Scène Première §
Psyché
Effroyables replis des ondes infernales,
Noirs Palais où Mégère et ses Sœurs font leur Cour,
Éternels ennemis du Jour,
Parmi vos Ixions, et parmi vos Tantales,
1675 Parmi tant de tourments qui n’ont point d’intervalles,
Est-il dans votre affreux séjour
Quelques peines qui soient égales
Aux travaux où Vénus condamne mon amour ?
Elle n’en peut être assouvie,
1680 Et depuis qu’à ses lois je me trouve asservie,
Depuis qu’elle me livre à ses ressentiments,
Il m’a fallu dans ces cruels moments
Plus d’une âme, et plus d’une vie,
Pour remplir ses commandements.
1685 Je souffrirais tout avec joie,
Si, parmi les rigueurs que sa haine déploie,
Mes yeux pouvaient revoir, ne fût-ce qu’un moment,
Ce cher, cet adorable Amant :
Je n’ose le nommer ; ma bouche criminelle
1690 D’avoir trop exigé de lui,
S’en est rendue indigne, et dans ce dur ennui
La souffrance la plus mortelle
Dont m’accable à toute heure un renaissant trépas,
Est celle de ne le voir pas.
1695 Si son courroux durait encore,
Jamais aucun malheur n’approcherait du mien :
Mais s’il avait pitié d’une âme qui l’adore,
Quoi qu’il fallût souffrir, je ne souffrirais rien.
Oui, Destins, s’il calmait cette juste colère,
1700 Tous mes malheurs seraient finis :
Pour me rendre insensible aux fureurs de la Mer,
Il ne faut qu’un regard d’un Fils.
Je n’en veux plus douter, il partage ma peine,
Il voit ce que je souffre, et souffre comme moi,
1705 Tout ce que j’endure le gêne,
Lui-même il s’en impose une amoureuse loi :
En dépit de Vénus, en dépit de mon crime,
C’est lui qui me soutient, c’est lui qui me ranime,
Au milieu des périls où l’on me fait courir :
1710 Il garde la tendresse où son feu le convie,
Et prend soin de me rendre une nouvelle vie,
Chaque fois qu’il me faut mourir.
Mais que me veulent ces deux Ombres
Qu’à travers le faux jour de ces Demeures sombres
1715 J’entrevois s’avancer vers moi ?
Scène II §
Psyché, Cléomène, Agénor
Psyché
Cléomène, Agénor, est-ce vous que je vois ?
Qui vous a ravi la lumière ?
Cléomène
La plus juste douleur, qui d’un beau désespoir
Nous eût pu fournir la matière,
1720 Cette pompe funèbre, où du sort le plus noir
Vous attendiez la rigueur la plus fière,
L’injustice la plus entière.
Agénor
Sur ce même Rocher, où le Ciel en courroux
Vous promettait au lieu d’Époux
1725 Un Serpent dont soudain vous seriez dévorée,
Nous tenions la main préparée
À repousser sa rage, ou mourir avec vous.
Vous le savez, Princesse, et lorsqu’à notre vue
Par le milieu des airs vous êtes disparue,
1730 Du haut de ce Rocher pour suivre vos beautés,
Ou plutôt pour goûter cette amoureuse joie
D’offrir pour vous au Monstre une première proie,
D’amour et de douleur l’un et l’autre emportés,
Nous nous sommes précipités.
Cléomène
1735 Heureusement déçus au sens de votre Oracle,
Nous en avons ici reconnu le miracle,
Et su que le Serpent prêt à vous dévorer
Était le Dieu qui fait qu’on aime,
Et qui tout Dieu qu’il est, vous adorant lui-même,
1740 Ne pouvait endurer
Qu’un Mortel comme nous osât vous adorer.
Agénor
Pour prix de vous avoir suivie,
Nous jouissons ici d’un trépas assez doux :
Qu’avions-nous affaire de vie,
1745 Si nous ne pouvions être à vous ?
Nous revoyons ici vos charmes
Qu’aucun des deux là -haut n’aurait revus jamais,
Heureux si nous voyons la moindre de vos larmes
Honorer des malheurs que vous nous avez faits.
Psyché
1750 Puis-je avoir des larmes de reste
Après qu’on a porté les miens au dernier point ?
Unissons nos soupirs dans un sort si funeste,
Les soupirs ne s’épuisent point.
Mais vous soupireriez, Princes, pour une ingrate,
1755 Vous n’avez point voulu survivre à mes malheurs,
Et quelque douleur qui m’abatte,
Ce n’est point pour vous que je meurs.
Cléomène
L’avons-nous mérité, nous dont toute la flamme
N’a fait que vous lasser du récit de nos maux ?
Psyché
1760 Vous pouviez mériter, Princes, toute mon âme,
Si vous n’eussiez été Rivaux.
Ces qualités incomparables
Qui de l’un et de l’autre accompagnaient les vœux,
Vous rendaient tous deux trop aimables,
1765 Pour mépriser aucun des deux.
Agénor
Vous avez pu sans être injuste, ni cruelle,
Nous refuser un cœur réservé pour un Dieu.
Mais revoyez Vénus : le Destin nous rappelle,
Et nous force à vous dire Adieu.
Psyché
1770 Ne vous donne-t-il point le loisir de me dire
Quel est ici votre séjour ?
Cléomène
Dans des Bois toujours verts, où d’amour on respire,
Aussitôt qu’on est mort d’amour.
D’amour on y revit, d’amour on y soupire,
1775 Sous les plus douces lois de son heureux Empire,
Et l’éternelle nuit n’ose en chasser le jour,
Que lui-même il attire
Sur nos fantômes qu’il inspire,
Et dont aux Enfers même il se fait une Cour.
Agénor
1780 Vos envieuses Sœurs après nous descendues1775
Pour vous perdre se sont perdues,
Et l’une et l’autre tour à tour,
Pour le prix d’un conseil qui leur coûte la vie,
À côté d’Ixion, à côté de Titye,
1785 Souffre tantôt la roue, et tantôt le Vautour.
L’Amour, par les Zéphyrs s’est fait prompte justice
De leur envenimée et jalouse malice :
Ces Ministres ailés de son juste courroux,
Sous couleur de les rendre encore auprès de vous,
1790 Ont plongé l’une et l’autre au fond d’un précipice,
Où le spectacle affreux de leurs corps déchirés
N’étale que le moindre et le premier supplice
De ces conseils dont l’artifice
Fait les maux dont vous soupirez.
Psyché
1795 Que je les plains !
Cléomène
Vous êtes seule à plaindre.
Mais nous demeurons trop à vous entretenir,
Adieu, puissions-nous vivre en votre souvenir,
Puissiez-vous, et bientôt, n’avoir plus rien à craindre,
1800 Puisse, et bientôt, l’Amour vous enlever aux Cieux,
Vous y mettre à côté des Dieux,
Et rallumant un feu qui ne se puisse éteindre,
Affranchir à jamais l’éclat de vos beaux yeux
D’augmenter le jour en ces lieux.
Scène IV §
L’Amour, Psyché évanouie
L’Amour
Votre péril, Psyché, dissipe ma colère,
Ou plutôt de mes feux l’ardeur n’a point cessé,
Et bien qu’au dernier point vous m’ayez su déplaire,
1840 Je ne me suis intéressé
Que contre celle de ma Mère.
J’ai vu tous vos travaux, j’ai suivi vos malheurs,
Mes soupirs ont partout accompagné vos pleurs ;
Tournez les yeux vers moi, je suis encor le même.
1845 Quoi ? je dis et redis tout haut que je vous aime,
Et vous ne dites point, Psyché, que vous m’aimez !
Est-ce que pour jamais vos beaux yeux sont fermés ?
Qu’à jamais la clarté leur vient d’être ravie ?
Ô mort, devais-tu prendre un dard si criminel,
1850 Et sans aucun respect pour mon Être éternel
Attenter à ma propre vie ?
Combien de fois, ingrate Déité,
Ai-je grossi ton noir Empire,
Par les mépris et par la cruauté
1855 D’une orgueilleuse ou farouche beauté ?
Combien même, s’il le faut dire,
T’ai-je immolé de fidèles Amants
À force de ravissements ?
Va, je ne blesserai plus d’âmes,
1860 Je ne percerai plus de cœurs,
Qu’avec des dards trempés aux divines liqueurs
Qui nourrissent du Ciel les immortelles flammes,
Et n’en lancerai plus que pour faire à tes yeux
Autant d’Amants, autant de Dieux.
1865 Et vous, impitoyable Mère,
Qui la forcez à m’arracher
Tout ce que j’avais de plus cher,
Craignez à votre tour l’effet de ma colère.
Vous me voulez faire la loi,
1870 Vous qu’on voit si souvent la recevoir de moi !
Vous qui portez un cœur sensible comme un autre,
Vous enviez au mien les délices du vôtre !
Mais dans ce même cœur j’enfoncerai des coups,
Qui ne seront suivis que de chagrins jaloux ;
1875 Je vous accablerai de honteuses surprises,
Et choisirai partout à vos vœux les plus doux
Des Adonis et des Anchises,
Qui n’auront que haine pour vous.
Scène V §
Vénus, L’Amour, Psyché évanouie
Vénus
La menace est respectueuse,
1880 Et d’un enfant qui fait le révolté
La colère présomptueuse…
L’Amour
Je ne suis plus enfant, et je l’ai trop été,
Et ma colère est juste autant qu’impétueuse.
Vénus
L’impétuosité s’en devrait retenir,
1885 Et vous pourriez vous souvenir
Que vous me devez la naissance.
L’Amour
Et vous pourriez n’oublier pas
Que vous avez un cœur et des appas
Qui relèvent de ma puissance :
1890 Que mon arc de la vôtre est l’unique soutien,
Que sans mes traits elle n’est rien,
Et que si les cœurs les plus braves
En triomphe par vous se sont laissé traîner,
Vous n’avez jamais fait d’Esclaves
1895 Que ceux qu’il m’a plu d’enchaîner.
Ne me vantez donc plus ces droits de la naissance
Qui tyrannisent mes désirs ;
Et si vous ne voulez perdre mille soupirs,
Songez en me voyant à la reconnaissance,
1900 Vous qui tenez de ma puissance
Et votre gloire et vos plaisirs.
Vénus
Comment l’avez-vous défendue,
Cette gloire dont vous parlez ?
Comment me l’avez-vous rendue ?
1905 Et quand vous avez vu mes Autels désolés,
Mes Temples violés,
Mes honneurs ravalés,
Si vous avez pris part à tant d’ignominie,
Comment en a-t-on vu punie
1910 Psyché qui me les a volés ?
Je vous ai commandé de la rendre charmée
Du plus vil de tous les Mortels,
Qui ne daignât répondre à son âme enflammée
Que par des rebuts éternels,
1915 Par les mépris les plus cruels,
Et vous-même l’avez aimée !
Vous avez contre moi séduit des Immortels,
C’est pour vous qu’à mes yeux les Zéphyrs l’ont cachée,
Qu’Apollon même suborné
1920 Par un oracle adroitement tourné
Me l’avait si bien arrachée,
Que si sa curiosité
Par une aveugle défiance
Ne l’eût rendue à ma vengeance,
1925 Elle échappait à mon cœur irrité.
Voyez l’état où votre amour l’a mise,
Votre Psyché : son âme va partir,
Voyez, et si la vôtre en est encore éprise,
Recevez son dernier soupir.
1930 Menacez, bravez-moi, cependant qu’elle expire :
Tant d’insolence vous sied bien,
Et je dois endurer, quoi qu’il vous plaise dire,
Moi qui sans vos traits ne puis rien.
L’Amour
Vous ne pouvez que trop, Déesse impitoyable,
1935 Le Destin l’abandonne à tout votre courroux :
Mais soyez moins inexorable
Aux prières, aux pleurs d’un Fils à vos genoux.
Ce doit vous être un spectacle assez doux,
De voir d’un œil Psyché mourante,
1940 Et de l’autre ce Fils d’une voix suppliante
Ne vouloir plus tenir son bonheur que de vous.
Rendez-moi ma Psyché, rendez-lui tous ses charmes,
Rendez-la, Déesse, à mes larmes,
Rendez à mon amour, rendez à ma douleur
1945 Le charme de mes yeux, et le choix de mon cœur.
Vénus
Quelque amour que Psyché vous donne,
De ses malheurs par moi n’attendez pas la fin :
Si le Destin me l’abandonne,
Je l’abandonne à son Destin.
1950 Ne m’importunez plus, et dans cette infortune
Laissez-la sans Vénus triompher, ou périr. 1945
L’Amour
Hélas ! si je vous importune,
Je ne le ferais pas, si je pouvais mourir.
Vénus
Cette douleur n’est pas commune,
1955 Qui force un Immortel à souhaiter la mort.
L’Amour
Voyez par son excès si mon amour est fort.
Ne lui ferez-vous grâce aucune ?
Vénus
Je vous l’avoue, il me touche le cœur,
Votre amour, il désarme, il fléchit ma rigueur :
1960 Votre Psyché reverra la lumière.
L’Amour
Que je vous vais partout faire donner d’encens !
Vénus
Oui, vous la reverrez dans sa beauté première :
Mais de vos vœux reconnaissants
Je veux la déférence entière.
1965 Je veux qu’un vrai respect laisse à mon amitié
Vous choisir une autre Moitié.
L’Amour
Et moi, je ne veux plus de grâce,
Je reprends toute mon audace,
Je veux Psyché, je veux sa foi,
1970 Je veux qu’elle revive et revive pour moi,
Et tiens indifférent que votre haine lasse,
En faveur d’une autre se passe.
Jupiter qui paraît va juger entre nous
De mes emportements, et de votre courroux.
Après quelques éclairs et roulements de Tonnerre, Jupiter paraît en l’air sur son Aigle.
Scène Dernière §
Jupiter, Vénus, L’Amour, Psyché
L’Amour
1975 Vous à qui seul tout est possible,
Père des Dieux, Souverain des mortels,
Fléchissez la rigueur d’une Mère inflexible
Qui sans moi n’aurait point d’Autels.
J’ai pleuré, j’ai prié, je soupire, menace,
1980 Et perds menaces et soupirs ;
Elle ne veut pas voir que de mes déplaisirs
Dépend du Monde entier l’heureuse, ou triste face,
Et que si Psyché perd le jour,
Si Psyché n’est à moi, je ne suis plus l’Amour.
1985 Oui, je romprai mon arc, je briserai mes flèches,
J’éteindrai jusqu’à mon flambeau,
Je laisserai languir la Nature au tombeau ;
Ou si je daigne aux cœurs faire encor quelques brèches,
Avec ces pointes d’or qui me font obéir
1990 Je vous blesserai tous là-haut pour des Mortelles,
Et ne décocherai sur elles
Que des traits émoussés qui forcent à haïr,
Et qui ne font que des rebelles,
Des ingrates, et des cruelles.
1995 Par quelle tyrannique loi
Tiendrai-je à vous servir mes armes toujours prêtes,
Et vous ferai-je à tous conquêtes sur conquêtes,
Si vous me défendez d’en faire une pour moi ?
Jupiter
Ma Fille, sois-lui moins sévère.
2000 Tu tiens de sa Psyché le destin en tes mains,
La Parque au moindre mot va suivre ta colère,
Parle, et laisse-toi vaincre aux tendresses de Mère,
Ou redoute un courroux que moi-même je crains.
Veux-tu donner le monde en proie
2005 À la haine, au désordre, à la confusion,
Et d’un Dieu d’union,
D’un Dieu de douceurs et de joie,
Faire un Dieu d’amertume et de division ?
Considère ce que nous sommes,
2010 Et si les passions doivent nous dominer,
Plus la vengeance a de quoi plaire aux Hommes,
Plus il sied bien aux Dieux de pardonner.
Vénus
Je pardonne à ce Fils rebelle ;
Mais voulez-vous qu’il me soit reproché
2015 Qu’une misérable Mortelle,
L’objet de mon courroux, l’orgueilleuse Psyché,
Sous ombre qu’elle est un peu belle,
Par un Hymen dont je rougis,
Souille mon alliance, et le lit de mon Fils ?
Jupiter
2020 Hé bien, je la fais immortelle,
Afin d’y rendre tout égal.
Vénus
Je n’ai plus de mépris, ni de haine pour elle,
Et l’admets à l’honneur de ce nœud conjugal.
Psyché, reprenez la lumière,
2025 Pour ne la reperdre jamais,
Jupiter a fait votre paix,
Et je quitte cette humeur fière
Qui s’opposait à vos souhaits.
Psyché
C’est donc vous, ô grande Déesse,
2030 Qui redonnez la vie à ce cœur innocent !
Vénus
Jupiter vous fait grâce, et ma colère cesse.
Vivez, Vénus l’ordonne ; aimez, elle y consent.
Psyché, à l’Amour.
Je vous revois enfin, cher objet de ma flamme !
L’Amour, à Psyché.
Je vous possède enfin, délices de mon âme !
Jupiter
2035 Venez, Amants, venez aux Cieux
Achever un si grand et si digne Hyménée ;
Viens-y, belle Psyché, changer de Destinée,
Viens prendre place aux rang des Dieux.
Deux grandes Machines descendent aux deux côtés de Jupiter, cependant qu’il dit ces derniers Vers. Vénus avec sa Suite monte dans l’une, l’Amour avec Psyché dans l’autre, et tous ensemble remontent au Ciel.
Les Divinités qui avaient été partagées entre Vénus et son Fils, se réunissent en les voyant d’accord ; et toutes ensemble par des Concerts, des Chants, et des Danses, célèbrent la Fête des Noces de l’Amour.
Apollon paraît le premier et, comme Dieu de l’Harmonie commence à chanter, pour inviter les autres Dieux à se réjouir.
Récit d’Apollon
Unissons-nous, Troupe immortelle ;
2040 Le Dieu d’Amour devient heureux amant,
Et Vénus a repris sa douceur naturelle
En faveur d’un Fils si charmant :
Il va goûter en paix, après un long tourment,
Une félicité qui doit être éternelle.
Toutes les Divinités chantent ensemble ce Couplet à la gloire de l’Amour.
2045 Célébrons ce grand jour ;
Célébrons tous une Fête si belle :
Que nos Chants en tous lieux en portent la nouvelle,
Qu’ils fassent retentir le céleste séjour :
Chantons, répétons, tour à tour,
2050 Qu’il n’est point d’Âme si cruelle
Qui tôt ou tard ne se rende à l’Amour.
Apollon continue.
Le Dieu qui nous engage
À lui faire la Cour,
Défend qu’on soit trop sage.
2055 Les plaisirs ont leur tour,
C’est leur plus doux usage,
Que de finir les soins du Jour.
La Nuit est le partage
Des Jeux, et de l’Amour.
2060 Ce serait grand dommage
Qu’en ce charmant Séjour
On eût un cœur sauvage.
Les Plaisirs ont leur tour,
C’est leur plus doux usage,
2065 Que de finir les soins du Jour.
La Nuit est le partage
Des Jeux, et de l’Amour.
Deux Muses, qui ont toujours évité de s’engager sous les Lois de l’Amour, conseillent aux Belles qui n’ont point encore aimé, de s’en défendre avec soin à leur exemple.
Chanson des muses
Gardez-vous, Beautés sévères,
Les Amours font trop d’affaires,
2070 Craignez toujours de vous laisser charmer :
Quand il faut que l’on soupire,
Tout le mal n’est pas de s’enflammer ;
Le martyre
De le dire,
2075 Coûte plus cent fois que d’aimer.
second couplet des muses
On ne peut aimer sans peines,
Il est peu de douces chaînes,
À tout moment on se sent alarmer ;
Quand il faut que l’on soupire,
2080 Tout le mal n’est pas de s’enflammer ;
Le martyre
De le dire,
Coûte plus cent fois que d’aimer.
Bacchus fait entendre qu’il n’est pas si dangereux que l’Amour.
Récit de Bacchus
Si quelquefois,
2085 Suivant nos douces Lois,
La raison se perd et s’oublie,
Ce que le Vin nous cause de folie
Commence et finit en un jour ;
Mais quand un cœur est enivré d’Amour,
2090 Souvent c’est pour toute la vie.
Mome déclare qu’il n’a point de plus doux emploi que de médire, et que ce n’est qu’à l’Amour seul qu’il n’ose se jouer.
Récit de mome
Je cherche à médire !
Sur la terre et dans les Cieux ;
Je soumets à ma Satire
Les plus grands des Dieux.
2095 Il n’est dans l’Univers que l’Amour qui m’étonne ;
Il est le seul que j’épargne aujourd’hui ;
Il n’appartient qu’à lui
De n’épargner personne.
Entrée de ballet,
Composée de deux Ménades et de deux Aegypans qui suivent Bacchus.
Entrée de ballet,
Composée de quatre Polichinelles et de deux Matassins qui suivent Mome, et viennent jouer leur plaisanterie et leur badinage aux divertissements de cette grande Fête.
Bacchus et Mome qui les conduisent, chantent au milieu d’eux chacun une Chanson, Bacchus à la louange du Vin, et Mome une Chanson enjouée, sur le sujet et les avantages de la raillerie.
Récit de Bacchus
Admirons le jus de la Treille :
2100 Qu’il est puissant ! qu’il a d’attraits !
Il sert aux douceurs de la Paix,
Et dans la Guerre il fait merveille :
Mais surtout pour les Amours,
Le vin est d’un grand secours.
Récit de Mome
2105 Folâtrons, divertissons-nous,
Raillons, nous ne saurions mieux faire,
La raillerie est nécessaire
Dans les Jeux les plus doux.
Sans la douceur que l’on goûte à médire,
2110 On trouve peu de plaisirs sans ennui ;
Rien n’est si plaisant que de rire,
Quand on rit aux dépens d’autrui.
Plaisantons, ne pardonnons rien,
Rions, rien n’est plus à la mode,
2115 On court péril d’être incommode,
En disant trop de bien.
Sans la douceur que l’on goûte à médire,
On trouve peu de plaisirs sans ennui ;
Rien n’est si plaisant que de rire,
2120 Quand on rit aux dépens d’autrui.
Mars arrive au milieu du Théâtre, suivi de sa Troupe guerrière, qu’il excite à profiter de leur loisir en prenant part aux Divertissements.
Récit de Mars
Laissons en paix toute la Terre,
Cherchons de doux amusements ;
Parmi les Jeux les plus charmants,
Mêlons l’image de la Guerre.
Entrée de ballet
Suivants de Mars, qui font, en dansant avec des Enseignes, une manière d’Exercice.
DERNIÈRE ENTRÉE DE BALLET
Les Troupes différentes de la Suite d’Apollon, de Bacchus, de Mome, et de Mars, après avoir achevé leurs Entrées particulières, s’unissent ensemble, et forment la dernière Entrée, qui renferme toutes les autres.
Un Chœur de toutes les Voix et de tous les Instruments, qui sont au nombre de quarante, se joint à la Danse générale, et termine la Fête des Noces de l’Amour et de Psyché.
Dernier chœur
2125 Chantons les plaisirs charmants
Des heureux Amants,
Que tout le Ciel s’empresse
À leur faire sa cour,
Célébrons ce beau Jour
2130 Par mille doux chants d’allégresse,
Célébrons ce beau jour
Par mille doux chants pleins d’amour.
Dans le grand Salon du Palais des Tuileries, où Psyché a été représentée devant Leurs Majestés, il y avait des Timbales, des Trompettes et des Tambours, mêlés dans ces derniers Concerts ; et ce dernier Couplet se chantait ainsi.
Chantons les plaisirs charmants
Des heureux Amants.
2135 Répondez-nous, Trompettes,
Timbales et tambours :
Accordez-vous toujours
Avec le doux son des Musettes,
Accordez-vous toujours
2140 Avec le doux chant des Amours.
FIN