OU LE
JUGEMENT DE THEODORIC
ROY D’ITALIE.
DE Mr GUERIN.
Chez ANTOINE DE SOMMAVILLE,
au Palais, en la gallerie des Merciers,
à l’Escu de France.
M. DC. XLI.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.
Édition critique établie par Valérie Sinson dans le cadre d'un mémoire de master 1 sous la direction de Georges Forestier (2011-2012)
Introduction §
J’ay fait un peu de violence à la vérité pour donner plus d’éclat à mon ouvrage, et comme je me suis proposé la satisfaction de ceux qui ayment le Théâtre plustot que l’instruction de ceux qui ignorent l’Histoire, j’ay esté bien aisé d’estre moins exact en celle-cy, afin de l’estre davantage en celle-la.1
Tels sont les propos de Guyon Guérin de Bouscal qui affirme le primat du plaisir des spectateurs sur l’exactitude des faits historiques. Le dramaturge, dans sa définition de la tragédie, inscrit le critère de véracité au second plan. Il entretient un rapport souple à l’Histoire, qui apparaît comme une simple source de matière fictive. Dans Le Fils désavoué, ou le Jugement de Théodoric, roy d’Italie (1641), il mêle subtilement un sujet tiré de l’Histoire des Goths, des personnages aux noms d’illustres figures romaines, une intrigue romanesque et des ressorts de comédie.
Au début des années 1640, la tragi-comédie connaît un léger déclin par rapport à la décennie précédente, et tend à se confondre avec la tragédie à fin heureuse. Notre pièce répond à cette tendance du genre à concentrer son action dramatique, à développer l’intérêt psychologique des héros et à refuser le spectaculaire. En effet, l’intrigue du Fils désavoué est extrêmement resserrée : il s’agit d’une mère qui refuse de reconnaître son fils, par peur d’être déshonorée, mais qui sera contrainte par le roi, grâce à un subterfuge original, à avouer la vérité. Toutefois, l’œuvre reste dominée par une esthétique de la contingence et de la gaieté : la pièce repose sur un obstacle intérieur et imaginaire ; la progression dramatique dépend sur le plan interne de la seule volonté des personnages. Il faut également évoquer le recours interne à la fiction : l’illusion apparaît comme un moyen d’accéder au vrai. Les protagonistes se présentent en dramaturges, et partant, livrent une réflexion sur la représentation théâtrale même.
Si les deux rééditions de la pièce suggèrent un certain succès de celle-ci, il dut sans doute être limité ; du moins fut-il vite oublié, à l’image de son auteur, Guyon Guérin de Bouscal. Proche de la Cour, le dramaturge ne choisit pas au hasard la ville de Rome, modèle de réflexion politique et artistique dans l’imaginaire collectif. Le roi Théodoric, caractérisé par son discernement et son courage, permet sans doute un éloge indirect de Richelieu, et par extension, de la suprématie française.
Vie et œuvre de Guyon Guérin de Bouscal §
Famille et études §
La vie du dramaturge est fort mal connue. Guyon Guérin de Bouscal serait né en 1617 à Réalmont, bourgade située entre Albi et Castres. On ne sait rien sur son enfance ; en 1628, la prise de Réalmont, haut-lieu du protestantisme, par les troupes de Condé, entraîna la destruction des archives. Guyon est probablement le fils de Jean Guérin, notaire huguenot. Son nom de « Bouscal » provient d’un lopin de terre dans le consulat du Laux, mais il fut le seul à porter ce nom, dans la mesure où ses deux frères, Pierre et Nathanaël, ne convoitèrent jamais ce titre. Guyon étudia le droit, et devint avocat au Conseil du roi après s’être muni d’une charge de conseiller, tandis que ses frères prirent la succession de leur père et devinrent notaires. Issu d’une famille protestante, il ne put certainement pas s’inscrire à l’Université de Toulouse, réservée aux catholiques. Il est peu probable qu’il abjura avant de suivre ses études de droit : il suivit plus vraisemblablement ses études à l’Université de Cahors comme de nombreux huguenots du Languedoc. Aucun registre ne vient pour autant confirmer cette hypothèse. Guérin de Bouscal se convertit au catholicisme à l’âge adulte, mais on ne peut déterminer la date de sa conversion. Il adressa la dédicace de sa Doranise (1634) à l’héritière des Rohan, et fit l’éloge du duc, ancien chef militaire des religionnaires ; on pourrait en déduire qu’il adjura après 1634.
Eric Caldicott, dans son édition critique du Gouvernement de Sanche Pansa (1642)2, suppose que la méconnaissance de l’auteur est née d’une erreur initiale sur son prénom : selon lui, Guyon Guérin de Bouscal s’appelait Daniel, et le « Guion » présent dans le privilège de sa tragédie La Mort de Brute et de Porcie (1637) pouvait être un diminutif, ou encore une simple erreur de transcription pour le nom de Guérin. En réalité, son prénom fut bien Guyon3, comme son parrain, mais il est vrai qu’il fut enterré sous le nom de Daniel. Ainsi, le 1er janvier 1676, au cimetière de Notre-Dame du Taur, est enterré
François daniel de Guerin, Lieutenant de Réalmont, aagé d’environ soixantes ans, Lequel moureust Le dernier jour du mois de decembre mille six cens soixante quinze.4
Vie parisienne et littéraire §
La vocation de Guérin de Bouscal est expliquée de façon extrêmement romanesque par Tibulle Desbarreaux-Bernard, un historien du XIXe siècle :
Tout à coup sa vie est bouleversée ; une fée, un sylphe, un génie, – celui de la poésie dramatique sans doute, – lui apparaît sous les traits d’une comédienne5.
Tibulle Desbarreaux-Bernard compare l’existence de Guérin de Bouscal à l’existence d’un bohémien, et se plaît à
reconstruire par induction l’histoire probable de cette destinée romanesque et aventureuse, d’un homme de robe devenu comédien, et ensuite poète, – tout cela par amour6.
Le caractère plaisant de cet écrit ne doit pas nous faire oublier son aspect fictif, caractéristique de bien des biographies rédigées au XIXe siècle. Même si la carrière du dramaturge est restée peu étudiée, nous savons que sa période parisienne (1634-1647) correspond à toute sa production littéraire, essentiellement formée de pièces de théâtre destinées à un public parisien.
Nous pouvons dresser une liste de ses ouvrages :
– La Doranise, tragi-comédie pastorale (Cramoisy, 1634). Dédicace à la princesse de Rohan.
– La Mort de Brute et de Porcie, ou La Vengeance de la mort de César, tragédie (Quinet, 1637). Dédicace à Richelieu.
– L’Amant libéral, tragi-comédie, en collaboration avec Charles Beys (Quinet, 1637).
– La Mort de Cléomènes, roy de Sparte, tragédie (Sommaville, 1640).
– Dom Quixote de la Manche, comédie (Quinet, 1639).
– Dom Quichot de la Manche, 2e partie, comédie (Quinet et Sommaville, 1640).
– Le Fils désavoué, ou Le Jugement de Théodoric, roy d’Italie, tragi-comédie (Sommaville, 1641).
– Le Gouvernement de Sanche Pansa, comédie (Sommaville et Courbé, 1642).
– La Mort d’Agis, tragédie (Sommaville et Courbé, 1642).
– La paraphrase du Pseaume XVII, « Diligam te domine, fortitudo mea » (Sommaville et Courbé, 1643). Dédicace à Mazarin.
– L’Antiope, roman en 4 volumes (Sommaville, 1644-1645).
– Le Prince rétabli, tragi-comédie (Quinet, 1647). Dédicace à Schombert.
– Oroondate, ou Les Amans discrets, tragi-comédie (Courbé, 1647).
Guérin de Bouscal avait donc déjà rédigé deux tragédies et deux tragi-comédies quand il écrit Le Fils désavoué (1641), et publia cette pièce entre les deux derniers volets de sa trilogie comique, c’est-à-dire entre Don Quichot de la Manche (1639) et Le Gouvernement de Sanche Pansa (1642). Pourtant, on ne peut en déduire que Le Fils désavoué fut créé entre les deux comédies : il est fréquent que la publication d’une œuvre soit bien postérieure à sa période de rédaction. L’auteur écrit ensuite une tragédie et deux tragi-comédies. Nous remarquons dès lors que la tragi-comédie occupe une place particulièrement importante dans cette œuvre très dense.
En pleine querelle du Cid, dans son Prologue à la Renommée qui précède La Mort de Brute et de Porcie (1637), le dramaturge prit position en faveur des réguliers : il brossa un portrait extrêmement flatteur de Richelieu, fit l’éloge des auteurs protégés par le Cardinal et défendit les principes de vraisemblance et de bienséance. Comme le souligne C.E.J. Caldicott, Guérin de Bouscal évoque dans la préface de son roman, L’Antiope (1644-1645), ses rapports avec la Cour et confirme ainsi sa place dans les auteurs réguliers :
Je fais garder la bienséance à toutes les personnes que j’introduis dans mon ouvrage, avec autant de régularité que j’en ay pu acquérir par une assez longue étude, par le séjour de dix ans à la Cour, par le commerce des plus honnêtes gens de l’Europe7.
Retour dans le Languedoc et carrière politique §
Guérin de Bouscal retourna dans le Languedoc vers 1647, les bouleversements politiques provoqués par la Régence l’ayant sans doute encouragé à partir. Son départ mit un terme à sa carrière de dramaturge. Il épousa Madeleine-Victoire de Rondelet, mais nous ne connaissons pas la date de son mariage. Héritière d’une grande famille bourgeoise du Languedoc, elle descendait probablement du célèbre médecin de Montpellier, Guillaume Rondelet dit « Rondibilis ».
Le retour du catholique à Réalmont se fit dans un contexte de forte tension entre les communautés protestante et catholique du Languedoc, comme en témoignent les querelles signalées dans la première moitié du XVIIe siècle entre l’Académie de Castres et le Parlement de Toulouse. Le 19 octobre 1631, un édit proclamait que le premier consul de Réalmont, à l’instar de certaines villes protestantes de la région, devait être catholique. Il fallut attendre vingt ans pour que les élections appliquent cet impératif : en 1651, Guérin de Bouscal apparut comme l’homme providentiel capable de mettre fin à cette longue infraction et devint le premier consul catholique de Réalmont. La majorité protestante de la ville s’opposa farouchement à lui, mais il reçut le soutien du Parlement de Toulouse, grand défenseur des droits catholiques. Ses frères huguenots le soutinrent également. Il faut aussi signaler que les intellectuels de la religion prétendue réformée ne s’opposèrent pas à la participation de Guérin aux débats de l’Académie de Castres. Guérin de Bouscal put ainsi fréquemment prendre part aux discussions entre 1649 et 1652, sur des sujets aussi variés que le mariage, l’immortalité de l’âme, ou encore la cosmologie de Galilée.
En 1652, soupçonné de s’être rendu à Toulouse en période de peste, il fut mis en quarantaine : son interdiction de pénétrer dans la ville de Réalmont l’empêcha de participer aux élections consulaires. Quand un représentant du Parlement de Toulouse parvint à gagner Réalmont sans difficulté, Guérin décida d’entrer à son tour dans la ville, ce qui provoqua un grand scandale. Comme pour toute affaire opposant catholiques et protestants, le conflit fut confié au Parlement de Toulouse et à la Chambre de l’Édit de Castres, mais ne parvint à être résolu. Guérin dut cesser de se rendre à l’Académie de Castres, et ne retrouva sa fonction de premier consul que douze ans plus tard, en 1664.
Il ne publia plus rien, mais ses pièces continuèrent à être jouées. Le Registre de La Grange mentionne trente représentations du Gouvernement de Sanche Pansa. Molière en personne aurait interprété le rôle de Sanche, selon Grimarest. Cependant, l’hypothèse selon laquelle les relations de Guérin avec le comte d’Aubijoux auraient pu contribuer à l’introduire auprès de Molière8 nous semble un peu hasardeuse. Certes, Guérin connaissait sans aucun doute le comte d’Aubijoux, lieutenant-général du roi, fin lettré, qui avait certainement vu des pièces de l’Albigeois. D’autre part, la troupe de Molière arriva pour la première fois en 1647 dans le Languedoc, et bénéficia de la protection du comte d’Aubijoux. Molière eut donc l’occasion de rencontrer son mécène, et ce dernier put lui recommander Guérin de Bouscal ; mais nous n’irons pas jusqu’à émettre l’hypothèse d’une rencontre entre Guérin et Molière.
Guérin de Bouscal est mort le 31 décembre 1675, et fut enterré au cimetière de Notre Dame du Taur, le 1er janvier 1676.
Le Fils désavoué, argument et scénographie §
Résumé de la pièce §
Acte I §
Scène 1 : Un monologue de Julie, dame romaine, joue le rôle de scène d’exposition. Julie était l’épouse d’un sénateur romain, Lépide: quand elle fut enceinte, il l’accusa injustement d’infidélité et fit abandonner l’enfant, au moment même de sa naissance. Julie, vingt ans plus tard, est veuve et cherche à apaiser sa douleur de mère par les charmes de l’amour avec Maxime, chevalier romain.
Scène 2: Livie, suivante de Julie, annonce l’arrivée du roi.
Scène 3 : Théodoric, roi d’Italie, fait son entrée solennelle dans la ville de Rome : il fait l’éloge de la justice et de la vertu, et affirme son ambition de rendre à l’Empire sa magnificence passée.
Scène 4 : Boèce, à la demande du Sénat, harangue le nouveau roi d’Italie, et est nommé ministre d’État par Théodoric.
Scène 5 : Sindéric, favori du roi Théodoric, confie à un ami ce qu’il vient d’apprendre : il est d’un sang illustre, et sa vertu guerrière s’explique dès lors par sa haute naissance.
Acte II §
Scène 1 : Sindéric révèle au roi qu’il est le fils de Lépide et de Julie. Théodoric lui conseille de se rendre chez Julie.
Scène 2 : Sindéric livre ses inquiétudes à son ami Émile : on dit à Rome que Lépide et Julie n’eurent point d’enfant.
Scène 3 : Julie déclare enfin son amour à Maxime, ce qui comble de joie le chevalier.
Scène 4 : Julie confie à Livie ses craintes de se marier ; elle lui fait le récit de la cruauté de Lépide, et de l’enlèvement de son fils à sa naissance.
Scène 5 : On annonce à Julie l’arrivée de Sindéric.
Scène 6 : Sindéric ne dévoile pas immédiatement le but de sa venue : il joue la comédie, prétend faire le résumé d’une pièce intitulée Le Fils désavoué et en profite pour évoquer sa propre aventure, ce qui trouble profondément Julie et entraine la scène de reconnaissance.
Acte III §
Scène 1 : Maxime a surpris Sindéric dans les bras de Julie et soupçonne donc le favori du roi d’être l’amant de Julie. Un ami, Horace, tente de le raisonner.
Scène 2 : Julie craint d’être déshonorée si elle reconnaît son fils, et par conséquent de perdre Maxime.
Scène 3 : Maxime fait croire à Julie qu’il a tué le favori du roi pour observer sa réaction. Elle est bouleversée, et à la demande de Maxime, doit se justifier : elle prétend avoir eu peur pour Maxime et lui réaffirme son amour.
Scène 4 : Julie prend le parti de désavouer son fils ; elle ne peut avouer à Maxime qu’elle a eu un fils sans être déshonorée.
Scène 5 : Julie refuse le nom de mère employé par Sindéric et fuit sa présence.
Scène 6 : Sindéric ne comprend pas ce brutal changement de situation, et hésite à demander justice au roi.
Scène 7 : Maxime et Sindéric se rencontrent chez Julie. Sindéric provoque Maxime en duel sur un malentendu : Sindéric ignore l’identité de Maxime tandis que le chevalier prend le terme de « mère » pour un synonyme d’« amante ».
Acte IV §
Scène 1 : Livie apprend à Julie qu’un combat a opposé les deux hommes, mais que l’issue n’est pas connue. Julie, terrifiée, prie pour le salut de son fils.
Scène 2 : Horace vient apprendre à Julie que Maxime est blessé. Il veut prendre les armes pour venger son ami mais Julie s’y oppose : elle lui demande de faire confiance à la justice de Théodoric.
Scène 3 : Sindéric découvre l’identité de Maxime et regrette son combat victorieux. Il veut chercher à obtenir le pardon de sa mère.
Scène 4 : Julie se lamente, ne pouvant choisir entre son amant et son fils. Elle pleure autant la perte de son amant que le désaveu de son fils.
Scène 5 : On apporte une lettre de Maxime à Julie, dans laquelle il supplie Julie de ne jamais accorder ses faveurs à son rival. Julie, perdue, s’en remet à l’avis de Livie, et poursuit son désaveu.
Scène 6 : Sindéric s’introduit de nuit chez Julie, espérant qu’une explication sur le malentendu entre Maxime et lui suffirait à ramener sa mère à la raison. Mais il n’en est rien : Julie réaffirme sa position et nie être la mère de Sindéric. Ce dernier, devant le refus répété de sa mère de le reconnaître, décide de demander justice au roi.
Acte V §
Scène 1 : Maxime ne peut croire que Julie manque de vertu ; il veut lui rendre visite.
Scène 2 : Maxime arrive chez Julie : Livie lui apprend qu’elle est partie chez le roi. Maxime croit que Théodoric a pris position en faveur de Sindéric et qu’il veut contraindre Julie à épouser son favori. Livie lui révèle par mégarde que Sindéric prétend être le fils de Julie. Maxime se lamente sur le malentendu qui lui a fait confondre le nom de mère avec un titre amoureux.
Scène 3 : Maxime confesse à Horace ses soupçons : il lui semble fort probable que Julie ait eu un enfant. Pourtant, il ne remet pas en cause la vertu de Julie, et exprime son amour et son estime pour elle. Il se rend chez le roi.
Scène 4 : Sindéric implore le roi d’écouter la voix de la nature tandis que Julie le supplie d’ignorer la voix de l’imposture.
Scène 5 : Théodoric consulte Boèce. Il hésite un peu avant de saisir soudainement la vérité ; il ne reste plus qu’à la faire éclater.
Scène 6 : Théodoric joue alors la comédie : il déclare à Julie croire que Sinderic n’est pas son fils, et lui propose par conséquent de l’accepter pour époux. Cet excellent subterfuge oblige Julie à reconnaitre son fils.
Scène 7 : Julie reconnaît publiquement son fils. Sinderic triomphant obtient du roi de lui accorder Maxime pour beau-père, ce dernier ayant pardonné Julie. Tous les personnages rendent hommage à Théodoric.
Contexte de représentation et réception de la pièce §
Nous ne possédons aucune information sur la représentation théâtrale du Fils désavoué. Le spectacle fut probablement crée au cours de la saison 1640-1641, mais cela reste une simple hypothèse. Le lieu de la représentation demeure également inconnu : la pièce put aussi bien être jouée au théâtre de l’Hôtel de Bourgogne qu’à l’Hôtel du Marais. S.Wilma Deierkauf- Holsboer9 indique que la troupe royale, qui comptait encore neuf acteurs au début de l’année 1640, est composée de cinq membres seulement dans la seconde moitié de 1641, ce qui fragilise considérablement la compagnie, et empêche de poursuivre de façon régulière les représentations à l’Hôtel de Bourgogne10. On peut penser que Le Fils désavoué fut joué avant le départ des comédiens ; rien n’exclut sa création par cette troupe. Il n’existe malheureusement aucun répertoire de la troupe royale pour la période allant de 1638 à 1641. La situation de la compagnie de la rue Vieille-du-Temple est tout à fait opposée à celle de la troupe royale : elle comptait treize membres en 1640. Le répertoire de la troupe s’enrichit de deux pièces de Pierre Corneille, Horace fin février ou début mars 1640, et Cinna quelques mois plus tard11.
Le Fils désavoué n’est pas évoqué dans Le Mémoire de Mahelot qui répertorie les pièces interprétées par la Troupe Royale à la fin de la saison théâtrale 1634-1635, puis de 1673 à 168512. Tandis que nous savons que huit pièces ont été jouées pour la première fois au Théâtre du Marais et quelques-unes au Palais Cardinal, Lancaster13 évoque plus de quatre-vingts pièces créées entre 1638 et 1641. S.Wilma Deierkauf-Holsboer affirme que les conditions de la création théâtrale demeurent un mystère pour de nombreuses pièces et suggère même que toutes n’ont pu être représentées :
Il reste […] toujours plus de cinquante pièces dramatiques datant de 1638 à 1641 pour lesquelles il est impossible de dire dans quelle salle elles ont été jouées, ni par quelle troupe elles ont été interprétées pour la première fois, faute de précisions. Ce nombre est toutefois si important que peut-être plusieurs d’entre elles n’ont probablement jamais été représentées14.
Il paraît cependant impensable que Le Fils désavoué ne fût jamais représenté. En effet, la publication d’un ouvrage concrétise le succès de la création dramatique et la reconnaissance du public. Seule une pièce jouée et approuvée par le public bénéficie d’une publication dans la première moitié du XVIIe siècle. Or, les éditions successives du Fils désavoué (1641, 1643, 1654)15 prouvent que la pièce rencontra un certain succès. Toutefois, le silence des contemporains sur le spectacle et sur Guérin de Bouscal laissent penser qu’il dut être assez modeste.
Reconstitution scénographique §
Le Mémoire de Mahelot suggère que la disposition scénique d’une tragi-comédie, dans les années 1630 et au début des années 1640, est similaire à l’Hôtel de Bourgogne et au Théâtre du Marais. En l’absence de documents originaux concernant notre tragi-comédie, recréer la scénographie de la pièce relève uniquement de la conjecture ; cependant, il reste dans une certaine mesure possible de reconstituer la mise en scène de l’époque à partir du Mémoire, qui nous livre de précieuses indications sur les décors et en particulier sur les dispositions techniques privilégiées par la Troupe Royale. Les notices destinées aux décorateurs et aux comédiens sont parfois accompagnées de croquis qui nous permettent d’avoir un aperçu de la scénographie adoptée au XVIIe siècle.
Le Fils désavoué, probablement représenté au cours de la saison 1640-1641, est créé dans une période de transition entre deux phases scénographiques, la première consistant en une décoration simultanée, la deuxième en une décoration successive. Le décor multiple est définitivement remplacé par le décor unique et homogène dans les années 1670-1680.
Avant les années 1640, la décoration est simultanée :
elle offre au regard du spectateur tous les lieux fonctionnels occupés par l’action représentée sur scène, en même temps et tout au long de la représentation16.
Dès le début de la pièce, tous les éléments scéniques nécessaires à la représentation sont disposés sur scène ; les différents lieux fictifs dans lesquels les personnages évoluent sont présents. Le spectateur a devant lui l’ensemble des chambres17, c’est-à-dire l’ensemble des compartiments autonomes où se déroule l’action. Cette disposition scénique suppose également que l’intérieur des édifices soit représenté en même temps que l’extérieur. La représentation simultanée des espaces fictionnels externe et interne nécessite l’usage d’une chambre qui reste ouverte ou dont la façade puisse s’ouvrir et se fermer au cours du spectacle. Aussi le recours à un rideau, généralement manipulé par l’un des comédiens se trouvant à l’intérieur du compartiment, permettait-il de dévoiler l’intérieur d’une chambre quand l’action allait s’y dérouler, puis éventuellement de le masquer quand l’action y était terminée. Par souci de vraisemblance, ces rideaux représentaient « l’extérieur de l’élément figuré par la chambre, le plus souvent la façade d’un édifice18 ».
À partir des années 1640, la technique du décor successif est adoptée, sous l’impulsion des auteurs réguliers qui favorisent la concentration des lieux. La représentation se déroule dans un seul espace, ce qui renforce la vraisemblance du spectacle. La décoration se concentre sur le lieu principal, là où toutes les actions de la pièce se déroulent. On admet jusqu’à deux lieux annexes à ce lieu principal : révélés par l’ouverture d’une chambre, pour une période réduite, ils ne peuvent être dévoilés en même temps.
Étant donné que Le Fils désavoué a été créé au tournant de ces deux techniques scénographiques, la pièce pourrait, en théorie, avoir fait l’objet d’un décor aussi bien simultané que successif. Mais en réalité, seul un décor simultané est acceptable pour notre tragi-comédie. En effet, aucun acte ne respecte l’unité de lieu et la représentation implique dans de nombreuses scènes le passage d’une chambre à l’autre. Chaque acte implique au moins trois lieux différents ; dès lors, un décor successif est à exclure. Il faut étudier minutieusement les divers lieux fictifs du Fils désavoué avant d’envisager une reconstitution scénographique.
Les décors sont probablement formés de bâtis de bois sur lesquels sont fixées des toiles peintes. Ces bâtis peuvent servir à plusieurs représentations. Le dispositif scénique obéit généralement à un usage établi et très précis : il s’agit d’« ordonner cinq chambres autour de l’espace vide, deux côtés jardin, deux côté cour et une au centre du dispositif19. »
Le dispositif ordinaire consiste en un fond formé d’un seul châssis et de deux ailes latérales et symétriques composées chacune de deux châssis séparés par une rue. Au premier plan, deux châssis droits sont plantés parallèlement au bord du théâtre ; au deuxième plan, on trouve deux châssis brisés parallèles aux lignes de fuite ; enfin, un châssis droit ferme la perspective, placé parallèlement au bord du plateau. Des issues sont prévues entre les chambres, parfois même au fond des chambres pour permettre au comédien d’entrer ou de sortir des coulisses plus discrètement. Les chambres qui figurent un édifice possèdent une porte permettant au comédien de s’introduire dans la chambre, ou au contraire de pénétrer dans l’espace vide. Pierre Pasquier précise que ces issues sont parfois constituées par des châssis de bois pivotant, mais consistent le plus souvent en une toile fendue en son milieu suspendue et dissimulée derrière le châssis20.
La perception de l’action se déroulant à l’intérieur des chambres, en particulier des chambres latérales, est difficile, voire impossible pour les spectateurs. Aussi est-il impensable que les comédiens jouent dans les chambres latérales. On crée dans la paroi du compartiment une grande baie, parfois frontale, pour augmenter l’angle de vision des spectateurs. Mais le plus souvent, les comédiens restent sur le seuil de la chambre, à l’abri de la balustrade. Pierre Pasquier fait l’hypothèse que les décorateurs ont recours aux balustrades « pour faire passer un espace extérieur pour un espace intérieur21 ». Si S. Wilma Deierkauf-Holsboer22 partage l’avis selon lequel les acteurs ne restent pas dans les chambres, elle envisage plutôt que les comédiens se dirigent vers le proscenium où se déroule l’action de la pièce. L’espace vide, c’est-à-dire le lieu délimité par les cinq chambres et le devant du théâtre, devient un espace fictif dès lors qu’on transfère ou prolonge en son sein une action intérieure. Cet espace neutre s’actualise en fonction du lieu auquel il est censé se rattacher ; déjà identifié par le spectateur, il devient le prolongement du lieu fictionnel et garde symboliquement un caractère intérieur. L’appréhension du décor multiple reste donc purement conventionnelle. Il faut cependant préciser que certaines scènes peuvent être jouées, parfois intégralement, à l’intérieur des chambres du décor multiple, même si ce phénomène doit être extrêmement rare.
La seule chambre à présenter des conditions optimales de visibilité est la chambre centrale, au fond de la scène. Elle revêt généralement une forme symbolique, et prend souvent la forme d’un palais, où le roi rend un jugement solennel. Ainsi, Le Fils désavoué ne déroge pas à la règle, et s’achève, dans la chambre la plus importante, par une scène de trône au cours de laquelle s’exerce l’autorité de Théodoric, en présence de tous les personnages principaux. À partir des notices et des croquis de Mahelot, Pierre Pasquier apporte des détails concernant la disposition scénique de cette scène de trône :
Dans les scènes de pompe représentant des cérémonies auliques, […] la chambre centrale se caractérise comme palais grâce à un trône dressé devant elle, en général sur une estrade précédée de quelques marches, à l’occasion surmontée d’un dais.23
Enfin, il convient d’évoquer l’éclairage et la figuration du ciel. La salle de spectacle reste allumée pendant la représentation qui, de surcroît, a la plupart du temps lieu l’après-midi. L’éclairage principal provient de chandeliers accrochés au-dessus de l’espace vide, et éventuellement d’une rampe de chandelles placée au sol devant la scène. À cela, s’ajoutent de puissantes sources lumineuses installées en coulisse pour apporter un éclairage latéral, et éventuellement quelques flambeaux ou chandeliers à l’intérieur des chambres. Les trois premiers actes du Fils désavoué se déroulent en journée, ce que de nombreux croquis de Mahelot illustrent par un ciel orné de nuages. Le ciel était sans doute représenté par une charpente inclinée et recouverte par une toile peinte. L’acte IV du Fils désavoué implique en revanche la création d’une atmosphère nocturne. Les considérations d’Émile (« Il faut si nous pouvons nous y couler sans bruict,/ A travers l’espaisseur des ombres de la nuict », vers 1075-1076), de Sindéric (« Il se fait desja tard, le Ciel nous favorise », vers 1077), de Cornélie (« Madame, il est bien tard. », vers 1126), et de Julie (« Quoy je voy Sinderic dans ma chambre, et de nuit ! », vers 1187) confirment que la nuit doit être représentée durant l’acte IV. La production d’une lumière nocturne consistait probablement à « obscurcir les sources lumineuses au moyen de cylindres de fer étamé suspendus à des poulies »24, à placer un écran opaque pour atténuer l’éclairage provenant des coulisses ou encore à placer un velum au-dessus de l’avant-scène pour recouvrir l’éclairage principal.
Dans l’acte I, les scènes 1 et 2 se déroulent dans le palais de Julie, dans la chambre ouvrante, d’où l’on peut observer l’arrivée du roi dans Rome. Livie annonce ainsi l’entrée de Théodoric :
le Roy vient par la porte prochaine,Du balcon de la sale, on le peut voir sans peine,Le spectacle en est beau, tout le monde le suit (vers 55-57).
Dans les scènes 3 et 4, Théodoric fait son entrée solennelle et prononce un discours devant le peuple romain. Pierre Pasquier nous invite à penser qu’une chambre symbolise la cité, conformément à la scénographie médiévale :
Les décorateurs des mystères avaient coutume de figurer la ville par une portion d’enceinte fortifiée, souvent réduite à une tour ou à une porte monumentale25.
Il est en revanche impensable d’envisager une représentation du Capitole, contrairement à l’indication de Théodoric : « Montons au Capitole, allons nous divertir, / Voyons les raretez qu’on admire dans Rome » (vers 170-171). La dernière scène de l’acte I se déroule dans l’espace neutre dans la mesure où il s’agit d’une scène d’extérieur, et se termine par le départ de Sindéric et d’Émile chez le roi : « Suy moi. / Je m’en vay de ce pas la raconter au Roy » (vers 281-282).
Dans l’acte II, la scène 1 se passe dans le palais du roi Théodoric. Il n’y a aucune indication spatiale pour la scène 2, qui peut donc avoir lieu dans l’espace neutre. La scène 3 se déroule dans le palais de Julie, dans la chambre ouvrante, d’où Julie voit Horace entrer à la fin de la scène. La scène 4 débute dans la chambre ouvrante de Julie, mais le moment plus intime entre Julie et Livie pourrait avoir lieu dans la chambre à coucher de Julie. L’annonce de Cornélie au début de la scène 5 (« Madame, Sinderic est là bas à la porte, / Qui demande à vous voir », -vers 441-442) confirme que Julie se trouvait loin de la porte d’entrée. La réponse de Julie (« Attendez que je sorte », vers 442) annonce la dernière scène de l’acte II qui peut avoir lieu devant le palais de Julie, ou dans la chambre ouvrante de sa maison. Il faut imaginer un endroit où la mère et le fils puissent être aperçus par Maxime.
Dans l’acte III, la scène 1 se déroule dans la maison de Maxime. Les scènes 2, 3, et 4 se passent dans le palais de Julie, dans la chambre principale. Julie fuit son fils à la scène 5 et se réfugie dans sa chambre à coucher. Les scènes 6 et 7 se déroulent devant le palais de Julie, d’où Sindéric a été chassé. À la fin de la scène 7, Sindéric provoque Maxime en duel : « Il ne faut que passer dans la place prochaine. » (vers 902). Le combat n’est cependant pas représenté, par souci de bienséance.
Dans l’acte IV, on voit Livie rentrer dans le palais puis dans la chambre à coucher de Julie (scène 1). La scène 2, marquée par l’arrivée d’Horace, se déroule dans la chambre ouvrante du palais de Julie. Julie invite Horace à se retirer (« retournez chez Maxime, et me regardez faire», vers 1022) et se réfugie dans sa chambre : « Qu’on me laisse en repos dans la chambre prochaine » (vers 1026). La scène 3 ne comporte pas d’indication spatiale ; dans la mesure où il paraît s’agir d’une scène d’extérieur, elle peut se dérouler dans l’espace neutre ou dans la chambre représentant la cité. Les scènes 4, 5 et 6 ont lieu dans le palais de Julie. À la scène 5, la lettre de Maxime lue par Julie doit être représentée. Les propos de Julie dans la dernière scène de l’acte confirment que la scène se passe dans sa chambre: « Quoy je voy Sinderic dans ma chambre, et de nuit ! » (vers 1187).
Dans l’acte V, la scène 1 a lieu dans la maison de Maxime. La remarque « Son logis n’est pas loin » (vers 1362) précise que les palais des amants sont assez proches, ce qui renforce la vraisemblance de la représentation. Les scènes 2 et 3 se passent devant la maison de Julie ; Maxime décide de se rendre chez Théodoric: « Allons voir chez le Roy, Sinderic et Julie» (vers 1460). Les scènes 4, 5, 6 et 7 se déroulent dans le palais de Théodoric, dans la salle du trône. À la scène 6, ne sont présents que Théodoric et Boèce, puisque Théodoric a demandé à Julie et à Sindéric de se retirer durant la délibération. Au début de la scène 7, Sindéric et Maxime sont dans l’espace central, en route vers le palais du roi. Les personnages se retrouvent tous dans la salle du trône pour la scène finale.
À partir de cette étude détaillée, on peut tenter d’élaborer une reconstitution scénographique, même s’il faut répéter qu’il s’agit d’une simple hypothèse. En arrière-plan, nous avons placé dans la chambre centrale le palais de Théodoric, en représentant la salle du trône à partir du croquis de la page 238. Le premier plan côté jardin, du point de vue de la salle, représente une tour symbolisant l’entrée de la ville de Rome (cf. croquis de la page 274) ; le deuxième plan figure la maison de Maxime à partir du croquis de la page 254. Du côté cour, nous avons imaginé le palais de Julie : au premier plan, une chambre ouvrante (inspirée par le croquis de la page 302) ; au deuxième plan, une chambre fermée, où l’on représenterait la porte d’entrée du palais (cf. croquis de la page 236).
Génétique théâtrale §
La Cour Sainte, Nicolas Caussin §
Lancaster, dans son History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century26, nous livre la source d’inspiration de Guérin de Bouscal pour notre tragi-comédie : il s’agit de La Cour Sainte, du jésuite Nicolas Caussin (1583-1651). L’énorme ouvrage du Père Caussin, composé de neuf volumes rédigés en français, fut réédité une dizaine de fois du vivant de Guérin de Bouscal. Cet essai, destiné à l’éducation des nobles, et en particulier des gens de Cour de Louis XIII, se présentait comme un discours chrétien sur les vertus et les vices des princes. Il mêlait exemples historiques et textes fictifs pour apporter des modèles précis aux lecteurs ; il apparaissait comme un guide voué à améliorer les comportements des hommes par l’imitation des actions pieuses ou illustres, notamment des souverains en tant que représentants de Dieu sur Terre27. La Cour Sainte fut publiée pour la première fois en 1624 à Paris, en cinq volumes. Mais la partie intitulée L’homme d’Estat dont s’inspira notre dramaturge n’apparut qu’en 1627, dans la mesure où il s’agit d’un des quatre apologues28 ajoutés dans le deuxième volume lors d’une nouvelle édition.
L’homme d’Estat correspond à une partie consacrée à Boèce (480-524), consul puis ministre d’État de Théodoric en 499 ou en 500. Le Père Caussin brosse un portrait extrêmement élogieux de Boèce, mais condamne fermement la conduite de Théodoric, décrit comme un tyran barbare et comme un traître, contrairement à ce que nous pourrions croire à la lecture du Fils désavoué. En effet, le jésuite dénonce l’assassinat de Boèce ordonné par Théodoric, qui soupçonna à tort son ministre de complot contre lui et n’hésita pas à le faire arrêter et torturer. Toutefois, l’extrait29 qui servit d’inspiration à Guérin de Bouscal, situé dans une section intitulée « L’entrée de Théodoric à Rome et son heureux gouvernement par les conseils de Boèce» cherche à montrer l’influence bénéfique du ministre sur son roi au début de son règne, et ne comporte donc aucune critique de Théodoric. Dans la mesure où notre dramaturge se concentre uniquement sur l’anecdote évoquée par Caussin en quelques pages, il reste fidèle au récit et élabore un tableau flatteur du roi d’Italie.
Nicolas Caussin insiste sur l’importance pour un roi de rendre correctement justice à son peuple. Nous reconnaissons la trame de l’histoire du Fils désavoué : le jésuite évoque l’histoire d’une veuve romaine sur le point de se remarier quand son fils, enlevé à sa naissance, réapparaît et demande une reconnaissance officielle. La pièce de Guérin se conforme parfaitement au début de l’anecdote rapportée dans La Cour Sainte:
Une Dame Romaine laissée veuve par la mort de son mary, avoit perdu un fils né de ce mariage, qui luy fut ravy clandestinement30 […].
Exactement comme dans notre tragi-comédie, la mère commence par reconnaître son fils :
[…] elle tint le jeune homme en sa maison, l’ayant reconnu, et avoué particulièrement pour son fils, convaincue qu’elle estoit par des marques invincibles : et dès lors la charité estoit si grande envers lui, qu’elle ne cessoit de pleurer de joye dans le recouvrement de sa perte31.
De même, elle finit par le désavouer :
La malheureuse, qui estoit prise d’amour, pour servir à sa passion renonce ses entrailles, et chasse tout à force de sa maison ce fils lequel elle avoit tant pleuré32.
Il semble cependant évident que la trame n’est pas déterminante pour Guérin de Bouscal : celle-ci est en partie modifiée et adaptée pour préparer la scène finale du jugement. Nous pouvons avancer sans prendre trop de risques que la fin du récit est précisément ce qui a poussé notre auteur à écrire cette pièce. En ce sens, le dramaturge reste une fois de plus fidèle à Caussin, dont le récit met l’accent sur l’habileté du roi qui, par un subterfuge original, permet un dénouement heureux.
Elle bien estonnée, commence à paslir, rougir, trembler, et montrer toutes les contenances d’une femme perdue, qui taschoit à s’excuser et se coupoit en ses paroles : le Roy pour l’intimider encore davantage, jure son grand serment qu’elle l’espouseroit dès à présent, ou qu’elle diroit les causes legitimes de son empeschement. La pauvre femme condamnée par la voix de la Nature qui crioit en son cœur, et ayant horreur du crime qu’on luy proposoit, se jetta aux pieds du Roy, avec une grande profusion de larmes, confessant ses amours, son mensonge et son malheur.33
Caussin se place en véritable metteur en scène et imagine même les répliques des protagonistes. Cette dernière partie de récit donne l’impression d’être un scénario, dont la réalisation serait effectuée par Guérin de Bouscal.
Le dramaturge put également s’inspirer de l’Excerpta Valesiana34, texte historique anonyme datant du VIe siècle et publié pour la première fois en 1636 par Henri de Valois. L’anecdote du jugement du roi se retrouve dans « Chronica theodericiana ». Cependant, l’ouvrage était sans doute moins accessible et moins connu que La Cour Sainte, et ne faisait aucun lien entre les personnages de Théodoric et de Boèce.
Travail de dramatisation §
Nous avons émis l’hypothèse que le dramaturge est parti du dénouement pour créer son œuvre. Il est dès lors intéressant d’examiner les choix et les procédés adoptés par l’auteur pour étoffer sa pièce, pour embarrasser l’action principale de divers épisodes fictifs et de divers personnages35. Ainsi, tous les éléments ajoutés à la trame de départ concourent à préparer la scène finale du jugement de Théodoric. Guérin de Bouscal a dû effectuer de nombreuses modifications par rapport au texte de Caussin pour adapter le récit au théâtre, à la grammaire et aux exigences de la tragi-comédie.
Les épisodes fictifs §
Tout d’abord, l’auteur a transformé le personnage de Sindéric pour le rendre plus vraisemblable. Chez Caussin, le fils est élevé dans la servitude, et se rend à Rome pour voir sa mère, mais surtout pour devenir un homme libre :
Cet enfant devenu jeune homme, receut un avis de bonne part, qu’il estoit d’extraction libre, et fils d’une Dame dont on luy donna le nom, la demeure et toutes les circonstances, qui luy firent entreprendre un voyage à Rome, avec intention de se faire reconnoistre.36
Guérin de Bouscal ne reprend pas cette version, et élève au contraire Sindéric au rang de favori du roi. Aussi est-il légitime et prévisible que Sindéric fasse appel au roi pour lui rendre justice. Le dramaturge va plus loin en faisant de Théodoric le conseiller de son favori : en effet, c’est au roi que Sindéric confie en premier le nom de sa mère, et c’est le roi lui-même qui l’encourage à se faire reconnaître par Julie (Acte II, scène 1). Cette modification permet d’éliminer toute considération pécuniaire et surtout de supprimer l’argument majeur de la mère qui dénonçait le caractère intéressé de l’imposteur. Ainsi, la défense de la mère dans La Cour Sainte consiste essentiellement à réfuter
[…] fermement toutes les pretentions de celuy-ci, disant : Que c’estoit un imposteur et un ingrat, qui ne se contentoit pas d’avoir receu les charitez d’un pauvre en sa maison ; mais voulait l’heritage des enfans37.
De même, la Dame romaine écarte l’idée de pouvoir se marier avec un homme sans ressource. Elle justifie ainsi son refus d’épouser le jeune homme. Théodoric parvient à la piéger en lui promettant d’enrichir le protagoniste si elle l’épouse : la mère est contrainte d’avouer son mensonge et de reconnaître son fils. Une telle intrigue ne pouvait satisfaire les attentes de notre dramaturge, désireux de héros nobles et désintéressés, pour qui les liens du sang seuls comptaient. Dans la mesure où Sindéric a une position élevée à la Cour, il n’est pas honteux pour Julie de reconnaître son fils ; on ne peut accuser Sindéric d’être intéressé, ce qu’il rappelle d’ailleurs à sa mère et à Théodoric dans la salle du trône (vers 1531-1538) :
Romains qui cognoissez Sinderic et Julie,Croyez vous qu’elle fît une tache à sa vie,Advoüant aujourd’huy Sinderic pour son fils,Ou qu’il voulut gagner une mere à ce pris ?Tout le monde respond qu’on ne le sçaurait croire,Qu’ils sçavent que tous deux nous aymons trop la gloire,Que vous pouvez me rendre et ma mere et mon nom,Sans craindre de leur part, ni blasme ni soubçon38.
Modifier la condition d’esclave du fils a donc entraîné des changements considérables dans l’intrigue de la pièce. L’auteur a notamment pu transformer un détail important : tandis que le fils dans La Cour Sainte s’est rendu à Rome dans le but d’être reconnu par sa mère, Sindéric dans Le Fils désavoué se trouvait déjà en Italie auprès du roi, ce qui a le mérite, une fois de plus, de renforcer la vraisemblance du récit.
Il convient ensuite d’examiner la création du personnage de Maxime, qui diffère de l’amant infidèle présent chez le Père Caussin. Ainsi, dans l’apologue du jésuite, la veuve est décrite comme
embarrassée dans certaines amourettes, s’estant donnée à un homme qui promettoit tousjours de l’espouser, sans toutefois terminer l’affaire39.
L’amant apparaît comme un personnage secondaire qui représente un obstacle au bonheur du couple mère-fils. À la fin du jugement, le roi invite la mère à se conduire vertueusement dans son rôle de mère et à oublier cet amant inconstant. La condamnation finale de l’amour rend le jugement beaucoup plus austère que celui du Fils désavoué, qui autorise au contraire le mariage de Julie et de Maxime. De surcroît, Guérin de Bouscal confère à Maxime un rôle majeur dans l’intrigue : le chevalier romain prend Sindéric pour l’amant de Julie, et c’est ce malentendu qui conduit au duel entre les deux hommes, véritable obstacle pour une femme partagée entre son fils et son amant. Dans La Cour Sainte, l’amant ne possède pas d’épaisseur psychologique : il refuse, en toute connaissance de cause, et sans motif valable, d’accepter le fils de Julie.
[…] il n’y voulut point de charge d’enfant ; luy dit hardiment, que si elle ne chassoit cet enfant trouvé de son logis, jamais elle n’auroit de part en ses affections. 40
L’élimination de cet amant nuisible semblait donc la seule possibilité pour résoudre l’intrigue.
Dans Le Fils désavoué, ce n’est pas par obéissance à son amant que Julie désavoue son fils ; cette femme vertueuse craint d’être déshonorée si on découvre son fils et si on la soupçonne d’avoir trompé son premier époux. Guérin de Bouscal donne ainsi de l’importance à la mère, qui se fixe elle-même des limites pour préserver son honneur, et ne se contente pas d’obéir à la volonté d’un tiers.
Enfin, il nous reste à évoquer un aspect essentiel modifié par l’auteur pour adapter l’anecdote à la vraisemblance de la représentation. Dans La Cour Sainte, la mère profite de l’absence de son amant pour héberger son fils durant trente jours :
Cet amant estant pour lors absent, et détenu pour affaires pressantes assez loin de Rome, la Dame eut environ l’espace de trente jours bien libres, où elle tint le jeune homme en sa maison41 […].
La scène de reconnaissance est donc prolongée par l’installation du fils. La mère ne peut se rétracter sans laisser paraître sa culpabilité dans la mesure où la reconnaissance n’est pas éphémère mais au contraire bien acquise. Guérin de Bouscal supprime cet élément invraisemblable, et cherche à diminuer au maximum l’écart entre la durée de l’action et la durée de la représentation. La pièce ne dépasse pas les vingt-quatre heures ; la scène de reconnaissance, fort brève et réduite à quelques effusions, permet de maintenir une forme de suspense. La confusion est renforcée par la mise en scène imaginée par Sindéric pour se faire reconnaître : pour justifier son désaveu, Julie prétend avoir été émue par l’histoire même, en tant que spectatrice, et non en tant que personne impliquée. Julie amorce une réflexion intéressante sur la puissance de la représentation, et sur la capacité du spectateur à s’identifier au personnage :
Soit que vostre récit fut feint ou veritable,Il me representoit un destin lamentable,Ce tableau m’a surprise, et dans ce mouvementMon cœur s’est attendry sans mon consentement42.
La justification de la mère est donc rendue vraisemblable dans Le Fils désavoué. L’émotion suscitée par la saynète aurait été provoquée par l’excellent jeu du comédien, et Julie aurait incarné de façon spontanée le rôle de la mère.
Les personnages et l’onomastique §
Guérin de Bouscal entretient un rapport souple à l’Histoire, qui apparaît comme une simple toile de fond permettant de rendre sa pièce plus vraisemblable. Seuls Théodoric et ses exploits passés offrent un arrière-plan historique. Toutefois, il est déjà rare qu’une tragi-comédie emprunte son sujet à l’histoire romaine et il faut souligner la précision et l’exactitude des faits historiques évoqués par notre auteur dans Le Fils désavoué. Le dramaturge s’est en grande partie appuyé sur La Cour Sainte de Caussin, et a sans doute consulté, comme le suggère Lancaster43, la bien célèbre Histoire des Goths de Jordanès pour approfondir ses connaissances sur Théodoric. Nous ne proposerons pas ici une biographie détaillée de Théodoric, dans la mesure où ce n’est pas sa vie en soi qui nous intéresse, mais ce qu’en retient Guérin de Bouscal. Nous nous concentrons ainsi sur les seuls éléments choisis par notre dramaturge et offrons donc une biographie sommaire et orientée par notre pièce. Notre auteur insère dans les propos de Théodoric (vers 63-64) une référence à son enfance à la cour de Byzance, et à son retour tardif mais glorieux dans l’Empire Romain. En effet, Théodoric le Grand (455-526), roi ostrogoth, fils de Théodémir et d’Erelieva, fut otage pendant neuf ans à la suite d’un traité conclu par son père avec l’Empire Byzantin et fut donc élevé à Constantinople. Devenu roi en 473, il conduit son peuple en Macédoine avant d’occuper la péninsule en 489. Le Fils désavoué se déroule en l’an 500, puisque Guérin de Bouscal met en scène l’entrée solennelle de Théodoric dans la ville de Rome et la nomination de Boèce à la fonction de ministre d’État. L’auteur introduit le personnage historique de Boèce, sans nul doute parce que le jugement de Théodoric appartient, chez Caussin, à un apologue consacré à cet homme illustre44. Le roi évoque lui-même sa victoire sur Odoacre et la prise de Ravenne :
Enfin la tyrannie a perdu son azile,Ravenne a succombé, cet Empire est tranquile,Et le plus obstiné de tous nos ennemis,Le fleau de l’Italie, Odoacre est soumis45.
Le dramaturge insiste sur cet événement glorieux à diverses reprises. Odoacre (433 env.-493), Germain d’origine skire, fut proclamé patrice, puis roi des Hérules en 476, après avoir détrôné l’empereur Romulus Augustule, et envoyé les insignes impériaux à Constantinople. Il fit allégeance au souverain de l’Orient, Zénon, et s’installa à Ravenne, capitale politique, religieuse et artistique. Mais, en 490, l’empereur Zénon, se méfiant des ambitions d’Odoacre, envoya Théodoric pour vaincre ce barbare. Théodoric assiégea Odoacre dans Ravenne pendant presque trois ans ; mais après avoir feint une réconciliation avec son ennemi et le fils de ce dernier, il le tua d’un coup d’épée au cours d’un banquet en 493. Guérin de Bouscal brosse le portrait d’un roi pacifique et juste, s’opposant aux barbares qui l’ont précédé. Il met en avant l’attention portée par le roi à l’architecture (acte 1, scène 4) et à la reconstruction des monuments détruits par ses prédécesseurs. Il faut nuancer un peu ces propos, clairement inspirés des témoignages des contemporains du roi, à l’instar de Cassiodore46, et repris par Jordanès et Caussin. En réalité, si Théodoric entreprit une politique urbanistique ambitieuse à Ravenne, il se contenta de restaurer quelques édifices publics en ruine à Rome. Ainsi, il rénova entre autres les murailles de la ville, les aqueducs, la Basilique émilienne, le théâtre de Pompée, la Maison des Vestales, ou encore la Domus Augustana47. Par ailleurs, Théodoric était célèbre pour sa tolérance religieuse : de foi arienne, il admettait les cultes chrétiens, et ne se prononçait même pas en faveur des conversions. Toutefois, Guérin de Bouscal modifie la croyance religieuse de Théodoric, et fait de lui un roi catholique. À l’image de La Cour Sainte qui peint le souverain en envoyé de Dieu sur la Terre, Le Fils désavoué se termine par un hommage rendu à Dieu. Ainsi, dans la scène finale, l’ensemble des personnages remercie le roi, qui rend à son tour grâce à Dieu :
Ne me regardez point dedans cette occurrence,Comme le seul autheur de vostre intelligence,Portez vostre pensée en un plus digne lieu,Ce merveilleux decret est un œuvre de DIEU48.
Il semble évident qu’une œuvre élogieuse à l’égard d’un souverain ne pouvait être consacrée à un roi arien, surtout sous la plume d’un auteur catholique.
Guérin de Bouscal occulte les dernières années sombres de Théodoric, qui contribuèrent à laisser l’image d’un tyran à la postérité. Le roi causa la mort du Pape Jean Ier pour se venger des persécutions organisées par Justin Ier contre les ariens. Il fit également emprisonner et torturer son ministre d’État, Boèce, et le beau-père de ce dernier, Symmaque, sur des soupçons non fondés. Il mourut en 526 de dysenterie, mais une légende raconte qu’il rendit l’âme après avoir cru reconnaître la tête menaçante de Symmaque dans un de ses bassins.
Si les références historiques se multiplient dans Le Fils désavoué, elles se limitent aux deux personnages de Théodoric et de Boèce. On ne saurait parler de pièce historique ; il s’agit bien plutôt d’un cadre historique original qui sert d’arrière-plan à une histoire purement fictive. Guérin de Bouscal ne se contente pourtant pas de créer de toutes pièces ses autres personnages : il introduit des figures historiques issues de diverses époques. Il convient de préciser que notre dramaturge emprunte uniquement le nom de ces illustres personnages, sans s’attacher à leur existence historique ou à leurs traits caractéristiques. Aussi nous concentrons-nous sur une étude de l’onomastique. Sindéric et Émile font figure d’exception et apparaissent comme des protagonistes entièrement fictifs.
Nous pouvons commencer par évoquer la figure de Tulle, qui fait référence à Tullus Hostilius, roi de Rome de 672-641 avant Jésus-Christ, dont Tite-Live brosse le portrait dans Ab urbe condita (I, 22 à 27). De même, on trouve chez Tite-Live le combat des Horaces et des Curiaces, dont Horace est extrait. Il est pourtant certain que Guérin de Bouscal s’inspire directement, non de Tite-Live, mais de la pièce de Corneille, Horace, représentée pour la première fois en mars 1640. La tragédie historique met en scène la victoire de Horace sur les Curiaces, et l’assassinat de Camille49 par son frère. Tulle, roi de Rome, honore celui qui a sauvé la ville, sans le condamner pour le meurtre de sa sœur. Si ces deux figures historiques sont conformes aux récits de Tite-Live, la création du personnage de Julie, Dame romaine, nous interpelle et nous suggère que Guérin de Bouscal emprunte le nom de sa mère infortunée à Corneille. L’importance de ces trois personnages est totalement inversée dans Le Fils désavoué. Le héros, Horace, devient secondaire, tandis que Tulle est seulement nommé par Sindéric. Tulle est celui qui informe Sindéric sur sa véritable identité ; il apparaît comme un relais entre les deux pièces, comme une sorte de clin d’œil à l’œuvre de Corneille. À l’inverse, Julie, simple confidente de Sabine50 et de Camille dans Horace, prend de l’importance et devient une figure centrale dans notre pièce.
Notre auteur est également influencé par Cinna, de Corneille, tragédie représentée pour la première fois au Théâtre du Marais en 1642. Il fait référence à Lépide (89-13 avant J.-C.), consul et sénateur romain, qui s’associa avec Auguste et Antoine pour le triumvirat. Cette illustre figure est également présente dans la tragédie de Robert Garnier, Porcie (1568), dont Guérin de Bouscal s’était déjà inspiré pour La Mort de Brute de Porcie (1637). Seulement évoqué dans notre pièce, et dénoncé pour sa barbarie, Lépide a la particularité de rester fidèle à son existence historique. Notre pièce emprunte ensuite à Cinna le personnage fictif de Maxime, un des organisateurs de la conspiration contre Auguste, auprès de Cinna. Le Fils désavoué tire aussi de Corneille le personnage de Livie51 (58 avant J.-C.-29 après J.-C.), impératrice et épouse d’Auguste. Enfin, la suivante Cornélie de notre pièce fait écho à l’héroïne de Robert Garnier, Cornélie (189-100 avant J.-C.), allégorie de la ville de Rome, qui pleure la mort de ses deux époux, et de son père Scipion. La tragédie éponyme (1574) s’appuie elle-même sur les récits de Plutarque (Vie de Pompée, Vie de César, Vie de Caton) et de Dion Cassius (Histoire romaine).
Notre dramaturge utilise à la fois des noms de personnages historiques, de personnages fictifs et des noms romains. Il regroupe par conséquent des temps éloignés et des lieux dispersés, mais il ne produit rien qui ne soit vraisemblablement acceptable. Dans son avis « Au lecteur » de La Mort de Cléomènes, roy de Sparte (1640), Guérin de Bouscal justifie son rapport souple à l’Histoire :
[…] ne m’accuse point d’ignorer l’histoire de Cleomenes si tu vois paroistre dans Alexandrie, la belle Agiatis qui était morte en Grece longtemps avant que mon Heros abordat en Egypte ; mais sache que c’est une licence que j’ay affectée pour l’embellissement de ma Scene, et que les incidents advantageux qui ne gatent point le subjet principal ne sont point seulement soufferts dans le Poeme Dramatique : mais même pratiquez tous les jours par les maistres.
La diversité des sources n’empêche pas l’auteur de créer un cadre historique uni et vraisemblable ; le plaisir du lecteur semble plus important que la véracité des faits évoqués.
Analyse dramaturgique §
Tragi-comédie ou tragédie à fin heureuse ? §
Le Fils désavoué semble pouvoir être assimilé à une tragédie à fin heureuse. Dès sa nomination par Plaute dans son Amphitryon, la tragi-comédie apparaît comme un genre ambigu à mi-chemin entre tragédie et comédie, qui mêle dieux et humbles personnages. Dès lors, on a cherché à déterminer des critères constitutifs de ce genre nouveau, mais ses caractéristiques ont été l’objet de nombreux débats critiques. Un des choix les plus fréquents est de définir la tragi-comédie comme une simple tragédie à fin heureuse, à l’instar de théoriciens comme La Mesnardière et d’Aubignac. La Poétique d’Aristote autorise la tragédie à opérer un renversement du bonheur au malheur, ou du malheur au bonheur ; elle légitime l’appellation de tragédie pour toute tragi-comédie qui se définirait comme telle à partir de son dénouement heureux. Précisons cependant que D’Aubignac nie la spécificité du genre tragi-comique : la création du terme « tragi-comédie » est pour lui vide de sens. Cette conception s’oppose à celle de nombreux praticiens qui cherchent à doter la tragi-comédie de critères propres. Scudéry décrit ce nouveau genre comme un mélange du tragique et du comique. Ainsi, à son apogée, dans les années 1630-1640, la tragi-comédie emprunterait à la comédie une fin heureuse, une matière fictionnelle, et à la tragédie des personnages nobles et des périls potentiellement mortels. Notre pièce est créée lorsque le genre est encore au cœur de débats théoriques, et nous verrons dans quelle mesure elle peut éclairer cette définition aux frontières fluctuantes.
Tout d’abord, Le Fils désavoué respecte les règles d’unité classique, et en particulier les unités de temps et de lieu. En effet, la pièce ne dépasse pas les vingt-quatre heures et se déroule dans la seule ville de Rome. Pourtant dispersée en diverses chambres, l’action est unifiée par le cadre de Rome et on peut aller jusqu’à qualifier notre pièce de « tragi-comédie de palais »52. Toutefois, notre œuvre ne fait pas office d’exception : comme le souligne Roger Guichemerre, la tragi-comédie dans les années 1640 tend à se soumettre dans une certaine mesure aux règles classiques d’unité appliquées dans les tragédies, et par conséquent à restreindre son action dans l’espace et dans le temps. Guérin de Bouscal se soumet aussi aux exigences de concentration dramatique. Notre pièce se compose seulement de neuf personnages, tandis que dans les tragi-comédies,
l’effectif oscille entre sept et vingt-cinq personnages, et le nombre moyen de personnages par pièces est supérieur à treize53.
L’action dramatique est resserrée et l’intrigue est construite à partir de quatre personnages principaux et d’un seul obstacle initial. Cette régularité permet de renforcer la vraisemblance de la représentation.
Il faut ensuite évoquer les personnages du Fils désavoué qui se caractérisent par leur noblesse et leur courage. La pièce met en scène un roi, un noble, une Dame romaine, un chevalier, un sénateur, deux confidents, et deux suivantes. Les confidents et les suivantes occupent des rôles subalternes plus ou moins importants. Si Livie et Horace accèdent au rôle de conseiller, Émile se contente d’écouter son ami Sindéric. Cornélie peut être assimilée à une « doublure »54 passive de sa protectrice : elle n’apparaît qu’à deux reprises pour annoncer l’arrivée de Sindéric et apporter la lettre de Maxime : elle assure donc une fonction dramatique ponctuelle. La tragi-comédie ne remet pas en cause les normes sociales. Ainsi, le renversement des valeurs n’est qu’illusion, et il ne faut pas prendre en compte les propos d’Émile quand il affirme la supériorité du mérite personnel sur la naissance:
Je ne regarde point ny naissance ny rang,J’adore la vertu sans m’informer du sang :Nobles ou de bas-lieu, n’importe qui nous sommes,C’est la seule vertu qui fait les gentil-hommes55.
Sindéric, l’inconnu glorieux devenu favori du roi, appartient en réalité à une noble famille romaine. La magnanimité du héros est réinterprétée à la lueur de sa naissance : c’est la noblesse de son sang qui lui aurait permis d’acquérir une telle bravoure. Sa haute naissance serait trahie par ses exploits guerriers, comme le suggère Théodoric :
Quand votre bouche a teu d’où vous estes sorty,Vos belles actions nous en ont adverty,Tant d’exploits signalez, la prise de Ravene […]M’ont bien persuadé que vous estiez né grand56.
La bravoure militaire apparaît comme un indice de noblesse. L’identité du personnage, déguisé inconsciemment, est signalée par son corps même. En effet, le héros porte des marques sur la main et la bague d’or confiée par Julie à celui qui conduisit son fils en France. Des signes matériels corroborent donc les hauts faits du protagoniste. L’identité des personnages de notre pièce est parfaitement conforme aux convenances de la tragédie.
Il serait excessif d’avancer que Guérin de Bouscal invente des personnages « dotés d’une conscience souffrante »57, dans la mesure où seule Julie présente un véritable intérêt psychologique. Pour autant, il faut souligner que les personnages se définissent par leur liberté: leur intériorité devient moteur de l’action. Ils ne sont pas résignés au hasard ou au destin, et peuvent donc faire des choix ; aussi le tragique naît-il de ce choix lui-même58. Ainsi, Julie, en proie à un dilemme moral, livre ses tourments à Livie:
Dures extrémitez, enfin qui doy-je faireDans ces deux qualitez, et d’amante et de mere ?Mon honneur est taché, mon renom obscurcy,Desadvouant mon fils, et l’advouant aussi59.
Julie est partagée entre son fils et son amant : elle est en quête de deux situations incompatibles. Elle peut être considérée comme l’héroïne de la pièce, dans la mesure où elle fixe l’obstacle intérieur, point de départ de l’intrigue, et qu’elle apparaît comme le sujet dans les deux schémas actanciels. Héroïne éminemment tragique, elle lutte pour ne pas être déshonorée : le terme « honneur » est récurrent dans la bouche de Julie60. Désespérée, elle songera au suicide, qui semble la seule issue possible (vers 996-997). Elle est de surcroît celle qui compte le plus grand nombre de répliques61 et de vers. L’auteur met en relief l’intériorité psychologique de Julie, qui livre ses craintes et ses réflexions dans des débats intérieurs ou dans des monologues pathétiques. L’intériorité est gage de vraisemblance, et contribue à faire diminuer le spectaculaire. Le Fils désavoué ne compte aucun mort ; le duel n’est pas représenté.
Enfin, notre pièce s’inspire d’une source historique, mais traite avec souplesse les faits attestés par l’Histoire. Contrairement aux tragédies qui décrivent les desseins des princes et des rois, ou qui rendent compte du contexte politique de l’époque, notre tragi-comédie se concentre sur des problèmes privés. Dans sa Poétique, Aristote déclare qu’un sujet historique est supérieur à un sujet inventé puisque l’Histoire rend plus acceptable la fiction aux yeux des spectateurs. Il ne condamne donc pas la matière fictionnelle. Ainsi, Le Fils désavoué peut être assimilé à une tragédie à fin heureuse, ou encore à une tragédie « irrégulière ».
« Dramaturgie de la gratuité » §
Notre tragi-comédie repose sur un faux problème de départ, et se caractérise donc par sa contingence, par une sorte de « dramaturgie de la gratuité »62. En effet, Julie pouvait reconnaître son fils sans être déshonorée : son problème relève de l’intime, de la sphère privée, et non de la sphère publique. Elle s’auto-persuade de l’impossibilité de reconnaître son fils, procédé original qui rendra d’autant plus facile l’annulation de ce faux obstacle. Aucune loi, aucune maxime ne l’empêchait de reconnaître publiquement son fils, dans la mesure où son cruel époux avait enlevé son enfant à la naissance, et qu’elle était veuve depuis longtemps. Il s’agit plutôt d’une opposition de principe, d’une aubaine dramatique. Jacques Scherer souligne la particularité du personnage de la veuve, qui se définit ordinairement par son indépendance:
Une seule situation de famille permet à l’auteur dramatique de montrer une héroïne indépendante : c’est le veuvage ; mais on s’en sert peu, car les obstacles sont nécessaires au théâtre63.
Or, il n’en est rien. En apparence autonomes et libres, les choix de Julie ont des conséquences directes sur les actions des autres personnages, et sont ainsi involontairement extériorisés. Les décisions de Julie semblent lui échapper et révèlent sa dépendance au hasard et à autrui :
Trompés, les personnages tragi-comiques posent le problème de leur asservissement à leurs propres actes64.
Il existe un véritable crescendo dans les obstacles : une affaire privée, non grave, aboutit à de vrais obstacles, comme si l’on partait d’un faux postulat pour arriver à des raisonnements exacts. La structure du Fils désavoué s’avère originale puisque la scène de reconnaissance, qui clôt généralement une pièce et caractérise un dénouement heureux, se situe ici à la fin du deuxième acte. Cette scène n’est donc pas synonyme de bonheur et de stabilité, mais amorce au contraire les malheurs des héros. L’esthétique de la coïncidence et de la contingence65 marque le début des obstacles : Maxime surprend le fils dans les bras de Julie, et perçoit Sindéric comme un susceptible rival, ce qui provoque un malentendu initial. Cependant, c’est parce que Julie ne reconnaît pas son enfant que Maxime est conforté dans son malentendu, et que les deux hommes s’affrontent en duel. En ce sens, Julie se définit en opposante volontaire de son fils, mais aussi en opposante indirecte de son amant. En effet, la rivalité imaginaire entre Maxime et Sindéric entraîne des dangers concrets et réels, qui vont jusqu’à menacer leur vie.Or, il s’agit là d’un véritable obstacle puisque Julie serait dès lors dans l’impossibilité de se marier avec l’assassin de son fils, ou de reconnaître un fils qui aurait tué son amant. La mère est alors piégée : elle ne peut plus se rétracter, et est contrainte de se rendre au tribunal du roi où elle risque de commettre un inceste, considéré comme le plus grand crime existant. Un fait privé sans importance majeure donne lieu à un danger immense synonyme de crime et de déshonneur dans la sphère publique.
Cependant, l’inceste reste en arrière-plan et n’apparaît pas comme un danger réel. Il prend une forme particulière dans notre pièce puisqu’il ne s’agit pas d’une question d’amour, mais d’un désaveu. Le risque de l’inceste est nul, dans la mesure où tous les personnages, à l’exception de Maxime, sont certains de l’identité de Sindéric ; le faux obstacle disparaît rapidement et permet de respecter la loi morale. De même, le spectateur sait que Julie a reconnu son fils ; en ce sens, l’obstacle arrive a posteriori et ne présente pas un véritable danger à ses yeux. L’impératif moral ne fonctionne pas sur le plan référentiel, mais dramaturgique : il correspond à l’interdit suprême qu’il faut fuir, et entraîne le dénouement. La transgression incestueuse se trouve donc uniquement actualisée sur le plan interne à l’action. Le roi Théodoric savait que la mère était contrainte de refuser l’inceste. Pourtant, l’inceste peut être vu comme clé de voûte de la pièce parce qu’il est lié à la confirmation de l’identité du héros66. La chute du masque fait disparaître la transgression et entraîne le retour à la norme sociale. La mère perd subitement son statut d’opposant : l’effacement de l’obstacle apparaît tout aussi contingent que son apparition.
L’illusion représentée : des acteurs-dramaturges §
Théodoric est sollicité par son favori pour lui rendre justice. Si le personnage du roi est récurrent dans les tragi-comédies67, il est plus original que cet acteur-type occupe une fonction sociale en exerçant un rôle de juge. Incarnation du deus ex machina, il est le seul à discerner la vérité derrière le masque du mensonge et engendre le dénouement heureux :
Il n’en est pas besoing, je voy dedans mon ameLa brillante clarté d’une secrete flamme,Chasser l’ombre et l’erreur qui possedoit mes sens. […]Qu’on la fasse venir, vous verrez en ce point,Que les Rois sont des dieux que l’on n’abuse point68.
Théodoric est assimilé à un Dieu qui ne peut être dupé. L’originalité du jugement, qui fait écho au célèbre jugement de Salomon, ne réside pas dans son issue, connue d’avance par les spectateurs, mais dans son déroulement, dans son traitement même. En effet, le roi contraint avec intelligence Julie à reconnaître son fils. Il connaît à la fois sa propre puissance et l’honneur de Julie : ainsi, il sait que la mère ne peut s’opposer à un mariage imposé par le souverain mais qu’elle refusera l’inceste. Il se présente comme un véritable metteur en scène, et recourt paradoxalement à la fiction pour connaître la vérité. Guérin de Bouscal confère à son personnage son pouvoir de dramaturge, et donne ainsi à sa pièce une esthétique enjouée et plaisante. Le roi utilise les mêmes ressorts dramaturgiques que l’auteur lui-même : cette conscience réflexive de la création fait indirectement l’éloge du théâtre, et du monde de l’illusion. Le pouvoir est ainsi assimilé à la comédie : celui qui dirige est celui qui maitrise son jeu et celui des autres, sans être prisonnier des apparences.
Chaque personnage semble respecter son rôle puisque Sinderic, le favori de Théodoric, recourt lui aussi à la fiction pour se faire reconnaître par sa mère. Il met en abyme notre pièce, et se joue à son tour de la création théâtrale :
SINDERIC.
Quand vous me menacez de me desadvoüerVous me representez ce que j’ay veu joüer ,C’est un subject nouveau fort extraordinaire,Et dont les incidens sont capables de plaire,Les Acteurs chez le Roy l’ont assez bien joüé.JULIE.
On le nomme Monsieur ?SINDERIC.
Le fils desadvoüé69.
Sindéric raconte son histoire sous couvert de la fiction, dans la mesure où la pièce de théâtre correspond à la vie du héros. La distance de la narration est rompue au moment de la coïncidence parfaite entre le récit de la réaction de la mère, et la réaction effective de Julie. La fiction semble tendre un miroir à une autre fiction pour le spectateur. L’énonciation se superpose à l’interprétation de Julie du rôle de la mère, ou plutôt par l’incarnation de son propre rôle. La reconnaissance passe donc par la réflexivité : avant d’identifier son fils, on a l’impression que la mère commence par se retrouver elle-même. De façon originale, l’illusion permet paradoxalement d’enfiler un nouveau masque avant de se reconnaître soi-même et d’incarner son rôle. L’auto-identification engendre dès lors l’alter-identification.
Enfin, Maxime n’hésite pas à faire croire qu’il a tué Sinderic pour observer la réaction de Julie. Ce procédé dramatique répond à une fin actorielle clairement définie : il s’agit, par le recours au mensonge, de découvrir la vérité. À l’image de Chimène dans des circonstances similaires, Julie dit avoir été bouleversée par peur pour Maxime, et non par chagrin pour Sindéric. Toutefois, la réaction brutale et désespérée de Julie a trahi son émotion de mère, que Maxime confond avec des larmes d’amante. Le rival qui fait courir le bruit de la mort de l’être aimé correspond cependant à un procédé récurrent au théâtre. Maxime met en scène un leurre, qui vise, grâce à une modification éphémère de statut actanciel pour les deux hommes, à vérifier ses soupçons concernant l’identité de Sindéric. Le subterfuge est efficace, mais en corroborant son hypothèse de départ, il ne fait que maintenir le chevalier romain dans l’erreur. Maxime dramaturge est donc pris à son propre siège : la mise en scène fonctionne, et partant, le conforte dans une fausse croyance ; l’illusion engendre ici l’illusion.
Les trois hommes au pouvoir sont acteurs et metteurs en scène de la comédie, et s’opposent en ce sens à Julie, à chaque fois trompée, victime de l’illusion, et véritable héroïne tragique. La pièce constitue dès lors une sorte de mise en scène de la victoire de la comédie sur la tragédie. En effet, on sort du caractère tragique de la pièce grâce aux comédies imaginées par les trois manipulateurs qui invitent la dupe à croire la fiction, précisément pour engendrer une nouvelle réalité. Les personnages, nouveaux dramaturges, dirigent l’action selon les codes connus de son fonctionnement70. Le dédoublement de soi permet également de réfléchir sur l’importance de la fiction, à l’image de Sindéric :
Aujourd’huy dans les fablesOn mesle bien souvent des succes veritables,Ainsi les passions s’esmouvent beaucoup mieux71.
L’illusion théâtrale apparaît comme une voie d’accès à la vérité ; elle offre, par un moyen détourné, la possibilité de se dévoiler ou de mettre à nu une vérité. La tragi-comédie se met en scène, devient son propre reflet, et amorce une réflexion sur la représentation théâtrale.
Note sur la présente édition §
Éditions du texte §
Il existe quatre éditions du Fils désavoué, ou Le Jugement de Théodoric, roy d’Italie, imprimé pour la première fois en 1641, et réédité en 1642, 1643 et 1654. Dès le 3 mai 1641, le « Privilège du Roy » accorde le droit d’imprimer le texte pour cinq ans au libraire Antoine de Sommaville, et l’« achevé d’imprimer » précise que l’impression a été effectuée le 17 octobre de la même année. Il ne reste qu’un exemplaire de l’édition originale à la Bibliothèque Nationale de France, site Tolbiac, sous la cote YF-576, également consultable sous forme de microfiche (MFICHE YF-576).
Nous avons établi le texte d’après cet exemplaire. Le texte a été édité in -4°, et comporte 13 cahiers de huit pages chacun, et un dernier cahier de six pages, soit 110 pages foliotées auxquelles s’ajoutent 5 pages non foliotées. La pièce est en cinq actes et écrite en alexandrins à rimes plates, à l’exception de la lettre en stances de Maxime à Julie.
L’exemplaire se présente ainsi :
1 vol. in-4°, IV -110p.- 111 (erreurs de pagination : pages 31-32 répétées ; saut numérotation 69-80).
[I] : LE FILS/ DESADVOÜÉ, / OU LE/ JUGEMENT/ DE THEODORIC/ ROY D’ITALIE. / TRAGICOMEDIE/ DE Mr GUERIN. / [fleuron du libraire]/ A PARIS, / Chez ANTOINE DE SOMMAVILLE , / au Palais, en la gallerie des Merciers, / à l’Escu de France. / [filet]/
M. DC. XLI. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.
[II] : verso blanc.
[III] : recto blanc.
[IV] : ACTEURS.
1-110 : texte de la pièce.
[111] : Extraict du Privilège du Roy (avec l’achevé d’imprimer en date du 17 octobre 1641).
Si nous ne possédons qu’un seul exemplaire de l’édition originale, nous avons en revanche plusieurs exemplaires de l’édition de 1642, de nouveau réalisée par le libraire Antoine de Sommaville. Ce dernier, marchand libraire parisien de 1620 à 1665, est l’un des trois plus importants libraires du théâtre français, avec Augustin Courbé et Toussaint Quinet. Spécialiste de l’édition des Belles Lettres, il publie également des romans, des recueils de poésie, et des traductions de poèmes latins et italiens. L’ouvrage d’Alain Riffaud72 précise que notre pièce est imprimée dans l’atelier d’Arnould Cottinet, en exercice de 1637 à 1662, rue des Carmes, où l’on trouve 4 presses, 5 compagnons et 3 apprentis. Spécialisé dans la production théâtrale dès 1639, l’atelier effectue un travail assez soigné, quoique parfois inégal et mal encré. En ce qui concerne notre pièce, les deux éditions sont parfaitement semblables, mais comportent de nombreuses erreurs et coquilles. Ainsi, l’auteur n’a pas retouché son texte, et les différents exemplaires examinés de 1642, in-4°, ne présentent aucune variante par rapport à l’édition originale :
– Exemplaire à la BNF, site Tolbiac, sous la cote RES- YF- 1392, et reproduit sur le site de la bibliothèque.
– Exemplaire à la BNF, site Richelieu, sous la cote 8- RF- 6214.
– Exemplaire à la BNF, site Richelieu, sous la cote 8- RF- 6215.
– Exemplaire à la BNF, site Arsenal, sous la cote 4-BL-3473.
– Exemplaire à la BNF, site Arsenal, sous la cote GD 45354.
– Exemplaire à la BNF, site Arsenal, sous la cote GD 45 355.
– Exemplaire à la bibliothèque de la Sorbonne, sous la cote RRA 8= 450.
– Exemplaire à la bibliothèque Mazarine, sous la cote 4° 10918-35/3. Cet exemplaire se trouve dans un recueil relié aux armes de Louis-Jean Marie de Bourbon, duc de Penthièvre. Ce recueil factice, in-4°, comporte trois tragi-comédies : La Virginie, de Mairet (1635) ; Annibal, du Sieur de Prades (1649), et Le Fils désavoué, de Mr Guérin (1642).
– Exemplaire à la BNF, site Tolbiac, sous la cote RES-YF-393. La pièce est reproduite dans un recueil factice. Le recueil comprend Andromire, de M. de Scudéry, 1641 ; Le Fils désavoué, de MrGuérin, 1642 ; La Mort de Mitridate, de La Calprenède, 1637 ; Le Clarionte ou le sacrifice sanglant, de La Calprenède, 1637 ; Bradamante, de La Calprenède, 1637. Il s’agit d’un recueil de tragi-comédies, dans lequel la tragédie de La Calprenède, La Mort de Mitridate, fait office d’exception. Nous pouvons signaler une erreur présente sur le site gallica liée à ce recueil factice ; le « Privilège du Roy » reproduit sur gallica correspond à celui d’Andromire de M. de Scudéry, et non au Fils désavoué. Nous ne notons aucune variante par rapport aux autres exemplaires de notre pièce.
Nous n’avons pas consulté les deux exemplaires de 1642 qui ne se trouvent pas dans les bibliothèques parisiennes : l’un se trouve à la bibliothèque municipale d’Angers, sous la cote 4BL 2225 I, l’autre à la bibliothèque municipale de Caen, sous la cote Rés. B 993.
Une troisième édition a lieu en 1643, et est consultable à la bibliothèque de l’Arsenal, sous la cote GD-10614. L’exemplaire in-32 - [4], 91, [92]- correspond à une contrefaçon caennaise, réalisée par l’imprimeur Jacques Mangeant qui a exercé de 1593 à 164873. L’atelier contrefait le théâtre français depuis le début des années 1630. Sa production extrêmement abondante, vouée au colportage à travers tout le royaume de France, dépasse largement celle des autres contrefacteurs. Nous pouvons ici identifier le contrefacteur à la mention « Sur l’imprimé » inscrite sur la page de titre.
L’édition présente un certain nombre de modifications par rapport aux éditions d’Antoine de Sommaville. La plupart des coquilles présentes dans l’édition originale sont corrigées ; une ponctuation plus moderne est établie. Les erreurs de numérotation de scène ainsi que les erreurs d’attribution dans les répliques ont fait l’objet d’une correction. Nous pouvons également signaler la modification des vers 158 (« digne pris »>« noble prix »), 288 (« Vos belles actions nous en ont adverty » >« vos belles actions nous ont bien adverty »), 292 (« M’ont bien persuadé que vous estiez né grand » > « M’ont bien persuadé que vous estes né grand »), 295 ( « Ce fut seulement hier » > « Ce fut hier seulement »), 301 (« faict naistre »> « veu naistre »), 318 (« votre juste poursuite » > « votre heureuse poursuite »), 353 (bonheur à tout autre cède » > « mon cœur à qui tout autre cede »), 606 ( « mon ame estoit déceuë » > « mon âme fut deceüe »), 1193 (« mon erreur insigne »> « cette erreur insigne »).
La dernière édition du Fils désavoué a été réalisée en 1654, à Lyon, par le libraire Claude La Rivière. L’exemplaire in-8° (87 pages, [1]p.) est consultable à la bibliothèque Mazarine, sous la cote 4° 10918-45/1. Alain Riffaud74 précise que cet atelier lyonnais réimprime des pièces de théâtre à partir des années 1650. La composition est généralement satisfaisante, mais l’encrage est souvent de qualité médiocre. L’édition de 1654 a modernisé la ponctuation, et a corrigé la numérotation des pages. Pour autant, l’édition reste de mauvaise qualité : la numérotation des scènes n’a pas été modifiée et seule une erreur d’attribution dans les répliques (acte I, scène 2) a fait l’objet d’une correction.
Notre texte contient des erreurs importantes qu’il convient de signaler :
– Une erreur est survenue dans la pagination de l’œuvre d’origine : il faut signaler la répétition des pages 31 et 32. Ainsi, la deuxième page foliotée 31 devait porter le numéro 33, de même que la deuxième page foliotée 32 devait porter le numéro 34, ce qui crée un décalage de deux pages, que nous avons choisi de corriger.
– Une autre erreur est survenue dans la pagination : on passe directement de la page foliotée 69 à 80. Nous avons corrigé cette erreur, ce qui entraîne, conjointement à l’erreur de pagination citée précédemment et corrigée, un décalage de huit pages entre l’édition originale et notre version corrigée. Ainsi, la page notée initialement 80 correspond en réalité à la page 72, et ainsi de suite.
– Dans l’acte V, nous trouvons deux scènes 2 et deux scènes 3. Nous avons corrigé ce qui semble correspondre à une simple erreur de numérotation ; l’acte V compte donc 7 scènes.
– Dans la scène II de l’acte I, les trois répliques de la scène sont attribuées à Livie, ce qui semble peu logique. Nous avons donc attribué sans trop de risque la réplique du milieu (vers 58) à Julie, dans la mesure où Livie s’adresse à sa maîtresse « Madame » (vers 55).
– Dans la scène 3 de l’acte III, le vers 720 « Croiray-je mon amour ? » initialement attribué à Julie est vraisemblablement un vers prononcé par Maxime. Nous avons ainsi fait le choix d’attribuer cette réplique à Maxime.
– Dans la scène 5 de l’acte III, les deux derniers vers initialement attribués à Sinderic (vers 787-788) sont manifestement des vers prononcés par Julie. Nous avons donc pris la décision de les attribuer à Julie.
Dans notre texte, les astérisques renvoient le lecteur au lexique ; les chiffres et les lettres entre […] indiquent les pages et les cahiers de l’édition originale.
Liste des abréviations utilisées dans les notes de bas de pages et dans le lexique :
– ACADÉMIE FRANÇAISE, Dictionnaire, Paris, J.-B. Coignard, 1694 (2 vol.) : (Ac.).
– FURETIÈRE, Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers; rééd. SNL-Le Robert, 1978 (3 vol.) : (F.).
– RICHELET, Pierre, Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise… avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J.-H. Widerhold, 1680 (2 vol.) : (R.).
Graphie §
Nous avons conservé la graphie de 1641, en apportant quelques modifications d’usage quand elles s’avéraient nécessaires à la bonne compréhension du texte. Dans la première moitié du XVIIe siècle, l’orthographe est fort éloignée des normes orthographiques actuelles ; elle est encore instable, sans règle fixe, d’où une importante liberté graphique et de nombreuses variantes au cours du texte. Un même mot peut présenter diverses graphies au sein de la pièce. On trouve par exemple trois graphies différentes pour le verbe « désavouer » : « desadvouer », « desadvoüer » ou « desavouer ». Ces fortes disparités s’expliquent notamment par la répartition des cahiers entre les ouvriers de l’imprimerie. Cependant, dans notre pièce, les différentes graphies sont extrêmement fréquentes au sein d’un même cahier. Nous pouvons en ce sens faire référence aux deux exemples les plus marquants de notre texte : au vers 22, nous trouvons dans le même vers « souspirs » et « soupirs » ; de même, nous pouvons lire au vers 108 « apprend » et au vers 109, « aprend ». L’auteur assiste rarement à l’impression de son œuvre : lorsqu’un auteur cède son ouvrage au libraire, il n’a plus aucun droit sur l’œuvre pendant la période fixée par le privilège. Le libraire a le choix de l’atelier d’imprimerie ; l’auteur ne peut dès lors ni aider les imprimeurs, ni contrôler leur travail, ni relire son texte sous presse.
Nous avons conservé un certain nombre de traits caractéristiques de la graphie du XVIIe siècle qu’il convient de mentionner :
– les diverses orthographes qui laissent apparaître l’étymologie des mots, comme par exemple dans « advertir », « desadvouer », « escouter », « mespris », « nuict », « recognoistre ».
– le tiret présent dans les mots composés non encore liés en langue classique, comme dans « bien-tost », « mal-heureux ».
– le tréma qui est souvent présent sur le -u quand il s’agit de la seconde voyelle d’une diphtongue (par exemple dans « desadvoüer », « deüil » ou « oüy »), et sur le e muet (par exemple, dans « incognuë », « nuë », « veuë »).
– le tiret entre le verbe et le sujet inversé dans les tournures interrogatives lorsque le texte original l’omettait.
– l’accentuation qui n’est pas encore fixée. Les accents sont peu présents. En revanche, il est fréquent de trouver un accent aigu sur l’adjectif démonstratif cét.
– les majuscules, dans la mesure où elles jouent souvent un rôle du point de vue de sens.
– le -z qui correspond à une marque du pluriel, aussi bien pour les substantifs que pour les participes passés, comme par exemple dans « raretez », « tous mes travaux passez », « mes vœux sont revoltez », « ces perplexitez ».
– le -y qui se substitue souvent au i final, comme par exemple dans « aujourd’huy », « favory », « infiny », « soucy ».
– l’absence du –t qui s’efface généralement devant le –s des termes en –mant, -ment, comme par exemple dans « apparans », « differens », « mouvemens », « sentimens ».
Nous avons fait un certain nombre de modifications :
– Nous avons distingué les « i » et « u » voyelles de « j » et « v » consonnes.
– Nous avons rétabli les accents diacritiques afin de distinguer l’auxiliaire a de la préposition à ; la conjonction de coordination ou, de l’adverbe de lieu, du pronom relatif et interrogatif où.
– Nous avons délié la ligature « & » en « et ».
– Nous avons modernisé les « β » en « ss ».
– Nous avons décomposé les voyelles nasales surmontées d’un tilde en un groupe voyelle-consonne.
– Nous avons mis les didascalies en italiques et nous les avons placées à la suite du vers où elles prennent effet.
Nous avons corrigé un certain nombre d’erreurs d’impression :
a joints > a joint (vers 26)
tarrachant > t’arrachant (vers 39)
c’est > cest (vers 137)
desteins > destins (vers 146)
peut-estre > peut estre (vers 149)
la fait > l’a fait (vers 177)
deux > de (vers 177)
ars > arcs (vers 181)
vos > votre (vers 202)
dequoy > de quoy (vers 218)
sans cesse mon esprit > sans cesse à mon esprit (omission au vers 219)
m’imformer > m’informer (vers 254)
Odoaire > Odoacre (vers 290)
cachervotre > cacher votre (vers 293)
L’Epide > Lepide (vers 298)
pour suivre > poursuivre (vers 304)
portant > pourtant (vers 313)
L’Epide > Lepide (vers 326)
quelle > qu’elle (vers 352)
j’aymé > j’ayme (vers 359)
Vous maymez > Vous m’aymez (vers 363)
peut estre > peut- estre (vers 383)
Maximes > Maxime (vers 384)
n’ > m’ (vers 415)
dessain >dessein (vers 447)
Ilcognut > Il cognut (vers 494)
l’honner > l’honneur (vers 503)
l’Epide > Lepide (vers 523)
mais > mais (vers 567)
un infame > une infame (vers 573)
une autre > un autre (vers 613)
desprouver > d’esprouver (vers 626)
si > s’y (vers 633)
vacouster > va couster (vers 638)
j’aymeroy-mieux > j’aymeroy mieux (vers 643)
d’y > dy (vers 646)
chez-moy > chez moy (vers 651)
est-ce > est ce (vers 664)
Dequoy > De quoy (vers 692)
M’a >Ma (vers 697)
manifiques > magnifiques (vers 742)
un extréme amitié > une extréme amitié (vers 756)
quelle vous estime > qu’elle vous estime (vers 760)
quelle vous cognoist > qu’elle vous cognoist (vers 760)
mas > m’as (vers 805)
achepter > acheter (vers 832)
C’este > ceste (vers 887)
Peut estre > peut-estre (vers 912)
funeste > funestes (vers 961)
c’est> cest ( vers 968)
Bien faicts > bienfaicts (vers 1047)
cét > cette (vers 1095)
allantit > alentit (vers 1096)
peut estre > peut-estre (vers 1100)
tay > t’ay (vers 1113)
Synderic > Sinderic (vers 1148)
parce > par ce (vers 1262)
parce > par ce (vers 1274)
puis-je > puis je (vers 1333)
moncoeur > mon cœur (vers 1371)
ala > a la (vers 1375)
eudes > eu des (vers 1438)
Lâge > L’âge (vers 1446)
regardé > regarde (vers 1450)
contre-elle > contre elle (vers 1457)
vous pouvez-vous deffendre > vous pouvez vous deffendre (vers 1504)
le > ne (vers 1519)
ta > la (vers 1520)
un> une (vers 1522)
autrefois > autre fois (1526)
en > un (vers 1530)
fit > fît (vers 1532)
quelle > quel (vers 1580)
estimé> estime (vers 1594)
cet > cette (vers 1596)
dépreuve > d’épreuve (vers 1612)
emparé> emparée (vers 1632)
la > l’a ( vers 1714)
Cet e > cette (vers 1746)
Ponctuation §
Nous avons essayé de conserver la ponctuation de 1641, révélatrice des pratiques contemporaines. Nous avons donc réduit le plus possible la modernisation de la ponctuation pour éviter de trahir les intentions de l’auteur. La ponctuation possède au XVIIe siècle une fonction d’abord orale ; elle a une valeur rythmique et non syntaxique. Nous pouvons préciser les différences de degré entre les signes de ponctuation75 :
– La virgule marque une brève pause dans le discours et indique ainsi une légère baisse de la voix. Elle permet d’insister sur l’ensemble qui lui précède, mais aussi de former la cohésion d’un ensemble des répliques qui se répondent l’une à l’autre. Ainsi, contrairement aux emplois de la virgule dans notre ponctuation moderne, elle suffit à l’enchainement des vers, au dialogue. En ce sens, il n’est pas rare de la trouver à la suite d’une interrogation, appellant une réponse.
– Le point correspond à une pause importante dans le texte. Il crée une rupture dans la lecture et implique une forte baisse de la voix. Dès lors, il est logique qu’il apparaisse plus rarement que dans des textes plus récents, et qu’il marque systématiquement la fin d’une scène.
– Le point d’interrogation marque une forte montée de la voix. Il n’indique pas nécessairement une interrogation, et se substitue souvent au point d’exclamation.
– Le point d’exclamation indique une montée de la voix. Il s’emploie plus librement qu’aujourd’hui, et peut parfois prendre la valeur d’un point d’interrogation. On l’utilise de façon systématique après des interjections.
– Les deux-points indiquent une baisse de la voix : ils correspondent à une ponctuation faible ou moyenne. Contrairement à notre ponctuation moderne, ils n’assument pas de valeur présentative, et ne sont pas la marque d’une relation causale ou de conséquence entre deux propositions. Ils marquent une pause dans le discours. Ainsi, il est fréquent qu’une réplique finisse par deux-points.
– Le point-virgule sert généralement de ponctuation moyenne. Du point de vue tonal, il indique une descente assez forte de la voix. Il se substitue fréquemment au point en fin de proposition.
– Les points de suspension sont assez rares. Ils sont absents de notre pièce.
Nous avons effectué quelques corrections pour rendre le texte plus compréhensible.
Ainsi, nous avons placé une virgule de façon systématique après des appellatifs, pour rendre le texte plus compréhensible. Nous avons introduit une virgule à la fin des vers 201, 299, 365, 366, 405, 764, 898,1355, à la césure dans les vers 597, 748, 1603 et dans le vers 358. Nous avons changé la place de la virgule dans les vers 51, 159. Nous avons transformé la virgule en point dans les vers 28, 146, 206, 228, 442, 454, 962; en point d’interrogation dans les vers 200, 590, 718 ; en point d’exclamation dans le vers 1330 ; en deux-points dans les vers 578 ,1314 . Nous avons supprimé la virgule dans les vers 344, 549, 816, 950, 1186, 1197, 1215.
Nous avons transformé le point en virgule dans les vers 24, 164, 249, 589, 741, 866, 1389 ; en point d’interrogation dans les vers 464, 547, 600, 932, 1003, 1041, 1216 ; en point d’exclamation au vers 809 et 835. Nous avons supprimé le point dans les vers 137, 523, 715, 899.
Nous avons introduit le point d’interrogation dans le vers 1412. Nous l’avons transformé en virgule dans les vers 199, 1003, 1496 ; en point dans le vers 370. Nous l’avons supprimé au vers 1349. Nous avons introduit le point d’exclamation dans les vers 635, 790, 841,1142. Nous avons transformé le point d’exclamation en virgule dans les vers 360, 1329 ; en point d’interrogation dans le vers 692.
Nous avons transformé les deux-points en point dans le vers 102 ; en point d’interrogation dans le vers 776 ; en point-virgule dans les vers 154, 344, 472, 1073.
Nous avons transformé le point-virgule en virgule dans les vers 696, 1090 ; en point dans le vers 181 ; en point d’interrogation dans les vers 816, 1065, 1572.
Le Fils désavoué ou Le Jugement de Théodoric, roi d'Italie. Tragicomédie §
ACTEURS76. §
- THEODORIC, Roy d’Italie.
- SINDERIC, Fils Desadvoüé de Julie.
- MAXIME, Chevalier* Romain, Amant* de Julie.
- JULIE, Mere de Sinderic, veufve de Lepide.77
- HORACE, Amy de Maxime.
- EMILE, Amy de Sinderic.
- LIVIE,
- CORNELIE, Suivantes de Julie.
- BOECE, Senateur Romain et Ministre* d’Estat de Theodoric.
- Suite de Theodoric
ACTE PREMIER. §
SCENE PREMIERE. §
JULIE seule.
SCENE II. §
[p. 4]LIVIE.
[JULIE.]96
LIVIE.
SCENE III. §
THEODORIC.
SCENE IV. §
EMILE.
THEODORIC.
THEODORIC.
BOECE.
THEODORIC.
BOECE.
THEODORIC.
BOECE.
THEODORIC.
[p. 10]EMILE.
THEODORIC.
SCENE V. §
[p. 11]SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
[p. 12]EMILE.
SINDERIC.
SINDERIC.
Fin du premier Acte.
ACTE II. §
SCENE PREMIERE. §
THEODORIC.
SINDERIC.
THEODORIC.
VosSINDERIC.
THEODORIC.
SINDERIC.
THEODORIC.
SINDERIC.
THEODORIC.
SCENE II. §
[p. 19]SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
SCENE III. §
MAXIME.
JULIE.
[p. 21]MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
SCENE IV. §
HORACE.
MAXIME.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
Quand tu sçauras pourquoyJULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
[p. 26]SCENE V. §
CORNELIE.
SCENE VI. §
[p. 27]JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
[p. 28]JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
Aujourd’huy dans lesJULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
Fin du deuxième Acte.
ACTE III. §
SCENE PREMIERE. §
MAXIME.
HORACE.
MAXIME.
MAXIME.
HORACE.
MAXIME.
HORACE.
SCENE II. §
[p. 39]JULIE.
LIVIE.
Il est sorty d’JULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
SCENE III. §
[F,41]MAXIME.
JULIE.
Mais quel est ceMAXIME.
JULIE.
JULIE.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
JULIE.
MAXIME.
JULIE.
[p. 47]MAXIME.
JULIE.
SCENE IV. §
JULIE.
LIVIE.
SCENE V. §
SINDERIC.
SCENE VI. §
SINDERIC.
SCENE VII. §
SINDERIC.
SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
[p. 52]SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
[p. 53]SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
[p. 54]SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
MAXIME.
SINDERIC.
[p. 56]MAXIME.
SINDERIC.
MaisMAXIME.
SINDERIC.
Fin du troisième Acte.
ACTE IV. §
SCENE PREMIERE. §
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
JULIE.
SCENE II. §
JULIE.
HORACE.
HORACE.
JULIE.
JULIE.
HORACE.
JULIE.
HORACE.
JULIE.
HORACE.
JULIE.
HORACE.221
SCENE III. §
[J, 65]SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
EMILE.
SINDERIC.
SCENE IV. §
[p. 68]JULIE.
LIVIE.
SCENE V. §
CORNELIE.
JULIE.
CORNELIE.
JULIE.
CORNELIE.
JULIE.
JULIE.
LETTRE DE MAXIME A JULIE.228
MAXIME.
JULIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
JULIE.
[K, 73]LIVIE.
JULIE.
LIVIE.
JULIE.
[p. 74]SCENE VI. §
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
Il est vray que mon erreurJULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
JULIE.
SINDERIC.
JULIE.
SINDERIC.
Fin du quatrième Acte.
ACTE V. §
SCENE PREMIERE. §
MAXIME.
HORACE.
MAXIME.
[p. 85]HORACE.
SCENE II. §
[p. 86]MAXIME.
LIVIE.
MAXIME.
LIVIE.
MAXIME.
MAXIME.
Il veut donc l’LIVIE.
MAXIME.
LIVIE.
MAXIME.
LIVIE.
MAXIME.
Qu’il estoit sonLIVIE.
MAXIME.
LIVIE.
[SCENE III]248. §
[p. M, 89]MAXIME.
Sortez donc de monHORACE.
MAXIME.
HORACE.
MAXIME.
HORACE.
MAXIME.
SCENE IV. §
[p. 92]SINDERIC.
JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
SINDERIC.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
SINDERIC.
THEODORIC.
[SCENE V].263 §
[p. 99]THEODORIC.
BOECE.
THEODORIC.
BOECE.
THEODORIC apres avoir un peu pensé.
[p. 100]SCENE VI. §
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
[p. 101]JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
[p. 103]THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
C’est en vain que vostre esprit meJULIE.
THEODORIC.
[O,105]JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
THEODORIC.
THEODORIC272.
JULIE.
THEODORIC.
SCENE VII. §
SINDERIC.
MAXIME.
Je le souhaite ainsi.JULIE.
THEODORIC.
JULIE.
[p. 108]THEODORIC.
SINDERIC.
THEODORIC.
JULIE.
[p. 109]MAXIME.
THEODORIC.
JULIE.
MAXIME.
Que nous sommesSINDERIC.
[p. 110]JULIE.
Extraict du Privilege du Roy §
Par grace et Privilege du Roy, donné à Paris le troisieme jour de May mil six cens quarante-un, signé, Par le Roy en son Conseil, LE BRUN, il est permis à ANTOINE DE SOMMAVILLE, Marchand Libraire à Paris, d’imprimer ou faire imprimer, vendre et distribuer une piece de Theatre intitulée, le Fils desadvoüé, Tragi-comedie, et ce durant le temps de cinq ans, à compter du jour que ladite Piece sera achevée d’imprimer, et defenses sont faites à tous Imprimeurs et Libraires, et autres de quelque condition qu’ils soient, d’en imprimer, vendre ou distribuer d’autre impression que de celle qu’aura fait ou fait faire ledit DE SOMMAVILLE ou ses ayant cause, sur peine aux contrevenans de mil livres d’amende, et de tous ses despens, dommages et interests ; ainsi qu’il est plus amplement porté par lesdites Lettres, qui sont en vertu du present extraict tenuës pour deüement signifiées.
Achevé d’imprimer le 17. Octobre 1641.
Les Exemplaires ont esté fournis.
Lexique §
Liste des abréviations :
- ACADÉMIE FRANÇAISE, Dictionnaire, Paris, J.-B. Coignard, 1694 (2 vol.) : (Ac.).
- FURETIÈRE, Antoine, Dictionnaire universel contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et les arts, La Haye et Rotterdam, Arnout et Reinier Leers ; rééd. SNL-Le Robert, 1978 (3 vol.) : (F.).
- RICHELET, Pierre, Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise… avec les termes les plus connus des arts et des sciences, Genève, J.-H. Widerhold, 1680 (2 vol.) : (R.).
Annexe 1 : Nicolas Caussin, La Cour Sainte277 : « L’entrée de Théodoric à Rome et son heureux gouvernement par les conseils de Boèce ». §
La troisième maxime que luy donna Boèce, fut de se rendre très exact en l’exercice de la justice ; d’autant que c’est la base des thrônes et l’esprit qui anime tout le gouvernement : et il prit tellement cette parole, que le desir qu’il avoit de rendre à chacun ce qui estoit sien, luy estoit changé en une soif très ardente, et une faim continuelle : il choisissoit les plus entiers et incorruptibles Gouverneurs qu’il pouvoit, et leur disoit ces paroles rapportées de Cassiodore.
Faites que les Juges des Provinces soyent pleins de vigueur dans l’observation des loix, que les tribunaux ne cessent de donner des sentences contre les mauvaises mœurs : Que les larrons craignent les portes de vos Palais : Que l’adultère tremble devant un Lieutenant chaste : Que le faussaire ayt horreur du cry d’un heraut, et que tous les crimes soient exilez de nostre domaine : Que personne n’opprime les pauvres ; Que leurs persécuteurs soient apprehendez et poursuivis comme perturbateurs du repos public. Vous ferez une paix generale, quand vous aurez abattu les autheurs des meschancetez qui se commettent : Que les Capitaines contiennent leurs soldats en toute discipline, en telle sorte que le laboureur, le marchand, le nautonier, l’artisan entendent que les armes ne sont faites que pour leur défense. Je ne veux pas mesme qu’on pardonne à mes plus proches, quand il est question de la justice : depuis que j’ay pris la Republique en charge, je me suis dépouillé de mes propres intérests, je veux du bien aux miens, mais dans la communauté.
Suivant ces Maximes, je raconteray un traict admirable qu’il fit, entre autres pour signaler sa justice. Une Dame Romaine laissée veuve par la mort de son mary, avoit perdu un fils né de ce mariage, qui luy fut ravy clandestinement, et nourry en une autre Province dans la servitude. Cet enfant devenu jeune homme, receut un avis de bonne part, qu’il estoit d’extraction libre, et fils d’une Dame dont on luy donna le nom, la demeure et toutes les circonstances, qui luy firent entreprendre un voyage à Rome, avec intention de se faire reconnoistre. Il vient droit à sa mère, laquelle estoit embarrassée dans certaines amourettes, s’estant donnée à un homme qui promettoit tousjours de l’espouser, sans toutefois terminer l’affaire. Cet amant estant pour lors absent, et détenu pour affaires pressantes assez loin de Rome, la Dame eut environ l’espace de trente jours bien libres, où elle tint le jeune homme en sa maison, l’ayant reconnu, et avoué particulièrement pour son fils, convaincue qu’elle estoit par des marques invincibles : et dès lors la charité estoit si grande envers lui, qu’elle ne cessoit de pleurer de joye dans le recouvrement de sa perte.
Les trente jours expirez, l’amant retourne, et voyant cet hoste tout nouveau dans sa maison, il demande à la Dame, Quelle espece d’homme c’estoit, et d’où il venoit ; elle répond franchement que c’estoit son fils. Luy, soit que piqué de jalousie, il pensast que ce fust un pretexte, soit que prétendant à ce mariage de la veuve, il n’y voulut point de charge d’enfant ; luy dit hardiment, que si elle ne chassoit cet enfant trouvé de son logis, jamais elle n’auroit de part en ses affections. La malheureuse, qui estoit prise d’amour, pour servir à sa passion renonce ses entrailles, et chasse tout à force de sa maison ce fils lequel elle avoit tant pleuré. Le jeune homme se voyant comme entre le marteau et l’enclume, dans une si grande nécessité de ses affaires, s’en va demander justice au Roy, qui l’ouït fort volontiers, et commanda que la Dame fust amenée devant luy, pour estre confrontée. Elle nia fermement toutes les pretentions de celuy-ci, disant : Que c’estoit un imposteur et un ingrat, qui ne se contentoit pas d’avoir receu les charitez d’un pauvre en sa maison ; mais voulait l’heritage des enfans. Le fils d’autre costé pleuroit chaudement, et asseuroit qu’elle l’avoit avoué pour sien, representant fort vivement toutes les preuves que la passion et l’interest lui mettoient en la bouche.
Le Roy qui sondoit toutes les avenues pour entrer en l’esprit de la Dame, luy demanda si elle n’avoit pas delibéré de se marier en secondes noces. Elle respondit que s’il se rencontroit un party favorable, elle feroit ce que Dieu luy inspireroit. Le Roy réplique, Le voilà rencontré, puis que vous avez logé cet hoste trente jours en vostre maison, et que vous l’avez reconnu de si bonne grace, à quoy tient-il que vous ne l’espousiez ? La Dame respond, Qu’il n’avoit aucunes commoditez, dont on a tousjours besoin en mesnage : Et à quoy peut bien monter vostre bien ? (dit le Roy). La Dame repart, qu’elle avoit bien vaillant mille escus, qui estoit une grande richesse en ce temps-là. Et bien, dit Théodoric, j’en donneray autant à ce jeune homme pour son mariage, à telle condition que vous l’espouserez. Elle bien estonnée, commence à paslir, rougir, trembler, et montrer toutes les contenances d’une femme perdue, qui taschoit à s’excuser et se coupoit en ses paroles : le Roy pour l’intimider encore davantage, jure son grand serment qu’elle l’espouseroit dès à présent, ou qu’elle diroit les causes legitimes de son empeschement. La pauvre femme condamnée par la voix de la Nature qui crioit en son cœur, et ayant horreur du crime qu’on luy proposoit, se jetta aux pieds du Roy, avec une grande profusion de larmes, confessant ses amours, son mensonge et son malheur. Alors ce grand Prince prenant la parole luy dit, N’estes-vous pas une miserable femme de renoncer vostre sang pour ce vilain qui vous a trompée ? Allez en vostre maison, quittez vos amourettes, et vivez dans la condition d’une honneste veuve, prenant de vostre fils le support qu’il vous doit rendre par nature.
Annexe 2 : Excerpta Valesiana278 §
Quidam defunctus est et reliquit uxorem et parvulum filium nescientem matrem. Ab aliquo sublatus est filius eius parvulus et ductus in aliam provinciam et educatus. Factus iuvenis quoquo modo revertitur ad matrem; mater enim iam spoponderat virum. Cum vidisset mater, amplectit filium, benedicens deum se filium revidisse; et fecit cum ea dies triginta. Et ecce veniens sponsus matris, videns iuvenem, interrogavit quis esset. Quae respondit esse suum filium. At ubi comperit esse filium eius, coepti repetere arras et dicere « aut nega filium tuum esse aut vero abscedo hinc ». Mulier compellitur ab sponso, et coepit negare filium, quem ipsa ante confessa est, et dicere: « Vade, iuvenis, de domo mea, quia peregrinum te suscepi ». Ille enim dicebat regressum se ad matrem in domum patris sui. Quid multa? Dum haec aguntur, filius rogavit regem adversus matrem, quam rex iussit in conspectu suo sisti. Cui et dixit: « Mulier, filius tuus adversus te rogat; quid dicis? Est filius tuus an non? ». Quae dixit: « Non est meus filius sed peregrinum eum suscepi. » Et dum per ordinem omnia filius mulieris intimasset in auribus regis, dicit mulieri denuo: « Est filius tuus an non? ». Quae dixit: « Non est filius meus». Dicit ei rex: « Et quae est facultas tua, mulier? ». Quae respondit: « Usque ad mille solidos». Et dum maritum se rex non esse facturum sub iusiurando pollicitus est nisi ipsum, alium non acciperet maritum, tunc confusa est mulier et confessa est suum esse filium.
Proposition de traduction
Un homme mourut et laissa une femme et un enfant, qui n’avait pas connu sa mère. Quelqu’un prit l’enfant, l’emmena dans une autre province et l’éleva. Devenu un jeune homme, il arrive par quelque moyen à retrouver sa mère ; mais la mère s’était déjà promise à un homme. Lorsqu’elle le vit, elle embrassa son fils, bénissant Dieu de l’avoir retrouvé ; il passa avec elle trente jours. Mais voilà qu’arriva le fiancé de la mère, qui vit le jeune homme et qui demanda qui c’était. Elle répondit que c’était son fils. Or lorsqu’il apprit que c’était son fils, il se mit à demander les gages du contrat de mariage et à dire : « Soit tu renies ton fils, soit je quitte ce lieu ». La femme est contrainte par son fiancé, et se mit à renier son fils, qu’elle avait reconnu elle-même auparavant, et à dire : « Va-t-en de chez moi, jeune homme, car je t’ai accueilli parce que tu étais étranger ». Lui disait qu’il était revenu chez sa mère dans la maison de son père. Que dire de plus ? À force, le fils fit appel au roi contre sa mère, à qui le roi ordonna de se présenter devant lui. Il lui dit : « Femme, ton fils t’attaque en justice : que dis-tu ? Est-il ton fils ou non ? ». Elle dit : « Ce n’est pas mon fils, je l’ai accueilli en étranger ». Comme le fils récitait dans l’ordre devant le roi toutes les actions faites à son égard par cette femme, le roi dit de nouveau à la femme : « Est-il ton fils ou non ? ». Elle répondit : « Ce n’est pas mon fils ». Le roi lui dit : « Quelle est ta fortune, femme ? ». Elle répondit : « À peu près mille pièces d’or». Alors le roi déclara sous serment qu’il ne lui donnerait pas de mari si elle n’acceptait pas comme mari celui-là même, et là, la femme se troubla et avoua que c’était son fils.