DEDIEE A MONSEIGNEUR le Duc de Vandosme.
Par le Sr Mareschal.
Chez Anthoine de Sommaville, dans la
Galerie du Palais à l’Escu de France.
M. DC. XXXIIII.
Avec Privilege du Roy.
Édition critique établie par Stéphanie Le Foll dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sous la direction de Georges Forestier
Introduction §
André Mareschal est un auteur peu connu de nos jours. Il mérite pourtant d’être redécouvert, de par son engagement pour le théâtre, ainsi que pour ses œuvres, ou encore pour le contrat de travail, protégeant aussi bien les auteurs que les comédiens, qu’il a rédigé pour la troupe de l’Illustre Théâtre de Molière1.
La Sœur valeureuse (1634) est la seconde tragi-comédie de cet auteur, cette pièce est relativement longue (2376 vers) et a pour objet l’amour d’une sœur, au caractère guerrier, pour son frère jumeau. On y retrouve les principales caractéristiques de ce genre, qui prolifère tout particulièrement à cette période, comme la mise en scène de combats et le thème du déguisement omniprésent tout au long de l’action.
Andre Mareschal : sa vie et son œuvre §
Biographie §
Nous ne connaissons pas les dates de naissance et de décès de cet auteur du XVIIe siècle. Nous constatons également que son prénom n’est pas fixé, nous trouvons ainsi indifféremment Antoine ou André, qui ne sont qu’une seule et même personne. En effet Antoine ne figure qu’une seule fois dans l’œuvre de Mareschal, et encore dans un privilège, celui de L’Inconstance d’Hylas, tragi-comédie pastorale de 16352, c’est à la suite de cette erreur que ce prénom lui a été attribué d’après Durel3.
L’œuvre qui nous est restée de Mareschal est plutôt diversifiée, il fut en effet poète4, romancier5 puis dramaturge (il a écrit cinq tragi-comédies6, deux comédies7 et deux tragédies8).
Mareschal semble bien né au XVIIe siècle, car l’imprimeur des feux de Joye de 1625, B. Martin dans son Advis de l’imprimeur au lecteur nous dit que :
L’Autheur, (qui dans ses jeunes ans ne retient rien moins que de la jeunesse & de la vanité)…
Ce même recueil de poèmes nous apprend que Mareschal était originaire de Lorraine, puisque l’on y trouve une pièce liminaire signée « C. Mareschal / son cousin » qui nous parle de lui en ses termes : « Ce parfait miracle lorrain », et de plus la feuille de titre porte le nom d’« André Mareschal, lorrain ».
Baldensperger9 suppose qu’il a pu commencer « une carrière […] en Lorraine, vite continuée à Paris, sous les auspices mêmes de ce duc de Richelieu que notre province [la Lorraine] ne portait guère dans son cœur » et il explique que c’est peut-être là « une des raisons de la froideur que lui témoignera l’historiographie locale ».
Nous savons également d’André Mareschal qu’il était avocat car c’est ainsi qu’il se qualifie lui-même dans deux actes notariés de 1630 et 1643 : « Noble homme, advocat en la Cour de Parlement ».
Cet auteur se situe en faveur des Modernes et de leur indépendance par rapport à l’Antiquité comme on peut le voir en 1631 dans sa préface10 retentissante. Contrairement à ce que nous dit Durel11 sur le fait que Mareschal aurait laissé « percer une pointe de vanité et [déclarer] qu’il a produit assez pour avoir son coin à lui » dans la littérature, d’après cette préface, Mareschal n’avait « aucune intention de faire œuvre durable »12, il était « préoccupé avant tout de défendre sa propre conception théâtrale »13. Il est l’un des premiers auteurs à parler des trois unités comme éléments constitutifs d’une conception théorique, tout en les contenant :
Je […]n’ay pas voulu me restreindre à ces étroites bornes ni du lieu, ni du temps, ni de l’action ; qui sont les trois poincts principaux que regardent les règles des Anciens.
Mareschal est resté attaché à la maison de Lorraine, patronné par les Chevreuse, les Moret, les Phalsbourg, Louis de Lorraine, Gaston d’Orléans, il a selon Durel14 obtenu certainement l’emploi de bibliothécaire de ce Prince, car dans une lettre de Richelieu15, datée du 31 décembre 1632 en faveur du Sieur Mareschal, bibliothécaire de Monsieur, on peut lire :
Je prends la plume pour vous [Bouthillier] prier d’en dire un mot au roy, à ce qu’il dise à sa majesté de l’excepter du nombre des officiers de Monsieur qui ont commandement de sortir du royaume. Outre que c’est un bon homme qui ne se mesle point d’affaires, il a fait déclaration par devant les juges de Tours, là où il est, portant qu’il n’entend point suivre Monsieur, mais demeurer de l’obéissance qu’il doit au Roy.
Après s’être attaché à Gaston d’Orléans, Mareschal se rallie par la suite à Richelieu. C’est ainsi qu’il songea à dédicacer La Sœur Valeureuse dans un premier temps au Maréchal de Créquy, comme on peut le constater dans le catalogue de la Bibliothèque Dramatique de Soleinne16 :
La Sœur Valeureuse ou l’Aveugle amitié, Manuscrit autographe de l’auteur, avec une dédicace particulière au Maréchal de Créquy, duc de Lesdiguières, quoique la pièce ait été publiée avec une dédicace au duc de Vendôme. […] Il est probable que le maréchal de Créquy n’accepta pas la dédicace ou ne la paya pas, ce qui dégageait alors un auteur.
Malheureusement ce manuscrit a disparu, et nous n’avons pu en retrouver la moindre trace, peut-être se trouve-t-il aujourd’hui dans la bibliothèque d’un particulier ou bien a-t-il été définitivement perdu.
Durel nous apprend que c’est à la suite de l’exécution de Montmorency le 30 novembre 1632 et de la fuite de Gaston d’Orléans à l’étranger que Mareschal obligé de trouver un autre mécène, offrit sa pièce à un partisan de Richelieu, grand capitaine et ami des lettrés, mais qu’il essuya certainement un refus, avant le départ de Créquy pour Rome en 1635, où ce dernier allait négocier l’annulation du mariage de Gaston d’Orléans. César de Vendôme, ennemi de Richelieu accepta la dédicace.
Durel suppose de façon discutable d’après le texte de la dédicace que la pièce suivit le duc de Vendôme aux Fontaines de Bourbon.
Il se permet également de prétendre que « Mareschal devait alors mener joyeuse vie parfois » et qu’il était « inspiré par la dive bouteille » en se fiant naïvement à un poème anonyme intitulé « Poème Coquet de la Bouteille » qu’il attribue à François Colletet (le fils de Guillaume Colletet) extrait de son recueil de poèmes d’auteurs divers La Muse Coquette de 1659.
Le cardinal dédommagea Mareschal du refus de Créquy en acceptant lui-même la dédicace du Railleur. Par la suite, Mareschal ne s’attacha plus à une quelconque maison, mais à la haute finance, en Montmauron (Le Mauzolée), à l’Angleterre, en la personne de son ambassadeur, Robert Sidney (La Cour bergère), à l’armée française, en le Maréchal Ransau (Le Véritable Capitan).
En 1643, il dresse l’acte le plus important de sa carrière d’avocat, il rédige en effet le contrat de L’Illustre Théâtre de Molière, réglementant les droits des auteurs et des acteurs, la distribution des rôles (tenant compte des problèmes de rivalité), les congés, etc. Le tout en parfaite connaissance des usages du milieu du théâtre.
Mareschal termine sa carrière par deux tragédies, Le Jugement équitable de Charles le Hardy et le Dictateur romain. Cette dernière pièce aurait d’après Durel probablement été jouée par Molière. Nous ne connaissons pas la date du décès d’André Mareschal, mais nous suivrons la conviction de Durel, en pensant qu’il ne mourut pas avant 1648, car l’usage était de noter le décès de l’auteur dont on publiait les œuvres, et nous n’en trouvons pas trace dans les éditions de 1646, 1647 et 1648 du Dictateur romain.
Réception de ses œuvres §
On peut ajouter que les œuvres de Mareschal subiront un accueil controversé comme on peut le voir avec l’épigramme de De Tornes (Lachèvre M. n° 19145, p8 du supplément des Recueils collectifs de poésies.), quand Mareschal apparut dans Le Recueil des plus beaux vers de Malherbe… publié chez Toussaint du Bray en 1627 :
Apollon à Du Bray sur ce qu’il avoit mis Mareschal en son recueil de vers
Du Bray, mes enfans sont marrisDe voir qu’en ce fameux Parnasse,Comme l’un de mes favorisUn Mareschal ait bonne place.Chasse ce poète nouveauQui vient troubler nostre fontaine,Puis que chacun l’estime un veauQu’il aille boire dans la Seine.Tu ne pensois pas faire malEt tu semblois estre en extaseDe nous donner ce MareschalPour ferrer au besoin Pégase.Mais puisqu’il fait horreur à tous,Chasse-le de ma Sainte-Escole,Car il ne faut ny fers, ny clous,Sous les pieds d’un cheval qui vole.
Pourtant cette tragi-comédie est publiée précédée de pièces liminaires d’auteurs célèbres : Scudéry, Mairet, Rotrou, Corneille et du Ryer, ce qui montre son importance dans le champ littéraire du début des années 1630.
Au siècle suivant, les Frères Parfaict dans Histoire du Théâtre François et La Vallière dans Bibliographie du Théâtre Français, critiqueront La Sœur Valeureuse en prétendant que l’intrigue est trop compliquée et qu’Oronte ne suit pas les règles de la vraisemblance à moins qu’elle ne soit folle.
La Sœur valeureuse ou l’aveugle amante §
Lancaster ne nous donne aucune indication sur les circonstances de la représentation de cette pièce. Nous trouvons par contre trois dates pour cette tragi-comédie. Elle aurait pu être écrite en 1633, date que l’on trouve chez les frères Parfaict, dans Histoire du Théâtre François, puis tous les exemplaires indiquent 1634, sans achevé d’imprimer, sauf l’exemplaire de la Sorbonne qui présente la date de 1635. Ces exemplaires sont de la même édition, mais tous présentent des différences les uns par rapport aux autres17.
Résumé de l’histoire §
D’après L.-C. Durel, dans L’œuvre d’A. Mareschal :
Oronte, fille du roi de Perse et sœur jumelle de Lucidor, travestie en homme, arrive près d’un château où Dorame, prince détrôné, assiège Gélandre l’usurpateur et son cousin. Celui-là aime Olympe, fille du roi de Thrace, mais celle-ci aime Lucidor et en est aimée. Dorame avait réussi à faire s’enfuir Lucidor auprès de Gélandre et à faire croire à Olympe que Lucidor aimait sa sœur Mélinde. Dorame a reçu un cartel mystérieux d’Olympe, qui, habillée en homme, vient mourir à la place de Lucidor, qu’elle croit lâche et infidèle. Apercevant Oronte endormie et frappée de sa ressemblance avec Lucidor, elle se décide à emporter son casque et son écu. Oronte, réveillée peu après, part à la recherche du ravisseur et sauve la vie d’Olympe que Dorame reconnaît. Mélinde de son côté est devenue amoureuse du rival de son frère et s’est attirée l’affection de Gélandre. Oronte devient grand ami de Dorame qui la croit frère de Lucidor. Olympe aussi trouve à Oronte des charmes puissants. Lucidor découvre les mensonges de Dorame par Mélinde qui croyant remettre une lettre d’amour lui tend le cartel de son frère, Lucidor fou de rage lui renvoie donc un cartel. Oronte accepte le cartel de Lucidor à Dorame, car se sera l’occasion de revoir son frère. Au combat, elle poursuit son frère de son amour. Lucidor la repousse violemment. Le duel des jumeaux est interrompu par l’arrivée des troupes des parties adverses. Dorame s’apercevant qu’Oronte le remplace dans les faveurs d’Olympe, se prépare à se débarrasser de ce nouveau rival. Résultat : cinq morts et Oronte grièvement blessée. Dans le camp des assiégés les Persans sont près d’arriver et Lucidor s’apprête à reconquérir Olympe les armes à la main ; en route, il rencontre Oronte et Dorame qui se battent. Il lâche le secret d’Oronte en se riant de Dorame qui s’est laissé vaincre par une femme. Oronte attaque son frère et Dorame se jette entre eux à l’instant où le roi de Perse survient. Un pardon général s’ensuit. Tous sont heureux, Mélinde et Gélandre seront unis, Lucidor et Olympe sont mariés, puis Dorame et Oronte.
Description de la pièce §
Acte I (558 vers) §
Scène 1 : Monologue d’exposition d’Oronte, qui travestie en homme se rend dans la forêt d’Elvye, suivant la prédiction d’un Oracle et pensant retrouver son frère jumeau Lucidor qu’elle poursuit d’un amour incestueux.
Scène 2 : Exposition de Dorame qui explique à Lycanthe sa machination pour reprendre Olympe à Lucidor et le royaume de Bithynie à Gélandre.
Scène 3 : Monologue d’Olympe qui se rend à la place de son amant à un duel assigné par Dorame. Elle rencontre chemin faisant Oronte endormie et lui dérobe son casque et son bouclier.
Scène 4 : Monologue d’Oronte qui s’éveille et s’aperçoit du larcin d’Olympe.
Scène 5 : Monologue d’Olympe qui arrive sur les lieux du duel et s’étonne de sa rencontre avec Oronte qu’elle avait prise pour Lucidor.
Scène 6 : Début du combat entre Dorame et Olympe travestie, qu’il confond avec Lucidor.
Scène 7 : Oronte arrive sur les lieux et blesse Dorame qui venait de vaincre Olympe. Cette dernière est démasquée et Oronte se fait passer pour le frère de Lucidor.
Acte II (601 vers) §
Scène 1 : Monologue de Mélinde, amante malheureuse de Lucidor, complice de la machination de son frère Dorame. Elle nous apprend qu’elle a dérobé le cartel destiné à Lucidor.
Scène 2 : Dialogue entre Mélinde et Gélandre, son cousin.
Scène 3 : Mélinde remet par erreur le cartel de Dorame à Lucidor, qu’elle lui avait soustrait jusqu’à présent, pensant lui remettre une lettre exposant ses sentiments. Lucidor est furieux, découvrant la feinte dont il a été victime, et il l’oblige à aller elle-même remettre un nouveau cartel à Dorame.
Scène 4 : Dorame demande à Oronte de l’aider à entrer dans les grâces d’Olympe, dont il est l’amant malheureux. Oronte accepte pensant ainsi se débarrasser d’une rivale.
Scène 5 : Monologue d’Olympe qui est amoureuse désormais d’Oronte qu’elle pense être le frère de Lucidor.
Scène 6 : Oronte va plaider la cause de Dorame auprès d’Olympe, ce qui crée un quiproquo, puisque cette dernière pense qu’Oronte parle en son nom, mais Oronte la repousse.
Scène 7 : Oronte intercepte le cartel de Lucidor que Mélinde travestie portait à son frère.
Scène 8 : Monologue de Lucidor qui attend Dorame sur le lieu du duel.
Scène 9 : Oronte arrive et découvre sa véritable identité à son frère qui, horrifié, la repousse. Ils se battent.
Scène 10 : Mélinde et Gélandre parviennent à l’endroit du duel, pendant ce temps, Oronte blesse Lucidor.
Scène 11 : Dorame accourt également sur les lieux. On sépare les adversaires.
Acte III (384 vers) §
Scène 1 : Monologue de Dorame qui se plaint d’Oronte et de Lucidor.
Scène 2 : Lycanthe a dérobé la lettre qu’Olympe a écrit à l’intention d’Oronte, lui déclarant sa flamme. Il la porte à la connaissance de Dorame qui décide de se débarrasser de ce nouveau rival.
Scène 3 : Dialogue entre Olympe et Oronte. Olympe poursuit ses assiduités.
Scène 4 : Dorame se cache pour épier Olympe et Oronte. Il se méprend sur les intentions d’Oronte qu’il décide de tuer sur le champ, mais celle-ci s’en va dans la forêt.
Scène 5 : Monologue de Gélandre qui connaît la trahison de Dorame et est en lutte avec son amour pour Mélinde.
Scène 6 : Lucidor arrive en fureur avec Mélinde. Gélandre prend le parti de Lucidor mais le cœur n’y est pas, il feint d’être en colère après son amante.
Scène 7 : Lycanthe et trois soldats se rendent dans la forêt pour assassiner Oronte sur les ordres de Dorame.
Scène 8 : Oronte décide de fuir, mais à ce moment elle est attaquée par Lycanthe qui lui tend la lettre qu’Olympe avait écrite à son intention. Oronte tue Lycanthe et un premier soldat. Son page tue un soldat et meurt à sa suite. Oronte se débarrasse du dernier spadassin et s’effondre à la suite de ses blessure sur le corps inerte de son jeune page.
Acte IV (453 vers) §
Scène 1 : Monologue de Dorame qui craint les représailles du fait de l’échec de la tentative d’assassinat qu’il avait ourdi contre Oronte.
Scène 2 : Dialogue entre Dorame et le Roi de Thrace qui est convaincu de l’affliction de Dorame pour son ami Oronte.
Scène 3 : Olympe essaie d’ouvrir les yeux d’Oronte sur la malveillance de Dorame qu’elle a percé à jour, mais Oronte refuse de l’entendre.
Scène 4 : Dorame rend visite à Oronte en présence d’Olympe, furieuse. Il finit par avouer son crime et Oronte désespérée décide de mettre fin à ses jours. Mais finalement elle accepte un duel avec Dorame dès qu’elle se sera remise de ses blessures.
Scène 5 : Gélandre avoue sa flamme à Mélinde.
Scène 6 : Lucidor s’en va rejoindre les troupes de son père, le Roi de Perse, avec ses soldats, et il rencontre sur sa route Dorame et Oronte prêts à se battre. Il s’arrête pour les observer.
Scène 7 : Duel entre Dorame et Oronte qui refuse de se battre et ne fait que parer les coups. Elle blesse malencontreusement son adversaire et se précipite à son secours. Lucidor outré intervient et dévoile l’identité de sa sœur. Cette dernière attaque alors son frère, mais Dorame s’interpose entre eux.
Scène 8 : Le Roi de Perse arrive, reconnaît son fils, sa fille se présente à lui également. Les jumeaux se repentent et Dorame est finalement gracié.
Acte V (380 vers) §
Scène 1 : Retrouvailles d’Olympe et de Lucidor, amants comblés.
Scène 2 : Le Roi de Thrace et le Roi de Perse s’accorde sur le mariage d’Olympe et de Lucidor.
Scène 3 : Dialogue entre Oronte, en fille, et Dorame qui lui déclare sa flamme.
Scène 4 : Stances de Mélinde. Gélandre devient l’objet de son affection.
Scène 5 : Gélandre et Mélinde, désormais amants, se croient perdus et se rendent auprès des rois, qui se sont ralliés, et qui les ont faits appeler.
Scène 6 : Union de Lucidor et d’Olympe.
Scène 7 : Les Rois acceptent d’unir Dorame et Oronte.
Scène 8 : Tous, réunis, annoncent la bonne nouvelle à Gélandre et Mélinde. Dorame accorde enfin sa sœur et la Bithynie à Gélandre.
Sources et réécriture §
Les sources sont inconnues pour Lancaster18 qui propose néanmoins la possibilité que Mareschal se soit inspiré d’une pièce de Bois-Robert intitulée Pyrandre et Lisimene, ou l’heureuse Tromperie, publiée en 1633. En effet cette pièce se déroule dans la même région orientale de l’Albanie et la Thrace, et nous y trouvons une jeune fille prénommée Orante, fille du roi d’Albanie, qui poursuit de ses avances amoureuses Pyrandre, lui-même amoureux de Lisimène, fille du roi de Thrace. Mais à la fin de la pièce, l’on découvre que Pyrandre est le véritable frère d’Orante qui du coup cesse ses assiduités.
Lancaster évoque aussi la solution de L.-C. Durel, qui, lui, propose comme source potentielle, « Biblis changée en Fontaine », la fable IX des Métamorphoses d’Ovide. Il s’agit certainement de la source principale dans laquelle Mareschal a puisé l’inspiration pour écrire La Sœur valeureuse, effectivement on y retrouve l’amour incestueux d’une sœur pour son frère qui la repousse avec dégoût, thème principal de la pièce d’André Mareschal, même si des différences considérables subsistent. Oronte a aimé son frère jumeau dès le berceau, Biblis quant à elle ne s’est découvert de l’amour pour lui que bien plus tard. Biblis lui a avoué son amour par lettre puis lui en a parlé, mais le résultat fut le même et le jeune homme finit par s’enfuir en terres étrangères poursuivi par sa sœur, qui par ses larmes se changea en fontaine. Oronte, elle, n’a pas écrit à son frère, elle s’est adressée directement à lui, Lucidor, de même que Caunus, il s’enfuit. Oronte le poursuit à son tour, mais sa réaction est différente, elle décide de le tuer. Mareschal a par ailleurs utilisé le regret de Biblis, de n’avoir pas parlé au lieu d’écrire, à travers le personnage de Mélinde qui poursuivant également Lucidor sans succès se repent d’avoir fait un billet au lieu d’avoir parlé. Mais ces sources ne révèlent pas la nature de toutes les intrigues ainsi que le caractère particulier d’Oronte.
Représentation et décors §
Mareschal situe sa pièce en Bythinie, près de Pruse (Brousse en Turquie) mais la couleur locale s’arrête au nom des sites, entre le 5e siècle av. J.-C. et le 2e ou 3e siècle après J.-C.
Cette tragi-comédie possède trois décors dont deux à compartiments, d’après Durel et Le Mémoire de Mahelot, ils sont certainement disposés de manière à ce que l’on puisse voir le château de Gélandre de la forêt, et que l’on puisse voir la forêt du château du roi de Thrace. Le décor comporte en outre une chambre avec un lit, une tapisserie derrière laquelle on peut se cacher dans le château du roi de Thrace, une forêt avec un arbre et le haut du mur d’une ville assiégée, un temple consacré au soleil, ainsi qu’une cellule de prison dans le château de Gélandre. Mais nous pourrions suggérer une autre installation en regardant la répartition des décors en fonction des actes et des scènes. L’ensemble de l’acte premier se déroule dans la forêt ; au second acte le décor est modifié puisque nous devons voir le château de Gélandre, la forêt et le château du roi de Thrace, ces décors sont certainement représentés dans cette ordre. À l’acte troisième le décor reste inchangé, ce n’est, en effet, qu’à l’acte IV que des modifications interviennent au niveau des peintures qui forment le décors à compartiments. Nous trouvons en plus de la forêt, du château du roi de Thrace et du château de Gélandre, à la scène III, une chambre dans le château du roi de Thrace, et à la scène V une prison dans le château de Gélandre. L’acte V lui est constitué du château du roi de Thrace dans lequel, ou près duquel, se trouve le temple du Soleil, ainsi que du château de Gélandre et de sa prison.
Les personnages §
ORONTE : (19 répliques, 495 vers) Il faut d’abord préciser qu’« Oronte » est le nom d’un fleuve et signifie « le fleuve rebelle », il passe par le centre du Liban, l’ouest de la Syrie et le sud-ouest de la Turquie. Notre personnage, quant à elle, est la princesse de Perse, l’héroïne de cette tragi-comédie. À sa naissance, elle perdit sa mère et montra une affection anormale pour son frère. C’est cet amour incestueux qui la pousse à se travestir en homme afin de pouvoir le poursuivre. Mais ce travestissement va plus loin puisqu’il provoque d’autres quiproquos du fait de sa ressemblance avec Lucidor, qui lui attire ainsi l’affection d’Olympe. Elle est sujette à des colères violentes et son tempérament est excessivement guerrier, elle se bat effectivement cinq fois au cours de la pièce et en sort toujours victorieuse (v. 427-428). C’est sur elle que se fait l’ouverture et l’exposition de la pièce, elle explique dans son monologue que c’est la Fatalité qui la pousse à agir de la sorte (v. 55). Son amitié pour Dorame naît du fait qu’elle souhaite qu’il réussisse à séduire Olympe, espérant ainsi conserver son frère pour elle seule. Mais son caractère reste très étrange au demeurant, et il ne peut s’expliquer que par le fait qu’elle se laisse dominer par ses passions. Lorsqu’elle découvre la trahison de Dorame, qui a attenté à ses jours, elle menace de se tuer (A. IV, sc. 4.). Peut-être peut-on y voir une trace de grande émotivité derrière son tempérament franchement guerrier, ou peut-être est-elle à ce moment déjà amoureuse de Dorame qui ne connaît pas encore sa véritable identité. Pourtant, elle ne pleure qu’une seule fois dans la pièce, sur son jeune page mort pour elle. La Fatalité et sa révolte contre les Dieux demeurent son leitmotiv quand il s’agit d’excuser ses agissements ainsi que les crimes de Dorame (v. 1688-1691). C’est ainsi également qu’elle accepte Dorame pour mari choisi une fois de plus par le sort.
OLYMPE : (15 répliques, 375 vers) Elle est la princesse de Thrace, amante de Lucidor. Elle a pris quelque chose de l’impudicité de sa future belle-sœur, Oronte. Elle n’agit que sous l’effet de la passion amoureuse, comme on peut le constater lorsqu’elle se travestit pour aller combattre en duel Dorame à la place de son amant, qu’elle aime, bien qu’elle le croie lâche et infidèle (v. 325-334). Elle s’éprend par la suite d’Oronte du fait de sa ressemblance avec Lucidor, qu’elle poursuit sans honte de ses assiduités, elle va même jusqu’à l’embrasser [A. II, sc. 6]. Elle permet également les privautés à Lucidor et lui promet sous peu tous les plaisirs du mariage (v. 2051-2055).
MELINDE : (11 répliques, 256 vers) Elle est la sœur de Dorame, cousine de Gélandre. Elle aide son frère dans son entreprise, mais tombe sous le charme de Lucidor qui la repousse. Elle subit toujours la volonté d’autrui, et comme Oronte, elle accepte un mari choisi par le destin. Dans ses stances, elle exprime son état d’âme depuis la perte de Lucidor jusqu’au moment où elle se demande si elle doit toujours se montrer insensible à l’amour de Gélandre, victime selon elle du même Destin (v. 2181 ; v. 2185 ; v. 2192).
DORAME : (16 répliques, 575 vers) Il est l’amant malheureux d’Olympe et le rival de Lucidor, il agit en opposant tout au long de la pièce. Il s’impose comme l’un des personnages principaux, comme on peut le constater par le nombre de répliques et de vers qu’il prononce : leur chiffre est même supérieur à celui d’Oronte, l’héroïne de cette tragi-comédie. Il est manipulateur, hypocrite, rendu méprisable par la jalousie. Dès son entrée en scène [A. I, sc. 2], il se flatte de sa ruse, car ses mensonges ont réussit à tromper le Roi de Thrace, son bienfaiteur, Lucidor, son rival, et Gélandre, son cousin (v. 187-188). Ayant épié Olympe et Oronte derrière une tapisserie [A. III, sc. 4], il se persuade que cette dernière est une rivale et il envoie quatre assassins pour se débarrasser d’elle. Il finit par se battre lui-même avec elle, toutes ses machinations ayant échouées. Il est la figure du « furieux » de la pièce, sa rage le conduit même à défier les dieux (A. IV, sc. 1), sur le modèle des « furieux » de Sénèque. Le dépit amoureux entraîne ce personnage à la violence, à vouloir éliminer tous ceux qu’il pense être ses rivaux. Il emploie à cet égard la fourberie pour se débarrasser de Lucidor, mais aussi d’Oronte. Ses actes contrarient et retardent le bonheur des protagonistes, jusqu’au moment où une « force secrète » le fait changer (v.1892-1894 ; v. 1934). C’est le changement de comportement de Dorame qui se produit au vers 1894, vers blanc, qui provoque un retournement de situation et permet à cette tragi-comédie d’aboutir à un dénouement heureux et à une satisfaction générale, puisqu’il tombe sous le charme d’Oronte, avant même d’apprendre que celle-ci est une femme, ce qui laisse planer une certaine ambigüité sur ce personnage qui subit la Fatalité.
LUCIDOR : (14 répliques, 228 vers) Prince de Perse, jumeau d’Oronte, amant d’Olympe. Même s’il est l’objet d’affection des trois princesses de cette tragi-comédie, Oronte, Olympe et Mélinde, il se contente d’être un amoureux, d’échapper à sa sœur, et d’être l’objet de la jalousie et de la haine de Dorame. Il a donc un rôle plutôt passif dans la pièce, sauf à l’instant fatidique où il dévoile la véritable identité d’Oronte à Dorame et annonce de façon prophétique leur union (v. 1899 ; v. 1903). Puis, à la fin de la pièce il résume parfaitement le leitmotiv de cette tragi-comédie : v. 2372 « Et le destin a fait tout cela pour vous plaire. »
GELANDRE : (8 répliques, 118 vers) Cousin de Dorame, il règne sur la Bithynie et se contente comme Lucidor d’être amoureux, en l’occurrence, ici, de sa cousine Mélinde, qui pourtant s’est ralliée à Dorame pour perdre à la fois Lucidor qui possède le cœur d’Olympe et Gélandre qui a en son pouvoir la Bithynie, royaume que Dorame réclame. Cependant, il ne parle à aucun moment de son pays et de son peuple assiégés. Il subit lui aussi la Fatalité, il finit par épouser Mélinde et reprendre ses droits sur la Bithynie, concédés par Dorame en même tant que sa sœur à la fin de la pièce.
LYCANTHE : (4 répliques, 71 vers) Personnage secondaire. Il est l’écuyer d’Olympe et le confident de Dorame, auquel il est entièrement dévoué, par simple affection, en cela il est moins méprisable que son maître qui lui dit:
v. 81-84
Doncque tu viens à moy, quand le sort m’abandonne ?Ton cœur n’esperant rien, c’est alors qu’il se donne ?La faveur ni mes biens n’avoient pû t’émouvoir,La vertu plus que l’or a sur toy de pouvoir ;
Il finit par se faire tuer par Oronte voulant obéir aux ordres de Dorame qui avait décidé de la faire assassiner.
LE ROY DE THRACE : (5 répliques, 96 vers) Personnage secondaire. Il est le père d’Olympe, le bienfaiteur de Dorame, Oronte et Lucidor qu’il accueille à bras ouverts dans son royaume. C’est un personnage sympathique qui voue un amour tout particulier à la paix et au Dieu Mars (v. 257-2058 ; v. 2270-2271).
LE ROY DE PERSE : (5 répliques, 91 vers) Personnage secondaire. Il est le père de Lucidor et d’Oronte, il apparaît à la fin de la pièce comme une sorte de Deus ex machina19 qui arrive et réconcilie ainsi tout le monde. Ce personnage est également sympathique et développe un véritable sentiment d’amour paternel, horrifié pourtant par les agissements de ses enfants, mais tout prêt à leur pardonner sur-le-champ (v. 1955-1960).
Une tragi-comédie §
Il faut avant tout commencer par rappeler que nous nous situons en pleine période de la querelle des Anciens et des Modernes, la tragi-comédie est un genre très controversé, du fait qu’elle n’applique aucunement les prescriptions d’Aristote dans sa Poétique. André Mareschal se situe en faveur des modernes et comme François Ogier, qui dans sa « Préface au lecteur » de Tyr et Sidon, tragi-comédie en deux parties, de Jean de Schélandre (1628) attaque les règles des classiques et fait l’apologie de la modernité théâtrale. Notre auteur s’en prend aux règles des trois unités dans sa « Préface » de la deuxième journée de la Généreuse Allemande en 1631. L’originalité de Mareschal réside dans son procédé d’argumentation, qui consiste en une plaidoirie où il explique point par point ce qui l’a poussé à enfreindre les règles pour parvenir à l’écriture de sa pièce, il se proclame finalement avant tout du côté de la vérité, prétendant qu’on ne peut pas s’en tenir aux règles et vouloir se faire l’écrivain du réel. C’est en feignant de ne défendre que sa pièce que Mareschal parvient à mettre en place sa conception d’une poétique générale pour toutes les tragi-comédies.
Durel20 estime que Mareschal essaie de s’efforcer de faire entrer La Sœur valeureuse dans les règles de la poétique classique, mais nous ne pouvons nous accorder avec lui. Notons tout d’abord que les décors sont multiples : nous dénombrons en effet sept lieux différents dans la pièce, et les décors sont disposés comme au Moyen Âge, la scène se divisant en compartiments qui représentent chacun le tableau d’un lieu de l’action. L’acteur passait d’un décor à l’autre, mais vu l’exiguïté de la scène, il était forcé de se remettre au milieu afin que l’auditoire puisse mieux le voir et l’entendre, et le spectateur complaisant considérait qu’il était toujours dans le compartiment dont il venait de sortir21. L’unité de temps n’est pas non plus respectée car comment le roi de Perse pourrait parvenir en Bithynie en moins de vingt-quatre heures, et comment Oronte pourrait s’être remise en aussi peu de temps de ses blessures qui ont failli lui coûter la vie ? L’Acte I peut ne se dérouler qu’en quelques heures, l’Acte deux pourrait très bien avoir lieu dans un même temps, à condition que le lieu du duel du cartel de Dorame pour Lucidor, soit suffisamment éloigné pour que ce dernier n’ait pas le temps de s’y rendre. Dans ce cas, il faut également un certain nombre d’heures à Mélinde pour se rendre au château du roi de Thrace où se trouve Olympe, Oronte et Dorame. Nous pouvons peut-être déjà considérer qu’une journée s’est écoulée. C’est ensuite au tour d’Oronte de se rendre sur le lieu du duel assigné par Lucidor, un certain laps de temps se passe également pour qu’elle parvienne à cet endroit. L’Acte III intervient après que la nouvelle du combat d’Oronte contre son frère se soit répandue à la cour, admettons qu’il ne faille qu’une journée, notre héroïne se retrouve tout de même bléssée à la fin de cet acte. Comptons que vingt-quatre heures lui soit seulement nécessaire pour se rétablir, ce serait la durée nécessaire au déroulement du quatrième acte. Enfin, le cinquième et dernier acte, du fait du déplacement de la cour jusqu’au château de Gélandre durerait également un jour. En calculant au plus juste nous trouvons une durée d’environ trois jours pour cette tragi-comédie. L’unité d’action est également enfreinte puisque les aventures et les coups du sort foisonnent. La règle de bienséance n’est pas de mise dans cette tragi-comédie qui représente cinq combats sur scène et fait mourir également cinq personnages sous les yeux des spectateurs.
Cette tragi-comédie est dans l’air du temps, elle s’inspire d’un sujet antique, l’amour incestueux d’une sœur pour son frère22, ainsi que d’une autre tragi-comédie légèrement antérieure23. Les personnages ont tous une origine noble et cette pièce traite d’un sujet de vie privée. On y retrouve les thèmes principaux développés dans la majorité des tragi-comédies du XVIIe siècle, tel que la passion amoureuse, incestueuse quand il s’agit de celle d’Oronte pour son frère Lucidor, la passion d’Olympe et de Lucidor est quant à elle la seule réellement partagée dans cette pièce, Dorame est repoussé par Olympe, et Mélinde par Lucidor. Le thème de la violence y est lui aussi développé : est-il nécessaire de rappeler les cinq combats et duels ainsi que les cinq morts représentés sur la scène ? sans compter les blessures sanglantes d’Oronte [A. III, sc. 8] et de Dorame [A. I, sc. 7 ; A. IV, sc. 7]. Nous trouvons également le thème du travestissement, présent chez les trois protagonistes féminins, donnant lieu à des équivoques sexuelles, avec les baisers donnés et reçus d’Olympe [A. III, sc. 3 ; A. V, sc. 1], Lucidor [A. V, sc. 1], Oronte [A. III, sc. 3 ; A. V, sc. 7] et Dorame [A. V, sc. 7]. Des objets récurrents de la tragi-comédie y figurent, telle que les cartels, tour à tour interceptés, une lettre dérobée, et le portrait de Lucidor, actualisant la présence de l’amant24, auquel s’adresse Oronte dans la scène première de l’Acte I, la scène d’exposition :
Quoy ? Tu ne réponds rien, tu n’agis seulement ;Homicide Portraict, qu’à donner du tourment ; (v. 11-12)
La Sœur valeureuse reproduit « des situations typiques de la tragi-comédie »25, ainsi la naissance de l’amour avec le coup de foudre d’Olympe à la vue d’Oronte ; l’approche et la conquête avec les déguisements et les travestissements d’Oronte tout au long de la pièce, et ponctuellement d’Olympe, puis de Mélinde ; l’obstacle avec l’opposition de rivaux, représenté essentiellement par Dorame ; la crise avec la fidélité de Lucidor à l’égard d’Olympe et l’inconstance devant les avances d’un ou d’une autre avec Olympe qui change d’objet d’affection, elle aime Lucidor puis Oronte, Mélinde également aime tout d’abord Lucidor avant de céder à Gélandre, Oronte amoureuse passionnée de son frère finit par tomber sous le charme de Dorame, qui lui-même amoureux d’Olympe en vient à aimer Oronte. D’autres éléments de crise figurent dans cette pièce, ainsi nous trouvons les duels, Dorame veut défendre la vertu de Mélinde et d’Olympe à qui il a fait croire que son amant Lucidor était inconstant et l’avait abandonnée pour enlever sa sœur, et les combats singuliers. Le dénouement est heureux comme le veut le genre de la tragi-comédie et comme le prône Mareschal dans sa poétique en préface de La Généreuse Allemande, nous y trouvons le repentir de Dorame à qui l’on accorde le pardon et les rivaux se réconcilient et s’unissent dans le mariage.
Nous pouvons ajouter qu’André Mareschal dans La Sœur valeureuse ne tient pas compte des conditions de représentation d’une pièce de théâtre sur scène. Il faut savoir que les bougies qui éclairaient l’espace scénique nécessitaient d’être mouchées et remplacées à chaque fin d’acte. Or, on s’aperçoit que la pièce qu’il a écrite est particulièrement longue, 2376 vers la constituent, et les actes présentent un déséquilibre quant à leur durée. En effet, l’Acte I dénombre un total de 558 vers, l’Acte II, 601 vers, les Actes III, IV et V sont un peu plus équilibrés puisqu’ils comptent environ 400 vers chacun, mais rappelons que la moyenne d’un acte se situait aux environs de 300, 350 vers. Cette pièce s’avère donc assez difficile à jouer, d’une part pour des conditions purement techniques et matérielles, d’autre part aussi, du fait de la durée de représentation longue qu’elle imposait et la lassitude potentielle des spectateurs qui y assistaient. D’autres inattentions de l’auteur figurent dans la pièce, c’est ainsi que Lancaster26 note un anachronisme, par deux fois (v. 644 ; v. 1402), à propos de canons lors du siège de Pruse. Or les premiers canons ne furent créés que bien des siècles après l’époque dans laquelle s’inscrit la pièce.
Un autre problème surgit dans La Sœur valeureuse, mais il est de l’ordre de la volonté de son auteur, rappelons que le décompte des vers veut qu’au final nous arrivions sur un chiffre pair, c’est le cas ici puisque nous avons 2376 vers. Mais il faut tout de même noter deux vers blancs que Mareschal introduit dans sa pièce à des moments particulièrement stratégiques. Le premier se situe au moment où par mégarde Mélinde remet à Lucidor le Cartel de Dorame [A. II, sc. 3], dévoilant la stratégie perfide de ce dernier pour perdre son rival. Lucidor reprend à son compte le dernier vers du Cartel en modifiant simplement l’adjectif possessif « ta » en « ma » et en tournant la phrase en interrogative : v. 685 « Que sans finir ma vie elle n’a point de fin ? ». C’est à partir de cet instant que Lucidor décide de se débarrasser de Dorame, donnant une touche particulièrement tragique à l’ambiance de la pièce, dont la fin ne semble pas devoir aboutir à un heureux événement, si ce n’est pour Lucidor la mort de Dorame. Nous sommes ainsi passés à un décompte impair de vers. Ce n’est que bien plus loin à la scène 7 de l’Acte IV que nous trouvons le second vers blanc, qui rétablit le décompte de vers de la pièce, et en même temps assure une fin potentiellement heureuse à cette tragi-comédie. Il se situe lors du duel entre Oronte et Dorame, avant que ce dernier ne découvre la véritable identité de la jeune guerrière : v. 1894 « J’ay pris un autre cœur, autres yeux, autre bouche ». Ce vers est particulièrement important puisque Dorame change totalement de comportement en tombant sous le charme d’Oronte et de ses douceurs. Il ne pense ainsi plus à se venger de son rival Lucidor ou à conquérir son ancienne amante Olympe. La pièce peut à cet instant prendre le chemin du bonheur et du pardon collectif. La Sœur valeureuse se trouve donc rétablie dans son décompte pair et dans sa fin heureuse.
L’action est déjà achevée à la fin du quatrième acte, comme c’est le cas dans Mélite (1633) de Corneille27, où cet auteur nous dit dans l’examen de sa pièce que : « Tout le cinquième acte peut passer pour inutile. » et il ajoutera plus tard28 également que :
Comme il est nécessaire que l’action soit complète, il faut n’ajouter rien au-delà, parce que quand l’effet est arrivé, l’auditeur ne souhaite plus rien et s’ennuie de tout le reste. Ainsi les sentiments de joie qu’ont deux amants qui se voient réunis après de longues traverses doivent être bien courts.
Mareschal ne s’accorde pas avec Corneille sur ce point de vue puisque le dernier acte est entièrement fondé sur les sentiments de joie des personnages qui s’unissent dans le mariage sur la scène même. À l’exception de cet acte, Mareschal respecte le dispositio : la pièce débute par un premier acte qui peut être vu comme le prologue annonçant et détaillant aux spectateurs la situation initiale, les deuxième et troisième actes constituent en partie l’épisode, le nœud de l’action fondé sur les méprises qui découlent de la fausse identité d’Oronte et les fourberies de Dorame (même si ces dernières ont débuté avant le commencement de la pièce). Le quatrième acte peut faire figure d’exorde, où la situation se trouve éclaircie de part et d’autre avec une réconciliation générale des parties adverses. L’Acte V, quant à lui, peut être mis à part comme le résultat d’un effet pompeux voulu par notre auteur.
La passion amoureuse dans La Sœur valeureuse §
L’amour et plus particulièrement la passion amoureuse est un thème récurrent dans les tragi-comédies du XVIIe siècle et La Sœur valeureuse ne déroge pas à ce principe.
L’intrigue de cette pièce repose sur des conflits amoureux, tout d’abord sur les sentiments coupables d’Oronte pour son frère Lucidor. En effet, Oronte transgresse un tabou : celui de l’inceste. Les autres amours qui figurent dans notre œuvre ne sont pas plus aisés, Lucidor et Olympe s’aiment, mais cela va à l’encontre des lois de leur pays respectifs, la Thrace et la Perse. Nous sommes donc en présence de deux passions amoureuses interdites et coupables de transgresser l’une un tabou, l’autre une loi politique. Ce conflit intérieur se double d’un conflit extérieur. L’amoureux n’est pas toujours payé de retour, sa passion est vaine puisque l’autre aime ailleurs. Ainsi la seule passion partagée est celle de Lucidor et d’Olympe. Oronte aime Lucidor en vain, Dorame est éprise d’Olympe, mais le cœur de cette dernière appartient à Lucidor. Deux chaînes amoureuses se forment dans La Sœur valeureuse de Mareschal, Gélandre aime Mélinde qui aime Lucidor qui est épris d’Olympe, puis par méprise sur l’identité véritable d’Oronte coexiste une autre chaîne : Dorame est amoureux d’Olympe, qui est éprise d’Oronte, qui elle-même aime Lucidor, son frère.
En réalité, seuls deux personnages posent problème et interfèrent dans les amours de Lucidor et d’Olympe, il s’agit bien sûr de Dorame et d’Oronte, rivaux respectivement d’Olympe et de Lucidor. Dorame de par sa jalousie en vient par feinte à se servir de l’autorité politique pour mettre en péril la vie de Lucidor puis d’Oronte dans l’espoir de parvenir à contraindre Olympe de l’aimer. Parce qu’il n’est pas partagé, l’amour débouche sur un rapport de force, comme c’est le cas entre Oronte et Lucidor : lorsque ce dernier la repousse, elle tente de le tuer [A. II, sc. 9]. Les effets de la passion aggravent la situation de celui qui aime ainsi en vain. Il est la proie d’un choc émotionnel incontrôlable, il subit les morsures de la jalousie et il est capable d’une haine destructrice. On constate ce phénomène dans le comportement d’Oronte [A. II, sc. 9] et de Dorame [A. III, sc. 4 ] lorsqu’il veut attenter aux jours d’Oronte qu’il prend pour un homme et un rival. La jalousie devient une torture de soi-même pour Dorame [A. III, sc. 4]. On comprend, dans ces conditions, que l’amour conduise à une telle violence. Rien ne peut s’opposer à ses ravages. La mort de l’être aimé devient préférable à son bonheur avec un autre (A.II, sc. 2 : tentative de meurtre d’Oronte sur son frère). C’est pourquoi l’amour se change si facilement en haine. Les deux réactions ne sont pas contradictoires, en dépit des apparences. La haine n’est que la forme du désespoir amoureux. Le caractère d’Oronte ne se révèle donc pas si inexplicable. Seul le déclenchement de son « amour » pour Dorame reste obscur, puisque rien ne nous indique à quel moment il a débuté, si ce n’est son désespoir qui la conduit à tenter de mettre fin à ses jours [A. IV, sc. 4] contrairement au changement de sentiment de Dorame à son égard qui advient subitement (v. 1892-1894).
Un autre fait marquant, que l’on peut noter dans notre pièce, est la représentation sur scène à l’Acte V des trois mariages, ceux d’Olympe et Lucidor, d’Oronte et de Dorame, et de Gélandre et Mélinde. Les mariages sont la plupart du temps évoqués ou annoncés, mais très rarement représentés. Mareschal a rechercher la « pompe » pour clore sa pièce.
La plupart des monologues tournent autour des différentes formes d’amour heureux [Olympe : A. II, sc. 5] et malheureux majoritairement [Oronte : A. I, sc. 1 ; Olympe : A. I, sc. 3 ; Mélinde : A. II, sc. 1 ; Lucidor : A. II, sc. 7 ; Dorame : A. III, sc. 1 ; Gélandre : A. III, sc. 5]. Les Stances de Mélinde sont plus mitigées [A. V, sc. 4], elle renonce à son amour pour Lucidor et s’offre à Gélandre plus ou moins par dépit amoureux. Il ne faut pas omettre d’évoquer également les tirades et stichomythies qui traitent du même thème de l’amour malheureux, mais cette fois, entre les personnages, comme à la scène 6 de l’Acte II, où dans un échange rapide de répliques courtes, Olympe avoue son amour à Oronte qui plaidait la cause de Dorame et non la sienne. Seul l’Acte V met en scène des répliques et des tirades qui ont pour sujet la satisfaction et le bonheur amoureux. Oronte, aux vers 2149-2155, nous fait part de son changement d’état en accusant comme l’avait fait précédemment Dorame, aux vers 1892-1894, une « secrète force » qui la pousse à changer de sentiments et l’objet de son amour.
Le rôle du deguisement dans la pièce §
Le déguisement a une très grande importance dans cette pièce, en effet Oronte, l’héroïne, est travestie en homme jusqu’au dernier acte. Elle se déguise en guerrière pour poursuivre son frère Lucidor dont elle est amoureuse et qui la repousse. Ce travestissement a pour finalités « la fuite et la reconquête »29, et il relève d’une attitude défensive. L’action du personnage se révèle n’être plus que la conséquence d’une action antérieure au début de la pièce, d’un autre personnage, en l’occurrence pour notre héroïne la fuite de Lucidor, son frère bien-aimé. Il faut ajouter que notre protagoniste a un nom bisexué, il peut autant être celui d’une femme que celui d’un homme, elle ne revêt donc pas de nom d’emprunt, elle peut ainsi être confrontée aux personnages qui sont de sa connaissance et aux autres qui lui sont inconnus. Le spectateur sait dès le début de la pièce l’identité réelle d’Oronte qui nous l’apprend dans un monologue d’exposition où elle explique ses raisons tout en émettant des regrets et en faisant une déploration. Nous sommes tout de même dans le monde de l’illusion, des fausses apparences typiques des tragi-comédies du XVIIe siècle. Ce travestissement provoque des incidents, en particulier des équivoques sexuelles, Olympe, l’amante de Lucidor, tombe amoureuse d’Oronte, qui ressemble à Lucidor du fait de leur gémellité, et la poursuit de ses assiduités, elle va même jusqu’à l’embrasser. L’homosexualité n’est ainsi que suggérée, non pas du côté d’Olympe qui ignore l’identité d’Oronte, mais du côté de cette dernière qui nous dit explicitement que seule la nature la retient, mais que si elle avait été un homme elle aurait cédé à ses avances (v. 1376-1379). Dorame se méprend également et en vient à considérer Oronte comme étant l’un de ses rivaux, au point d’en avoir le désir de l’assassiner. Mais étonnamment, après qu’il a été blessé au cours d’un duel contre elle, il en tombe amoureux avant même d’avoir connaissance qu’elle est une femme, nous avons donc ici soit une grande lucidité et clairvoyance de Dorame, soit encore une équivoque sexuelle, du domaine d’une homosexualité couverte (v. 1892-1895). Pourtant Mareschal aurait pu aller plus loin dans la ressemblance d’Oronte et de Lucidor, mais il ne l’a que faiblement exploitée puisque seule Olympe y prête réellement attention, alors que Mélinde, elle aussi éprise de Lucidor, ne la soupçonne même pas [A. II, sc. 7]. Il n’y a pas non plus de ressemblance au niveau des caractères, des paroles ou des actions de ces deux personnages pourtant jumeaux.
Oronte n’est pas le seul personnage à se déguiser dans La Sœur valeureuse, tous les protagonistes féminins passent à un moment donné par le travestissement, mais aucune ne le vit de la même façon. Oronte se tient donc du côté des amazones. Olympe, elle, se déguise au début de la pièce pour aller combattre Dorame à la place de Lucidor, qu’elle prend pour un perfide, mais qui n’a en fait pas encore reçu le cartel qui lui était adressé, Mélinde l’ayant soustrait à sa vue. Elle vole le casque et l’écu d’Oronte et se bat contre Dorame qui pense être en face de Lucidor. Olympe vit son travestissement comme une abomination, une honte faite à ses charmes, un renoncement de sa féminité, ce qui n’est pas le cas du tout d’Oronte qui malgré un comportement masculin, conserve des sentiments féminins et parvient sans peine à réintégrer son identité première à la fin de la pièce. Olympe se pose le problème du déguisement et de ses conséquences30, qui sont sans fondement, pour Catherine Maubon31 qui nous dit qu’« il ne s’agit que d’une réaction superficielle devant la disparition temporaire de ses attributs féminins, sa nature de femme n’est jamais atteinte par une telle transformation. » Mais il faut tout de même rappeler que le but du déguisement d’Olympe est avant tout de sacrifier pour son honneur et son amant Lucidor. C’est peut-être la perspective de mourir « en homme » qui la fait réagir ainsi (v. 333-334).
Mélinde, quant à elle, revêt l’habit d’un Hérault pour porter le Cartel de Lucidor à son frère Dorame : elle est bien plus préoccupée par la crainte de perdre celui qu’elle aime ou son frère, que par le travestissement que Lucidor lui a imposé. Oronte d’ailleurs s’y laissera elle-même prendre, puisque désirant obtenir le Cartel elle se fait passer pour Dorame auprès de Mélinde qui bien entendu ne la croit pas l’ombre d’un instant, mais lui remet quand même le Cartel, pensant ainsi sauver son frère. Mélinde comme Oronte appliquent ce déguisement comme un simple masque qu’il leur suffira de retirer pour retrouver leur entière féminité.
La mythologie dans la pièce et la querelle sur le rapport d’André Mareschal au divin §
Depuis la Renaissance, les œuvres théâtrales aussi bien que poétiques font références à la mythologie grecque ou latine. Les auteurs s’adressent à un public averti, qui a les mêmes références culturelles que lui. André Mareschal n’échappe pas à ce principe et La Sœur valeureuse abonde en références mythologiques. Du fait de sa culture latine, Mareschal choisit de nous donner les noms latins plutôt que les noms grecs, ce qui peut paraître quelque peu surprenant vu la situation géographique de la pièce toute proche de la Grèce. Il fait référence aux Oracles qui interviennent sur le choix de la destination qu’a empruntée Oronte et donne ainsi lieu à l’œuvre théâtrale que nous avons ici. Ceux-ci, de plus, appartiennent au domaine de l’illusion théâtrale propre à la tragi-comédie. Un autre phénomène intéressant que l’on retrouve dans La Sœur valeureuse est la personnification récurrente de l’Amour, du Dieu de l’Amour, Cupidon, auquel l’auteur ne donne jamais de nom, il en est de même pour le Dieu Soleil. Mais cela ne nous autorise pas pour autant à mettre en doute les connaissances de Mareschal sur la Mythologie, les rapprochements qu’il effectue dans sa pièce sonnent tous justes et les Thraces étaient réellement le seul peuple à adorer le Dieu de la guerre, Mars.
Mareschal ne se contente pas de faire des références aux Dieux de la mythologie, ses personnages les invoquent pour les nier et les insulter. Ainsi Oronte exprime à maintes reprises sa colère envers les Dieux :
Dieux, imprimez en nous l’espoir de vos miraclesVous êtes aussi faux que le sont vos oraclesDe peur on vous adore, et non de volonté (v. 429-431)
que l’on retrouve également chez d’autres personnages, tel que Dorame :
Et sans me plaindre au Ciel qui n’écoute personneJ’arrache aux Dieux sur moy le pouvoir qu’ils ont eu ! (v. 1246-1247)
Ce sont ces passages qui amènent Durel à penser que Mareschal y exprime sa propre pensée, et le fait que « mêlés aux Dieux se trouvent des canons contemporains et la crainte d’offenser le roi Louis XIII »32. Catherine Maubon s’accorde à dire que « le théâtre de Mareschal, et surtout les deux premières tragi-comédies33, est riche en réflexions, commentaires et manifestations hostiles à l’existence d’un principe divin »34. Mais elle évoque aussi une confusion et des contradictions dans les réflexions des personnages qui restent toujours superficielles, et ainsi dénie l’existence d’une relation entre les pensées de l’auteur et les propos tenus par ses personnages. Elle ajoute qu’« il est difficile de parler de problèmes métaphysiques réels, là où la notion de destin se mêle à celles de fortune, de dieux, de ciel ou d’astre des grandeurs, même si un tel mélange existe, au niveau du langage, chez Théophile de Viau »35. Nous nous en tiendrons l’analyse de Catherine Maubon, puisque nous ne sommes pas en mesure de juger les théories métaphysiques de Mareschal, dans la mesure où il ne nous a pas laissé suffisamment de documents pour nous le permettre.
Les différentes formes du discours introduites dans la pièce de Mareschal §
Nous distinguons trois formes de discours différentes dans La Sœur valeureuse, deux Cartels en vers, un de Dorame intercepté par Mélinde, l’autre de Lucidor intercepté par Oronte, une Lettre d’amour d’Olympe dérobée par Lycanthe, et des Stances prononcées par Mélinde.
Les Cartels appartiennent aux expédients tragi-comiques, ils sont sources de quiproquos comme on peut le voir, lorsqu’ils sont soustraits à leur destinataire : ainsi le premier n’arrive que bien après dans les mains de Lucidor, qui, de ce fait a passé pour un lâche et un infidèle auprès de son amante Olympe. Le second est également intercepté, cette fois-ci par Oronte qui se rend sur le lieu du duel afin de retrouver son frère dont elle est amoureuse. C’est d’ailleurs la seule rencontre en tête-à-tête qu’ils auront de toute la pièce. Ces Cartels sont reproduits à l’Acte II scène 3 pour le premier et scène 7 pour le second, ils nous sont lus par des personnages, Lucidor, puis Oronte. Le premier cartel est constitué comme suit : deux octosyllabes à rimes suivies, deux alexandrins, un octosyllabe et un alexandrin à rimes croisées. Le second cartel est plus court, il ne comporte que quatre vers en alexandrins à rimes croisées.
La lettre d’Olympe à Oronte a également été dérobée, et elle est reproduite à la scène 2 de l’Acte III par la voix de Dorame qui apprend par elle son malheur : Olympe est amoureuse d’Oronte. Cette lettre est en prose contrairement à toute la pièce de théâtre, elle est comme les deux cartels un objet très fréquemment utilisé dans les tragi-comédies, surtout lorsqu’elle dévie de trajectoire. Une seconde lettre est évoquée, mais elle n’est pas reproduite : il s’agit de celle de Mélinde à Lucidor, à laquelle s’est substitué le cartel qu’elle a remis par erreur à son amant provoquant sa fureur (v. 692-694). Cette lettre n’a ici aucun intérêt pour l’intrigue : elle n’existe que pour permettre à Lucidor de prendre connaissance du Cartel de Dorame.
La dernière forme de discours qui apparaît dans La Sœur valeureuse est contenue de manière isolée à l’intérieur d’une scène, la scène 4 de l’Acte V : ce sont les Stances de Mélinde. Il s’agit d’une pause lyrique, Mélinde réfléchit à la situation dans laquelle elle se trouve désormais. Les stances sont très à la mode durant la période qui s’étend de 1630 à 1660, et constituent des passages obligés de la tragi-comédie. Les vers utilisés dans notre pièce sont l’alexandrin et l’octosyllabe, ils s’ordonnent en quatre strophes de huit vers chacun avec des rimes embrassées. Les stances traduisent l’émotion du personnage et ses pensées les plus intimes et personnelles. Mélinde se désespère d’avoir perdu Lucidor, son amant, et décide de céder aux charmes de Gélandre. La fonction de cette interruption dans le discours théâtral est d’assurer la cohérence du personnage de Mélinde qui se résout à épouser Gélandre, et ainsi conduit notre tragi-comédie à se conclure sur une triple union entre les trois princes et les trois princesses, protagonistes de l’histoire.
Notes sur la présente édition §
La sœur valeureuse ou l’aveugle amante, tragi-comédie.
Paris, Antoine de Sommaville, 1634.
In-8° ; 196 p.
La présente édition a été établie à partir de l’édition originale de 1634 qui apparaît comme suit (Bibliothèque Nationale de France : YF 4823) :
(I) Frontispice gravé
(II) Verso blanc
(III) Page de titre : LA / SOEUR / VALEUREUSE / OU / L’AVEUGLE / AMANTE. / TRAGI-COMEDIE / DEDIE’E A MONSEIGNEUR / le Duc de Vandosme. /par le SrMareschal. / [vignette] / A PARIS, / Chez Anthoine de Sommaville, dans la / galerie du Palais à l’Escu de France. / M. DC. XXXIIII. / AVEC PRIVILEGE DU ROY.
(IV) Verso blanc
(V-IX) Dédicace au Duc de Vandosme
(X-XVI) Poèmes liminaires (De Scudéry, Mairet, [X] ; De Rotrou, [XI] ; Corneille, [XII-XIII] ; Du Ryer, [XIV-XVI].)
(XVII-XXIX) Argument
(XXX) Verso blanc
(XXXII-XXXIII) Blanc
(XXXIV) Acteurs
(XXXV) 196 pages (texte de la pièce), pagination arabe.
Il existe sept exemplaires de cette pièce dont voici les références :
– Paris, BN :YF 4823, YF 6872, 8°YTH 16587, 8°YTH 16588 ;
– Paris, ARS : RF 6526 ; 8BL 12668(1) ;
– Charleville-Mézières, BM : A 1491.
La bibliothèque de la Sorbonne possède un exemplaire (Paris, BU Sorbonne : R.ra747) dont la page de titre porte la date de 1635. En fait il s’agit toujours de la même édition, mais le cahier K a été recomposé et Sommaville en a profité pour modifier la date de la page de titre. Sans doute le premier tirage était-il épuisé, et Antoine de Sommaville, disposant d’un grand nombre de cahiers en supplément, à l’exception du cahier K, a-t-il voulu les écouler en faisant croire à une nouvelle édition.
Comparaison des exemplaires §
Tous ces exemplaires, bien qu’ils procèdent de la même édition, comportent des différences :
– Il manque les pages 47 et 48 dans l’exemplaire ARS : RF 6526, et les pages de 1 à 16 incluses dans l’exemplaire ARS : 8 BL 12668(1).
– Frontispice gravé absent des exemplaires ARS : RF 6526, 8 BL 12668(1).
– Il y a eu un décalage lors de l’impression, pour les frontispices et les pages de titre, ce qui explique l’absence de la mention « Avec Privilège du Roi » dans les exemplaires suivants : BN : YF 4823, 8° YTH 16587 ; ARS : RF 6526, 8 BL 12668(1).
– p. 27 : Absence du « l » dans la didascalie « & les cherche » dans l’exemplaire ARS : RF 6526.
– v. 516 : le « -s » final de « soûpires » a été rétabli dans les exemplaire BN : YF 6872, 8° YTH 16588 ; ARS : 8 BL 12668(1).
– p. 59 : le bandeau est différent dans l’exemplaire de la BU Sorbonne : R. ra747.
– p. 82 : le bandeau est différent et il y a une coquille au mot « titre » qui est écrit « tître » dans l’exemplaire de la BU Sorbonne : R. ra747.
– p. 83 : présence d’une vignette à la fin de la scène dans les exemplaires BN : YF 6872, 8° YTH 16587 ; ARS : RF 6526 ; BU Sorbonne : R. ra747.
– p. 159 : erreur de pagination p. 129 pour p. 159 dans les exemplaire BN : 8° YTH 16587, 8° YTH 16588 ; ARS : 8 BL 12668(1) ; BM Ch. : A 1491.
– p. 194-195 : rétablissement de l’erreur d’insertion des pages 65, 66, 155, 156 entre les pages 194 et 195, dans les exemplaires ARS : RF 6526 et BU Sorbonne : R. ra747.
Différences apparaissant dans le cahier K de l’exemplaire de la Sorbonne (BU Sorbonne : R. ra747) §
– p. 145 : Coquille dans la didascalie « sã » au lieu de « sãg ».
– p. 146, v. 1806 : La coquille sur « approchez » a été corrigée, le -c- a été rétabli, et il y a une erreur de pagination p. 46 au lieu de p. 146.
– p. 147 : « Acte quastriesme » au lieu de « acte quatri. ».
– p. 149 : erreur de pagination p. 146.
– p. 151 : Absence du numéro de cahier.
– p. 152 : erreur de pagination p. 352, le bandeau est imprimé à l’envers et il est inscrit « Acte quatriesme » au lieu de « Acte quatri. ».
– p. 153 : la coquille à l’orthographe d’Oronte a été corrigée et « au cõbat » est écrit attaché « aucõbat ».
– p. 154 : les deux premières didascalies sont en gros caractères.
– p. 156 : la didascalie est en gros caractère.
– p. 157 : Absence de la didascalie de Dorame.
– p. 158 : Erreur de pagination p. 358 au lieu de p. 158.
– p. 159 : Absence de pagination, absence de la didascalie sur le côté, le mot « hazardé » est coupé « ha – zardé », et « acte quatriesme » au lieu de « acte quatri. ».
Tout cela révèle que dans l’exemplaire BU Sorbonne : R. ra747, le cahier K (p.145-160) a été recomposé.
Liste des corrections §
Dans le texte, nous avons remplacé les « u » par des « v » et les « i » par des « j ». Nous avons également remplacé les voyelles surmontées d’un tilde par les voyelles nasales correspondantes, puis nous avons rectifié les coquilles d’imprimerie ainsi que la ponctuation lorsque cela s’avérait nécessaire. Au XVIIe siècle le « a » et le « à » comme le « ou » et le « où » étaient souvent confondus, nous les avons donc corrigés. Nous avons cependant veillé à respecter l’édition originale, aucune modification n’a été apportée.
Épître : un amour violente.
Argument : Roy des perse – a tous ceux – a la Sœur – Trace – ou parmy – ayme – second ; le Roy – mes-mesme – attedoit – celle cy – celle [;]de – a cet objet – si pleines – le fonds – tout a fait – a Lucidor – a l’heure.
Pièce :
v. 126 : saugmente.
v.139 : [;] remplacé par [,].
v. 164 : a.
v. 263 : Jé.
v. 273 : mélevez.
v.286 : méloignoit.
v.295 : à.
v. 297 : à.
v.335 : déploy’ra.
v. 429 : [?] remplacé par [;]
v. 506 : seriez.
v.516 : soûpire.
v. 527 : indigné.
p. 46 : 45.
v. 665 : vers présent 2 fois.
v. 721 : portée.
v. 755 : mesmes.
v. 777 : on bien.
v. 807 : qui méprisa de sang.
v. 868 : cét.
v. 882 :quoy ? veux tu me le ravir, avant qu’on te donne.
p. 69 : didascalie, mettrnt.
p.70 : 78.
v.1045 : j’agmente.
v. 1104 : aujourhuy.
v. 1140 : môter.
p.92 : 88.
v.1146 : Oronte[*], nous l’avons supprimé car il n’y avait pas de didascalie correspondante.
p.93 : 89.
v. 1164 : sauverain.
v. 1168 : effection.
v. 1216 : voyez.
p. 97 dernière didascalie : é (au lieu de « et »).
p. 100, l. 35 : [?] remplacé par [,].
v. 1288 : à.
v. 1288 : [;] remplacé par [,].
v.1301 : ôte.
v. 1424 : trahit [,]. Ajout de la virgule.
v. 1513 : traîtres [,]. Ajout de la virgule.
v. 1650 : ou.
v. 1670 : il le treuve.
p.139 : Lycanthe au lieu d’Olympe.
v. 1763 : Te guerit tout à faict par un coup sensible.
v. 1806 : approhez.
v. 1815 : faits.
v. 1906 : me transporte ?
v.1914 : on.
v. 1941 : suis [;]. honte [;]. [;] remplacé [,].
v.1947 : fis ![*]. Nous l’avons supprimé car il n’y avait pas de didascalie correspondante.
v. 1948 : ta fait.
v. 1950 : m’òtoît.
p. 165 : Lucidor au lieu d’Olympe.
v.2038 : s’abbaise.
v. 2042 : ame [;] remplacé par une virgule.
v. 2054 : treuvent [;]. Ajout du point virgule.
v.2065 : le bruit [;]. Remplacé par une virgule.
v. 2067 : vous [,]. Ajout de la virgule.
v. 2089 : un amitié.
p. 171 : Roy de perse au lieu de Roy de Thrace.
v. 2128 : parce.
v. 2170 : pitie.
p. 180 : Gelanre. Gelrndre.
v.2209 : refuse.
v. 2246 : [?] remplacé par [,].
v. 2335 : a nos.
v. 2370 : cbangé.
LA SOEUR VALEUREUSE
OU L’AVEUGLE AMANTE.
TRAGI-COMEDIE
DEDIEE A MONSEIGNEUR le Duc de Vandosme. §
A TRES-HAUT
et TRES-PUISSANT
prince,
CESAR
DUC DE VANDOSME,
de mercoeur, de penthievre,
de Beaufort, et d’Estampes;
Prince d’Anét & de Martigues,
Pair de France. §
Monseigneur,
Cette Princesse amoureuse & Etrangere qui vous vient cercher depuis la Perse jusqu’en France, pour vous rendre l’arbitre de son amour & de sa valeur ; ne pretend pour fruits d’un si long voyage que l’honneur de vous entretenir, & le triste contentement de faire croistre au recit de ses advantures les Fontaines de Bourbon, par les larmes d’une si belle compagnie, que vostre vertu y attire cette année plustost que celles des Eaux. Ce n’est pas pour avoir sué dessous les armes, ou pour laver son front encore couvert d’une poussiere sanglante que cette SŒUR VALEUREUSE vient aux bains ; mais seulement pour y noyer son amour & sa honte, & pour sçavoir si ces divines sources minerales parmy tant de qualitez secrettes n’ont point celle du fleuve d’Oubly, afin d’y perdre la memoire de son Frere, que tous les effects d’une passion extréme n’ont pu lui rendre sensible. Je l’ay encouragé36 à ce dessein ; il est vray, je l’avouë, MONSEIGNEUR, & lui ay promis ce qu’on n’attendroit jamais ny des bains de Bourbon, ny de Plombieres, ny de Forges, ny de Pougues ; je veux dire la guerison d’une amour violente, & la facilité d’oublier un object qu’elle a aimé dés le berceau. Il n’entre icy rien du miracle, ou de la Fable ; cette action n’attend aucun effort par dessus la Nature, ni cette prose aucun ornement de la Poësie. Est-elle arrivé à Bourbon ? elle est guerie cette AVEUGLE AMANTE ; & pour oublier son amour, son Frere, et son païs, il ne luy a fallu de temps que ce peu qu’elle en a mis à vous regarder. Cét effect presques impossible que je luy avois promis, & qu’elle eust cerché vainement aux Eaux, elle l’a treuvé dans vos Yeux ; où rencontrant aussi bien qu’en vostre esprit toute chose à admirer, elle ne s’étonne que d’une seule, comme vostre front chargé de lauriers ne l’est point encore de la Couronne de toute l’Asie, puisque c’estoient de semblable visages qu’autrefois la Perse faisoit adorer dessus le Trône de ses illustres Ayeulx. Aussi vous voyez qu’elle en aime si parfaitement les traits, que pour les avoir toûjours present à ses yeux, elle porte aujourd’huy vostre portraict sur son Ecu, en cette mesme place où estoit celuy de son Frere, qu’elle avoit desja commencé d’effacer de ses pleurs, & que son amour pour vous a caché dessous une plus belle toile. Je ne croiray pas, MONSEIGNEUR, que vous soyez si peu sensible à la plus belle passion des hommes, pour n’agréer point la recerche d’une AMANTE de cette condition, & dont la passion ne cede qu’aux vœux infinis de celuy qui vous la presente. Sans blesser son honneur, ny le respect inviolable qu’il vous doit, il a cette asseurance de vous l’amener jusqu’au chevét de vostre lict ; & il n’est pas si mal en vostre estime qu’il n’espere que vous cherirez également & le don & celuy qui vous le fait, et qu’apres avoir pris plaisir à considerer la beauté de cette Fille, vous aurez assez de bonté pour le considerer luy-mesme comme,
MONSEIGNEUR,
Vostre tres-humble & tres-
obeïssant serviteur
A. MARESCHAL.
A MONSIEUR
mareschal,
pour sa sœur valeureuse
epigrame §
DE SCUDERY.
Monsieur Mareschal §
MAIRET.
A MONSIEUR
mareschal,pour sa sœur valeureuse §
DE ROTROU.
POUR LA SŒUR
valeureuse DE MONSIEURmareschal. §
CORNEILLE.
A LA SOEUR valeureuseDE MONSIEURmareschal §
DU RYER. Paris.
Argument. §
lucidor & oronte deux Gemeaux, Fils & Fille de Belyman Roy des Perses et des Medes, avoient esté élevez & nourris ensemble, & pendant leur enfance ils avoient joint à la conformité de leur visage une seconde d’humeur & de volonté, qui faisoit douter à tous ceux qui les voyoient, quelle estoit des deux la plus grande, ou la ressemblance de leurs esprits, ou celle de leurs fronts. La Nature en ce doux accord, par une puissante inclination qu’elle donna à cette Fille, la porta peu à peu à aymer, suivre, & imiter son Frere en tout, & mesme par un effort de courage à se rendre depuis compagne d’exercices, comme elle l’avoit esté de berceau. Du commencement ce n’estoit que jeu, que le Roy leur Pere appreuvoit ; mais ils sont enfin separez par la force & l’envie des années, qui font connoistre à celle-cy qu’elle est Amante, & qui obligent celuy-la à fuir d’horreur une passion qui luy paroissoit sinon criminelle pour le moins fort dereglée. Rien ne l’excusoit qu’une loy de Perse, qui permettoit à la Sœur d’estre femme de son Frere, & de joindre par ce lyen le sang qu’ailleurs une mesme naissance auroit disjoint. Mais ce pretexte n’estant pas assez puissant, pour effacer ou couvrir en l’esprit d’Oronte un vice qu’elle avoüoit elle méme par la honte qu’elle ressentoit à le commettre, ne put ôter aussi l’aversion de Lucidor. Il la quitte & la Perse mesme ; & après mille courses que ses armes luy rendirent glorieuses, borna heureusement sa fuitte en Thrace ; où parmy l’accueil & les honneurs qu’il receut, il se treuva enfin amoureux & aimé d’Olympe, fille unique du Roy de ce païs. Cette amour réjoüit le Pere, engagea doucement la Fille, & affligea Dorame qui en estoit amoureux, sur des pretentions qui sembloient auparavant asseurées par la faveur qu’il avoit auprés du Roy, & par la puissance absoluë que cette faveur luy donnoit dans tout le Royaume. Pour estre politique, plein d’esprit & d’intelligence, il n’estoit pas moins malheureux. Gelandre son Cousin l’avoit chassé de Bythinie, bien qu’il en eust la possession legitime ; & tous ses desseins depuis n’estoient qu’à se r’établir, & à reprendre les droits de la Souveraineté, qu’injustement son Cousin usurpoit sur luy. Pour cét effect, & afin de perdre aussi bien son Rival comme son Usurpateur, par un dessein et d’amour & d’ambition, il envoye à Gelandre Lucidor dans la Ville de Pruse, sous un pretexte specieux qui les trompa tous les deux, & qui fut tel. Lucidor accompagné de Melinde Sœur du favory, qui la luy avoit donnée autant pour conduite & asseurance que pour ôtage à Gelandre, pensoit fuir la colere du Roy, qui estoit aussi fausse que tous ces complots que Dorame avoit feint
que sa Majesté dressoit contre luy, sur l’enlevement de sa fille Olympe ; que ce Rival ingenieux avoit encore supposé. De mesme Gelandre en les recevant croyoit s’asseurer de la Bythinie, veu que Dorame par lettres expresses renonceoit à toutes ses pretentions, s’il pouvoit faire reüssir le mariage de sa Sœur avecque Lucidor, qu’il luy envoyoit (disoit-il) à cette intention. Si tost qu’ils sont receus dans Pruse, Dorame s’ecrie à la force, se plaint au Roy que Lucidor a enlevé sa Sœur, qu’il s’est retiré auprés de Gelandre son Usurpateur ; & demande main forte pour se vanger de l’un & de l’autre. Le Roy de Thrace envoye demander Melinde, Gelandre assuré sous main par Dorame la refuse ; les Thraces arment ; le Roy sort de Byzance avec Olympe ; Dorame a charge de toute l’Armée ; & du premier assaut l’on emporte sans resistance le Château d’Elvye fort peu distant de la Ville, où la Princesse choisit son quartier & sa retraitte : enfin pour le dire court Pruse est assiegée. Melinde dedans & instruite par son Frere de ce qu’elle devoit faire, luy envoye une lettre quelque temps aprés, par où (continuant leurs feintes) elle se plaignoit de l’insolence & des poursuittes violentes du Prince de Perse, qui feroit encore quelque effort sur son honneur, si on luy en laissoit le temps & les moyens dans les longueurs d’un siege ; que ce remede estoit trop lent & trop éloigné pour un mal si proche, & qu’il failloit prevenir ses mauvais desseins par un duel. Par cette lettre Olympe connoist ouvertement l’infidelité de Lucidor ; & c’estoit là le premier dessein de Dorame : pour le second, le Roy luy permét de se battre ; & c’estoit ce qu’il avoit pretendu par tant de feintes, & de le faire sans hazarder sa faveur ni sa fortune. Cependant qu’il travaille dans les soins de son combat, Melinde en entreprend un autre suivant ses instructions, qui estoit d’obliger le Prince de Perse à l’aymer : mais elle y est si mal-heureuse, qu’au lieu de donner de l’amour à Lucidor, elle en prend elle mesme. Dans les élans de sa nouvelle passion elle receoit le Cartel de son Frere contre son Amant, & son esprit divisé pour tous deux ne pouvant
laisser perdre l’un ou l’autre, elle fait réponse au Cartel sans le montrer à Lucidor, & comme s’il l’eust écrite luy mesme. Elle mande Dorame que la guerre estant ouverte, & luy si necessaire à son party, un Prince de sa sorte ne se pouvoit battre qu’avec une Armée, & non pas en homme privé ; qu’il ne le verroit que trop tost au front d’un Bataillon. Dorame qui n’attendoit rien moins que cette réponse, y prend son avantage ; le Roy la voit, & s’en étonne ; & Lucidor est décrié dedans toute l’Armée,où l’on prend ses raisons pour un refus. Olympe aussi en est au desespoir ; & ne pouvant souffrir l’inconstance
& la lâcheté de Lucidor, ni la vanité de Dorame, elle se resout de les punir tous les deux par sa mort, en se battant contre celuy-cy en faveur de celuy-là, qu’elle ayme trop encore pour survivre à cette double perte de son honneur & de sa fidelité. A cét effect elle fait tenir à Dorame une réponse à son Cartel, & luy assigne le combat au nom de Lucidor, au coin du bois, au dessous du Château d’Eluye.44
Déjà Oronte n’ayant pu souffrir l’absence de son Frere Lucidor, pour le cercher avoit quitté la Perse sous un habit d’homme qui ne répondoit pas mal à son courage ; & aprés avoir fait un voyage aussi long que difficile, elle s’estoit renduë en Bythinie auprés de Pruse, sur la promesse de l’Oracle qui l’avoit engagée à cette entreprise, qu’elle avoit consulté en Perse, & luy avoit réspondu :
ORACLE.
Dans la Forest d’Elvye, aprés estre guery,Ton cœur obligera Pere, Frere, & Mary.
Comme elle dormoit dans cette Forest, ayant mis bas son casque & son écu, sur lequel estoit peint son Frere ; Olympe de mesme habillée en homme passe pour aller se battre, & la prend de loin pour Dorame, qu’elle croyoit s’estre là endormy en l’attendant. Elle reconnoist bien tost son erreur, admire son visage par la force des trais qu’elle y void, qu’elle juge semblables à ceux de son Amant Lucidor, dont la peinture qu’elle treuve sur l’écu redouble son étonnement. Les transports qui l’attachent à la veuë de ces deux objets, conseillent à son desespoir de la porter à une desirable mort sous de si cheres marques ; si bien qu’avec le casque & l’écu d’Oronte elle s’en va chercher Dorame, qui la prenant pour Lucidor commence le combat contre elle. Il la tenoit à terre, & estoit déjà prest à la tuer, lors qu’Oronte y survient, qui cerchoit partout celuy qui luy avoit dérobé ses armes. Honteuse de les voir à ce coup en de si mauvaises mains, elle arrache l’écu du bras d’Olympe, & va contre Dorame qu’elle blesse, pour ne vouloir pas rendre hommage à ce portrait qu’il avoit offencé. Dorame abbatu & pensant mourir, fait reproche à Olympe sous le nom de Lucidor, de la trahison qu’il croyoit qu’on luy avoit dressée par ce tiers qui estoit survenu. Le nom de Lucidor fait courir
Oronte à Olympe pour voir si c’estoit son Frere ; mais son front decouvert luy fait voir en la place de Lucidor une Fille, & à Dorame sa Maistresse. Leur étonnement est commun : Dorame connoist son malheur, & de combien son Rival luy est preferé ; Olympe charmée à l’objet d’Oronte perd aussi l’envie de mourir ; & tous deux rendent graces au Victorieux, (car Oronte est prise pour homme,) celle-cy pour
luy estre redevable de la vie, & celuy-là pour luy devoir celle de sa Maistresse, à qui ce coup, dont il luy avoit esté obligé mesme en le recevant, l’avoit empesché de donner la mort.
45Ils se retirent tous trois au Château d’Elvye ; où Olympe ayant sceu d’Oronte que Lucidor est son Frere, en devient amoureuse ; & Dorame gueri de sa blessure l’engage à une vraye amitié par une fausse, sur l’esperance qu’il a de l’employer vers Olympe, à qui il voyoit qu’il estoit fort agreable. Il avoit encore en l’esprit une pensée plus subtile, esperant si ses desseins ne pouvoient reussir contre Lucidor, d’engager par cette amitié Oronte en son party, & d’opposer un Frere à l’autre pour se maintenir. Cét ingenieux & mauvais Amy ne manquoit pas de beaux projets, ni de pretextes pour les couvrir & les avancer ; mais le malheur sembloit avoir entrepris de les ruiner. Il introduit Oronte auprés du Roy, le jette en la faveur, afin de s’en servir plus puissamment ; mais la mesme puissance qu’il luy a donnée à la fin luy fait peur. Il l’envoye à Olympe pour luy parler favorablement de son amour ; & c’est par cette occasion qu’Olympe fait voir à Oronte qu’elle l’ayme, & que Dorame sçachant le peu de succez qu’il doit en esperer, aveugle en ses soupçons autant qu’Olympe l’estoit en sa passion, il conçoit de la jalousie d’une fille pour une autre, & prend ombrage de tous les services que luy rend Oronte.
Cependant qu’Amour fait ces broûilleries dans le Camp, il en éleve d’autres dans la Ville. Melinde pensant faire voir à Lucidor sa passion dans une lettre, par mal-heur au lieu d’elle luy presente le Cartel que son Frere envoyoit à Lucidor, & qu’elle luy avoit caché. Les mouvements de ce Prince sont grands à cét objét : il se treuve trahy d’un temps46 du Frere & de la Sœur, haï de l’un autant qu’aymé de l’autre ; & pour se vanger de tous deux, il oblige Melinde à porter
elle mesme la réponse au Cartel de son Frere, & de l’appeller au combat. C’est un effect que l’amour tire difficilement de cette mal-heureuse Amante, qui en fin quitte les interests de Dorame, pour suivre ceux de Lucidor : De cét effect en vient un autre encore plus étrange ; & Lucidor se bat contre sa Sœur Oronte, lors qu’il croyoit avoir en teste son Rival. Cette Sœur valeureuse reconnuë par son Frere justifie auprés de luy son innocence, declare que l’Oracle luy avoit promis leur rencontre en ce lieu, rapporte cette loy de Perse que j’ay ditte, & tout ce qu’elle peut luy faire excuser & agreer sa passion, qui n’a de luy que des reproches & injures pour réponse : Surquoy cette Fille outragée se porte au combat, & acheve de rage ce qu’elle n’avoit commencé que par feinte. Gelandre averti par Melinde fait une sortie pour les empécher, & n’arrive qu’apres les coups donnez, & lors que Lucidor est déjà blessé par Oronte : qui soûtenuë avantageusement des troupes de Dorame, qui tirent en campagne contre celles de la Ville, mét Lucidor en fuitte, Gelandre & les siens en déroute, & leur fait regagner la Ville sans se reconnoistre.
47Par ces actions nonpareilles elle remporte une gloire qui luy donne des louanges de toute l’Armée, augmente l’amour en Olympe, & l’éléve en une faveur si grande auprés du Roy, que Dorame jaloux déjà, en est ennuyeux tout ensemble. Ses soupçons & son desespoir s’augmente de beaucoup à la rencontre de Lycanthe, de qui il avoit gagné l’esprit & l’affection, comme d’un homme qui luy pouvoit grandement servir, en qualité d’Escuyer & de Confident d’Olympe. Cettuy-cy luy montre une lettre de sa Maistresse à Oronte, si pleine de caresses & d’amour, que Dorame asseuré de leur intelligence autant par cette lettre que par ce qu’il voit en suitte de leurs actions, que son aveuglement luy fait voir autres qu’elles ne sont en effect, donne charge à Lycanthe de prendre Oronte à main forte & de l’assassiner. Ce dessein criminel luy reussit aussi peu que les autres : Oronte est attaquée dedans la Forest d’Elvye par Lycanthe & trois de ses complices : ils y demeurent tous48 ; & cette valeureuse Fille blessée en divers endroits tombe à la fin sur le corps de son Page mort. Melinde amoureuse à l’extreme, aprés le combat de Lucidor contre Oronte, se voyant pressée avoit declaré le fond de tous les desseins de son Frere : surquoy Lucidor indigné l’avoit fait mettre dans une prison ; & pour ruiner tout à fait Dorame avoit envoyé
querir du secours en Perse, qui venoit déjà à grandes journées, & mesme le Roy en personne.
49Pendant la prison de Melinde ; Gelandre qui en estoit amoureux, mais qui avoit caché sa passion, de respect qu’il portoit à Lucidor qu’il croyoit avoir de l’amour pour elle ; voyant la scenne libre de ce côté là, méprise la perte de son Estat pour acquerir Melinde qu’il delivre de prison, afin de luy donner un témoignage de l’amour qu’il luy portoit. Oronte que Nepoleme avoit rencontrée, allant cercher Lycanthe de la part d’Olympe, à peine guerissoit de ses blessures, que Dorame l’appelle pour se battre, estant venu par le commandement du Roy la treuver au lict pour la consoler. Cette Fille aprés mille preuves de son aveugle amitié, ne luy voulant pas declarer son sexe propre, & n’osant dementir celuy qu’elle avoit emprunté, se bat par force contre ce mauvais Amy ; qu’elle desarme sans dessein, luy ayant fait tomber l’épée par un coup qu’il reçoit dedans la jointure de la main, pour s’estre luy mesme jetté entre ses armes.
Déjà les Persans estoient arrivez ; & Lucidor allant treuver son Pere au rendez-vous qu’ils s’estoient donnez en ce lieu pour se voir & parler ensemble, s’estoit tenu caché tandis que Dorame & Oronte s’y battoient. Il voit comme aprés ce coup Oronte assiste Dorame, le mene sous un arbre, luy demande pardon de cét outrage, & pleure sur sa playe. C’est ce qui le fait approcher pour les ouyr ; mais il ne se peut empécher de dire injure à ce Prince vaincu en l’estat mesme où il le voit, & de luy faire honte qu’une Fille l’y ait mis. Oronte ne peut souffrir les injures que l’on donne à son Amy ; elle se bat contre son Frere qu’elle haïssoit à l’heure autant qu’elle l’avoit aymé ; & Dorame ayant reconnu qu’Oronte est une Fille, tout étonné & tout sanglant se mét entr’eux deux pour les separer. Le Roy de Perse arrive sur ce faict, reconnoist son fils Lucidor, le veut secourir contre Oronte ; qui se jettant à ses genoux luy demande pardon, & luy fait voir qu’elle est sa Fille. Le Pere est tout confus, & se plaint contre ses enfans, de les avoir treuvez en cette sorte prest à se tuer l’un l’autre ; rendant graces à Dorame de les avoir separez, & luy donne un pardon qu’il luy demande de sa faute sans l’avoir connuë.
50Depuis ce temps le Roy de Perse veut tant de bien à Dorame, à cause qu’il l’avoit veu s’opposer au meurtre de sa Fille ou
de son Fils, que pour reconnoissance de cette action il luy accorde Oronte en mariage, aprés que par le moyen de ce Prince s’estant veu & accommodé avecque le Roy de Thrace, sur une paix commune Olympe est jointe à Lucidor. Dorame avec Oronte prend aussi le Royaume des Medes, & renonce à ses pretentions dans la Bythinie en faveur de Gelandre ; qui pour accomplir la paix & la joye possede Melinde, & au milieu du desespoir se voit élevé & compris au nombre des heureux Amants.
FIN.
LES ACTEURS §
- ORONTE. Fille du Roy de Perse.
- LUCIDOR. Son Frere, fils du Roy de Perse.
- LE ROY DE PERSE.
- LE ROY DE THRACE.
- OLYMPE. Fille du Roy de Thrace.
- DORAME. Prince de Bythinie, favory51 de Thrace.
- MELINDE. Sœur de Dorame.
- GELANDRE. Autre Prince de Bythinie.
- LYCANTHE. Escuyer* d’Olympe, confident de Dorame.
- SOLDATS 3. Assassins, et complices de Lycanthe.
- PAGE. D’Oronte.
- AUTRE PAGE.
ACTE PREMIER. §
SCENE I. §
Oronte, le casque en teste, & regardant un portrait de son Frère sur son écu*.
Oracle.
SCENE II. §
Dorame.
Lycanthe.
Dorame
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
Lycanthe.
De vous voir sans crainte, & sansDorame.
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Dorame.
Et plus grand monLycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe.
SCENE III. §
Olympe habillée en homme, avec un chapeau couvert* de plumes, & l’épée au côté.
SCENE IV. §
Oronte. S’éveillant.
SCENE IV. §
Olympe. Avec le casque & l’écu* d’Oronte.
SCENE VI. §
Dorame. S’avanceant à Olympe qu’il prend pour Lucidor.
Olympe.
Dorame.
Olympe.
SCENE VII. §
Oronte.
Dorame. Se sentant presser par Oronte.
Oronte.
Dorame.
Oronte ayant entendu nommer Lucidor.
Dorame. Reconnoissant Olympe.
Oronte.
Dorame.
Olympe.
Dorame.
Olympe.
Dorame.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Olympe.
Oronte. Parlant bas.
Olympe.
Oronte. Parlant bas.
ACTE SECOND. §
SCENE I. §
Melinde.
SCENE II. §
Gelandre. La surprenant.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
SCENE III. §
Lucidor.Sur le bord du theatre, & sans voir Melinde.
Melinde. Parlant bas & s’encourageant.
Lucidor.
Melinde. Tenant une lettre, & parlant bas.
Lucidor.
Melinde. L’écoutant & répondant en elle méme.
Lucidor.
Melinde.Parlant bas.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde. Parlant bas.
Lucidor. Lisant l’écrit qu’elle luy a donné.
Melinde. Parlant bas.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Qu’entends-je ? ah ! fuyons deLucidor. La retenant par la main.
Melinde.
CARTEL*150De Dorame à Lucidor.
Lucidor. Le lit tout haut.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor. Ayant leu ces deux papiers, & les tenant chacun d’une main.
Melinde.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor.
Lucidor.
Melinde.
Lucidor. Feignant de tirer* son épée.
Melinde.
Melinde.
Lucidor.
SCENE IV. §
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Oronte.
Dorame.
SCENE V. §
Olympe.
SCENE VI. §
Oronte. L’interrompant.
Olympe. Parlant bas.
Oronte.
Olympe. Croyant qu’Oronte ait parlé pour soy.
Oronte. Se mettant à genoux.
Olympe.
Oronte.
Olympe. Parlant bas.
Oronte. Se relevant de genoux, & faisant une grande reverence.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe baisant Oronte.
Oronte.
Olympe. Ayant treuvé ce baiser trop froid.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Olympe.
Oronte.
SCENE VII. §
Oronte.
Melinde.
Oronte.
Melinde.
Oronte.
Melinde.
Oronte.
Melinde.
REPONSE
De Lucidor, au Cartel* de Dorame.
Oronte, la lit tout haut.
Melinde. Parlant bas.
Oronte parlant bas.
Melinde parlant bas.
Oronte.
Melinde parlant bas.
Oronte ayant releu le Cartel*.
Melinde.
Oronte.
Melinde sur le bout du theatre.
Oronte aprés que Melinde s’en est allée,
SCENE VIII. §
Lucidor.
SCENE IX. §
Lucidor.
Oronte. Se sentant presser, mét bas le casque, l’écu* & l’épée
Lucidor reconnoissant sa Sœur
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
SCENE X. §
Melinde dessus les murailles avec Gelandre, tandis que Lucidor & Oronte se battent.
Gelandre.
Un accidentMelinde.
Gelandre.
Gelandre.
Oronte parlant à Lucidor, aprés l’avoir blessé.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
SCENE XI. §
Melinde.Parlant à Lucidor.
Gelandre.
Oronte. Furieuse, & ne voulant point quitter son Frere.
Dorame à ses Soldats.
Lucidor.
Oronte. Les ayant mis en déroute.
Dorame.
Oronte.
ACTE TROISIEME. §
SCENE I. §
Dorame.
SCENE II. §
Dorame.
Lycanthe.
Dorame.
Lycanthe. Luy presentant une lettre que la Princesse envoyoit à Oronte.
Dorame. Lit ainsi le dos de la lettre.
Lycanthe.
Dorame prenant la lettre.
Lycanthe.
Dorame.
Lettre
D’Olympe à Oronte
J’ay triomphé de vous mesme par vo-
stre bras, Oronte ; & l’Amour qui en
ma faveur* s’est montré plus fort que l’a-
[p. 99]
mitié & le sang, vous remercie par ma
bouche de cette victoire, que vous m’a-
vez donnée sur vous en l’emportant sur
Dorame contre Lucidor. De vray, pour
me vanger n’avoir196 pas feint de châtier l’In-
constance en la personne d’un Frere ; ni
d’en ôter l’honneur* à un amy, de qui vous
avez quitté les interests pour les miens ;
s’opposer aux fureurs de l’un, & prevenir
celles de l’autre ; emprunter le nom de
Dorame, pour soûtenir la gloire* du mien
plus avantageusement ; prendre le per-
sonnage de ce Temeraire197, pour punir un
Parjure198, & me vanger des deux ensem-
ble par un seul effort* ; N’est-ce pas vous
declarer tout à moy ? m’asseurer de vostre
deffaite envers Olympe, par vostre victoi-
re contre eux ? & me faire offrir par vostre
courage* ce Cœur glorieux*, que la bouche
eust eu honte de me presenter sans autre
effect* que la parole ? Soyez toûjours muét,
& ne me parlez plus, Oronte, que de cette
[p. 100]
sorte ; ôtez la bouche à l’Amour & luy re-
donnez les yeux, pour voir seulement vos
miracles ; ne dittes point que vous m’ay-
mez ; sinon par ce qui vous rend digne de
l’affection que je vous porte : j’apprendray
l’art d’entendre cette honneste voix de
vostre amour au milieu du silence. De
mesme toutes mes pensées* vous parleront
de la recompense que vous meritez, & que
je prepare à vostre vertu*, qui comme elle
est l’objét* ensemble & le prix de ma foix*,
recevant de moy quelque grâce* m’obligera*
du bien* mesme que vous veut
Olympe.
Lycanthe.
Dorame.
SCENE III. §
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe. Parlant bas.
Oronte.
Olympe.
Oronte. bas, & au bout du theatre.
Olympe. Parlant bas.
SCENE IV. §
Dorame. Se cachant derriere la tapisserie, pour les voir & les épier.
Olympe. Parlant bas.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Dorame. Voyant les actions d’Oronte, qui baise la main à Olympe, & parlant bas.
Oronte. Continuant à Olympe.
Dorame. Parlant bas.
Olympe.
Oronte. Se relevant de genoux.
Dorame. Parlant bas.
Olympe. Parlant bas.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Oronte. Seule, aprés qu’Olympe s’en est allée.
Dorame s’avanceant pour tuer Oronte.
Oronte.
Dorame voyant partir Oronte.
SCENE V. §
Gelandre.
SCENE VI. §
Lucidor parlant à Melinde.
Melinde à genoux devant Gelandre.
Lucidor.
Gelandre.
Melinde.
Lucidor.
Melinde.
Gelandre parlant bas.
Melinde.
Gelandre parlant bas.
Melinde.
Gelandre parlant haut.
SCENE VII. §
Lycanthe parlant aux Assassins.
Soldat.1.
Lycanthe.
Soldat.2.
Soldat.3.
Lycanthe.
SCENE VIII. §
Oronte dans le bois avec son petit Page.
Lycanthe luy presentant la lettre d’Olympe, mise à la poincte de son épée.
Oronte prenant la lettre.
Lycanthe.
Oronte.
Lycanthe en mourant.
Oronte.
Soldat.1 à ses compagnons.
Oronte. Leur montrant Lycanthe mort.
Page* aprés avoir pleuré le desastre d’Oronte ; s’encourageant & prenant l’épée de Lycanthe.
Oronte voyant combattre son Page*.
Page. Voyant son Ennemy chancelant d’un coup*, & mourant luy-méme.
Oronte.
Soldat tombant.
Oronte.
ACTE QUATRIESME. §
SCENE I. §
Dorame.
SCENE II. §
Roy de Thrace commandant à ses gens de se retirer.
Dorame considerant le Roy, & parlant bas.
Le Roy.
Dorame parlant bas.
Le Roy.
Dorame.
Le Roy.
Dorame.
Le Roy.
Dorame parlant bas.
SCENE III. §
Olympe voyant Oronte dans le lict.
Oronte.
Olympe.
Olympe.
Oronte.
Olympe.
Olympe.
Oronte.
Oronte.
Olympe.
SCENE IV. §
Dorame parlant à Olympe, qui s’avance vers luy.
[Olympe.]
Dorame tout surpris.
Olympe.
Dorame.
Olympe.
Dorame parlant bas.
Oronte.
Dorame.
Olympe parlant bas.
Dorame.
Olympe.
Oronte la voyant qui s’en va.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame retournant.
Oronte tenant l’épée haute.
Dorame parlant bas.
Oronte se levant à moitié sur son lict, pour empécher ses gens, qui s’avancent pour luy oster l’épée.
Dorame luy parlant à l’oreille.
Oronte.
Dorame s’en allant.
Oronte.
SCENE V. §
Melinde.
Gelandre.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
SCENE VI. §
Lucidor à ses Soldats
SCENE VII. §
Oronte l’épée en main, & parlant à Dorame.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Lucidor242 les voyant au combat.
Dorame voyant qu’Oronte ne fait que parer.
Oronte.
Dorame.
Oronte parlant bas.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte se sentant presser.
Dorame bléssé dans la jointure de la main, qui luy fait tomber l’épée.
Oronte.
Dorame.
Oronte de dépit du coup* qu’elle a fait.
Oronte le conduisant sous un arbre.
Dorame.
Oronte aprés l’avoir assis sur l’herbe.
Dorame.
Lucidor245 les surprenant.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte attaquant son Frere.
Dorame.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Dorame tandis qu’Oronte presse Lucidor, qui tâche de rabattre sa fureur sans se battre.
Oronte.
SCENE VIII. §
Le Roy.
Oronte à Dorame.
Dorame.
Le Roy.
Lucidor voyant son pere, laisse tomber son épée.
Oronte la laissant tomber de mesme.
Le Roy.
Lucidor.
Oronte.
Lucidor.
Oronte.
Le Roy.
Dorame.
Le Roy.
Dorame.
Lucidor le recevant & le salüant.
Oronte d’aise, les voyant embrasser.
Dorame.
Le Roy.
Dorame.
Lucidor.
ACTE CINQUIESME. §
SCENE I. §
[Olympe.]
Lucidor.
Olympe.
Lucidor.
Olympe.
Olympe.
SCENE II. §
Roy de Thrace.
Le Roy de Perse.
Roy de Thrace.
Lucidor.
Olympe.
Lucidor.
Olympe.
Lucidor.
Olympe.
Roy de Perse.
Roy de [Thrace].
Lucidor.
Le Roy de Thrace.
SCENE III. §
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
Oronte.
Dorame.
SCENE IV. §
Melinde delivrée de prison par Gelandre.
Stances.
Passage particulièrement lyrique, voir Introduction, partie sur « les formes de discours ».
SCENE V. §
Gelandre la surprenant.
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre.
Gelandre.
Page.
Gelandre.
Melinde.
Gelandre. Parlant au Page*
Melinde.
Gelandre.
Melinde.
SCENE VI. §
Le Roy de Perse. Adorant le Soleil261 dans le Temple.
Roy de Thrace. Adorant le Dieu Mars.
Lucidor.
Olympe.
Roy de Thrace donnant sa fille en mariage à Lucidor.
Roy de Perse luy presentant son fils.
Lucidor luy faisant la reverence.
Olympe.
Roy de Thrace.
SCENE VII. §
Dorame à genoux devant le Roy de Thrace.
Roy de Perse.
Oronte à genoux devant son Pere.
Roy de Perse.
Dorame.
Roy de Thrace.
Roy de Perse.
Roy de Thrace.
Dorame.
Le Roy de Perse.
Dorame.
Oronte le baisant.
[SCENE VIII.] §
Gelandre parlant bas.
Melinde.
Roy de Thrace considerant ces Amants qui s’entresaluent.
Dorame salüant Lucidor.
Lucidor.
Gelandre parlant bas.
Dorame.
Roy de Thrace.
Gelandre. Se presentant avec Melinde.
Melinde. Se découvrant le visage qu’elle avoit tenu caché.
Dorame.
Roy de Perse.
Roy de Thrace.
Dorame. Parlant à Gelandre, tandis que Melinde saluë les Roys.
Gelandre.
Olympe.
Lucidor.
Oronte.
Gelandre.
Melinde.
Roy de Perse.
FIN.
Lexique §
Liste des abréviations :
[F] : A. Furetière, Dictionnaire universel, 1690.
[R] : P. Richelet, Dictionnaire François, 1680.
[C] : G. Cayrou, Dictionnaire du français classique. « La langue du XVIIe siècle », 2000.
Annexe 1 : François Colletet (le fils), La Muse coquette (1659), « Poeme Coquet de la Bouteille. » §
FIN.
Annexe 2 : La jeunesse de Molière, De G. Michaut « Le contrat de l’Illustre Théâtre », p. 104-105. §
Furent présents en leurs personnes : Denis Beys, Germain Clerin, Jean-Baptiste Poquelin, Joseph Béjart, Nicolas Bonnenfant, Georges Pinel, Magdelaine Béjart, Magdelaine Malingue, Catherine de Surlis et Geneviève Béjart, tous demeurant, sçavoir :
Led. Beïs, rue de la Perle, Paroisse Saint-Gervais,
Led. Clerin rue Saint-Antoine, paroisse Saint-Paul ;
Led. Poquelin, rue de Thorigny, paroisse susdite ;
Lesd. Béjart, Magdelaine et Geneviefve Béjart, en lad. Rue de la Perle,
en la maison de madame leur mère, paroisse susdite,
Led. Bonnefant, en ladite rue Saint-Paul ;
Led. Pinel, rue Jean-de-Lespine, paroisse Saint-Jean-en-Grève ;
Lad. Magdelaine Malingre, vieille rue du Temple, paroisse Saint-Jean-
en Grève ;
Lad. De Surlis, rue de Poitou, paroisse Saint-Nicolas-des-Champs ;
Lesquels ont faict et accordé volontairement entre eulx les articles qui ensuivent soulz lesquelz ilz s’unissent et se lient ensemble pour l’exercice de la comédie, affin de conservation de leur trouppe soulz le nom de l’Illustre272 Théâtre ; c’est à sçavoir :
Que, pour n’oster la liberté raisonnable à personne d’entre eulx, aucun ne pourra se retirer de la trouppe sans en advertir quatre mois auparavant, comme pareillement la trouppe n’en pourra congédier aucun sans luy en donner advis les quatre mois auparavant.
Item que les pièces nouvelles de théâtre qui viendront à la trouppe seront disposées273 sans contredit par les autheurs, sans qu’aucun puisse se plaindre du rolle qui lui sera donné ; que les pièces qui seront imprimées, si l’autheur n’en dispose, seront disposées par la trouppe mesme à la pluralité des voix, sy l’on ne s’arreste à l’accord qui en est pour ce faict envers lesd. Clerin, Pocquelin et Joseph Béjart, qui doivent choisir alternativement les Héros, sans préjudice de la prérogative que tous les susd. Accordent à lad. Magdelaine Béjart, de choisir le rolle qui luy plaira.
Item que toutes les choses qui concerneront leur théâtre et les affaires qui surviendront, tant que celles que l’on prévoit que de celles que l’on ne prévoit point la trouppe les décidera à la pluralité des voix, sans que personne d’entre eulx y puisse contredire.
Item que ceulx ou celles qui sortiront de la trouppe à l’amiable suivant lad. Clause des quatre mois tireront leurs partz contingentes de tous les fraiz, décorations et autres choses généralement quelzconques qui auront esté faictes depuis le jour qu’ils seront entrez dans ladicte trouppe jusques à leur sortie, selon l’apprétiation de leur valeur présente qui sera faicte par des gens expers dont tous conviendront ensembles.
Item ceulx qui sortiront de la trouppe pour vouloir des choses qu’elle ne voudra pas, ou que lad. trouppe sera obligée de mettre dehors faulte de faire leur devoir, en ce cas ilz ne pourront prétendre à aucun partage et desdommagement des frais communs.
Item que ceulx ou celles qui sortiront de la trouppe et malicieusement ne voudront suivre aucun des articles présens, seront obligez à tous les desdommagements des fraiz de lad. trouppe et pour cet effet seront ypotecquez leurs équipages274 et généralement tous et chacuns leurs biens présens et advenir, en quelque lieu et en quelque temps qu’ilz puissent estre trouvez.
A l’entretennement duquel article toutes les parties s’obligent comme s’ils estoient majeurs, pour la nécessité de la société contractée par tous les articles cy dessus.
Et de plus il a été accordé entre tous les dessus ditz que, sy aucun d’eux vouloit auparavant qu’ils commenceront à monter leur théâtre se retirer de lad. société, qu’il sera tenu de bailler et payer au proffit des autres de la trouppe la somme de trois mil livres tournois pour les desdommager incontinent et dès qu’il sera retiré de lad. trouppe, sans que la lad. somme puisse estre censée peine comminatoire. Car ainsi a esté accordé entre lesd. Partie promettant, obligeant chacun.
Faict et passé à Paris, en la présence de noble homme André Mareschal advocat en parlement, Marie Hervé, veuve de feu Joseph Béjart vivant bourgeois de Paris, mère desd. Béjart ; et Françoise Lesguillon, femme d’Etienne de Surlis, bourgeois de Paris, père et mère de lad. de Surlis, en la maison de lad. veufve Béjart devant déclarée, l’an mil six cent quarante trois, le trentième et dernier jour de juin après midy ; et ont tous signéles présentes subjectes au scel souls les peines de l’édict.
Beys G. Clerin
J-B Poquelin J. Béjart.
Bonnenfant.. Georges Pinel
M. Béjart Magdal Malingre
Geneviefve Bejart Catherine Desurlis
A. Mareschal Marie Hervé
Françoise Lesguillon
Duchesne. Fieffé.