M. DC. XXXXI. AVEC PRIVILÈGE DU ROI.
Extrait du Privilège du Roi. §
LOUIS PAR LA GRÂCE DE DIEU ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE. À nos Amés et féaux conseiller les gens tenants les cours de Parlement, Maîtres de requêtes ordinaires de notre hôtel, baillifs, sénéchaux, et officiers qu’il appartiendra, Salut. Notre bien aimé AUGUSTIN COURBÉ, libraire à Paris, Nous a fait remontrer qu’il désirerait imprimer Horace, Tragédie, par Corneille, s’il avait sur ce nos lettres nécessaires, lesquelles il nous a très humblement supplié de lui accorder. À ces causes nous avons permis et permettons à l’exposant d’imprimer, vendre et débiter en tous lieux de notre obéissance le dit livre, en telles marges, en tels caractères, et autant de fois qu’il voudra durant l’espace de dix ans entiers et accomplis, à compter du jour qu’ils seront achevés d’imprimer, pour la première fois ; et faisons très expresse défenses à toutes personnes de quelque qualités, et condition qu’elles soient de les imprimer, faire imprimer, vendre ni distribuer en aucun endroit de ce Royaume durant le dit temps, sous prétexte d’augmentation, correction et changement de titre, ou autrement, en quelque sorte et manière que ce soit, à peine de quinze cents livres d’amende, payable sans déport par chacun des contrevenants, et applicables un tiers à Nous, un tiers à l’Hôtel Dieu de Paris, et l’autre à l’exposant, de confiscation des exemplaires contrefaits, et de tous dépens dommages et intérêts : à condition qu’il en sera remis deux exemplaires en notre bibliothèque publique, et un en celle de notre très cher féal et sieur Séguier, Chevalier Chancelier de France, avant que l’exposer en vente, à peine de nullité des présentes, du contenu desquelles nous vous mandons que vous fassiez jouir pleinement et paisiblement l’exposant, et ceux qui auront droit d’icelui , sans qu’il lui soit fait aucun trouble ni empêchement. Voulons aussi qu’en mettant au commencement ou à la fin des dits livres un bref extrait des présentes, elles soient tenues pour dûment signifiées, et que fois y soit ajoutée, et aux copies d’icelles collationnées par l’un de nos amés et féaux conseillers et secrétaire comme à l’original. Mandons aussi au premier huissier ou sergent sur ce requis, de faire pour l’exécution des présentes tous exploits nécessaires sans demander autre permission : car tel est Notre bon plaisir. Nonobstant oppositions ou appellations quelconques, et sans préjudices d’icelles, Clameur du haro, Chartes normandes, et autres lettres à ce contraires.
Donné à Paris le 11ème jour de décembre l’an de grâce mille six cent quarante ; et de notre Règne le trente et unième.
Signé, par le roi en son conseil. CONRART.
MONSEIGNEUR, §
Je n’aurais jamais eu la témérité de présenter à VOTRE ÉMINENCE ce mauvais portrait d’Horace, si je n’eusse considéré qu’après tant de bienfaits, que j’ai reçu d’elle, le silence où mon respect m’a retenu jusqu’à présent, passerait pour ingratitude, et que quelque juste défiance que j’ai de mon travail, je dois avoir encore plus de confiance en votre bonté ; C’est d’elle que je tiens tout ce que je suis ; et ce n’est pas sans rougir que pour toute reconnaissance je vous fais un présent si peu digne de Vous, et si peu proportionné à ce que je vous dois. Mais dans cette confusion, qui m’est commune avec tous ceux qui écrivent, j’ai cet avantage, qu’on ne peut sans quelque injustice condamner mon choix, et que ce généreux Romain que je mets aux pieds de V.E. eut pu paraître devant elle avec moins de honte, si les forces de l’artisan eussent répondu à la dignité de la matière ; J’en ai pour garant l’auteur dont je l’ai tirée, qui commence à décrire cette fameuse histoire par ce glorieux éloge, « qu’il n’y a presque aucune chose plus noble dans toute l’Antiquité ». Je voudrais que ce qu’il a dit de l’action se peut dire de la peinture que j’en ai faite, non pour en tirer plus de vanité, mais seulement pour vous offrir quelque chose un peu moins indigne de vous être offert. Le sujet était capable de plus de grâces s’il eut été traité d’une main plus savante, mais du moins il eut reçu de la mienne toutes celles qu’elle était capable de lui donner, et qu’on pourrait raisonnablement attendre d’une muse de province, qui n’étant pas assez heureuse pour jouir souvent des regards de V.E. n’a pas les mêmes lumières à se conduire qu’ont celles qui en sont continuellement éclairées. Et certes, MONSEIGNEUR, ce changement visible qu’on remarque en mes ouvrages, depuis que j’ai l’honneur d’être à V.E. qu’est ce autre chose qu’un effet des grandes idées qu’elle m’inspire quand elle daigne souffrir que je lui rende mes devoirs ; et à quoi peut-on attribuer ce qui s’y mêle de mauvais qu’aux teintures grossières que je reprends quand je demeure abandonné à ma propre faiblesse ? Il faut, MONSEIGNEUR, que tous ceux qui donnent leurs veilles au théâtre, publient hautement avec moi que nous vous deux obligations très signalées ; l’une d’avoir ennobli les but de l’Art, l’autre de nous en avoir facilité les connaissances. Vous avez ennobli le but de l’Art, puisqu’au lieu de celui de plaire au peuple, que nous prescrivent nos maîtres, et dont les deux plus honnêtes gens de leur siècle, Scipion et Laelie ont autre fois protesté de se contenter, vous nous avez donné celui de vous plaire et de vous divertir ; et qu’ainsi nous ne rendons pas un petit service à l’État, puisque contribuant à vos divertissements, nous contribuons à l’entretien d’une santé qui lui est si précieuse et si nécessaire. Vous nous en avez facilité les connaissances puisque nous n’avons plus besoin d’autre étude pour les acquérir, que d’attacher nos yeux sur V.E. Quand elle honore de sa présence et de son attention le récit de nos poèmes ; C’est là que lisant sur son visage ce qui lui plaît, et ce qui ne lui plaît pas, nous nous instruisons avec certitude de ce qui est bon, et de ce qui est mauvais, et tirons des règles infaillibles de ce qu’il faut suivre et de ce qu’il faut éviter. C’est là que j’ai souvent appris en deux heures ce que mes livres n’eussent pu m’apprendre en dix ans ; c’est là que j’ai puisé ce qui m’a valu l’applaudissement du public, et c’est là qu’avec votre faveur j’espère puiser assez pour être un jour une oeuvre digne de vos mains ; Ne trouvez donc pas mauvais, MONSEIGNEUR, que pour vous remercier de ce que j’ai de réputation dont je vous suis entièrement redevable, j’emprunte quatre vers d’un autre Horace que celui que je vous présente, et que je vous exprime par eux les plus véritables sentiments de mon âme.
Je n’ajouterai qu’une vérité à celle-ci, en vous suppliant de croire que je suis et serai toute ma vie très passionnément, MONSEIGNEUR de V.E. le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,
ACTEURS §
- TULLE, roi de Rome.
- Le vieil HORACE, chevalier romain.
- HORACE, son fils.
- CURIACE, gentilhomme d’Albe, amant de Camille.
- VALÈRE, chevalier romain, amoureux de Camille.
- SABINE, femme d’Horace, et soeur de Curiace.
- CAMILLE, amante de Curiace, et soeur d’Horace.
- JULIE, dame romaine, confidence de Sabine et de Camille.
- FLAVIAN, soldat de l’armée d’Albe.
- PROCULE, soldat de l’armée de Rome.
ACTE I §
SCÈNE PREMIÈRE. Sabine, Julie. §
SABINE.
JULIE.
SABINE.
1JULIE.
SABINE.
JULIE.
SABINE.
JULIE.
SABINE.
SCÈNE II. Camille, Julie. §
CAMILLE.
9JULIE.
CAMILLE.
JULIE.
CAMILLE.
CAMILLE.
JULIE.
CAMILLE.
JULIE.
CAMILLE.
JULIE.
CAMILLE.
SCÈNE III. Curiace, Camille, Julie. §
CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
JULIE.
CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
JULIE.
ACTE II §
SCÈNE PREMIERE. Horace, Curiace. §
CURIACE.
HORACE.
CURIACE.
HORACE.
CURIACE.
SCÈNE II. Horace, Curiace, Flavian. §
FLAVIAN.
CURIACE.
FLAVIAN.
CURIACE.
FLAVIAN.
CURIACE.
FLAVIAN.
CURIACE.
FLAVIAN.
CURIACE.
SCÈNE III. Horace, Curiace. §
CURIACE.
HORACE.
CURIACE.
HORACE.
CURIACE.
HORACE.
SCÈNE IV. Horace, Curiace, Camille. §
HORACE.
CAMILLE.
HORACE.
SCÈNE V. Curiace, Camille. §
CAMILLE.
30CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
35CURIACE.
CAMILLE.
CURIACE.
CAMILLE.
SCÈNE VI. Horace, Curiace, Sabine, Camille. §
CURIACE.
SABINE.
HORACE.
CURIACE.
CAMILLE.
SABINE.
HORACE.
SABINE.
SCÈNE VII. Le Viel Horace, Horace, Curiace. §
LE VIEIL HORACE.
SABINE.
SCÈNE VIII. Le Vieil Horace, Horace, Curiace. §
HORACE.
LE VIEIL HORACE.
CURIACE.
LE VIEIL HORACE.
ACTE III §
SCÈNE PREMIÈRE. §
SABINE.
SCÈNE II. Sabine, Julie. §
SABINE.
JULIE.
SABINE.
JULIE.
SABINE.
JULIE.
JULIE.
48SABINE.
50SCÈNE III. Sabine, Camille, Julie. §
SABINE.
CAMILLE.
SABINE.
CAMILLE.
JULIE.
CAMILLE.
SABINE.
CAMILLE.
JULIE.
SCÈNE IV. Sabine, Camille. §
SABINE.
CAMILLE.
SABINE.
CAMILLE.
SCÈNE V. Le Vieil Horace, Sabine, Camille. §
LE VIEIL HORACE.
SABINE.
LE VIEIL HORACE.
SCÈNE VI. Le Vieil Horace, Sabine, Camille, Julie. §
LE VIEIL HORACE.
JULIE.
LE VIEIL HORACE.
JULIE.
LE VIEIL HORACE.
JULIE.
CAMILLE.
LE VIEIL HORACE.
JULIE.
LE VIEIL HORACE.
SABINE.
LE VIEIL HORACE.
SABINE.
ACTE IV §
SCÈNE PREMIÈRE. Le Vieil Horace, Camille. §
LE VIEIL HORACE.
CAMILLE.
LE VIEIL HORACE.
SCÈNE II. Le Vieil Horace, Valère, Camille. §
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
VALÈRE.
64LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
CAMILLE.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
VALÈRE.
SCÈNE III. Le Vieil Horace, Camille. §
LE VIEIL HORACE.
SCÈNE IV. §
CAMILLE.
SCÈNE V. Horace, Camille, Procule. §
HORACE.
CAMILLE.
HORACE.
CAMILLE.
HORACE.
CAMILLE.
HORACE.
CAMILLE.
HORACE.
CAMILLE.
HORACE, mettant l’épée, à la main, et poursuivant sa soeur qui s’enfuit.
CAMILLE, blessée derrière le théâtre.
HORACE.
SCÈNE VI. Horace, Procule. §
PROCULE.
HORACE.
PROCULE.
HORACE.
SCÈNE VII. Horace, Sabine, Procule. §
SABINE.
HORACE.
SABINE.
HORACE.
SABINE.
ACTE V §
SCÈNE PREMIÈRE. Le Vieil Horace, Horace. §
LE VIEIL HORACE.
HORACE.
LE VIEIL HORACE.
SCÈNE II. Tulle, Valère, Le Vieil Horace, Horace, troupe de Gardes. §
LE VIEIL HORACE.
TULLE.
LE VIEIL HORACE.
TULLE.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.
TULLE.
VALÈRE.
TULLE.
HORACE.
SCÈNE III. Tulle, Valère, Le Vieil Horace, Horace, Sabine. §
SABINE.
Le vieil Horace, au roi.
VALÈRE.
TULLE.
SCÈNE DERNIÈRE. §
JULIE.
75ANNEXE §
EXAMEN 1660 (de Pierre Corneille) §
C’est une croyance assez générale que cette pièce pourrait passer pour la plus belle des miennes, si les derniers actes répondaient aux premiers. Tous veulent que la mort de Camille en gâte la fin, et j’en demeure d’accord ; mais je ne sais si tous en savent la raison. On l’attribue communément à ce qu’on voit cette mort sur la scène ; ce qui serait plutôt la faute de l’actrice que la mienne, parce que, quand elle voit son frère mettre l’épée à la main, la frayeur, si naturelle au sexe, lui doit faire prendre la fuite, et recevoir le coup derrière le théâtre, comme je le marque dans cette impression. D’ailleurs, si c’est une règle de ne le point ensanglanter, elle n’est pas du temps d’Aristote, qui nous apprend que pour émouvoir puissamment il faut de grands déplaisirs, des blessures et des morts en spectacle. Horace ne veut pas que nous y hasardions les événements trop dénaturés, comme de Médée qui tue ses enfants ; mais je ne vois pas qu’il en fasse une règle générale pour toutes sortes de morts, ni que l’emportement d’un homme passionné pour sa patrie contre une soeur qui la maudit en sa présence avec des imprécations horribles, soit de même nature que la cruauté de cette mère. Sénèque l’expose aux yeux du peuple, en dépit d’Horace ; et, chez Sophocle, Ajax ne se cache point au spectateur lorsqu’il se tue. L’adoucissement que j’apporte dans le second de ces discours pour rectifier la mort de Clytemnestre ne peut être propre ici à celle de Camille. Quand elle s’enferrerait d’elle-même par désespoir en voyant son frère l’épée à la main, ce frère ne laisserait pas d’être criminel de l’avoir tirée contre elle, puisqu’il n’y a point de troisième personne sur le théâtre à qui il pût adresser le coup qu’elle recevrait, comme peut faire Oreste à Egisthe. D’ailleurs, l’histoire est trop connue pour retrancher le péril qu’il court d’une mort infâme après l’avoir tuée ; et la défense que lui prête son père pour obtenir sa grâce n’aurait plus de lieu, s’il demeurait innocent. Quoi qu’il en soit, voyons si cette action n’a pu causer la chute de ce poème que par là, et si elle n’a point d’autre irrégularité que de blesser les yeux. Comme je n’ai point accoutumé de dissimuler mes défauts, j’en trouve ici deux ou trois assez considérables. Le premier est que cette action, qui devient la principale de la pièce, est momentanée, et n’a point cette juste grandeur que lui demande Aristote, et qui consiste en un commencement, un milieu et une fin. Elle surprend tout d’un coup ; et toute la préparation que j’y ai donnée par la peinture de la vertu farouche d’Horace, et par la défense qu’il fait à sa soeur de regretter qui que ce soit de lui ou de son amant qui meure au combat, n’est point suffisante pour faire attendre un emportement si extraordinaire, et servir de commencement à cette action. Le second défaut est que cette mort fait une action double par le second péril où tombe Horace après être sorti du premier. L’unité de péril d’un héros dans la tragédie fait l’unité d’action ; et quand il en est garanti, la pièce est finie, si ce n’est que la sortie même de ce péril l’engage si nécessairement dans un autre, que la liaison et la continuité des deux n’en fassent qu’une action ; ce qui n’arrive point ici, où Horace revient triomphant sans aucun besoin de tuer sa soeur, ni même de parler à elle ; et l’action serait suffisamment terminée à sa victoire. Cette chute d’un péril en l’autre, sans nécessité, fait ici un effet d’autant plus mauvais, que d’un péril public, où il y va de tout l’État, il tombe en un péril particulier, où il n’y va que de sa vie ; et, pour dire encore plus, d’un péril illustre, où il ne peut succomber que glorieusement, en un péril infâme, dont il ne peut sortir sans tache. Ajoutez, pour troisième imperfection, que Camille, qui ne tient que le second rang dans les trois premiers actes, et y laisse le premier à Sabine, prend le premier en ces deux derniers, où cette Sabine n’est plus considérable ; et qu’ainsi, s’il y a égalité dans les moeurs, il n’y en a point dans la dignité des personnages, où se doit étendre ce précepte d’Horace: Servetur ad imum
Ce défaut en Rodelinde a été une des principales causes du mauvais succès de Pertharite, et je n’ai point encore vu sur nos théâtres cette inégalité de rang en un même acteur, qui n’ait produit un très méchant effet. Il serait bon d’en établir une règle inviolable. Du côté du temps, l’action n’est point trop pressée, et n’a rien qui ne me semble vraisemblable. Pour le lieu, bien que l’unité y soit exacte, elle n’est pas sans quelque contrainte. Il est constant qu’Horace et Curiace n’ont point de raison de se séparer du reste de la famille pour commencer le second acte ; et c’est une adresse de théâtre de n’en donner aucune, quand on n’en peut donner de bonnes. L’attachement de l’auditeur à l’action présente souvent ne lui permet pas de descendre à l’examen sévère de cette justesse, et ce n’est pas un crime que de s’en prévaloir pour l’éblouir, quand il est malaisé de le satisfaire. Le personnage de Sabine est assez heureusement inventé, et trouve sa vraisemblance aisée dans le rapport à l’histoire, qui marque assez d’amitié et d’égalité entre les deux familles pour avoir pu faire cette double alliance. Elle ne sert pas davantage à l’action que l’Infante à celle du Cid, et ne fait que se laisser toucher diversement, comme elle, à la diversité des événements. Néanmoins on a généralement approuvé celle-ci, et condamné l’autre. J’en ai cherché la raison, et j’en ai trouvé deux: l’une est la liaison des scènes, qui semble, s’il m’est permis de parler ainsi, incorporer Sabine dans cette pièce, au lieu que, dans le Cid, toutes celles de l’Infante sont détachées, et paraissent hors oeuvre: Tantum series juncturaque pollet.
L’autre, qu’ayant une fois posé Sabine pour femme d’Horace, il est nécessaire que tous les incidents de ce poème lui donnent les sentiments qu’elle en témoigne avoir, par l’obligation qu’elle a de prendre intérêt à ce qui regarde son mari et ses frères ; mais l’Infante n’est point obligée d’en prendre aucun en ce qui touche le Cid ; et si elle a quelque inclination secrète pour lui, il n’est point besoin qu’elle en fasse rien paraître, puisqu’elle ne produit aucun effet.
L’oracle qui est proposé au premier acte trouve son vrai sens à la conclusion du cinquième. Il semble clair d’abord, et porte l’imagination à un sens contraire ; et je les aimerais mieux de cette sorte sur nos théâtres, que ceux qu’on fait entièrement obscurs, parce que la surprise de leur véritable effet en est plus belle. J’en ai usé ainsi encore dans l’Andromède et dans l’Oedipe. Je ne dis pas la même chose des songes, qui peuvent faire encore un grand ornement dans la protase, pourvu qu’on ne s’en serve pas souvent. Je voudrais qu’ils eussent l’idée de la fin véritable de la pièce, mais avec quelque confusion qui n’en permît pas l’intelligence entière. C’est ainsi que je m’en suis servi deux fois, ici et dans Polyeucte, mais avec plus d’éclat et d’artifice dans ce dernier poème, où il marque toutes les particularités de l’événement, qu’en celui-ci, où il ne fait qu’exprimer une ébauche tout à fait informe de ce qui doit arriver de funeste.
Il passe pour constant que le second acte est un des plus pathétiques qui soient sur la scène, et le troisième un des plus artificieux. Il est soutenu de la seule narration de la moitié du combat des trois frères, qui est coupée très heureusement pour laisser Horace le père dans la colère et le déplaisir, et lui donner ensuite un beau retour à la joie dans le quatrième. Il a été à propos, pour le jeter dans cette erreur, de se servir de l’impatience d’une femme qui suit brusquement sa première idée, et présume le combat achevé, parce qu’elle a vu deux des Horaces par terre, et le troisième en fuite. Un homme, qui doit être plus posé et plus judicieux, n’eût pas été propre à donner cette fausse alarme ; il eût dû prendre plus de patience, afin d’avoir plus de certitude de l’événement, et n’eût pas été excusable de se laisser emporter si légèrement, par les apparences, à présumer le mauvais succès d’un combat dont il n’eût pas vu la fin.
Bien que le roi n’y paraisse qu’au cinquième, il y est mieux dans sa dignité que dans le Cid, parce qu’il a intérêt pour tout son État dans le reste de la pièce ; et bien qu’il n’y parle point, il ne laisse pas d’y agir comme roi. Il vient aussi dans ce cinquième comme roi qui veut honorer par cette visite un père dont les fils lui ont conservé sa couronne, et acquis celle d’Albe au prix de leur sang. S’il y fait l’office de juge, ce n’est que par accident ; et il le fait dans ce logis même d’Horace, par la seule contrainte qu’impose la règle de l’unité de lieu. Tout ce cinquième est encore une des causes du peu de satisfaction que laisse cette tragédie: il est tout en plaidoyers, et ce n’est pas là la place des harangues ni des longs discours: ils peuvent être supportés en un commencement de pièce, où l’action n’est pas encore échauffée ; mais le cinquième acte doit plus agir que discourir. L’attention de l’auditeur, déjà lassée, se rebute de ces conclusions qui traînent et tirent la fin en longueur.
Quelques-uns ne veulent pas que Valère y soit un digne accusateur d’Horace, parce que dans la pièce il n’a pas fait voir assez de passion pour Camille ; à quoi je réponds que ce n’est pas à dire qu’il n’en eût une très forte, mais qu’un amant mal voulu ne pouvait se montrer de bonne grâce à sa maîtresse dans le jour qui la rejoignait à un amant aimé. Il n’y avait point de place pour lui au premier acte, et encore moins au second ; il fallait qu’il tînt son rang à l’armée pendant le troisième ; et il se montre au quatrième, sitôt que la mort de son rival fait quelque ouverture à son espérance: il tâche à gagner les bonnes grâces du père par la commission qu’il prend du roi de lui apporter les glorieuses nouvelles de l’honneur que ce prince lui veut faire ; et, par occasion, il lui apprend la victoire de son fils, qu’il ignorait. Il ne manque pas d’amour durant les trois premiers actes, mais d’un temps propre à le témoigner ; et, dès la première scène de la pièce, il paraît bien qu’il rendait assez de soins à Camille, puisque Sabine s’en alarme pour son frère. S’il ne prend pas le procédé de France, il faut considérer qu’il est Romain, et dans Rome, où il n’aurait pu entreprendre un duel contre un autre Romain sans faire un crime d’État, et que j’en aurais fait un de théâtre, si j’avais habillé un Romain à la française.
VARIANTES SIGNIFICATIVES §
variante 1
Le vers 25-28 de l’éd. 1682 sont :
Variante 2
Vers 117-119 de l’éd. 1682 :
Variante 3
Les vers suivant situé en fin de l’acte II scène II sont absents de l’édition 1641.
Variante 4
Les vers suivants de la fin de l’acte IV scène 2 ne sont pas dans l’édition 1641 et présent dans l’édition 1682.
VALÈRE.
LE VIEIL HORACE.