A PARIS,
A l’Entrée de la Porte de l’Académie Royale de
Musique, au Palais Royal ruë Saint Honoré.
Imprimé aux despens de ladite Academie.
Par RENÉ BAUDRY Imprimeur ordinaire
Du Roy, & ladite Academie.
M. DC. LXXVIII.
Par Privilege du Roy.
Édition critique établie par Luke Arnason dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier (2005)
Introduction §
[Les conteurs] ont mis une ville pour signifier le monde, où ils ont placé un roi et une reine, comme Dieu et la matière. Ils leur attribuent trois filles, c’est-à-dire la Chair, la Volonté, que nous appelons le Libre Arbitre, et l’Âme. Psyché en effet signifie l’âme en grec ; et ils ont voulu qu’elle soit la plus jeune, parce qu’ils voulaient dire que l’âme ne pénètre dans le corps que lorsque celui-ci a déjà été formé ; et ils l’ont fait plus belle pour la raison que l’âme est supérieure à la liberté et plus noble que la chair. Vénus lui est hostile, en tant que représentant la Concupiscence ; et pour la perdre, elle lui envoie le Désir ; mais comme il y a un désir du Mal, il y en a un du Bien : la Concupiscence chérit l’Âme et s’unit à elle ; elle tente de lui persuader de ne pas chercher à voir son visage, c’est-à-dire de ne pas apprendre à connaître les délices de la concupiscence – c’est pour cela qu’Adam, bien qu’il soit tout nu, ne se voit pas tel aussi longtemps qu’il n’a pas mangé le fruit de l’arbre de la concupiscence – et aussi de ne pas céder à ses soeurs, c’est-à-dire à la Chair et à la Liberté, qui lui enseignent la curiosité et le désir de voir. Mais Psyché, entraînée par leur contrainte, sort la lampe de sous le boisseau, c’est-à-dire révèle la flamme qui brûle dans sa poitrine et, quand elle l’a vue, la trouve douce et la chérit. On dit qu’elle a brûlé Concupiscence de l’huile de sa lampe parce que toute concupiscence, plus elle est aimée, plus elle est ardente et inflige à la chair la marque du péché. Donc, une fois la concupiscence révélée, elle perd sa grande fortune, court des dangers et est chassée de la demeure royale1.
Telle est l’interprétation chrétienne de la fable de Psyché établie par Fulgence et dont l’époque classique était l’héritière. Les écrivains classiques ont, bien entendu, adapté la fable et sa signification à leurs propres goûts, aussi bien qu’au niveau au niveau de l’intrigue que du genre. Au XVIIe siècle, les français avaient un goût particulier pour le spectacle, de sorte que deux des trois adaptations classiques de la fable de Psyché sont des spectacles théâtraux. La première est la tragédie-ballet de Psyché de Molière. La seconde est notre opéra, qui est à son tour une adaptation de la pièce de Molière. De tous les opéras de Lully, Psyché eut le moins de succès, et c’est l’opéra auquel les critiques de nos jours s’intéressent le moins, sans doute parce qu’il est « aberrant ». La musique et la poésie sont largement recyclées, le librettiste, Thomas Corneille, est peu estimé par la critique contemporaine et l’héroïne n’est ni guerrière ni magicienne. Mais ces mêmes « défauts » rendent l’opéra unique et particulièrement intéressant. Certes, une intrigue de tragédie-ballet condensée en opéra ne peut que souffrir de sa réduction. Mais l’analyse de la transformation de la tragédie-ballet en opéra révèle les différences entre les systèmes poétiques et dramatiques des ces deux genres. Si Psyché n’est ni guerrière ni magicienne, c’est une héroïne tout à fait originale, et son histoire permet à Corneille de traiter des thèmes politiques et métaphysiques alors inconnus à l’opéra. L’opéra de Psyché est surtout remarquable pour son système de représentation allégorique, plus développé et complexe que dans nul autre opéra de la période.
Qui est l’auteur de Psyché ? §
L’avis du libraire au lecteur de la Psyché de Molière annonce que l’« ouvrage n’est pas tout d’une main2 ». Mais il indique très clairement la division des tâches. Molière a dressé le plan de la pièce, a versifié les parties parlées du prologue, le premier acte et les premières scènes des actes II et III. Pierre Corneille a versifié le reste de la pièce, Quinault a écrit « les paroles qui s’y chantent en musique, à la réserve de la plainte italienne3 », qui est de Lully, ainsi que toute la musique. L’opéra de Psyché, comme la tragédie-ballet qui l’a inspiré, est aussi une oeuvre de plusieurs mains. Lully fut de nouveau le responsable de la musique. La versification avait déjà été faite pour moitié par Quinault, puisque l’opéra incorpore les divertissements de la Psyché de Molière dans son intrigue. Les autres vers furent composés, paraît-il, par Thomas Corneille et Fontenelle ensemble. Mais la division exacte des tâches entre ces deux poètes est un mystère, de sorte que Psyché apparaît dans bien des catalogues de bibliothèques soit au nom de Fontenelle, soit au nom de Thomas Corneille, selon la préférence du bibliothécaire. Les commentateurs du XVIIIe siècle aiment souligner la collaboration de Fontenelle, ne serait-ce que pour accuser Thomas Corneille d’être trop inepte pour composer un livret d’opéra lui-même. Les chercheurs de nos jours sont indécis sur la question. D’un côté, Marie-Claude Canova-Green trouve que Psyché constitue une étape importante dans la conception du « drame mixte » de Fontenelle4, ce qui impliquerait que Fontenelle ait eu un rôle important sinon capital dans la composition de Psyché. D’un autre côté, Sylvie Spycket avance l’hypothèse que Fontenelle n’a pas participé du tout à la composition de Psyché parce qu’il n’en parle pas dans sa lettre au Journal des Savans où il revendique son rôle dans la composition de Bellérophon5. Cette théorie n’est pas très solide, surtout quand on considère que Fontenelle inclut le livret entier de Psyché dans ses Oeuvres sans faire la moindre référence ni à son oncle ni à Quinault. Il est même possible que tous les vers soient de Corneille et que Fontenelle n’ait participé qu’en donnant son avis et en proposant des corrections. Il n’y a aucune manière de savoir comment ces deux poètes se sont partagés le travail. Cependant, l’auteur « officiel » du livret était Corneille, et toutes les versions imprimées portent son nom. C’est pourquoi nous présentons cette édition à son nom.
Thomas Corneille occupe aujourd’hui une place ambivalente parmi les écrivains du XVIIe siècle : il est un écrivain qu’on ne peut appeler obscur, mais sa renommée n’empêche pas que, depuis le XVIIIe siècle, il jouit de très peu de respect. La référence biographique de base sur lui reste toujours la biographie de Reynier6, écrite il y a plus de cent ans. Depuis le XVIIIe siècle, les critiques littéraires parlent de Thomas Corneille avec peu de détails et beaucoup de mépris. Antoine Adam, par exemple, résume la vie de Corneille en trois paragraphes, disant qu’il est « peut-être le premier écrivain notable qui ait si complètement sacrifié les exigences de l’art à celles du succès, » et réduisant ses efforts au Mercure Galant à une période où « il allait se tourner plus franchement vers la littérature alimentaire7 ». Malgré le peu d’estime qui lui a été porté depuis le XVIIIe siècle, il faut admettre que Thomas Corneille a su gagner le respect de son public et de l’Académie française, qu’il était plus prolifique même que son frère et, ce qu’il y a de plus remarquable, qu’il avait du succès dans plusieurs genres : la comédie, le théâtre à l’espagnole, la tragédie héroïque, les pièces à machines et la tragédie en musique. C’est sur cette dernière capacité, la capacité de librettiste, que cet aperçu biographique se concentre.
Thomas Corneille naquit le 20 août, 1625 à Rouen, 19 ans après son frère Pierre. Son père, qui avait exercé la charge de maître particulier des eaux et des forêts, obtint un titre en 1637, donnant à Thomas l’opportunité de se donner le nom de Sieur de l’Isle. Entre 1646 et 1649, il effectua des études de droit à l’Université de Caen. Il commença sa carrière théâtrale pendant ses études avec les Engagements du hasard, représenté à l’Hôtel de Bourgogne en 1647. Comme son frère, il débuta avec des comédies dont la plus célèbre est Le Geôlier de soi-même. Mais son succès assuré, il ne se limita plus à ce genre et commença à composer des tragédies. 1656 vit la création du célèbre Timocrate qui fut représenté 80 fois successivement, plus que nulle autre pièce au XVIIe siècle. La fécondité de notre poète pendant cette période était sans doute possible grâce à l’encouragement de son frère. On sait que la relation entre ces frères était très étroite, qu’ils vécurent le plus souvent dans la même maison et que Thomas épousa la belle soeur de Pierre, Marguerite de Lampérière en 1650. Les frères Corneille s’installèrent à Paris en 1662 et Thomas continua à composer des pièces, telles que Le Baron d’Albikrac en 1668 et la très populaire Ariane en 1672.
L’année suivant la création de cette tragédie, Thomas commença à composer des pièces à machines avec des intermèdes en musique pour le théâtre de Guénégaud. La troupe de Molière, après la mort de celui-ci, dût céder le théâtre du Palais Royal à Lully. Ils achetèrent donc le théâtre de la rue Mazarine. Ce théâtre avait abrité l’Académie Royale de Musique fondée par Pierre Perrin. Malgré les premiers succès opératiques de l’Académie, Perrin fît faillite et Lully acheta son privilège. Il emménagea dans le Palais Royal, laissant le théâtre de la rue Mazarine rempli des anciennes machines que le Marquis de Sourdéac avait construites pour Perrin, mais sans troupe. C’est donc la troupe de Molière et certains membres du Marais, dont la troupe avait été récemment dissoute, qui s’y installèrent. Cependant, les dettes de cette nouvelle troupe étaient énormes. Par conséquent, la troupe fut contrainte d’accorder une part au Marquis de Sourdéac, de l’engager comme machiniste à plein temps, et de lui verser 14 000 livres pour le bail et pour les machines. La troupe avait besoin de créer des grands succès pour couvrir ses dettes. Il leur fallait donc un poète pour remplacer Molière. C’est Donneau de Visé qui remplit ce rôle et qui, en outre, invita Thomas Corneille à collaborer.
Malgré le désir de la troupe de Guénégaud d’utiliser ses machines, les premières pièces écrites pour la troupe par Corneille en faisaient un emploi très limité. La première pièce que Corneille écrivit pour la troupe de Guénégaud, Le Comédien Poète (en collaboration avec Montfleury), ne possédait qu’une scène avec machines. Son succès fut modeste avec 21 représentations. La Mort d’Achille et Don César d’Avalos furent des échecs et n’utilisaient pas du tout les machines. C’était Circé qui allait tirer la troupe de ses ennuis. Corneille avait terminé d’écrire la pièce avant octobre 1674, mais la représentation de la pièce nécessitait un investissement considérable dans les machines, qui divisa la troupe. Ce n’est qu’en mars, 1675 qu’ils purent jouer Circé, dont souvent les recettes s’élevèrent à près de 3000 livres par jour. Les intermèdes de cette pièce étaient mis en musique par Marc-Antoine Charpentier, mais le reste de la pièce était parlé. C’est en écrivant Circé que Corneille apprit à écrire des vers « inégaux » (par rapport aux alexandrins réguliers de ses pièces antérieures). Il dut également écrire des vers pour être chantés pendant les intermèdes. Cette tâche nécessitait une élégante inégalité des vers. Il ne fallait pas non plus mettre en musique des vers qui étaient essentiels à l’intrigue, car tout ce qui était chanté était plus difficile à suivre. Il fallait donc traiter des sujets qui n’étaient pas directement liés à l’intrigue, tout en évitant de perdre le fil conducteur entre la pièce et le divertissement. Bref, pour écrire des pièces à machines, Thomas Corneille a dû être sensible à tout un nouveau système de composition et de versification. Sa flexibilité poétique et le succès de Circé et l’Inconnu (créé à la suite de Circé en 1675 pour éviter la persécution de Lully8) attestent le potentiel de ce poète pour le genre lyrique ; genre que Racine, Boileau et La Fontaine ne réussirent jamais à maîtriser. C’est grâce à son talent pour les pièces à machines, selon Jules Carlez, que Lully choisit Thomas Corneille en 1678 pour écrire le livret de Psyché9.
Ce raisonnement est contestable. Les frères Parfaict nous informent que ce fut la cour qui choisit Thomas Corneille pour écrire ce livret10. « La cour » désigne vraisemblablement Racine et Boileau qui cherchaient à profiter de la disgrâce du librettiste Quinault en donnant sa place à Thomas Corneille. On avait accusé Quinault d’avoir fait de l’intrigue d’Isis un parallèle des intrigues amoureuses de la cour, surtout en ce qui concernait Mme. de Montespan. Quinault devait se retirer pendant plusieurs mois. Il n’y eut pas de répercussions majeures pour Lully, mais ses relations avec le roi devinrent moins cordiales et son opéra suivant n’eut pas l’honneur d’une représentation à la cour. Il paraît que Psyché fut composé en toute hâte. Lully ne s’attendait peut-être pas à devoir écrire un opéra cette année-là pour trois raisons possibles : du fait du scandale causé par Isis, à cause de ses relations plutôt tièdes avec le roi, ou parce que le monarque était préoccupé par la guerre en Hollande. Enfin, peut-être Lully, par amitié ou par habitude, attendit-il Quinault et ne commença-t-il son prochain opéra que lorsqu’il fut sûr que son librettiste habituel ne pourrait pas participer à la composition. Quoi que soit la raison, le livret et la partition furent tous deux composés en trois semaines. Cette composition rapide fut possible du fait que plus de la moitié de la musique et des vers étaient tirés des intermèdes de la Psyché de Molière de 1671. Cette condensation de l’intrigue constitue un véritable tour de force de la part de Corneille si l’on considère qu’il a réduit les 1800 vers, à peu près, de la Psyché de Molière en 946 vers pour l’opéra de Lully. La complexité et la subtilité des vers en souffrit, évidemment, mais il condensa les vers de sorte que son adaptation, selon le Mercure Galant « surprit tous les auditeurs et luy attira beaucoup de louange11 ». Cependant, les témoignages de cet opéra ne sont pas unanimes et la plupart des critiques ont tendance à le considérer comme un échec. On dit, donc, que c’est seulement parce que pressé par le roi que Corneille accepta de composer un autre opéra l’année suivante, Bellérophon, qui eût un succès incontestable.
Mais la critique du XVIIIe siècle et même certains contemporains de Corneille insistèrent sur le fait que le succès de cet opéra était dû non aux efforts de notre poète, mais à l’aide qu’il reçut de Fontenelle et de Quinault. Boileau annonça dans un article pour le Boloeana (publié en 1740, mais écrit bien avant), que « tout ce qui s’est trouvé de passable dans Bellérophon, c’est à moi qu’on le doit. Lully étoit pressé par le Roi de lui donner un Spectacle : Corneille lui avoit fait un Opéra où il ne comprenoit rien ; il me pria de donner quelques avis à Corneille. Je lui dis avec ma cordialité ordinaire : « Monsieur, que voulez-vous dire par ces vers ? » Il m’expliqua sa pensée. « Et que ne dites-vous cela, lui dis-je ? À quoi bon ces paroles qui ne signifient rien ? » Ainsi l’Opéra fut réformé presque d’un bout à l’autre12 ». Fontenelle, en réponse à cette lettre, prétendît avoir écrit tout le livret. Il inclut également le livret entier de Psyché dans ses Oeuvres sans la moindre mention de la participation de son oncle. Cependant, si les critiques du XVIIe siècle à nos jours sont persuadés de la nullité des livrets de Corneille, pourquoi les amis et les ennemis de ce poète se sont-ils bousculés pour l’honneur d’avoir écrit Bellérophon ? Manifestement on jugeait prestigieux de passer pour le librettiste de Lully.
On s’étonne de découvrir que Corneille n’écrivit pas d’autre livret d’opéra jusqu’en 1693, date de la Médée de Marc-Antoine Charpentier. La raison donnée pour cette retraite est que Corneille se rendit compte de son incompétence dans ce genre. Lecerf de la Viéville raconte que « pour cinq ou six cens Vers que contient [Bellérophon] , Mr de Lîle fut contraint d’en faire deux mille13. » On peut comprendre que la composition de Psyché, en tant que condensation qui ne pouvait que produire une version inférieure à l’originale, était une tâche peu glorieuse et il est possible que Corneille ait trouvé la composition lyrique pénible par rapport à la composition dramatique. Mais ces accusations d’incompétence dans le genre lyrique ne sont que des interprétations subjectives de la disposition de Corneille envers l’opéra. La réalité de la situation est que Corneille ne pouvait plus écrire d’opéras après Bellérophon et jusqu’à la mort de Lully. Car Quinault était rentré en grâce et l’Académie Royale de Musique ne tolérait ni diversité ni concurrence. L’Académie maintint un monopole sur la création lyrique jusqu’à la mort de Lully. Ce n’est qu’après sa mort que les Marais / La Motte, les Destouches / Roy et les Campra / Danchet démocratisèrent la scène. Il était donc naturel que Corneille abandonne le genre lyrique après le retour de Quinault. S’il ne profita pas de l’opportunité de reprendre le rôle de librettiste après la mort de Lully, c’est sans doute parce qu’il avait remporté plus de gloire dans d’autres genres. Quand enfin il retourna au genre lyrique en 1693, c’est seulement, selon les Frères Parfaict, parce que « Charpentier [...] l’eut en quelque manière forcé14 » de le faire.
Après le retour de Quinault, Corneille retourna à sa collaboration avec de Visé au théâtre de Guénégaud. En 1685 il succéda à son frère à l’Académie Française. À partir de ce moment il se détourna de plus en plus du théâtre. Il composa que cinq pièces entre son entrée à l’Académie en 1684 et sa mort en 1709 (y compris l’opéra Médée). Au lieu d’écrire de la littérature dramatique, il s’occupa de plus en plus d’écriture journalistique et académique. Dès 1681 il collabora avec de Visé au Mercure Galant. Il établit une édition critique des Remarques de Vaugelas et collabora au Dictionnaire de l’Académie de 1692. En 1694 il commença son propre Dictionnaire universel géographique et historique en trois volumes. Il acheva ce dictionnaire en 1706 ; il avait entre temps perdu la vue. À la date de publication de son dictionnaire, plusieurs membres de sa famille, y compris son frère, son gendre, sa femme et un de ses fils étaient décédés. Il mourût lui-même trois ans plus tard dans sa maison des Andelys.
La création de Psyché : une réception ambiguë §
Psyché fut représentée pour la première fois le 19 avril 1678 au Palais Royal. Il est difficile d’évaluer son succès. Le peu de témoignages existant ne s’accordent que sur la rapidité de la composition. Mais leur manque d’unanimité sur l’accueil de l’opéra est aussi flagrant que leur manque d’impartialité. Ainsi, Le Mercure Galant nous rapporte que le travail de Corneille sur le livret « luy attira beaucoup de louange15 » et que « les vers n’ont rien qui donne lieu de s’apercevoir de cette précipitation de travail et la beauté de la symphonie et les airs qui entrent dans cet ouvrage fait connoître plus que jamais que M. de Lully ne peut rien produire que de parfait16. » Cependant, quand on songe au rôle que jouait Thomas Corneille dans la publication du Mercure Galant, on a du mal à prendre ces louanges au mot. Les Frères Parfaict, de leur côté, énoncent que « [l] es beautez de la Musique ne purent empêcher qu’on souhaitat un autre opera17. » Ils ajoutent qu’« [o] n ne doit pas s’en étonner [du peu de succès de Psyché] , (cet opera est froid et ne peut guère être meilleur) le fond n’en est pas heureux et Vénus qui fait la diablesse achève de gâter le peu de galanterie qui règne dans ce Poême18. » Là encore, il faut modérer leur mépris en se souvenant que les critiques littéraires du XVIIIe siècle avaient peu d’estime pour les poètes du XVIIe siècle (à l’exception de quelques œuvres choisies de Molière, de Pierre Corneille et de Racine). La critique moderne n’est pas plus unanime. D’un côté, Robert Fajon accuse Thomas Corneille, en tant que librettiste de Psyché, d’être « responsable du seul échec que Lully ait connu auprès du public19 » : quant à Psyché, elle n’est qu’une « parenthèse imposée par le changement de librettiste et les suites de l’affaire d’Isis20. » D’un autre côté, Jérôme de la Gorce dit que Psyché « reçut du public un accueil chaleureux21. » Mais la chaleur de son accueil n’empêche pas que même de la Gorce préfère parler rapidement de Psyché et passer à autre chose.
La popularité de Psyché auprès du public du XVIIe siècle, paraît-il, n’était pas plus durable. Au début, on « courut en foule à ce spectacle. [Mais] cet empressement se rallentit beaucoup dans la suite22. » Puisque le public parisien n’avait pas vu un nouvel opéra depuis la création d’Isis l’année précédente, Psyché attira beaucoup de spectateurs par sa nouveauté. Les recettes et les dates précises des représentations ne nous sont pas parvenues23, mais nous savons, grâce à l’Histoire du théâtre de l’Opéra de Noinville que Psyché ne bénéficia que de deux reprises ; une en 1703 et une autre en 1713. Après cette date, elle ne fut pas reprise jusqu’en 1987 au festival d’Aix en Provence. Thésée, par contre, bénéficia de dix reprises, dont la dernière (avant la publication de l’ouvrage de Noinville pendant les années 1750) était en 1744. Même Isis, qui fit tellement scandale, eut 5 reprises et resta dans le répertoire de l’Académie Royale de Musique jusqu’en 1732. De plus, Psyché ne bénéficia pas d’une création à la cour, même si ce désavantage doit plus à l’humeur du roi qu’aux défauts de l’opéra. Ce qu’on peut dire de notre opéra c’est que de tous les succès opératiques de Lully, (car, contrairement à ce que dit Fajon, tous les opéras de Lully étaient des succès) Psyché fut le moins retentissant.
Synopsis §
Prologue §
Flore, Vertumne, Palemon et les divinités de la terre et des eaux chantent pour célébrer les plaisirs de la paix et demandent à Vénus de descendre sur terre. Mais celle-ci est en colère contre Psyché qui a détourné les mortels de ses autels. Au lieu de couronner les fêtes, Vénus charge l’Amour, son fils, de la venger.
Acte 1 §
1. Les sœurs de Psyché, Aglaure et Cidippe, anticipent l’heure du sacrifice où Psyché fera des offrandes à Vénus pour apaiser sa colère et mettre fin aux assauts du serpent qui ravage le royaume.
2. Lychas annonce qu’au lieu d’offrir un sacrifice à Vénus, Psyché sera elle-même le sacrifice et qu’elle seule l’ignore. Aux pleurs de ces trois personnages s’ajoute la « plainte italienne ».
3. Psyché arrive et accueille avec perplexité la tristesse des autres. Ces derniers ne l’éclairent pas, mais fuient devant l’arrivée du Roi.
4. Le Roi annonce que Psyché doit être la victime du sacrifice. Psyché se précipite sans hésitation sur l’autel, malgré les protestations de son père. Elle est enlevée par les zéphyrs.
Acte 2 §
1. Vulcain presse sa bande de Cyclopes d’achever le palais que l’Amour fait construire pour Psyché.
2. Zephire s’interroge sur les progrès de Vulcain et lui conseille de concentrer son énergie dans le service de l’Amour, et non contre sa femme, dont il est ravi de servir la rivale.
3. Vénus exprime son étonnement de voir son mari travailler contre elle. Il répond qu’il travaille pour son fils, et que même si c’est une trahison, elle est petite comparée aux infidélités de Vénus. Vénus se retire en méditant sur la manière de punir son fils.
4. Psyché se réveille et voit le superbe palais.
5. L’amour et une troupe de Nymphes et de Zéphyrs annoncent à Psyché que c’est un crime pour une fille aimable de ne pas aimer. Psyché demande qui ils veulent qu’elle aime. Ils l’informent qu’elle est aimée d’un dieu. Elle répond qu’elle veut le voir.
6. L’Amour se montre à Psyché sous une forme mortelle. Ils se déclarent leur amour, et l’Amour annonce avec regret que le voir c’est le perdre. Suit un divertissement où les nymphes chantent les appas de l’amour et de la jeunesse.
Acte 3 §
1. Vénus admire avec jalousie le palais de Psyché et jure de se venger.
2. Psyché entre sans voir Vénus et se plaint d’ignorer l’identité de son amant. Vénus, déguisée en nymphe, donne à Psyché un moyen de découvrir cette identité.
3. Psyché voit que c’est l’Amour qui l’aime. Elle exprime sa joie. Mais la lampe que lui a donné Vénus pour voir l’Amour brille trop fort et réveille l’Amour. Il fuit, et le palais disparaît avec lui, laissant un désert affreux.
4. Psyché se lamente sur sa funeste curiosité.
5. Vénus se révèle à Psyché et vient la persécuter dans sa disgrâce. Elle dit que la seule manière de fléchir sa haine est de lui ramener des enfers la boîte dans laquelle Proserpine garde ses attraits.
6. Psyché, désespérée, se précipite dans un fleuve.
7. Le dieu du fleuve l’empêche de se noyer, la console, et la conduit aux enfers.
Acte 4 §
1. Tout affreux que soient les enfers, Psyché n’y trouve aucun malheur égal à ses tourments, et donc poursuit en quête de la boîte de Proserpine.
2. Les trois Furies viennent épouvanter Psyché, mais sont finalement domptées par sa constance et sa résolution.
3. Les deux Nymphes de l’Acheron confient à Psyché la boîte de Proserpine.
Acte 5 §
1. Psyché commence à reprendre espoir, mais craint que ses malheurs aient diminué ses attraits. Elle ouvre, donc, la boîte de Proserpine, et s’évanouit à cause des vapeurs qui en sortent.
2. Vénus se réjouit de son triomphe et rappelle Psyché au jour pour s’en vanter devant elle.
3. Mercure descend et informe Vénus que le destin de Psyché est entre ses mains, mais que l’Amour s’est aigri face au comportement de sa mère et qu’il a rempli le monde de guerre et de haine. Il la supplie d’épargner Psyché pour restaurer la paix sur terre.
4. Vénus proteste qu’il serait folie de promettre une mortelle à un dieu, alors Jupiter descend sur terre et rend Psyché immortelle. Le courroux de Vénus est fléchi et Psyché et l’Amour sont réunis au ciel. Pour célébrer cette fin, Apollon, Bacchus, Mars et Mome font un grand divertissement pour honorer la puissance de l’Amour
Les sources : la Métamorphose de Psyché en genre théâtral §
En considérant l’intrigue, on voit que Psyché est une adaptation très libre de la fable originale, et même de la pièce de Molière dont elle est inspirée. La divergence entre la fable et l’opéra s’explique en partie par les exigences du genre, puisque Corneille à la suite de Molière a converti un conte écrit en genre théâtral. Mais il y a également des modifications de l’ordre de l’intrigue, dues à la bienséance. Il ne faut pas lire beaucoup de la source antique, L’Ane d’or d’Apulée, pour voir pourquoi les poètes classiques ont dû modifier l’intrigue. Le conte de Psyché est inséré dans la vaste histoire de Lucius, qui, par accident, se trouve transformé en âne par la servante de son hôte, qu’il a séduite. Cette servante cherche à plaire à son amant en l’initiant aux mystères de la magie que pratique sa maîtresse, mais elle fait une erreur et transforme son amant en âne. On voit déjà que le ton de ce récit erre entre l’absurde et le paillard. Quant à l’histoire de Psyché elle-même, quoique enchâssée dans une autre histoire, assez sanglante, de l’enlèvement d’une jeune fille noble par des bandits (la cuisinière des bandits raconte l’histoire de Psyché à la jeune fille pour la calmer), elle est bien plus restreinte que les autres contes de L’Ane d’or. Mais elle est quand même loin de respecter les bienséances de l’époque classique.
Le public pour lequel écrivait Apulée lui permettait une liberté d’expression dans les questions de curiosité sexuelle que les goûts de la France classique ne permettaient pas. Dès le début du conte d’Apulée, Psyché montre une curiosité envers les relations amoureuses qui est omise dans les versions classiques :
Psyché, avec toute son éclatante beauté, ne recueille aucun avantage de son charme. ... On admire, sans doute, son air de déesse, mais comme tout le monde admire une statue habilement ciselée. ... Mais Psyché, vierge, sans mari, reste à la maison et pleure la solitude où elle est abandonnée, malade, profondément malheureuse, et des nations entières ont beau être unanimes à vanter sa beauté, elle, elle la déteste24.
Cependant, dans la tragédie-ballet de Molière, Psyché a « une foule d’amants attachés à ses pas25 » auxquels elle résiste très chastement. De même, dans l’opéra de Th. Corneille, Psyché résiste à l’amour. Dans le premier acte, ses sœurs remarquent avec étonnement qu’elle n’aime pas. Et même dans le palais de l’Amour, quand on l’informe que « lors qu’on est aimable, / C’est un crime de n’aimer pas26 », elle proteste, demandant si c’est vraiment nécessaire. Elle demande également, « qui me veut-on faire aimer27 », comme si l’idée d’aimer ne lui était jamais venue à l’esprit et ne pouvait venir que par force. Ce point semble peut-être mineur et banal. Mais le fait de supprimer la curiosité amoureuse de Psyché est nécessaire pour maintenir ses qualités héroïques. La tragédie-ballet de Molière nous montre, à travers les personnages d’Aglaure et de Cydippe, que la curiosité est indigne d’une héroïne, et qu’elle aurait fait de Psyché un personnage comique. Par contraste avec la chasteté de Psyché, ses sœurs trouvent qu’elles pourraient « rechercher [la] tendresse [des deux prétendants que Psyché va refuser] / Sans se faire déshonneur28 ». Ce qui est plus intéressant, c’est qu’elles blâment les mœurs de l’époque pour leur comportement :
De tout ce noble orgueil [qu’est un comportement chaste] qui nous seyait si bien,On est bien descendu dans le siècle où nous sommes,Et l’on en est réduite à n’espérer plus rien,A moins que l’on se jette à la tête des hommes29.
Elles ont beau blâmer la moralité contemporaine, la quantité de prétendants qu’attire leur sœur sans « se jetter à la tête des hommes » montre que leur observation est un prétexte hypocrite pour deux filles méchantes et désespérées. Et ce n’est pas le seul effet de contraste avec la chasteté de Psyché qui rend Aglaure et Cidippe ridicules. Elles sont également comiques, comme c’est souvent le cas dans les pièces de Molière, par leur décalage par rapport aux mœurs de l’époque. Quand elles parlent du « siècle où nous sommes » elles parlent du XVIIe siècle bien que la pièce se passe dans l’antiquité. Car elles sont jugées par un public du XVIIe siècle et elles ont été conçues pour convenir aux goûts de ce public (ou, dans ce cas, ne pas convenir, puisqu’elles sont des antagonistes comiques). Tout l’univers moral de la France classique est transposé dans l’esthétique antique de la pièce. Cette transposition rend possible un jugement du comportement des personnages par le public du XVIIe siècle. Ce fait explique pourquoi dans la version de Thomas Corneille, où les sœurs de Psyché ne sont pas des antagonistes jalouses, Corneille n’a pas pu rétablir la curiosité de la Psyché d’Apulée. Elle serait devenue ridicule voire même un objet de scandale (car c’est seulement parce qu’elles sont ridicules qu’on accepte les défauts comiques des sœurs de Psyché sur la scène) si sa curiosité avait été rétablie. Un tel manque de bienséance est incompatible avec la conception de l’héroïne dramatique du XVIIe siècle.
Un évènement bien plus choquant dans le conte d’Apulée est le mariage clandestin entre Psyché et l’Amour. Pendant la première nuit de Psyché dans son nouveau palais, l’Amour monte dans le lit et « fait de Psyché sa femme30 ». Apulée poursuit, « [e] t cela se continua pendant longtemps. Et, comme le veut la Nature, la nouveauté, par l’effet d’une longue habitude, était devenue du plaisir31 ». En effet, cela continue pendant plusieurs mois. Psyché est visiblement enceinte quand elle invite ses sœurs qui, de jalousie, la persuadent d’assassiner son mari. C’est dans cette tentative de meurtre que Psyché voit son mari pour la première fois, et tombe amoureuse de lui, en examinant ses dards et en se piquant par accident. Effectivement, elle est contente de rester pendant des mois avec un homme qu’elle ne connaît pas et n’aime pas. Elle n’est retenue que par le confort de son abri et le plaisir de ses rapports sexuels avec son amant mystérieux. Ce comportement est encore indigne d’une héroïne théâtrale. On imagine mal une héroïne comme la Psyché d’Apulée sur la scène avec les Chimène et les Emilie, si soucieuses non seulement de leur propre gloire mais de celle de leurs maris. Mais la gloire mise à part, il y a beaucoup d’autres aspects de cette situation qui peuvent choquer.
Le plus important est que le mariage entre Psyché et l’Amour n’est reconnu d’aucune institution, ni l’État, ni l’Église, ni même par la volonté des parents. Dans la version d’Apulée, le sacrifice de Psyché est présenté comme un mariage par l’oracle : « Sur un rocher, tout au sommet du mont, va, roi, exposer ta fille, soigneusement parée pour un hymen funèbre32. » Dans ce sens, il est possible de dire qu’elle est donnée à son mari avec le consentement de ses parents. On ne peut pas dire de même pour l’Amour. Psyché n’est pas acceptée par sa belle mère jusqu’à l’intervention de Jupiter à la fin du conte. À la rigueur, on peut dire que l’autorité de Jupiter remplace celle de tous les pères et rend le mariage de Psyché et de l’Amour légitime. Mais ce n’est pas suffisant pour les écrivains ou les spectateurs de la période classique. Molière et Thomas Corneille préfèrent que Psyché et l’Amour ne se marient pas clandestinement.
Dans la tragédie-ballet de Molière, ils se font la cour et font tout pour obtenir le consentement de Vénus et des dieux. De cette manière, une situation triviale est transformée en une situation typiquement comique. Psyché, comme les couples amoureux de maintes comédies, doit combattre l’inflexibilité des parents pour obtenir la main de son amant. Sa manière est moins rusée que dans les comédies, mais le combat est le même : celui d’une amante sensible contre un parent têtu, qui ne voit pas le bon sens du mariage heureux. Ses ennemis sont ses sœurs (dont nous avons déjà vu les défauts comiques) et Vénus, qui, quoique déesse de l’amour et de la douceur, se montre plus redoutable que les furies en colère. Molière, donc, contourne le problème d’une liaison triviale en adaptant la situation au nouveau genre qu’il impose. Sur la scène, l’action est trop condensée pour admettre un mariage clandestin et plusieurs mois de grossesse. En faisant de sa pièce la quête pour le consentement de la belle mère, Molière rend à Psyché l’innocence qu’exigent les mœurs de son époque et évite de représenter sur scène les « conséquences » du mariage.
Mais la Psyché de Thomas Corneille est moins innocente et plus héroïque. L’opéra exige une vertu plus éclatante de ses héroïnes que la simple innocence et le bon sens des héroïnes de la comédie. Par conséquent, la notion du mariage clandestin est à moitié restaurée. La prophétie qui annonce le sacrifice de Psyché dans cet opéra est la seule des trois versions qui n’établit aucun lien entre le sacrifice et l’hyménée :
Vous allez voir augmenter les mal-heursQui vous ont cousté tant de pleurs,Si Psyché sur le Mont pour expier son crime,N’attend que le Serpent la prenne pour Victime33.
On perd, donc, la notion que Psyché est donnée en hyménée. On se concentre plutôt sur ses qualités héroïques, car Psyché est la seule à ne pas craindre le sacrifice. La Psyché de l’opéra de Corneille ressemble plus à l’autre grande héroïne de l’opéra, Alceste, qu’à la Psyché de Molière. Dans L’Alceste de Lully, Admète, le roi de la Thessalie est blessé à la bataille juste avant son mariage avec Alceste. Apollon descend et déclare que la vie du roi sera restaurée par le sacrifice volontaire d’un de ses sujets. Mais personne ne se présente, ni son père, ni ses amis. Alceste, finalement, se sacrifie pour son mari. On voit un scénario semblable dans Psyché. Les sœurs de Psyché n’ont même pas « la force de parler34 » pour lui annoncer qu’elle doit être immolée à Vénus. Quant à son père, il a la force de prononcer le décret, mais il implore sa fille de garder la vie. Seule Psyché a le courage de se sacrifier pour mettre fin à la colère des dieux. La Psyché de Molière est héroïque aussi, mais puisque l’oracle de la tragédie-ballet établit le sacrifice comme analogie avec la fille donnée en mariage, le sentiment est moins héroïque. Puisque la notion de mariage est absente de son sacrifice, la Psyché de Corneille se comporte plus comme un héros qui fait son devoir que comme une jeune femme qui découvre la vie de mariée. Mais puisque cette Psyché n’est pas donnée par son père, même métaphoriquement, elle semble moins chaste. En représentant Psyché de manière particulièrement héroïque, Thomas Corneille confère une indépendance inquiétante à un personnage féminin.
La scène qui a subi peut-être le plus grand changement au cours de son adaptation est la scène d’« illumination » où Psyché découvre l’identité de son amant. Comme nous l’avons signalé, cette scène commence comme une tentative de meurtre de la part de Psyché contre son mari qu’elle croit monstre, à cause des conseils de ses sœurs jalouses. C’est avec le poignard en main que Psyché découvre l’identité de son mari et en tombe amoureuse. Mais, trop occupée à embrasser l’objet de sa flamme, elle laisse tomber une goutte d’huile de sa lampe brûlante et réveille son mari. Le dieu est à la fois réveillé par l’excès d’ardeur de sa femme (au sens figuré) et l’excès d’ardeur de la lampe (au sens propre : chaleur et lumière). Dans la version de Molière, il n’y a rien de secret ou de criminel. Il n’y a certainement pas une Psyché « enflammée, à chaque instant davantage, de désir pour l’Amour, » qui « se penche sur lui, pleine de passion, [et] lui donne, aussi vite qu’elle peut, des baisers ardents35. » Selon Molière, Psyché demande ouvertement son identité à son mari et il la lui révèle, l’ayant prévenue que le connaître c’était le perdre. Mais ce sont néanmoins les sœurs qui sont responsables d’avoir excité sa curiosité. L’épisode où Psyché doit subir les châtiments de Vénus est un épisode à part. C’est en perdant son bonheur que Psyché se rend compte de sa faute (c’est à dire d’avoir pris plaisir dans l’adoration des mortels et des dieux). C’est seulement à ce moment qu’elle se rend à Vénus pour être punie de sa témérité. Sur ce point repose la plus grande différence entre la tragédie-ballet de Molière et l’opéra de Thomas Corneille.
Dans l’opéra de Th. Corneille, on n’oppose pas la jalousie des mortelles et la fureur des dieux. On oppose plutôt la constance de Psyché à la jalousie de Vénus. C’est Vénus qui conspire contre Psyché dès le début, qui utilise sa curiosité contre elle, et qui, l’ayant fait tomber en disgrâce, lui commande de lui ramener les attraits de Proserpine des enfers. Dans les versions d’Apulée et de Molière, cette dernière quête est nécessaire pour prouver la piété de Psyché, et pour racheter la faveur de la déesse. Mais dans l’opéra, Vénus est déjà responsable de la disgrâce de sa rivale. Tout autre châtiment n’est rien que cruauté. Psyché, donc, ne doit plus rien à Vénus. Sa soumission est un geste de générosité magnifique, motivée par une constance tout à fait extraordinaire. Dans ce sens, sa constance est presque égale en force à la jalousie de Vénus. De cette manière, Corneille insiste sur l’héroïsme de Psyché, en représentant sa constance comme inébranlable en face des châtiments d’un être à qui elle ne peut être qu’inférieure.
Mis à part le rôle de Vénus, la représentation de la scène d’illumination marque un retour à l’intrigue d’Apulée par rapport à la version de Molière, grâce à un système de représentation allégorique qui n’était pas possible dans la tragédie-ballet. Comparons de plus près les scènes d’illumination d’Apulée et de Corneille. Dans la version de Corneille, Psyché ne fait pas là une tentative de meurtre et son crime est inspiré par Vénus et non pas par ses soeurs. Mais Corneille restaure la présence de la lampe que Molière avait supprimée. Dans Apulée, la lampe est symbole de l’ardeur qui consume Psyché, et son excès d’ardeur finalement se fait voir et sentir par la lampe.
Mais, tandis que, tout émue par cet immense bonheur, Psyché s’abandonne, le coeur défaillant, la lampe, soit abominable perfidie, soit envie criminelle, soit qu’elle connût aussi le désir de toucher un corps si beau et, en quelque sorte, de lui donner un baiser, laissa tomber du bout de sa flamme une goutte d’huile bouillante sur l’épaule droite du dieu36.
Dans l’opéra de Corneille, c’est toujours la lampe qui trahit Psyché, mais ce n’est pas l’huile qui tombe sur l’Amour qui le réveille (il serait trop difficile de montrer une petite goutte d’huile sur scène). Au lieu de cela, c’est l’éclat de sa lumière qui réveille le dieu. Cette lumière fonctionne sur deux niveaux : d’abord dans le sens qu’annonce Vénus ; le sens d’être éclairé par la connaissance. Vénus dit, en donnant la lampe à Psyché :
Entrez, c’est dans ce lieu que vostre Amant repose,Goûtez le plaisir de le voir.Cette Lampe que je vous laissePeut servir à vous éclairer37.
L’éclat de la lampe représente aussi l’excès d’ardeur (qui cause un excès de lumière). Cette lampe, après tout, vient de Vénus, déesse de la douceur et de la volupté amoureuse. Cette lampe brûle, donc, avec la passion qu’inspire cette déesse. Mais c’est une ardeur corporelle. Psyché, cependant, représente l’âme. Nous sommes à une époque où la croyance que le corps et l’âme sont séparés est acceptée. Psyché, se trouve séparée et, en quelque sorte, ignorante de l’intensité de la lampe qu’elle tient. Si elle parle d’une « prompte ardeur / Qu’il [l’Amour] a si vivement fait naistre dans [son] coeur, » c’est l’ardeur innocente de l’âme. C’est la musique qui nous montre la séparation de l’ardeur spirituelle de Psyché et l’ardeur terrestre de la lampe. Psyché, perdue dans sa joie, chante pour la troisième fois, « Si le plaisir d’aimer est un plaisir extréme, / Quels charmes n’a-t’il pas quand c’est l’Amour qu’on aime ? » et elle est bouleversée quand son air est interrompu par la basse qui se module dans le relatif mineur, et elle termine aussitôt son air pour chanter en récitatif « Mais quel brillant éclat se répand en ce lieu ? ». L’effet inattendu de la musique (au lieu d’un effet de crescendo au cours de la scène) et le peu de cohésion entre Psyché (chantant en Fa majeur) et la lampe (qui provoque le récitatif en Ré mineur) montre la séparation de ces deux éléments. Cet effet de représentation allégorique permet une représentation de la scène d’illumination plus fidèle à la scène originale d’Apulée. Cette technique est particulièrement pratique sur le plan dramatique. En concentrant l’envie terrestre dans un objet extérieur, Corneille est capable de montrer sur scène l’éclat d’une ardeur brûlante sans mettre en scène une jeune fille « pleine de passion » qui donne des « baisers ardents ».
Il reste un élément qui vient à la toute fin du conte d’Apulée et qui est supprimé des deux adaptations théâtrales de Psyché. Selon Apulée, Psyché et l’Amour ont une fille. Ce « doux gage de leur amour38 », pour employer la phrase de La Fontaine, est la Volupté. La Fontaine est le seul auteur du XVIIe siècle à maintenir l’épisode de la naissance de la Volupté. Il va même plus loin qu’Apulée, car tandis que ce dernier dit seulement qu’« il leur [à l’Amour et Psyché] naquit une fille, que nous nommons Volupté39, » La Fontaine termine Les Amours de Psyché et de Cupidon avec un « hymne de la Volupté ». Cependant, la naissance de la Volupté comme fruit de l’amour de Psyché et l’Amour n’est pas mentionnée dans le Dictionnaire de Moreri. Celui-ci, en tant que religieux, ne voulait sans doute pas associer l’âme et la volupté. Il associe la volupté avec Alecton, la troisième furie40. Si la volupté est mal vue aux yeux des religieux et des moralistes du XVIIe siècle, il est peu probable qu’elle ait pu épouvanter les habitués de l’opéra. Cependant, il y a des raisons bien plus pratiques pour la supprimer d’une adaptation théâtrale de la fable de Psyché. Il est impossible dans le théâtre classique qu’une femme conçoive et accouche dans la même pièce. Même si Molière et Corneille avaient décidé de maintenir les rapports sexuels entre l’Amour et Psyché, ils n’auraient jamais pu faire durer la pièce pendant neuf mois pour montrer la naissance de la Volupté. Il est donc naturel que cette naissance soit supprimée, mais pour des raisons pratiques plus que morales.
Cependant, s’il n’y a pas de personnage qui représente la Volupté dans les pièces de Molière et de Thomas Corneille, faut-il dire qu’ils ont supprimé la volupté en tant que thème ? Surtout dans un genre comme la tragédie en musique qui parle presque incessamment du plaisir, il est difficile d’imaginer comment Corneille aurait pu résister à représenter la volupté sous une forme ou une autre. Si sa naissance sur scène est peu pratique, la manière dont Corneille a construit la scène d’« illumination » montre qu’il y a des manières plus subtiles de représenter des actions qui sont peu réalisables sur scène. Dans le cas de la volupté, elle se trouve évoquée (et modérée) par un sous-genre plutôt que par un objet ; elle règne sur le divertissement.
Une analyse de la structure du divertissement qui clôt l’opéra illustre le fonctionnement et les limites de cet éloge du plaisir. Pour célébrer les noces de Psyché et l’Amour, Apollon convoque une énorme troupe de divinités. Le choeur chante la toute-puissance de l’Amour. Ensuite Bacchus, Mome, Mars et Apollon avouent tour à tour leur impuissance relative face à l’Amour. Mais la suite d’Apollon termine l’éloge. Les muses chantent :
Gardez-vous, Beautez severes,Les Amours font trop d’affaires.Craignez toûjours de vous laisser charmer.
Dès ce moment, on oublie la puissance de l’Amour, et les dieux qui viennent de chanter son pouvoir font l’éloge de leurs propres éléments. Bacchus fait l’éloge du vin. Son nourricier Silène commence une entrée bouffonne avec deux satires. Les douceurs parfaites qu’ils trouvaient jadis dans l’amour sont maintenant, à leurs avis, cachées « au fonds des Pots. » Mome fait l’éloge de la raillerie. Mars, quoiqu’il « Cherch[e] de doux amusements, » trouve bon de « Mesl[er] l’image de la Guerre / Parmy les Jeux les plus charmants. » Il ne faut donc pas prendre trop au sérieux ce qui est dit dans les divertissements. Si on y trouve souvent des paroles fades et légères comme, « L’ardeur d’une flâme constante / Est bientôt languissante, / Veut-on d’agreables amours ? / Il faut changer toujours41, » c’est que ces paroles sont chantées par des bergers et non des philosophes. Ce que chantent les bergers leur convient, mais ces maximes ne sont nullement des vérités universelles. Dans un divertissement où les entrées sont chantées par des divinités il n’y a pas plus de sagesse. Car les dieux sont des êtres symboliques. Ils représentent un élément et comprennent tout par rapport à l’élément qu’ils représentent. La superficialité de leurs éloges montre la superficialité de ce qu’ils louent. Car ils louent tantôt l’amour, tantôt le vin, tantôt la galanterie, mais il n’y a pas d’unité ni profondeur dans ce qu’ils louent. L’ensemble est, comme le genre le demande, divertissant, mais sans plus.
Mais ce divertissement en particulier n’occupe qu’un niveau de la scène. Il est encadré, en quelque sorte, par l’intrigue principale de l’opéra et plus particulièrement par le mariage de Psyché et l’Amour. Depuis le début du divertissement, ce couple est monté sur la gloire* avec Vénus et Jupiter. Le plaisir, donc, est divertissant, mais l’amour spirituel (représenté par l’âme, c’est-à-dire Psyché, et l’Amour mariés) est littéralement et allégoriquement, au dessus de tout cela.
Comment lire un livret d’opéra §
L’idée de considérer un livret d’opéra comme une œuvre littéraire n’est venue à l’idée des critiques littéraires qu’assez récemment. La critique littéraire a souvent eu tendance à ignorer les livrets d’opéras des poètes célèbres du XVIIe siècle. La raison précise de ce désintérêt n’est pas certaine. Il est possible que, intimidée par les divers composants de l’opéra, la peinture, la danse et surtout la musique, la critique littéraire se soit sentie incapable d’analyser le fonctionnement de ce genre. Cependant, le théâtre déclamé est, lui aussi, un genre mixte qui ne peut être entièrement dissocié des conditions matérielles de sa représentation. Plus probable est l’idée que la critique littéraire, dans sa volonté de systématiser le théâtre classique, proscrit l’opéra parce qu’il ne s’accorde pas avec le système qu’elle a dressé. Cette hypothèse expliquerait le mépris avec lequel on a tendance à considérer la poésie de l’opéra. On lui reproche de manquer de subtilité et d’être remplie de clichés. Mais l’opéra n’appartient pas au même système poétique que le théâtre. Le théâtre est un art rhétorique tandis que l’opéra, qui n’a pas le temps de mettre de si longs et complexes discours en musique, dépend d’un système poétique plus sensuel et évocateur. C’est pourquoi Rousseau dit : « Donnez donc au Musicien beaucoup d’images ou de sentiments & peu de simples idées à rendre : car il n’y a que les passions qui chantent ; l’entendement ne fait que parler42. » Si l’opéra ne fonctionne pas selon les règles du théâtre classique, il ne faut pas croire qu’il n’obéit à aucun système. Au contraire, l’opéra classique est inspiré par la dramaturgie classique. S’il adhère à un ensemble différent d’unités et à une autre conception de la vraisemblance (car l’opéra à l’époque classique traite, par définition, des sujets merveilleux), il partage avec le théâtre classique le dessein de convaincre le spectateur de la vérité de ce qu’il voit. Dans les termes de Catherine Kintzler, l’opéra classique représente « une familière étrangeté » par rapport au théâtre classique43.
Considérons d’abord le livret d’opéra sous son aspect matériel. Comment le considérait-on, à quoi servait-il et quelle place occupait-il dans l’imprimerie du XVIIe siècle ? Constatons d’abord que la poésie occupe aujourd’hui une place beaucoup plus basse sur l’hiérarchie des arts composants de l’opéra qu’au XVIIe siècle. Nous sommes habitués de nos jours à écouter des opéras dans des langues étrangères avec des traductions anonymes, et en prose. Nous avons tendance à considérer que les subtilités de l’opéra sont plutôt illustrées et élaborées par la musique et non par la poésie du livret. Mais l’approche du public français au XVIIe siècle n’était pas du tout la même. Selon le Petit Robert, le terme « livret » ne désigne le texte d’un opéra qu’à partir de 1822. On appelait le texte de la tragédie lyrique tout simplement une tragédie (ou pastorale ou même comédie, selon le genre de l’opéra) exactement comme pour le théâtre non-lyrique. Cette étymologie montre qu’au XVIIe siècle, le texte était aussi important pour l’interprétation de l’opéra que pour le théâtre déclamé. Quand Mazarin introduisit l’opéra italien en France, les Français furent ennuyés par les récitatifs qu’ils jugeaient interminables, surtout parce qu’ils ne comprenaient pas les paroles. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle, après que des compositeurs comme Rameau et Gluck ont fait de l’opéra un genre d’abord musical et ensuite littéraire que le public français est devenu sensible aux charmes de l’opéra en langue étrangère. Mais à la date de création de Psyché, on considérait toujours les opéras comme des œuvres plus théâtrales que musicales.
Les spectateurs achetaient donc les livrets pour suivre le spectacle et pour comprendre toutes les paroles chantées. Mais le livret n’existait pas seulement pour se substituer aux surtitres d’aujourd’hui. Le soin avec lequel certains spectateurs ont conservé les livrets en recueils prouve qu’on lisait et relisait les paroles comme pour les pièces de théâtre. Dès 1703 Christophe Ballard a même publié un Recueil Général des livrets d’opéra pour permettre à ceux qui n’avaient pas pu assister aux créations des opéras de lire les poèmes. Qu’il y ait eu un marché pour les 11 tomes de ce recueil atteste la popularité de la lecture de livrets. Pour parler en des termes plus concrets, nous savons que Christophe Ballard devait payer 1 000 livres à Lully et 1650 livres à Quinault pour le droit d’imprimer le livret de Thésée pendant 10 ans44. Puisqu’il vendait ces livrets à 15 sols (un livre valait vingt sols), il fallait vendre à peu près 2 000 exemplaires pour couvrir les frais payés à Lully et Quinault, en ne tenant même pas compte des frais d’impression. Or, nous savons également qu’il a vendu 2 150 exemplaires pour le Ballet de la Jeunesse de Dancourt et Lalande, qui est une œuvre dont la renommée est très faible en comparaison avec Thésée. Puisque Thésée était le plus grand succès de Lully, on peut facilement imaginer que Ballard a vendu au delà de 3 000 exemplaires du livret.
Quelle est la cause de cette immense popularité ? Si l’on se fie aux propos de Jacques Scherer, c’est la « passion du spectacle » qu’avaient les spectateurs du XVIIe siècle45. L’opéra classique éblouit le spectateur par les changements de scènes, combats, danses, fêtes et musique dont il est composé. Mais Scherer introduit son idée de la passion du spectacle comme un obstacle à l’unité de lieu. Et l’opéra classique a souvent été critiqué pour ne pas obéir aux règles du théâtre classique. Or il se considérait comme un genre régulier ; une avancée par rapport aux comédie-ballets et pièces à machines qui mêlaient la déclamation et la musique. Les recherches récentes de Catherine Kintzler et de Laura Naudeix montrent que l’opéra classique obéit à un système de règles aussi strict que le théâtre classique. Un système différent, certes, adapté au monde fabuleux qu’il représente, mais un système fondé sur les mêmes principes que le théâtre classique.
Le principe fondateur du théâtre classique est, rappelons-le, la vraisemblance. Les concepts d’unités et de bienséance furent introduits pour la maintenir. Afin d’être touché par le spectacle, le spectateur était censé se croire témoin d’une véritable action. Par conséquent, rien dans l’action ne devait le faire douter de ce qu’il voyait. Or, on entend les mêmes propos chez Mably, un défenseur de l’opéra, passionné mais doué d’esprit critique :
Quoique l’Opera soit le pays de Fées, il faut encore y adopter l’unité de lieu. [...] Jamais je n’ai pû voir Isis sans être aussi fatigué du Spectacle que si j’avais été de toutes les courses de cette Déesse ; & lorsqu’Armide abandonne l’isle enchantée du seconde Acte, & qu’elle ordonne aux Démons de la transporter avec son Amant au bout de l’univers, je suis tout surpris de m’y trouver avec eux. La vraisemblance est blessée. Je suis obligé de raisonner & c’est un coup mortel pour l’illusion qu’un raisonnement. Un Poëte doit me ravir l’usage de mon esprit & de mes sens, pour ne m’occuper que de mes passions46.
On s’étonnerait, peut-être, de voir que ce n’est pas l’intervention divine ou l’art magique qui blesse la crédulité des spectateurs, mais le fait que ces divinités et magiciens débordent les limites de la scène. Mais pourtant, il n’est pas moins surprenant de voir Néron et Agrippine, personnages historiques, débattre sur une scène contemporaine. La vraisemblance classique, on le constate, repose sur son contexte ; généralement historique pour le théâtre, et merveilleux pour l’opéra. Mais quel que soit le contexte, le principe de la vraisemblance a le même rôle. À l’opéra comme au théâtre le spectateur ne doit pas pouvoir faire de « raisonnements. »
Par conséquent, l’opéra comme le théâtre a un système de règles pour maintenir cette vraisemblance merveilleuse. Mais il ne respecte pas toujours les mêmes unités que le théâtre classique. Quand Mably critique le manque d’unité de lieu dans Isis et Armide, il suggère que ces opéras sont aberrants par rapport aux autres opéras de l’Académie Royale de Musique. Et pourtant, une véritable unité de lieu serait ennuyeuse sur scène et n’existe dans aucun opéra classique. Même dans Atys, l’opéra qui ressemble le plus au théâtre, il n’y a pas de véritable unité de lieu. Le premier acte se déroule près d’une montagne consacrée à Cybèle, le deuxième dans le Temple de cette déesse, le troisième dans le palais du Grand Sacrificateur, le quatrième dans le palais du Fleuve Sangar, et le cinquième dans un jardin. Mais on remarque que ces lieux sont tous près les uns des autres. Il n’y a aucun besoin de se déplacer « au bout de l’univers ». Surtout, on ne voit pas un personnage parcourir une énorme distance sans quitter la scène. Les changements de lieu entre les actes, donc, ne violent pas l’unité de lieu de l’opéra, parce que les personnages ont le temps d’aller d’un lieu à l’autre pendant les entr’actes. L’opéra partage donc avec le théâtre l’idée de temps élastique pendant les entr’actes. Le temps de voyage entre les lieux de deux actes peut occuper plusieurs heures, même si l’entr’acte ne dure qu’un quart d’heure.
L’opéra adopte plus ou moins complètement la conception du temps du théâtre. Le temps est élastique pendant les entr’actes, mais garde un rapport strict avec le temps réel pendant que les personnages sont sur la scène. L’opéra s’efforce de maintenir la règle des 24 heures. Psyché, donc, après avoir été trompée par Vénus, déclare, « Douces, mais trompeuses délices ! / Deviés-vous commencer et finir en un jour47 ? » Loin de considérer le respect de la règle des 24 heures comme une contrainte, on l’exploite pour varier les effets d’éclairage. Au début de l’acte III, Vénus dit, « Désja la nuit chasse le jour. / Qu’il ne revienne point avant que je me vange.48 » Effectivement, elle se venge quelques minutes après. Le reste de l’opéra se passe pendant la nuit. Psyché est très rapidement transportée aux enfers pour l’acte IV, où elle nous apprend que « Ces lieux qui de la Mort sont le triste séjour / Ne reçoivent jamais le jour, / L’horreur en est extrême. » De même, on peut deviner que l’acte V se passe encore pendant cette nuit. Si on n’en parle pas pendant l’acte, Apollon chante dans le divertissement qui clôt l’opéra :
Les Plaisirs ont leur tour,C’est leur plus doux usage,Que de finir les soins du jour ;La Nuit est le partageDes Jeux & de l’Amour49.
Dans l’ensemble, on peut imaginer que l’action de l’opéra commence dans l’après midi et finit vers minuit. Mais quand on songe que Psyché voyage de son royaume jusque dans son nouveau palais dans les cieux, aux enfers, et dans les jardins de Vénus, on trouve qu’elle parcourt des distances considérables en près de 12 heures50. Des tels voyages sont possibles grâce, en partie, à une conception particulière de l’espace.
L’opéra, en tant que descendant du ballet de cour, a un fonctionnement symbolique que le théâtre ne partage pas. Par conséquent, le lieu de l’action a souvent autant de valeur symbolique que les personnages qui y jouent. Par exemple, dans la fameuse scène des songes d’Atys, Atys s’endort et « Le Théâtre change, et représente un Antre entouré de pavots et de ruisseaux, où le Dieu du Sommeil se vient rendre, accompagné des Songes agréables et funestes51. » Après un cauchemar, Atys se réveille et « le Sommeil et les Songes disparaissent avec l’antre où ils étaient, et [il] se retrouve dans le même Palais où il s’était endormi52. » Dans cette situation, il y a deux changements de scène au milieu de l’acte, sans que l’acteur quitte la scène. Normalement ce procédé violerait la vraisemblance. Mais dans ce cas, ce changement est acceptable parce qu’il ne représente pas un changement de lieu, mais un changement de la nature de la scène. Au lieu de représenter un lieu physique, la scène représente le lieu psychologique du rêve d’Atys.
Dans Psyché aussi on trouve des lieux psychologiques. Le premier est le palais que l’Amour fait construire pour elle. Ce palais représente le bonheur et la sécurité que Psyché retrouve auprès de son amant. Quand il part et que Psyché se croit abandonnée, le palais s’évapore et la laisse dans un « affreux Desert53 ». Le désert, ou l’« affreuse solitude54 » comme Psyché l’appelle, est aussi un lieu symbolique qui représente cette crainte et cette solitude qui affligent Psyché plutôt qu’un véritable lieu physique. Toute la question de l’emplacement physique de ces lieux est, en fait, complètement obscure. Psyché est enlevée à la fin de l’acte I et c’est dans le palais qu’on la voit ensuite. Mais on ne sait pas par quel chemin elle y est arrivée, ni où se trouve ce palais. Selon Apulée, on entre dans le palais porté par Zéphyr à partir du lieu du sacrifice de Psyché. L’enlèvement de Psyché évoque l’enlèvement de la version d’Apulée, mais ne le reproduit pas exactement. À partir de l’enlèvement de Psyché, l’espace devient plus psychologique que physique, ce qui dispense les spectateurs de se demander précisément où ces lieux se trouvent. Autrement dit, cette confusion entre l’espace physique et symbolique, externe et interne, permet des changements de décor sans que l’acteur quitte la scène. Ce procédé permet également le voyage aux (et le retour des) enfers, qui sont un lieu interne par excellence. Le tourment de Psyché aux enfers peut être interprété comme une lutte intérieure, un combat de la constance contre la fureur et le désespoir. Dans ces termes, le spectateur n’a plus à se demander où les enfers se trouvent par rapport aux autres actes de l’opéra. Le voyage entre les actes n’est plus le mouvement d’un corps physique d’un lieu à un autre, c’est le mouvement de l’âme d’un état d’esprit à un autre.
Finalement, le traitement de l’unité de l’action dans l’opéra s’accorde avec cette notion plus libre de l’espace. L’opéra permet la représentation sur scène d’épisodes plus nombreux qu’au théâtre. Mais s’il y a plusieurs épisodes, ils sont présentés dans un temps continu, et non comme une série de vignettes détachées thématiquement et temporellement. Il existe des opéras à deux fils. Dans Alceste, par exemple, trois des confidents sont entraînés dans les aventures de leurs maîtres. Mais le triangle d’amour qui s’y produit est non seulement parallèle à l’action principale, mais il y est subordonné. Psyché n’a même pas d’intrigue secondaire. Les épisodes suivent une progression thématique tout à fait logique et ne sont pas séparés temporellement par plus de quelques heures dans le temps élastique des entr’actes.
Si l’opéra partage avec le théâtre le fondement de la vraisemblance, il adhère néanmoins à un système poétique très différent. L’opéra en France doit sa naissance à la politique de splendeur de Louis XIV. Il est avant tout un spectacle qu’un grand roi offre à sa propre gloire. L’épître de l’Académie Royale de Musique au roi présente l’opéra comme un divertissement après de glorieux exploits militaires ; un des fruits de la paix pour un peuple privilégié. De même, le prologue mêle un scénario mythologique avec les louanges au roi, élevant ce monarque au même rang que les dieux. Tout le genre, donc, est inscrit dans une esthétique de gloire ; une esthétique qui se révèle à tous les niveaux du spectacle. Au niveau thématique, l’intrigue la plus courante est celle du héros conquérant couronné d’autant de gloire en amour qu’en armes. Si la valeur de Psyché n’est pas de l’ordre du guerrier, cette héroïne n’en est pas moins couronnée de gloire à la fin de l’opéra. La musique et l’intrigue s’accordent avec cette thématique glorieuse, offrant des changements de scène, des sacrifices, des fêtes, des symphonies et des chœurs.
La poésie doit être au service de cet éclat. Elle doit être d’abord simple et succincte. Puisqu’on répète souvent des vers ou des fragments de vers dans les airs, et puisque l’action est souvent renforcée de symphonies, préludes et ritournelles, le livret est bien plus court que dans la tragédie déclamée. Psyché a 946 vers tandis que la plupart des pièces de Pierre Corneille ont entre 1700 et 1 800 vers. 319 de ces vers sont consacrés au prologue et aux divertissements, n’en laissant que 627 pour l’intrigue proprement dite. Il n’y a donc pas de temps pour des arguments complexes et éloquents comme dans la tragédie déclamée. Le système poétique de l’opéra est fondé sur l’image et le spectacle, non sur la rhétorique. Un lecteur habitué au système rhétorique de la tragédie classique pourrait par conséquent être surpris par la conversion rapide de Vénus à la fin de l’opéra. La haine de Vénus contre Psyché est introduite dès le prologue et cette déesse est présentée comme une antagoniste active dès le début de l’acte III. Mais quatre vers de Jupiter suffisent à éteindre sa colère :
JUPITER.Si tu ne m’en veux point dédire,Il n’est rien pour Psyché qui ne me soit permis.Seule aux yeux de l’Amour elle est aimable & belle,Pour l’égaler à luy je la fais immortelle.VENUS.Puis que d’une Immortelle il doit estre l’espoux,Jupiter a parlé, je n’ay plus de couroux55.
L’opéra se termine comme il avait commencé ; en monument dédié au pouvoir du roi. Le dénouement se fait grâce à l’intervention de l’autorité absolue du roi, représentée par Jupiter. La rhétorique ne sert à rien contre l’autorité absolue ; il serait inutile pour Vénus de résister davantage, et en outre, cet entêtement serait poétiquement encombrant.
Au lieu de faire appel à la raison et à l’éloquence la poésie fait appel aux passions et à l’image. La force, le plaisir de ces images et de ces sentiments sont assurés par la variété. Cette variété se manifeste autant sur le plan des images évoquées que sur le plan de la versification. Un opéra tout en alexandrins deviendrait très rapidement monotone. L’alexandrin, à cause de sa longueur, se prête assez peu à une mise en musique, qui a tendance à prolonger la durée parlée des vers. S’il est peu pratique dans l’opéra, l’alexandrin profite néanmoins de son prestige en tant que vers de la tragédie par excellence. Il est généralement employé dans les récitatifs et non dans les airs, et généralement dans les parties les plus sérieuses de l’opéra. Ainsi, dans la longue plainte de Psyché lors de sa descente aux enfers (IV, 1), Corneille emploie six alexandrins de suite pour décrire les malheurs de son héroïne. Par contre, les maximes stéréotypées et galantes des divertissements sont souvent composées de vers extrêmement courts. Dans le menuet de Flore par exemple (prologue), la moitié des vers sont des trisyllabes. Le reste des dix vers sont des tétrasyllabes, à l’exception d’un octosyllabe et d’un décasyllabe. Dans les airs, la versification est marquée d’une grande simplicité ainsi que d’une assez grande variété. De même, cette poésie adopte une forme très imagée. La première scène de l’opéra, où les sœurs de Psyché font l’exposition, fait de nombreux appels au visuel. Les sœurs évoquent en récitatif – même si elles ne décrivent pas en détail – les ravages d’un serpent enragé56. Les airs sont d’autant plus visuels pour leur usage de l’image et de la métaphore :
Apres un temps plein d’oragesQuand le calme est de retour,Qu’avec plaisir d’un beau jourOn goûte les avantages57 !
Afin de servir l’éclat du spectacle et de la musique, la poésie de l’opéra reste concise et évocatrice plus que complexe et élégante.
Cependant, si les discours ont tendance à être moins longs et complexes dans l’opéra que dans le théâtre, il ne faut pas croire, selon Catherine Kintzler, que l’opéra classique « ne veut rien dire, précisément parce qu’il veut faire voir58. » Si le dénouement de Psyché offre un spectacle magnifique avec la descente de Jupiter des cieux sur son trône et avec tout son palais accompagné d’un « fort grand Prélude qui répond à [s] a magnificence59 », ce dénouement est néanmoins fondé sur la parole. Il y a plusieurs autres incidents dans l’opéra qui sont relatés plutôt que montrés. Le plus évident est l’oracle qui condamne Psyché à mort. Les oracles et les sacrifices sont des sujets de divertissement par excellence. Il est donc étonnant que cet oracle soit relaté en récitatif par Lychas. On peut expliquer ce fait par des raisons pratiques. Lully, déterminé à utiliser les mêmes intermèdes que dans la Psyché de 1671 n’avait sans doute pas le temps de composer un divertissement grand et fastueux. Mais il faut considérer aussi quels changements de structure une scène d’oracle aurait introduit. Elle aurait introduit trop d’éclat au début de l’opéra et aurait rendu les actes II et III très calmes et ennuyeux en comparaison. En choisissant de relater l’oracle plutôt que de le montrer, Corneille concentre l’attention sur les réactions de la famille de Psyché. Leur désolation (et la désolation qu’on nous fait voir et entendre dans la Plainte Italienne) met en valeur le courage de Psyché par effet de contraste. Ce scénario permet des chants touchants et passionnés au lieu d’un spectacle éclatant. Par conséquent, le ton plus léger de l’acte II est un soulagement et non ce qu’on appelle un anti-climax.
La situation est semblable dans la scène de débat entre Vénus et Mercure (V, 3). Mercure intervient pour calmer la colère de Vénus. Celle-ci est encore plus enragée de découvrir que les dieux sont contre elle. Mercure, pour essayer de la calmer, décrit le désordre que le malheur de son fils cause sur terre : un monde chaotique, plein de haine et de guerre. Là encore, Lully aurait pu nous montrer tout simplement ce spectacle (ce qu’il fait, d’ailleurs, à la fin de Phaëton). Mais Laura Naudeix explique, à partir d’une situation semblable dans la Médée de Charpentier et de Thomas Corneille, que « ce dispositif démontre que le librettiste peut caractériser de façon plus approfondie les états d’âme du personnage en jouant sur le plaisir que le public goûte à entendre un chanteur décrire longuement et de manière émouvante des circonstances de l’action60 ». Si le spectacle joue un rôle important dans l’opéra en tant que preuve de la majesté du roi, le rôle principal de la poésie est l’évocation et la description émouvante des passions.
La manière dont la poésie accomplit cette tâche dépend de son genre. On peut parler de plusieurs « genres » de poésie dans le livret d’opéra dans le sens que la poésie est adaptée à plusieurs formes musicales ; les récitatifs, les airs, les duos et trios, et les chœurs. Ces catégories sont larges, car Lully changeait de forme musicale très subtilement, et cherchait à fondre le mouvement d’une forme dans une autre. Il est alors difficile de diviser le livret en une succession de formes poétiques, mais nous pouvons néanmoins dégager certains traits et certaines fonctions communs aux récitatifs, airs, et sections polyphoniques.
En Italie, on avait tendance à diviser très radicalement air et récitatif, de sorte que l’air ne pouvait rien contenir d’essentiel à l’avancement de l’intrigue. Les récitatifs de Lully sont plus subtils et complexes, autant sur le plan musical que poétique. Laura Naudeix signale que « le récitatif lulliste a [...] la particularité de contenir des petites formes closes, comprenant une reprise ou deux reprises successives des vers, signalées ou non dans le texte du livret, qui marquent un arrêt du récitatif proprement dit61. » Le meilleur exemple de ce procédé dans Psyché est la scène d’« illumination » (III, 3). Toute la scène est un long récitatif, mais il y a un refrain de deux vers que Psyché chante trois fois, « Si le plaisir d’aimer est un plaisir extrême, / Quels charmes n’a-t’il pas quand c’est l’Amour qu’on aime ? ». Ce refrain est plus mélodique et plus rapide que le récitatif qui l’entoure. Cependant, il est indiqué « de mouvement » dans la partition, et non « air ». De même, Ballard ne l’inclut pas dans la table d’airs à chanter (voir les annexes, p. 105). Le récitatif lulliste, avec ses figures mélodiques, ses répétitions et ses refrains, résiste à un classement définitif. Il faudrait se tourner vers la poésie pour une réponse plus concrète. La poésie du récitatif a tendance à traiter de deux choses. Elle traite, comme dans les récitatifs italiens, de tout ce qui touche à l’intrigue. Cette même scène, par exemple, se termine avec un vers en récitatif de l’Amour, annonçant son départ, « Tu m’as veu, c’en est fait, tu vas me perdre, Adieu. » D’un autre côté, puisque l’opéra français cherche à peindre les passions, les personnages expriment leurs sentiments en récitatif. Si l’expression des sentiments se fait également dans les airs, elle se fait de manière plus générale, en forme de maxime. Ainsi, dans la tirade de Vénus au début de l’acte III, la déesse chante-t-elle en récitatif l’expression personnelle de sa jalousie, disant que la splendeur du palais de Psyché lui blesse les yeux. Mais elle chante dans un air une maxime plus générale qui s’applique à sa situation ; « Que le mespris est rigoureux / A qui se croit digne de plaire ! ».
Les mouvements polyphoniques s’emploient de manière encore plus complexe. Ils peuvent se manifester sous forme de duo, trio, ou chœur. Les duos et trios peuvent souvent remplacer les airs. Le duo entre Psyché et l’Amour est un exemple de ce type de duo (II, 6). Le scénario demande un air, puisque c’est un moment clé, et puisque les amants se sont déjà déclarés leur amour en récitatif. Leur duo adopte la forme d’une maxime comme dans les airs. Mais un échange d’airs à voix seule au lieu d’un duo aurait été un anti-climax (et très peu conventionnel, la scène d’amour terminant en duo étant pratiquement stéréotypée) et aurait pu souligner un manque de sincérité. Par contre, le duo unanime représente une sorte de point culminant, où l’amour inspire une parfaite union d’esprit. Le trio de Lychas et des deux sœurs de Psyché dans l’acte I a une fonction similaire. Le son de trois voix unies en deuil est, en quelque sorte, plus puissant que trois airs individuels. La puissance de la polyphonie est telle que certains êtres surhumains ne chantent jamais à voix seule. Telles sont les furies de l’acte IV. La seule exception est celle de leur reddition devant la constance de Psyché. Elles reprennent en trio immédiatement après pour lui dire, comme pour rétablir leur force, « Cependant monstrons-luy ce que ces lieux terribles, / Ont d’Objets plus horribles. » Laura Naudeix résume le phénomène (qui n’est pas spécifique à Psyché) : « Les forces néfastes ou inquiétantes de l’au-delà sont ainsi dotées de voix indissociables, souvent masculines, ce qui crée un malaise quant à leur dénomination, sinon leur identité, féminine. Pour faire entendre ces voix inouïes, la polyphonie est un instrument idéal : il donne aux personnages un organe qui surpasse la voix humaine62. »
Si la polyphonie est signe de puissance, l’emploi le plus grandiose de la polyphonie, le chœur, est réservé aux louanges de l’Amour et au roi. C’était une pratique courante d’incorporer les chœurs dans l’intrigue de l’opéra où ils représentaient le plus souvent le peuple, ou une armée. L’exemple le plus notable est celui de Thésée où l’on entend une armée hors scène combattre pendant tout le premier acte. Mais dans l’opéra plus introspectif qu’est Psyché, les chœurs sont réservés aux chants de louange, accompagnés d’orchestre dans le prologue et dans le divertissement final. Ce sont ces sous-genres de l’opéra classique que nous nous proposons d’étudier maintenant.
Si, au XVIIIe siècle, on trouvait le prologue de plus en plus inutile et de plus en plus ennuyeux, c’était au contraire un composant essentiel des premiers opéras en France. Nous avons défini l’opéra avant tout comme un monument au roi à qui il doit son existence. C’est le prologue qui introduit l’intrigue dans un contexte de louange et de remerciement. Selon Laura Naudeix, dans le prologue « les spectateurs prennent acte de ce phénomène [de la dépendance de l’opéra vis-à-vis du roi] , s’en honorent, puisque le roi semble les convier à un divertissement dont il est seul destinataire63 ». Mais le temps réel et historique dans lequel se déroule l’opéra est différent du temps mythologique que cet opéra représente. Si l’opéra est un monument à la gloire du roi, le roi doit pouvoir étendre son pouvoir au delà de son propre temps, jusque dans le temps mythologique du spectacle. C’est le prologue qui permet cette confusion des temps. Le prologue de Psyché s’ouvre sur un chœur de divinités qui remercient Louis XIV pour la paix qu’il vient de rétablir en mettant fin à la guerre de Hollande. On demande à Vénus de descendre pour couronner les fêtes. Quand Vénus descend, elle explique sa colère contre Psyché. Il y a donc une confusion entre le temps historique des victoires de Louis XIV et le temps mythologique de la fable de Psyché. Cette confusion des temps confère à Louis XIV une sorte d’immortalité. Il devient aussi éternel que les immortels qui lui font louange, que les mythes qu’il met en scène. C’est cette immortalité, établie dans le prologue, qui permet le dénouement deus ex machina à la fin. Puisque le roi est représenté de manière immortelle et divine dans le prologue, la représentation de son autorité sous forme de Jupiter à la fin de l’opéra ne nous étonne pas. Ainsi, si le prologue a un lien indirect à l’intrigue, il établit le contexte nécessaire à son interprétation.
Les divertissements fonctionnent de manière semblable. Nous avons vu, par exemple, comment la Plainte Italienne met en valeur le courage de Psyché en le juxtaposant au spectacle du plus vif désespoir. Les divertissements fonctionnent par effet de contraste. Ils peuvent également être employés pour effectuer un changement du ton dans le drame (tel le divertissement de Vulcain). On cherchait généralement à intégrer les divertissements dans l’intrigue principale de manière plausible, principalement en représentant des sacrifices et cérémonies religieuses sous forme de divertissement. Cette forme de divertissement, cependant, n’existe pas dans Psyché.
Les divertissements, musicalement, sont une des parties les plus intéressantes de l’opéra classique. Ils contiennent toutes les entrées de danse. Ils contiennent également les airs, vocaux et instrumentaux, les plus brillants. Dans les divertissements les chanteurs peuvent se permettre d’ornementer leurs airs. Cependant, cette possibilité existe grâce à la qualité assez conventionnelle des paroles dont la répétition, hors contexte dans les salons de Paris, est probablement la cause principale de la mauvaise réputation de l’opéra dans les cercles moralistes. Nous insistons sur l’importance du contexte, car le contexte est essentiel pour un genre dont la fonction principale est l’effet de contraste. Nous avons montré, dans la comparaison des différentes versions de Psyché, que les maximes souvent légères que chantent les bergers dans les divertissements sont des expressions sincères des sentiments de ces figures pastorales, mais sont loin d’être des vérités transcendantes (voir p. 21-22). N’oublions pas non plus qu’une portion considérable des divertissements dans le répertoire classique est produite par des sorcières pour divertir une victime ensorcelée (notamment dans Armide). Sous la naïveté apparente des divertissements réside donc souvent le dangereux et le maléfique. C’est dans cette tension entre l’émotion du divertissement et la situation réelle des choses que réside souvent le plaisir de ce spectacle. Si le caractère d’un divertissement semble déplacé, c’est que le librettiste cherche un effet d’ironie dramatique, et non pas qu’il était incapable de mieux incorporer le divertissement dans l’intrigue. Si les participants au divertissement ignorent le contexte de leur spectacle, le spectateur ne l’ignore pas. Mably en donne la preuve dans ses remarques sur le quatrième divertissement d’Atys :
Les fêtes du quatrième Acte d’Atys ne me font perdre de vûë ni Sangaride ni son Amant. J’en appelle à l’expérience. Le Spectateur qui est au fait de l’intrigue, se garde bien de partager avec Sangar & le Choeur la joye trompeuse à laquelle ils s’abandonnent. Son trouble augmente au contraire. L’intérêt qu’il prend au sort d’Atys en devient plus vif. Il plaint l’aveuglement de Celenus, il se sent d’autant plus agité que la sécurité qui règne sur le Théâtre est plus grande64.
Psyché fait un usage très particulier des divertissements. La pratique était d’avoir pour chaque acte un divertissement qui représentait généralement une fête plus ou moins liée à l’intrigue principale. Dans Psyché, Lully et Corneille ont adapté les intermèdes de la tragédie-ballet de Psyché de 167165. Mais un intermède n’est pas un divertissement, et ces intermèdes-ci précèdent l’invention même de l’opéra lulliste. Molière s’efforçait d’incorporer ses intermèdes à son intrigue aussi naturellement que possible, mais la nature de ces spectacles est liée plus étroitement au ballet de cour qu’à l’opéra. Ces intermèdes, d’abord, sont souvent beaucoup plus courts qu’un divertissement opératique. Les deuxième et troisième ne sont que des airs à deux couplets. Le quatrième intermède n’a même pas de paroles. Son fonctionnement est, par conséquent, entièrement symbolique. Dans ce sens, il relève assez étroitement de la tradition d’entrées allégoriques dans les ballets de cour, et non de l’opéra qui tient davantage de la tradition théâtrale. Cet intermède a été adapté en un acte entier. Quant au divertissement final, il est extrêmement long et ressemble plus à un mini ballet de cour qu’à un divertissement d’opéra. Seul la plainte italienne se conforme aux dimensions d’un divertissement opératique. Les intermèdes de 1671 sont ainsi incorporés dans l’opéra.
Les premiers 56 vers du prologue sont tirés directement de la Psyché de 1671. Dans cette version-là, le reste du prologue est parlé, depuis la descente de Vénus jusqu’à la fin.
Le premier intermède de 1671 est la Plainte Italienne. Dans l’opéra, il se trouve à la fin de la deuxième scène de l’acte I (Deh, piangete al pianto mio, v. 148 jusqu’à Cieli, stelle, ahi crudeltà v. 181). La structure de cette plainte change à chaque reprise et à chaque nouvelle version de Psyché, et il serait inutile de tracer toutes ses métamorphoses. Signalons simplement que la version opératique est plus courte que la version de la création au palais des Tuileries, mais qu’elle est introduite dans le même contexte. En effet, le premier acte de l’opéra de Psyché condense les premiers deux actes de la tragédie-ballet, de sorte que la Plainte s’intègre au même moment de l’intrigue, plus ou moins.
Le deuxième intermède est l’entrée de Vulcain, que Corneille et Lully ont inséré à la scène 2 de l’acte II (Depeschez, preparez ces lieux, v. 274 jusqu’à Fasse vos soins les plus doux, v. 295). Ce divertissement est introduit après une discussion entre Zephire et Vulcain, et avant une dispute entre Vulcain et sa femme, Vénus. C’est Corneille qui fait de Vulcain un personnage. Dans la version de 1671 son seul rôle est de chanter l’intermède.
Le troisième intermède est Aimable Jeunesse que Corneille et Lully placent à la toute fin de l’acte II (Aimable jeunesse, v. 421 jusqu’à Par un heureux moment, v. 480). Il est introduit de la même manière dans les deux pièces ; juste après la scène d’amour entre Psyché et l’Amour, pour divertir Psyché et lui faire penser à autre chose qu’à l’identité de son amant. Cependant, dans l’opéra il est chanté par trois nymphes au lieu d’un zéphyr et d’un amour66. La première Nymphe chante la partie du zéphyr, la deuxième Nymphe celle de l’amour, et les deuxième et troisième Nymphes chantent les sections en duo.
Le quatrième intermède est sans paroles. C’est une entrée de danse allégorique dans laquelle Psyché descend aux enfers, se confronte aux furies (huit au lieu de trois dans la version de Molière) et revient avec la boite de Proserpine. Corneille a considérablement changé la structure de cet intermède et l’a élargi en acte entier (Acte IV).
Le cinquième intermède est la célébration des noces de Psyché et de l’Amour. Dans les deux versions, il se trouve à la toute fin de la pièce (Unissons-nous, Troupe immortelle, v. 820 jusqu’à Avec le doux chant des Amours, v. 946).
On constate que l’usage des divertissements est extrêmement irrégulier dans l’opéra de Psyché. Nous rappelons qu’en principe, il devrait avoir un divertissement par acte. Or, il y a deux divertissements dans l’acte II et aucun dans les actes III et IV. Cette irrégularité de l’intensité et du débit dramatique constitue un des véritables défauts de l’opéra. L’action est très serrée dans certaines parties de l’opéra, surtout dans les trois premiers actes. L’acte IV, par contre, est très court par rapport aux autres actes de l’opéra et l’action en est extrêmement simple. Cependant, ce que nous pouvons dire en faveur de Corneille et Lully est qu’ils étaient plus soucieux de l’efficacité dramatique que de la convention assez arbitraire d’avoir un divertissement par acte.
Si l’opéra de Psyché est particulier dans son usage des divertissements, il est tout à fait unique parmi les opéras de Lully dans son utilisation de l’allégorie. Il est vrai que l’allégorie est employée dans tous les opéras de Lully. Mais c’est une allégorie politique qui glorifie le roi et introduit les vertus clés de l’opéra, et qui est généralement réservée au prologue. Dans certains opéras cette allégorie déborde jusque dans l’opéra lui-même. L’exemple le plus notable est celle de Persée, où Lully explique dans sa dédicace au roi :
En effet, SIRE, la Fable ingenieuse propose Persée comme une idée d’un Heros accomply : Les faveurs dont les Dieux le comblent, sont des misteres qu’il est facile de developper : Sa naissance divine & miraculeuse, marque le soin extraordinaire que le Ciel a pris de le faire naistre avec des avantages qui l’eslevent au dessus des autres Hommes : L’Espée qui luy est donnée par le Dieu qui forge la foudre, represente la force redoutable de son Courage : Les Talonnieres ailées dont il se sert pour voler où la Victoire l’appelle, monstre sa diligence dans l’execution de ses desseins : Le Bouclier de Pallas dont il se couvre, est le symbole de la Prudence qu’il unit avec la Valeur ; & le Casque de Pluton qui le rend invisible, est la figure de l’impenetrabilité de son secret. Il respond dignement aux graces qu’il reçoit du Ciel : Il n’entreprend rien que de juste : Il ne combat que pour le bien de tout le Monde : Il détruit la puissance effroyable des trois Gorgonnes : Il ne se repose pas, apres avoir assûré le repos de la Terre : Il surmonte sur la Mer un Monstre terrible ; & il contraint enfin la jalousie que sa gloire a excitée, à ceder à sn invincible Vertu. Je sçay bien, SIRE, que je n’ay pas dû en cette occasion me proposer de publier vos louanges : Ce n’est pas seulement pour moy que vostre Eloge est un sujet trop eslevé, il est mesme au dessus de la plus sublime Eloquence : Cependant je m’aperçoy qu’en descrivant les Dons favorables que Persée a receus des Dieux, & les Entreprises estonnantes qu’il a achevées si glorieusement, je trace un Portrait de Qualitez heroïques, & des Actions prodigieuses de VOSTRE MAJESTE’67.
En effet, dans un genre qui existe pour glorifier un monarque puissant, il est plutôt naturel de voir les exploits du héros-guerrier de l’opéra comme une analogie aux exploits du monarque. Puisque Psyché n’est ni homme ni guerrière, elle ne peut représenter le roi comme le fait Persée ou Thésée. Cependant, il serait faux de penser que l’allégorie politique est absente de Psyché au-delà du prologue. L’intrigue de Psyché raconte comment une simple mortelle, aimable aux yeux d’un dieu, est élevée au rang des divinités par l’autorité suprême de Jupiter, malgré la persécution d’une autre déesse. Il n’est pas difficile de voir le lien entre cet intrigue et la politique de Louis XIV ; une politique qui décernait de hautes fonctions et même la noblesse à des membres du tiers État qui plaisaient au roi par leur fidélité et leur compétence. Les familles Corneille et Lully elles-mêmes avaient bénéficiées de cette faveur.
S’il était courant alors de montrer allégoriquement les vertus des rois dans l’opéra, Psyché représente les vertus des sujets. La présence d’une héroïne au lieu d’un héros sépare bien les vertus civiles du sujet des vertus plus viriles et militaires du roi. La vertu principale du sujet est cette fidélité qu’on recherche chez la femme au XVIIe siècle. Psyché est aussi remarquable pour sa beauté, qui dépasse le commun et plait à l’Amour. Le sujet, comme Psyché, plait par l’oeuvre qu’il produit au service du roi. L’analogie fonctionne particulièrement bien pour l’artiste. Comme Psyché, Corneille et Lully plaisent par la beauté, non pas de leurs personnes mais de leur art.
L’allégorie politique dans Psyché répond également aux attaques de la noblesse contre des bourgeois ambitieux. Vénus est convaincue de l’ambition de Psyché. Elle l’accuse constamment d’être une téméraire qui aspire à son fils. Mais contrairement à ce qu’en croit Vénus, Psyché se montre au spectateur comme un personnage extrêmement humble qui ne cherche qu’à plaire. Quand son père lui dit qu’elle doit mourir, elle ne se plaint jamais d’un gâchis de vie ou de beauté. Elle dit simplement, « Il faut suivre l’ordre des Dieux68. » Si Vénus dit toujours que Psyché est sa rivale, Psyché, pour sa part, ne dit jamais que Vénus est la sienne. Elle ne ressent aucune rivalité parce qu’elle n’a pas d’ambition. Dans ce modèle, le sujet ne cherche pas à acheter une place dans la noblesse par son talent. Il exerce son talent dans le seul but de plaire, et s’il est reconnu et récompensé par le roi, c’est le fruit d’un talent exceptionnel et non d’un comportement ambitieux. Si ce manque d’ambition de la part du sujet semble peu réaliste, on peut comprendre pourquoi Corneille et Lully ont insisté sur ce sujet, étant donné l’hostilité avec laquelle la noblesse accueillait les nouveaux venus.
Finalement, le fait que Psyché représente le sujet éclaire le dénouement qui, sur le plan dramatique, est assez étrange. Il est typique dans l’opéra que le héros surmonte plusieurs ennemis et obstacles pour vaincre à la fin, grâce à sa propre valeur. Ceci n’est pas tout à fait le cas dans Psyché. Mais si Persée peut tout vaincre, c’est parce qu’il représente Louis XIV. En tant que roi, il est capable d’exécuter la justice avec sa propre force et sa propre volonté. Le sujet, par contre, ne peut vaincre qu’avec la faveur de son roi. Psyché, par conséquent, est capable d’exploits étonnants mais ne peut se faire égale à son ennemie divine. C’est pourquoi l’intrigue de Psyché nécessite la résolution par deus ex machina. Puisque l’héroïne n’est pas elle-même le roi, et puisque la justice ne peut être assurée que par le roi, l’intervention de ce dernier est nécessaire. Ce dénouement est dramatiquement maladroit, mais il maintient la fonction politique de l’opéra.
Ce qui rend Psyché vraiment unique parmi les opéras de Lully est que son fonctionnement allégorique n’est pas limité au politique. Psyché représente non seulement le sujet, elle représente aussi (et d’abord) l’âme. Ce fait rend Psyché remarquable sur le plan thématique. Car le thème habituel de l’opéra est la gloire. Le thème de Psyché, par contre, est plus immatériel, comme la nature même de l’héroïne. L’intrigue de Psyché raconte comment l’âme devient immortelle par amour. Par conséquent, les personnages eux-mêmes représentent des choses immatérielles, et les conflits entre eux des enjeux métaphysiques. De là découle la présence de tant de divinités dans Psyché. L’intervention des dieux est commune dans l’opéra, mais cette intervention est généralement courte et d’un symbolisme assez simple (l’oracle d’Apollon dans Alceste, par exemple). Il y a un décalage dans ces opéras entre la présence symbolique des dieux et la présence dramatique des personnages mortels (à l’exception du héros dans certains opéras). Par contre, dans Psyché, les dieux sont à la fois des personnages dramatiques et symboliques. De même, toute l’action est à la fois dramatique et symbolique, de sorte que les scènes qui semblent dramatiquement gratuites peuvent avoir une signification symbolique plus profonde. La scène de dispute entre Vénus et Vulcain en est un bon exemple. Sur le plan dramatique cette scène n’est rien de plus qu’un épisode comique sans aucun rapport à l’intrigue principale ou au dénouement. Cependant, au plan symbolique, cette scène expose la nature de l’antagoniste, Vénus. Car il y a deux dieux d’amour dans Psyché, Vénus et son fils. Mais dans cette scène, Vénus montre qu’elle ne représente pas l’amour constant et tout-puissant dont l’opéra chante sans cesse les louanges. Elle représente un amour corporel (car il n’est pas encore question d’un amour spirituel ; l’âme et l’amour seront unis qu’à la fin de l’opéra), un amour hypocrite, inconstant mais jaloux. Ses débordements de passion représentent également le manque de restreinte et de modération du corps.
La représentation allégorique n’est pas le domaine réservé des personnages non plus. L’espace, les décors et même les objets contribuent à cette représentation. Nous avons vu comment l’espace est souvent utilisé de manière symbolique. Le palais représente donc la sécurité qu’on ressent en aimant, et sa disparition le doute et la crainte (voir p. 28). Nous avons également vu comment les objets peuvent remplacer la signification allégorique de ceux qui les donnent (voir l’analyse de la lampe de Vénus et la scène d’« illumination », p. 19-20). Ainsi, tout dans Psyché a une signification symbolique. Psyché est donc remarquable parmi les opéras de Lully pour ses nombreux niveaux d’action. L’action est perpétuellement partagée entre le niveau dramatique et allégorique, et cette action allégorique est, à son tour, à la fois politique et métaphysique. Ce procédé est unique dans l’opéra classique. Malheureusement, cette richesse symbolique est inscrite dans une thématique inhabituelle pour l’opéra de sorte que la critique a proscrit Psyché comme une parenthèse maladroite dans l’évolution d’un genre héroïque. Nous espérons que la critique future saura mieux reconnaître la complexité symbolique et les qualités singulières cachées sous l’intrigue inégale de cet étrange mais fascinant opéra.
Note sur l’édition §
L’établissement du texte §
Le texte de base de cette édition est tiré d’un recueil factice in 4° gardé à la Bibliothèque nationale sous la cote YF-744 (LLC6-1 dans le Catalogue Raisonné de Schmidt). Le recueil est composé de plusieurs livrets d’opéra dont Psyché est le deuxième, suivant l’Isis de Quinault.
[I] Blanche
[II] Frontispice
[III] PSYCHE’ / TRAGEDIE / REPRESENTE’E / par l’Academie Royale de Musique. / [fleuron] / On la vend / A PARIS, / A l’Entrée de la Porte de l’Academie Royale de / Musique, au Palais Royal ruë Saint Honore. / Imprimé aux despens de ladite Academie. / Par RENE BAUDRY Imprimeur ordinaire / du Roy, & de ladite Academie. / M. DC. LXXVIII. / Par Privilege du Roy.
[IV] verso blanc
[V-VI] L’ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE AU ROY
[VII-XII] acteurs du prologue et prologue
[XIII] acteurs de la tragédie
[XIV] verso blanc
1-57 le texte de la pièce
58-59 Privilège du Roi
Le possesseur du recueil a orné le volume de gravures. Il y a une gravure entre chaque œuvre dans le recueil, et entre certains actes de l’opéra. Au lieu d’encombrer cette édition de leur description, nous les signalons ici :
[I] Avant le frontispice : « Quatriéme Journée. Festin, dont la table estoit dressée autour de la fontaine de la cour de marbre du chasteau de Versailles, au dessus de laquelle s élevoit une colomne toute de lumiere. » Le Pautre, sculpt., 1676.
[II] Entre les acteurs de la tragédie et p. 1. « La Veuë de l’Arc de Septimius Seuere et du Capitole a Rome » fait par Perelle.
[III] Entre p. 14 & 15 (début d’acte II) : « Veüe d’un Chateau non encor excecute. », Perelle del. et sculp.
[IV] Entre p. 28 & 29 (début d’acte III) : « Veüe du Chasteau de Vaux le Vicomte du côte de l’Entrée », fait par Perelle.
[V] Après le privilège : « La Veue de la Vigne Pamphile du Costé des Jardins », faict Par Perelle.
Nous avons pu consulter trois autres exemplaires de cette édition : un exemplaire identique (mais dans un différent recueil et donc sans les gravures) sous la cote Ro 1050 au département des arts du spectacle ; et deux exemplaires identiques de la Bibliothèque de l’Arsenal, THN-9704 et GD-30. Ces deux derniers sont issus, sans doute, d’un tirage postérieur aux autres, puisque les fautes et coquilles les plus évidentes sont corrigées, surtout vers le début de la pièce.
Nous avons également consulté l’édition :
PSYCHE’ / TRAGEDIE / Representée par l’Academie / Royale de Musique / l’An 1678. / Les Paroles sont de Mr Corneille. / & / La Musique de M. de Lully. / X. OPERA. dans RECUEIL / GENERAL / DES OPERA / REPRESENTEZ / PAR L’ACADEMIE ROYALE / DE MUSIQUE, / DEPUIS SON ETABLISSEMENT, / TOME SECOND, / [fleuron] / A PARIS, / Chez CHRISTOPHE BALLARD, / seul Imprimeur du Roy pour la Musique / ruë S. Jean de Beauvais, au Mont Parnasse. / M. DCCIII. / Avec Privilege de sa Majesté. Ce livret (RF 24 dans le Catalogue Raisonné de Schmidt) sera désormais désigné dans cette édition comme « recueil général »
Et les partitions suivantes :
Le manuscrit, Opera / de Psyché. / Representée Par / l’Academie Royale de / Musique. / [cercle vide pour fleuron] / Paris. / l’Année Mil six Cens septante et dixhuitiéme.
Ce manuscrit est connu des musicologues comme « Vignol scripsit », cette épithète étant la signature du scribe et qui se trouve à la fin de la partition. Cette partition est peu fiable, étant probablement une copie hâtivement transcrite avant la fin de la composition. Certaines entrées manquent du divertissement final, et la structure de l’opéra est différente du livret et de la partition imprimée de Ballard. Le scribe était sans doute préoccupé uniquement par la musique, car l’orthographe et la ponctuation du texte n’ont rien en commun avec le livret ou la partition imprimé. Cette partition est conservée à la Bibliothèque de l’Opéra, sous la cote A.10.a. Elle sera désormais désignée dans cette édition comme « Vignol ».
Et la première partition imprimée de l’opéra, PSYCHÉ / TRAGEDIE / MISE EN MUSIQUE / Par Monsieur DE LULLY, Ecuyer-Conseiller- / Secretaire du Roy, Maison, Couronne de France / & de ses Finances, & Sur-Intendant de la Musique / de sa Majesté ; / REPRE’SENTE’E PAR L’ACADEMIE ROYALE / de Musique, en l’Année 1678. / PARTITION GÉNÉRALE, /Imprimée pour la premiere fois. / Oeuvre VIII / [Fleuron] / DE L’IMPRIMERIE / De J-B-CHRISTOPHE BALLARD, Seul imprimeur du Roy pour la Musique, / à Paris, ruë Saint Jean-de Beauvais, au Mont Parnasse. / M. DCC XX. / Avec Privilege de sa Majesté.
Cette partition est très soigneusement préparée par rapport à Vignol. Elle confirme la structure de YF-744 et énumère l’ordre et le genre des entrées et des danses avec une précision qui manque des didascalies du livret. Cependant, l’orthographe et la ponctuation, pour toute leur précision, sont modifiées pour convenir aux usages du XVIIIe siècle. Par conséquent, cette partition est une autorité pour la structure, mais non pas pour le texte.
Principes de l’édition §
Le principe de cette édition est de présenter le texte en sa graphie originale, tout en le rendre le plus lisible que possible pour les lecteurs modernes. Dans ce but, nous avons conservé la ponctuation et l’orthographe du XVIIe siècle avec tout leur manque de régularité (voir surtout III, 3, avec le vers répété, « Si le plaisir d’aimer est un plaisir extrème / extrême / extréme » ). Cependant, les véritables fautes d’orthographe, grammaire et les coquilles ont été soigneusement corrigées (voir la liste de corrections ci-dessous).
Cependant, dans l’intérêt de la lisibilité, nous avons apporté les modifications suivantes au texte :
Nous avons changé les « ſ » en « s », les « v » en « u », les « j » en « i » et les « ß » en « ss ». Nous avons également supprimé le tilde, « ~ », qui servait généralement à économiser sur le plomb et sur l’espace. Donc, au lieu de « tous trois chantẽt ensemble » (didascalie de la dernière entrée), cette édition présente « tous trois chantent ensemble ». Nous n’avons pas maintenu la pagination originale, mais nous la signalons entre crochets. Pour les pages qui ne sont pas numérotées dans l’original, nous avons mis un / au premier vers ou première ligne de la page. La première page de chaque livret est également indiquée entre crochets.
Les mots qui ont un sens différent du sens moderne ou qui ont un sens en addition au sens moderne sont suivis d’une « * » et sont expliqués dans un lexique (voir les annexes). À cause du grand nombre de divinités et de personnages mythologiques qui apparaissent sur scène, nous avons également inclus un lexique mythologique. Dans le théâtre classique les notes peuvent être suffisantes pour expliquer les références mythologiques. Cependant, dans l’opéra il ne s’agit pas d’allusions à la mythologie ; les divinités sont les personnages mêmes. Par conséquent, la seule présence d’une divinité peut être symboliquement ou allégoriquement significative sans que cette divinité chante un seul vers. C’est pourquoi nous avons inclus des articles plus approfondis sir les divinités de l’opéra. Des notes expliquent au lecteur à quel article dans le lexique mythologique il doit se reporter.
En ce qui concerne la mise en page de l’édition, nous avons établi le texte en alphabet romain (l’original était en italiques). Nous avons supprimé les ornements tels que les petites gravures au début des actes et les lettrines. Nous avons conservé, cependant, les ornements qui marquent la division entre sections ou deux couplets d’un air (représentés par un « * * * » ). Dans l’édition originale, le format des didascalies et des indications de personnages est irrégulier en certains endroits (notablement dans l’entrée des satires et de Silène dans le divertissement final, ou dans la première itération de « Chantons les plaisirs charmants » où l’indication personnage se confond avec la didascalie précédente). Dans cette édition, toutes les didascalies et indications de personnage sont disposées de manière régulière et courante. La répercussion la plus importante de cette décision est l’insertion de lignes blanches entre les didascalies et le texte, et entre un bloc de texte et l’indication de personnage suivante (la police très grande de l’original permet le texte d’être aussi serré).
La question de la répétition des vers (surtout dans les rondeaux) peut être difficile dans l’édition d’un livret. Corneille écrit en entier toutes les réitérations des refrains et toutes les reprises des airs et des chœurs. La seule exception est la reprise d’« Ahi dolore &c. come Sopra », v. 176 dans la plainte italienne. Cependant, cette plainte est tirée de la version de Psyché de 1671 et n’est pas de la composition de Corneille69. Sa structure, en outre, est extrêmement variable de version en version. Dans un souci de représenter clairement la structure de cette plainte, et considérant l’attention que Corneille a portée à recopier les vers répétés dans le reste du livret, nous avons recopié la plainte en entier.
Le texte de Corneille indique clairement où se trouvent les duos, trios et chœurs. Par contre, la division entre les airs et les récitatifs n’est pas du tout claire. Il aurait été très encombrant d’indiquer en note chaque changement entre air et récitatif. Au lieu d’indiquer tous les airs en note, donc, nous avons inclus une table des airs (voir les annexes). Malheureusement, nous n’avons pas pu créer une table semblable pour les ritournelles, danses, etc. Mais puisque aucun enregistrement ni partition n’est actuellement disponible, nous considérons qu’il est important de signaler les endroits où la musique peut influencer l’interprétation du texte. Nous convenons que ce système n’est pas idéal. Enfin, nous avons indiqué les effectifs vocaux (dessus, basse, haute-contre etc.) entre crochets dans les listes de personnages du prologue et de la tragédie.
Corrections §
- – v. 76 « ma » devient « m’a »
- – Indication de personnage pour v. 233, « PSICHE’ « devient « PSYCHE’ »
- – v. 390 « Que par ces mots vous me charmez ? » devient « Que par ces mots vous me charmez ! »
- – v. 502 « contenrer » devient « contenter »
- – v. 516 « ou » devient « où »
- – v. 560 « quel bon-heur ? » devient « quel bon-heur ! »
- – v. 648 « tous » devient « tout »
- – IV, 2, liste de personnages, « PHYCHE’ « devient « PSYCHE’ »
- – v. 682 « mécouter » devient « m’écouter »
- – v. 748 « inso ente » devient « insolente »
- – v. 752 « ou » devient « où »
- – v. 814 « son » devient « ton »
- – v. 821 « dévient » devient « devient »
- – v. 846 « qu’à qu’à luy » devient « qu’à luy »
- – v.898 « Bacchus veut que l’on boive » devient « veut qu’on boive »
Didascalie à la dernière entrée, « Bachus » devient « Bacchus ».
PSYCHÉ,
TRAGEDIE. §
L’ACADEMIE ROYALE DE MUSIQUE AU ROY70. §
ACTEURS DU PROLOGUE §
- VENUS. [dessus]
- L’AMOUR. [muet]
- FLORE. [dessus]
- VERTUMNE. [haute-contre]
- PALEMON. [taille]
- NYMPHES de FLORE. [dessus]
- CHOEUR des Divinitez de la Terre & des Eaux.
PROLOGUE §
RECIT DE FLORE. §
CHOEUR DE TOUTES LES DIVINITEZ De la terre & des Eaux.
DIALOGUE DE VERTUMNE ET DE PALEMON. §
VERTUMNE.
PALEMON.
PALEMON.
VERTUMNE.
PALEMON.
VERTUMNE.
PALEMON.
MENUET DE FLORE80 §
CHOEUR de toutes les Divinitez de la Terre & des Eaux.
VENUS81.
VENUS à l’Amour.
ACTEURS DE LA TRAGEDIE §
- JUPITER, [basse]
- VENUS. [dessus]
- L’AMOUR. [dessus / haute-contre84]
- MERCURE. [haute-contre]
- VULCAIN. [haute-contre]
- ZEPHIRE. [haute-contre]
- LE ROY, Pere de Psyché. [basse]
- PSYCHE’. [dessus]
- AGLAURE. Sœur de Psyché [dessus]
- CIDIPPE. Sœur de Psyché [dessus]
- LYCHAS. [basse]
- LE DIEU D’UN FLEUVE. [basse]
- NYMPHES, ZEPHIRS, & AMOURS, qui parlent cachez. [dessus]
- DEUX NYMPHES de l’ACHERON. [dessus]
- LES TROIS FURIES. [haute-contre, taille, basse]
- [APOLLON85.] [haute-contre]
- [BACCHUS.] [dessus86]
- [MOME.] [basse]
- [MARS.] [haute-contre]
- [LES MUSES (x2).] [dessus]
- [SILENE.] [dessus]
- [DEUX SATIRES.] [taille, basse]
ACTE PREMIER. §
SCENE PREMIERE87. §
AGLAURE.
CIDIPPE.
AGLAURE.
CIDIPPE.
AGLAURE.
CIDIPPE.
AGLAURE.
CIDIPPE.
[p. 3]AGLAURE.
CIDIPPE.
SCENE II. §
LYCHAS.
AGLAURE.
LYCHAS.
CIDIPPE.
LYCHAS
AGLAURE, & CIDIPPE.
LYCHAS.
CIDIPPE.
LYCHAS.
AGLAURE.
CIDIPPE.
AGLAURE, & CIDIPPE.
TOUS TROIS
Femme désolée.
1. Homme affligé.
2. Homme affligé.
1. Homme affligé.
2. Homme affligé.
Tous trois.
Femme affligée91.
2. Homme affligé.
1. Homme affligé.
2. Homme affligé.
Les deux Hommes ensemble.
Femme désolée.
1. Homme affligé.
2. Homme affligé.
1. Homme affligé.
2. Homme affligé.
Tous trois.
SCENE III §
[p. 10]AGLAURE.
CIDIPPE.
PSYCHE’ à ses sœurs.
AGLAURE.
CIDIPPE.
PSYCHE’.
AGLAURE.
CIDIPPE.
PSYCHE’.
AGLAURE & CIDIPPE.
SCENE IV. §
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’.
LE ROY.
PSYCHE’ montant sur le Rocher
LE ROY.
PSYCHE’ sur le Rocher.
LE ROY.
ACTE II. §
[p. 14]SCENE PREMIERE97. §
VULCAIN.
SCENE II. §
[p. 15]ZEPHIRE.
VULCAIN.
ZEPHIRE.
VULCAIN.
ZEPHIRE.
VULCAIN AUX CYCLOPES.
SCENE III. §
VENUS.
VULCAIN.
VENUS.
VULCAIN.
VENUS.
VULCAIN aux Cyclopes.
SCENE IV. §
PSYCHE’.
SCENE V. §
PSYCHE’.
NYMPHE cachée.
PSYCHE’.
ZEPHIR caché.
DEUX ZEPHIRS cachez ensemble.
PSYCHE’.
ZEPHIR caché.
PSYCHE’.
L’AMOUR caché.
PSYCHE’.
L’AMOUR caché.
PSYCHE’.
L’AMOUR caché.
PSYCHE’.
SCENE VI107. §
[p. 22]L’AMOUR.
PSYCHE’.
L’AMOUR.
PSYCHE’.
L’AMOUR.
PSYCHE’.
L’AMOUR.
PSYCHE’.
TOUS DEUX.
PSYCHE’.
L’AMOUR.
I. NYMPHE110.
II. & III. NYMPHE.
IIe NYMPHE.
II. & III. NYMPHE.
IIIe NYMPHE.
II. & III. NYMPHE.
Ire NYMPHE.
II. & III. NYMPHE.
IIe NYMPHE.
II. & III. NYMPHE.
III. NYMPHE.
II. & III. NYMPHE.
FIN DU SECOND ACTE.
ACTE III. §
[p. 28]SCENE PREMIERE112. §
VENUS.
SCENE II §
PSYCHE’ sans voir Venus113.
PSYCHE’ apercevant Venus.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
SCENE III. §
PSYCHE’.
L’AMOUR.
SCENE IV. §
PSYCHE’.
SCENE V. §
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
PSYCHE’.
VENUS.
SCENE VI. §
PSYCHE’115.
* * * [p. 37]
SCENE VII. §
LE FLEUVE.
PSYCHE’.
LE FLEUVE.
FIN DU IIIe ACTE.
ACTE IV. §
[p. 38]SCENE PREMIERE. §
PSYCHE’.117
SCENE II. §
LES TROIS FURIES.
PSYCHE’.
PSYCHE’.
LES TROIS FURIES.
PSYCHE’.
LES TROIS FURIES.
PSYCHE’.
UNE FURIE.
LES TROIS FURIES ENSEMBLE.
SCENE III. §
LES TROIS FURIES.
LES DEUX NYMPHES.
PSYCHE’.
I. NYMPHE.
PSYCHE’.
II. NYMPHE.
PSYCHE’ apres avoir pris la Boëte des mains de la Nymphe.
LES DEUX NYMPHES.
PSYCHE’.
LES DEUX NYMPHES
PSYCHE’.
LES DEUX NYMPHES.
FIN DU IVe ACTE.
ACTE V. §
[p. 44]SCENE PREMIERE124. §
PSYCHE’.
SCENE II. §
VENUS.
PSYCHE’ couchée sur le Gazon.
VENUS.
PSYCHE’ sur le Gazon.
VENUS.
SCENE III. §
MERCURE.
VENUS.
MERCURE.
VENUS.
MERCURE
VENUS.
MERCURE.
SCENE derniere. §
JUPITER.
VENUS.
JUPITER.
VENUS.
JUPITER.
VENUS.
PSYCHE’ se levant.
JUPITER A PSYCHE’.
PSYCHE’ à l’Amour.
L’AMOUR.
JUPITER.
RECIT D’APOLLON129
CHOEUR DE DIVINITEZ CELESTES.
RECIT DE BACCHUS130.
RECIT DE MOME.
RECIT DE MARS.
CHŒUR DES DIEUX, où se mélent les Trompettes & les Tymbales.
CHANSON D’APOLLON.
CHANSON DES MUSES.
CHANSON DE BACCHUS.
CHANSON DE SILENE.
TRIO DE SILENE, & de deux Satyres.
UN SATYRE.
SECOND SATYRE.
TOUS ENSEMBLE.
UN SATYRE.
SECOND SATYRE.
TOUS ENSEMBLE.
CHANSON DE MOME.
CHANSON DE MARS.
DERNIERE ENTREE.
CHOEUR.
FIN.
PRIVILEGE DU ROY. §
[p. 58]LOUIS par la grace de Dieu Roy de France & de Navarre : A nos amez & féaux Conseillers, les Gens tenans nos Cours de Parlement, Maistres des Requestes ordinaires de nostre Hostel, & du Palais, Baillifs, Seneschaux, leurs Prevosts, & leurs Lieutenans, & tous autres nos Justiciers & Officiers qu’il appartiendra, SALUT. Nostre bien amé Jean Baptiste Lully Sur-Intendant de la Musique de nostre Chambre, Nous a fait remonstrer que les Airs de Musique qu’il a cy-devant composez, ceux qu’il compose journellement par nos ordres, & ceux qu’il sera obligé de composer à l’avenir pour les Pieces qui seront representées par l’Academie Royale de Musique, laquelle Nous luy avons permis d’établir en nostre bonne Ville de Paris, & autres lieux de nostre Royaume où bon luy semblera, estant purement de son invention, & de telle qualité que le moindre changement ou obmission leur fait perdre leur grace naturelle ; de sorte que comme son esprit seul les produit pour les appliquer aux sujets qu’il y trouve proportionnez, nul autre ne peut si bien que luy rendre lesdits Ouvrages publics dans leur perfection, & avec l’exactitude qui leur est deue. Et d’ailleurs, il est juste que si leur impression doit aporter quelque avantage, il revienne plûtost à l’Autheur pour le recompenser de son travail, & de partie des frais qu’il avance pour l’execution des Desseins qu’il doit faire representer par ladite Academie, qu’à de simples Copistes qui les imprimeroient, sous pretextes de Permissions generales ou particulieres qu’ils peuvent avoir obtenuës par surprises ou autrement ; ce qui l’oblige d’avoir recours à nos Lettres sur ce necessaires. A CES CAUSES ; Voulans favorablement traitter l’Exposant, Nous luy avons permis et accordé, permettons & accordons par ces Presentes, de faire imprimer par tel Libraire ou Imprimeur, en tel volume, marge, caractere, & autant de fois qu’il voudra, avec Planches et Figures, tous & chacuns les Airs de Musique qui seront par luy faits ; comm’aussi les Vers, Paroles, Sujets, Desseins & Ouvrages sur lesquels lesdits Airs de Musique auront esté composez, sans en rien ex- [p. 59] cepter, & cependant le temps de trente années, consecutives, à commencer du jour que chacun desdits Ouvrages seront achevez d’imprimer, iceux vendre & debiter dans tout nostre Royaume, par luy ou par autre ainsi que bon luy semblera, sans qu’aucun trouble ny empéchement quelconque luy puisse estre aporté, mesme par ceux qui pretendent avoir de Nous Privilege pour l’impression des Airs de Musique & Ballets, lesquels pour ce regard en tant que besoin est ou seroit, Nous avons revoqué & revoquons par cesdites presentes ; Faisant tres-expresses inhibitions & défenses à tous Libraires, Imprimeurs, Colporteurs, & autres personnes de quelque qualité qu’elles soient, d’imprimer, faire imprimer, vendre & distribuer lesdites Pieces de Musique, Vers, Paroles, Desseins, Sujets, & generalement tout ce qui a esté & sera composé par ledit Lully, sous quelque pretexte que ce soit, mesme d’impression étrangere & autrement, sans son consentement, ou de ses ayans cause, sur peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, dix mil livres d’amende, tant contre ceux qui les auront imprimez & vendus, que contre ceux qui s’en trouveront saisis & de tous dépens, dommages & interests ; à la charge d’en mettre deux Exemplaires en nostre Biblioteque publique, un en nostre Cabinet des livres de nostre Château du Louvre, & un en celle de nostre tres cher & féal Chevalier, Garde des Sceaux de France, le Sr d’Aligre, à peine de nullité des presentes. Du contenu desquelles, vous mandons & enjoignons faire joüir l’Exposant & ses ayans cause plainement & paisiblement, cessant & faisant cesser tous troubles & empeschemens au contraire ; Voulons qu’en mettant au commencement ou à la fin desdits Livres l’Extrait des Presentes, elles soient tenuës deuëment signifiées, & qu’aux copies collationnées par l’un de nos amez & feaux Conseillers & Secretaires, foy soit ajôutée comme à l’Original. Mandons au premier nostre Huissier ou Sergent, faire pour l’execution des presentes, toutes signifiations, défenses, saisies, & autres actes requis & necessaires, sans pour ce demander autre permission, nonobstant oppositions ou appellations quelconques, dont si aucunes interviennent, Nous nous en reservons & à notre Conseil la connoissance, & icelle interdisons & défendons à tous autres Juges : CAR tel est notre plaisir. DONNE’ à Versailles le vingtiéme jour de Septembre, l’an de grace mil six cens soixante-douze, & de nostre Regne le trentiéme. Signé, LOUIS. Et plus bas : Par le Roy, COLBERT. Et scellé du grand Sceau de cire jaune.
Lexique §
(A) : Dictionnaire de l’Académie Française.
(B) : Dictionnaire de la Musique en France au XVIIe et XVIIIe siècles de Marcelle Benoit
(F) : Dictionnaire de Furetière
Lexique mythologique §
Pour les explications des références mythologiques dans Psyché, il nous semblait fructueux d’illustrer autant que possible la conception de chaque divinité au XVIIe siècle, et la résonance allégorique ou morale que sa présence sur la scène pouvait avoir. Par conséquent, les entrées dans ce lexique sont citées, autant que possible, d’après l’édition du grand Dictionnaire historique de Louis Moreri la plus proche possible de la date de création de Psyché (de 1681). Là où aucune entrée n’existait dans le dictionnaire de Moreri, nous avons cité d’après le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal. Les entrées citées de Moreri sont suivies d’un (M), les entrées citées de Grimal d’un (G).
ÆGIPANS. Ni Moreri ni Grimal ne font mention de ces divinités. Cependant, dans une note sur le prologue de la Psyché de Molière, Georges Couton définit les ægipans comme « les Sylves ou Satyres représentés avec des pieds de chèvre ». Voir Pierre Corneille, Oeuvres complètes, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade » tome 3, première note de page 1149, p. 1637.
ALECTON une des trois Furies, qu’on nomme aussi Erinnes ou Eumenides, filles de l’Acheron & de la Nuit, ou comme veulent les autres de Proserpine, & de Pluton. Les autres deux sont Megere & Tysiphone. L’antiquité superstitieuse & Payenne craignoit si fort leur vangeance que pour se les rendre favorables, elle leur elevoit des Temples & leur rendoit un culte tout particulier. On les croyoit servantes des Juges d’Enfer, & qu’elles avoient ordre d’examiner les procez des morts dans toute a rigueur de la Justice. On leur donne ordinairement un flambeau aux mains, & pour coëffure des serpens entrelassez les uns et les autres, pour exprimer un objet hideux et severe.
Les furies des Anciens ne sont que les passions de l’ame. Elles sont trois, pour exprimer trois sources malheureuses des maux qui se sont ordinairement dans le monde ; sçavoir la colere, la convoitise dereglée des biens, & la volupté149. La colere qui est la cause de la vangeance, n’inspire que des passions funestes & lugubres, de mort, de carnage & de sang ; Ce qui nous est marqué par Tisiphone, qui signifie toutes les choses dans la force du mot Grec. La seconde Megere, qui veut dire envie exprime cette convoitise déplorable des richesses, qui fait regarder avec depit le bon-heur du prochain ; & inspire toute sorte de crimes pour s’y opposer avec violence, & luy ravir avec injustice ce qu’il possede de bonne foy. Enfin Alecton, qui signifie sans repos, avec la concupiscence & la volupté qui est toûjours dans les agitations violentes, & des emportements tumultueux, quand il s’agit de s’abimer dans les ordures du crime & de la dissolution. Et s’il étoit permis d’ajoûter quelque chose de sacré à l’explication de ces fables ; Nous pourrions dire que ces trois furies, sont ces trois pestes que saint Jean ordonne d’eviter, quand il dit que tout ce qui est dans le monde, n’est que concupiscence de la chair, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie. Au reste ces furies sont filles de la Nuit, par ce que c’est ordinairement l’ignorance & l’erreur qui dechaine les passions. On leur donne Pluton, Dieu des richesses pour pere, afin de montrer que les biens nous portent le plus souvent au mal. Leurs flambeaux marquent l’ardeur insatiable des passions, & les serpens de sa coëffure la malice des pensées, que les crimes inspirent, & cette sinderese (sic) secrette, qui est un ver devorant, qui ne laisse jamais la conscience en repos. (M)
AMOUR ou CUPIDON, est ce dieu que les anciens nous représentent si diversement, en sa naissance & en ses progrez. Platon le fait fils de la Pauvreté, & de Porus fils du Conseil & de l’Abaondance : Hesiode, du Chaos & de la terre : Sappho, du Ciel & de la Terre : Alcée de Zephyre & de la Discorde : Simonides de Mars & de Venus : Acusilaus, de l’Air & de la Nuit ; Alcméon, de Flore & du Zephire. Le même Platon avoüe encore qu’il y a deux sortes d’amour. Le premier est fils de Venus Uranie, c’est-à-dire celeste : Le second sorty de Venus Terrestre, ou marine, née de l’écume de la mer. On le représente ordinairement sous la figure d’un très-bel enfant aîlé& tout nû, dont la chair est de la couleur des roses, avec les yeux voilez, tenant un arc bandé d’une main, un flambeau allumé de l’autre, & portant une trousse pleine de flêches à ses côtez.
Il ne sera pas difficile de donner un beau jour à ces peintures ingenieuses des Anciens, si nous les considerons dans leurs sens. Ils nous ont représenté deux sortes d’Amours, pour nous exprimer qu’il n’y a rien dans le Monde qui ne soit bon de soi-même ; & qui ne puisse devenir criminel, par le mauvais usage que les mechans en font. Ainsi le premier Amour est fils de Venus Uranie, pour dire qu’il n’a rien que de bon, de celeste, de spirituel & d’épuré. Platon le considerant de cette façon, soûtient qu’il est un Dieu, grand, merveilleux, qui porte au bien & à l’honnête, qui met en paix les hommes, qui change la rusticité en politesse, qui appaise les discordes, qui unit les amitiez, qui incline à la douceur, qui adoucit la cruauté, qui console les affligez, qui redonne la force aux ames lassées ; & qui rend enfin la vie parfaitement heureuse & l’homme veritablement fortuné. Saint Denys Areopagite ajoûte que l’Amour est un cercle, dont le mouvement perpetuel tourne toùjours d’un bien à un autre bien ; & d’un petit à un plus grand. Zénon l’appelle un Dieu d’amitié & de liberté, de paix & de concorde, de bonheur & de consolation, de science & de vertu. Pour cela que les Athéniens avoient élevé dans l’Académie sa statue dédiée à Pallas, voulant dire qu’il étoit un Dieu sçavant, & celuy qui a été invanteur des belles choses. Ceux de Samos luy consacrerent une fête, qu’ils appelloient la fête de la liberté, bien qu’on le considere ordinairement comme la source des captivitez & de la servitude. Athenée conclût que ce Dieu a toutes les perfections, & point de défauts. Et les modernes souscrivant à ce sentiment, avoüent un commun accord, que sans luy les sciances ne seroient point au monde : La vertu seroit sans Sectateurs : & la Societé civile seroit un bien imaginaire : parceque c’est luy qui fait naître en nous le desir des belles choses, qui nous les fait posseder, & qui par un enchantement admirable nous change & nous transforme en elles. On le fait encore fils du Ciel & de la Terre, ou pour dire qu’il faut que le Ciel l’inspire à nos cœurs ; ou pour marquer la force de cette inclination que les uns ont recherchée dans les Astres, les autres dans Dieu même ; & tous ont avoüé qu’elle avoit quelque chose d’extraordinaire & de surprenant. On nous represente cet Amour sous la figure d’un bel enfant, pour faire voir que tout doit commencer par luy, & qu’il est le premier pas qu’on fait aux grandes choses, comme l’enfance est le premier âge de la vie. Il est nû ; & cela signifie qu’il n’emprunte rien de personne pour venir à bout de ce qu’il veut, & que sa simplicité & ses forces lui suffisent pour exécuter ce qu’il a dessein d’entreprendre. On luy met un bandeau devant les yeux, pour montrer qu’il est immortel, & qu’il est luy-même la veritable source de tout ce qu’il invente. La couleur de sa chair est une peinture de la modestie & de la pudeur : Son flambeau apprend qu’il éclaire toutes choses ; & ses fléches exprimoient cette éloquence invincible qui touche les cœurs & qui les tire aprez soi.
Si nous considerons aprez cela l’Amour fils de Venus Marine, nous serons obligez d’avoüer que c’est luy qui corrompt la Sagesse ; qui seduit la Vertu, qui ruine la Societé & fait mepriser ce qu’il y a de plus louable dans le monde. Il ne fait jamais que des desordres par tout où il se trouve : les crimes sont ses compagnons inseparables, & les Etats & les Familles les plus illustres ont connû par experiance qu’il n’est capable que de sang, d’infamies & de poison pour elles, & de sacrileges pour les choses Saintes. C’est pour cela que les Anciens l’ont tantôt representé comme fils de la Nuit, ou de la Pauvreté ; & tantôt comme sorti de la Dissention & des Procez ; & qu’ils l’ont fait suivre de la Douleur, des Inimitiez & de la Fiévre, pour dire qu’il est la source des desordres qui s’entretiennent dans les tenebres & l’erreur, & qu’il n’est pas une simple maladie ; mais un composé de toutes sortes de maux. Il est nû, parceque celui qui aime, donne toutes choses ; se dépoüille de ses biens, revele son secret, témoin Samson ; & devient enfin le véritable fils de l’Indigence & de l’Indiscrétion. Il est Enfant, à cause qu’il manque de raison & de jugement. On le peint aveugle, afin d’exprimer sa préoccupation & son ignorance pour connoître les défauts de l’objet aimé. Ses aîles marquent son inconstance & sa legereté. Son flambeau fait voir qu’il est un incendiaire public ; & ses flêches assurent qu’il est la source des passions qui tyrannisent l’ame, & qu’il ne peut faire que du mal, par ses coups. (M)
CYCLOPES. Les mythographes anciens distinguaient trois sortes de Cyclopes : les Cyclopes « ouraniens », fils d’Ouranos et de Gaia (le Ciel et la Tere), les Cyclopes siciliens, compagnons de Polyphème, qui interviennent dans l’Odyssée, et les Cyclopes bâtisseurs.
Les Cyclopes ouraniens appartiennent à la première génération divine, celle des Géants. Ils n’ont qu’un oeil au milieu du front, et sont caractérisés par la force et l’habileté manuelle. On en compte trois, appelés Brontès, Stéropès (ou Astéropès) et Argès, dont les noms rappellent ceux du Tonnere, de l’Eclair et de la Foudre. D’abord enchaînés par Ouranos, ils sont délivrés par Cronos, puis enchaînés à nouveau par celui-ci dans le Tartare, jusqu’à ce que Zeus [Jupiter] , averti par un oracle qu’il ne pourrait remporter la victoire qu’avec leur aide, les délivre définitivement. Alors, ils lui donnèrent le tonnerre et l’éclair ainsi que la foudre. [...] Dans la légende, les Cyclopes restent les forgerons de la foudre divine. C’est à ce titre qu’ils encoururent la colère d’Apollon, dont le fils, Asclépios, avait été tué par Zeus d’un coup de foudre, pour avoir ressuscité les morts. [...] Dans cette version, les Cyclopes apparaissent donc comme des êtres mortels, et non des dieux.
Dans la poésie alexandrine, les Cyclopes ne sont plus considérés que comme des démons subalternes, forgerons et artisans de toutes les armes des dieux. Ils fabriquent, par exemple, l’arc et les flèches d’Apollon et de sa soeur Artémis (Diane), sous la direction d’Héphaïstos [Vulcain] , le dieu forgeron. [...] Déjà dans l’Odyssée les Cyclopes passent pour une population d’êtres sauvages et gigantesques, doués d’un oeil unique, et d’une force prodigieuse, qui vivent sur la côte italienne. [...] On attribuait à des Cyclopes (venus, dit-on, de Lycie), la construction de tous les monuments préhistoriques que l’on voyait en Grèce, en Sicile, et ailleurs, faits de gros blocs dont le poids et la taille semblaient défier les forces humaines. Il ne s’agit plus là, des Cyclopes fils d’Ouranos, mais de tout un peuple, qui s’était mis au service des héros légendaires, de Proetos, Persée, pour fortifier Argos, etc. On leur applique la curieuse épithète de « Chirogastères », c’est-à-dire : Ceux qui ont des bras au ventre, et cela rappelle les « Hécatonchires », les Géants aux Cents Bras, qui sont, dans la mythologie hésiodique, les frères des trois Cyclopes ouraniens150.
EUMENIDES, c’est le nom que les Anciens donnoient aux trois furies Infernales, s’imaginans que Jupiter les Employoit pour châtier les hommes. C’étoient Megere, Alecton, Tisiphone. Elles avoient un Autel à Athenes, dont Thucidide & Plutarque font mention au sujet de ceux du parti de Cilon, qui y furent assassinez. (M)
Grimal ajoute que le nom propre de ces divinités est « Erinyes, appelées aussi Euménides (c’est à dire les « Bienveillantes », d’un surnom destiné à les flatter, et par conséquent à éviter d’attirer sur soi-même leur redoutable colère) sont des déesses violentes, que les Romains identifièrent avec leurs Furies. [...] Ce sont des forces primitives, qui ne reconnaissent pas l’autorité des dieux de la plus jeune génération. Elles sont analogues aux Parques, ou Destins, qui n’ont d’autres lois qu’eux-mêmes, et auxquels Zeus [Jupiter] lui-même doit obéir. Primitivement, elles sont en nombre indéterminé. Puis, leur nombre se précise, ainsi que leurs noms. [...] Dès les poèmes homériques, leur fonction essentielle est la vengeance du crime. Elles châtient tout particulièrement les fautes contre la famille. [...] Protectrices de l’ordre social, elles châtient tous les crimes susceptibles de le troubler, et aussi la démesure, l’Hybris, qui tend à faire oublier à l’homme sa condition de mortel. [...] Peu à peu, les Erinyes sont conçues comme des divinités des châtiments infernaux, à mesure que s’établit la croyance en un au-delà. » (G)
FLORA que les Anciens consideroient comme la Déesse des fleurs, fut femme de Zephire. Elle étoit au sentiment de Lactance, une fille qui ayant gagné beaucoup de biens par les débauches, institua les jeux floreaux. Aussi les Romains honteux de rendre tant de respects à une personne qui les meritoit si peu, la firent considerer comme la Déesse des fleurs. On luy faisoit ses fêtes au commencement de May. Les Ediles parsemoient les chemins de fleurs de féves & de pois ; & les femmes couroient toute la nuit au son des trompettes, comme Juvenal l’a remarqué dans le sixième des Satyres. Ovide parle aussi de Flore & des jeux floreaux dans le 5. livre des Fastes. (M)
MENADES, femmes transportées de fureur, qui étoient employées au service de Bacchus. On les nommoit autrement Bachantes, & elles tuerent brutalement Orphée, comme Ovide l’a feint dans l’II. Livre des Metamorphoses. (M)
MOMUS, Dieu de la censure & de la raillerie, étoit fils de la Nuit & du Sommeil. Ce mot est tiré du mot Grec μώμος, qui veut dire railleur151, parce que ce Momus trouvoit à redire à tout ce que les autres faisoient. (M)
NYMPHES. [...] Les Nymphes sont des « jeunes femmes » qui peuplent la campagne, les bois et les eaux. Elles sont les esprits des champs et de la nature en général, dont elles personnifient la fécondité et la grâce. Elles passent, dans l’épopée homérique, pour les filles de Zeus (Jupiter). Elles sont considérées comme des divinités secondaires, auxquelles on adresse des prières, et qui peuvent être redoutables. Elles habitent dans des grottes, où elles passent leur vie à filer et à chanter. Souvent, elles sont les suivantes d’une grande divinité (Artémis [Diane] notamment), ou de l’une d’entre elles, d’un rang plus élevé. Ainsi les nymphes servantes de Calypso ou de Circé.
Parmi les Nymphes existent plusieurs catégories, distinguées selon leur habitat : Les Nymphes des frênes (les Méliades [...] ) semblent être les plus anciennes ; elles sont filles d’Ouranos et non de Zeus. Puis, les Naïades [...] , qui vivent dans les sources et les cours d’eau. Très souvent, les Naïades d’un fleuve passent pour les filles de celui-ci. [...] D’autres nymphes sont attachées à un lieu particulier, voire à un arbre donné, comme les Hamadryades. (G)
PALAEMON. 3. ...[L] e personnage de ce nom le plus célèbre est le fils d’Ino-Leucothée. Dans son enfance humaine, ce Palaemon s’appelait Mélicerte ; son père était Athamas. Mais, après le suicide de sa mère, Ino, qui l’entraîna avec elle dans la mort, Mélicerte devint le dieu marin Palaemon, tandis qu’Ino devenait la déesse Leucothée [...] . Par sa mère, Palaemon est le cousin germain de Dionysos [Bacchus] (Ino, en effet, est fille de Cadmos, et la soeur de Semélé, elle-même mère de Dionysos [...] ). Pour se suicider, Ino se jeta du haut de falaises voisines de Mégare, et les Mégariens racontaient que, tandis que le corps de la mère était jeté au rivage près de leur ville, et enterré par les filles de Cléson lui-même fils de l’Egyptien Lèlex, le corps de l’enfant était porté par un dauphin jusque sur l’isthme de Corinthe, où il fut recueilli par Sisyphe, qui l’enterra, et lui éleva un autel près d’un pin ; il lui accorda des honneurs divins sous le nom de Palaemon ; il lui donna ce nom parce qu’il en fit le dieu protecteur des jeux isthmiques. (G)
PROSERPINE, fille de Ceres, fut enlevée par Pluton Dieu des Enfers. Aprez cela il l’épousa ; mais Ceres ne pouvant se passer de voir sa fille, fit un accord avec Pluton et on resolut que Proserpine passeroit six mois de l’année avec son mary ; & qu’elle seroit durant les autres six avec sa mere sur la terre. Voilà la fable ; en voicy le sens. Ceres qui est prise pour la Terre donne la vie à Proserpine qui est la semence ; & elle demeure durant les six mois de l’Hiver dans le sein de la Terre ; mais elle pousse au Printems & paroit durant les autres six mois. (M)
PSYCHÉ152, divinité des anciens, etoit proprement l’ame, que les Grecs nomment Ψνχή. Apulée & Fulgence ont décrit les amours de Cupidon & de cette déesse, & le marriage qu’ils contracterent ensemble. On représentoit Psyché avec des aîles de papillon aux épaules, parceque la légéreté de ce volatile exprime en quelque façon la nature & les propriétés de l’ame, qui n’étoit, selon eux, qu’un air & qu’un souffle. Le papillon étoit aussi le symbole de l’ame, & losrqu’on peignoit un homme mort, on représentoit un papillon qui paroissoit être sorti de la bouche, & s’envoloit en l’air. On voit dans plusieurs monuments antiques, un Cupidant (sic) embrassant Psyché ; celui-là presque nud, & celle-ci à demi vêtue : par où il semble que les anciens exhortoient les hommes à la volupté, selon la pensée de Fulgence, qui explique ces embrassemens du desir qu’a la cupidité de posseder l’ame. D’autres croient qu’ils ont voulu faire allusion à la faculté raisonnable & à l’irraisonable, qu’ils supposoient être dans l’ame ; ou à l’esprit marqué par Psyché, & à la concupiscence* figurée par Cupidon. (M)
SILENE, nourricier & compagnon de Bacchus, que les Poëtes ont feint monté sur un âne & presque toûjours ivre. Virgile en fait une plaisante description, in Ecl. (M)
SILVAIN. Sylvain est une divinité romaine qui préside aux bocages (silvae). Il est assez mal distingué de Faunus, et, dans le panthéon romain hellénisé, il s’identifie rapidement à Pan. On le représentait sous les traits d’un vieillard, mais il était en réalité doué de toute la force d’un jeune homme. Son culte est lié à celui d’Hercule, et aussi celui des Lares domestiques. Simple « numen », Silvain ne possède pas de mythes bien caractérisés. Il vivait ordinairement dans des bois sacrés, auprès des villes ou en pleine campagne. (G)
VENUS153. Selon Grimal, elle est une « très vieille divinité latine [...] assimilée au IIe siècle av. J.-C. à l’Aphrodite Grecque. » Selon Moreri, « Vénus, déesse de l’amour, étoit fille de Jupiter, & de Dioné ; ou, selon d’autres, naquit de l’écume de la mer, & des testicules de Coelus, que Saturne jetta dans la mer. Cicéron distingue quatre Vénus différentes ; la première, fille du ciel ; la seconde, selon cet orateur, tiroit son origine de l’écume de la mer, & étoit mere de Cupidon ; la troisième, fille de Jupiter & de Dioné, qui epousa Vulcain, & qui eut Anteros de Mars ; la quatrième de Tyr nommée Astarte, qui epousa Adonis. La première & la quatrième sont apparemment la Vénus d’Assyrie, que l’on appeloit Uranie ou Céleste, & dont le culte passa d’Assyrie ou de Babylone en Syrie, où elle fut appellée Astarte154. Sanchoniaton la fait fille du ciel, épouse de Saturne, & mere des sept filles Tytanides. Cette Uranie avoit un temple très ancien à Ascalon en Phénicie, dont il est parlé dans Hérodote. Elle étoit aussi honorée en Arabie et en Perse. La seconde & la troisième Vénus sont celle de Grèce, qui était particulièrement honorée dans l’isle de Chypre, où elle avoit un temple magnifique à Paphos. On tient qu’elle y étoit venue de Phénicie, & que c’est ce qui a donné lien à la fable, qu’elle y était née de l’écume de la mer. La Vénus de Césarée étoit aussi venue de Phénicie, selon Pausanias & Hesychius. Il y avoit à Rome un temple de Vénus Libitine. Quelques-uns ont fait Vénus mâle ou hermaphrodite. »
VERTUMNE. Dieu d’origine probablement étrusque, qui avait une statue, à Rome, dans le quartier étrusque à l’entrée du Forum. Vertumne personnifiait l’idée de « changement ». On lui attribuait le don de se transformer en autant de formes qu’il voulait. Ovide lui prête des amours avec la nymphe Pomone [...] , probablement parce que Vertumne était, à quelque titre, protecteur de la végétation et, plus particulièrement, des arbres fruitiers. (G)
VULCAIN. « Divinité romaine [...] qui ne possède en propre aucune légende, a été identifié à Héphaïstos. » Grimal dit de Héphaïstos, « [Il] est le dieu du feu. Il est fils de Zeus [Jupiter] et d’Héra [Junon] . Mais, parfois, on prétend qu’Héra l’engendra seule, par dépit de la naissance d’Athéna, que Zeus avait mise au monde sans le secours d’aucune femme, puis qu’elle le confia au Naxien Cédalion pour qu’il apprît le travail des métaux. ... Héphaïstos est un dieu boiteux. [...] Il est le dieu des métaux et de la métallurgie. Il règne sur les volcans, qui sont ses ateliers, dans lesquels il travaille avec ses aides, les Cyclopes (au moins d’après les légendes les plus récentes). C’est à lui que Thétis a recours pour forger des armes à Achille. [...] Héphaïstos est parmi les dieux ce qu’est Dédale parmi les hommes, un inventeur à qui aucun miracle technique n’est impossible.
Héphaïstos, physiquement disgrâcié, passait pour avoir eu cependant des femmes d’une grande beauté. Déjà l’Iliade lui attribue Charis, la Grâce par excellence. Hésiode lui donne comme femme Aglaé, la plus jeune des Charites. Mais surtout, l’on connaît ses aventures avec Aphrodite [Vénus] , qui sont rapportées dans l’Odyssée. Zeus l’avait uni en effet à la déesse, mais celle-ci ne tarda pas à devenir la maîtresse d’Arès [Mars] . Si bien que le Soleil, Hélios, qui voit tout, aperçut un jour les deux amants étendus côte à côte, et alla tout conter au mari. Celui-ci ne dit rien, mais prépara un filet invisible, qu’il disposa autour du lit de sa femme. Quand elle y vint retrouver son amant, le filet se referma, immobilisant les deux coupables, et leur interdisant tout mouvement. Alors, Héphaïstos convoqua tous les dieux au spectacle. Aphrodite, de honte, s’enfuit, dès qu’elle fut délivrée, et tous les dieux furent saisis d’un rire inextinguible. » (G)
Traduction de la Plainte Italienne §
Ces vers constituent les pages 7 et 9 de l’édition originale (voir note 90, p. 63). Cette traduction est identique à celle qui se trouve dans le texte de la Psyché de 1671, compte tenu des changements de structure entre les deux versions138. Les vers en italien sont de Lully. L’auteur de la traduction n’est pas connu, mais il n’est pas Thomas Corneille puisque ce poète n’avait aucun rôle dans la composition de la Psyché de 1671. Elle est probablement de Quinault, car en tant que poète des intermèdes il avait un contact constant avec Lully139.
IMITATION EN VERS FRANCOIS. [p. 7]
Femme désolée.Meslez vos pleurs avec nos larmes,Durs Rochers, froides Eaux, & vous Tigres affreux,Pleurez le destin rigoureuxD’un Objet dont le crime est d’avoir trop de charmes.Homme affligé.O Dieux ! quelle douleur !Homme affligé.Ah ! quel malheur !Homme affligé.Rigueur mortelle !Homme affligé.Fatalité cruelle !Tous trois.Faut-il, helas !Qu’un sort barbarePuisse condamner au trépasUne beauté si rare !Cieux ! Astres pleins de dureté !Ah ! quelle cruauté !Femme affligée.Répondez à ma plainte, Echos de ces Boccages,Qu’un bruit lugubre éclate au fond de ces Forests.Que les Antres profonds, les Cavernes sauvagesRepetent les accents de mes tristes regrets. [B, 9]2. Homme affligé.Quel de vous, ô grands Dieux, avec tant de furie,Veut détruire tant de beauté ?Impitoyable Ciel ! par cette barbarieVoulez-vous surmonter l’Enfer en cruauté ?1. Homme affligé.Dieu plein de haine !2. Homme affligé.Divinité trop inhumaine !Les deux hommes ensemble.Pourquoy ce couroux si puissantContre un cœur innocent ?O rigueur inouïe !Trancher de si beaux jours,Lors qu’ils donnent la vieA tant d’Amours !Femme Désolée.140Que c’est un vain secours contre un ma sans remede,Que d’inutiles pleurs, & des cris superflus !Quand le Ciel a donné des ordres absolus,Il faut que l’effort humain cede.O Dieux quelle douleur &c.
Airs à chanter §
Comme nous l’avons signalé dans la note sur l’édition, il serait peu pratique de signaler en note chaque changement entre récitatif et air. Dans le but, donc, de ne pas encombrer le texte, nous avons copié cette table d’airs de la première partition imprimée de Psyché (Ballard, 1720). Dans Ballard, la colonne à droite indique la page. Nous avons remplacé les indications de page par des indications de vers. Tous les vers qui ne correspondent pas à un des airs de cette table font partie d’un récitatif ou d’un chœur, à l’exception des quatre récitatifs cités dans la table (inclus par Ballard, sans doute, parce qu’ils constituent les grandes tirades de l’opéra).
Rappelons que « ces tables ont pour but d’indiquer à l’usager quels sont les morceaux – baptisés airs – qui sont susceptibles d’être chantés séparément ; elles varient souvent d’une édition à l’autre et contiennent parfois des erreurs ou des omissions manifestes141. » Ballard a donc tendance à énumérer tout ce que ses clients pourraient considérer un joli air à chanter. Par conséquent, il inclut souvent deux couplets d’un même air comme deux airs séparés (« Est-on sage ? » et « L’Amour charme » par exemple). De même, la plainte italienne, par exemple, est citée en une seule entrée, mais pour le divertissement final, Ballard ajoute chaque couplet de chaque entrée séparément. Puisque les divertissements sont, en principe, sans récitatif, nous avons mis les airs des divertissements en italiques afin de mieux les isoler des airs appartenant à l’intrigue.
A. Admirons le Jus de la Treille. 892-897
Ah ! que l’Amour est promptement guery ! 309-312
Ah ! que mes peines sont charmantes ! 707-712
Ah ! qu’en amour le plaisir est charmant ! DUO. 395-397
Ah ! qu’il est dangereux. DUO. 138-143
Ah ! qu’on me laisse ma colere. 788-791
Aimable Jeunesse 142 421-480
Aimez, aimez, il n’est de beaux ans. DUO. 351-356
Aimez sans trouble & sans allarmes. BASSE. 817-819
Après un temps plein d’orages. 91-94
B. Bacchus veut qu’on boive à long-traits. 898-902
C. Ce Dieu rend nos voeux satisfaits143. 903-907
Ce n’est plus le temps de la guerre. 1-6
Ce n’est point comme un Dieu que je pretens paroître, 413-416
Cependant montrons-luy ce que ces lieux terribles. TRIO. 689-690
Ce seroit grand dommage144. 868-875
Chacun est obligé d’aimer. [DUO] *
D. Deh, piangete al pianto mio. Plainte Italienne, & la suite. 148-181
Dépechez, preparez ces lieux. 274-295
E. Est-on sage ? 31-40
F. Faites tout pour l’Amour, & rien contre Venus. 266-271
Folatrons, divertissons-nous. 2 couplets, BASSE avec accomp. 919-934
G. Gardez-vous Beautez séveres. 876-883
I. Il est un fatal moment. 103-107
J. Je cherche à médire. BASSE avec accomp. 840-847
L. Laissons en paix toute la Terre. 935-938
L’Amour a des charmes. *
L’Amour anime l’Univers. DUO. 715-718
L’Amour charme145. 41-50
Le Dieu qui nous engage 860-867
M. Mes plus fiers ennemis. 848-851
N. N’y pensons plus, mon bonheur a changé. RECIT. 651-662
Non, non, n’attend rien de favorable146. TRIO. 671-672
O. On ne peut aimer sans peine147. 884-891
Où penses-tu porter tes pas ? TRIO. 663-666
P. Par quels noirs et facheux passages. RECIT. 641-650
Pleurons, en de si grand malheurs. TRIO. 146-147
Pompe que ce Palais de tous côtez étale. RECIT. 481-502
Psyché merite bien une ardeur si fidelle. 250-255
R. Rendez-vous, Beautez cruelles. 13-22
S. Si des rigueurs inhumaines. 96-99
Si je fais vanité de ma tendresse extrême ? RECIT. 726-747
S’il est quelque bonheur. 792-795
S’il faut des soins & des travaux. [DUO] *
Si quelquefois suivant nos douces loix. 833-839
Souffrons-tous qu’Amour nous blesse148. 23-30
V. Venez, Nymphes de l’Acheron. TRIO. 691-694
Venez voir ce Palais. 417-420
Viens Amour, tes soûpirs emportent la victoire.BASSE. 810
Voulez-vous des douceurs parfaites, & la suite. 908-918
Vous n’êtes pas les plus heureux. 532-537
U. Unissons-nous, Troupe immortelle. 820-825
FIN DE LA TABLE.
Bibliographie §
Ouvrages antérieurs à 1800 §
Sources §
Antique §
Autres versions de Psyché du XVIIe siècle §
Autres opéras et pièces de théâtre du XVIIe siècle §
Instruments de Travail §
Dictionnaires §
Gazetiers, témoignages, traités §
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Il n’existe à présent aucun enregistrement de Psyché. Cependant, le prélude de trompettes pour Mars et le dernier choeur, « Chantons les plaisirs charmants » sont enregistrés sur :
Il existe également une adaptation en anglais de Psyché (de Molière) de Thomas Shadwell en forme de tragédie-ballet (« dramatick opera » ), dont les divertissements sont enregistrés sur :