ), pouvaient ainsi être tirées pour montrer l’intérieur d’un compartiment à un moment donné de l’action23. Il était également fréquent, que le texte du dramaturge fasse référence à ce « jeu de scène » , soit dans les paroles même du personnage, soit dans les didascalies, comme dans notre pièce, avec, par exemple, la didascalie marginale des vers 1260-1261: « (On tire la toile pour cacher la chambre.) » , Polydas surprend Sicandre dans une chambre en compagnie d’un homme, qu’elle fait passer pour un ami d’Atalante, qui vient l’entretenir sur ses amours. Ces tapisseries sont considérées comme un gain de place sur un plateau, qui ne cesse de se rétrécir, du fait des aménagements pour les spectateurs les plus aisés, qui pouvaient prendre place sur la scène même. De plus, elles contribuaient à rendre plus réaliste le mouvement entre deux lieux, elles étaient d’un emploi naturel pour séparer deux endroits contigus dans la première moitié du xviie siècle ; la fin de siècle et les règles du théâtre s’affirmant, on préfèrera le décor unique, ou un décor unique par acte sera toléré, avec si changement à vue à l’intérieur de l’acte, un décor contigus.
Le décor garantit également une certaine homogénéité de la pièce, dans le sens que les personnages évoluent dans différents lieux par une logique déterminée par le dramaturge. Ainsi les changements de décor doivent être motivés par l’action. Cependant, certaines scènes ne sont pas reliées entre elles : les personnages passent d’un décor à l’autre sans liaison apparente entre les deux. Le premier acte peut être un exemple de ces changements sans liaisons : les deux premières scènes se déroulent dans la maison d’Atalante et d’Isidore, tandis que la troisième se déroule dans la maison de notre avocat. Peut-être ce changement spontané d’un lieu à l’autre est-il motivé par le sujet de la conversation des deux premières scènes ? Les sœurs évoquent la ruse dans laquelle elles veulent faire tomber Polydas, puis Chevreau réalise ensuite une sorte de gros plan sur le sujet de la duperie, pour montrer le personnage et pouvoir en rire, sachant ce qui se trame derrière lui. Nous assistons donc plusieurs fois dans cette pièce à des changements soudains de décor. Si nous prenons un second exemple, nous pourrions alors citer l’Acte II et la rencontre, à la scène 5, des prétendants d’Isidore qui vont définir les conditions de leur duel alors qu’à la scène précédente, nous étions dans la maison de Polydas, pour recevoir la garantie des services de Sicandre. Les liaisons entre les différents lieux ne sont pas toujours soignées.
Quant à l’unité d’action, Chevreau construit sa pièce autour de l’intrigue principale, qui est la séduction de Polydas par Atalante. Les actions secondaires, comme celle qui confronte Sicandre à l’amour de Flaminie, influent directement sur l’action principale, puisque c’est cette action qui provoque le quiproquo de Flaminie prenant son frère pour Sicandre, et Polydas prenant à son tour, Atalante pour Flaminie. Quant à l’action de Tharzinte, elle est motivée par son amour pour Isidore, et elle aide l’action principale à se dénouer, en obligeant Atalante à choisir Polydas, puisque même sa sœur trouve l’amour. Nous allons maintenant nous intéresser aux différentes manières d’écrire une pièce : nous évoquerons l’aparté, puis les stances sans oublier de parler du sonnet de Polydas.
Pour ce qui est de l’écriture théâtrale, Chevreau a recours à l’aparté, aux stances mais également aux sonnets et aux sentences qui sont des éléments qui embellissent une pièce et qui plaisent aux spectateurs qui attendent ces moments avec impatience.
En ce qui concerne l’aparté, nous pouvons l’évoquer en tant que parenthèse comique, mais également en tant qu’ « indicateur » de vraisemblance :
Voici le fondement de toutes les pièces de théâtre, chacun en parle et peu de gens l’entendent ; voici le caractère général auquel il faut reconnoître tout ce qui s’y passe ; en un mot la vraisemblance est, s’il le faut ainsi dire, l’essence du Poëme Dramatique, et sans laquelle il ne se peut rien faire ni rien dire de raisonnable sur la Scène24.
En effet, l’aparté est une manière d’exprimer des sentiments qu’un personnage ne pourrait dire en face de celui ou celle qu’il aime ; c’est également un moyen de dire tout haut ce que le personnage pense, pour que le public soit dans la confidence et non l’interlocuteur de ce personnage. Ce décalage est gratifiant pour le spectateur, qui se place en position de supériorité du point de vue du savoir, par rapport aux personnages. Dans cette perspective, on touche à la bienséance puisqu’une jeune fille bien née ne peut offrir son cœur à un homme, sans se montrer malséante ; Flaminie se demande dans un aparté, comment elle pourrait déclarer sa flamme à Sicandre, sans être inconvenante :
Ha ! Si mes yeux pouvoient témoigner mon ardeur ?Mais il faut malgré tout montrer de la froideur.Obstacle injurieux, respect, loy tyrannique,Cacherez-vous toujours le dessein qui me picque ?Du moins inspirez-moi quelque doux compliment,Qui sans difficulté le fasse mon Amant. (Acte III, scène 2 ; vers 767 à 772)
Flaminie, qui parait si préoccupée des inconvenances de son aveu, les oublie bien vite quand Sicandre la repousse :
FLAMINIEJe me sçaurai vanger de ton ingratitude ;Et treuverai la fin de mon inquietude.J’assurerai bientôt pour te voir condamnerQue ton credule esprit m’a voulu suborner.J’emploie à cét effet l’excès d’une maliceCapable desormais de fêre ton suplice.Mon frere le sçaura qui poura t’en punir,Et sans avoir peché tu te verras banir. » (Vers 849 à 856)
La bienséance laisse place au comique, entre une femme qui déclare sa flamme avec prudence, et qui devient finalement tyrannique face à son amant qui se refuse à elle ; le fait que Flaminie déclare sa flamme, en réalité, à une autre femme, peut être sujet à sourire, puisqu’il existe un décalage de savoir entre Flaminie, qui pense aimer un homme, et Isidore qui se trouve aux prises entre sa véritable identité et son déguisement, dans les limites de la bienséance. Celle-ci ne se distingue pas forcément, au xviie siècle, de la notion de vraisemblance : cette dernière engage la bienséance puisque le vrai est comme le bien et le concevable. Chevreau reste dans les limites du bienséant et, par conséquent, reste également dans le vraisemblable avec cette comédie légère sur les amours de bourgeois. La vraisemblance touche également la liaison entre les différentes scènes puisque d’une scène à l’autre, il faut que la venue d’un personnage soit annoncée par un autre personnage qui se trouve sur scène ; mais cette pratique s’affirmera dans la seconde moitié du siècle.
Cependant la bienséance et la vraisemblance peuvent toucher à des formes plus poétiques comme les stances ou encore le sonnet : c’est dans la manière de les introduire que les dramaturges doivent prendre en compte ces deux notions. En effet, l’introduction de ces morceaux de textes travaillés doit se faire sans que le spectateur revienne à la réalité, en se disant que le travail du dramaturge est remarquable : le dramaturge doit totalement s’effacer de sa pièce et Chevreau ne déroge pas à la règle en introduisant ses poèmes comme si c’était Polydas qui les avait composés pendant l’entracte. Ainsi, au début de l’acte III, il est introduit comme étant dans son bureau à lire les vers qu’il vient de composer :
POLYDASDans son cabinet, où il lit sur sa table ces vers qu’il a fait pour Atalante.
Le souci de vraisemblance se manifeste par le fait que le théâtre doit s’effacer en temps que théâtre : on ne doit pas rappeler aux spectateurs sa condition de spectateur assistant à une représentation, mais à une vérité qui se passe devant ses yeux.
Ces stances sont introduites comme s’il venait de les écrire, et qu’il les relisait pour y apporter quelques corrections. Cette irruption de lyrisme est en rupture avec l’action, mais contribue à vanter la part de littérature dans la pièce : leur insertion, au début de l’acte, permet d’une certaine manière, de les mettre en valeur puisqu’elles ouvrent le profil psychologique de Polydas, qui se confie encore plus intimement qu’il ne le fait au contact de sa sœur. De plus, ces stances mettent en place le schéma amoureux de l’amant épris d’une belle inhumaine : le public peut sourire à cette situation bloquée entre une femme qui essaie, par tous les moyens, de conquérir un homme qui pense qu’elle le repousse.
Elles sont composées de deux quatrains de rimes croisées et composées de cinq octosyllabes séparés par un alexandrin d’un distique de décasyllabes. On y retrouve les lieux communs de la littérature galante, et notamment, dans la première strophe, avec « l’adorable ennemi » qui désigne l’amante, ainsi que la conquête amoureuse y est caractérisée par des termes guerriers de conquête militaire. Chevreau met également en avant, dans les strophes suivantes, la métaphore du feu qui désigne l’amour, et la développe en faisant appel aux quatre éléments de la nature : le feu avec « S’en est fait, vôtre œil me consume, » (vers 641) , l’eau et l’air avec ce décasyllabe « Je ne suis plus que de l’onde et du vent. » , et enfin la terre « Comme elle porte un cœur de roche, » . Cette recherche passe par le travail particulier que Chevreau a cherché à faire en utilisant les figures de styles, qui rappelle l’esthétique galante qui donne une place d’honneur à la maîtresse : elle a la suprématie sur l’amant, mais en est totalement indifférente. Ces stances sont assez ironiques du point de vue de l’intrigue, puisqu’Atalante essaie par tous les moyens de se faire désirer par Polydas, qui ne la voit que comme une belle inhumaine : chacun essaie d’apprivoiser l’autre, sans comprendre ce qui se passe réellement. Chevreau ne déroge pas à la forme traditionnelle des stances :
ces pauses sont fortement marquées dans les stances au théâtre, c’est qu’elles présentent un intérêt particulier pour la déclamation. Elles permettent en effet de souligner fortement la « chute » de chaque strophe ; or, dans cette chute, il est d’usage d’inclure quelque recherche de style : une « pointe » , une antithèse ou toute autre tournure ingénieuse25.
En effet, il place des pointes galantes, en référence souvent avec son échec face aux appas de cette femme, sous la forme de la métaphore guerrière ou celle du feu pour désigner son amour ; il utilise également, un oxymore mêlé à une antithèse, toujours sur le schéma du feu : « Qui brûlent tout, et n’ont point de chaleur » en parlant des glaces ardentes : on trouve cette idée de la belle inhumaine, reprise dans son sonnet pour Atalante qui est comparée à un miroir.
De la même manière le sonnet « Sur le miroir d’Atalante » , est introduit par un échange comique entre Polydas et sa sœur :
SUR LE MIROIR D’ATALANTESonnetNe cherche point de glace où tu te puisses voir,Sache que tout Paris admire tes merveilles,Ceux à qui tes beautez ont apris leur pouvoirTe vont fère l’objet de leurs plus douces veilles.Que cette glace, ô Cieux, me fait bien decevoir ! 735Et qu’elle exprime bien ses graces nompareilles !Ha si ton cœur ainsi me vouloit recevoir,Qu’un doux remerciment flatteroit tes oreilles.Mais resveur que je suis, où seroit mon plesir ?Quand même elle voudroit accomplir mon desir, 740Jamés cette faveur ne feroit ma fortune*.Car comme son miroir a cela de communQu’il reçoit cent beautez, et n’en retient pas une,Elle reçoit cent cœurs, et n’en retient pas un. »
Polydas essaie de cacher ce sonnet à sa sœur Flaminie, qui veut le lire : il est hésitant et se résout finalement, à le lire devant elle. Ce sonnet est composé à la française, c’est-à-dire qu’il a la particularité des poèmes français d’ordonner le système de rime des deux tercets de la manière suivante : un distique de rimes plates et un quatrain de rimes croisées. Cette combinaison a été inventée par Peletier pour présenter successivement les trois types de rimes dans un même sonnet26. Mais Chevreau ne suit pas cette mixité dans le système de rimes, puisque les deux premiers quatrains, habituellement en rimes embrassées, sont ici en rimes croisées, illustrant un phénomène de parallélisme autour du distique, pour former un miroir. Atalante est ici assimilée au miroir qui ne retient pas les reflets, elle ne retient pas les cœurs ; elle est alors assimilée au type de la belle inhumaine qui n’aime personne et que tout le monde convoite. Ce type est d’ailleurs très courant dans la tragicomédie, où le schéma de la chaîne amoureuse admet souvent un dernier ou une dernière qui n’aime personne, mais qu’on aime. Atalante peut donc être assimilée à la froideur de la glace, et le thème du miroir est traité de façon paradoxale, dans le sens où le reflet est toujours trompeur : ne serait-ce pas une manière détournée par Chevreau pour dénoncer la tromperie d’Atalante ?
De plus, Chevreau place des sentences dans sa pièce, que l’on reconnait aux guillemets ouverts : la sentence ne se rencontre que dans les pièces sérieuses, et elle s’inscrit dans la fonction du divertissement, qui est l’apprentissage. Mais elle peut également, être une sorte de parodie des sentences tragiques, prononcées par des personnages enjoués.
Forme et finalité de l’intrigue de L’Avocat dupé §
Cette comédie est assimilable à la comédie humaniste. En effet, le renouveau dramatique initié par les auteurs de la Pléiade, ainsi que les influences de la comédie italienne dirigent la comédie humaniste, vers une comédie d’intrigue « où l’accent est mis sur l’agencement complexe de situations piquantes, de péripéties inattendues qui font rebondir l’action et tiennent l’attention en éveil. »27. La comédie humaniste se caractérise par des sujets qui se passent en France, avec des personnages français ; l’action se déroule donc à Paris, à Orléans ou à Poitiers. Les allusions à l’actualité sont intégrantes à l’intrigue, et les types représentatifs d’un métier ou d’une catégorie sociale sont tournés en dérision. De plus, elle esquisse la définition du xviième siècle qui met en évidence le milieu bourgeois et familial de la comédie. Le thème le plus souvent évoqué, est celui de la question d’argent : la subtilité de Chevreau en ce qui concerne ce thème, est de le traiter de façon différente. En effet, dans la comédie humaniste, il est question d’argent quand le mariage est évoqué, c’est un contrat dont les parents veulent tirer le plus d’avantages ; dans notre pièce, c’est la future épouse qui espère en tirer le meilleur profit. Cependant ce profit est indissociable des sentiments, Chevreau lui donne un trait positif car, même si les jeunes femmes cherchent à se marier pour des questions financières, elles ne laissent pas les sentiments de côté : Atalante, au début de la pièce, n’aime pas les avocats, puis elle se laisse finalement charmer par Polydas. La question financière lance l’intrigue sentimentale. Chevreau construit sa pièce sur l’héritage des comédies humanistes, sans oublier d’inscrire ses personnages dans sa propre époque. Sa comédie, comme la comédie humaniste, développe chez le spectateur un plaisir de l’intelligence. Ce plaisir, provoqué par la comédie d’intrigue, est ainsi éveillé par les situations, les déguisements ou encore les quiproquos : le personnage du meneur de jeu, ne fait pas rire en lui-même mais, rend le spectateur conscient de la distance qu’il existe entre lui et les différents personnages. C’est le rôle d’Isidore qui se sort de toutes les situations et qui rend le mariage final possible. Elle est l’héritière du rôle du fourbe, décrit par Madeleine Lazard, dans son ouvrage sur la comédie au xvie siècle :
Sans être un grotesque ni un ridicule, il suscite un monde d’illusion où les rôles sont inversés, les valeurs renversées, où le triomphe du valet-roi symbolise tout à la fois de l’imagination, de l’intelligence et du plaisir28.
Cependant, Chevreau ne rend pas la cohérence souhaitée par la comédie humaniste : sa volonté de faire œuvre nouvelle, met en valeur les manques de son intrigue. Celle-ci paraît, en effet, compliquée à première vue, mais le sujet de l’intrigue, n’est pas pertinent puisque Polydas est séduit par Atalante avant même de l’avoir vu : cette pièce repose sur le seul plaisir des personnages à duper l’avocat. L’aversion d’Atalante pour les avocats peut être considérée comme un obstacle à la séduction de Polydas, mais elle se laisse rapidement persuader de mener à bien cette séduction, par sa sœur, Isidore, pour conclure au mariage :
Il est riche, il est jeune, et sa flamme naissanteToucheroit doucement vostre Ame languissante29.
La richesse est la motivation première de la duperie puisqu’elles sont sans ressources, et que ce sont des coquettes, qui possèdent de nombreuses toilettes démontrant leur goût du luxe. Les deux jeunes femmes veulent acquérir ce qui leur appartient déjà, l’intrigue est creuse puisque la scène d’exposition amène un sujet sans intérêt : séduire un homme déjà séduit.
Le véritable nœud de l’intrigue réside dans le fait que les amants Polydas et Atalante se brouillent à l’acte IV, permettant à l’acte V de jouer son rôle de dénouement, et de terminer la pièce par trois mariages. En effet, l’acte IV se déroulant dans le jardin à la nuit tombée, est un tissu de quiproquos qui s’enchainent jusqu’à la brouille des amants, à la scène 8 ; Polydas, courroucé par l’aveu de sa sœur éprise de Sicandre et pensant qu’elle revient s’expliquer, la renvoie brutalement avant de s’apercevoir qu’il s’agit d’Atalante :
POLYDASAh ! c’est mon Atalante ; adorable merveille 1205Sachez qu’un bruit confus a trompé mon oreille,Qu’une sœur infidelle a causé ma fureur,Et qu’un pront repentir doit suivre mon erreur.ATALANTESachez que vôtre gloire avoit esté trop haute,Et qu’un pront repentir doit suivre aussi ma faute. 1210
Atalante se met en colère et décide de mettre un terme à la duperie, puisqu’elle n’arrive pas à faire fléchir Polydas, son orgueil de la première scène du premier acte30 est mis à mal puisqu’elle n’arrive pas à en faire son amant, mais Polydas ne lui est-il pas d’ores et déjà acquis corps et âme ?
Flaminie, tombée sous le charme de Sicandre/Isidore, rend la situation délicate pour Isidore, mais profite à la brouille des amants, puisque son amour, est sujet de querelle avec son frère, aveuglé par la nuit et la colère. Mais là encore, cette brouille n’est qu’un prétexte à une nouvelle duperie, qui ne se justifie que par la volonté des personnages : Atalante, qui voulait se retirer du jeu, finit par jouer la duperie jusqu’au bout, et Polydas est éprouvé dans un amour qu’il a défendu tout au long de la pièce. Chevreau a fait d’un maigre sujet une comédie qui manque de légitimité : si Polydas n’était pas acquis dès la première scène, la duperie aurait été plus intéressante puisqu’Isidore aurait été un véritable allié, pour favoriser les amours de sa sœur auprès d’un homme qui n’y pensait pas.
Cependant Chevreau, en partant d’un sujet qui semble sans véritable importance, arrive à rattacher les personnages les uns aux autres et à leur trouver une utilité qui n’est pas évidente à première vue : Mainalte prend toute son importance pour devenir l’amant de Flaminie, puisque Sicandre/Isidore ne peut le devenir. Quant à Tharzinte, amant d’Isidore, il trouve sa place dans la duperie du fait qu’il éprouve l’amour de Polydas en se faisant passer pour son rival avec Mainalte.
La pièce est un divertissement qui se retrouve dans son écriture même : Chevreau y ajoute un sonnet, des stances, des déguisements et un travestissement qui enchantent le public, même si l’intrigue reste légère. De plus, Chevreau aborde des thèmes débattus dans les Salons galants comme, par exemple, quand Polydas fait référence au cocuage à la scène 3 du premier acte et la question de l’amour jaloux : « N’aimer pas comme moi, c’est n’aimer rien qu’un peu. » (vers 271) ; question qui est longuement débattue pour savoir de qui, de l’amoureux « normal » ou du jaloux, aiment le mieux, thème également récurrent, que l’on retrouvera plus tard chez Molière.
Personnages et jeux d’apparences §
Les différents types §
Les personnages de cette comédie sont directement inspirés des types de la comédie humaniste du xvie siècle : ils appartiennent à la bourgeoisie. En effet, on peut retrouver ainsi le personnage du jeune amoureux dans la société, que l’on peut rapprocher de Polydas. Il est caractérisé par son inactivité, ou par une profession dont il n’est presque jamais fait référence au cours de la pièce, excepté au début : même eux s’en désintéressent provisoirement, au contact de l’amour qui les absorbe. On peut également noter, qu’il est habitué à la richesse et est vaniteux face à son profit.
Devant l’amour, l’amant peut se montrer fidèle ou au contraire volage : nous nous intéresserons à l’amant fidèle en particulier, qui correspond au personnage de Polydas. Dans la comédie, la naissance de l’amour est brève et soudaine, ainsi Polydas tombe sous le charme d’Atalante sur un simple récit de ses beautés ; de plus, face à celle qu’il aime, il perd ses moyens comme l’explique Madeleine Lazard :
Face à la jeune fille, avec laquelle il ne s’entretient que très rarement, son audace l’abandonne. Il reste paralysé devant une belle insensible ou s’empêtre dans sa déclaration31.
Son jeu est caractérisé par un besoin de dire son amour et de se lamenter seul ou devant un confident : il décrit ce qu’il ressent comme une maladie, une souffrance que seule la jeune fille peut apaiser. Madeleine Lazard résume en une phrase toutes leurs lamentations :
Lecteurs attentifs des poètes, écoliers et damoiseaux n’ont pas oublié les leçons de rhétorique du pédant qu’ils appliquent docilement au cours de leurs effusions lyriques ; on y relève à foison des invocations à l’Amour, à la Fortune, à la Nature, des personnifications de la crainte, de la honte, des allusions mythologiques à Bacchus et à Jupiter, à Tantale et à Ixion, à Hélène de Troie et, bien sûr, à Cupidon, quel que soit l’interlocuteur auquel ils s’adressent, ami ou valet, et même au cours de soliloques32.
En rapportant cette phrase aux interventions de Polydas, on retrouve ces lamentations sur la belle qu’il ne peut pas voir, tout d’abord, puis sur le fait d’être loin d’elle. On retrouve également, les références aux personnages mythologiques qui permettent de donner des images aux spectateurs instruits de ce que ressent le personnage.
POLYDASNon, non c’est trop soufrir ; si je suis amoureux*Faut-il que j’en paroisse un peu moins genereux* ? 1180Attendre tout le soir, ne treuver que des feintes,Perdre le jugement, estre afligé de craintes,Quitter son interest pour son contentement,Se plaire de la sorte à croistre son tourment,Rendre par des effets son amour si connuë, 1185Et comme un Ixion n’embrasser que la nuë.O Ciel je n’en puis plus ! je me rends à mon tour,Il faut estre bien sot pour faire ainsi l’amour33.
Ainsi on peut retrouver la référence au personnage d’Ixion qui caractérise la fuite de l’être aimé, quand il pensait la posséder. Tous les lieux communs de la littérature galante, sont également appliqués comme nous avons pu le voir avec le sonnet et les stances de Polydas.
Cependant, Polydas, tout en jouant le rôle du jeune premier, peut également être pris pour un pédant, il se vante des vers qu’il compose : « Comme je fais des vers sans y joindre la pene, » (vers 670) mais le rôle du pédant est partiellement éclipsé entre 1620 à 1640. Cependant après 1635, la pédanterie réapparaît petit-à-petit, et on voit même apparaître une variante de ce rôle, qui est le poète : le nouveau pédant est assimilé au poète, et Polydas correspond à ce nouveau type. Sa pédanterie s’expose tout au long de la pièce par petites touches : il épanche ses sentiments dans des monologues ou des tirades toujours plus longues et langoureuses, les unes que les autres. Mais dans ces monologues, le comique s’installe dans le décalage entre son rôle de jeune amant, et sa pédanterie, dans les termes qu’il utilise, pour se vanter d’un poème qu’il vient d’écrire. Mais, cette pédanterie pourrait également, lui venir de son état d’avocat que décrit Atalante, au début de la pièce :
Au reste sans sujet chacun s’en fait accroire,On ne les peut aimer à cause de leur gloire (vers 77-78)
La pédanterie est donc assimilée à la charge d’avocat, qui étale ses connaissances juridiques, mais aussi, au poète qui met en évidence ses talents littéraires. On peut noter l’ironie, dans le fait qu’Atalante est ruinée à la suite d’un procès à cause d’un avocat malhonnête et qu’elle va finalement être « sauvée » et charmée par un avocat.
Atalante, tout comme sa sœur, Isidore, sont assimilables au type de la jeune première dans les comédies du xvie siècle, mais elles s’en éloignent du fait de leur nouvelle autonomie en affirmant leur personnalité, comme les définit Madeleine Lazard :
Passionnées, entreprenantes, souvent jalouses et rompues à la stratégie de l’amour, rarement timides ou effacées34.
Isidore est encore plus intrépide que sa sœur : c’est elle qui mène l’intrigue, qui convainc tous ceux qui ne sont pas très enthousiastes. Son discours est toujours persuasif, elle met en avant des arguments qui touchent le cœur et non la raison : par exemple pour convaincre Atalante :
L’argent est toujours bon de quelque lieu qu’il vienne :Lors que nous en aurons nos yeux seront charmans,Nous recevrons des vœux, nous aurons des amans*,Nôtre sort* rigoureux finira sa colêre,Nos plus grands ennemis tascheront de nous plêre,Et tous ceux que nos yeux avoient fait endurerAvec mille respects viendront nous adorer. (Vers 114-120)
Ou encore pour convaincre son frère Mainalte d’aller retrouver Flaminie à sa place, dans le jardin :
Polydas est son frere, elle est riche, elle est belle,Et croi que la voiant vous lui serez fidelle.Mettez-vous dans ma place, et fiez-vous sur moi,Qu’elle ne peut manquer de vous donner sa foi. (Vers 897-900)
Les arguments d’argent sont toujours placés en premier dans ses discours : elle sait persuader et joue parfaitement son rôle, tout au long de la pièce, elle est certes une femme, mais une femme qui sait ce qu’elle veut et sait comment s’y prendre pour arriver à ses fins. C’est d’ailleurs à ce personnage haut en couleur, que Chevreau donne la dernière réplique : elle résume tous les grands thèmes de la pièce et notamment, la manifestation de l’amour chez un avocat. Isidore caractérise la jeune héroïne de Madeleine Lazard, dans sa façon d’être et dans sa façon d’agir. Au contraire, Flaminie est dans la retenue, même si elle laisse parler son cœur et n’hésite pas à être très entreprenante quand il s’agit de dire ses sentiments : elle est fourbe en amour et se distingue d’Isidore en ce sens qu’elle ne veut tromper personne pour arriver à vivre son amour. Elle convainc par la persuasion également, mais c’est une persuasion négative puisqu’elle en appelle au chantage avec Sicandre. Flaminie est « l’anti figure » d’Isidore, puisqu’elle n’arrive pas à garder le secret de son amour à son frère : Isidore se sort toujours des situations délicates, et ne se fait pas démasquer, alors que Flaminie ne se méfie de rien et va crier son amour pour un domestique à son frère indigné. Sans le vouloir, elle se retrouve être le moteur de l’action à partir du quatrième acte, comme le dit Isidore : « Flaminie à propos a fait cette querelle, » (vers 1614) . C’est donc sa passion, qui lui fait perdre la confiance de son frère, mais c’est cette même passion qui va la faire tomber sous le charme de Mainalte et donc couvrir ses arrières, lorsque Polydas les découvre dans une chambre : ainsi, on peut mettre en évidence le fait que la passion de Flaminie pour Sicandre n’était qu’une passade que l’on mettra en rapport avec le travestissement d’Isidore, et au contraire, sa passion pour Mainalte est véritable et lui fera même mentir devant son frère (le fait qu’elle cache son amour pour Sicandre, au début de la pièce, ne peut pas être considéré comme un mensonge puisque son frère ne lui demande pas de s’expliquer sur ses sentiments) .
Quant à Mainalte, Chevreau le différencie du type du soldat fanfaron, ce soldat qui rêve d’argent et de gloire, alors qu’il est couard et ridicule. Ici Mainalte est placé au centre d’une intrigue galante. Sa gloire, dans le sens de son courage et ses exploits militaires, ne sont pas reconnus selon leur juste valeur : le spirituel n’est pas reconnu face au matériel et Mainalte souffre de cette distinction de valeur de ses contemporains. Au contraire, Polydas, établi en tant qu’avocat qui dupe et qui ne peut en retirer aucune gloire, est riche : Chevreau met en avant ces différences en confrontant les deux types de personnages dans sa pièce.
D’ailleurs, les personnages de cette comédie fonctionnent par trois et par couples :
Isidore → Flaminie → Atalante
↕ ↕ ↕
Tharzinte → Mainalte → Polydas
Isidore symbolise la passion, l’entreprise, le stratagème et surtout l’action ; Flaminie est un cran en dessous d’elle, elle est dans l’action mais moins impliquée, et Atalante est dans la retenue, elle ne se jettera dans l’action qu’à la fin de la pièce. Le schéma est également le même pour les hommes : Tharzinte est jeune et plein de fougue, Mainalte est un peu plus désenchanté et Polydas ne fait preuve de bravoure qu’avec beaucoup de retenue. Ce système de personnages permet d’explorer plusieurs facettes à la fois tout en gardant une certaine homogénéité.
Déguisements et travestissement §
Chevreau fonde sa pièce sur le travestissement d’Isidore en clerc sous le nom de Sicandre. En effet, Sicandre va s’introduire chez Polydas, pour favoriser les amours de sa sœur, en influençant ce dernier sur ce qu’il doit faire ou ne pas faire. Chevreau joue sur les valeurs du travestissement, et va jusqu’à un point d’ambiguïté important en faisant que Flaminie prenne Sicandre pour un homosexuel, alors qu’Isidore essaie tant bien que mal de se sortir de cette situation embarrassante.
Traitons tout d’abord des déguisements des personnages secondaires : Mainalte et Tharzinte. Leur déguisement n’est donc pas physique mais identitaire. En effet, Mainalte et Tharzinte changent consciemment d’identité pour pouvoir mener à bien la duperie imaginée par Isidore. Il s’agit ensuite de savoir si leur déguisement engage un changement de condition : ce n’est pas le cas de Tharzinte, puisque d’amant d’Isidore, il devient amant fictionnel d’Atalante. Il reste donc un bourgeois amoureux. Mainalte, tout comme Tharzinte, se fait passer pour amant d’Atalante, pour éprouver l’amour de Polydas. En revanche, quand il se rend dans le jardin, et se fait passer pour Sicandre aux yeux de Flaminie, à la faveur de la nuit, il change de condition puisque de bourgeois, il devient domestique. Ce déguisement à l’identité dégradante de Mainalte, est motivé par la conquête amoureuse de Flaminie. Leurs déguisements peuvent être considérés comme des victoires, puisque Polydas ne se rendra pas compte de leur supercherie. De plus, même si Flaminie découvre la véritable identité de Mainalte, quand son frère les surprend dans une chambre, elle tombe sous le charme de cet inconnu : la conquête amoureuse de Mainalte est un succès couronné par un mariage.
Tous ces déguisements sont des éléments comiques dans le rapport qu’ils entretiennent avec Polydas. Ce dernier est ridiculisé par son aveuglement et le décalage qui se forme entre les personnages et le public, qui sont dans la confidence, et lui qui se laisse duper jusqu’au bout. La clairvoyance du frère reconnaissant sa sœur, du premier coup d’œil sous les traits d’un homme et l’amant reconnaissant également sa maîtresse travestie, rend plus plaisant l’aveuglement de Polydas et par conséquent, sa dérision. Le travestissement d’Isidore est également un élément comique : le but de ce travestissement est l’approche, et le décalage, qui réside dans toutes les incohérences de langages, entre le discours de Sicandre et le discours sous-jacent d’Isidore qui parle en tant que femme, pourrait faire échouer sa finalité. Au contraire, cela renforce l’aveuglement et l’incompréhension de Polydas qui est d’autant plus ridicule aux yeux réjouis du spectateur.
SICANDREMa Sœur.ATALANTEParle autrement.[…]POLYDAS, (il dit cecy bas) .Sa fortune est extrême,Je voudrois estre Clerc pour estre aimé de même. (Vers 597 et vers 501-501)
Polydas ne se rend pas compte des incohérences dans le langage de ce clerc ? ni de ces agissements qu’il n’ose commenter sans émettre des soupçons, bien trop aveugler par son amour pour Atalante ? et par l’amitié qu’elle entretient avec Sicandre, comme à l’acte III, scène II :
POLYDASJe n’ose te l’aprendre. 750Vrément il n’agit pas comme il promit d’agir,S’il se reconnessait il en devroit rougir ;C’est un Clerc glorieux qui ne sait pas écrire,Il se masque la nuit d’une toile de cire,Il a des gans au lit pour conserver ses mains, 755Ceci peut-il entrer en des cerveaux bien sains.N’importe, il peut aider à flatter mon attente,Il faut le caresser en faveur d’Atalante,Et tacher : le voila, faisons-luy bon accueil,Sa presence ma Sœur vient d’acroistre mon dueil. 760
D’autre part, le travestissement met en jeu les relations que le personnage entretient avec son déguisement, mais également le principe de l’ironie surtout présente dans le discours du personnage déguisé ou travesti. On pourrait alors penser, que Chevreau utilise l’ironie verbale appelée ironie de la double entente, comme la définit J. Morel : « exprimer une idée de telle manière que sous les même mots […] une idée toute différente puisse être perçue »35, mais Isidore, sous le nom de Sicandre, n’essaie pas de jouer sur les mots : elle exprime ses sentiments en tant que femme et ses paroles peuvent être comprises selon un sens bien déterminé par Flaminie, sans pour autant qu’Isidore n’ait voulu le dire dans ce sens.
En effet, le personnage d’Isidore n’est pas sujet à l’ironie même si elle est travestie, et dans une posture dans laquelle Chevreau la place : dans la scène qui la confronte aux sentiments de Flaminie, elle éprouve un trouble dû aux avances de Flaminie.
SICANDREHa ! vrément à la voir son humeur est gentille ?Ciel ! destins ennemis, suis-je encore une fille !Je parois un garçon dans ce déreglement,Et je n’en puis avoir que l’habit seulement ;Toutefois. (Vers 873-877)
Le trouble d’Isidore est exprimé verbalement : l’aparté s’en trouve également rallongé, du fait de cette ambiguïté dans toute la scène. L’ironie se place alors au niveau du personnage de Flaminie, victime de son amour pour une jeune fille travestie. Chevreau pousse l’ambiguïté assez loin, et laisse Sicandre/Isidore dans une situation qui s’explique que par une attirance homosexuelle de la jeune fille, pour une autre jeune fille. Mais la description de ce trouble restera toujours dans les limites de la vraisemblance et l’hétérosexualité finit toujours par être réintroduite : Isisdore se laisse, d’ailleurs, courtiser par Tharzinte. De plus, cette déviance est placée en marge de l’action et est traitée comme un jeu théâtral sans autre but :
Comme il s’agit d’un jeu, il est permis d’aller beaucoup plus loin dans l’équivoque, au point de faire douter, paradoxalement, qu’il s’agisse encore d’un jeu36.
Cependant ce jeu ne peut se faire qu’entre des personnages féminins : « au plan des apparences il n’y a rien d’anormal »37. Au contraire, les dramaturges peuvent jouer sur l’effet visuel d’un homme courtisant en apparence un autre homme mais en sachant pertinemment qu’il s’agit de sa maîtresse travestie : ainsi Chevreau met en place Tharzinte et Isidore travestie en Sicandre dans une scène de déclaration amoureuse.
THARZINTEIsidore mon cœur, que vous paroissez belle ! 1225Et que j’ai bien raison de vous estre fidelle !Vous este admirable en habit de garçon,Adonis autrefois estoit de la façon.Pour aimer un objet, dont la grace est extrême,Vous n’avez maintenant qu’à vous aimer vous-même. 1230Si les hommes avoient d’aussi puissans apas,Les filles desormais ne nous charmeroient pas. (Acte IV, scène IX)
Tharzinte joue considérablement sur les différences de sexes que Sicandre/Isidore rend ambiguës, par sa beauté en tant que femme travestie en homme, mais aussi en homme rivalisant de beauté avec la femme. La référence à la période de la Grèce Antique avec l’importance des mythes reflétant le monde des Hommes, met en évidence cette ambiguïté de sexe, puisque l’homosexualité était reconnue et non dénigrée par ces contemporains.
Conclusion §
Chevreau joue avec les conventions et essaie d’inscrire sa pièce dans son époque en se rapportant aux mœurs et aux règles. Cette comédie ouvre le pas sur un nouveau « genre » de comédies plus érudites et faites pour l’élite constituée des honnêtes gens qui déterminent le goût du siècle. Il s’inscrit également dans la lignée des dramaturges du xvie siècle, et de la comédie humaniste : il réagence les types de personnages et tente de faire œuvre nouvelle en jouant sur les sujets comiques, en les détournant. Cette nouveauté d’esprit le place au début d’une nouvelle ère de la comédie, à l’intervalle entre un héritage et son époque : réaliser la jonction entre les deux, est ce que fait Chevreau dans cette pièce, son unique comédie. Chevreau touche aux prémices de la grande comédie de fin de siècle.
Note sur la présente édition §
Présentation et description de l’ouvrage §
L’édition sur laquelle nous avons travaillée est la suivante : Paris, chez Toussainct Quinet, in 4°, achevé d’imprimer le 30 septembre 1637, imprimeur Claude Prud’Homme, dédié au vicomte de Scudamore (1607-1671) , ambassadeur britannique en France.
Nous avons reproduit le texte avec la graphie et l’orthographe de l’édition du xviie siècle. Nous nous sommes permis de rétablir les dénasalisations et de corriger les coquilles que nous avons répertoriées dans cette note à la présente édition.
La pagination ne présente aucun manque, ni erreurs.
Description de l’ouvrage :
[I] page de titre
[II] verso blanc
[III-V] Épitre
[VI-VII] Au lecteur
[VIII] Privilège du Roi
[IX] Argument du premier acte
[X] Acteurs
1-120 texte de la pièce ainsi que les arguments des autres actes
Différentes éditions consultées : Nous avons consulté l’édition conservée à la bibliothèque Sainte Geneviève et nous avons pu constater que la pagination présente un vers de décalage pour le premier acte mais que cela ne change pas le nombre de page du texte qui est de 120 pages. De plus, nous avons pu constater que la page 19/20 (recto/verso) est placée dans le premier cahier non paginé : nous pouvons supposer qu’elle a été placée dans ce cahier à la suite d’un oubli.
La page de titre est disposée de la façon suivante :
L’ADVOCAT / DUPPÉ. / COMEDIE. / [Fleuron du libraire] / A PARIS, / Chez TOUSSAINCT QUINET, au Palais, dans la petite / salle, sous la montée de la Cour des Aydes / [filet] /M. DC. XXXVII. / AVEC PRIVILEGE DU ROI
Une nouvelle émission de l’édition chez Toussainct Quinet avec le même imprimeur, Claude Prud’Homme, a paru en 1638. Nous pouvons également noter que la même année, une contrefaçon caennaise a été publiée (« sur l’imprimé chez Toussainct Quinet » ), in-8º par ½ feuille par Jacques Mangeant. Le texte reste identique dans cette édition.
Rétablissement des β en ss §
Paβé = passé | v. 188, 449. |
Neceβêre = necessêre | v. 371, 912, 921. |
Laiβez = laissez | v. 1202. |
Auβi = aussi | v. 1257. |
Bleβé = blessé | v. 1494. |
Coquilles relevées et corrigées dans le texte de la pièce §
Épitre | Lequel vous vons estimeriez | Et s’il c’est treuvé | l. 18 | l. 23 |
Au lecteur | Se faire jour aux entteprises d’une fille | l. 4 | ||
Argument du premier acte | en méme temps quelles se proposoient | l. 2 | ||
Acte I, scène 2 | Vons en pourrez loüer et la cause et l’issuë, | v. 214 | ||
Argument du deuxième acte | D’interrrompre toute cette entreprise | l. 8 | ||
Argument du deuxième acte | Cette ligne est obmise en la page 36, ligne 4. | Que le Ciel desormais augmente ce malheur, | Fin de l’argument | |
Acte II, scène 2 | N’ont que trop épreuve mes importans efforts. | v. 384 | ||
Acte II, scène 2 | Sachetent par l’argent, et non par la valeur | v. 400 | ||
Acte II, scène 4 | Estre aimé d’Atalante, ô qu’elle grande joie ! | v. 513 | ||
Acte III, scène 1 | S’en est fait, vôtre œil me consume, | v. 641 | ||
Acte III, scène 1 | Mille Poites nouveaux que le vulgaire estime | v. 673 | ||
Acte III, scène 2 | Tu le vais savoir | v. 708 | ||
Acte III, scène 2 | Je dors sur ces genoux, je parle de ma flâme, | v. 829 | ||
Acte III, scène 2 | Qu’elle étrange avanture ? | v. 833 | ||
Acte III, scène 4 | Si tu dois sucomber, qu’elle proche retraitte | v. 917 | ||
Acte III, scène 5 | Excepte mon honneur, je ne hazarde rien. | v. 988 | ||
Argument Acte IV | Tharzinte = Mainalte | |||
Acte IV, scène 1 | Et si tôt qu’il arrive il disppe les ombres | v. 1002 | ||
Acte IV, scène 1 | Et remarquant de prês cette aimable tableau, | v. 1027 | ||
Acte IV, scène 2 | Allons dedans ma chambre, attendant sen retour | v. 1051 | ||
Acte IV, scène 3 | Que n’ai-je cy-devant aporte mon épée, | v. 1074 | ||
Acte IV, scène 10 | Dans la distribution, Tharzinte n’est pas mentionné même s’il est présent sur scène au début de la scène. | |||
Acte IV, scène 10 | Et s’il eut plus long temps cherché vôtre trêpas : | v. 1283 | ||
Acte IV, scène 10 | Et que nous abusons, s’en rendre possesseur. | v. 1316 | ||
Acte V | Dans la distribution des personnages, Polydas n’est pas mentionné. | |||
Acte V, scène 2 | S’il ne servoient de rien quand ils étoient suivis ? | v. 1416 | ||
Acte V, scène 3 | Et ce nouveau Soleil ne reviens point encore ? | v. 1422 | ||
Acte V, scène 3 | Lors que je l’entendois le sommeil m’a surpris | v. 1423 | ||
Acte V, scène 5 | Me ivreroient par tout une eternelle guerre, | v. 1534 | ||
Acte V, scène 5 | J’aflige égalemenc Polydas et Tharzinte, | v. 1578 |
Remarques :
- – La graphie n’est pas encore fixée au xviie siècle : un mot peut donc avoir plusieurs orthographes reconnues par les dictionnaires anciens ; c’est pourquoi un même mot peut apparaître avec différentes orthographes sur une même page. Cependant, la graphie de notre pièce semble être une graphie phonétique, pour certains mots comme « rêzon » qui n’est pas une graphie reconnue par les dictionnaires ou encore « plesir » . L’imprimeur Claude Prud’Homme est connu pour son travail assez soigné et élégant. Nous avons pu parcourir d’autres pièces38 de notre auteur, avec des imprimeurs différents de cette comédie, pour vérifier si c’était ses graphies habituelles. Nous avons pu mettre en évidence, que les rimes pour l’œil sont moins significatives dans les autres pièces (qui sont également postérieures) , et que les mots de « plaisir » et « raison » sont correctement orthographiés ; en revanche, pour ce qui est des désinences du passé-simple en ût ou û, elles apparaisent aussi, dans ses autres pièces. Peut-être que ces graphies, si particulières, sont la combinaison de graphies phonétiques et de graphies désuètes de Chevreau et de l’imprimeur.
- – Le verbe avoir à la troisième personne du singulier du présent de l’indicatif et la préposition « à » ne sont pas toujours correctement différenciées par l’accent diacritique.
- – « treuver / trouver » et « preuver / prouver » sont des doublets linguistiques encore très usités au début du siècle.
Rétablissement des dénasalisations « ã, õ, ẽ » §
dõne | l. 12 (épître) | biẽ | v. 149 |
recõmandable | l. 13 (épître) | lontẽps | v. 153, 378 |
courõne | l. 13 (épître) | Dãtelle | v. 162 |
despẽs | l. 13 (privilège du roi) | Nõ | v. 166 |
cõduisaient | v. 9 | Grãdes | v. 166 |
taschoiẽt | v. 12 | Avãtage | v. 186, 417 |
surprẽdre | v. 12 | Sicãdre | v. 373 (didascalie) , 749 |
hõneur | v. 13 | Mõmeillan | v. 382 |
caressoiẽt | v. 29 | Nãci | v. 382 |
bõne | v. 56, 138 | doivẽt | v. 394 |
offrãde | v. 62 | Cõmun | v. 399 |
rẽdre | v. 74 | Cõbats | v. 431 |
prẽs | v. 80 | argẽt | v. 445 |
õ | v. 95 | biẽtôt | v. 685 |
recõnus | v. 104 | Durõs | v. 921 |
nõ | v. 107 | surprẽdroit | v. 965 |
charmãs | v. 115 | Cõnue | v. 965 |
Amãs | v. 116 | entreprẽdre | v. 1029 |
Tascherõt | v. 118 | ẽnuis | v. 1200 |
entretiẽne | v. 137 | repẽtir | v. 1210 |
siẽne | v. 138 | Atalãte | Argument Acte V, l. 10 |
Quãd | v. 146 | Demãde | Argument Acte V, l. 10 |
cõtraindre | v. 149 | Hõte | v. 1370 |
Cõmande | v. 1509 |
Corrections apportées à la ponctuation §
Acte I, | scène 1 | Que le sort est ingrat à celles qui n’ont rien, | v. 3 | Point d’exclamation à la place de la virgule. | |
Acte I, | scène 1 | Que le monde la fuit à l’égal de la peste, | v. 6 | Remplacement de la virgule par un point. | |
Acte I, | scène 1 | Et ne nous pas aimer c’estoit commettre un crime | v. 26 | Ajout d’un point. | |
Acte I, | scène 1 | Tout nous vient à propos | v. 146 | Ajout d’une virgule. | |
Acte I, | scène 3 | N’aimer pas comme moi, c’est n’aimer rien qu’un peu, | v. 271 | Remplacement de la virgule par un point. | |
Acte III, | scène 3 | Et cependant ma sœur | v. 911 | Ajout de points de suspension. | |
Acte IV, | scène 1 | Je connetrois toûjours la moitié de moy-même ! | Toute l’obscurité ne m’en peut empêcher, | v. 997, 998 | Inversion du point d’exclamation. |
Acte V, | scène 3 | Veut prendre en mon endroit le titre d’homicide : | v. 1434 | Ajout d’un point d’exclamation. |
Remarque : les points, les points virgules ainsi que certaines virgules placés en fin de réplique, pouvaient correspondre à des interruptions de réplique symbolisées aujourd’hui par les points de suspension. Nous avons relevé les vers interrompus : vers 93, 241, 553, 1171, 1401.
L’ADVOCAT DUPPÉ. COMEDIE. §
A HAUT ET PUISSANT SEIGNEUR, MESSIRE, JEAN VICOMTE DE SCUDAMORE, Ambassadeur en France, pour sa Majesté de la grande Bretagne. §
MONSEIGNEUR,
Cét ouvrage me fait rougir, et j’ai raison de présenter avec crainte ce que vostre Grandeur ne devroit recevoir qu’avec quelque sorte de dégoust. Mais c’est un advocat qui ne demande pas justice, il se confie en vostre bonté, et sçachant [p. IV] bien que la France se peut vanter aujourd’hui de vivre des long-temps dans l’Angleterre par vostre illustre Maison ; il n’aprehende pas de vous entretenir en sa langue. Il n’est pas estranger dans son païs ; il a sçeu qu’on ne pouvoit retrancher de l’histoire les belles actions de vos Ancestres qu’en la privant de ce qui l’embellit, et de ce que nous admirons tous les jours ; il aprend encore de la voix commune qu’on se contente d’envier la mort glorieuse de ses Heros, dont on ne peut imiter la vie qu’avec des forces et des effors dont les hommes du siècle n’ont pas droit de se prevaloir. Je sçai bien, Monseigneur, que leur gloire ne fait pas la vostre, et qu’en ayant assez aquis pour la faire servir d’exemple à ceux qui viendront apres nous ; vous ne treuverez pas mauvais qu’on vous donne quelque chose sans leur ravir. Depuis que vous avez cru que le mérite rend les Princes plus recommandables que leur sang, et que leur Couronne, de quelque or qu’elle soit faite, n’est jamais si belle que leur Vertu, vous avez estimé dans vos Aïeulx l’éclat de leur vie plutôt que celuy de leur fortune, et vostre Générosité a étendu les bornes que la mort leur avoit prescrites. Vous avez fait voir que vous connessez la veritable gloire, non pas comme les Pilo- [p. V] tes connoissent les écueils et les precipices pour les éviter ; mais comme un bien hereditaire qui vous touche, et sans lequel vous vous estimeriez pauvre quand même vous auriez dequoi enrichir tous les miserables. Si bien que si on estoit contraint de faire le portrait d’un homme que les belles qualitez élevent au dessus des autres, il faudroit de nécessité que vous en fussiez l’original. Mais, Monseigneur, je laisse parler la renommée, et je suis bien aise que la multitude de vos Nobles actions fasse la sterilité de mon esprit et de mes pensees ; et s’il s’est treuvé des personnes qui apres avoir veu le Soleil ont beni cétte belle lumiere, qui les avoit renduës aveugles, j’ai à me consoler de ce qu’un tel éclat m’eblouit, et dans cét état j’ai dequoi faire des jaloux si vous me permettez l’honneur de me dire,
Monseigneur,
de vôtre Grandeur,
Le tres-humble, et tres-
obeïssant serviteur,
Chevreau.
AU LECTEUR. §
Mon dessein n’est pas de blamer ici tous les Advocats, je ferois conscience de toucher à ceux qu’Atalante soupçonne de n’en point avoir, et ce ne seroit pas faire justice à ceux qui la demandent tous les jours. J’en ai seulement choisi un, dont les images39 sont un peu troublées, et dont l’esprit n’a pas assez de lumiere pour se faire jour aux entreprises d’une fille. Je l’ai voulu rendre capable d’amour, afin de le disposer à des actions qui sont bien souvent de l’intelligence de cette passion, qui d’ordinaire éblouït les sens quand elle ne les peut aveugler. Cét Advocat est jeune, et par consequent les ruses du Palais ne luy ont point encore apris à éviter celles qu’on luy avoit preparées, et l’amour est un mal dont on ne treuve pas le remede dans Barthole ni dans Cujas, qui n’enseignent pas le droict qui est si necessaire pour cét effet. Il est vrai que son entreprise a reüssi dans sa fin, qui est le mariage, mais si vous considerez les moyens dont on se sert pour le dupper d’un bout à l’autre, les artifices de Flaminie, le consentement d’Atalante, l’intrigue de Mainalte, la feinte generosité de Tharzinte, et les divers mouvement où il est luy-même lors qu’il se propose de l’abandonner ; vous [p. VII] advoüerez qu’il s’est fait des pieges que les autres ont tendus pour le prendre, et où il tombe insensiblement. Que si vous treuvez des injures contre les Advocats dont les æquivoques necessaires ne changent pas tout à fait la force ; donnez au ressentiment d’Atalante ce que le commencement du sujet en doit exiger. Si c’est une feinte, elle est vrai semblable ; et si c’est une vérité, vous ne devez point passer plus avant. Pour la pièce, je l’ai acommodée à la nature du Poëme Comique, qui rebute en tout des vers et des sujet graves40, pource que les uns ni les autres ne sont point de la jurisdiction, et qu’elle se treuveroit defectueuse de ce qui embellit la Tragédie. Pour ce qui est des fautes, si vous condannez à mort tous ceux qui en font, je suis en danger de ne vivre pas long-temps, si je n’obtiens ma grace de quelque autre qui les excuse, et qui connessant ma franchise et mon humeur, relachera peut-estre de sa sévérité, à dessein seulement de me donner advantage de me corriger.
Privilege du Roy. §
Louis par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre. A nos amez et feaux les gens tenans nos Cours de Parlements, Baillifs, Seneschaux, Prevosts, Juges, ou leurs Lieutenans, et à chacun d’eux en droit soy, Salut. Nostre cher et bien aimé Toussainct Quinet Marchand Libraire, nous a fait remonstrer qu’il desirerait faire imprimer et mettre en lumiere une Comedie, Intitulée L’Advocat duppé, mais crainte que l’impression ne luy soit dommageable, si d’autres que luy s’ingeroient de le faire imprimer, il nous a sur ce requis nos Lettres necessaires. A ces causes nous avons permis et octroyé, permettons et octroyons audit Quinet d’imprimer, ou faire imprimer ladite Comédie par tels Imprimeurs que bon luy semblera, icelle vendre et exposer durant le temps de sept ans, pendant lequel temps nous avons fait et faisons tres-expresses inhibitions et defences à tous autres Libraires et Imprimeurs de la faire imprimer, vendre, ny debiter sur peine de perte des exemplaires, et de trois mil livres d’amende, appliquable un tiers à nous, et un tiers à l’Hostel Dieu de Paris, et l’autre tiers à l’exposant, despens dommages et interests, et afin qu’ils n’en pretendent cause d’ignorance. Nous voulons que mettant en fin des exemplaires autant des presentes, elles soient tenües pour certifiées, à la charge toutefois de mettre deux exemplaires de ladite Comedie dans nostre bibliothecque des Cordeliers à Paris, et un exemplaire és d’icelle és mains de nostre amé et feal Chevalier, Chancelier de France le Sieur Seguier. Car tel est nostre plaisir. Donne à Paris le vingt-uniesme jour d’Aoust, l’an de grace mil six cens trente-sept, Et nostre regne le 28. Par le Roy en son Conseil. De S. Andre, et scellé du grand seau de cire jaune.
Achevé d’imprimer le dernier Septembre 1637.
Lesdits exemplaires ont esté fournis.
ARGUMENT DU PREMIER ACTE. §
Atalante avec sa sœur Izidore se plaint de sa misere, que la perte d’un procez leur fait naistre en méme temps qu’elles se proposoient beaucoup de choses pour leur advancement, et dans ce ressentiment elle ne peut s’empescher de parler avec un peu de liberté des Advocats qu’elle ne pouvoit aimer pour beaucoup de considerations legitimes. Izidore neantmoins pour la consoler dans sa necessité, luy donne advis de l’amour de Polydas Advocat, qui par la seule reputation d’Atalante l’avoit tellement aymée qu’il ne pût s’empescher d’en donner advis à sa sœur Flaminie afin de la rendre confidente d’une passion si forte ; ce qu’Izidore sçachant, aidée de Philemon leur curateur, elle prend l’habit d’un Clerc, et va se presenter à Polydas, apres avoir esté asseurée qu’il en cherchoit un.
ACTEURS. §
- ATALANTE.
- IZIDORE. Sœurs.
- PHILEMON. Curateur d’Atalante et d’Izidore.
- POLYDAS. Advocat, amoureux d’Atalante.
- FLAMINIE. Sœur de Polydas.
- MAINALTE. Frere d’Atalante et d’Izidore.
- SICANDRE. Clerc.
- THARZINTE. Amoureux d’Izidore, sous le nom de Sicandre.
- CALLIANTE.
ACTE PREMIER.
L’ADVOCAT DUPPÉ. COMEDIE. §
SCENE PREMIERE. §
ATALANTE.
ISIDORE.
ATALANTE.
ISIDORE.
ATALANTE.
ISIDORE.
Je plains vôtreATALANTE.
ISIDORE.
[p. 8]ISIDORE
ACTE I. SCENE DEUXIEME. §
[B, 9]PHILEMON.
ATALANTE.
PHILEMON.
ISIDORE.
[p. 11]PHILEMON.
ATALANTE.
[p. 12]PHILEMON.
ISIDORE.
PHILEMON.
ATALANTE.
ACTE I. SCENE TROISIESME. §
POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
[p. 15]FLAMINIE.
POLYDAS.
[p. 16]FLAMINIE.
POLYDAS.
FLAMINIE.
[p. C, 17]POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
[p. 18]FIN DU PREMIER ACTE
de l’Advocat duppé de
Chevreau.
ARGUMENT DU DEUXIESME ACTE. §
[p. 19]Polydas ayant recogneu la gentillesse d’Izidore qu’il ne cognoissoit que sous le nom de Sicandre, sans sçavoir que ce fut une fille, et ayant apris qu’Atalante répondroit de sa fidelité, va la treuver, ravi d’une ocasion si favorable. Flaminie qui ne recevoit pas moins de contentement par la veüe de Sicandre, faisoit des-ja mille chimeres, et s’assuroit d’avoir de luy tout ce qu’un honneste homme ne peut pas refuser à celles de son sexe. Cependant Mainalte frere d’Izidore et d’Atalante revenu des armées, aprend de Philemon l’intrigue de cette amour de laquelle il veut les desambarasser, et fait dessein d’interrompre toute cette entreprise, au mesme temps qu’Atalante prioit Polydas de recevoir Sicandre qui s’y [20] voyoit des-ja instalé par son industrie, par les persuasions d’Atalante, et par la courtesie de Polydas. Dans ce commerce d’amour Tharzinte et Calliante amoureux également d’Izidore, se disputent et prennent heure pour se battre afin quelle demeure au plus heureux ou au plus adroit.
ACTE II. §
[p. 21]SCENE PREMIERE. §
POLYDAS.
FLAMINIE.
SICANDRE.
POLYDAS.
FLAMINIE.
SICANDRE.
POLYDAS.
SICANDRE.
SICANDRE.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS
SICANDRE.
POLYDAS.
POLYDAS.
FLAMINIE.
ACTE II. SCENE DEUXIESME. §
MAINALTE.
ACTE II. SCENE TROISIESME. §
[p. 29]PHILEMON.
MAINALTE.
PHILEMON.
MAINALTE.
PHILEMON.
MAINALTE.
PHILEMON.
MAINALTE.
PHILEMON.
MAINALTE.
ACTE II. SCENE QUATRIESME. §
[p. 32]ATALANTE.
POLYDAS.
ATALANTE.
POLYDAS.
ATALANTE.
[p. 34]SICANDRE.
ATALANTE.
SICANDRE.
ATALANTE.
POLYDAS.
ATALANTE.
[p. 35]POLYDAS.
SICANDRE.
[p. 36]POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
ACTE II. SCENE CINQUIESME. §
[p. 38]THARZINTE.
CALLIANTE.
THARZINTE.
CALLIANTE.
THARZINTE.
CALLIANTE.
THARZINTE.101
THARZINTE.
CALLIANTE.
THARZINTE.
[p. 42]CALLIANTE.
FIN DU SECOND
Acte.
ARGUMENT DU TROISIESME ACTE. §
[p. 43]P olydas d’Advocat devient Poëte, et est rencontré par sa Sœur Flaminie, où il composoit certains vers à la loüange d’Atalante, dont il estoit extremement amoureux. Lors que Flaminie eut veu les vers, et qu’elle les eut leus, Sicandre advertit Polydas qu’Atalante estoit à la porte. Flaminie treuvant l’heure à propos parle secrettement à Sicandre, et par mille traits d’esprit lui declare à la fin sa passion. Ils prennent l’assignation103 sur le soir dans le jardin, Mainalte venant au logis de Polydas treuve Isidore en habit de garçon, et pensant la gourmander104 d’abord, il se voit contraint d’apreuver son invention, surtout quand il sceut le lieu où Flaminie se devoit treuver, et qu’il pouvoit prendre sa place. En luy disant adieu il [44] rencontre Calliante et Tharzinte qui se vouloient battre, et aiant apris le sujet de leur querelle, il promet Isidore à Tharzinte, voiant que l’autre manquoit de cœur. Lorsqu’il luy donne connessance de son secret, Atalante par importunité promet à Polydas de l’aller treuver le soir au jardin, ne sachant pas que Sicandre y dût aller, et ne s’imaginant pas qu’il y eut grande *fortune à risquer, puis qu’elle estoit si proche de sa Sœur, dans laquelle elle avoit toûjours mis la meilleure de ses esperances.
ACTE III. §
[p. 45]SCENE PREMIERE. §
POLYDAS
ACTE III. SCENE DEUXIESME. §
FLAMINIE.
POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
SUR LE
MIROIR
D’ATALANTE.
SONNET.
[p. 51]
~~~~~~~
FLAMINIE.
POLYDAS.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
SICANDRE
[p. 56]FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
ACTE III. SCENE TROISIESME. §
[p. 60]MAINALTE.
SICANDRE.
MAINALTE.
[p. 61]SICANDRE.
SICANDRE.
MAINALTE.
[p. 62]SICANDRE.
MAINALTE.
SICANDRE.
MAINALTE.
SICANDRE.
ACTE III. SCENE QUATRIÈME. §
CALLIANTE.
MAINALTE.
CALLIANTE.
MAINALTE.
THARZINTE.
MAINALTE.
THARZINTE.
CALLIANTE.
THARZINTE.
MAINALTE.
[p. I, 65]THARZINTE.
CALLIANTE.
THARZINTE.
CALLIANTE.
MAINALTE
[p. 66]CALLIANTE.
MAINALTE.116
ACTE III. SCENE CINQUIESME. §
[p. 67]POLYDAS
ATALANTE.
POLYDAS.
FLAMINIE
SICANDRE.
FLAMINIE.
ATALANTE.
[p. 68]POLYDAS.
ATALANTE.
POLYDAS
ATALANTE.
FIN DU TROISIESME ACTE.
ARGUMENT DU QUATRIESME ACTE. §
[p. 69]P olydas apres avoir long-temps attendu, entend du bruit et s’imaginant tenir Atalante, prend Mainalte sans le connêtre, qui croit estre trompé par sa sœur. Mainalte en sortant entend venir Flaminie, qui d’abord est prise par Polydas, lequel se voyant duppé si souvent, proteste d’avoir à l’advenir moins d’amour. Lors qu’il est encore à faire ses plaintes, Flaminie est surprise par Mainalte, qui l’emmene dans la chambre sans la voir, et Atalante arrive au lieu de l’assignation ; mais Polydas prenant Atalante pour Flaminie, la rebute par des termes assez injurieux : ce qui oblige Atalante de sortir : Polydas aiant reconnu se faute, s’en va au logis, où il treuve sa sœur avec un homme inconnu, et Sicandre avec Tharzinte. Flami- [p. 70] nie se voiant abusée, et croiant posseder Sicandre, aprend la cause de ce changement, et treuvant Tharzinte aussi bien fait du moins que Sicandre, apres avoir renvoié Polydas au jardin, où elle disoit qu’Atalante l’attendoit encore pour joüer la piece entiere, donne jour aux uns et aux autres de dupper son frere, et s’y porte dés l’heure avec une industrie tout à fait étrange.
ACTE IV. §
[p. 71]SCENE PREMIERE. §
POLYDAS
ACTE IV. SCENE DEUXIESME. §
[p. 74]SICANDRE
THARZINTE.
ACTE IV. SCENE TROISIESME. §
POLYDAS.
POLYDAS.
MAINALTE.
POLYDAS.
ACTE IV. SCENE QUATRIÈME. §
MAINALTE
ACTE IV. SCENE CINQUIESME. §
FLAMINIE
POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
[p. 80]FLAMINIE.
ACTE IV. SCENE SIXIESME. §
MAINALTE.
FLAMINIE.
FLAMINIE.
ACTE IV. SCENE SEPTIESME. §
[p. 84]POLYDAS.
ACTE IV. SCENE HUICTIESME. §
[p. 85]ATALANTE.
POLYDAS.
ATALANTE.
[p. 86]POLYDAS.
ATALANTE.
POLYDAS.129
ACTE IV. SCENE NEUFIESME. §
THARZINTE.
SICANDRE.
[p. 88]THARZINTE
ACTE IV. SCENE DIXIESME. §
[p. M, 89]POLYDAS
SICANDRE.
POLYDAS.
SICANDRE
POLYDAS
FLAMINIE
POLYDAS.
FLAMINIE
POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
POLYDAS
FLAMINIE.
MAINALTE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
MAINALTE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
FLAMINIE.
MAINALTE.
SICANDRE.
FIN DU QUATRIESME ACTE.
ARGUMENT DU CINQUIESME ACTE. §
[p. 95]A TALANTE fachée de ce dernier affront qu’elle devoit à l’imprudence de Polydas, promet à Philemon de ne songer plus à cette amour ; et lors qu’elle va querir Isidore, elle aprend la ruse dans laquelle elle commence à jouër le premier personnage. Car Polydas revenant du jardin, où il s’estoit endormi, et protestant de nouveau de n’aimer plus Atalante eut advis de Flaminie que Tharzinte qui avoit des-ja parole d’Isidore, et Mainalte qui avoit receu la foy de Flaminie en secret, se vouloient battre pour sa maitresse. Si bien que prenant son épée entre les mains de Sicandre, et pensant defendre Atalante, il la blessa legerement, pource qu’elle s’estoit advancée. Tharzinte voiant la fourbe bien commencée, pour l’achever feint de vouloir tuer Poly-[96] das avec Mianalte, qui se joint à cette entreprise. Atalante bien instruite demande sa vie qu’elle obtient et fait donner Flaminie à Mainalte, à qui Polydas croioit devoir la vie, Tharzinte qui ne vouloit qu’Isidore feignoit cependant de disputer Atalante, mais s’en estant remis au choix de cette Dame ; elle dit d’abort qu’elle estime Sicandre pour sa fidélité. Polydas se desespere en effet, et Tharzinte en apparence ; mais ce qui remet l’esprit de Polydas, et ce qui l’étonne pourtant, c’est que Sicandre se découvre ; et qu’on lui donne le choix, elle prend Tharzinte, ce qui pensa faire mourir Polydas ; en fin il épouse Atalante, dont il esperoit de grands biens, donne sa sœur, qui estoit riche à Mainalte qui estoit pauvre, voit le mariage d’Isidore et de Tharzinte, et est duppé dans le déguisement de Sicandre, dans les assignations du jardin, dans les feintes de la querelle, et dans la pluspart de ses inventions amoureuses.
ACTE V. §
[N, 97]SCENE PREMIERE. §
ATALANTE.
PHILEMON.
[p. 98]ATALANTE.
PHILEMON.
ATALANTE.
ACTE V. SCENE DEUXIESME. §
[p. 100]FLAMINIE.
SICANDRE.
THARZINTE.
MAINALTE.
SICANDRE.
MAINALTE.
ATALANTE.
FLAMINIE.
SICANDRE.
[p. 103]ATALANTE.
FLAMINIE.
ATALANTE.
ACTE V. SCENE TROISIESME. §
[p. 104]POLYDAS
ACTE V. SCENE QUATRIÈME. §
FLAMINIE.
POLYDAS.
FLAMINIE.
POLYDAS.
ACTE V. SCENE CINQUIESME ET DERNIERE. §
[p. 107]MAINALTE
THARZINTE.
POLYDAS.
ATALANTE
SICANDRE
POLYDAS.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
SICANDRE.
MAINALTE.
POLYDAS
THARZINTE.
MAINALTE.
FLAMINIE
ATALANTE
MAINALTE.
ATALANTE.
POLYDAS.
ATALANTE.
FLAMINIE.
POLYDAS.
MAINALTE.
POLYDAS
[p. 112]THARZINTE.
MAINALTE.
THARZINTE.
SICANDRE.
MAINALTE.
ATALANTE.
POLYDAS.
[p. 115]THARZINTE.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
ATALANTE.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
SICANDRE.
POLYDAS.
THARZINTE.
ATALANTE.
POLYDAS.
SICANDRE.
[p. 118]FIN DE L’ADVOCAT
DUPPÉ.
Lexique §
(F.) : Furetière, 1690 – (R.) : Richelet, 1680.