AN VII.
Par EMMANUEL DUPATY.
L’on doit à Piron un ouvragé intitulé Arlequin Deucalion, pantomime en trois actes, dans laquelle parmi plusieurs personnages de convention, tels que Thalie, Melpomène, Apollon, le cheval Pégase, etc... Arlequin, un perroquet et Polichinel, sont les seuls acteurs qu’il ait doués de la parole. Son Arlequin est plein de traits, de verve, de saillies ; Polichinel est charmant ; le Perroquet même a de l’esprit, sans répéter ce que disent les autres. Tout le monde connaît l’admirable scène de Pigmalion. Mais ces deux ouvrages où les personnages ne sont pas tout-a-fait seuls, ne portent nullement les caractères d’une comédie, qui sont une action, un noeud et un dénouement. Bien imprudemment peut-être j’ai risqué d’isoler absolument mon acteur, de lui donner une légère intrigue a conduire; et pour mériter au moins un pardon de la part de ceux qui vous connaissent; c’est à vous, dont le suffrage seul serait presque tout pour moi, que je m’empresse d’offrir ce léger essai, qui, malgré le prix que quelques personnes veulent bien attacher aux choses de première invention, me paraît cependant si faible , dépouillé du jeu charmant de l’acteur aimable qui en a fait, même à mes yeux, tout le succès et presque tout le mérite, que je dois bien regretter que l’impression n’ait pu rendre et noter, a côté des paroles, la grâce de mon Arlequin.
Ce petit ouvrage serait alors un cadeau précieux : ce nouveau genre d’intérêt m’assurerait des lecteurs ; de votre part, j’en suis sûr, un peu de reconnaissance, et couvrirait bien des défauts, sur lesquels on a passé, tout au plus, par justice pour la perfection du jeu, et par indulgence, pour la singularité de l’entreprise.
En effet, il existe au Théâtre une grande prévention contre tout ce que l’on appelle monologue ; et tant de gens sont réduits à s’ennuyer dès qu’ils sont tout seuls, que l’on a pris l’habitude de penser qu’il est impossible de recevoir longtemps une impression agréable de la part de celui qui, en le jugeant d’après soi, ne doit naturellement en éprouver aucune. Ces personnes-là ne sont pas, il est vrai, du nombre de celles qui savent aimer ou réfléchir ; mais il serait fou, surtout aujourd’hui, d’espérer pouvoir remplir une salle, de gens de cette dernière sorte ; et risquer devant mille gens qui s’ennuient souvent d’eux-mêmes, un monologue de trais quarts d’heure, eût été vraiment imprudent, si je n’eusse deviné d’avance combien l’intelligence et le talent de l’acteur en rompraient la monotonie.
Quant au monologue en lui-même, loin de partager, peut-être à tort, la prévention presque générale, et souvent peu réfléchie ; je crois que l’intérêt que l’on peut y répandre doit, comme dans toute autre scène, suffire pour le soutenir et le prolonger. L’on ne s’aperçoit pas toujours que, dans une comédie, c’est l’action qui nous attache plus encore que les personnages. Et qu’importent les moyens dont on se sert pour soutenir le fil d’une intrigue ; qu’importe le hombre des acteurs qui le conduisent, pourvu, qu’on ne le laisse ni se perdre ni se rompre, et qu’il soit assez fort pour supporter un nombre d’ornements , assez variés pour donner le désir de le suivre jusqu’au bout.
Quelques amateurs routiniers des anciennes méthodes n’ont cependant pas manqué de censurer pour le fond cette légère innovation sans conséquence, et de taxer de prétention le développement d’une idée fondée sur un principe ; mais on peut leur observer, pour s’excuser, que le voyageur qui, chemin faisant, cherche à mettre à profit le voyage, et ne se met en route que lorsque les grands chemins sont devenus arides à force d’être battus, n’a plus d’autres ressources, que de se frayer ou chercher, un peu de côté, quelques-uns de ces petits sentiers qui s’en éloignent a la vérité, mais suivent la même direction, y ramènent, et sur les bords desquels on conserve au moins l’espoir de trouver encore quelques fleurs.
D’ailleurs, en suivant pas à pas la route que nous ont tracée les grands maîtres, nous rencontrerons à chaque pas des chef-d’oeuvres. Il est assez justement reconnu que nous ne sommes a présent, pour la plupart, que de faibles écoliers ; et traîner servilement sa médiocrité parmi des chef-d’oeuvres est, je crois, le cachet de la médiocrité. Sans avoir de grands talents, chacun a pourtant le désir de paraître : et plus d’une grenouille, sans se donner même la peine de s’enfler, se croit aussi grosse que le boeuf : ce n’est que de la vanité, de la folie ; mais le nain , qui voulant se montrer malgré sa petite taille, irait directement se placer derrière un géant, joindrait, à mon gré, la sottise à la vanité. La vanité !... passe encore !... C’est un défaut que l’on acquiert souvent à si bon marché !... L’avoir seul est trop heureux, et c’est au moins savoir joindre à l’aveuglement, un peu de jugement et de modestie, que de chercher à s’écarter de ceux que l’on n’espère ni atteindre ni surpasser. Cependant aujourd’hui l’imitation est plus à la mode que jamais ; on copie les anciens, les contemporains ; on se copie soi-même; on roule toujours dans le même cercle ; on a, pour ainsi dire, un mannequin banal, dont on change un peu l’habillement et les gestes ; l’esprit s’entend à merveille à ces demi-travestissements ; l’esprit fait tout, est tout, finit par ne rien produire, dispense même de l’invention ; et le génie qui pourrait seul découvrir des trésors, s’endort tout-à-fait, tandis que l’esprit se fatigue et se replie de cent manières, pour découvrir , à grands frais, quelques paillettes dans des mines épuisées. La pauvreté des productions modernes est généralement le fruit de cette marche. Mais voilà de bien grandes réflexions au sujet d’un bien petit ouvrage. Heureusement, ceux qui redoutent l’ennui, me sauront si bon gré d’avoir fait la pièce un peu courte, qu’ils me pardonneront sans peine d’avoir fait cette lettre un peu longue.
COUPLET D’ANNONCE. §
AIR : Vaudeville d’Arlequin afficheur.
PERSONNAGES, ACTEURS. §
- ARLEQUIN, maître de musique. Delaporte.
ARLEQUIN TOUT SEUL. §
LE PUBLIC.
Marché conclu entre Arlequin, maître de musique, et Gilles, vivant de son bien.
Pour copie conforme à l’original. GRAPIN , Notaire.
ARLEQUIN, paraît dans son cabinet.
Le jour est levé depuis longtemps, mon amour aussi, mon appétit commence... Songeons à mon déjeuner, à mon amour...
Il sort, portant une tourtière et un rouleau de musique, et arrive devant l’affiche.Halte ! Reclus depuis hier midi, pour jusqu’à aujourd’hui midi, j’ai pourtant fait un joli trait d’esprit, de commencer par afficher là mon marché. Si je ne l’avais sous les yeux, je suis sûr que je reporterais moi-même cette tourtière, de mon souper d’hier au soir.j chez le voisin Cassandre, notre restaurateur, et je perdrais mes cinquante écus... C’est qu’il n’y a pas moyen de revenir là-dessus, ce n’est pas comme un contrat de mariage...
Il pose la tourtière, et considère son affiche.Passé par-devant... C’est gentil, un marché comme ça.
Air : De la Meunière.Sans doute, il était là, devant nous, à son bureau...
Il est venu drôlement, ce marché-là... Je parlais des avantages de la solitude, parce que j’étais loin de ma bien-aimée... Là-dessus il me propose, article premier, de parier cinquante écus que je ne passerai seulement pas vingt-quatre heures sans sortir de la maison... Parier cinquante écus, et vingt-quatre heures de plaisir avec, contre cinquante écus tout seuls !... C’est beaucoup ; mais il ne se présente pas tous les jours une occasion de faire fortune légitimement, quoique l’on voie tous les jours des enrichis... D’ailleurs, il me manque cinquante écus pour avoir la somme que Monsieur Cassandre exige de celui qui se présentera pour être son gendre... Voilà un motif pour accepter le pari... J’accepte !... Mais Gilles, pour le proposer, a-t-il une raison ?... Instruit, par hasard, de mon attachement pour la demoiselle de Monsieur Cassandre, croit-il qu’il me soit impossible de passer ainsi, vingt-quatre heures ?... Ah ! Détrompez-vous, mon ami Gilles...
Air nouveau du C. DELAPORTE.Vingt-quatre heures séparé de tout ce qu’on aime, c’est pourtant passer en un jour bien des mauvais quarts-d’heure. Mais, patience... Le mur est commun aux deux jardins... Ma bonne amie, pour arroser ses fleurs, vient souvent tirer de l’eau à ce puits, qui est commun aussi... Nous pouvons établir nos communications par-dessus le mur ; ensuite par cette petite porte : elle est condamnée ; mais le coeur, l’esprit, la voix, l’amour, tout cela passe par de si petits trous !... Oh ! Nous causerons...
Il prend la tourtière, et monte à la porte du perron.Gilles... Voisin Gilles, voisin...
La porte s’ouvre sur le public, de façon que l’on ne peut voir Gilles, qui se trouve derrière.Eh bien ! Quel air sinistre ! Pas un petit bon jour ? Est-ce que vous êtes muet, aujourd’hui ?...
Il lui donne le rouleau de musique.Voilà d’abord la musique, en pot-pourri, que vous m’avez demandé, pour la sérénade que vous prétendez donner à cette nouvelle maîtresse, dont vous me cachez le nom... Mais c’est égal, tout se découvre... Ensuite, voici la tourtière, que vous allez reporter tout de suite à mademoiselle Cassandre... Attendez donc. Commandez-moi un grand pâté de macaroni, pour avant midi... Bien grand... Entendez-vous ? Je ne veux pas sortir à jeun... Et puis, rappeliez-lui tout ce que j’ai demandé pour mon goûter de ce soir...
Air : Courons de la brune à la blonde.Allez vous retiendrez bien... Il ne répond que de la tête... Malhonnête !...
Gilles tire la porte, et ferme avec la clef.Ne fermez donc pas si fort ; je n’ai pas envie de sortir...
Il descend.Ma bonne amie va recevoir de mes nouvelles. Je suis loin de me fier à Gilles ; et comme il est assez méchant pour cacher la cause de mon absence, j’envoye par lui, sans qu’il s’en doute, dans le fond de la tourtière, une seconde copie de mon traité, et mes excuses. Mais si j’avais l’esprit de profiter de l’esprit que j’ai eu pour sa sérénade, je pourrais, afin de prévenir ma bonne amie que je suis là, fredonner un de ces petits airs, sans paroles, qui disent quelque chose ; ce qui vaudrait bien tant de paroles, sans musique, qui ne disent rien... Elle sait tous les airs, elle me comprendra. Voyons l’air, Je t’aime tant.
Il fredonne l’air. On entend sonner à la porte, que l’on voit dans le fond. Il cesse de chanter.L’on sonne : ah ! c’est Gilles qui entre... Allons, patience !... Pendant qu’elle va lire, me voilà encore réduit à nourrir mon amour d’illusion... Heureusement, je puis, en attendant, souhaiter à son portrait le petit bon jour du matin... Un portrait, pour un aman.t, c’est presque la moitié d’une personne !
Il tire une feuille de papier pliée.Il est charmant ; celui-ci : je l’ai escamoté avec tant d’adresse ; à la silhouette, contre le mur de la cuisine, à la lueur du four ; pendant qu’elle tirait les petits pâtés de mon souper... Comme elle s’appelle Blanche, j’ai eu l’attention délicate de mettre le noir en-dehors ; comment aurai-jè pu la peindre en noir ?...
Air : De Joconde.Un fond noir... Cela fait bien ressortir une figure... Aussi, comme mon visage fera un joli effet à côté du sien !... C’est comme une mouche que tu te mettras sur la joue, sur les yeux, partout, pour faire valoir !... Oh, ma bonne amie, c’est étonnant tout ce que je ferai valoir une fois que j’aurai le bonheur d’être en pied dans tes bonnes grâces ; aussi je ne saurais vraiment trop me féliciter d’avoir une maîtresse semblable à vous. Tout le monde en parle. J’en parle, à tout le monde, et je trouve encore que ce n’est pas en parler assez, puisque j’en parle même quand je suis tout seul... Oui, ma chère maîtresse, tu es toujours le sujet de mes conversations avec moi-même, et ces conversations-là sont celles qui me plaisent le plus ; car il y a toujours là... ou là... enfin de la tête aux pieds, c’est toujours dans le coeur ; car, tenez, bonne amie, quand on aime bien, oh oui, je sens que le coeur est vraiment partout.
Air : Trouver le bonheur en famille.Chut... Gilles est de retour...
On entend remuer la poulie du puits, du côté de Monsieur Cassandre.L’on-tire de l’eau : si c’était... Appellerai-je ? Non... C’est peut-être le père... Comment savoir...
Il s’approche doucement, et placé de côté regarde dans le puits.Air : La garde passe.Non, ce n’est pas un flot !... Mais en rassemblant, tous ces traits séparés... L’on dirait... Je crois... Oui... C’est elle... Appelons... St, st, st ; elle me reconnaît... Elle tourne la tête... Le père serait-il dans le jardin ?... Ne nous déconcertons pas...
Air : Je brûle de voir ce château.Eh bien, qu’est-ce qu’elle suspend à son peloton de fil ?... Bravo... Et vite la boîte aux lettres au-devant de la dépêche.
Il fait descendre un seau.Air : Du haut en-bas.Encore un peu, balançons ; lâchez donc... lâchez le fil... Bien... Lâchez le fil... Eh quoi, adieu déjà !
Il n’y a plus que moi là-bas ; je n’ai rien à me dire. Amenons la correspondance.
Il remonte le seau.Même Air.Arrivez mon petit poulet aquatique...
Le volet de la fenêtre de, Gilles s’ouvre sur le public, de manière que l’on ne peut le voir ; on entend sa clarinette. Arlequin pose le seau sur le bord du puits.Qu’entends-je ? Ce coquin de Gilles qui prélude.
Gilles joue l’air : Je suis Lindor.Ah ! Je suis Lindor !...
Gilles joue l’air : Chouchoux, faire-moi ton époux.Ah ! Chouchoux, faire-moi ton époux ? Si l’on a l’esprit de répondre, nous saurons à qui s’adresse...
On entend préluder la vielle de Blanche.Quoi la vielle de ma bonne amie... Je la vois à sa fenêtre ; est-ce qu’elle prend la déclaration pour elle ?
Blanche joue l’air : Attendez-moi sous l’orme.Ah !... Attendez-moi sous l’orme... Jolie réponse pour celui qui n’a pas fait la question.
Gilles joue l’air : Chantons l’hymen, chantons l’amour.Tiens, chantons l’hymen, chantons. Voilà bien là Gilles ; mais est-ce que je n’aurai pas ma part de ce dialogue ?
Air : Chacun à son tour.Vite ma flûte. L’air : Daigne écouter l’amant fidèle et tendre.
Il joue. Blanche joue l’air : Je vous comprendrai toujours bien.Elle répond : Je vous comprendrai toujours bien.... Bon, puisqu’elle me comprendra, tâchons de savoir enfin si elle m’aime... Essayons l’air : Si le coeur vous en disait. C’est pour un garçon honnête, une jolie question à faire à une demoiselle qui a des sentiments.
Il joue. Blanche joue l’air : Pour vous je vais me décider.Ciel, pour vous je vais me décider !... En chanteur, vite l’air : Vous m’acceptez pour époux.
Il joue.Gilles, à la lucarne du grenier, dont il pousse le volet, recommence à jouer l’air : Chantons l’hymen, chantons l’amour.Tiens, l’autre au grenier qui recommence Chantons l’hymen... Il est temps.
Blanche joue : Il faut ici de la prudence.Qu’y a-t-il de nouveau ? Il faut ici de la prudence. Eh ! Le papa Cassandre à sa fenêtre avec sa basse ; il aura entendu Gilles... Cachons-nous.
Il rentre dans la chambre sous le perron. Cassandre joue l’air : Allez-vous en, gens de la noce. Arlequin fredonne pendant ce temps.Comme il appuie là-dessus !... Ah ! Ils se sont tous retirés. Il n’y a que moi qui ne peut pas me retirer. Aussi allons ma lettre.
Il court prendre la lettre dans le seau, et déroule le fil.Elle a donc mis tout le peloton. Ah !
Il lit.« Mon cher Arlequin, en réponse à l’honneur de la vôtre qui m’est venue dans la tourtière. Oh, dans la tourtière !... Qui m’est venue dans la tourtière... Je ne puis que je vous approuver ; mais je vous préviens que Gilles, qui est amoureux de moi... » Comment ! comment !... « Ne vous a fait faire ce pari que pour vous éloigner, afin de pouvoir me parler de son amour, ainsi qu’à mon père. Vous connaissez mon père. Si vous ne venez plaider votre cause je crains bien... Abandonnez tout, » etc. Le coquin ! Et m’avoir encore fait faire la sérénade !... Adieu le marché, les cinquante écus : adieu tout le monde...
Il détache le marché, qu’il jette dans la chambre, et monte a la porte du perron.Ciel ! Enfermé... à double tour ! Voyez la malice ; oh ! J’échapperai !...
Il prend l’échelle, qu’il pose contre le mur à côté du puits.Air : Nous sommes précepteurs d’amour.J’entends, je crois, le papa Cassandre sous Le berceau ; il fait comme moi ; il cause tout seul. Écoutons le monologue du papa Cassandre. Il s’est aperçu, depuis longtemps, de ma tendresse, et son intention est de me donner... À qui souhaite-t-il 1e bonjour ? À Gilles... Que-dit-il... Oh, le traître. Le brave home que ce père... Fripon de Gilles, tu peux mentir ainsi. Oh, sangodemi ! C’est trop fort... Et Monsieur Cassandre qui le croit... Il le croit... Oh, mon dieu ! C’est clair, il le croit !... Si je ne me montre pas, je suis perdu... Vite un coup de théâtre superbe.
Il monte a l’échelle, et se montre par-dessus le mur.Non, papa Cassandre : ne croyez pas ce que... Non, vous dis-je, ne croyez pas... Monsieur Cassandre ?... Où sont-ils, papa Cassandre ? Ils sont rentrés : sautons... Un moment... C’est haut. Si j’allais me casser le cou ; je n’avancerais pas mon mariage. Bah, bah !... Non, c’est trop haut....
Air : Réveillez-vous, belle endormie.C’est prudent ce que je fais là. Il vaut mieux écrire à la fille ce qui s’est passé, afin qu’elle puisse désabuser le père.
L’encre, le papier, la plume. Voyons, je vais me dicter moi-même...
Il écrit.« Ma chère bonne amie, je viens d’entendre un dialogue de ton père et de mon rival. Gilles demandait ta main. Ton père lui disait : Je suis bien; fâché ; mais sitôt qu’il aura de l’argent. »
Air: tout roule aujourd’hui dans le monde.« Gilles effrontément. »
« Là-dessus, grande surprise de ton père, qui s’écrie de cet air que tu lui connais... »
« Gilles froidement. »
« Cassandre en colère... »
« Mon rival appuyant. »
« Ton père avec douleur. »
« Gilles avec un ton sentencieux. »
« Cassandre. C’est une chose qui n’a pas d’exemple. »
« Gilles : avec une feinte indignation. »
« Là-dessus Gilles fait sonner son argent. Ton père l’accepte pour gendre. Je veux paraître ; ils avaient fui... Maintenant il faut gagner du temps... Gilles m’a enfermé ; il faut l’enfermer à son tour... Ah ! Comment l’enfermer ?... Remettez-lui mon pâté de macaroni ; je ne vous demande pas s’il est fait, s’il doit être fait, et je sens d’ici le parmesan... Gilles m’apporte mon pâté ; vous le faites suivre par vos garçons, que vous gagnerez. Ah ! Comment vous les gagnerez ? Promettez que je ne mangerai que la moitié, les trois quarts. Mettez les trois quarts du pâté ; ils l’enfermeront en-dehors, moi par ici ; midi sonnera, et je serai libre... Plus d’objections ; je me suis fait toutes vos réflexions ; je vous ai donné toutes mes réponses : c’est donc comme si nous avions causé. Oui... Agissez donc tout de suite.... »
2Mon nom en blanc... et puis mon chiffre, deux notes, une blanche, une noire à côté, double accolade en-dessus et en-dessous, quelques soupirs autour : nous laisserons les demi soupirs aux amants du jour... L’adresse... Le pain enchanté !...
Il frappe avec sa batte. 3ET LE CACHET...
On entend la vielle.4Encore de la musique, une complainte, "Quel désespoir" ! Blanche à sa mansarde... Comment savoir... Courons vite établir une correspondance télégraphique.
Il monte sur le perron.Air : Le petit mot pour rire.Eh bien, pourquoi découvrir la maison ?
Même Air.Que me propose-t-elle ?
5Jetez.
Il reçoit un peloton de corde blanche.Que veux-t-elle que je fasse de tous les cordons de ses rideaux ? Oh ! La bonne idée !
Air : Lon la landerirette.C’est un de nos petits jeux de société. Voyons...
Il lui fait signe de jouer pour qu’il puisse chercher au son de l’instrument ce qu’il doit faire.Même Air.Essayons.
Il essaye d’attacher sa lettre au cordon. La vielle joue très fort.Retournons d’où je viens.
La vielle joue très doucement.Ciel !
Doucement et fort à la fois, autre embarras !
Même Air.Elle attache la corde... Pourquoi ? Bah quand on s’aime bien on fait, tous deux de même.
Il attache la corde à la hampe : elle se trouve tendue, horizontalement. Une ardoise retenue par une faveur, glisse tout-a-coup le long jusqu’en-bas, et se retourne.Air : File, file.Je vous tiens...
Air : Sur un sofa.Renvoyons la lettre par la même route...
Un moment...
Il cueille une rose.Même Air.Il arrive : lisons...
Il prend l’ardoise.C’est écrit à la pointe.
« J’ignore ce qui s’est passé entre Gilles et mon père ; mais je crois que l’on me donne à Gilles, car on vient de mander le notaire... Vous ne pouvez probablement pas sortir y puisque vous ne venez pas... Mais en attendant l’arrivée de Monsieur Grappin, Gilles vous porte le pâté...» Ah ! Il m’apporte, le pâté. « ...qui vous facilitera le moyen de vous échapper ; ouvrez-le avec précaution sitôt que Gilles sera parti... Accourez vite, et je me prononcerai... » L’on vient : c’est Gilles.
Il court à la porte, et prend le paté.Vous êtes pressé, moi aussi... Donnez... Bonsoir.
Il ferme, et descend.Quel parfum !
Air : Des fraises.Une échelle de corde pour escalader !... Bravo.
On entend fermer des verrous dans la maison.Quel bruit !... C’est Gilles qu’on enferme.
Il court à la porte.Fermez fort.
Il monte à l’échelle, jette la corde par dessus le mur, et prêt à descendre, s’arrête.Ah ! Les voilà tous, papa Cassandre... Blanche vous a tout conté ; je ne suis pas parti. Midi sonne... Maître Grapin qui a fait le marché sera témoin que j’ai gagné. Vous consentez beau-père ; je descends... que j’attende une autre échelle : eh bien j’attends.
Le repas de noce est pour midi, n’est-ce pas ?... Oui... Pendant que vous apporterez l’échelle je vais préparer le petit vaudeville pour chanter à table... Ma bonne amie, d’abord ton petit couplet.
Il s’accompagne, et s’assied sur le mur.Air de PLANTADE.Maintenant le couplet moral.
Il se met à cheval sur le mur.Ah ! Vous voilà, Monsieur Cassandre ; posez l’échelle là : bien ; tenez le pied.
Il descend, et s’arrête.Un moment, attendez le petit couplet à la société.