Scène Seconde §
Daphné, Éroxène.
Éroxène
Acante a du mérite, et t’aime tendrement.
20 D’où vient que tu lui fais un si dur traitement ?
Daphné
Tyrène vaut beaucoup, et languit pour tes charmes.
D’où vient que sans pitié tu vois couler ses larmes ?
Éroxène
Puisque j’ai fait ici la demande avant toi,
La raison te condamne à répondre avant moi.
Daphné
25 Pour tous les soins d’Acante, on me voit inflexible,
Parce qu’à d’autres vœux je me trouve sensible.
Éroxène
Je ne fais pour Tyrène éclater que rigueur,
Parce qu’un autre choix est maître de mon cœur.
Daphné
Puis-je savoir de toi ce choix qu’on te voit taire ?
Éroxène
30 Oui, si tu veux du tien m’apprendre le mystère.
Daphné
Sans te nommer celui qu’Amour m’a fait choisir,
Je puis facilement contenter ton désir,
Et de la main d’Atis, ce Peintre inimitable,
J’en garde dans ma poche un portrait admirable,
35 Qui jusques au moindre trait lui ressemble si fort,
Qu’il est sûr que tes yeux le connaîtront d’abord.
Éroxène
Je puis te contenter par une même voie,
Et payer ton secret en pareille monnaie.
J’ai de la main aussi de ce Peintre fameux,
40 Un aimable Portrait de l’objet de mes vœux,
Si plein de tous ses traits et de sa grâce extrême,
Que tu pourras d’abord te le nommer toi-même.
Daphné
La boîte que le Peintre a fait faire pour moi,
Est tout à fait semblable à celle que je vois.
Éroxène
45 Il est vrai, l’une à l’autre entièrement ressemble,
Et certes, il faut qu’Atis les ait fait faire ensemble.
Daphné
Faisons en même temps par un peu de couleurs,
Confidence à nos yeux du secret de nos cœurs.
Éroxène
Voyons à qui plus vite entendra ce langage,
50 Et qui parle le mieux, de l’un ou l’autre ouvrage.
Daphné
La méprise est plaisante, et tu te brouilles bien,
Au lieu de ton portrait, tu m’as rendu le mien.
Éroxène
Il est vrai, je ne sais comme j’ai fait la chose.
Daphné
Donne. De cette erreur ta rêverie est cause.
Éroxène
55 Que veut dire ceci ? Nous nous jouons, je crois.
Tu fais de ces Portraits même chose que moi.
Daphné
Certes, c’est pour en rire, et tu peux me le rendre.
Éroxène
Voici le vrai moyen de ne se point méprendre.
Daphné
De mes sens prévenus est-ce une illusion ?
Éroxène
60 Mon âme sur mes yeux fait-elle impression ?
Daphné
Myrtil à mes regards s’offre dans cet ouvrage.
Éroxène
De Myrtil dans ces traits je rencontre l’Image.
Daphné
C’est le jeune Myrtil qui fait naître mes feux.
Éroxène
C’est au jeune Myrtil que tendent tous mes vœux.
Daphné
65 Je venais aujourd’hui te prier de lui dire,
Les soins que pour son sort son mérite m’inspire.
Éroxène
Je venais te chercher pour servir mon ardeur,
Dans le dessein que j’ai de m’assurer son cœur.
Daphné
Cette ardeur qu’il t’inspire est-elle si puissante ?
Éroxène
70 L’aimes-tu d’une amour qui soit si violente ?
Daphné
Il n’est point de froideur qu’il ne puisse enflammer,
Et sa grâce naissante a de quoi tout charmer.
Éroxène
Il n’est Nymphe en l’aimant qui ne se tînt heureuse,
Et Diane sans honte en serait amoureuse.
Daphné
75 Rien que son air charmant ne me touche aujourd’hui ;
Et si j’avais cent cœurs, ils seraient tous pour lui.
Éroxène
Il efface à mes yeux tout ce qu’on voit paraître,
Et si j’avais un Sceptre, il en serait le Maître.
Daphné
Ce serait donc en vain qu’à chacune, en ce jour,
80 On nous voudrait du sein arracher cet amour.
Nos âmes dans leurs vœux sont trop bien affermies,
Ne tâchons, s’il se peut, qu’à demeurer amies.
Et puisque en même temps pour le même sujet,
Nous avons toutes deux formé même projet,
85 Mettons dans ce débat la franchise en usage,
Ne prenons l’une et l’autre aucun lâche avantage,
Et courons nous ouvrir ensemble à Lycarsis,
Des tendres sentiments où nous jette son fils.
Éroxène
J’ai peine à concevoir, tant la surprise est forte,
90 Comme un tel fils est né d’un père de la sorte,
Et sa taille, son air, sa parole et ses yeux,
Feraient croire qu’il est issu du sang des Dieux :
Mais enfin j’y souscris, courons trouver ce père,
Allons-lui de nos cœurs découvrir le mystère,
95 Et consentons qu’après Myrtil, entre nous deux,
Décide par son choix ce combat de nos vœux.
Daphné
Soit, je vois Lycarsis avec Mopse et Nicandre,
Ils pourront le quitter, cachons-nous pour attendre.
Scène III §
Lycarsis, Mopse, Nicandre.
Nicandre
Dis-nous donc ta nouvelle.
Lycarsis
Dis-nous donc ta nouvelle. Ah ! que vous me pressez !
100 Cela ne se dit pas comme vous le pensez.
Mopse
Que de sottes façons, et que de badinage,
Ménalque pour chanter n’en fait pas davantage.
Lycarsis
Parmi les curieux des affaires d’État,
Une nouvelle à dire est d’un puissant éclat.
105 Je me veux mettre un peu sur l’homme d’importance,
Et jouir quelque temps de votre impatience.
Nicandre
Veux-tu par tes délais nous fatiguer tous deux ?
Mopse
Prends-tu quelque plaisir à te rendre fâcheux ?
Nicandre
De grâce, parle, et mets ces mines en arrière.
Lycarsis
110 Priez-moi donc tous deux de la bonne manière,
Et me dites chacun quel don vous me ferez,
Pour obtenir de moi ce que vous désirez.
Mopse
La peste soit du fat, laissons-le là, Nicandre,
Il brûle de parler, bien plus que nous d’entendre.
115 Sa nouvelle lui pèse, il veut s’en décharger,
Et ne l’écouter pas, est le faire enrager.
Nicandre
Eh. Te voilà puni de tes façons de faire.
Lycarsis
Je m’en vais vous le dire, écoutez.
Mopse
Je m’en vais vous le dire, écoutez. Point d’affaire.
Lycarsis
Quoi vous ne voulez pas m’entendre ?
Nicandre
Quoi vous ne voulez pas m’entendre ? Non.
Lycarsis
Quoi vous ne voulez pas m’entendre ? Non. Eh bien
120 Je ne dirai donc mot, et vous ne saurez rien.
Lycarsis
Soit. Vous ne saurez pas qu’avec magnificence,
Le Roi vient d’honorer Tempé de sa présence :
Qu’il entra dans Larisse hier sur le haut du jour :
Qu’à l’aise je l’y vis avec toute sa Cour.
125 Que ces bois vont jouir aujourd’hui de sa vue,
Et qu’on raisonne fort touchant cette venue.
Nicandre
Nous n’avons pas envie aussi de rien savoir.
Lycarsis
Je vis cent choses là ravissantes à voir.
Ce ne sont que Seigneurs, qui des pieds à la tête,
130 Sont brillants et parés comme au jour d’une fête,
Ils surprennent la vue et nos prés au Printemps
Avec toutes leurs fleurs sont bien moins éclatants.
Pour le Prince entre tous, sans peine on le remarque,
Et d’une stade loin, il sent son grand Monarque,
135 Dans toute sa personne, il a je ne sais quoi,
Qui d’abord fait juger que c’est un maître Roi.
Il le fait d’une grâce à nulle autre seconde,
Et cela sans mentir lui sied le mieux du monde.
On ne croirait jamais comme de toutes parts,
140 Toute sa Cour s’empresse à chercher ses regards :
Ce sont autour de lui confusions plaisantes,
Et l’on dirait d’un tas de mouches reluisantes,
Qui suivent en tous lieux un doux rayon de miel.
Enfin l’on ne voit rien de si beau sous le Ciel,
145 Et la fête de Pan parmi nous si chérie,
Auprès de ce spectacle est une gueuserie :
Mais puisque sur le fier vous vous tenez si bien,
Je garde ma nouvelle, et ne veux dire rien.
Mopse
Et nous ne te voulons aucunement entendre.
Lycarsis
150 Allez vous promener.
Mopse
Allez vous promener. Va-t’en te faire pendre.
Scène IV §
Éroxène, Daphné, Lycarsis.
Lycarsis
C’est de cette façon que l’on punit les gens,
Quand ils font les benêts et les impertinents.
Daphné
Le Ciel tienne, Pasteur, vos brebis toujours saines.
Éroxène
Cérès tienne de grains vos granges toujours pleines.
Lycarsis
155 Et le grand Pan vous donne à chacune un Époux
Qui vous aime beaucoup, et soit digne de vous.
Daphné
Ah ! Lycarsis, nos vœux à même but aspirent.
Éroxène
C’est pour le même objet que nos deux cœurs soupirent.
Daphné
Et l’amour, cet Enfant qui cause nos langueurs,
160 A pris chez vous le trait dont il blesse nos cœurs.
Éroxène
Et nous venons ici chercher votre alliance,
Et voir qui de nous deux aura la préférence.
Daphné
Nymphes… Pour ce bien seul nous poussons des soupirs.
Éroxène
Je suis… À ce bonheur tendent tous nos désirs.
Daphné
165 C’est un peu librement expliquer sa pensée.
Éroxène
Pourquoi. La bienséance y semble un peu blessée.
Daphné
Ah point. Mais quand le cœur brûle d’un noble feu,
On peut sans nulle honte en faire un libre aveu.
Éroxène
Je… Cette liberté nous peut être permise,
170 Et du choix de nos cœurs la beauté l’autorise.
Lycarsis
C’est blesser ma pudeur que me flatter ainsi.
Éroxène
Non, non, n’affectez point de modestie ici.
Daphné
Enfin tout notre bien est en votre puissance.
Éroxène
C’est de vous que dépend notre unique espérance.
Daphné
175 Trouverons-nous en vous quelques difficultés ?
Éroxène
Ah. Nos vœux, dites-moi, seront-ils rejetés ?
Lycarsis
Non, j’ai reçu du Ciel une âme peu cruelle ;
Je tiens de feu ma femme, et je me sens comme elle
Pour les désirs d’autrui beaucoup d’humanité,
180 Et je ne suis point homme à garder de fierté.
Daphné
Accordez donc Myrtil à notre amoureux zèle.
Éroxène
Et souffrez que son choix règle notre querelle.
Daphné
Myrtil ? Oui, c’est Myrtil que de vous nous voulons.
Éroxène
De qui pensez-vous donc qu’ici nous vous parlons ?
Lycarsis
185 Je ne sais, mais Myrtil n’est guère dans un âge
Qui soit propre à ranger au joug du mariage.
Daphné
Son mérite naissant peut frapper d’autres yeux,
Et l’on veut s’engager un bien si précieux,
Prévenir d’autres cœurs, et braver la fortune
190 Sous les fermes liens d’une chaîne commune.
Éroxène
Comme par son esprit et ses autres brillants,
Il rompt l’ordre commun et devance le temps,
Notre flamme pour lui veut en faire de même,
Et régler tous ses vœux sur son mérite extrême.
Lycarsis
195 Il est vrai qu’à son âge, il surprend quelquefois.
Et cet Athénien qui fut chez moi vingt mois,
Qui le trouvant joli, se mit en fantaisie
De lui remplir l’esprit de sa philosophie,
Sur de certains discours l’a rendu si profond,
200 Que tout grand que je suis, souvent il me confond.
Mais, avec tout cela, ce n’est encore qu’enfance,
Et son fait est mêlé de beaucoup d’innocence.
Daphné
Il n’est point tant enfant, qu’à le voir chaque jour,
Je ne le croie atteint déjà d’un peu d’amour,
205 Et plus d’une aventure à mes yeux s’est offerte,
Où j’ai connu qu’il suit la jeune Mélicerte.
Éroxène
Ils pourraient bien s’aimer, et je vois…
Lycarsis
Ils pourraient bien s’aimer, et je vois… Franc abus.
Pour elle passe encore, elle a deux ans de plus,
Et deux ans dans son sexe est une grande avance.
210 Mais pour lui, le jeu seul l’occupe tout, je pense,
Et les petits désirs de se voir ajusté
Ainsi que les Bergers de haute qualité.
Daphné
Enfin nous désirons par le nœud d’hyménée,
Attacher sa fortune à notre destinée.
Éroxène
215 Nous voulons l’une et l’autre avec pareille ardeur,
Nous assurer de loin l’empire de son cœur.
Lycarsis
Je m’en tiens honoré autant qu’on saurait croire.
Je suis un pauvre Pâtre, et ce m’est trop de gloire,
Que deux Nymphes d’un rang le plus haut du pays,
220 Disputent à se faire un époux de mon fils.
Puisqu’il vous plaît qu’ainsi la chose s’exécute,
Je consens que son choix règle votre dispute,
Et celle qu’à l’écart laissera cet arrêt,
Pourra pour son recours m’épouser, s’il lui plaît.
225 C’est toujours même sang et presque même chose.
Mais le voici, souffrez qu’un peu je le dispose,
Il tient quelque moineau qu’il a pris fraîchement.
Et voilà ses amours et son attachement.
Scène V §
Myrtil, Lycarsis, Éroxène, Daphné.
Myrtil
Innocente petite bête,
230 Qui contre ce qui vous arrête,
Vous débattez tant à mes yeux,
De votre liberté ne plaignez point la perte,
Votre destin est glorieux,
Je vous ai pris pour Mélicerte.
235 Elle vous baisera, vous prenant dans sa main,
Et de vous mettre en son sein,
Elle vous fera la grâce.
Est-il un sort au monde et plus doux et plus beau ?
Et qui des Rois, hélas, heureux petit moineau,
240 Ne voudrait être en votre place ?
Lycarsis
Myrtil, Myrtil, un mot, laissons là ces joyaux,
Il s’agit d’autre chose ici que de moineaux.
Ces deux Nymphes, Myrtil, à la fois te prétendent,
Et tout jeune déjà pour époux te demandent.
245 Je dois par un Hymen t’engager à leurs vœux,
Et c’est toi que l’on veut qui choisisse des deux.
Lycarsis
Ces Nymphes… Oui ; des deux tu peux en choisir une ;
Vois quel est ton bonheur, et bénis la fortune.
Myrtil
Ce choix qui m’est offert, peut-il m’être un bonheur,
250 S’il n’est aucunement souhaité de mon cœur ?
Lycarsis
Enfin, qu’on le reçoive, et que sans se confondre,
A l’honneur qu’elles font, on songe à bien répondre.
Éroxène
Malgré cette fierté qui règne parmi nous,
Deux Nymphes, ô Myrtil, viennent s’offrir à vous,
255 Et de vos qualités les merveilles écloses,
Font que nous renversons ici l’ordre des choses.
Daphné
Nous vous laissons, Myrtil, pour l’avis le meilleur,
Consulter sur ce choix vos yeux et votre cœur,
Et nous n’en voulons point prévenir les suffrages
260 Par un récit paré de tous nos avantages.
Myrtil
C’est me faire un honneur dont l’éclat me surprend ;
Mais cet honneur pour moi, je l’avoue, est trop grand.
À vos rares bontés, il faut que je m’oppose,
Pour mériter ce sort, je suis trop peu de chose :
265 Et je serais fâché, quels qu’en soient les appas,
Qu’on vous blâmât pour moi de faire un choix trop bas.
Éroxène
Contentez nos désirs, quoi qu’on en puisse croire,
Et ne vous chargez point du soin de notre gloire.
Daphné
Non, ne descendez point dans ces humilités,
270 Et laissez-nous juger ce que vous méritez.
Myrtil
Le choix qui m’est offert s’oppose à votre attente,
Et peut seul empêcher que mon cœur vous contente.
Le moyen de choisir de deux grandes beautés,
Égales en naissance, et rares qualités ?
275 Rejeter l’une ou l’autre est un crime effroyable ;
Et n’en choisir aucune est bien plus raisonnable.
Éroxène
Mais en faisant refus de répondre à nos vœux,
Au lieu d’une, Myrtil, vous en outragez deux.
Daphné
Puisque nous consentons à l’arrêt qu’on peut rendre,
280 Ces raisons ne font rien à vouloir s’en défendre.
Myrtil
Eh bien, si ces raisons ne vous satisfont pas,
Celle-ci le fera, j’aime d’autres appas,
Et je sens bien qu’un cœur, qu’un bel objet engage,
Est insensible et sourd à tout autre avantage.
Lycarsis
285 Comment donc ? qu’est-ce ci ? qui l’eût pu présumer ?
Et savez-vous, morveux, ce que c’est que d’aimer ?
Myrtil
Sans savoir ce que c’est, mon cœur a su le faire.
Lycarsis
Mais cet amour me choque, et n’est pas nécessaire.
Myrtil
Vous ne deviez donc pas, si cela vous déplaît,
290 Me faire un cœur sensible et tendre comme il est.
Lycarsis
Mais ce cœur que j’ai fait, me doit obéissance.
Myrtil
Oui, lorsque d’obéir il est en sa puissance.
Lycarsis
Mais enfin, sans mon ordre, il ne doit point aimer.
Myrtil
Que n’empêchiez-vous donc que l’on pût le charmer ?
Lycarsis
295 Eh bien, je vous défends que cela continue.
Myrtil
La défense, j’ai peur, sera trop tard venue.
Lycarsis
Quoi, les pères n’ont pas des droits supérieurs ?
Myrtil
Les Dieux qui sont bien plus ne forcent point les cœurs.
Lycarsis
Les Dieux… Paix, petit sot, cette philosophie
300 Me…
Daphné
Me… Ne vous mettez point en courroux, je vous prie.
Lycarsis
Non, je veux qu’il se donne à l’une pour époux,
Ou je vais lui donner le fouet tout devant vous :
Ah, ah, je vous ferai sentir que je suis père.
Daphné
Traitons, de grâce, ici les choses sans colère.
Éroxène
305 Peut-on savoir de vous cet objet si charmant,
Dont la beauté, Myrtil, vous a fait son Amant ?
Myrtil
Mélicerte, Madame, elle en peut faire d’autres.
Éroxène
Vous comparez, Myrtil, ses qualités aux nôtres ?
Daphné
Le choix d’elle et de nous est assez inégal.
Myrtil
310 Nymphes, au nom des Dieux, n’en dites point de mal,
Daignez considérer, de grâce, que je l’aime,
Et ne me jetez point dans un désordre extrême.
Si j’outrage en l’aimant vos célestes attraits,
Elle n’a point de part au crime que je fais :
315 C’est de moi, s’il vous plaît, que vient toute l’offense.
Il est vrai d’elle à vous, je sais la différence ;
Mais par sa destinée on se trouve enchaîné,
Et je sens bien enfin que le Ciel m’a donné
Pour vous tout le respect, Nymphes, imaginable :
320 Pour elle tout l’amour dont une âme est capable.
Je vois à la rougeur qui vient de vous saisir,
Que ce que je vous dis ne vous fait pas plaisir.
Si vous parlez, mon cœur appréhende d’entendre
Ce qui peut le blesser par l’endroit le plus tendre :
325 Et pour me dérober à de semblables coups,
Nymphes, j’aime bien mieux prendre congé de vous.
Lycarsis
Myrtil, holà, Myrtil, veux-tu revenir, traître.
Il fuit, mais on verra qui de nous est le maître.
Ne vous effrayez point de tous ces vains transports,
330 Vous l’aurez pour époux, j’en réponds corps pour corps.
Fin du premier Acte.